Fernand Khnopff, le maître de l’énigme

Le Petit Palais  présente jusqu’au 17 mars 2019
une exposition inédite dédiée
à Fernand Khnopff grâce au soutien exceptionnel des
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
Artiste rare, le maître du Symbolisme belge n’avait
pas bénéficié de rétrospective à Paris depuis près
de quarante ans. L’exposition du Petit Palais rassemble
des pièces emblématiques de l’esthétique singulière
de Fernand Khnopff, à la fois peintre, dessinateur,
graveur, sculpteur et metteur en scène de son oeuvre.
L’exposition évoque par sa scénographie le parcours
initiatique de sa fausse demeure qui lui servait
d’atelier et aborde les grands thèmes qui parcourent
son oeuvre, des paysages aux portraits d’enfants,
des rêveries inspirés des Primitifs flamands aux
souvenirs de Bruges-la-morte, des usages complexes
de la photographie jusqu’aux mythologies personnelles
placées sous le signe d’Hypnos.

Près de 150 oeuvres dont une large part provient
de collections privées, offrent un panorama inédit de
l’oeuvre de Fernand Khnopff.
À la fois point de départ et fil rouge de l’exposition,
la maison-atelier de Khnopff est un véritable
« temple du Moi » au sein duquel s’exprime pleinement
sa personnalité complexe. À travers une scénographie
qui reprend les couleurs de son intérieur – bleu, noir,
blanc et or, le parcours évoque les obsessions et les
figures chères à l’artiste : du portrait aux souvenirs
oniriques, du fantasme au nu.
Après une salle introductive recréant le vestibule
de son atelier et évoquant l’architecture de sa demeure,
le parcours débute avec la présentation de peintures

de paysages de Fosset, petit hameau des Ardennes belges
Fernand Khnopff passe plusieurs étés avec sa famille.
De ces paysages de petit format, saisi sur le vif, on perçoit tout
de suite chez l’artiste un goût pour l’introspection et la solitude.
Une autre facette de son oeuvre, beaucoup plus connue du grand
public, est son travail sur le portrait. Khnopff représente des
proches comme sa mère, des enfants qu’il dépeint avec le sérieux
d’adultes, parfois des hommes. Mais le plus souvent,
il s’agit de figures féminines, toute en intériorité et nimbées
de mystère. Sa soeur Marguerite avec qui il noue une secrète complicité
devient son modèle, sa muse.
C’est elle encore que l’on retrouve représentée sept
fois dans un grand pastel intitulé Memories qui en raison de
sa fragilité n’a pu voyager pour l’exposition.
Il est évoqué à travers des esquisses et des études de détail ainsi
que par un dispositif multimédia.

Marguerite est également le sujet de nombreux portraits
photographiques. Khnopff va en effet s’intéresser à ce medium
avec beaucoup d’intérêt. L’artiste utilise ce procédé moderne
au service de son art afin d’étudier la pose et la gestuelle de
son modèle favori qu’il déguise en princesse de légende
ou en divinité orientale. Il fait également photographier
un certain nombre de ses oeuvres par un professionnel
de renom, Albert Edouard Drains dit Alexandre, et
retravaille les tirages par des rehauts de crayon, d’aquarelle
ou de pastel.
Comme d’autres peintres symbolistes, l’artiste est fasciné
par les mythes antiques. Parmi les obsessions de Khnopff,
la figure d’Hypnos, le dieu du Sommeil apparaît de manière
récurrente.
La petite tête à l’aile teintée en bleu, couleur du rêve,
est représentée la première fois en 1891 dans le tableau
I Lock My Door Upon Myself. Hypnos est l’objet de
plusieurs tableaux tout comme la Méduse ou bien
encore OEdipe qui esquisse dans le tableau
Des caresses un étrange dialogue avec un sphinx à
corps de guépard.

On retrouve également une série de dessins et de tableaux
de nus sensuels exaltant la féminité. Ces femmes à la chevelure
rousse, vaporeuse, au regard insistant, représentées dans
un halo semblent tout droit sorties d’un songe.
Mais, contrairement aux héroïnes de Klimt peintes à la même époque,
elles ne paraissent aucunement en proie aux tourments de la chair.
Elles sont plutôt des représentations de l’«éternel féminin ».

