Philippe Bettinelli, conservateur au service Nouveaux médias du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Anna Millers, conservatrice en charge de l’art contemporain au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg
au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS)
Du 27 septembre 2024 au 1er juin 2025
Commissariat : Philippe Bettinelli, conservateur au service Nouveaux médias du Musée national d’art moderne - Centre Pompidou, Anna Millers, conservatrice en charge de l’art contemporain au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg
Conseil scientifique (musique) : Matthieu Saladin, artiste et maître de conférences HDR à l’université Paris 8
Le propos
Clin d’oeil au chef d’oeuvre de Georges Perec, La Vie, mode d’emploi, dont le récit principal adopte le mode de la description comme point de départ de la narration, cette exposition s’intéresse aux oeuvres dites « à protocole » qui parcourent la création contemporaine depuis les années 1960 à nos jours. Remettant en cause les notions d’auteur, d’originalité ou encore de pérennité, les oeuvres à protocole incarnent une pensée radicalement nouvelle de l’oeuvre d’art que cette exposition invite à découvrir et expérimenter.
Protocole ?
Une oeuvre à protocole se manifeste à partir d’un énoncé formulé par l’artiste, sorte de mode d’emploi qui décrit les conditions de son apparition. À partir d’instructions données (écrites, orales, dessinées), l’oeuvre peut être matérialisée le temps de son exposition. Ce modèle de création, dont l’origine est attribuée à Marcel Duchamp et László Moholy-Nagy, se développe à partir des années 1960. Il marque l’affirmation d’une nouvelle conception de l’oeuvre d’art qui d’autographe (de la main de) devient allographe, c’est-à-dire que l’oeuvre est activée par une autre personne que l’artiste.
Des oeuvres
Des oeuvres d’Alice Aycock, Robert Barry, George Brecht, Esther Ferrer, Dora García, Hans Haacke, Florence Jung, Kapwani Kiwanga, Louise Lawler, Vera Molnár, Yoko Ono, Claude Rutault, Lawrence Weiner et Ian Wilson, entre autres, se déploient dans l’espace de l’exposition aux côtés de documents et d’archives retraçant une histoire de la création protocolaire dans le domaine des arts plastiques mais aussi de la musique ou du design.
Imaginée dans une démarche écoresponsable, « mode d’emploi » est une exposition sans transport d’oeuvres et qui s’inscrit dans une scénographie recyclée. Conçue comme un projet collaboratif et vivant, elle sollicite la participation des publics et de nombreux partenaires et complices à l’instar du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, de la HEAR et du CEAAC.
Parcours
Le parcours débute dans la nef du musée, où se déploient cinq oeuvres iconiques de Robert Barry, Dora García, Hans Haacke, Yoko Ono et Lawrence Weiner. Après le titre, dans le vestibule, une installation murale de Claire Morel constituée de pages de dédicace imprimées, introduit le récit de l’exposition.
DÉLÉGUER
« L’oeuvre est ouverte. L’artiste n’impose plus sa vision du monde mais produit des systèmes qui permettent à chacun de se faire la sienne. » Ces mots de Claude Rutault abordent un aspect crucial de l’oeuvre à protocole: la délégation. En effet, si l’artiste demeure l’auteur·e de l’oeuvre, sa réalisation est déléguée, c’est-à-dire confiée à autrui.
Précurseurs
Si l’exposition s’intéresse aux oeuvres des années 1960 à nos jours, elle souligne en introduction, l’apport essentiel de Marcel Duchamp à l’avènement de la notion d’oeuvre à protocole. En 1919, alors qu’il séjourne en Argentine, Duchamp envoie en guise de cadeau de mariage à sa soeur Suzanne, une lettre contenant des instructions pour la réalisation d’une oeuvre intitulée Ready-made malheureux. Elle consiste à accrocher un livre de géométrie sur son balcon et à le soumettre ainsi aux aléas météorologiques. En confiant son exécution à sa soeur et son évolution au vent, Marcel Duchamp admet une part d’indétermination dans l’exécution de son oeuvre.
Aux côtés de Duchamp, l’artiste hongrois László Moholy-Nagy apparaît également comme une figure tutélaire. En 1922, Moholy-Nagy fait produire des peintures par un fabricant d’enseignes en lui transmettant ses instructions par téléphone à l’aide d’un nuancier et de dessins tracés sur papier millimétré.
Écrire et exposer
« Au moment où vous la lisez, vous la construisez afin de la comprendre », affirme l’artiste américain Lawrence Weiner. De nombreuses oeuvres à protocole peuvent ainsi se présenter sous forme de texte : à partir d’une formulation verbale, une représentation visuelle se compose dans l’esprit du·de la lecteur·ice. Comme en témoigne cet espace documentaire, le recours aux mots se manifeste tout particulièrement chez les artistes rattaché·es à l’art conceptuel, mouvement apparu aux États-Unis au milieu des années 1960. Elle repose sur l’affirmation que l’oeuvre d’art est, avant tout, une idée.
Dans cet espace est également abordé le travail de deux figures incontournables de l’histoire des oeuvres à protocole: les commissaires d’exposition Michel Claura et Seth Siegelaub.
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