Femmes de génie – les artistes et leur entourage

Elisabetta Sirani, la pénitente Marie Madeleine, 1663
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie

Jusqu'au 30.6.2024, au Kunstmuseum Basel | Hauptbau
Commissaires : Bodo Brinkmann, Katrin Dyballa (Bucerius Kunst Forum), Ariane Mensger
Prologue

L’exposition Femmes de génie propose un nouvel éclairage sur l’histoire de l’art de l’Époque moderne en présentant une centaine d’oeuvres d’artistes femmes ayant rencontré du succès entre le XVIe et le XVIIIe siècle ainsi que de leurs proches masculins. Elle réunit des portraits, des peintures d’histoire, des natures mortes, des dessins et des oeuvres graphiques de la Renaissance, du baroque et du classicisme.
Entre 1500 et 1800, il y avait, au Nord comme au Sud de l’Europe, bien plus de femmes peintres, instructrices, éditrices et graveuses qu’on ne l’imaginerait. Certaines d’entre elles furent comblées de succès. Même s’il n’était pas impossible pour une femme de mener une carrière d’artiste, des conditions favorables devaient être réunies car cela allait à l’encontre du rôle de la femme dans la société.
L’exposition Femmes de génie retrace pour la première fois le parcours de plusieurs artistes femmes à travers de pertinentes mises en regard avec des oeuvres de leurs pères, frères, époux et rivaux et les intègrent dans le contexte des siècles prémodernes. Des rapprochements d’oeuvres concis révèlent de manière fascinante les correspondances et les divergences de contenu et de traitement. Le contexte social et familial est également mis en lumière. En outre, l’exposition offre l’occasion de découvrir, aux côtés d’oeuvres de peintres plus connues, celles d’artistes femmes tombées dans l’oubli, mais travaillant souvent à un haut niveau d’exigence.

Filles, épouses et peintres de cour

                                      Catharina van Hemessen (1528 – après 1565
Les corporations et les académies refusèrent longtemps l’accès aux femmes. Ainsi, les artistes étaient très souvent issues de familles d’artistes où elles étaient formées. Catharina van Hemessen (1528 – après 1565), qui réalisa à l’âge de 20 ans le premier autoportrait connu d’une artiste au travail figurant aujourd’hui au sein de la collection du Kunstmuseum Basel, apprit sans doute à peindre dans l’atelier de son père Jan Sanders van Hemessen (vers 1500 – vers 1556). Par ailleurs, nous savons que Marietta Robusti, dite la Tintoretta (vers 1554/55–1614), a, très jeune, assisté son père Jacopo Robusti, dit Tintoretto (1518/19–1594), dans la réalisation d’oeuvres de commande avant de devenir elle-même une peintre à succès.

                   Marietta Robusti, dite la Tintoretta (vers 1554/55–1614)
D’autres femmes eurent moins de chance et travaillèrent dans l’ombre des membres de leur famille. Leur style est souvent difficile à repérer, celui-ci se mêlant aux oeuvres de leurs maîtres selon les habitudes alors en vigueur dans les ateliers.
Michaelina Wautier (1604–1689) fut l’une d’entre elles. D’autres encore se marièrent avec un artiste. Rachel Ruysch (1664–1750) épousa le peintre Juriaen Pool (1666–1625) qui lui permit non seulement de peindre, mais on sait également que les natures mortes de Rachel se vendaient même mieux que les siennes et qu’il la soutenait véritablement dans son travail. Elle fut la première femme à être admise au sein de la guilde des peintres de La Haye

                                                           Rachel Ruysch (1664–1750)
En règle générale toutefois, le mariage entraînait l’abandon du métier exercé par la femme et la subordination à son époux, comme ce fut le cas pour Judith Leyster (1609–1660). Certes, la femme pouvait apporter en maints endroits son soutien à celui-ci dans son atelier, mais ses responsabilités familiales figuraient en réalité bien souvent au premier plan. Dès lors, des artistes comme Maria van Oosterwijk (1630–1693) choisirent de ne pas se marier.
Bien qu’il s’agisse de cas plus rares, il est intéressant de remarquer ces femmes artistes nées loin de la profession qui apprirent pourtant à peindre. Elles appartenaient à la noblesse, à la bourgeoisie comme au milieu de l’artisanat. Sofonisba Anguissola (1532–1625) fut l’une d’entre elles. Formée par le peintre Bernardino Campi (1522–1591), elle fut en engagée comme peintre à la cour d’Espagne grâce à son père qui fit sa promotion de manière ciblée. Leur lien avec la cour permettait aux femmes artistes de connaître la gloire et les honneurs en toute autonomie, plus tard cela leur facilitait l’accès à l’académie. Katharina Treu (1743–1811) fut ainsi la première femme disposant d’un titre de professeure au sein d’une académie allemande grâce au soutien du prince-électeur Charles-Théodore du Palatinat. L’enseignante la plus connue parmi ces artistes femmes est peut-être Angelika Kauffmann (1741–1807) qui fut, entre autres, membre de la Royal Academy de Londres. Toutefois, sans le soutien d’un entourage masculin, ces femmes n’auraient jamais connu le succès.

Au cours de ces siècles, les thèmes du portrait et de la nature morte florale prédominent chez les artistes femmes. Néanmoins, des exceptions pouvaient se produire : la peinture d’histoire, le plus noble des genres, constituait parfois le sujet du tableau. Il n’existe pas de thème « typiquement féminin », les motifs étant surtout l’expression du lieu de la pratique artistique et de l’époque où vivait chaque artiste. Le cercle des commanditaires déterminait également le sujet : tandis que la bourgeoisie s’affermit comme commanditaire aux Pays-Bas et en Allemagne, la noblesse conserva sa suprématie en Italie et en Espagne où s’ajoutaient des commandes ecclésiastiques encore plus importantes. Ces commandes déterminaient également les formats. Ainsi, le tableau de genre (d’un rang inférieur) s’imposa dans certaines régions du Nord à partir du XVIIe siècle face au tableau d’histoire qui perdura dans le Sud. Le portrait et la nature morte florale se retrouvent toutefois de la même façon chez les artistes du Nord comme du Sud.

De l’Italie à l’Allemagne

Les 19 artistes femmes sont regroupées selon leur origine géographique dans les cinq salles d’exposition au rez-de-chaussée du Kunstmuseum Basel | Hauptbau. Une première salle spacieuse est consacrée aux peintres italiennes Sofonisba Anguissola, Lavinia Fontana (1552–1614), Marietta Robusti, dite la Tintoretta, et Elisabetta Sirani (1638–1665).

Fedele Gallicia

Anne Vallayer-Coster

Une seconde salle, plus petite, expose des natures mortes romanes de Fede Galizia (vers 1574/78–1630), Louise Moillon (vers 1610–1696) et Anne Vallayer-Coster (1744–1818), avant une troisième qui présente les peintres flamandes Catharina van Hemessen, Michaelina Wautier et Judith Leyster. La quatrième salle se concentre sur les natures mortes du Nord avec Rachel Ruysch, Maria van Oosterwijk, Maria Sibylla Merian (1647–1717) et Alida Withoos (1662–1730), tandis que la cinquième salle se referme sur Katharina Treu et Dorothea Therbusch (1721–1782) originaires d’Allemagne, ainsi qu’Anna Waser (1678–1714), Anna Barbara Abesch (1706–1773) et Angelika Kauffmann natives de Suisse.
L’exposition réserve, en outre, une place aux femmes graveuses. Au sein des ateliers de gravure sur cuivre où se pratiquait aussi la gravure à l’eau-forte, les femmes travaillaient également dans le cercle familial avant tout. Comme il était habituel de munir les gravures d’informations détaillées sur le fabricant, le nom de ces femmes nous sont parvenus. Au sein des cabinets d’art graphique situés au premier étage du bâtiment principal du musée, des études de cas présentent trois des représentantes majeures de ce type d’art : Diana Mantovana (vers 1547–1612) issue de la famille éponyme de graveurs de Mantoue et de Rome, Magdalena de Passe (1600–1638) qui joua un rôle des plus actifs dans l’atelier de son père Crispijn de Passe à Cologne puis à Utrecht, ainsi que Maria Katharina Prestel (1747–1794) qui se maria avec son maître, Johann Gottlieb Prestel, avec lequel elle se lança, avec succès, dans le commerce alors florissant de la gravure de reproduction.

Des prêts internationaux

L’exposition est le fruit d’une coopération entre le Bucerius Kunst Forum d’Hambourg et le Kunstmuseum Basel, quoique l’étape bâloise plus circonscrite ne présente qu’une sélection des oeuvres exposées à Hambourg et publiées dans le catalogue accompagnant l’exposition. Elle rassemble des prêts d’oeuvres de collections publiques et privées internationales, dont la Galerie degli Uffizi à Florence, le Kunsthistorisches Museum à Vienne, le Rijksmuseum Amsterdam, les Staatliche Museen de Berlin, le Städel Museum de Francfort, la Staatsgalerie Stuttgart et la Gemäldegalerie Alte Meister à Dresde.
La publication richement illustrée contenant des contributions de Bodo Brinkmann, Katrin Dyballa, Sabine Engel, Ariane Mensger, Rahel Müller, Sandra Pisot, Sarah Salomon, Andreas Tacke, Iris Wenderholm et Seraina Werthemann a paru aux éditions Hirmer Verlag.

Informations pratiques

Kunsmuseum-neubau
St. Alban-Graben 8, Postfach
CH-4010 Basel
Tel. +41 61 206 62 80

Depuis la gare SBB tram n° 2 arrêt Kunstmuseum

Dan Flavin dédicaces en lumière

Jusqu'au 18.8.2024, au Kunstmuseum Basel | Neubau
Commissaires : Josef Helfenstein, Olga Osadtschy, Elena Degen
L’art minimal


La grande exposition temporaire Dan Flavin. Dédicaces en lumière auKunstmuseum Basel | Neubau présente unpionnier de l’art minimal :, artiste états-unien devenu célèbre au début des années 1960 pour son travail avec des tubes fluorescents fabriqués de manière industrielle. 58 de ses travaux, certains visibles pour la première fois en Suisse, mettent en lumière son oeuvre à nulle autre pareille à travers un parcours thématique et chronologique. L’exposition – la première d’envergure consacrée à Dan Flavin en Suisse depuis douze ans – met l’accent sur des oeuvres que l’artiste a dédiées à des personnes ou à des événements.