En fin de parcours, le visiteur retrouve plusieurs tableaux
de Bruges, ville, elle aussi énigmatique, où Khnopff vécut
jusqu’à l’âge de six ans. La nostalgie de ces années d’enfance
mêlée à une admiration pour les primitifs flamands lui fait
associer certaines de ses vues de Bruges à un portrait de
femme ou à un objet symbolique renvoyant à la cité des Flandres

Ce parcours s’accompagne de dispositifs de médiation innovants
permettant au public de mieux comprendre l’oeuvre de
Khnopff ainsi que le Symbolisme européen. En effet, en
référence aux diffuseurs de parfum présents dans sa maison-atelier,
quatre stèles audio-olfactives ponctuent l’exposition et
permettent de sentir un parfum et d’entendre en simultané
une musique et un poème liés aux oeuvres exposées,
recréant ainsi cette atmosphère de résonances entre les arts
et les sens, chères aux symbolistes.

Les visiteurs sont également invités à s’installer dans le
« salon symboliste » qui propose des livres, des photographies,
une stèle audio-olfactive, des animations littéraires, théâtrales
et musicales évoquant les liens tissés entre les différents arts
à cette époque.
Podcast France culture
Connaissance des Arts
PETIT PALAIS
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston-Churchill – 75008 Paris
Tel: 01 53 43 40 00
Accessible aux personnes handicapées.
Transports
Métro Champs-Élysées Clemenceau
Métro Franklin D. Roosevelt
RER Invalides
Bus : 28, 42, 72, 73, 83, 93

Sommaire du mois de Février 2019

Banksy en me
musée Frieder Burda de Baden Baden

01 février 2019 : 1518, LA FIÈVRE DE LA DANSE
03 février 2019 : Sigmund Freud, du Regard à l’Ecoute
05 février 2019 : Le jeune PICASSO – Périodes bleue et rose
10 février 2019 : Tomi Ungerer
14 février 2019 : Clément Cogitore
17 février 2019 : Roots Canal avec Cyprien Gaillard
20 février 2019 : Gina Folly au Kunsthaus Baselland
25 février 2019 : La Brique, The Brick, Cărămida
27 février 2019 : Banksy @ Museum Frieder Burda

Sigmund Freud, du Regard à l'Ecoute

Jusqu’au 10 février 2019 au musée
d’art et d’histoire du judaïsme de Paris

Portrait de Sigmund Freud
12 février 1932
Photographie
Londres, Freud Museum

Cette exposition, proposée à l’occasion des vingt ans du mahJ,
est la première présentée en France sur Sigmund Freud
(1856-1939). Par un ensemble de 200 pièces – peintures, dessins,
gravures, ouvrages, objets et dispositifs scientifiques –, dont des
oeuvres majeures de Gustave Courbet (L’Origine du monde),
Oskar Kokoschka, Mark Rothko ou Egon Schiele, elle jette un
regard nouveau sur le cheminement intellectuel et scientifique
de l’inventeur de la psychanalyse.
Une leçon clinique à la Salpétrière d’André Brouillet (1857-1914

En France, l’enseignement de Freud est d’abord diffusé
par les cercles littéraires, surréalistes en particulier, dans le
sillage du symbolisme de la fin du XIXe siècle. Or cette
réduction à la littérature ignore la rationalité dont se
réclame la doctrine freudienne. Le parcours de l’exposition
insiste donc sur les années viennoises, puis parisiennes
de Freud, héritier de Darwin, qui débute sa carrière en
tant que neurologue, et dont l’intérêt pour la biologie ne
va cesser de croître –
Baquet à magnétiser

Une leçon clinique à la Salpétrière d’André Brouillet
(1857-1914) et le baquet à magnétiser de Franz Anton Mesmer
(1734-1815), présents dans l’exposition, sont prêtés tous deux
pour la première fois. Ses premières recherches s’enracinent
dans la tentative de tracer des schémas et des esquisses souvent
semblables à ceux que les neurosciences s’efforcent alors de
dessiner pour expliquer la croissance et le développement
des neurones et le fonctionnement du cerveau.

