à Auvers-sur-Oise, Vincent van Gogh, Champ de blé sous des nuages d’orage, 1890, huile sur toile, Amsterdam
Au musée d’Orsay jusqu'au 4 février 2024 Commissariat : Emmanuel Coquery, conservateur général, directeur du développement culturel et du musée de la Bibliothèque nationale de France, Paris ; Nienke Bakker, conservatrice des peintures au Van Gogh Museum, Amsterdam. En collaboration avec Louis van Tilborgh et Teio Meedendorp, chercheurs au Van Gogh Museum, Amsterdam. Exposition organisée par l’Établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie – Valérie- Giscard-d’Estaing, Paris, et le Van Gogh Museum, Amsterdam.
Les derniers mois
Cette exposition événement – d’abord présentée au Van Gogh Museum à Amsterdam jusqu’au 3 septembre 2023 – est consacrée aux œuvres produites par Vincent van Gogh durant les deux derniers mois de sa vie à Auvers-sur-Oise, près de Paris : un véritable chant du cygne où l’artiste, plus prolifique que jamais, livre toutes ses dernières forces dans son art. L’exposition constitue l’aboutissement d’années de recherches sur cette phase cruciale de la vie de l’artiste.
Arrivé à Auvers-sur-Oise le 20 mai 1890, Vincent van Gogh y décède le 29 juillet à la suite d’une tentative de suicide. Durement éprouvé par les différentes crises subies à Arles puis dans l’asile de Saint-Rémy, Vincent van Gogh se rapproche de Paris et de son frère Théo, désormais marié et père d’un petit Vincent, pour retrouver un nouvel élan créatif. Le choix d’Auvers tient à la présence dans le village du Dr Gachet, médecin spécialisé dans le traitement de la mélancolie, et par ailleurs ami des impressionnistes.
Van Gogh s’installe au centre du village, dans l’auberge Ravoux, et explore tous les aspects du nouveau monde qui s’offre à lui, tout en luttant contre des inquiétudes multiples, alors même qu’il connaît une notoriété naissante dans la critique. Aucune exposition n’a encore été consacrée exclusivement à cette ultime période de sa carrière, alors qu’à Auvers, l’artiste a produit 73 tableaux et 33 dessins, parmi lesquels des chefs-d’œuvre iconiques comme Le Docteur Paul Gachet,
L’église d’Auvers-sur-Oise, ou encoreChamp de blé aux corbeaux. L’exposition met en lumière cette période prolixe, à travers une cinquantaine de tableaux et une vingtaine de dessins. Elle présente notamment une série unique dans l’œuvre de van Gogh : onze tableaux d’un format allongé en double carré, et se conclut par une plongée dans la dimension cinématographique du mythe van Gogh.
Biographie
La vie de van gogh 30 mars 1853 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vincent van Gogh naît à Zundert (Pays-Bas), dans une famille bourgeoise. Son père, Theodorus van Gogh, est pasteur. 1869 – 1876 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Van Gogh est employé chez Goupil & Cie, maison de commerce d’art, à La Haye, Londres puis Paris. 1878 – 1880 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Après des études abandonnées de théologie, il devient prédicateur laïc dans le Borinage, près de Mons, en Belgique, auprès d’une population de mineurs de charbon. 1880 – 1886 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Il décide de devenir artiste, prend des cours de peinture mais se forme surtout en autodidacte, à La Haye, dans la Drenthe, et à Nuenen. Son frère Theo subvient à ses besoins. février 1886 – février 1888 . . . . . . . . Il vit chez Theo à Paris, côtoie Émile Bernard, Paul Gauguin, Henri de Toulouse-Lautrec ou Paul Signac, et expose ses oeuvres. février 1888 – mai 1889 . . . . . . . . . . . . Il s’installe à Arles. Le 23 octobre, Gauguin le rejoint et travaille avec lui. Le 23 décembre, après une dispute, Van Gogh se tranche l’oreille gauche. Ses premières crises de démence apparaissent. mai 1889 – mai 1890 . . . . . . . . . . . . . . . . . Il est interné à l’asile Saint-Paul-de-Mausole, près de Saint-Rémy-de-Provence. 20 mai – 29 juillet 1890 . . . . . . . . . . . . Van Gogh s’installe à Auvers-sur-Oise, à l’auberge Ravoux. Il meurt des suites d’un coup de revolver dans la poitrine, tiré le 27 juillet.
Sa dernière toile
Les Racines 1890
Autour de l’exposition
En visite Réalité virtuelle « La palette de Van Gogh » Activité proposée pendant toute la durée de l’exposition Réservation obligatoire sur billetterie.musee-orsay.fr Durée : 10 min / tarif : 6 € (n’inclut pas le droit d’entrée au musée)
Partager la publication "VAN GOGH à Auvers-sur-Oise"
À l’occasion de la célébration des cinquante ans de la mort de Pablo Picasso, l’exposition « Picasso. Dessiner à l’infini », organisée par le Centre Pompidou en collaboration avec le Musée national Picasso - Paris, met en lumière la part la plus foisonnante de sa création à travers la présentation de près de mille œuvres (carnets, dessins et gravures).
(18 octobre 2023 – 15 janvier 2024) Galerie 1, niveau 6
qui explore toutes les possibilités du dessin.
Commissariat
Anne Lemonnier, attachée de conservation, Musée national d’art moderne
Johan Popelard, conservateur du patrimoine, en charge des arts graphiques, Musée national Picasso-Paris
Réalisation : Clara Gouraud
Montage et mixage : Antoine Dahan
Habillage musical : Sixième son
L’exposition met en lumière la part la plus foisonnante de sa création en réunissant près de mille oeuvres : carnets, dessins et gravures dont la plupart sont issues de la collection du Musée Picasso-Paris. Depuis les études de jeunesse jusqu’aux oeuvres ultimes, le dessin est le lieu, pour Picasso, d’une invention toujours renouvelée autour des puissances du trait, allant de la ligne serpentine au dessin hachuré et aux compositions proliférantes, des nuances délicates du pastel aux noirs profonds de l’encre. Cette traversée de l’oeuvre graphique, sorte de journal intime tenu compulsivement, dont les carnets sont les exemples les plus précieux, offre une immersion au coeur du travail du dessinateur. L’exposition met en avant l’extraordinaire collection du Musée national Picasso-Paris, issue des ateliers de l’artiste et conservée par lui jusqu’à sa mort. Le parcours proposé, non linéaire, bousculant la stricte chronologie, permet de créer des échos entre différentes périodes et met en regard des chefs-d’oeuvre reconnus et des dessins présentés pour la première fois. Plus grande rétrospective de l’oeuvre dessiné et gravé jamais organisée, « Picasso. Dessiner à l’infini » plonge le visiteur dans le tourbillon de la création picassienne.
