PICASSO. Artiste et modèle – Derniers tableaux

Picasso et son modèle
Dans le cadre des commémorations internationales du 50ème anniversaire de la disparition de Pablo Picasso (1881–1973), la Fondation Beyeler présente du 19 février au 1er mai 2023 une sélection concentrée de dix toiles tardives de l’artiste en provenance de la Collection Beyeler, de l’Anthax Collection
Marx et d’autres collections privées.
Commissariat de Raphaël Bouvier
Dernières salves

Au cours de la dernière décennie de sa vie, alors qu’il est déjà âgé de plus de 80 ans, l’artiste espagnol poursuit de manière hautement productive son oeuvre audacieux. Avec une énergie irrépressible, au cours de cette ultime période il produit souvent plusieurs oeuvres par jour, faisant preuve d’une saisissante
puissance créatrice, comme s’il cherchait à combattre l’âge et la diminution attenante de ses capacités de création artistiques et corporelles. Parmi les nombreux travaux des années 1960 et du début des années 1970 figure un important groupe d’oeuvres dans lesquelles Picasso se consacre au sujet de l’artiste et du modèle. Dans ces oeuvres hautement expressives, il explore d’une part l’image (de soi) de l’artiste et d’autre part l’acte et le processus de création.

Autoportrait, cliché et caricature

                                                       Picasso tête d’homme

Oscillant entre autoportrait, cliché et caricature, certains des tableaux donnent à voir l’artiste en chemise rayée, convoquant ainsi aussi l’image déjà élevée au rang de mythe de Picasso. Cependant, comme une forme de contre-image à son apparence personnelle, il représente souvent l’artiste sous les traits d’un
homme barbu. Par ailleurs, Picasso présente le plus souvent l’artiste peignant directement devant le modèle, à l’encontre de sa propre pratique de travail – il peignait toujours de mémoire. Dans cette constellation, le modèle féminin nu, dont la représentation oscille également entre idéalisation et caricature, est exposé au regard de l’artiste. Avec ces oeuvres, la question reste ainsi ouverte de savoir dans quelle mesure Picasso exalte ou ironise sa fixation sur le nu féminin et l’appropriation visuelle du corps féminin. Son impressionnante série d’images du peintre et de son modèle soulève ainsi aussi des questions concernant le traitement personnel et artistique du corps féminin par l’homme et la possibilité de représenter ce corps dans le contexte actuel.

L’oeuvre tardive de Picasso

                                               le peintre, buste de profil

 L’exposition s’appuie sur une sélection de tableaux représentatifs de l’immense oeuvre tardive de Picasso pour entreprendre de retracer le cheminement et d’interroger la pertinence actuelle des explorations de l’artiste, qui tournent autour du processus créatif, des relations que structurent les regards croisés entre peintre et modèle, de la représentation de l’artiste
masculin et de la mise en scène visuelle du modèle féminin.

le peintre et son modèle
Picasso dans la Fondation Beyeler

Avec son inventivité picturale foisonnante, Pablo Picasso a marqué l’art du XXe siècle d’une empreinte singulière. La Fondation Beyeler possède plus de trente de ses oeuvres et abrite une des plus belles collections de Picasso au monde. Parmi les protagonistes de l’art moderne, Picasso est ainsi l’artiste le plus
fortement représenté dans la Collection Beyeler. Les oeuvres couvrent une période allant du travail cubiste précoce de l’année 1907 aux travaux tardifs des années 1960. Une quinzaine d’autres chefs-d’oeuvre de Picasso de la Collection Beyeler et de l’Anthax Collection Marx sont présentés dans les salles de la
collection qui font suite à l’exposition, proposant ainsi un vaste panorama de l’oeuvre de Picasso.

Célébration Picasso 1973-2023

Célébration Picasso 1973-2023  : 50 expositions et évènements pour célébrer Picasso
2023 marque le cinquantième anniversaire de la disparition de Pablo Picasso et place ainsi l’année sous le signe de la célébration de son oeuvre en France, en Espagne et à l’international. Célébrer aujourd’hui l’héritage de Picasso c’est s’interroger sur ce que cette oeuvre majeure pour la modernité occidentale
représente aujourd’hui. C’est montrer sa part vivante, accessible et actuelle.