L’exposition fait redécouvrir l’invention de la psychanalyse.
Si cette démarche est née de l’observation éminemment
visuelle des symptômes, photographiés, dessinés, mis en
scène autour de Jean-Martin Charcot (1825-1893) à la Salpêtrière,
elle trouve sa spécificité et son efficacité à refuser l’image.
Elle s’épanouit dans la seule écoute, dans les associations de
mots, en l’absence de toute représentation visuelle.
Le lisible contre le visible, le mot contre l’image :
Freud se pose ici en héritier de Moïse, grand briseur d’images.

La spiritualité juive, à défaut d’une foi et d’une pratique, irrigue
ses travaux, de L’interprétation des rêves – ouvrage dont
l’herméneutique talmudique n’est pas absente –, jusqu’à
l’essai final, Moïse et le monothéisme. Si Freud lui-même,
né dans une famille juive originaire de Galicie gagnée par les
idées de la Haskalah (les Lumières juives), affirme son athéisme
et tient sa production scientifique à l’écart de son ascendance
juive, tout comme du milieu viennois où il a vécu, c’est
d’abord pour faire de la psychanalyse une science
universelle, détachée de tout particularisme religieux
ou culturel. Mais la démarche psychanalytique n’est
pas étrangère à la tradition interprétative propre
au judaïsme.
Portrait de Freud par Dali

L’exposition bénéficie de prêts exceptionnels du musée
Freud de Londres, du musée d’Orsay et du musée
national d’Art moderne, ainsi que de grands musées
autrichiens et allemands (Leopold Museum,
Österreichische Galerie Belvedere, Vienne ; Museum der
Bildenden Künste, Leipzig…).

Elle est accompagnée d’un riche programme (rencontres,
table rondes, conférences, projection, activités pour le
jeune public…).
Son catalogue est publié avec les éditions Gallimard.
Commissariat de l’exposition : Jean Clair, Académie française
Conseil scientifique : Laura Bossi, Laboratoire Sphère –
Université Paris Diderot et Philippe Comar, ENSBA
Coordination : Virginie Michel, assistée de Camille Filaferro, mahJ
Max Halberstadt (1882-1940)
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan71, rue du Temple 75003
Pariswww.mahj.org
métro : Rambuteau, Hôtel-de-Ville
RER : Châtelet – les Halles
bus : 29, 38, 47, 75
parking : Beaubourg, Hôtel-de-Ville

Sommaire du mois de décembre 2018

Meilleurs voeux pour 2019,
plus d’art, beaucoup de tolérance
encore plus de bienveillance

Patrick Bailly Maître Grand

03 décembre 2018 : Michael Jackson : On the Wall
10 décembre 2018 : Le Caravage était-il un « bad boy »?
15 décembre 2018 : Jean Michel Basquiat & Egon Schiele
22 décembre 2018 : Le Cubisme au Centre Pompidou
25 décembre 2018 : Joyeux Noël

Joyeux Noël

Dans la nef de Saint-Germain-des-Près peinte
par Hippolyte Flandrin

Adoration des mages Hippolyte Flandrin
photo Adrien Goetz

Joyeuses fêtes à mes lecteurs fidèles ou occasionnels

Le Cubisme au Centre Pompidou

Jusqu’au 25 février 2019 au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou
propose une traversée inédite
et un panorama complet de l’un des mouvements
fondateurs de l’histoire de l’art moderne :
le cubisme (1907-1917).


Première exposition consacrée au cubisme en France
depuis 1953, le projet trouve son originalité dans la
volonté de renouveler et d’élargir à d’autres artistes la
vision traditionnellement concentrée sur ses deux inventeurs,
Georges Braque et Pablo Picasso.
Ces pionniers, bientôt suivis
par Fernand Léger et Juan Gris, réservaient leurs créations
expérimentales et novatrices à la très confidentielle galerie
d’un jeune marchand alors inconnu, Daniel-Henry Kahnweiler,
quand des artistes tels Albert Gleizes, Jean Metzinger,
Francis Picabia, Marcel Duchamp, Robert
et Sonia Delaunay
assuraient à l’époque la diffusion
du mouvement auprès de la critique et du public en participant
aux Salons parisiens.