Images gazeuses

En élaborant une nouvelle forme d’art, Dan Flavin écrit un nouveau chapitre de l’histoire de l’art. Au moyen d’oeuvres conçues à partir de lumière, il libère la couleur du champ de la peinture et la transpose dans l’espace tridimensionnel. En utilisant des tubes lumineux du commerce, il s’oppose aux représentations habituelles du statut d’auteur.e et des processus de production dans l’art : sa décision de faire de l’art à partir d’un objet usuel du quotidien retint l’attention de ses contemporains et demeure, encore aujourd’hui, radicale. Après les premières expositions de ses oeuvres lumineuses à New York, Dan Flavin suscite l’enthousiasme des artistes et des critiques d’art pour son purisme,
ses « images gazeuses » (un terme que l’artiste se plaisait à utiliser) et l’immédiateté de leur brillance.

Les tubes fluorescents de Dan Flavin évoquent des usines, des établissements de restauration rapide ou encore des parkings. L’artiste utilise délibérément cet effet de même qu’une palette réduite imposée par le mode de fabrication des lampes fluorescentes : bleu, vert, rouge, rose, jaune, ultraviolet et quatre tons différents de blanc. Au cours de sa carrière, il transforme des lampes et de simples arrangements géométriques en de complexes travaux architectoniques et des séries élaborées composées de plusieurs parties. Flavin s’oppose vigoureusement au fait que ses oeuvres soient considérées comme des sculptures ou des peintures et les qualifie plutôt de « situations ». Dans ses écrits et autres déclarations, il souligne en outre l’objectivité de son oeuvre. Dans le catalogue consacré à l’exposition de l’un de ses premiers grands travaux institutionnel au Stedelijk Van Abbemuseum en 1966 il écrit :

« Electric light is just another instrument. I have no desire to contrive fantasies mediumistically or sociologically over it or beyond it. (…) I do whatever I can whenever I can with whatever I have wherever I am. »

L’oeuvre de Dan Flavin s’inscrit dans la catégorie de l’art minimal du fait de sa volonté de se limiter strictement au travail avec un objet de facture industrielle ainsi que de la sérialité de ses oeuvres. Carl André, Donald Judd, Sol LeWitt et Robert Morris sont considérés à ses côtés comme les principales figures de ce courant artistique – chacun d’entre eux réfutant toutefois plus ou moins clairement cette appartenance.

Les dédicaces
Dan Flavin préconise un art n’ayant pas de portée psychique et spirituelle profonde, mais qu’il s’agirait d’appréhender de manière spontanée. L’artiste lui-même nie toute teneur symbolique et fait fi de l’effet parfois subtil de son oeuvre. De nombreux critiques d’art ont tout de même attiré l’attention sur sa dimension christique et métaphysique, de même que sur une allusion à des espaces de recueillement et à des lumières votives. Ce à quoi l’artiste répond avec ironie :
« It is what it is and it ain’t nothin’ else».
Cependant, il ne fait aucun doute que Dan Flavin a pratiqué la dédicace tout au long de sa vie et qu’il a associé ses oeuvres à des personnes ou à des événements, souvent de manière sentimentale et emphatique. Les installations de lumière fluorescente réalisées à partir de 1963 sont fréquemment dédiées à des amis artistes tels que Jasper Johns, Sol LeWitt ou Donald Judd. Des artistes d’art moderne à l’instar d’Henri Matisse, Vladimir Tatlin et Otto Freundlich apparaissent également dans des titres d’oeuvres. Ces dédications contrebalancent l’anonymité du matériau. Au travers de ces titres augmentés, l’artiste ancre ces travaux non narratifs et impersonnels dans un contexte esthétique, politique et social.
Le rôle fondamental du titre se précise également lorsque Dan Flavin se réfère à des événements politiques. Ainsi, des travaux évoquant les atrocités de la guerre se lisent à la lumière de sa position contre la guerre au Vietnam, à l’instar de monument 4 for those who have been killed in ambush (to P.K. who reminded me about death) qu’il présente en 1966 dans l’exposition Primary Structures. Younger American and British Sculptors au Jewish Museum de New York, l’une des premières expositions institutionnelles consacrée à l’art minimal, courant artistique encore nouveau à l’époque.

Les oeuvres de Dan Flavin dédiées

Les oeuvres de Dan Flavin dédiées à des individus l’ayant accompagné dans son travail ne sont pas moins remarquables. L’exposition convoque par exemple untitled (to you, Heiner, with admiration and affection), oeuvre dédiée à Heiner Friedrich, légendaire marchand d’art allemand. Après avoir immigré aux États-Unis, Friedrich fonde en 1974 l’influente Dia Art Foundation qui s’engage pour que des oeuvres d’un groupe d’artistes des années 1960 et 1970 soient installées durablement et accessibles au public.

L’oeuvre de Flavin provenant de la Pinakothek der Moderne de Munich est de type « barrière », c’est-à-dire conçue pour limiter l’accès du public à une partie de la salle d’exposition.
Ces dédicaces polymorphes confèrent une dimension émotionnelle à l’oeuvre de Flavin et servent de cadre de référence artistique, littéraire et personnel. L’exposition au Kunstmuseum Basel s’attache en particulier à révéler cette dimension de son oeuvre.
En outre, des dessins de Dan Flavin sont présentés aux côtés d’installations, pour certaines de grandes dimensions. Ils contiennent des portraits encore peu connus, des représentations de la nature, ainsi que des croquis d’oeuvres et des diagrammes. Outil essentiel pour Flavin, ses petits carnets constituent une sorte d’archive de son oeuvre s’étendant sur plus de trente ans. L’exposition se penche également sur le contexte socio-historique qui vit éclore ses premiers travaux avec la lumière si déterminants pour la suite de sa carrière.

Une histoire bâloise

Grâce à l’engagement de Carlo Huber, directeur de la Kunsthalle Basel, et de Franz Meyer, directeur du Kunstmuseum Basel, une double exposition de l’artiste a été organisée au sein des deux institutions muséales en 1975. Enthousiasmé par l’ « essentialité » avec laquelle Dan Flavin manie la lumière, Carlo Huber présente Fünf Installationen in fluoreszierendem Licht et reconnaît qu’il s’agit d’
« une oeuvre très personnelle et d’une grande autorité ».

De son côté, Franz Meyer sélectionne environ 277 travaux sur papier avec Dan Flavin : dessins, eaux-fortes et plans techniques ainsi que plusieurs oeuvres d’Urs Graf, artiste suisse de la Renaissance, pour lequel Flavin se prend d’affection durant son séjour à Bâle.

Depuis 1975, la cour intérieure du Kunstmuseum Basel | Hauptbau abrite untitled (in memory of Urs Graf), une oeuvre que Dan Flavin a spécifiquement conçue pour ce lieu. Impossible de s’imaginer aujourd’hui la cour sans ce jeu de lumières rose, jaune, verte et bleue dégageant une atmosphère vibrante. Pourtant, jusqu’à la fin des années 1970, des dissensions subsistent au sein de la commission artistique du musée pour déterminer si l’oeuvre doit rester sur place. Il faudra attendre sa donation par la Dia Art Foundation pour confirmer son maintien. Toutefois, on se refusera pendant longtemps à l’allumer. Cette anecdote illustre que la survenue d’un changement radical des habitudes de perception et des opinions nécessite du temps. L’exposition organisée actuellement au Kunstmuseum Basel présente également des documents d’archive des musées mettant cela en évidence.

Informations Pratiques

Kunsmuseum-neubau
St. Alban-Graben 8, Postfach
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Depuis la gare SBB tram n° 2 arrêt Kunstmuseum

Sommaire du mois de février 2024

28 février 2024 : Guernica / Ukraine de Jean Pierre Raynaud  Slava Ukraini
24 février 2024 : Art Karlsruhe 2024
17 février 2024 :  Otto Piene Chemins vers le paradis
14 février 2024 :  Herbreteau Véronique, guide
11 février 2024  :  LACAN, L’EXPOSITION
3  février 2024  :  Strasbourg 1560-1600. Le renouveau des arts

Sommaire du mois de janvier 2024

Centre Pompidou Metz

29 janvier 2024 : Jeff Wall
28 janvier 2024 : La Quinzaine de la Danse
17 janvier 2024 :  Guernica / Ukraine de Jean Pierre Raynaud à Schiltigheim
15 janvier 2024 :  VAN GOGH à Auvers-sur-Oise
7  janvier 2024   : Picasso. Dessiner à l’infini
5  janvier 2024  :  Les trois Rois Mages

Jeff Wall

du 28 janvier – 21 avril 2024 à la Fondation Beyeler
Commissaire :l’exposition est placée sous le commissariat de Martin Schwander, Curator at Large, Fondation Beyeler, en
collaboration avec Charlotte Sarrazin, Associate Curator.

Martin Schwander, Jeff Wall et Sam Keller directeur de la Fondation Beyeler

Introduction

En ce début d’année, la Fondation Beyeler consacre une importante exposition personnelle à l’artiste canadien Jeff Wall (*1946). Il s’agit de la première exposition de cette envergure en Suisse depuis près de deux décennies. Wall, qui a largement contribué à établir la photographie en tant que forme autonome
d’expression artistique, compte aujourd’hui parmi ses représentant·e·s majeur·e·s. Réunissant plus d’une cinquantaine d’oeuvres réalisées au fil de cinq décennies, l’exposition présente une vue d’ensemble très complète du travail précurseur de l’artiste, allant de ses emblématiques grandes diapositives montées dans des caissons lumineux à ses photographies grand format noir et blanc et ses tirages en couleur au jet d’encre. L’exposition met un accent particulier sur les oeuvres des deux dernières décennies, parmi elles des photographies données à voir en public pour la première fois. L’exposition a été conçue en étroite collaboration avec l’artiste.

