Miroir du Monde, chefs-d’oeuvre du Cabinet d’art de Dresde

Bustes d’une Asiatique et d’un Asiatique
manufacture de porcelaine de Meissen, modèle de Johann Joachim Kaendler, 1732, façonnage vers 1921-1922
porcelaine, non peinte Porzellansammlung, SKD

Au Musée du Luxembourg du
14 septembre 2022 – 15 janvier 2023
exposition organisée par la Réunion des musées
nationaux – Grand Palais en collaboration avec les
Staatliche Kunstsammlungen Dresden

commissariat : Claudia Brink, conseiller scientifique aux Staatliche Kunstsammlungen Dresden
scénographie : Atelier Maciej Fiszer

 

                          Voûte verte, intérieur de la salle des préciosités
                                  © Grünes Gewölbe / David Brandt

Un plaisir infini pour les yeux

Les 15 musées des Collections nationales d’art de Dresde retracent plus de 450 ans d’histoire. Le Cabinet d’art et de curiosités des princes électeurs de Saxe, aujourd’hui mondialement connu, constitue le point de départ
des collections. Depuis sa création au milieu du XVIe siècle, les souverains cherchaient à rassembler des oeuvres d’art (artificialia) mais aussi des livres et des appareils scientifiques (scientifica), des produits rares de la nature
(naturalia) et des objets qui ne provenaient pas d’Europe. Les Cabinets d’art et de curiosités poursuivaient l’idée de rassembler le monde en miniature et c’est pourquoi les ethnografica, en particulier, jouissaient d’une grande popularité.

Le Cabinet d’art de Dresde fut l’un des premiers d’Europe à ouvrir ses portes au grand public. Étudiants, artistes et chercheurs mais aussi simples artisans, commerçants et familles visitèrent la « Kunstkammer » pour y étudier les objets exposés, les admirer et s’en inspirer. Considéré comme un lieu de savoir, cette fonction lui valut le nom de « cabinet des curiosités ». 
    

                             Enfant Jésus sur socle Sri Lanka, début du XVIIe siècle
                              grenat, cristal de roche, or, serti de pierre h. 10,3 cm
© Grünes Gewölbe, Staatliche Kunstsammlungen Dresden / Carlo Böttger

Cette exposition présente des oeuvres exceptionnelles du XVIe au XVIIIesiècles provenant de la Voute Verte (Grünen Gewolbe), du Musée de la Porcelaine (Porzellansammlung) du Musée d’Armes (Rüstkammer), du Salon de Mathématiques (Mathematisch-Physikalischer Salon) de la Galerie des Maîtres-Anciens (Gemäldegalerie Alte Meister) et du Musée
d’ethnologie GRASSI de Leipzig (Museum für Völkerkunde Leipzig) : des oeuvres qui reflètent parfaitement les multiples facettes mondiales et les procédures d’échange culturel.
L’exposition du Musée du Luxembourg invite les visiteurs à réfléchir à la fascination pour le rare et l’inconnu qu’exerçaient
les collections de Dresde, mais aussi aux conditions géopolitiques et économiques sur lesquelles les acquisitions se
basaient, aux visions du monde qu’elles véhiculaient et aux buts politiques qu’elles servaient.

                                 Karoline Schneider (*1986)
                                 15 boomerangs 2-16 (postcolonial) mimétisme
                                 2018 céramique cuite émaillée

L’exposition présente également des travaux d’artistes contemporains pour établir un lien avec notre époque. Elle s’empare de l’idée originelle du cabinet d’art : la quête de réponses aux questions contemporaines relatives à la compréhension du monde.
Les sept sections s’appuient sur l’histoire des collections de Dresde. L’attention du visiteur se porte sur la qualité artistique et la provenance des oeuvres ainsi que sur les visions du monde que ces oeuvres incarnent. Certains groupes
d’objets comme la porcelaine confèrent des aperçus du commerce transnational et des différentes formes d’échange interculturel. Les pièces exposées sont complétées par des dispositifs multimédias qui servent la réflexion critique et la
contextualisation.