Parcours de l’exposition
Visages
Au cours de son oeuvre, Pablo Picasso n’a cessé d’inventer et d’expérimenter, prenant souvent le contrepied de ce qu’il avait fait dans la période précédente. Dans ses ateliers étaient rassemblées des oeuvres de toutes les périodes et de tous les styles, accrochées ou simplement posées contre le mur, créant des dialogues inattendus, des jeux d’échos ou de dissonances. S’il est impossible d’avoir une vue globale de l’oeuvre prolifique de l’artiste, les douze dessins rassemblés ici autour du motif du visage permettent d’en saisir l’extraordinaire variété technique et stylistique, témoignant d’un questionnement toujours renouvelé sur les moyens de la représentation :
« Qu’est-ce qu’un visage, au fond ? » se demandait Picasso en 1946, « sa photo ? son maquillage ? […] Ce qui est devant ? Dedans ? Derrière ? Et le reste ? Chacun, ne le voit-il pas à sa façon ? »
Ligne pure et prolifération
En bleu
À partir de 1902, la couleur bleue devient dominante dans les oeuvres de Picasso, définissant une période de quelques années dans la production de l’artiste. Guillaume Apollinaire sera le premier à évoquer rétrospectivement ces « peintures bleues » dans un article de 1905. Les figures de marginaux et les scènes nocturnes dans les cafés, presque monochromes, acquièrent une dimension tragique. Le critique Christian Zervos note le « charme étrange » de ces figures qui reviennent « souvent hanter » le spectateur. Dans les écrits de Picasso, le bleu revient aussi avec insistance, notamment dans Les Quatre Petites Filles, une pièce de théâtre qu’il compose en 1947-1948, où il rend un hommage vibrant à cette couleur : « le bleu, le bleu, l’azur, le bleu, le bleu du blanc,le bleu du rose, le bleu lilas, le bleu du jaune, le bleu du rouge, le bleu citron, le bleu orange… ».
Saltimbanques
En 1905, les peintures, dessins et gravures de Picasso se peuplent de saltimbanques. Le cirque Medrano dresse alors son chapiteau à quelques pas de son atelier du Bateau‑Lavoir, au pied de la butte Montmartre. Mais plutôt que les feux de la piste, c’est l’envers du décor – la pauvreté, la marginalité, l’errance – que Picasso dépeint ; en cela, il s’inscrit dans une lignée poétique, celle de Charles Baudelaire et de Paul Verlaine. Les échanges avec Guillaume Apollinaire, rencontré cette même année 1905, sont fondateurs. Dans « Crépuscule », le poète évoque une arlequine « frôlée par les ombres des morts », un charlatan « crépusculaire », un arlequin « blême » et un aveugle qui « berce un bel enfant » – à l’intersection entre deux mondes, les saltimbanques sont des passeurs vers l’au-delà.
Nus rouges
Entre la fin de l’année 1906 et l’été 1907, Picasso multiplie les esquisses, notamment dans seize carnets de formats divers, à travers lesquels se cristallise progressivement la composition des Demoiselles d’Avignon. Le poète André Salmon décrit « l’inquiétude » de l’artiste dans les mois qui précèdent l’élaboration du tableau : « Il retourna ses toiles et jeta ses pinceaux. Durant de longs jours, et tant de nuits, il dessina, concrétisant l’abstrait et réduisant à l’essentiel le concret ». De grands nus féminins, dessinés à la gouache ou à l’aquarelle rouges, sont parmi les premières oeuvres qui annoncent cette intense phase de travail. Comme absorbées dans un rêve intérieur, les yeux souvent clos, ces apparitions féminines deviennent des images entêtantes, répétées d’un dessin à l’autre.
Liste des sections
derniers jours
Partager la publication "Picasso. Dessiner à l’infini"
En France, la tradition de la galette des rois vient célébrer l'épiphanie. Mais qui sont vraiment ces trois rois mages ? Que dit le texte biblique sur ces personnages ?
Ils chantent la venue des Rois Mages : 300 petits chanteurs affiliés aux Pueri Cantores entonnent La marche des rois dans la magnifique cathédrale de Saint-Louis des Invalides à Paris. De notre côté, on vous fait découvrir une nouvelle chose sur ces fameux rois dans L’éclairage !
Le texte biblique qui raconte la venue des Mages à Bethléem pour adorer Jésus
Jésus étant né à Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode voici que des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem disant : – Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Car nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus l’adorer.
Ce que le roi Hérode ayant appris il fut troublé et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple et il s’enquit auprès d’eux où devait naître le Christ.
Ils lui dirent : – À Bethléem de Judée car ainsi a-t-il été écrit par le prophète : Et toi Bethléem terre de Juda tu n’es pas la moindre parmi les principales villes de Juda car de toi sortira un chef qui paîtra Israël mon peuple.
Alors Hérode ayant fait venir secrètement les mages s’enquit avec soin auprès d’eux du temps où l’étoile était apparue. Et il les envoya à Bethléem en disant : – Allez, informez-vous exactement au sujet de l’enfant et lorsque vous l’aurez trouvé faites-le-moi savoir afin que moi aussi j’aille l’adorer.
Ayant entendu les paroles du roi ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient allait devant eux jusqu’à ce qu’elle vint et s’arrêta au-dessus du lieu où était l’enfant. À la vue de l’étoile ils se réjouirent avec une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l’enfant avec Marie sa mère et se prosternant, ils l’adorèrent puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or de l’encens et de la myrrhe. Et ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Chapitre 2 de l’Évangile de Matthieu dans le Nouveau Testament, versets 1 à 12. Traduit par les équipes de notre programme de recherches La Bible En Ses Traditions
Les trois Rois Mages : une invention de la tradition chrétienne
On passe au tapis 3 points de ce récit à travers 3 questions :
sont-ils trois ?
sont-ils rois ?
d’où sortent leurs prénoms ?
Trois mages, vraiment ?
En fait, rien n’assure qu’ils sont seulement trois. Les trois « rois mages », « Gaspard, Melchior et Balthasar », sont l’un des fruits de la tradition.
En effet, le texte du Nouveau Testament ne précise pas le nombre de mages. Plusieurs traditions ont existé. Celle qui a fini par dominer est celle qui compte trois rois, d’après les trois dons qu’ils apportent : l’or, l’encens et la myrrhe.
Des rois ou des conseillers royaux ?
Rien n’atteste non plus que les « mages » sont aussi des « rois ». C’est d’ailleurs étranger à l’esprit du texte biblique : les mages orientaux ne sont pas des rois mais plutôt des conseillers royaux. Tertullien (au tournant du IIème et du IIIème siècle) est le premier à avoir vu dans ces mages des rois, car, dit-il, l’orient était gouverné par des mages (Contre Marcion, 3,13)
Une tradition qui remonte au VIème siècle
Progressivement la tradition a aussi nommé les rois. Les prénoms Gaspard, Balthazar et Melchior apparaissent pour la première fois dans le Livre de la Caverne des trésors, ouvrage écrit en langue syriaque et attribué par plusieurs traditions manuscrites à Éphrem de Nisibe.
Bernanos s’était visiblement donné la peine de lire le texte biblique puisqu’il parle d’eux comme de simples « Mages ». Dans un petit écrit sur Luther, datant de 1943, il fait parler le Christ et propose une méditation magnifique de ce qu’est l’Eglise :
« Dès le commencement, mon Église a été ce qu’elle est encore, ce qu’elle sera jusqu’au dernier jour, le scandale des esprits forts, la déception des esprits faibles, l’épreuve et la consolation des âmes intérieures, qui n’y cherchent que moi.
Oui, frère Martin, qui m’y cherche m’y trouve, mais il faut m’y trouver, et j’y suis mieux caché qu’on le pense, ou que certains de mes prêtres prétendent vous le faire croire – plus difficile encore à découvrir que dans la petite étable de Bethléem, pour ceux qui ne vont pas humblement vers moi, derrière les Mages et les Bergers.
Car c’est vrai qu’on m’a construit des palais, avec des galeries et des péristyles sans nombre, magnifiquement éclairés jour et nuit, peuplés de gardes et de sentinelles, mais pour me trouver là, comme sur la vieille route de Judée, ensevelie sous la neige, le plus malin n’a encore qu’à me demander ce qui lui est seulement nécessaire : une étoile et un cœur pur. «
« Martin Luther », 1943, cité par A. Béguin, Bernanos par lui-même, Paris, Seuil, 1954.