Son travail

Dans son travail, Jeff Wall sonde les limites entre fait et invention, hasard et construction. Depuis le milieu des années 1970, il a exploré différentes façons d’étendre les possibilités artistiques de la photographie.
Wall qualifie son travail de « cinématographie », voyant dans le cinéma un modèle de liberté de création et d’invention, liberté qui avait été freinée dans le domaine de la photographie par sa définition dominante comme
« documentaire ». Beaucoup de ses photographies sont des images construites impliquant une planification et une préparation longues et minutieuses, une collaboration avec des acteurs·rices et un important travail de
« postproduction ». Jeff Wall crée ainsi des images qui divergent de la notion de la photographie comme principalement une documentation fidèle de la réalité.

Wall est né en 1946 à Vancouver au Canada, où il vit et travaille. Il commence à s’intéresser à la photographie dans les années 1960, âge d’or de l’art conceptuel. À partir du milieu des années 1970, il produit de grandes diapositives montées dans des caissons lumineux. Avec ce format, jusqu’alors associé plutôt à la photographie publicitaire qu’à la photographie d’art, il innove et lance une forme nouvelle de présentation d’oeuvres d’art. Depuis le milieu des années 1990, Wall a encore élargi son répertoire –
d’abord avec des photographies noir et blanc grand format puis avec des tirages en couleur. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles dans le monde entier, entre autres à la Tate Modern, Londres (2005), au Museum of Modern Art, New York (2007), au Stedelijk Museum, Amsterdam (2014) et au Glenstone Museum, Potomac (2021).

Evolution

Les images de Jeff Wall évoluent entre instantané documentaire, composition cinématographique et invention poétique libre, confrontant les spectateurs·rices à une vaste palette de sujets et de thèmes, à la beauté et à la laideur, à l’ambiguïté et à l’inconfort. Pour Wall, l’art de la photographie se doit d’être aussi libre que toutes les autres formes artistiques dans son éventail de sujets et de traitements – aussi poétique que la poésie, aussi littéraire que le roman, aussi pictural que la peinture, aussi théâtral que le théâtre, et
tout cela avec pour objectif d’atteindre à l’essence même de la photographie.

L’exposition

L’exposition à la Fondation Beyeler s’ouvre dans le foyer du musée avec la juxtaposition de deux oeuvres emblématiques de 1999. Morning Cleaning, Mies van der Rohe Foundation, Barcelona montre les préparatifs matinaux effectués dans le célèbre pavillon avant l’arrivée des premiers visiteurs. L’agent
d’entretien est en train de nettoyer les grandes baies vitrées donnant sur un miroir d’eau, nous faisant ainsi assister à un moment habituellement invisible dans la vie de ce célèbre édifice.

A Donkey in Blackpool représente une étable modeste et pourtant très riche sur le plan visuel, occupée par la figure familière d’un âne, qui nous apparaît ici dans un moment de repos. L’association des deux images réunit des univers socialement et culturellement très différents tout en dirigeant notre attention sur leurs points communs – les êtres humains et les animaux entretiennent tous deux une relation profonde aux intérieurs qui les abritent. L’exposition a été conçue de manière à créer une séquence de comparaisons et de juxtapositions de ce type, tissant des échos et des résonances entre les sujets, les techniques et les genres. Pour le catalogue, l’artiste a rédigé un guide qui présente les différentes dimensions de la production des images et de leur agencement dans l’exposition.

Les paysages

Jeff Wall
The Thinker, 1986
Le penseur
Diapositive dans caisson lumineux, 211 x 229 cm
Courtesy l’artiste
© Jeff Wall

Ainsi, la première salle de l’exposition présente une série de diapositives montées dans des caissons lumineux qui mettent en avant des paysages. Produits entre 1987 et 2005, ces paysages urbains offrent une vaste vision des zones urbaines et périurbaines de Vancouver. Jeff Wall considère les paysages urbains comme un aspect important de son travail, qui lui permet d’explorer l’essence même de la ville, les rapports qu’elle entretient avec les zones non urbaines ou périurbaines qui l’entourent, et sa spécificité en tant que théâtre du maillage infini d’événements qui constituent la vie en société.


Jeff Wall
Boxing, 2011
Les boxeurs
Impression lightjet, 215 x 295 cm
Courtesy l’artiste
© Jeff Wal

Les salles suivantes réunissent des scènes réalisées dans des intérieurs et des extérieurs variés, publics et privés, représentant des hommes et des femmes, des personnes pauvres et aisées, jeunes et âgées – certaines images témoignant d’un travail et d’un artifice recherchés, d’autres ne semblant avoir nécessité
aucun effort, en couleur et en noir et blanc, transparentes et opaques, de grand et de petit format, représentant le réel et l’irréel, et un large éventail d’atmosphères, d’états d’esprit et de relations.

Les oeuvres les plus célèbres de l’artiste

L’exposition inclut beaucoup des oeuvres les plus célèbres de l’artiste, parmi elles After ‘Invisible Man’ by Ralph Ellison, the Prologue (1999–2000),

construction d’une scène du roman de 1952 d’Ellison qui montre le jeune protagoniste noir en train de rédiger l’histoire du livre dans son repaire secret en sous-sol, éclairé d’exactement 1369 ampoules électriques.
A Sudden Gust of Wind (after Hokusai) (1993), l’une des oeuvres aux dimensions les plus impressionnantes de Wall, est une adaptation contemporaine d’une des planches de la série de gravures sur bois de Katsushika Hokusai Trente-six vues du mont Fuji (1830- 1832). Ces deux images puisent leurs origines dans les oeuvres d’autres artistes ;


Wall s’accorde la liberté de trouver ses sujets là où le mène son imagination.
A Sudden Gust of Wind est l’une des premières oeuvres pour lesquelles l’artiste a recouru à la technologie numérique, qui lui permet de combiner plusieurs
négatifs individuels en une seule image finale.

Les oeuvres récentes en contrepoint des oeuvres anciennes

La plupart des oeuvres récentes de Wall sont inclues dans l’exposition, généralement présentées en contrepoint à des images plus anciennes.
Fallen rider (2022), image d’une femme qui vient de chuter de sa monture,

est accroché face à War game (2007), où trois jeunes garçons, apparemment photographiés pendant un jeu de guerre, sont allongés sous surveillance dans une prison improvisée.

Dans Parent child (2019), c’est une petite fille qui est allongée, cette fois sur un trottoir dans l’ombre paisible d’un arbre, sous le regard d’un homme qui est probablement son père.

Comme des images de film, les photographies de
Wall semblent saisir un instant en train de se dérouler – l’avant et l’après demeurent hors champ. Sur un mur voisin est accroché Maquette for a monument to the contemplation of the possibility of mending a hole
in a sock (2023), dans lequel une autre figure contemplative, une femme d’un certain âge tenant à la main une aiguille, considère un trou dans le talon usé d’une chaussette mauve. La repriseuse semble irréelle, telle une apparition nous rappelant à l’incertitude qui pèse sur la volonté et la capacité de l’humanité à réparer ce qui a été usé, sursollicité et abîmé.

Le catalogue

Le catalogue de l’exposition, mis en page par Uwe Koch en consultation étroite avec l’artiste, est publié en version anglaise et allemande par Hatje Cantz Verlag, Berlin. Sur 240 pages, il contient des illustrations des oeuvres de l’exposition, une conversation entre Jeff Wall et Martin Schwander, une explication détaillée de l’artiste lui-même de la sélection des oeuvres et de leur accrochage dans les onze salles de l’exposition, ainsi que des essais rédigés par Martin Schwander et Ralph Ubl.

Horaires d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00,
le mercredi jusqu’à 20h00

Programmation associée « Jeff Wall »