Peggy Buth (*1967)
[Sans titre] (Riding Zebras, Upper-Luapula, early 20th century [« À cheval sur des zèbres, Haute-Luapula »,
début du XXe siècle])
2006
goudron, gomme-laque, bois

1-étudier le monde, images du ciel et de la terre

L’échange transculturel a été favorisé par les recherches et les conquêtes pendant l’époque moderne. Des mesures précises et des recensements cartographiques ont permis d’explorer le monde par voie fluviale et voie terrestre. Des cartes et des globes documentent la connaissance croissante des différentes régions du monde. Les instruments scientifiques astucieusement conçus font partie de l’inventaire du cabinet d’art, que le prince électeur utilisait lui-même pour ses activités de recherches.

2 -la vogue des cabinets de curiosités, une quête de la rareté

La « Kunstkammer » fut construite de différentes manières. De nombreux matériaux naturels furent acquis lors des expéditions avant d’être revendus dans des foires commerciales européennes. D’autres vinrent parer les collections des cours alliées en qualité de cadeaux diplomatiques ou furent ramenés par des voyageurs. La valeur particulière de ces objets tient avant tout à leur provenance lointaine. Plus ils étaient rares en Europe, plus ils avaient une valeur marchande importante. C’est le cas de certaines oeuvres en ivoire d’Afrique, les noix des Seychelles des Maldives, les nautiles du Pacifique, la porcelaine de Chine, la nacre d’Inde, ainsi que les ethnografica d’Amérique du Sud et d’Afrique. On attribuait souvent des pouvoirs magiques aux ressources naturelles non européennes.

3-l’ivoire, un matériau d’intérêt mondial

Une sélection d’oeuvres tournées et sculptées en ivoire d’Afrique occidentale, d’Inde et de l’Empire ottoman montre que le traitement artistique de l’ivoire était une pratique courante dans de nombreuses contrées du monde. Compte
tenu des scènes représentées, certains objets montrent qu’ils ont été spécialement conçus pour le commerce avec l’Europe. D’autres ont été faits par des artistes de la cour de Saxe et le prince électeur lui-même s’est révélé être un
artiste.

4-Naturalia, l’art et la nature

Une collection de précieux travaux d’orfèvrerie travaillés avec virtuosité montre comment les artistes ont pu être inspirés par les ressources naturelles comme le corail, la nacre ou les coquilles de nautile. De cette manière naquirent
de petits trésors d’art des plus originaux qui furent vraiment considérés comme objets de collection dans les cours d’Europe.

5-visions du monde, formation de stéréotypes

Les artistes prirent fréquemment part aux voyages de découverte et de conquête, par exemple en Amérique du Sud, en Afrique ou aux Indes. Leurs esquisses, dessins et comptes-rendus constituèrent les prémisses de la reproduction imagée des lointaines régions du monde. D’une part, les représentations artistiques étaient motivées par un intérêt scientifique, renforcé par l’étude de la nature. D’autre part, elles ouvraient la voie à la culture des stéréotypes que les hommes d’autres cultures traitaient souvent avec dédain.

6-la porcelaine, symbole des échanges entre l’Orient et l’Occident

Il n’existe pratiquement aucune technique mieux adaptée que la porcelaine pour analyser la complexité des relations commerciales mondiales, à savoir un des premiers produits à avoir été commercialisé à l’échelle mondiale. Le prince
électeur de Saxe et le roi de Pologne, Auguste le Fort, était un grand amateur d’
« or blanc » et rassembla à Dresde la plus grande collection européenne de porcelaine asiatique. En créant la manufacture de Meissen en 1710, il se
montra en même temps le précurseur de la concurrence artistique du modèle asiatique.