La Fondation Beyeler

Le musée situé à Riehen près de Bâle est réputé à l’international pour ses expositions de grande qualité, sa collection de premier plan d’art moderne classique et d’art contemporain, ainsi que son ambitieux
programme de manifestations. Conçu par Renzo Piano, le bâtiment du musée est situé dans le cadre idyllique d’un parc aux arbres vénérables et aux bassins de nymphéas. Le musée bénéficie d’une situation unique, au coeur d’une zone récréative de proximité avec vue sur des champs, des pâturages et des vignes, proche des contreforts de la Forêt-Noire. La Fondation Beyeler procède avec l’architecte suisse Peter Zumthor à la construction d’un nouveau bâtiment dans le parc adjacent, renforçant ainsi encore l’alliance harmonieuse entre art, architecture et nature.

                       ERNST BEYELER ET PABLO PICASSO, MOUGINS, 1969
                              Photographe inconnu

Ma visite

Se rendre à la Fondation Beyeler, c’est comme aller à un rendez-vous d’amour, le cœur palpite, cheminant dans le sentier arrière de la Fondation, comme pour un pèlerinage, pressée de pénétrer dans le lieu, savourant à l’avance le plaisir que l’on sait trouver dans l’endroit. En revenir par le même sentier, rempli de l’émotion de la visite, se remémorant l’exposition, prolongeant indéfiniment le plaisir.
A force d’y aller, je crois que les œuvres m’appartiennent, je m’y sens comme chez moi.
Lorsqu’une œuvre de l’immense collection est absente pour un moment, je m’inquiète : aurait-elle été vendue ?
Dans ma naïveté et mon attachement je me suis enquis, à Art Basel, en voyant les oeuves phare exposées, auprès d’Ernst Beyeler, fondateur d’Art Basel, si elles étaient en vente.

« Jamais me répondit-il, c’est juste pour le plaisir des yeux. »

 

Sommaire du mois de février 2023

Wayne Thiebaud Flood Waters LAC Fondation Beyeler actuellement

17 février 2023 : ALCHIMIA NOVA – Anne Marie Maes
14 février 2023 : Espèce d’animal ! Un bestiaire contemporain
14 février 2023 : Un bestiaire contemporain au Séchoir suite
10 février 2023 : La roue = c’est tout, Nouvelle présentation de la collection Tinguely
08 février 2023 : Vagamondes
02 février 2023 : Jean Tinguely : l’Éloge de la folie
01 février 2023 : Trésor national : le musée d’Orsay s’enrichit d’un exceptionnel tableau de Caillebotte

La roue = c’est tout, Nouvelle présentation de la collection Tinguely

Jean Tinguely à la recherche de matériaux, Paris, 1960, photographe inconnu

du 8 février 2023 jusqu’au printemps 2025 au musée Tinguely
Commissaire de l’exposition : Roland Wetzel | Assistante : Tabea Panizzi
Fil conducteur

Augmentée de plusieurs prêts d’oeuvres emblématiques, une large vue
d’ensemble s’ouvre ainsi sur le travail de Jean Tinguely, dont l’affirmation
« La roue = c’est tout » sert de fil conducteur. Le motif de la roue jalonne non seulement toutes les périodes de création de l’artiste, mais témoigne aussi de sa conviction selon laquelle les évolutions au fil du temps doivent s’exprimer dans l’art. La nouvelle présentation de la collection est articulée de manière chronologique ; elle commence par les années incroyablement innovantes de 1954 à 1959,

parmi lesquelles figurent aussi des prêts majeurs comme le Moulin à prière ou Tricycle de 1954. La première salle de la présentation de la collection met en évidence le caractère inventif et novateur de Tinguely. Elle est consacrée à ses premières oeuvres mobiles des années 1950 – les sculptures en fil métallique et les reliefs – qui lui permettent de s’établir comme pionnier de l’art cinétique.

Périodes 1960/1967

L’espace suivant est consacré aux « sculptures performatives » de la période de 1960 à 1967 qui met en regard les sculptures en ferraille (vers 1960) et les sculptures noires (vers 1965). Sur la nouvelle mezzanine, l’exposition se poursuit avec la passion automobile de Tinguely et ses sculptures « sacrées » et carnavalesques. Le travail extrêmement novateur de Tinguely, dans le champ de l’esquisse et du dessin, peut être consulté à partir d’oeuvres choisies.

Cabinet et section d’Etude

La succession des salles se présente comme un cabinet ou une section d’étude ; elle met l’accent sur les importants projets collectifs et performatifs que Tinguely a réalisés au cours des années 1960 et 1970 dans l’espace public, sur scène et dans les musées. Des salles de projection vidéo proposent au public de s’immerger dans les projets Homage to New York (1960), Étude pour une fin du monde No.1 (1961), Study for an end of the world No. 2 (1962) et Éloge de la folie (1966).