Dimanche, 28 janvier
14h –15h
Conférence de Jeff Wall
L’artiste canadien Jeff Wall s’exprimera personellement sur place au
sujet de son travail actuel et de sa toute nouvelle exposition, qui sera
présentée à la Fondation Beyeler du 28 janvier au 21 avril 2024.
L’exposition peut être visitée avant et après la manifestation. La
conférence sera donnée en anglais.
Prix : billett d’entrée
Un lundi sur deux à partir
du 29 janvier
14h–15h
Perspectives – en allemand
Un lundi sur deux, nous vous invitons au parcours thématique autour de
thèmes choisis, en rapport avec l’exposition « Jeff Wall », en compagnie
d’un.e membre de notre équipe de médiation. Ce format vous permet de
découvrir les oeuvres sous des angles inattendus, d’élargir vos
connaissances et d’approfondir votre compréhension de certaines
oeuvres choisies.
29.01. Échos – l’histoire de l’art pour toile de fond
12.02. Une absence – langage et image
26.02. Freeze – l’instant décisif
11.03. Par procuration – poupées, zombies, actrices et acteurs
25.03. Visions du monde – paysage et société
08.04. Poses, postures et gestes – le corps signifiant
Prix : billet d’entrée + CHF 7.-
Samedi, 3 février
Dimanche, 4 février
Samedi, 2 mars
Dimanche, 3 mars
Samedi, 20 avril
Dimanche, 21 avril
10h–18h
Open Studio – en allemand
Au travers de différents ateliers, l’Open Studio offre à ses participants
l’opportunité d’aborder et d’approfondir divers thèmes et techniques de
travail, ainsi que de s’essayer eux-mêmes à quelques explorations
créatives.
Sans inscription. Participation gratuite et ouverte à tous les âges (en
compagnie d’un adulte pour les enfants jusqu’à 12 ans).
Dimanche, 4 février
Dimanche, 3 mars
Dimanche, 21 avril
11h–12h
Visite accompagnée en famille – en allemand
Une expérience artistique et ludique pour les enfants de 6 à 10 ans
accompagnés de leurs parents. La visite accompagnée et interactive en
famille fait de l’art une expérience ludique pour petits et grands. Le
nombre de participants est limité.
Prix : jusqu’à 10 ans : CHF 7.- /Adultes : billet d’entrée
Un mercredi sur deux à
partir du 7 février
12h30–13h
Conversation autour d’une oeuvre – en allemand
Lors de cette confrontation courte mais intense avec une oeuvre d’art
choisie, vous aurez accès à des informations sur les singularités de
l’oeuvre en question, sur son auteur et sur l’époque de sa genèse.
Le nombre de participants est limité.
07.02. Jeff Wall, Dead Troops Talk, 1992
21.02. Jeff Wall, The Storyteller, 1986
06.03. Jeff Wall, After ‘Invisible Man’ by Ralph Ellison, 1999/2000
20.03. Jeff Wall, War game, 2007
03.04. Jeff Wall, In the Legion, 2022
17.04. Jeff Wall, Restoration, 1993
Prix : billet d’entrée + CHF 7.-
Mercredi, 7 février
Mercredi, 6 mars
18h30–19h30
Visite avec les commissaires de l’exposition
Vous souhaitez voir les expositions de la Fondation Beyeler à travers les
yeux de celles et de ceux qui les conçoivent ? Cette visite vous en donne
l’occasion. Les commissaires ne se contentent pas de vous renseigner
sur la conception, l’organisation et la programmation de l’exposition,
mais vous apportent également des éclairages sur les artistes, leur
époque, la genèse des oeuvres et leur signification dans le contexte
artistique. Le nombre de participants est limité.
Prix : CHF 35.- / Bénéficiaires d’une rente AI 30.- / Moins de 25 ans
10.- / Art Club, Young Art Club, Amis, Museums-PASS-Musées 10.-
Dimanche, 11 février
Dimanche, 10 mars
Dimanche, 7. avril
Visite accompagnée – en français
Aperçu de l’exposition « Jeff Wall ».
Le nombre de participants est limité.
Prix : billet d’entrée + CHF 7.-
Jeudi, 22 février
Jeudi, 14 mars
Jeudi, 11 avril
10h30–11h30
Sketch it! – en allemand
« Sketch it » donne l’occasion de se confronter de manière créative à
des oeuvres choisies exposées à la Fondation Beyeler. En particulier, les
oeuvres photographiques de Jeff Wall nous inspirent à explorer
différentes techniques. Nous posons ainsi un regard neuf sur les oeuvres
originales.
Tous les matériaux nécessaires sont mis à disposition.
Prix : billet d’entrée + CHF 10.-
Dimanche, 25 février
Dimanche, 7 avril
9h–12h
L’art au petit déjeuner – en allemand
Délicieux petit–déjeuner au « Beyeler Restaurant im Park » suivi d’une
visite accompagnée (11–12h) de l’exposition. Le nombre de participants
est limité.
Attention : la vente des billets se termine le vendredi après-midi.
Prix : CHF 80.- / Bénéficiaires d’une rente AI 75.- / Moins de 25 ans
55.- / Art Club, Young Art Club, Amis, Museums-PASS-Musées 48.-
Mercredi, 28 février
18h–20h30
Atelier pour adultes – en allemand
L’atelier pour adultes offre la possibilité d’approfondir de manière active
par la pratique ce que l’on a vu et vécu durant la visite guidée. L’objectif
est de comprendre les techniques artistiques en atelier et de les mettre
en pratique. Point n’est besoin de notions ni de compétences
artistiques; toutes les personnes s’intéressant à l’art – que ce soit sous
l’angle esthétique, philosophique ou artisanal – sont les bienvenues.
Le nombre de participants est limité. Inscription obligatoire :
tours@fondationbeyeler.ch ou 061 645 97 20.
Prix : billet d’entrée + CHF 20.- (matériel inclus)
Jeudi, 29 février
16h30–17h30
Visite accompagnée pour personnes avec un handicap visuel – en
allemand
Les visites guidées destinées aux malvoyants et aveugles contiennent
des descriptions détaillées qui permettent de faire ressentir l’oeuvre au
plus profond. Votre chien guide peut vous accompagner dans le musée.
Nous souhaitons vous informer du fait que les oeuvres ne peuvent pas
être touchées. Entrée gratuite pour une personne accompagnante. Le
nombre de participants est limité. Inscription obligatoire :
tours@fondationbeyeler.ch ou 061 645 97 20.
Prix : billet d’entrée
Jeudi, 7 mars
16h30–17h30
Visite accompagnée pour personnes avec un handicap auditif – en
allemand
Un(e) interprète traduit les explications des oeuvres d’art de l’exposition
en cours simultanément en langage des signes.
Le nombre de participants est limité. Inscription obligatoire :
tours@fondationbeyeler.ch ou 061 645 97 20.
Prix : billet d’entrée
Mercredi, 13 mars
14h–16h30
Ateliers pour enfants – en allemand
Découverte de l’exposition au cours d’une visite guidée suivie
d’expérimentations ludiques dans l’atelier.
Inscription obligatoire : tours@fondationbeyeler.ch ou 061 645 97 20.
Prix : CHF 10.- matériel inclus
Dimanche, 14 avril
10h–18h
Journée des familles – en français, allemand & anglais
Organisée autour de l’exposition « Jeff Wall », la Journée des familles
sera consacrée aux histoires, aux secrets et aux ambiances qui
imprègnent les univers visuels de l’artiste canadien. Des visites guidées
en famille offriront un accès amusant aux oeuvres et aux thèmes de
l’exposition. Les plus jeunes pourront voyager sur le tapis des contes ou
explorer le musée en compagnie de Fred l’écureuil. Des ateliers pour
tous les âges proposeront des activités de création, de découverte et de
jeu.
Toutes les animations de la Journée des familles sont comprises dans le
billet d’accès au musée. L’accès au musée est gratuit jusqu’à 25 ans

Les Années Fauves

En collaboration avec le Musée d'Art moderne de Paris, Paris Musées, la Fondation Pierre Gianadda a le privilège d’exposer plus d’une centaine d’œuvres provenant aussi de musées français tels le Musée national d’art moderne Centre Pompidou, le Musée Paul Dini, ou celui des Beaux-Arts de Bordeaux et de collections privées. Des peintures, sculptures et céramiques toutes emblématiques des années fauves vont parer les cimaises de la Fondation de couleurs flamboyantes.
Du 7 juillet 2023 au 21 janvier 2024 – Tous les jours de 10h00 à 18h00
Fermeture à 16h30 le 8 décembre 2023
Commissariat général de l’exposition, Musée d’Art moderne de Paris :
Fabrice Hergott
Commissariat de l’exposition, Musée d’Art moderne de Paris :
Jacqueline Munck, Conservatrice en chef avec Marianne Sarkari
Antoinette de Wolff, fondation Gianadda


La couleur portée à son paroxysme

A l’égard de certains paysages portés au maximum de leur intensité avec leurs tons rehaussés, l’on se rappelle la déclaration mythique de Matisse :
« …il faudrait en venir à mettre le soleil derrière la toile ».
Il affirme également
« …Le Fauvisme fut aussi la première recherche d’une synthèse expressive ».


Ce mouvement est animé par Henri Matisse entouré d’un groupe de peintres, parmi lesquels Henri Manguin, André Derain, Maurice de Vlaminck, Charles Camoin, Georges Rouault et Albert Marquet, expose leurs oeuvres dans la salle VII du Salon d’Automne en 1905. En réaction contre les variations éphémères de l’atmosphère et les vibrations instables de la lumière des peintures impressionnistes, « secouant la tyrannie du Divisionnisme », sentence de Matisse, ces jeunes artistes portent au paroxysme la leçon de Van Gogh en exaltant la couleur pure. Un excès qui déclenche l’ire du public et de la critique de l’art, qui s’en prend violemment à ces nouveaux peintres, dont Louis Vauxcelles qui, découvrant dans ladite salle un buste d’enfant italianisant du sculpteur Albert Marque s’exclame : « Donatello parmi les fauves » !

Le Fauvisme : premier mouvement du XXe siècle

La phrase fait mouche et fauve devient éponyme du Fauvisme, reconnu comme la première avant-garde du XXe siècle, école sans règles et interdits. Ce qui réunit ces peintres se révèle Paris, qui à l’époque attire comme un aimant des artistes de toute l’Europe. C’est dans ce climat de métropole de l’art, que cette jeune génération de peintres formés à l’Ecole des Beaux-Arts ou dans des ateliers libres mènent ce combat novateur d’une esthétique révolutionnaire.
 Aux côtés de ce premier noyau de Fauves, qui entre 1905 et 1908, peint à Collioure, sur la côte normande, à Saint-Tropez et à l’Estaque, se joignent de jeunes peintres venus du Havre : Emile Othon Friesz, Raoul Dufy, Georges Braque, puis Kees van Dongen des Pays-Bas et Pierre Girieud qui tous participent de cette grande libération des tonalités. D’autres peintres peuvent être reliés à ces artistes comme Louis André Valtat, Jean Metzinger, Robert Delaunay, Etienne Terrus, Maurice Marinot et le jeune Auguste Herbin en raison de leur proximité aux moments clés de l’évolution du fauvisme ou des rendez-vous du Salon des Indépendants ou celui d’Automne. Picasso, dont deux oeuvres sont présentes aux cimaises de la Fondation Pierre Gianadda, noue des contacts étroits avec les Fauves. L’Espagnol observe Matisse et Derain et mesure leurs avancées par rapport à sa période rose. Il se rapproche de Kees van Dongen au Bateau Lavoir partageant avec lui une thématique pleine de similitude.

Plus d’ombre : le tableau devient une surface totalement éclairée

Avec cette nouvelle technique picturale, on relève la construction de l’espace par la couleur pure, les formes traitées en aplats et cernées, plus de nuances
« descriptives » mais « expressives », des contrastes colorés se substituent à la perspective.

Dans les visages, on supprime le modelé le remplaçant par des nuances débridées bien loin de la réalité. En résumé : « on transpose » et la sensation le dispute à l’émotion. Dans les toiles de certains artistes, on emploie encore la touche en mosaïque, issue du néo-impressionnisme, comme Matisse la pratiquait. La stridence des rouges, des verts et des oranges présents dans les huiles des Fauves, exprime « les feux de l’été » et la hardiesse des compositions.