7-l’art de l’Empire ottoman, mode et fêtes de cour

L’art ottoman constitua un autre centre d’intérêt en matière de collections à la cour de Dresde. Grâce aux dons ciblés et aux achats, Auguste le Fort réussit à recueillir des tentes, des armes, des brides et autres équipements, qui
encouragèrent également la production d’art locale. Lors des fêtes et défilés, Auguste le Fort, qui aimait se prendre pour un sultan, utilisait sa collection pour impressionner à des fins de représentation politique.

programmation culturelle

conférence de présentation
le jeudi 22 septembre à 18h30
avec Stéphanie Bernardin, historienne de l’art

collectionner l’ailleurs. Penser/classer les objets des outre-mer en Europe (XVIe-XXe siècle)
jeudi 13 octobre à 18h30
avec Christian Grataloup, professeur émérite à l’Université Paris Diderot

Trésors des quatre parties du monde : le collectionnisme et la colonisation des Indes
jeudi 17 novembre à 18h30
avec Samir Boumediene, chargé de recherches au CNRS

Dresde, histoire et architecture de la « Florence de l’Elbe »
jeudi 15 décembre à 18h30
avec Philippe Poindront, historien de l’art

événements et soirées
cabinet de curiosités musicales
les lundis 17 octobre, 14 novembre, 12 décembre et 9 janvier de 19h à 21h30

40 Miroir du Monde, chefs-d’oeuvre du Cabinet d’art de Dresde
soirée carnet de dessin
le mardi 15 novembre de 19h à 21h

Balthasar Permoser (sculpture), Johann Melchior Dinglinger (monture), Wilhelm Krüger (placage
en écaille), Martin Schnell (vernis)
Statuette au plateau d’émeraudes

Nuit Blanche
le samedi 1er octobre, 19h30 à minuit, dernière entrée 23h30
Au cours de la visite, nous embarquons le temps d’un court et intense voyage théâtral, poétique et musical à
travers les siècles, à la découverte de quelques-uns des objets les plus étonnants du Cabinet de curiosités
de Dresde.
par le duo CIE 44 composé de Lény Guissart et Nicolas Mathieu
entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles

informations pratiques
adresse
Musée du Luxembourg
19 rue Vaugirard
75006 Paris
téléphone
01 40 13 62 00
ouverture
tous les jours de 10h30 à 19h
nocturne tous les lundis jusqu’à 22h
fermeture anticipée à 18h les 24 et 31 décembre

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

2 réflexions sur « Miroir du Monde, chefs-d’oeuvre du Cabinet d’art de Dresde »

  1. Cher Guy Boyer
    pour les oeuvres contemporaines je vous suis entièrement.
    Pour le reste j’étais ravie de voir les oeuvres dont on m’a tant parlées, et j’ai fait fi des avertissements et autres mentions, dont je ne voyais pas l’utilité.

  2. Le mot de la rédaction

    Au musée du Luxembourg, à Paris, l’exposition « Miroir du monde » n’avait qu’un but : montrer les chefs-d’œuvre du cabinet d’art de Dresde. Tout le monde imaginait déjà les ruissellements d’or et de nacre, de perles baroques… Que nenni ! Dans un décor gris rappelant les maisons du peuple d’Allemagne de l’Est et une approche plus « sciences naturelles » que « beaux-arts », voici l’interprétation contemporaine que les Staatliche Kunstsammlungen Dresden (SKD) donnent de ces brillants trésors. À cet accrochage décevant et à la présence inutile de pièces contemporaines s’ajoutent des avertissements relevant d’une incroyable leçon de morale portant tantôt sur le commerce illégal de l’ivoire, tantôt les représentations stéréotypées des non-Européens, ou la légitimation de la domination coloniale. Autant d’avertissement qui n’ont pas grand-chose à faire ici en matière de collectionnisme. La Réunion des Musées nationaux prend-elle les visiteurs pour des personnes incultes et insensibles ? A-t-elle honte de l’histoire des collectionneurs de l’Ancien Régime ou a-t-elle peur de son ombre ? Au lieu de faire des leçons de morale à dix sous, elle aurait pu faire plus d’efforts pour monter une exposition digne de ce superbe sujet.

    par Guy Boyer, directeur de la Rédaction, Connnaissances des Arts

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