L’exposition met ainsi en valeur la richesse, l’inventivité
et le foisonnement de ce mouvement qui ne se limite pas
uniquement à la géométrisation des formes et au rejet de
la représentation classique mais dont les recherches radicales
et l’énergie créatrice de ses membres sont aux sources de
l’art moderne.
Riche de 300 œuvres et de documents significatifs
du rayonnement du cubisme, l’exposition est articulée
chronologiquement en quatorze chapitres
.
S’en détachent des chefs-d’œuvre, comme le

Portrait de Gertrude Stein (1906) ou
Ambroise Vollard (1909)

et Daniel-Henry Kahnweiler (1910) par Picasso ainsi
que des ensembles de peintures et de sculptures jamais
réunies. Le parcours de l’exposition vise à mettre en valeur
l’évolution à rebondissements du cubisme en remontant
aux sources primitivistes et à la fascination des cubistes
pour Gauguin et Cézanne. Le parcours reflète la progression
formelle du mouvement, d’une première étape cézannienne
– illustrée par la présence de l’exceptionnelle nature morte
de Picasso Pains et compotier sur une table (1909)

vers une transcription analytique hermétique (1910-1912)
puis transformée en version plus synthétique (1913-1917),
qui marque ainsi le retour de la représentation et de la couleur.
Grâce à des prêts prestigieux du Kunstmuseum de Bâle,
du Musée national Picasso et du Museum of Modern Art
de New York, la part la plus révolutionnaire du cubisme –
l’invention des papiers collés, des collages et des constructions

de Braque, Picasso, Gris et Henri Laurens -, est superbement
représentée par des grandes icônes de l’art du XXème siècle,
telles la Nature morte à la chaise cannée de Picasso (1912)
ou sa Guitare en tôle et fils de fer (1914). D’autres aspects
illustrent l’importance et le prestige de la constellation cubiste :
ses liens avec le milieu littéraire sont retracés dans une salle
dédiée aux critiques et aux poètes, incarnés par les portraits

les plus marquants de Max Jacob ou d’Apollinaire réalisés
par le Douanier Rousseau et Marie Laurencin, les éditions
Kahnweiler de livres cubistes ou la collaboration entre les
Delaunay et Blaise Cendrars autour de
La Prose du Transsibérien en 1913.

La tragédie de la Grande Guerre (1914-1918) qui mobilise
ou exile les artistes et leurs soutiens est retracée par des
œuvres des artistes présents au front
(Raymond Duchamp–Villon, Fernand Léger) ou qui
sont restés à l’arrière, parce qu’ils étaient étrangers
(Pablo Picasso, Cartes à jouer, verres, bouteille de rhum,
« Vive la France »,1914-1915). Ces œuvres témoignent de
l’inévitable stérilisation du mouvement frappé par l’histoire.
La fin du parcours de l’exposition présente à la fois la
renaissance des rescapés comme Georges Braque
(La Musicienne, 1917-1918)
et l’impact exercé parle
cubisme sur ses contemporains (Henri Matisse), ses héritiers
abstraits (Piet Mondrian, Kasimir Malevitch) ou
contestataires (Marcel Duchamp), tous tributaires de la révolution
cubiste.
Grâce à un parcours qui éclaire pour le grand public les
concepts clés, les outils et les procédures qui ont assuré
l’unité du cubisme, l’exposition met en lumière le caractère
expérimental et collectif de ce mouvement dont l’esthétique
révolutionnaire est à la fois la matrice et le langage même de
la modernité.
Commissariat : Brigitte Leal
Directrice adjointe, musee national d’art moderne, Paris
Christian Briend, Chef du service des collections modernes,
musee national d’art moderne, Paris
Ariane Coulondre Conservatrice, collections modernes,
musée national d’art moderne, Paris
Chargee de production: Dorothée Lacan
Scenographe Corinne Marchand
L’exposition est organisée en partenariat avec le
Kunstmuseum, Bâle.

Elle y sera présentée du 31 mars au 5 aout 2019.
Podcast France Culture l’art est la Matière

Jean Michel Basquiat & Egon Schiele

Jusqu’au 14 janvier 2019 à la Fondation Vuitton
A l’occasion du centenaire de la mort d’Egon Schiele,
Jusqu’au lundi 21 janvier 2019 pour Jean-Michel Basquiat
la Fondation Louis Vuitton a choisi de présenter l’artiste
autrichien au côté de Jean-Michel Basquiat. dans deux
expositions voisines.