Lorenzo Lotto (1480-1556), L’adoration des bergers (1534, huile sur toile, 147 x 166 cm), Pinacoteca Tosio Martinengo, Brescia (Italie). Domaine public.
Le récit de la naissance de Jésus dans l’évangile de Luc. Collège des Bernardins origine
Le texte biblique
Il advint aussi, en ces jours-là, que sortit un édit de César Auguste ordonnant de recenser tout le monde habité. Ce fut le premier recensement, Quirinius étant gouverneur de Syrie.
Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth vers la Judée, vers la ville de David qui s’appelle Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la lignée de David, pour se faire recenser avec Marie promise pour être sa femme, laquelle était enceinte.
Or il advint, comme ils étaient là, que furent accomplis les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils, celui qui fut son premier-né, et elle l’emmaillota et le coucha dans la mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle.
Il y avait dans la région même des bergers qui vivaient aux champs et qui passaient les veilles de la nuit à veiller leur troupeau. Et voici, l’ange du Seigneur se tint près d’eux et la gloire du Seigneur resplendit autour d’eux et ils furent saisis d’une grande crainte.
Mais l’ange leur dit : — Soyez sans crainte car voici, je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie, qui sera celle de tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la cité de David. Et voici pour vous le signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté placé dans une mangeoire.
Et soudain il y eut avec l’ange une multitude de l’armée céleste louant Dieu et disant : — Gloire à Dieu dans les hauteurs et sur la terre paix aux hommes, volonté bonne.
Et il advint, quand les anges les eurent quittés pour le ciel que les hommes, les bergers se disaient entre eux : — Passons donc jusqu’à Bethléem et voyons cette parole qui est arrivée que le Seigneur nous a fait connaître.
Et ils vinrent en hâte et ils trouvèrent Marie et Joseph et le nouveau-né placé dans la mangeoire.
Après avoir vu, ils firent connaître la parole qui leur avait été dite au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui les entendirent s’étonnèrent de ce que leur disaient les bergers. Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces paroles, conférant en son cœur. Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu comme il leur avait été annoncé.
Évangile selon saint Luc, chapitre 2, versets 1 à 20. Traduit du grec de la tradition byzantine par les équipes du programme de recherche La Bible en ses Traditions.
La Fuite en Egypte Caravage
L’éclairage
La Nativité : naissance d’un tout petit enfant nommé Jésus
À la veille de Noël, ce passage de l’évangile de Luc tombe à pic : il met en lumière la succession des scènes qui rythment l’événement de la Nativité.
À vrai dire, on assiste même à tout un défilé de personnages et d’allers-retours.
Premier élément qui caractérise cette naissance : il n’y a pas de place pour Joseph et Marie dans la salle commune, et Jésus nouveau-né est d’emblée placé dans une mangeoire.
Les premiers témoins de cette naissance sont les bergers des environs. Un ange leur annonce la bonne nouvelle.
L’ange messager de bonne nouvelle est ensuite rejoint par un cortège d’anges qui forme une immense chorale chantant la louange de Dieu.
Les bergers se rendent à Bethléem en hâte pour constater de leurs propres yeux cette naissance.
Tandis que Marie garde ses événements et les médite, les bergers font connaître cette bonne nouvelle et chantent la louange de Dieu.
Fra Angelico Florence
« Entre le bœuf et l’âne gris », vraiment ?
La tradition chrétienne a largement popularisé de nombreux chants de Noël, parmi lesquels le célèbre « Entre le bœuf et l’âne gris » . Mais d’où viennent ce bœuf et cet âne ? Avez-vous relevé la mention de ces deux animaux dans le texte de l’évangile ?
Certes, la mention de la « mangeoire » dans laquelle Jésus est déposé situe la scène dans un décor où le bœuf et l’âne auraient toute leur place (puisqu’une mangeoire est par définition un grand récipient où est déposée la nourriture destinée aux animaux).
Mais autant le dire d’emblée : vous ne trouverez pas la moindre trace du bœuf et de l’âne dans les évangiles. Il s’agit purement et simplement d’une tradition, qui ne s’explique pas directement par le texte de l’évangile.
Mais pourquoi le bœuf et l’âne sont-ils parmi les personnages principaux des crèches de Noël ? La tradition populaire dit que l’haleine du bœuf et de l’âne servent à réchauffer le petit Jésus. C’est une belle invention qui découle en fait d’une exégèse antique. Car la référence au bœuf et à l’âne provient… du Livre d’Isaïe, dans l’Ancien Testament !
« Le bœuf connaît son possesseur ; et l’âne, la crèche de son maître : Israël ne connaît pas, mon peuple ne réfléchit pas. » (Is 1,3)
Le prophète Isaïe reproche au peuple d’Israël de ne pas connaître ou reconnaître son Dieu — au contraire du bœuf et de l’âne qui, eux, connaissent leur maître.
Pour les Pères de l’Église, le bœuf et l’âne représentent symboliquement le peuple humble qui reconnaît son sauveur et son Dieu dans ce petit enfant posé dans une mangeoire.
Petit détour par le Livre du prophète Habacuc
Mais on peut aussi avancer une seconde explication. Dans la traduction grecque de la Bible (la Septante), un court verset du prophète Habacuc dit* :
« Tu te manifesteras au milieu de deux animaux » (Ha 3,2 LXX)
Dès les premiers siècles de notre ère, les chrétiens ont donc interprété cette prophétie comme l’annonce de la naissance de Jésus.
Finalement, c’est à partir de références issues d’Isaïe ou d’Habacuc que la tradition chrétienne a symboliquement associé le bœuf et l’âne au récit de la naissance de Jésus, même si les évangiles n’en disent rien.
*Vous ne trouverez pas cette phrase telle quelle dans les traductions de l’hébreu, car ce verset dans la version hébraïque dit : « Au milieu des années, fais-la connaître » (Ha 3,2)
Un voyage à dos d’âne ?
Le duo de l’âne et du bœuf n’est donc pas mentionné dans le texte des évangiles. Mais l’âne seul tient, lui, une place toute particulière dans les représentations des deux récits autour de Noël où on retrouve la Sainte Famille… et un âne :
Marie et Joseph viennent à Bethléem pour se faire recenser(Lc 2, 1-7). Or, ils viennent de loin (de Nazareth, 150 km plus au nord). Les peintres et les artistes ont souvent représenté ce voyage avec Marie à dos d’âne — même si rien ne le dit explicitement dans le texte.
Dans l’évangile de Matthieu, le récit de la fuite en Égypte(Mt 2, 13-23) est souvent représenté comme un voyage à dos d’âne — même si, une fois de plus, le texte de l’évangile n’en dit rien !
En fait, dans l’Ancien Testament l’âne est l’animal royal par excellence. Ainsi, lors de son entrée à Jérusalem (fêtée par les Chrétiens lors du « dimanche des Rameaux »), Jésus arrive à dos d’âne, et ce détail fait écho à un passage prophétique du Livre de Zacharie qui annonce la venue du Messie sur une monture royale, alias à dos d’âne.
Bref, on se plaît chaque semaine à décrypter les habiles indices glissés dans les tableaux des peintres inspirés par les Écritures. Il faut savoir lire les images qui peuplent nos imaginaires non pas pour les « débunker », mais pour savoir d’où viennent certaines traditions et comment elles pointent vers une vérité plus profonde ! Ainsi, on pourra mieux apprécier les chefs-d’oeuvre, à l’image de ce tableau d’Aleksender Lauréus qui fait discrètement figurer trois personnages au second plan au fond à droit. L’âne au premier plan pointe vers le voyage qui commence ici mais qui mènera Jésus jusqu’à sa passion.