De quelques thèmes traités par le Fauvisme

La Seine et les villages de Chatou, du Pecq, d’Argenteuil et aussi de la Normandie font partie des paysages allumés par les Fauves, de même que le spectacle de la ville et de la rue pavoisée avec l’étalage des drapeaux et des oriflammes. Et puis n’oublions pas l’attraction de la nuit, des cabarets et des cirques parisiens d’où jaillissent les « filles » ou « ivrognesses » de Georges Rouault,

les prostituées et les saltimbanques de Picasso ou Van Dongen. Tout ce petit monde noctambule qui reflète l’ambiance à l’époque de la Butte Montmartre. Et aussi, le nu, le portrait et le modèle dans l’atelier traités avec la même fougue enivrante d’un chromatisme porté à son comble.

La part d’exotisme

Derain s’émerveille devant les sculptures océaniennes du British Museum
« affolantes d’expression ». Le réalisme vigoureux de cette statuaire venue d’Afrique et d’autres pays lointains, avec sa simplification esthétique, sa fracture anatomique, ses canons de la beauté antagonistes de l’art classique se propage dans les ateliers des Fauves apportant un « langage universel ».


L’exotisme rejoint ainsi l’universalité de la création. Plusieurs sculptures provenant de différentes régions de l’Afrique et de la Nouvelle-Guinée sont exposées et vont illustrer à merveille cette influence sur l’art européen. Foin de l’ethnocentrisme occidental avec Derain, Vlaminck et Matisse qui acquièrent des sculptures, statuettes et masques du Gabon, du Congo, du Bénin, d’Océanie etc. dont ils s’inspirent.  

La pratique pluridisciplinaire des Fauves : la céramique en est un exemple

Tous s’ouvrent aux innovations techniques et pluriculturelles notamment la céramique qui rencontre un renouveau au tournant du XIXe siècle. Au contact des découvertes archéologiques et autres inspirations, certains Fauves s’adonnent à la peinture sur céramique. C’est avec le céramiste André Metthey qu’ils se forment à cette nouvelle expression artistique et cette collaboration donne naissance à l’École d’Asnières.

Les artistes fauves prouvent leur fascination pour ce procédé dans des réalisations exemplaires comme des plats, des assiettes ou des vases signés Vlaminck ou Derain. Cécile Debray déclare que : « Le Salon d’Automne offre un cadre favorable à la réhabilitation de cet art et à son introduction dans les milieux artistiques ». Ces créations témoignent d’un autre aspect du Fauvisme et complètent d’une façon très enrichissante cette exposition.

De quelques oeuvres exposées

Matisse (1869-1954), figure majeure du XXe siècle suit les cours de Gustave Moreau à Paris et devient le protagoniste du fauvisme. Son Paysage de Saint-Tropez au crépuscule (huile sur carton de 1904) Matisse le traite en bandes colorées où le bleu se décline de l’outremer à l’azur pour terminer avec un ciel aigue-marine traversé par des nuages violets.

Avec de larges coups de pinceaux il réduit les arbres d’une façon radicale leur donnant un aspect de fantômes ! Derain (1880-1954) rencontre Matisse et Vlaminck à l’académie Carrière et à Collioure : il innove avec les couleurs pures. Fasciné par l’art africain, il va à l’essentiel et simplifie les formes comme dans Trois personnages assis dans l’herbe (huile sur toile, 1906). Un traitement en aplat pour l’herbe verte opposée au bleu du ciel et les protagonistes évoqués avec quelques traits aux couleurs dissonantes dans la confrontation des complémentaires.  
La découverte de la peinture de Van Gogh amène Maurice de Vlaminck (1876-1958) cycliste, musicien, journaliste anarchiste, à la peinture. Qualifié de fauve le plus « radical » en témoigne Berges de la Seine à Chatou (huile sur toile, 1906), un sujet qu’il aime reproduire avec ses couleurs pures. Des coups de pinceaux énergiques traduisent une nature en mouvement en lui donnant un côté sismique. Le Fauvisme prend ses quartiers à Chatou, Collioure ou l’Estaque, mais un pôle se développe aussi au Havre avec trois Normands qui se rapprochent des Fauves : Othon Friesz, Raoul Dufy et Georges Braque. Le Havre avec son activité portuaire intense et ses ciels changeants, offre une source d’inspiration à ces jeunes artistes.


Notamment avec Les Régates (huile sur toile, 1907-1908), Dufy (1877-1953) donne un exemple de cette fébrilité de bord de mer traitée avec un chromatisme vibrant et des estivants très sommairement esquissés tournés vers le large en train d’observer les navires. La couleur posée en aplats et cernée de noir témoigne de l’adhésion de Dufy au Fauvisme. Braque (1882-1963) attiré par le Sud, peint à l’Estaque sur les traces de Cézanne puis, séduit par la lumière éblouissante de la Méditerranée, brosse Le Golfe des Lecques (huile sur toile, 1907). Avec une vue plongeante, les plans se déroulent d’une façon frontale avec le jaune intense de la pinède, le bleu de cobalt de la mer et fermant l’horizon, les contours montagneux colorés et cernés de noir. Un ciel aux tons empiriques clôt cette composition ardente.
Tout autre chose avec Henri Manguin (1874-1949) qualifié de « peintre du bonheur », ami de Matisse et de Camoin. Il pratique un fauvisme moins absolu que ses contemporains et peut s’épanouir dans son art sans souci financier contrairement aux autres artistes adeptes du Fauvisme. A partir de 1905, il passe ses étés à la villa Demière, près de Saint-Tropez à Malteribes. Dans ce lieu paradisiaque Manguin signe : La Femme à la grappe (huile sur toile, 1905, Fondation Pierre Gianadda). Jeanne, son épouse dans une position frontale, gracieuse et naturaliste, tient une grappe de raisin sombre, qui contraste avec les blancs subtils rehaussés de tons bleus. L’écharpe qui rime avec la grappe s’affiche dans un bleu nuit audacieux. Le décor qui entoure le modèle, s’exprime par des touches souples, où s’opposent les couleurs chaudes et froides. Manguin, livre une oeuvre raffinée et, oh combien séduisante. Auguste Herbin (1882-1960), formé à l’Ecole des beaux-arts de Lille, s’installe à Paris en 1901. Un séjour en Corse lui révèle la lumière et il évolue vers le Fauvisme. Avec Bruges (aquarelle sur papier, 1907), il adopte le chromatisme expressif des fauves, la simplification des formes et la distance prise avec la réalité.


Louis André Valtat (1869-1952), est admis à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris à 17 ans puis complète sa formation à l’Académie Julian. Installé dans un atelier à Anthéor, il rend visite à Renoir et Cagnes lui inspire ce Paysage de Cagnes (huile sur carton, 1898). Il brosse déjà avant la naissance du Fauvisme un tableau avec des touches comme des bâtonnets qui sillonnent le ciel d’une façon dynamique. Les troncs violets des arbres témoignent de cette volonté de s’éloigner de la couleur originale et il traite le sol en arabesque qui sera privilégiée dans le fauvisme à la ligne exacte !

Cartouches de dynamite

Les cimaises vont s’enflammer avec les « cartouches de dynamite » de Vlaminck et affirmer combien les inventeurs du Fauvisme créent avec une « énergie vitaliste » et en éliminant les ombres : un feu d’artifices dans le concert de l’art du début du XXe siècle.
Antoinette de Wolff

Informations pratiques

Fondation Pierre Gianadda
Rue du Forum 59
1920 Martigny (Suisse)
Téléphone : +41 (0) 27 722 39 78
site internet : http://www.gianadda.ch/

Saba Niknam

Nom : Niknam
Prénom : Saba
Profession : artiste polyvatente
Spécialité : croyances, mythologies et rituels de différents peuples à travers le monde
Signe particulier : pseudo – Huginn Muninn, noms des corbeaux de Odin
dieu dans la mythologie germanique et scandinave

                               vue de l’exposition à la galerie Cahn à Basel

L'exposition à Basel, à la galerie Cahn est visible jusqu'au 19 novembre 2023


Galerie Cahn comtempory
19 Steinentorstrasse
Basel

Ouvert du jeudi au dimanche
13 h à 19 h
Biographie

Saba Niknam, née en 1988 à Téhéran, Iran, est une artiste accomplie et polyvalente, dont la passion pour la créativité l’a emmenée dans un voyage remarquable. Elle est diplômée de l’estimée Haute École des Arts du Rhin à Strasbourg, témoignant de sa dévotion et de son talent artistique. Les poursuites artistiques de Saba sont profondément influencées par les cultures diverses, l’art populaire, ainsi que les croyances, mythologies et rituels de différents peuples à travers le monde. Avec modestie, elle aborde son art avec une approche ethnologique, cherchant à explorer et à célébrer la riche diversité culturelle de notre planète.

                                              Basel
En 2023, les œuvres d’art de Saba Niknam ont été reconnues et acclamées en étant intégrées dans les collections de deux institutions prestigieuses : le Musée du quai Branly à Paris et le Fonds régional d’art contemporain d’Alsace (FRAC Alsace). De tels accomplissements sont un témoignage de sa vision artistique et de son talent.

                                    Basel avec Jean-David Cahn
En 2023, elle a participé à l’exposition « Dévoiler » de la Galerie Cahn de Basel,
sous l’autorité de Pierre-Jean Sugier, commissaire et galeriste, en compagnie de l’artiste photographe Jean-Christophe Ballot.

En 2022, Saba s’est lancée dans une collaboration captivante avec le directeur artistique Hamid Rahmanian. Ensemble, ils ont créé un spectacle envoûtant de marionnettes d’ombre intitulé “Chant du Nord”, un spectacle artistique qui a été présenté en première au vénérable Musée du quai Branly à Paris. La première du spectacle a suscité beaucoup d’attention et a davantage consolidé la position de Saba Niknam en tant qu’artiste éminente et visionnaire.