Dernières années

Enfin, l’espace s’ouvre sur les dernières années de Tinguely avec de grandes sculptures et des machines musicales, entre autres avec Méta-Harmonie II (1979), Fatamorgana (1985)

et la plus grande sculpture du musée que Tinguely ait jamais créée la Méta-Maxi-Maxi-Utopia (1987). Les oeuvres de cette espace fonctionnent selon une durée chorégraphie bien établies et donc sans l’utilisation des boutons noirs. L’oeuvre tardive et importante Mengele-Totentanz de 1986 s’inscrit également dans le parcours, visible au deuxième étage comme le Schauatelier – l’atelier de l’équipe de restaurateur.trices.

Biographie illustrée

On y trouve également une biographie illustrée qui renseigne sur la vie de Tinguely au moyen de photos, vidéos et fichiers audio. L’oeuvre de Tinguely est marquée par une multiplicité d’intérêts et de sujets : le rapport entre l’homme et la machine, le mouvement et la cinétique, le hasard comme allié de génie, l’innovation par la destruction créatrice, la vie et la mort, l’embodiment, le théâtral et le performatif, la musicalité et toutes les formes de sensorialité, la critique du consumérisme, l’anarchisme et l’engagement politique, l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité.

Tinguely était un talentueux réseauteur ; il disposait d’un vaste cercle d’amis et prenait un grand plaisir aux processus collaboratifs, expérimentaux et transfrontaliers de la création artistique et muséographique. La qualité particulière de son oeuvre se mesure à son accessibilité.

Les familles au musée

Juste après l’entrée du musée un espace ‘activités éducatives’ accueille désormais les familles au musée. En faisant appel à plusieurs sens, les familles trouvent ici différentes suggestions pour une visite stimulante et un aperçu de la médiation artistique du musée et de ses offres actuelles.
Pour explorer les oeuvres d’art de la collection de manière autonome et ludique, le musée propose des « parcours pour les familles » qui invitent à de nouvelles découvertes et fournissent des pistes de réflexion pour petits et grands.

Informations pratiques

Musée Tinguely
Paul Sacher-Anlage 1 | 4002 Bâle
Durée : du 8 février 2023 jusqu’au printemps 2025
Heures d’ouverture :
mardi – dimanche, tous les jours 11h-18h, jeudi 11h-21h
L’heure bleue
Ouvert le jeudi jusqu’à 21h, 18h-21h entrée gratuite

Sites Internet : www.tinguely.ch
Réseaux sociaux : @museumtinguely | #museumtinguely | #larouecesttout

Jean Tinguely : l’Éloge de la folie

Jean Tinguely, Éloge de la folie, 1966
540 x 780 x 75 cm, cadre en aluminium avec panneaux de bois, fils métallique, courroies en caoutchouc, boules, moteurs électriques, peint en noir

Acquisition par le Musée Tinguely d’une oeuvre majeure de Jean Tinguely des années 1960
Le Musée Tinguely a acquis l’une des oeuvres emblématiques des années 1960 de Jean Tinguely : l’Éloge de la folie créée en 1966 pour le ballet éponyme de Roland Petit. Elle contribue magnifiquement à l’extension de la collection du musée en lui donnant un nouveau point fort. L’oeuvre fut présentée pour la dernière fois à Wolfsburg et à Bâle il y a plus de 20 ans. Dans le cadre de la nouvelle présentation de la collection « La roue = c’est tout », l’oeuvre sera à nouveau accessible au public à partir du 8 février.

Description

Pour le ballet l’Éloge de la folie, Jean Tinguely réalise l’une de ses plus importantes contributions scéniques et l’une de ses oeuvres emblématiques des années 1960. Sa machine, intitulée l’Éloge de la folie à l’instar du ballet, est constituée d’un système de rouages plat, semblable à un relief ajouré, faisant office de rideau au fond de la scène. De grandes roues plates découpées dans des panneaux de bois et peintes en noir tournent devant un rideau blanc éclairé à l’arrière. Elles évoquent ses premiers Reliefs méta-mécaniques composés de fines roues métalliques et d’éléments en tôle colorés se mettant à danser au rythme de la rotation des roues. Un danseur positionné sur un pédalier s’apparentant à un vélo active les roues de l’assemblage grâce à une courroie de transmission ainsi qu’un circuit à boules traversant le relief. Avec cette présentation scénique de grandes dimensions, Tinguely reprend d’anciens thèmes et motifs, mais trouve une nouvelle forme d’expression. Le rétroéclairage évoque un jeu d’ombres tout en donnant une impression d’apesanteur. L’artiste s’était déjà intéressé aux jeux d’ombre produits par ses sculptures comme il l’explique dans une lettre adressée à Pontus Hultén :
« Je vais utiliser 3–4 projecteurs de cinéma pour que les oeuvres produisent des ombres. »
Dans plusieurs travaux ultérieurs, les jeux d’ombre et leur mise en scène deviennent une composante essentielle de ses réflexions artistiques. Aujourd’hui, un moteur électrique impulse le mouvement ; quant au danseur activant le pédalier, Tinguely l’a lui-même remplacé par une silhouette humaine.