Quels en sont les liens ?
Une carrière fulgurante et une mort prématurée.
Au-delà de contextes historiques et artistiques qui
peuvent sembler éloignés, un certain nombre de points
rapprochent les deux artistes maudits.
La carrière de Jean-Michel Basquiat, comme celle
dEgon Schiele, (mon billet) se sont déroulées sur une période
très courte car elles ont été interrompues par une
disparition précoce : Basquiat meurt d’overdose à 27 ans,
après des tentatives ratées de désintoxication.
Schiele succombe à 28 ans à peine à la grippe espagnole,
qui décime l’Europe à la fin de la Première Guerre mondiale.
Podcast L’art est la matière
Egon Schiele, l’homme qui « peignait la lumière des corps
L’œuvre de Jean-Michel Basquiat, l’un des peintres
les plus marquants du XXe siècle, se déploie dans quatre
niveaux du bâtiment de Frank Gehry.

L’exposition parcourt, de 1980 à 1988, l’ensemble de la carrière
du peintre en se concentrant sur plus de 120 œuvres décisives.
À l’image des Heads de 1981-1982, pour la première fois réunies ici,
ou de la présentation de plusieurs collaborations entre Basquiat et
Warhol, l’exposition compte des ensembles inédits en Europe,
des travaux essentiels tels que Obnoxious Liberals (1982),
In Italian (1983) ou encore Riding with Death (1988), et des
toiles rarement vues depuis leurs premières présentations du vivant
de l’artiste, telles que Offensive Orange (1982), Untitled (Boxer)
(1982), et Untitled (Yellow Tar and Feathers) (1982).

Dès la sortie de l’enfance, Jean-Michel Basquiat quitte l’école
et fait de la rue de New York son premier atelier. Rapidement,
sa peinture connaîtra un succès à la fois voulu et subi.
L’exposition affirme sa dimension d’artiste majeur ayant
radicalement renouvelé la pratique du dessin et le concept d’art.
Sa pratique du copier-coller a frayé la voie à la fusion des
disciplines et des idées les plus diverses. Il a créé de nouveaux
espaces de réflexion et anticipé, ce faisant, notre société
Internet et post-Internet et nos formes actuelles de
communication et de pensée. L’acuité de son regard, sa
fréquentation des musées, la lecture de nombreux
ouvrages
lui ont donné une réelle culture.

Mais son regard est orienté : l’absence des artistes noirs
apparaît avec une douloureuse évidence ; l’artiste
s’impose alors de faire exister, à parité, les cultures et
les révoltes africaines et afro-américaines dans son œuvre.
Le décès de Basquiat en 1988 interrompt une œuvre très
prolifique, réalisée en à peine une décennie, riche de plus
de mille peintures et davantage encore de dessins.
L’exposition se déploie sur près de 2500m2.
Elle s’organise chronologiquement, mais aussi par
ensembles d’œuvres définissant des thématiques
et dictant des rapprochements.

Pour Dieter Buchhart, « L’exposition suit sa création,
depuis ses premiers dessins et travaux monumentaux
jusqu’aux sérigraphies, collages et assemblages plus tardifs,
mettant en lumière son inimitable touche, son utilisation
de mots, de locutions et d’énumérations et son recours
à la poésie hip hop concrète. À l’existence de l’homme
afro-américain menacée par le racisme, l’exclusion,
l’oppression et le capitalisme, il oppose ses guerriers et héros. »
Le parcours proposé est chronologique.

Rez-de-Bassin (galerie 2)
L’exposition s’ouvre sur l’ensemble exceptionnel de trois
grandes Heads (Têtes) datant de 1981-1983. S’ensuit, autour
de la thématique de la rue – conçue comme atelier, source
d’inspiration, corps vivant – la présentation d’un ensemble
d’œuvres, majoritairement de 1981-1982, qui répercutent dans
leurs compositions l’énergie, l’intensité de l’environnement
urbain et son langage. Citons ici Crowns (Peso Neto).
Ce premier moment de l’exposition se conclut par les grands
personnages peints par l’artiste, les « prophètes » et le
portrait saisissant d’un policier noir
(Irony of Negro Policeman).

Rez-de-Chaussée (galerie 4)
Ce second temps de l’exposition est marqué par un ensemble
d’une trentaine de dessins de têtes réalisés majoritairement
en 1982 par l’artiste. Cet accrochage fonctionne comme une
immense composition de visages occupant tout le champ
de vision du regardeur ; il souligne l’importance du dessin
chez Basquiat.