Aleksander Lauréus (1783-1823), Âne sellé (1820, huile sur toile, 25 x 33 cm), Pori Art Museum (Finlande). Domaine public.
Les moutons de la crèche
Pour finir ce numéro sur la présence des animaux autour de cet enfant qui naît à Bethléem, comment ne pas mentionner les moutons ou brebis ? Pour le coup, l’évangile de Luc parle des bergers qui viennent reconnaître et saluer cet enfant. On sait que les bergers surveillent leurs troupeaux (Lc 2,8), il y avait donc des brebis.
Encore une fois, il s’agit d’un détail symbolique. Dans le Proche-Orient ancien et l’Ancien Testament, le métier de berger a une connotation royale. L’un des textes les plus célèbres à cet égard est sans doute le psaume 23. Il s’agit d’un poème qui présente Dieu sous la figure d’un berger :
« Le Seigneur me fait paître, je ne manquerai de rien. Il me fait reposer dans de verts pâturages. Il me mène près des eaux rafraîchissantes, il restaure mon âme. » (Ps 23, 1-3)
La tradition des « moutons de la crèche » trouve d’ailleurs une magnifique interprétation :
À la suite de leurs maîtres les bergers de Bethléem, les brebis et moutons viennent rendre visite à ce nouveau-né.
Ainsi, les brebis (comme le bœuf et l’âne dans le Livre d’Isaïe) peuvent symboliser l’ensemble de la création qui vient reconnaître cet enfant comme son sauveur.
Finalement, ce ne sont pas seulement Marie, Joseph et les bergers qui entourent l’enfant dans la mangeoire de Bethléem, mais aussi les anges et les animaux. Autrement dit, toute la création se trouve réunie à la crèche pour célébrer la naissance du Christ !
Juan Bautista Maíno (1581-1649), L’adoration des bergers (vers 1614, huile sur toile, 314 cm x 174 cm), Musée du Prado, Madrid (Espagne). Domaine public.
Le mot de la fin
L’image du bœuf et de l’âne prenant place avec Marie et Joseph autour du « petit Jésus » est devenue une tradition. Et le poète Jules Supervielle (1884-1960) fait partie de ceux qui ont donné à cette tradition toute sa puissance poétique.
« Sur la route de Bethléem, l’âne conduit par Joseph portait la Vierge : elle pesait peu, n’étant occupée que de l’avenir en elle. Le bœuf suivait, tout seul. Arrivés en ville, les voyageurs pénétrèrent dans une étable abandonnée et Joseph se mit aussitôt au travail.
“Ces hommes, songeait le bœuf, sont tout de même étonnants. Voyez ce qu’ils parviennent à faire de leurs mains et de leurs bras. Cela vaut certes mieux que nos sabots et nos paturons. Et notre maître n’a pas son pareil pour arranger les choses, redresser le tordu et tordre le droit, faire ce qu’il faut sans regret ni mélancolie.”
Joseph sort et ne tarde pas à revenir, portant sur le dos de la paille, mais quelle paille, si vivace et ensoleillée qu’elle est un commencement de miracle.
“Que prépare-t-on là ? se dit l’âne. On dirait qu’ils font un petit lit d’enfant«
“On aura peut-être besoin de vous cette nuit”, dit la Vierge au bœuf et à l’âne. […]
Une voix légère mais qui vient de traverser tout le ciel les réveille bientôt. Le bœuf se lève, constate qu’il y a dans la crèche un enfant nu qui dort et, de son souffle, le réchauffe avec méthode, sans rien oublier. D’un souriant regard, la Vierge le remercie. Des êtres ailés entrent et sortent feignant de ne pas voir les murs qu’ils traversent avec tant d’aisance. »
Jules Supervielle (1884-1960), Le bœuf et l’âne de la crèche, nouvelle parue dans le recueil de contes L’enfant de la haute mer, Paris, Gallimard, 1931
Albrecht Dürer, Adam et Eve, 1504. Gravure sur bois. Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris. Crédit : Paris Musées / Petit Palais
Au Petit Palais jusqu'au 14 janvier 2024 Commissariat : Annick Lemoine, directrice du petit Palais et commissaire générale Anne-Charlotte Cathelineau, conservatrice en chef du patrimoine, chargée des collections d’arts graphiques avant 1800 et des sculptures. Clara Roca, conservatrice du patrimoine, chargée des collections d’arts graphiques après 1800 et de photographies. Joëlle Raineau-Lehuédé, collaboratrice scientifique au département des arts graphiques.
Prologue
Le Petit Palais met à l’honneur son riche cabinet d’arts graphiques à travers une sélection de près de 200 feuilles des grands maîtres de l’estampe comme Dürer, Rembrandt, Callot, Goya, Toulouse- Lautrec, entre autres… L’estampe tient une place prépondérante dans la collection du Petit Palais. Elle est le reflet du goût de ses illustres donateurs, les frères Auguste et Eugène Dutuit et du conservateur Henry Lapauze, à l’origine d’un musée de l’Estampe moderne créé en 1908 au sein même du Petit Palais. En suivant le fil de l’histoire des collections, l’exposition permet à travers ses plus beaux trésors de découvrir un panorama inédit de l’estampe du XVe au XXe siècle.
L’exposition
La première partie de l’exposition présente une sélection des plus belles feuilles de la collection Dutuit qui en comprend 12 000, toutes signées des plus grands peintres graveurs de leur temps. Ces oeuvres rassemblées sous l’impulsion d’Eugène Dutuit se caractérisent par leur qualité, leur rareté et leur pedigree, en témoigne La Pièce aux cent Florins de Rembrandt, exceptionnelle de par sa taille (près de 50 centimètres de large) et de par son histoire puisqu’elle appartint à Dominique-Vivant Denon, premier directeur du Louvre.
Parmi les 45 artistes présentés, quatre d’entre eux, aux univers extrêmement puissants, ont donc été choisis pour illustrer ce « goût Dutuit » : Dürer, Rembrandt, Callot et Goya. Le Petit Palais possède 264 estampes originales d’Albrecht Dürer (1471-1528). La sélection présentée permet de retracer l’ensemble de sa carrière, à la fois sa production religieuse comme Adam et Ève et L’Apocalypse mais également des sujets profanes comme Melencolia et La Grande Fortune ou plus singuliers comme Le Rhinocéros.
En parallèle, deux gravures exceptionnelles sont présentées, l’une d’Antonio Pollaiolo,
la plus grande gravure du Quattrocento, qui nourrit plusieurs oeuvres de Dürer et l’autre de Marcantonio Raimondi dont la figure principale reprend directement le motif de La Sorcière de l’artiste allemand.
Le parcours s’arrête ensuite sur Jacques Callot (1592-1635), célèbre maître nancéen de l’eau-forte dont le musée détient plus de 700 estampes. Les oeuvres exposées montrent à quel point cet artiste brilla par son imagination débridée et son caractère fantasque mais également par sa capacité à créer dans ses minuscules estampes un véritable microcosme fourmillant d’une multitude de détails et de personnages.
L’exposition se poursuit avec Rembrandt (1606-1669), sans doute l’artiste qui fascina le plus Eugène Dutuit. Ce dernier collecta un fonds exceptionnel de 375 estampes du maître pendant plus de cinquante ans. La collection comprend des pièces majeures et rares qui permettent d’embrasser toute la carrière du peintre-graveur hollandais et de retracer son évolution stylistique, iconographique et technique.
Enfin, le parcours présente un ensemble exceptionnel d’estampes de Goya (1746-1828)
dont des épreuves d’état de la Tauromachie et un remarquable album des Caprices.