Reconnaissant la valeur de la croissance continue, en 2020, Saba a enrichi davantage son expertise artistique en se spécialisant dans les miniatures persanes à la prestigieuse Prince’s Foundation School of Traditional Arts de Londres. Cette entreprise lui a permis d’approfondir sa compréhension et sa maîtrise de cette forme d’art unique, cherchant humblement à perfectionner ses compétences.

Les accomplissements créatifs de Saba Niknam ont été reconnus à travers des subventions et des expositions prestigieuses. En mars 2019, elle a reçu une subvention de création individuelle de la DRAC Grand-Est pour son projet exceptionnel “Mami Wata”, une exploration captivante des créations mythiques d’eau. La même année, elle a participé à la prestigieuse exposition “GALERISTES” avec Club 7.5 au Carreau du Temple à Paris, suivie d’une remarquable exposition de groupe à la Galerie Marek Kralewski à Freiburg, en Allemagne. Ces opportunités lui ont permis de partager sa voix artistique avec un public diversifié.

Animée par une profonde curiosité pour les cultures diverses, Saba a participé en 2015 au prestigieux programme de résidence croisée “Alsace-Québec, ville d’Alma”. Au cours de cette expérience immersive, elle a plongé dans les mythes des Innu, un peuple autochtone, exprimant ses découvertes profondes à travers des dessins captivants et des objets d’art. Son travail de cette période a été exposé de manière remarquable au FRAC Alsace dans l’exposition “Panache” de février à mai 2017. (2019)

              Saba Niknam, Nommo le dieu poisson, 2019

En 2015, Saba Niknam a organisé sa première exposition solo, intitulée “Le Nom Secret du Soleil”, à la prestigieuse Galerie Jean-François Kaiser à Strasbourg, une étape importante dans son parcours artistique.

Tout au long de sa carrière, l’engagement de Saba envers la diversité culturelle, l’exploration de différentes mythologies et son dévouement à la collaboration artistique restent au cœur de son travail. Avec un cœur humble et ouvert, elle s’efforce d’engager le public à travers ses créations captivantes et significatives, laissant une impression indélébile sur le monde de l’art contemporain. À chaque tissage habile de ses œuvres, elle contribue à l’éclatant tapis de l’héritage culturel partagé de l’humanité.

Voyages à travers les Coiffes

Plusieurs de mes expositions se nourrissent des mythes et des symboles, et je collectionne de nombreux vêtements ethniques. Les vêtements et coiffes sont une grande source d’inspiration dans mes dessins je crois au fait que les vêtements ethniques ne sont pas seulement un habit pour le corps mais se lisent, tel un livre qui, à travers les broderies, symboles, formes et couleurs, racontent l’histoire et les croyances d’un peuple.

              exposition Basel Galerie Cahn 2023
Dans ce travail artistique, je mélange les habits ethniques des différentes cultures et dessine des coiffes inspirées de véritables coiffes folkloriques, dans un dessin à la mise en scène à la fois théâtralisée et mystique. J’aime raconter des histoires, et l’art en tant que vecteur de narration me fascine.
Ce nouveau projet “Voyages à travers les Coiffes” s’inscrit donc dans la continuité de cette démarche d’exploration des symboles et de narration. Il s’agit d’un projet photographique mettant en scène les coiffes que je fabrique en m’inspirant des traditionnelles coiffes d’Asie.


Ces coiffes que je crée respectent l’authenticité des codes traditionnels, à laquelle j’ajoute une touche qui m’est personnelle. En portant des costumes ethniques, je me mets face à l’objectif et crée une scène théâtrale pour raconter l’origine mythique de la coiffe.


Chacune d’entre elles font l’objet d’une recherche ethnologique afin de révéler le sens derrière la forme ; ces coiffes sont toutes riches de symboles car elles couvrent la tête, considérée comme la partie la plus importante du corps et symbole d’intelligence. Ces objets donnent une valeur importante à la tête qui la porte.


Dans cette série de photographies, j’essaie de présenter ces nouvelles formes de coiffes ethniques et d’initier un voyage à travers l’habit, comme l’a fait Léon Bakst, grand artiste peintre, qui fut également costumier et décorateur pour les Ballets russes.

Saba Niknam 2020

 
Citation du Président de l’Académie d’Alsace des sciences, lettres et arts

extrait :
…. silhouette gracieuse dans le monde de l’art, discrète et élégante, Saba cultive une vertu bienfaisante : elle est très gaie !
Bernard Reumaux, Editeur

Son site

Vous pouvez la retrouver sur son site ici

Matisse, Derain et leurs amis, L’avant-garde parisienne des années 1904–1908

Au Kunstmuseum Basel | Neubau, jusqu'au 21.1.2024,
Commissaires : Arthur Fink, Claudine Grammont, Josef Helfenstein
Le Fauvisme

Le Kunstmuseum Basel | Neubau consacre sa grande exposition temporaire Matisse, Derain et leurs amis au premier courant d’avant-garde du XXe siècle : le fauvisme. À travers quelque 160 oeuvres d’exception, dont plusieurs visibles pour la première fois en Suisse, elle met l’accent sur l’expérimentation de la couleur à laquelle se sont livrés Henri Matisse, André Derain, Georges Braque, Maurice de Vlaminck et d’autres artistes dans les années 1904 à 1908. Elle met en lumière le rôle des critiques et du marché de l’art lors de l’apparition et de l’affirmation de ce courant artistique auquel se rattache directement le cubisme.

Les Fauves

Le fauvisme a marqué les débats picturaux de la modernité et au-delà.
On doit le terme « fauves » au critique d’art Louis Vauxcelles lors de sa visite au Salon d’Automne de 1905. Il pointa l’emploi expressionniste de la couleur et les associations chromatiques inhabituelles qui enfreignaient de manière révolutionnaire les conventions picturales en usage. Les tableaux aux couleurs crues et choquants pour le public de l’époque présentaient en outre des motifs se référant à la peinture naïve française, ainsi que des emprunts formels à l’art non occidental et à des traditions visuelles du Moyen Âge. La qualification de
« fauves » symbolise le discrédit jeté par la haute bourgeoisie parisienne, aux goûts culturels conservateurs, sur la peinture progressiste en général. Le groupe informel d’artistes autour de Matisse et Derain s’approprie immédiatement cette désignation méprisante et tire profit de l’effet de scandale.

L’exposition

L’exposition Matisse, Derain et leurs amis met en évidence la manière dont le fauvisme s’affirme au sein d’un marché de l’art alors très instable. Les peintres ne disposent d’aucun programme esthétique précis défini par des écrits ou des manifestes ; en outre, ils appartiennent à des milieux sociaux et artistiques hétérogènes. Ils partagent toutefois le même intérêt pour la peinture postimpressionniste et néo-impressionniste de Georges Seurat, Vincent van Gogh, Paul Cezanne et Paul Gauguin.

Des couleurs pures, non mélangées

À l’été 1905, Matisse et Derain séjournent ensemble à Collioure, un village de pêcheurs dans le Sud de la France. Ils y développent les stratégies picturales qui aboutiront à la qualification de fauvisme : le refus de restituer à l’identique les couleurs ainsi que le renoncement au clair-obscur. Ils accordent une place centrale à la teneur émotionnelle du sujet qu’ils s’attachent à rendre à travers des couleurs pures, non mélangées.

                                       Derain à Collioure

Les fauves rompent avec les principes de composition traditionnels. Leurs tableaux se caractérisent souvent par l’absence d’un centre bien défini et d’un ordonnancement avec un premier plan, un milieu et un arrière-plan. Ils ne présentent ni fond, ni dessin préparatoire et, pour la première fois dans l’histoire picturale, la peinture est un matériau à part entière : son processus d’application est perceptible, tandis que les coups de pinceau possèdent une qualité haptique. Par ailleurs, les artistes font preuve d’une grande diversité thématique : rues et ports, portraits intimes de famille, scènes de la vie nocturne dissolue, culture de consommation.

                  Matisse Intérieur à Collioure

Après le scandale du Salon d’Automne de 1905, lors duquel les jeunes peintres furent qualifiés non sans retentissement de « bêtes sauvages », des artistes du Havre, en particulier Raoul Dufy, Georges Braque et Othon Friesz, se joignent à eux. Ils élaborent leur style pictural dans une approche critique de l’impressionnisme et ne cessent de se rendre sur les lieux représentés par la génération de peintres précédente, notamment la Normandie ou encore L’Estaque et La Ciotat, des villages du Midi. Pour ce faire, ils disposent des infrastructures touristiques modernes et du réseau ferroviaire en pleine extension.

                                                        Raoul Dufy

Dans le contexte du fauvisme

Le terme « fauves » revêt une connotation virile suggérant la non-inclusion des artistes femmes. L’exposition Matisse, Derain et leurs amis s’attache à rendre visible ces femmes qui ont joué un rôle primordial, mais rarement mis en lumière. Parmi celles-ci, Amélie Parayre-Matisse qui, grâce à ses dessins textiles, fournit une assise financière à la production artistique de son mari, ainsi que la marchande d’art Berthe Weill qui apporte aux fauves un soutien considérable à leurs débuts et qui organise une importante exposition peu après le scandale du Salon d’octobre 1905. En outre, Berthe Weill fut l’une des rares à soutenir les artistes femmes et à exposer très tôt des oeuvres d’Émilie Charmy et de Marie Laurencin,

toutes deux pouvant être également associées au fauvisme. Le Kunstmuseum Basel présente un portrait d’Alice Derain, épouse d’André Derain, réalisé par Marie Laurencin, surnommée aussi « la biche parmi les fauves » ou « la fauvette ». Camarade de Georges Braque et compagne de Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin appartient au cercle des artistes d’avant-garde mais apparaît en retrait de ce groupe très masculin.

               Henri Rousseau Marie Laurencin et guillaume Appolinaire
               La muse inspirant le poète 1909

De plus, l’exposition présente le fauvisme dans le contexte de l’époque : les tableaux reflètent des phénomènes propres à la société de consommation, tandis que certains artistes également caricaturistes s’intéressaient à la publicité naissante, aux industries du loisir et du tourisme alors en rapide expansion. D’anciennes photographies représentant des rues apportent des informations sur la vie quotidienne citadine et la mode de la Belle Époque. En collaboration avec l’historienne parisienne Gabrielle Houbre, le Kunstmuseum Basel présente des sources historiques consacrées à la réalité sociale des prostitué.e.s qui posaient comme modèles pour les peintres fauves.