Plus loin, l’énergie graphique de la douzaine d’œuvres
présentées au même étage exprime toute la rage, la contestation,
la révolte de Basquiat. Elle est symbolisée par de grandes figures
afro-américaines – boxeurs ou combattants – qui sont aussi ses
héros personnels : Untitled (Sugar Ray Robinson) (1982),
St. Joe Louis Surrounded by Snakes (1982), Cassius Clay (1982)

L’introduction de lettres, de chiffres, de signes et de textes en
fond accuse la complexité des compositions, comme dans Santo #1 (1982),
Self-Portrait with Suzanne (1982), Untitled (1982),
Portrait of the Artist as a Young Derelict (1982).
Niveau 1 (galerie 5)
« Héros et Guerriers » ouvrent cette séquence. Une figure frontale
de boxeur noir, Untilted (Boxer) (1982), chef-d’œuvre iconique,
fait le lien avec la section précédente. Les personnages héroïsés
se parent d’auréoles, de couronnes, ou de couronnes d’épines…
La figure émancipatrice de Samson apparaît dans
Obnoxious Liberals (1982). Le parcours se poursuit avec
des toiles liant une histoire longue et des archétypes avec
l’environnement direct de l’artiste, dans des compositions nourries
de récits et d’écritures fragmentaires, comme Price of Gasoline
in the Third World (1982) ou Slave Auction (1982), qui traite
directement de la traite des esclaves. Autre tableau clé, In Italian
(1983) témoigne du talent de coloriste de Basquiat.
Le dernier temps de la galerie 5 s’organise autour de la musique
et tout particulièrement de la figure du saxophoniste de jazz
Charlie Parker, un des héros de Basquiat. Cinq œuvres reviennent
sur une figure légendaire qu’il considère comme un alter-ego :
CPRKR (1982), Horn Players (1983), Charles the First (1982),
Discography (One) (1983), Now’s the Time (1985).

Niveau 1 (galerie 6)
La salle réunit six toiles où l’écriture joue un rôle central,
dont Museum Security (Broadway Meltdown) (1983) et Hollywood
Africans in Front of the Chinese Theater with Footprints of
Movie Stars (1983) qui représente le peintre entouré d’amis.
Niveau 1 (galerie 7)
À l’écart, l’espace de la galerie 7 permet notamment de regrouper
une suite de quatre œuvres – Lye (1983), Flash in Naples (1983),
Napoleonic Stereotype (1983) – composées à partir d’un motif
similaire : une grille sur laquelle viennent se poser les figures,
empruntées à l’histoire, l’histoire de l’art ou le contexte immédiat
de l’artiste.
Niveau 2 (galerie 9)
Deux ensembles majeurs sont proposés dans cette salle.
Le premier réunit autour du monumental Grillo, 1984, un groupe
apparenté, dont Gold Griot. S’y expriment des références à une culture
africaine réinterprétée et véhiculée par la diaspora, où la figure noire
s’impose, omniprésente.
Le second ensemble est consacré à la relation entre
Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol. Portrait réalisé en 1982
par Basquiat, Dos Cabezas, 1982, inaugure cette fascination
mutuelle et introduit à un ensemble d’oeuvres réalisées à quatre
mains à partir de 1984. Warhol et Basquiat collaborent en mêlant
librement dessin et sérigraphie. Mind energy (1984), OP-OP (1984)
ou encore Eiffel Tower (1985) figurent ici.

Niveau 2 (galeries 10 et 11)
Les dernières salles s’organisent en deux sections, l’une se centre
sur de grands formats de 1985-1987, mêlant acrylique, pastel gras
et collages. Des procédés graphiques qui semblent empruntés
aux techniques musicales de l’échantillonnage créent une surface dense,
des compositions éclatées, suggérant une multiplicité de lectures.
L’autre section, dont l’intitulé Unbreakable (Incassable) reprend
le titre d’une œuvre de 1987, rassemble quelques-unes des dernières
productions de l’artiste, dont l’impressionnant