La création contemporaine
Grâce aux frères Dutuit, la place de l’estampe au sein des collections du Petit Palais est assurée, mais elle doit encore s’ouvrir à la création contemporaine. Henry Lapauze en sera la cheville ouvrière. En 1908, son travail est consacré par l’inauguration du musée de l’Estampe moderne au sein du Petit Palais. Pour le constituer, Lapauze sollicite de nombreux dons de marchands et collectionneurs comme Henri Béraldi qui offre au musée 100 portraits d’hommes d’État, de savants ou d’artistes dont plusieurs sont présentés dans l’exposition. Il obtient également des dons d’artistes et de familles d’artistes. Les noms égrainés indiquent bien le succès de cette collecte : Buhot, Bracquemond, Chéret, Steinlen, Toulouse-Lautrec… Tous ont marqué l’histoire de l’estampe et dessinent le visage de la gravure contemporaine, essentiellement parisienne, des premières années du XXe siècle. Les oeuvres rassemblées offrent un panorama d’un Paris 1900 aussi spectaculaire, effervescent que socialement inégalitaire.
Henri Lapauze accueille également les estampes commandées et éditées par la Ville de Paris dont l’exposition présente un très bel exemple, Le Triomphe de l’Art d’après Bonnat, accompagné de son dessin préparatoire et de sa matrice gravée. En contrepoint de ce parcours en noir et blanc, l’estampe en couleurs vient clore l’exposition, bien représentée notamment par un bel ensemble de portraits et de paysages acquis grâce au soutien du marchand d’art et éditeur Georges Petit. Enfin, une sélection des dernières acquisitions, dont des estampes d’Auguste Renoir, Anders Zorn et Odilon Redon, montre le dynamisme de la politique d’acquisition du musée.
Plusieurs dispositifs de médiation permettent de se familiariser avec les différentes techniques de l’estampe : la gravure sur bois, l’eau-forte et l’eau-forte en couleurs, le burin et la lithographie. En fin d’exposition, après avoir visionné une démonstration filmée de réalisation d’une eau-forte, le visiteur expérimente lui-même ce processus créatif grâce à une table numérique ludique afin de créer une oeuvre qu’il peut recevoir par e-mail et partager sur les réseaux sociaux.
Informations pratiques
Horaires d’ouverture Du mardi au dimanche de 10h à 18h Nocturnes : vendredis et samedis jusqu’à 20h Fermé les 1er et 11 novembre, 25 décembre, 1er janvier. Accès En métro Lignes 1 et 13 : Champs-Élysées Clemenceau Ligne 9 : Franklin D. Roosevelt En RER Ligne C : Invalides En bus Lignes 28, 42, 72, 73, 80, 83, 93
Partager la publication "Trésors en noir et blanc, Dürer, Rembrandt, Goya, Toulouse-Lautrec …"
Jusqu'au 7 JANVIER 2024au musée Picasso commissaire : Cécile Godefroy est historienne de l’art, docteure de l’université Paris IV - Sorbonne, membre de l’Association Internationale des Critiques d’art, elle est Responsable du Centre d’Etudes Picasso qui ouvrira en décembre 2023 au Musée national Picasso-Paris.
Si vous pensez voir des Picasso, passez votre chemin. Si vous êtes des inconditionnels de Sophie Calle, cette exposition est pour vous. Invitée pour une Carte blanche au musée Picasso-Paris dans le cadre des évènements autour des 50 ans de la mort du géant de l’art moderne, Sophie Calle investit les quatre niveaux du bâtiment déployant son travail autour de deux grands thèmes : la question du regard et celle de la disparition et de la mort.
Prologue
Sophie Calle célèbre à sa manière les 50 ans de la mort de Pablo Picasso, en investissant la totalité des quatre étages de l’hôtel Salé avec une proposition d’exposition inédite. Organisée en quatre temps correspondant aux quatre étages du musée, l’exposition À toi de faire, ma mignonne prend le contre-pied des multiples évènements de la « Célébration Picasso 1973-2023 » qui mettent à l’honneur l’artiste espagnol. L’exposition de Sophie Calle porte un regard curieux et décalé sur un choix d’oeuvres emblématiques de Picasso dont l’artiste convoque les images ou la mémoire au travers d’un récit personnel qui se déroule au rez-de-chaussée du musée. Avec cette exposition, qui au fil des étages se déploie indépendamment de Picasso et prend un caractère volontiers rétrospectif, Sophie Calle explore certaines des thématiques qui lui sont centrales telles que la privation du regard ou la disparition en ayant recours à l’archive et à l’écriture comme sources et matières premières de sa création. Relevant le défi de l’invitation, l’artiste interroge avec esprit et profondeur la réception critique de son oeuvre et son souci de transmission aux générations futures.
PARCOURS D’EXPOSITION
PICALSO
Niveau 0
Le rez-de-chaussée de l’hôtel Salé marque l’entrée en scène de Sophie Calle au musée Picasso. À l’exception de trois autoportraits de Picasso qui entourent l’artiste faisant sa mignonne, ici incarnée par la présentation du polar qui donna titre à l’exposition, l’étage joue sur une présence en creux du peintre espagnol. À l’appui d’un récit personnel, Sophie Calle initie le dialogue en usant d’anecdotes et souvenirs – certains remontant à l’enfance -, de contrepoints visuels et de détournements. Avec les «Picasso confinés », ce sont les tableaux accrochés, protégés de la lumière et photographiés pendant le confinement qui sont donnés à voir.
L’absence rode également sur les « Picasso fantômes », soit cinq tableaux majeurs de Picasso que de grands voilages, brodés au format des oeuvres, couvrent de descriptions récoltées auprès du personnel du musée à un moment où les oeuvres étaient prêtées à l’extérieur.
Une composition monumentaleenfin, au format de la célèbre peinture Guernica, fait oeuvre collective en réunissant près de deux cents photographies, objets et miniatures de la collection personnelle de Sophie Calle, provenant pour la plupart d’échanges avec les artistes, de Christian Boltanski à Tatiana Trouvé en passant par Miquel Barceló, Damien Hirst et Cindy Sherman.
Salle 0.1
2019. Premier rendez-vous et proposition d’investir le musée Picasso en 2023, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de l’artiste. Sans LUI, si je préfère. Les mots de ma mère se frayent un chemin, le syndrome d’imposture dans leur sillage. Lors d’un vernissage au musée d’Art moderne, à New York, découvrant mes oeuvres entre celles de Hopper et de Magritte, elle s’était exclamée : « Tu les as bien eus ! » Cette fois, je l’imagine chuchoter : « Pourquoi toi ? »
Récapitulons. Il y a ma toute première oeuvre, du moins celle à laquelle mon père conféra ce statut en l’encadrant, et dont il recopia la légende crayonnée au dos, qui s’effaçait. J’avais peut-être six ans, et ce dessin fit dire à ma grand-mère qu’il y avait un Picasso dans la famille.
Il y a Tête, un Picasso volé à Chicago, dont j’avais fait le portrait-robot à partir des souvenirs de ceux qui l’avaient côtoyé. Il y a Prolongation, titre d’une de ses expositions en Avignon, que je me suis promis d’emprunter un jour. C’est maigre.
Salle 0.2
Les Picasso Confinés.
Deuxième rendez-vous au musée Picasso, durant le confinement. Pas de visiteurs. Les Picasso sont protégés, emballés, dissimulés. Dessous. Une présence fantomatique, moins intimidante, que j’ai immédiatement photographiée. Avant même de le savoir, je venais d’accepter.