 

Des prêts prestigieux et des oeuvres majeures

Matisse, Derain et leurs amis présente quelque 160 oeuvres de Georges Braque, Charles Camoin, Émilie Charmy, Sonia et Robert Delaunay, André Derain, Kees van Dongen, Raoul Dufy, Othon Friesz, Marie Laurencin, Henri Charles Manguin, Albert Marquet, Henri Matisse, Jean Puy, Maurice de Vlaminck et d’autres artistes proches des fauves provenant de collections internationales publiques et privées, parmi lesquelles le Centre Pompidou de Paris, le Museum of Modern Art et le Metropolitan Museum de New York, le Musée Matisse de Nice, la National Gallery of Art de Washington, le Statens Museum for Kunst de Copenhague, la Staatsgalerie Stuttgart, la Tate Modern de Londres et le Kunsthaus Zürich.

       
L’exposition présente plusieurs oeuvres majeures d’Henri Matisse, dont Luxe, Calme et Volupté (1904), La Gitane (1905), Le Tapis Rouge et La Sieste (toutes deux de 1906). L’important ensemble sculptural exécuté à ses débuts, provenant du Musée Matisse de Nice, constitue également un temps fort de l’exposition. Dans Notes d’un peintre (1908), l’une des sources majeures sur le fauvisme dans le champ de la théorie de l’art, Matisse écrit que la représentation de la figure a toujours été au coeur de ses préoccupations artistiques.

L’exposition réunit également des tableaux d’André Derain, dont la remarquable série des Peintures de Londres ainsi que le monumental La Danse (tous de 1906) considéré comme l’oeuvre emblématique de ses débuts. Nombre des oeuvres visibles dans l’exposition n’ont pas été présentées au public depuis plusieurs décennies.

Publication

Une publication richement illustrée avec des contributions de Elena Degen, Arthur Fink, Claudine Grammont, Josef Helfenstein, Gabrielle Houbre, Béatrice Joyeux-Prunel, Peter Kropmanns, Maureen Murphy et Pascal Rousseau paraît dans le cadre de l’exposition. (Anglais ou Allemand)

Informations pratiques

Kunstmuseum Basel
St. Alban-Graben 8
Case postale, CH-4010 Basel
T +41 61 206 62 62
kunstmuseumbasel.ch

Vous pouvez visiter la collection gratuitement aux horaires suivants :
mar, jeu, ven : 17h00 – 18h00*
mercredi : 17h00 – 20h00 (Kunstmuseum Basel | Présent uniquement ouvert jusqu’à 18h00)
Premier dimanche du mois

*Jours fériés exclus

 

BÂTIMENT PRINCIPAL ET BÂTIMENT NOUVEAU

Fermé le lundi
Mar 10h00 – 18h00
Mercredi 10h00 – 20h00
Jeu-dim 10h-18h

 

 Robert Gober et le motif du trou d’écoulement

A la Bourse de Commerce

L’œuvre de Robert Gober décrit des relations complexes entre intérieur et extérieur, caché et révélé. Les corps masculins sont présentés comme des ready-mades modifiés, tronqués, mutants et hybrides.   

Waterfall est une installation qui s’aborde à travers une simple veste, une pièce de costume masculin présentant son dos au regardeur. Elle est placée contre un mur ; de son col, dépasse un liseré blanc de chemise. Dans la partie supérieure du dos se découpe une petite ouverture carrée. Le visiteur est porté à regarder par cette ouverture : ce qu’il voit alors n’est pas, comme on pourrait s’y attendre, l’intérieur d’un corps, mais une paroi rocailleuse, mêlée de branchages et ruisselante d’eaux vives. En combinant la banalité sévère d’un vêtement urbain à une scène agreste, deux éléments du réel ordinaire appartenant à deux modes d’existence différents, Waterfall parvient à synthétiser, plus encore qu’un récit onirique dans la veine surréaliste, une mise en abîme qui renverse l’ordre établi et interchange les limites de l’intérieur et de l’extérieur. Waterfall renvoie aussi à la dernière œuvre de Marcel Duchamp, Étant donnés : 1° la chute d’eau 2° le gaz d’éclairage… (1946-1968), une installation où cohabitent le corps, la pulsion scopique du regardeur et le diorama de cascade et de verdure. Waterfall poursuit l’investigation de Gober sur la perception trouble et les aspects flottants du corps et de l’identité.

Door with Lightbulb 

L’installation Door with Lightbulb de Robert Gober immerge le spectateur dans une histoire silencieuse. Au cœur d’un espace clos et obscur, une porte apparaît encadrée de piles de journaux et aux prises avec deux sources de lumière. Alors qu’une ampoule rouge luit de façon sinistre et alarmante à son sommet, un rai de lumière brillante filtre sous elle. Attaché à la matérialité de l’objet, Gober confectionne à la main tous les éléments de cette installation, comme les journaux dont il a lui-même écrit chaque article.

Opérant une plongée dans un lieu anonyme et inquiétant, Door with Lightbulb exprime pleinement un mélange entre familiarité et étrangeté bien spécifique à l’œuvre de Robert Gober. La porte est un élément récurrent au sein de son œuvre ambiguë, apparaissant dans des environnements éclairés avec soin.

HELP ME 2020-2021

Help me de Robert Gober se compose d’un cadre de fenêtre et d’un ensemble d’objets quotidiens : des rideaux, un pot de graisse, un crayon, tous réalisés à la main par l’artiste. Si l’intérieur est visible, l’ouverture ne donne accès qu’au mur d’accroche, créant ainsi une sensation d’étouffement. La beauté calme du vent s’engouffrant dans les rideaux, le caractère domestique de l’assemblage qui donne l’impression de se retrouver face à un rebord de fenêtre d’une ferme américaine comme le suggère le pot, renforce paradoxalement l’aspect énigmatique, sinon angoissant, sensation réhaussée par le titre
(« Sauvez moi »).

Nombre d’œuvres de Robert Gober font état d’une tension entre l’intérieur et l’extérieur – l’artiste a souvent recours à l’artifice visuel des barreaux – laissant le sentiment que certaines choses restent enfouies, sous le poids des contraintes sociales, de la honte, des injonctions. Help Me, tout en laissant affleurer des questions existentielles et biographiques, arpente aussi l’histoire de l’art : le cadre de la fenêtre agit tout autant comme celui d’un tableau, interrogeant le caractère illusionniste de l’image artistique.

Au Schaulager

Sans titre 1995-1997

Cette œuvre majeure consacrée à la création de répliques de l’environnement ménager, tels que des lavabos, des cheminées, des écoulements ou des reproductions de parties du corps, ainsi que des espaces connotés par une institution ou par la religion, se voit une nouvelle fois présentée au public, dans une collaboration étroite avec l’artiste.

Le motif du trou d’écoulement, auquel il se confronte encore une fois ici, apparaît dès ses premières œuvres : à partir de 1989, Gober installe une série de simples trous d’écoulement (Drains), qu’il réalise un par un et fait mouler directement dans les murs des salles d’exposition. Le trou d’écoulement illustre la frontière entre la lumière et l’obscurité, entre ce qui est visible en surface et ce qui est souterrain, entre l’intérieur et l’extérieur.

Son installation est à lire comme un symbole de transition, elle présente des lieux qui sont invisible en eux-mêmes. Les catégories explicites du dedans et du dehors, du dessus et du dessous, ces éléments qui font notre orientation dans l’espace, disparaissent. En lieu et place, des zones inconnues apparaissent aux délimitations autres et qui ouvrent sur un domaine dont il faut faire l’expérience physique. En même temps, observée avec recul, la sculpture domine l’espace et vacille sans se fixer entre un plateau de tournage et la scène d’un crime.


Split Walls with Drains ne fait pas seulement figure d’apothéose de l’œuvre sculpturale de Gober en raison de ses exceptionnelle qualités plastiques – considérant en particulier les éviers, trous d’écoulement et urinoirs réalisés à la main –, l’œuvre occupe aussi une place à part puisqu’elle fut réalisée pour l’espace spécifique du MGK, sous et au travers duquel coule aussi d’ailleurs un ruisseau. Elle demeure ainsi enracinée dans le bâtiment de manière permanente.

Biographie
 

AMÉRICAIN, NÉ EN 1954, auteur d’une œuvre autobiographique dans laquelle se côtoient lits d’enfants, membres humains et installations à grande échelle, Robert Gober rattache ses souvenirs d’enfance à des objets de prime abord anodins mais à l’apparence troublante. En donnant une forme aux images évocatrices qui hantent son esprit, il livre un œuvre protéiforme qui questionne la sexualité, la religion, les relations humaines et la nature.

L’évocation du souvenir est indissociable chez Robert Gober d’une démarche artisanale. Ses œuvres naissent d’un travail manuel méticuleux qui implique une grande diversité de matériaux tels que cire, plâtre, papier journal, et procédés techniques. Sa grande maîtrise sculpturale lui permet d’exprimer une forme d’aliénation de l’objet au travers d’un réalisme déconcertant.

Les œuvres de Robert Gober, conservées au sein de la Collection Pinault, ont été exposées lors de l’exposition « Sequence 1 » (2007) à Palazzo Grassi, et les expositions « Mapping the Studio » (2009-2011) et « Dancing with Myself » (2018) à Punta della Dogana.

Informations pratiques

A la Bourse de Commerce

2 rue de Viarmes, 75001 Paris

Voir le plan

Ouverture

Du lundi au dimanche de 11h à 19h
Fermeture le mardi et le 1er mai.
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h.
Le premier samedi du mois, nocturne gratuite de 17h à 21h.