Riding with Death (1988). La toile témoigne de l’héritage pictural
complexe de l’artiste, où se conjuguent des références à l’art de la
Renaissance, à la peinture d’icône, aux courants les plus radicaux
du XXe siècle, mais où s’affirme surtout un sentiment de désarticulation
dans une course furieuse et désespérée vers le néant.
Podscast Jean-Michel Basquiat, le peintre-boxeur

Sommaire du mois de septembre 2018

01 septembre 2018 : Balthus à la Fondation Beyeler
12 septembre 2018 : 150 ans du zoo de Mulhouse, Cinq regards – Robert Cahen
17 septembre 2018 : The Music of Color – Sam Gilliam, 1967–1973
19 septembre 2018 : Nagasawa Rosetsu – D’un pinceau impétueux
23 septembre 2018 : Mondes intérieurs au Kunstmuseum de Bâle
26 septembre 2018 : Alphonse Mucha
28 septembre 2018 : Eblouissante Venise au Grand Palais

Eblouissante Venise au Grand Palais

Jusqu’au 21 janvier 2019 au Grand Palais
L’exposition semble un peu sombre lorsqu’on y pénètre,
mais c’est pour mieux révéler les splendides toiles vénitiennes
que l’on peut découvrir au long du parcours. Si on a de la
chance, des musiciens du conservatoire vous accompagnent
en musique.
Héritière d’une tradition multiséculaire, la civilisation
vénitienne brille de tous ses feux à l’aube du XVIIIe siècle,
dans le domaine des arts plastiques autant que dans ceux
des arts décoratifs, de la musique et de l’opéra.

Francesco Guardi

Grâce à la présence de très grands talents, parmi lesquels,
pour ne citer qu’eux, les peintres Piazzetta et Giambattista Tiepolo,
le vedutiste Canaletto, les sculpteurs Corradini et Brustolon,
Venise cultive un luxe et une esthétique singuliers.
La musique y vit intensément à travers les créations de
compositeurs comme Porpora, Hasse, Vivaldi, servies par
des chanteurs de renommée internationale comme le castrat
Farinelli ou la soprano Faustina Bordoni.
Farinelli

Au sein des « Ospedali » les jeunes filles orphelines ou pauvres
reçoivent une éducation musicale approfondie et leur virtuosité
les rend célèbres dans toute l’Europe.
Dans la cité, pendant le Carnaval, le théâtre et la farce sont
omniprésents, la passion du jeu se donne libre cours au
« Ridotto » .
Francesco Guardi

La renommée internationale des peintres et sculpteurs vénitiens
est telle qu’ils sont invités par de nombreux mécènes
européens. La portraitiste Rosalba Carriera, Pellegrini,
Marco et Sebastiano Ricci, Canaletto, Bellotto, voyagent
en Angleterre, France, dans les pays germaniques et en Espagne
où ils introduisent un style dynamique et coloré qui prend
la forme de la rocaille en France, du Rococo dans les pays
germaniques et contribuent à former de nouvelles générations
de créateurs. L’immense chef d’œuvre de Giambattista Tiepolo,
la voute de l’escalier d’honneur de la Résidence de Wurzbourg
est exécuté entre 1750 et 1753.

Cependant la situation politique et économique de Venise
devient de plus en plus fragile et un essoufflement se fait
sentir à partir de 1760 même si la Sérénissime demeure la
destination privilégiée des voyageurs du grand tour qui constitue
une clientèle attitrée pour les « Vedute » de Canaletto,
Marieschi et Francesco Guardi.
Pietro Longhi

Tout au long du XVIIIe siècle, le mythe de Venise, cité unique
par son histoire, son architecture, son mode de vie, sa vitalité festive,
se développe peu à peu. De grands peintres s’expriment encore,
dans la ville elle -même et sur la terre ferme.
Canaletto

Avec Giandomenico Tiepolo et Pietro Longhi, la peinture
incline progressivement vers la représentation plaisante d’un
quotidien vivant, coloré, sonore, peuplé d’étranges figures masquées.
Le carnaval bat son plein et Goldoni restitue par le théâtre
sous forme comique, les travers et les contradictions de la société
contemporaine. De plus en plus, derrière les fastes des cérémonies publiques, l’organisation oligarchique de l’Etat et l’économie se sclérosent
dangereusement. L’intervention de Napoléon Bonaparte
provoque la chute de la République en 1797.