Salle 0.5
Les Picasso fantômes
Lors de mes premières visites, La Mort de Casagemas, Grande baigneuse au livre, Paul dessinant, Homme à la pipe et La Nageuse manquaient pour cause de prêt. J’ai demandé aux conservateurs, aux gardiens et à d’autres permanents du musée de me les décrire. À leur retour, je les ai voilés avec les souvenirs qu’ils laissent lorsqu’ils s’absentent.
Sophie Calle, Paul jouant
LES YEUX CLOS
Niveau 1
Le premier étage s’amorce sur une anecdote relatée par Cocteau de Picasso observant en Avignon un peintre à moitié aveugle peignant le château des Papes à partir des seuls mots de sa femme. En réponse à la crainte bien connue de Picasso de perdre un jour la vue, Sophie Calle réunit un ensemble d’objets, de photographies et de vidéos consacrés au thème du regard – regard clos, inédit (« Voir la mer »), privé (« La dernière image », « Les Aveugles »), etc.
Picasso dit souvent que la peinture est un métier d’aveugle. Il peint, non ce qu’il voit, mais ce qu’il en éprouve, ce qu’il se raconte de ce qu’il a vu. Jean Cocteau
LES AVEUGLES
Salle 1.3 J’ai rencontré des gens qui sont nés aveugles. Qui n’ont jamais vu. Je leur ai demandé quelle est pour eux l’image de la beauté.
VOIR LA MER
Salle 1.4 À Istanbul, une ville entourée par la mer, j’ai rencontré des gens qui ne l’avaient jamais vue.
Dans son journal intime, ma mère avait écrit : « Sophie est tellement morbide qu’elle viendra me voir plus souvent sous ma tombe que rue Boulard. » Moi, pour éloigner la mort, j’ai photographié des cimetières, filmé ma mère mourante, tenté d’organiser la répétition générale de mes funérailles, possédé un caveau à Montparnasse avant d’en déménager pour raisons familiales, disséminé chez moi des enveloppes qui contiennent autant de testaments rédigés dans l’urgence avant chaque voyage. Pour ensuite passer à autre chose.
le Cénotaphe de Sophie Calle
MA MÈRE, MON PÈRE, ET MOI
Niveau 2
Au deuxième étage du musée, Sophie Calle procède à l’inventaire de ses biens dans une mise en scène spectaculaire. Introduit par un ensemble d’oeuvres dédiées au thème de la disparition, celle des parents de l’artiste, jusqu’à sa propre mort simulée, le visiteur traverse plusieurs salles où plus de 500 objets de Sophie Calle – dessins, tableaux, photographies, objets d’art et de curiosité, ouvrages rares, vaisselle et mobilier – sont exposés à la manière de l’Hôtel Drouot. Dans les archives personnelles de Picasso conservées au musée, Sophie Calle a trouvé la lettre d’une association d’aide aux artistes aveugles, sollicitant de Picasso un dessin original, dans le but d’édifier, avec les bénéfices de la vente, la Maison des yeux clos. N’ayant pas trouvé la réponse, Sophie Calle a fait appel à la générosité de la Fondation Almine et Bernard Ruiz-Picasso afin d’organiser durant l’exposition une vente en ligne organisée par Drouot Estimations d’une céramique de Picasso et de reverser les bénéfices de la vente à une association de mal-voyants.
Salle 2.4 Pourquoi faudrait-il jeter en l’air ce qui me fit la grâce d’arriver jusqu’à moi ? Pablo Picasso Ma mère est morte, mon père est mort, je n’ai pas d’enfants. Quand je ne serai plus là, que vont devenir les choses de ma vie ? Sans héritiers définis, une vente judiciaire peut m’arriver ; vendue à l’encan. Si je veux exorciser cette crainte qu’à ma mort leur histoire commune, ainsi que celle qui me relie à eux, ne s’efface, c’est par la générale de ma succession que je dois commencer.
J’ai donc proposé aux commissaires-priseurs de l’Hôtel Drouot de mettre en scène mon cauchemar, d’expertiser les biens de ma maison de Malakoff et de dresser l’inventaire descriptif mais non estimatif de mon patrimoine mobilier.
Niveau 3
Le troisième et dernier étage propose un bilan des projets de Sophie Calle. Un inventaire des 61 projets achevés se présente sous la forme de polars dont les titres font écho aux séries de l’artiste. Un ensemble de projets restés en suspens fait suite, donnant vie aux incidents de parcours, aux esquisses et tentatives, aux oeuvres en sursis et en péril. En fin de parcours, Sophie Calle investit physiquement une salle de l’étage en installant son bureau qu’elle tiendra ouvert à ses heures pendant toute la durée de l’exposition. Salle 3.1
INVENTAIRE DES PROJETS ACHEVÉS
J’ai voulu faire le bilan, partir de RIEN ou presque, dresser la liste de tous les projets réalisés depuis mes débuts. J’en ai comptabilisé soixante et un. Comme j’avais été tentée un jour d’emprunter un titre à la série noire, j’ai parcouru leur inventaire et j’ai eu l’impression que leurs titres m’attendaient
INFOS PRATIQUES
Musée Picasso ACCÈS 5 rue de Thorigny, 75003 Paris Métro Ligne 1 Saint-Paul Ligne 8 Saint-Sébastien-Froissart Ligne 8 Chemin Vert Bus 20 – 29 – 65 – 75 – 69 – 96
HORAIRES D’OUVERTURE 10 h 30-18 h 9 h 30-18 h en période de vacances scolaires et le week-end Tous les jours sauf le lundi, le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre. RENSEIGNEMENTS +33 (0)1 85 56 00 36 contact@museepicassoparis.fr
Partager la publication "À toi de faire, ma mignonne. – Une exposition de Sophie Calle au Musée Picasso"
En collaboration avec le Musée d'Art moderne de Paris, Paris Musées, la Fondation Pierre Gianadda a le privilège d’exposer plus d’une centaine d’œuvres provenant aussi de musées français tels le Musée national d’art moderne Centre Pompidou, le Musée Paul Dini, ou celui des Beaux-Arts de Bordeaux et de collections privées. Des peintures, sculptures et céramiques toutes emblématiques des années fauves vont parer les cimaises de la Fondation de couleurs flamboyantes. Du 7 juillet 2023 au 21 janvier 2024 – Tous les jours de 10h00 à 18h00 Fermeture à 16h30 le 8 décembre 2023 Commissariat général de l’exposition, Musée d’Art moderne de Paris : Fabrice Hergott Commissariat de l’exposition, Musée d’Art moderne de Paris : Jacqueline Munck, Conservatrice en chef avec Marianne Sarkari Antoinette de Wolff, fondation Gianadda
La couleur portée à son paroxysme
A l’égard de certains paysages portés au maximum de leur intensité avec leurs tons rehaussés, l’on se rappelle la déclaration mythique de Matisse : « …il faudrait en venir à mettre le soleil derrière la toile ». Il affirme également « …Le Fauvisme fut aussi la première recherche d’une synthèse expressive ».
Ce mouvement est animé par Henri Matisse entouré d’un groupe de peintres, parmi lesquels Henri Manguin, André Derain, Maurice de Vlaminck, Charles Camoin, Georges Rouault et Albert Marquet, expose leurs oeuvres dans la salle VII du Salon d’Automne en 1905. En réaction contre les variations éphémères de l’atmosphère et les vibrations instables de la lumière des peintures impressionnistes, « secouant la tyrannie du Divisionnisme », sentence de Matisse, ces jeunes artistes portent au paroxysme la leçon de Van Gogh en exaltant la couleur pure. Un excès qui déclenche l’ire du public et de la critique de l’art, qui s’en prend violemment à ces nouveaux peintres, dont Louis Vauxcelles qui, découvrant dans ladite salle un buste d’enfant italianisant du sculpteur Albert Marque s’exclame : « Donatello parmi les fauves » !