Au Schaulager Basel
HORAIRES D’OUVERTURES
 

Mardi-dimanche 10h-18h
Jeudi jusqu’à 20h
Fermé le lundi
Ouvert le 1er août

OUT OF THE BOX

Schaulager est fier de présenter cette année une grande exposition collective et a de bonnes raisons de se réjouir : Schaulager fête ses 20 ans ! La plupart des œuvres exposées ont été acquises ces dernières années pour la collection de la Fondation Emanuel Hoffmann. L'exposition se concentre sur les médias temporels.L’exposition a été conçue par Heidi Naef, Senior Curator, en collaboration avec l’équipe de recherche du Schaulager. Le livre d’artiste consacré à Dieter Roth a été développé et réalisé par le Schaulager, le concept visuel a été conçu par Peter Fischli. Se termine le 19 November 2023

20 ans

2023 est pour le Schaulager une année exceptionnelle : il y a 20 ans, le bâtiment inaugurait un concept innovant dans une institution unique en son genre. Avec OUT OF THE BOX, le Schaulager présente désormais une importante exposition de groupe qui réunit les oeuvres de quelque 25 artistes, dont
David Claerbout, Tacita Dean, Thomas Demand, Gina Fischli, Peter Fischli, Katharina Fritsch, Robert Gober, Rodney Graham, Gary Hill, Martin Honert, Klara Lidén, Dieter Roth, Thomas Ruff, Anri Sala, Jean- Frédéric Schnyder, Dayanita Singh, Monika Sosnowska, Jane & Louise Wilson et autres.
À cette occasion, des oeuvres médiatiques basées sur le temps sont mises en avant ; elles seront visibles dans des espaces de projection dédiés, répartis à travers l’exposition.

OUT OF THE BOX

Le titre de l’exposition correspond au programme du Schaulager depuis 20 ans. En effet, celui-ci a été fondé en 2003 dans l’idée d’associer stockage et visibilité de l’art contemporain : les oeuvres de la Fondation Emanuel Hoffmann sont conservées telles quelles, sans boîte ni caisse, et disposées au Schaulager, lorsqu’elles ne sont pas présentées dans des expositions au Kunstmuseum
Basel ou des musées du monde entier. Ce nouveau type de bâtiment a été développé et réalisé à l’époque dans une collaboration de la Fondation Laurenz avec le bureau d’architectes de renommée internationale
Herzog & de Meuron. Aujourd’hui, le Schaulager a non seulement inspiré de nombreuses autres institutions avec cette idée visionnaire, mais il s’est fait aussi une place solide au niveau international en tant qu’institution de recherche, lieu de dépôt et d’exposition. Le titre de l’exposition OUT OF THE BOX résume donc parfaitement la conception et l’idée d’origine du Schaulager, toutes deux aussi actuelles aujourd’hui qu’il y a 20 ans.

                          Katharina Fritsch, Rattenkönig

OUT OF THE BOX renvoie cependant aussi aux conditions, en constante évolution, de l’art contemporain. « Box » est ici synonyme d’« espace » et pose une notion fondamentale pour la démarche des artistes contemporaines et contemporains. Concernant les oeuvres médiatiques basées sur le temps, l’espace dans lequel elles sont présentées est un élément essentiel, auquel les artistes pensent déjà pendant la genèse de l’oeuvre : sans espace, une oeuvre ne peut pas être montrée ; l’espace marque l’oeuvre de son empreinte, même si ce que les images animées donnent à voir est en soi immatériel et ne prend place que sous forme de fichier sur un support de données. L’espace est inhérent à l’oeuvre, chaque fois que celle-ci est présentée, il est soigneusement défini et ajusté aux circonstances et aux spécifications techniques.

                                          Gary Hill Circular Breathing 1994
Ces espaces rigoureusement adaptés sont par conséquent individuels, un peu comme un vêtement confectionné sur mesure. L’architecture de l’exposition OUT OF THE BOX se compose donc de contenants plus ou moins grands placés dans l’espace. D’autres places et passages s’ouvrent entre les volumes, et
même l’architecture visible du Schaulager – lui-même une boîte géante – est intégrée dans ce paysage varié de formes et d’axes visuels.

                          Robert Gober, Untitled, 1995–1997

L’accent de cette vaste présentation est mis sur des oeuvres médiatiques grand format basées sur le temps et autres dernières acquisitions de la collection de la Fondation Emanuel Hoffmann, dont certaines sont montrées au public pour la première fois dans le contexte institutionnel d’une exposition. Par conséquent,
une multitude d’oeuvres vidéo ou cinématographiques, sculptures, peintures, dessins, et photos s’étend sur les deux grands niveaux d’exposition du Schaulager.

Les oeuvres

Chaque oeuvre est unique et a sa propre histoire au sein de la collection, mais il convient de souligner ici l’installation audio et vidéo complexe Ravel Ravel (2013) de l’artiste albanais Anri Sala, acquise après la première présentation de l’oeuvre à la Biennale de Venise en 2013. Pour OUT OF THE BOX, Sala a choisi de
présenter l’installation dans la version qu’il avait déjà expérimentée en 2017–2018 au Museo Tamayo de Mexico. Ici, il a décidé de ne pas projeter les deux vidéos l’une au-dessus de l’autre comme à Venise, mais sur deux écrans semi-transparents suspendus l’un derrière l’autre, dans un
espace insonorisé conçu par l’artiste.Ravel(vidéo)

Anri sala

S’y déplacer signifie percevoir avec tous ses sens l’intervalle acoustique, visuel et spatial entre les deux projections. L’oeuvre porte sur la composition musicale Concerto pour la main gauche (1921-1931) de Maurice Ravel, écrite par celui-ci à la demande de Paul Wittgenstein qui avait perdu son bras droit pendant la Première Guerre mondiale.

Tacita Dean

De l’artiste britannique Tacita Dean sont présentés le grand dessin à la craie sur panneau mural Inferno (2019), la photographie repeinte Purgatory (Threshold) (2020) et le film 35 mm Paradise (2021). Tacita Dean a été chargée par le Royal Opera House de Londres de concevoir les dessins et les costumes d’un nouveau
ballet intitulé The Dante Project,

dont sont issues les trois oeuvres distinctes présentées dans OUT OF THEBOX. Coproduit avec l’Opéra de Paris, avec une nouvelle musique de Thomas Adès et une chorégraphie de Wayne McGregor, le projet s’inspirait de la Divine Comédie (1307-1321) de Dante Alighieri et marquait les 700 ans de la mort du poète. Le ballet a été créé à Londres en octobre 2021 et a été présenté au Palais Garnier à Paris jusqu’en mai 2023.
Pour The Dante Project, Tacita Dean représente ces trois cercles du parcours de Dante dans une odyssée inspirée, à travers différents médiums et moyens de représentation.


Pour OUT OF THE BOX, les trois oeuvres ont été chorégraphiées de manière cohérente suivant la séquence chronologique du ballet.

David Claerbout

David Claerbout, quant à lui, place le public face à une illusion. On voit là un incendie de forêt d’une ampleur effrayante, malgré le monde virtuel dans lequel se déroule la catastrophe : le spectacle ressemble à s’y méprendre à la réalité, or il relève entièrement d’une construction numérique. En 2017 déjà, le Schaulager avait présenté de David Claerbout la grande projection Olympia (The real time
disintegration into ruins of the Berlin Olympic stadium over the course of a thousand years) (lancement en 2016), une réflexion sur le temps et sur la perception, que Wildfire (meditation on fire) (2019–2020) pousse
encore plus loin, de manière encore plus spectaculaire.David Claerbout

Klara Lidén

Un groupe d’oeuvres de l’artiste suédoise Klara Lidén a tout récemment rejoint la collection de la Fondation Emanuel Hoffmann. L’espace et le positionnement de son propre corps dans l’environnement constituent des thèmes majeurs de son travail : dans une vidéo de l’installation médiatique Closer Now (2022), l’artiste se montre elle-même descendant stoïquement une ruelle étroite en faisant des cabrioles sur l’asphalte dur. L’installation comprend également des boîtes en carton suspendues qui tournent autour de leur propre axe et reprennent ainsi le mouvement de roulement du corps dans la rue.

Dans la vidéo

grimpe en revanche sur un échafaudage qui semble tourner autour d’elle.

Conclusion

Les visiteurs réguliers des expositions passées du Schaulager tomberont sur des oeuvres d’artistes auxquels de grandes expositions monographiques ont été consacrées ici ; par exemple Monika Sosnowska, dont la sculpture d’un cube cabossé Untitled (2006) domine l’espace,

ou encore l’artiste universel Dieter Roth, auquel le Schaulager, pour son inauguration il y a 20 ans, avait consacré une rétrospective. Et pour l’occasion, une nouvelle publication du Schaulager, rend hommage à l’oeuvre
Selbstturm; Löwenturm (1969/1970-1998) de la collection de la Fondation Emanuel Hoffmann, et dont la maquette a été conçue par l’artiste Peter Fischli, paraîtra également en juin.

Dans OUT OF THE BOX, ce dernier montre différentes oeuvres, certaines datant de l’époque du duo d’artistes Fischli/Weiss, mais d’autres aussi, plus récentes, que l’artiste a réalisées seul, dont un groupe de sculptures cinétiques créé en 2023 et exposé pour la première fois.

OUT OF THE BOX invite à envisager l’art de notre époque de manière à la fois agréable et réfléchie, afin de considérer sous un angle nouveau les thèmes qui nous animent aujourd’hui. Les oeuvres médiatiques notamment supposent que l’on prenne davantage de temps. Pour cette raison, le billet d’exposition donne
droit cette année à trois entrées au Schaulager.

Autres artistes
Informations Pratiques

Schaulager
Ruchfeldstrasse 19 CH
-4142 Münchenstein
T +41 61 332 35 35 F +41 61 332 35 30
www.schaulager.org

Horaires
Tue, Wed, Fri 10 a.m. – 6 p.m.
Thu 10 a.m. – 8 p.m.
Sat, Sun 10 a.m. – 6 p.m.
Mon closed
During public holidays and Art Basel,
see www.schaulager.org
Admission Tickets valid for three visits (not transferable)
Regular CHF 18, Reduced CHF 12
Family Ticket CHF 25