L’exposition est un hommage à cette page d’histoire artistique
de la Serenissima, en tout point remarquable, par le choix des
peintures, sculptures, dessins et objets les plus significatifs
ainsi que par la présence de comédiens et musiciens se produisant
in situ.
Marionette Brighella

Un pas de côté!
Macha Makeïeff a imaginé des espaces à la fois pour un récit
vivant de cette Venise éclatante mais aussi pour une traversée
de sensations et d’étonnements : échos de musique, de danse et
de scène, rendez-vous nocturnes réguliers pour un public désireux
de remonter le temps dans la lagune (programme détaillé à venir).
Week-end à Venise avec Macha Makeïeff
podcast France culture
Antonio Corradini, Allégorie de la Foi

Avec la complicité du Conservatoire national supérieur de musique
et de danse de Paris, des théâtres Gérard Philipe à Saint-Denis
et de La Criée à Marseille, et du Pavillon Bosio, école supérieure
d’Arts plastiques de la Ville de Monaco, qui se prêtent au jeu
des mélanges heureux.
Podcast L’art est la matière France culture
Venise l’Insolente Arte

Alphonse Mucha

Jusqu’au 27 janvier 2019 au Musée du Luxembourg
19, rue Vaugirard, 75006 Paris
Alphonse Mucha (1860-1939) est un artiste à la fois célèbre
et méconnu. Célèbre pour avoir parfois donné son nom à
l’Art nouveau, dont il fut sans doute le représentant le plus
populaire. Méconnu pour son immense ambition de peintre voué
à la cause nationale de son pays d’origine, qui ne s’appelait pas
encore la Tchéquie, et des peuples slaves.

L’exposition du Musée du Luxembourg, la première consacrée à
l’artiste dans la capitale depuis la rétrospective du Grand Palais
en 1980, se propose donc de redécouvrir le premier Mucha et de
découvrir le second, de redonner à cet artiste prolifique toute sa
complexité artistique, politique et spirituelle.
Né en 1860 en Moravie, Mucha arrive à Paris en 1887 et
commence une carrière d’illustrateur.

Alphonse Mucha reste indissociable de l’image du Paris 1900
En décembre 1894, c’est sa rencontre avec la grande tragédienne,
Sarah Bernhardt, qui lance sa carrière d’affichiste. Il réalise pour
elle l’affiche de Gismonda, une pièce de Victorien Sardou,
première d’une longue série d’affiches publicitaires, ou simplement
décoratives, variant à l’infini un répertoire de figures féminines
entremêlées de fleurs et de volutes graphiques, qui lui apporteront
une immense notoriété et l’amitié d’artistes comme Gauguin ou
Rodin. Il est parallèlement sollicité pour des travaux de décoration,
par le joaillier Georges Fouquet, ou d’illustration pour des livres.
Mais dès 1900 et à l’occasion de l’Exposition universelle,
il entreprend de concevoir un projet qui dépeint l’histoire et la
civilisation du peuple tchèque et des peuples slaves.

On passe d’un artiste décoratif, à un artiste spirituel et politique.
Au travers de toutes ces œuvres, c’est la figure d’un homme
qui se dessine, mystique et visionnaire, animé d’une véritable
pensée politique, à l’heure du renouveau national tchèque et
de l’éclatement de l’Empire austro-hongrois.

Tout le travail préparatoire pour L’Épopée slave qui l’occupe
entre 1911 et 1928 témoigne de son attachement à son pays
natal et de son rêve d’unité entre les peuples slaves.
Au-delà du maître de l’Art nouveau, c’est donc l’œuvre
foisonnante et la personnalité singulière de cet artiste
que l’exposition entend révéler aux visiteurs.

Cette entreprise, teintée d’une philosophie humaniste,
franc-maçonne, va l’occuper les trente dernières années
de sa carrière et le conduire à peindre des toiles gigantesques,
pour lesquelles il produit une abondante quantité d’études
préparatoires au dessin virtuose.

Cette rétrospective montre donc non seulement les affiches qui
ont fait sa gloire, mais aussi ses merveilleuses planches d’illustrateur,
ses peintures, ses photographies, bijoux, sculptures, pastels
qui permettent aux visiteurs de découvrir toute la diversité
de son art.
commissaire : Tomoko Sato, conservateur de la Fondation Mucha,
Prague