Le Fauvisme : premier mouvement du XXe siècle
La phrase fait mouche et fauve devient éponyme du Fauvisme, reconnu comme la première avant-garde du XXe siècle, école sans règles et interdits. Ce qui réunit ces peintres se révèle Paris, qui à l’époque attire comme un aimant des artistes de toute l’Europe. C’est dans ce climat de métropole de l’art, que cette jeune génération de peintres formés à l’Ecole des Beaux-Arts ou dans des ateliers libres mènent ce combat novateur d’une esthétique révolutionnaire. Aux côtés de ce premier noyau de Fauves, qui entre 1905 et 1908, peint à Collioure, sur la côte normande, à Saint-Tropez et à l’Estaque, se joignent de jeunes peintres venus du Havre : Emile Othon Friesz, Raoul Dufy, Georges Braque, puis Kees van Dongen des Pays-Bas et Pierre Girieud qui tous participent de cette grande libération des tonalités. D’autres peintres peuvent être reliés à ces artistes comme Louis André Valtat, Jean Metzinger, Robert Delaunay, Etienne Terrus, Maurice Marinot et le jeune Auguste Herbin en raison de leur proximité aux moments clés de l’évolution du fauvisme ou des rendez-vous du Salon des Indépendants ou celui d’Automne. Picasso, dont deux oeuvres sont présentes aux cimaises de la Fondation Pierre Gianadda, noue des contacts étroits avec les Fauves. L’Espagnol observe Matisse et Derain et mesure leurs avancées par rapport à sa période rose. Il se rapproche de Kees van Dongen au Bateau Lavoir partageant avec lui une thématique pleine de similitude.
Plus d’ombre : le tableau devient une surface totalement éclairée
Avec cette nouvelle technique picturale, on relève la construction de l’espace par la couleur pure, les formes traitées en aplats et cernées, plus de nuances « descriptives » mais « expressives », des contrastes colorés se substituent à la perspective.
Dans les visages, on supprime le modelé le remplaçant par des nuances débridées bien loin de la réalité. En résumé : « on transpose » et la sensation le dispute à l’émotion. Dans les toiles de certains artistes, on emploie encore la touche en mosaïque, issue du néo-impressionnisme, comme Matisse la pratiquait. La stridence des rouges, des verts et des oranges présents dans les huiles des Fauves, exprime « les feux de l’été » et la hardiesse des compositions.
De quelques thèmes traités par le Fauvisme
La Seine et les villages de Chatou, du Pecq, d’Argenteuil et aussi de la Normandie font partie des paysages allumés par les Fauves, de même que le spectacle de la ville et de la rue pavoisée avec l’étalage des drapeaux et des oriflammes. Et puis n’oublions pas l’attraction de la nuit, des cabarets et des cirques parisiens d’où jaillissent les « filles » ou « ivrognesses » de Georges Rouault,
les prostituées et les saltimbanques de Picasso ou Van Dongen. Tout ce petit monde noctambule qui reflète l’ambiance à l’époque de la Butte Montmartre. Et aussi, le nu, le portrait et le modèle dans l’atelier traités avec la même fougue enivrante d’un chromatisme porté à son comble.
La part d’exotisme
Derain s’émerveille devant les sculptures océaniennes du British Museum « affolantes d’expression ». Le réalisme vigoureux de cette statuaire venue d’Afrique et d’autres pays lointains, avec sa simplification esthétique, sa fracture anatomique, ses canons de la beauté antagonistes de l’art classique se propage dans les ateliers des Fauves apportant un « langage universel ».
L’exotisme rejoint ainsi l’universalité de la création. Plusieurs sculptures provenant de différentes régions de l’Afrique et de la Nouvelle-Guinée sont exposées et vont illustrer à merveille cette influence sur l’art européen. Foin de l’ethnocentrisme occidental avec Derain, Vlaminck et Matisse qui acquièrent des sculptures, statuettes et masques du Gabon, du Congo, du Bénin, d’Océanie etc. dont ils s’inspirent.
La pratique pluridisciplinaire des Fauves : la céramique en est un exemple
Tous s’ouvrent aux innovations techniques et pluriculturelles notamment la céramique qui rencontre un renouveau au tournant du XIXe siècle. Au contact des découvertes archéologiques et autres inspirations, certains Fauves s’adonnent à la peinture sur céramique. C’est avec le céramiste André Metthey qu’ils se forment à cette nouvelle expression artistique et cette collaboration donne naissance à l’École d’Asnières.
Les artistes fauves prouvent leur fascination pour ce procédé dans des réalisations exemplaires comme des plats, des assiettes ou des vases signés Vlaminck ou Derain. Cécile Debray déclare que : « Le Salon d’Automne offre un cadre favorable à la réhabilitation de cet art et à son introduction dans les milieux artistiques ». Ces créations témoignent d’un autre aspect du Fauvisme et complètent d’une façon très enrichissante cette exposition.
De quelques oeuvres exposées
Matisse (1869-1954), figure majeure du XXe siècle suit les cours de Gustave Moreau à Paris et devient le protagoniste du fauvisme. Son Paysage de Saint-Tropez au crépuscule (huile sur carton de 1904) Matisse le traite en bandes colorées où le bleu se décline de l’outremer à l’azur pour terminer avec un ciel aigue-marine traversé par des nuages violets.
Avec de larges coups de pinceaux il réduit les arbres d’une façon radicale leur donnant un aspect de fantômes ! Derain (1880-1954) rencontre Matisse et Vlaminck à l’académie Carrière et à Collioure : il innove avec les couleurs pures. Fasciné par l’art africain, il va à l’essentiel et simplifie les formes comme dans Trois personnages assis dans l’herbe (huile sur toile, 1906). Un traitement en aplat pour l’herbe verte opposée au bleu du ciel et les protagonistes évoqués avec quelques traits aux couleurs dissonantes dans la confrontation des complémentaires. La découverte de la peinture de Van Gogh amène Maurice de Vlaminck (1876-1958) cycliste, musicien, journaliste anarchiste, à la peinture. Qualifié de fauve le plus « radical » en témoigne Berges de la Seine à Chatou (huile sur toile, 1906), un sujet qu’il aime reproduire avec ses couleurs pures. Des coups de pinceaux énergiques traduisent une nature en mouvement en lui donnant un côté sismique. Le Fauvisme prend ses quartiers à Chatou, Collioure ou l’Estaque, mais un pôle se développe aussi au Havre avec trois Normands qui se rapprochent des Fauves : Othon Friesz, Raoul Dufy et Georges Braque. Le Havre avec son activité portuaire intense et ses ciels changeants, offre une source d’inspiration à ces jeunes artistes.
Notamment avec Les Régates (huile sur toile, 1907-1908), Dufy (1877-1953) donne un exemple de cette fébrilité de bord de mer traitée avec un chromatisme vibrant et des estivants très sommairement esquissés tournés vers le large en train d’observer les navires. La couleur posée en aplats et cernée de noir témoigne de l’adhésion de Dufy au Fauvisme. Braque (1882-1963) attiré par le Sud, peint à l’Estaque sur les traces de Cézanne puis, séduit par la lumière éblouissante de la Méditerranée, brosse Le Golfe des Lecques (huile sur toile, 1907). Avec une vue plongeante, les plans se déroulent d’une façon frontale avec le jaune intense de la pinède, le bleu de cobalt de la mer et fermant l’horizon, les contours montagneux colorés et cernés de noir. Un ciel aux tons empiriques clôt cette composition ardente. Tout autre chose avec Henri Manguin (1874-1949) qualifié de « peintre du bonheur », ami de Matisse et de Camoin. Il pratique un fauvisme moins absolu que ses contemporains et peut s’épanouir dans son art sans souci financier contrairement aux autres artistes adeptes du Fauvisme. A partir de 1905, il passe ses étés à la villa Demière, près de Saint-Tropez à Malteribes. Dans ce lieu paradisiaque Manguin signe : La Femme à la grappe (huile sur toile, 1905, Fondation Pierre Gianadda). Jeanne, son épouse dans une position frontale, gracieuse et naturaliste, tient une grappe de raisin sombre, qui contraste avec les blancs subtils rehaussés de tons bleus. L’écharpe qui rime avec la grappe s’affiche dans un bleu nuit audacieux. Le décor qui entoure le modèle, s’exprime par des touches souples, où s’opposent les couleurs chaudes et froides. Manguin, livre une oeuvre raffinée et, oh combien séduisante. Auguste Herbin (1882-1960), formé à l’Ecole des beaux-arts de Lille, s’installe à Paris en 1901. Un séjour en Corse lui révèle la lumière et il évolue vers le Fauvisme. Avec Bruges (aquarelle sur papier, 1907), il adopte le chromatisme expressif des fauves, la simplification des formes et la distance prise avec la réalité.
Louis André Valtat (1869-1952), est admis à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris à 17 ans puis complète sa formation à l’Académie Julian. Installé dans un atelier à Anthéor, il rend visite à Renoir et Cagnes lui inspire ce Paysage de Cagnes (huile sur carton, 1898). Il brosse déjà avant la naissance du Fauvisme un tableau avec des touches comme des bâtonnets qui sillonnent le ciel d’une façon dynamique. Les troncs violets des arbres témoignent de cette volonté de s’éloigner de la couleur originale et il traite le sol en arabesque qui sera privilégiée dans le fauvisme à la ligne exacte !
Cartouches de dynamite
Les cimaises vont s’enflammer avec les « cartouches de dynamite » de Vlaminck et affirmer combien les inventeurs du Fauvisme créent avec une « énergie vitaliste » et en éliminant les ombres : un feu d’artifices dans le concert de l’art du début du XXe siècle. Antoinette de Wolff
Informations pratiques
Fondation Pierre Gianadda Rue du Forum 59 1920 Martigny (Suisse) Téléphone : +41 (0) 27 722 39 78 site internet : http://www.gianadda.ch/
Au musée Rodin jusqu'au 03 MARS 2024COMMISSARIAT :
SOPHIE BIASS-FABIANI, CONSERVATRICE DU PATRIMOINE AU MUSÉE RODIN
AVEC LE SOUTIEN DE la GALERIE THADDAEUS ROPAC
Une ligne court à travers le jardin, entre l’imposante Porte de l’Enfer (1880-1917) de Rodin et les ordonnancements harmonieux des frontons et des pilastres classiques et des fenêtres rectangulaires ou cintrées de l’hôtel de Biron. Cette ligne relie douze formes corporelles de Critical Mass II (1995) d’Antony Gormley. D’abord accroupies, recroquevillées au sol puis fières sentinelles, les figures de fonte s’élèvent progressivement jusqu’à la station debout. Les transformations que connaît leur posture retracent l’ascension évolutive de l’homme et cartographient les progrès de la sensibilité humaine, depuis la vulnérabilité et l’insécurité jusqu’à ce qu’on pourrait interpréter comme de la confiance, de la fierté ou de la curiosité, le regard tendu vers le haut.
Au musée Rodin, les figures s’éloignent de l’hôtel en direction de la Porte de l’Enfer : la ligne de la croissance et du progrès de l’humanité s’achève, et le corps humain rencontre l’œuvre de Rodin, expression terrible de notre chute finale, avant de sombrer sous le sol.
Le poids de chacune des douze formes corporelles équivaut à dix fois celui de l’artiste ; chacune d’entre elles affirme immédiatement la capacité de la sculpture à créer des lieux et à susciter des perturbations.
En complément de Critical Mass, on trouve également six Insiders dans la galerie des marbres et quatre sculptures qui dialoguent au coeur de l’hôtel Biron avec les chefs d’oeuvres de Rodin. Ce vis-à-vis entre les oeuvres de Rodin et de Gormley interroge le rapport de la sculpture au corps.
« Tout a dû être dit sur les relations de l’œuvre de Gormley avec le cubisme et avec l’histoire de l’art en général. Il donne l’impression de suivre le conseil de Cézanne :
« Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône » où il n’est pas question de cube, alors que le mouvement qui lui a succédé dans la quête d’un nouveau territoire en peinture s’appelle « cubisme ».
Au lieu de persévérer à comparer des artefacts appartenant à la même catégorie, que l’Occident désigne comme art, il semble fructueux de l’approcher sur un registre plus direct et plus sensoriel. Les regardeurs qui n’ont pas été lobotomisés par les diktats de l’histoire de l’art orientent leur jugement vers une projection empathique, surtout lorsqu’il s’agit du corps. »
Résonances des corps (extraits) Jean-Hubert Martin
Cette exposition offre également un aperçu des méthodes de travail de Gormley ainsi que de son approche du travail avec ses collaborateurs, comparable à celle de l’atelier de Rodin avec son mode de production collective. Une série d’études de Gormley sont présentées près des maquettes de Rodin, tandis qu’un moule en plâtre trouve sa place aux côtés de l’Étude de robe de chambre de Balzac, mettant en évidence l’utilisation de moules par les deux artistes comme une source constante de renouvellement. Plus de deux cents carnets sont aussi exposés, révélant 40 ans d’idées, d’observations et de dessins.
L’artiste dit à propos de cette exposition : « La raison pour laquelle Rodin reste une source essentielle d’inspiration et de renouveau pour la sculpture, c’est la manière dont il l’a libérée en associant des techniques et des matériaux à la fois anciens et modernes de façon extraordinairement prémonitoire. Par ses innovations, le père de la sculpture moderne est allé au bout de la liberté d’expérimenter, il a utilisé les nouvelles techniques de reproduction rendues possible à son époque par le développement industriel. Je considère Critical Mass II comme l’exemple le plus abouti de ma tentative de rendre la vie et sa place au corps dans l’art de la sculpture. »
Lorsque les visiteurs entrent dans l’hôtel, les œuvres de Gormley constellent leur vision périphérique, telles des intrus que l’on entraperçoit dans les encoignures à mesure que le regard glisse de salle en salle, perturbant et interrogeant les œuvres de Rodin dont elles partagent l’espace.
Au rez-de-chaussée, la salle 3 illustre d’emblée ce débat silencieux. La figure courbée de Burst (2022) de Gormley ignore L’Âge d’airain (1875-1877) de Rodin. Genoux pliés, le corps de métal s’accroupit, le torse serré contre ses cuisses, la tête rentrée – le corps se ferme à son environnement, se replie sur lui-même. Avec ses membres toniques et musclés, étendus dans un geste d’éveil, L’Âge d’airain transpire au contraire les notions conventionnelles de beauté et de force masculines
Informations pratiques
MUSÉE RODIN 77, RUE DE VARENNE 75007 PARIS T. +33 (0)1 44 18 61 10 M° VARENNE FERMÉ LE LUNDI OUVERT DE 10H À 18H30 MUSEE-RODIN.FR
Partager la publication "Antony Gormley, Critical Mass"