Le Ballet

Roland Petit, chorégraphe et fondateur des ‘Ballets des Champs-Élysées’, puise son inspiration dans l’ouvrage l’Éloge de la folie d’Érasme de Rotterdam pour concevoir un ballet contemporain. L’oeuvre littéraire d’Érasme constitue un enseignement, un miroir intemporel grossissant avec ironie les faiblesses humaines et leurs vaines aspirations. L’écrivain Jean Cau en rédige le livret :
« C’est un éloge de notre vie et de notre monde. Un éloge noir et blanc et de mille couleurs, contrasté de violences et de tendresses. Des bruits, des sons et des musiques. Des corps qui se cherchent et s’interrogent... »
Le compositeur Marius Constant en écrit la musique : une série de structures concertantes pour 19 musiciens destinées à différents instruments solistes.
Roland Petit engage Niki de Saint Phalle, Martial Raysse et Jean Tinguely pour les décors scéniques des neuf scènes de ballet. Chacun en réalise trois. Il s’agit dans l’ordre du livret de : 1. Les Empreintes, 2. La Publicité, 3. L’Amour, 4. La Femme au pouvoir, 5. Les Pilules, 6. La Guerre, 7. La Machine,
8. L’Interrogatoire et 9. Count Down. Jean Tinguely apporte sa contribution aux scènes 1, 7 et 9. Dans le film réalisé lors de la représentation, le ballet commence avec ‘La Machine’, premier décor réalisé par Tinguely, et se termine avec ‘Count Down’, la dernière scène. Il sera présenté pour la première fois le 7 mars 1966 au Théâtre des Champs- Élysées. Dans la presse française, ce sont surtout les nouveaux décors scéniques qui recueillent des critiques positives. Le film sera également présenté au sein de la nouvelle présentation de la collection du Musée Tinguely inaugurée le 7 février 2023.
L’Éloge de la folie a été présenté pour la dernière fois au public il y a plus de 20 ans dans le cadre de l’exposition L’esprit de Tinguely au Kunstmuseum Wolfsburg (2000), puis au Musée Tinguely (2000-2001). Durant son séjour à Bâle, l’oeuvre avait été vendue à une remarquable collection privée. Désormais, celle-ci est en possession du Musée Tinguely qui l’a acquise dans le cadre de la succession de cette collection.

Le Musée Tinguely

Avec plus de 120 sculptures cinétiques et 1500 oeuvres sur papier, le Musée Tinguely détient la plus grande collection au monde d’oeuvres de l’artiste suisse Jean Tinguely (1925-1991). Pour la première fois depuis l’inauguration du musée en 1996, la collection est de nouveau présentée sous le titre La roue = c’est tout dans la grande halle d’exposition à partir du 8 février 2023.
L’oeuvre de jeunesse de Tinguely empreinte de fragilité et de poésie, ses actions explosives et ses collaborations des années 1960, ainsi que ses dernières oeuvres musicales et monumentales plus sombres, composent un parcours d’exposition éclectique proposant de nombreuses activités participatives ainsi qu’un nouvel aperçu de son oeuvre sur quatre décennies. En s’appuyant sur le monde des idées de Tinguely, le Musée Tinguely présente un programme d’expositions et de manifestations varié mettant en avant le dialogue avec d’autres artistes et d’autres formes d’art, tout en offrant une expérience muséale interactive qui sollicite tous les sens.

Informations pratiques

Musée Tinguely:
Paul Sacher-Anlage 1 | 4002 Basel
Heures d’ouverture: mardi – dimanche, tous les jours 11h-18h, jeudi 11h-21h
Sites Internet: www.tinguely.ch
Réseaux sociaux: @museumtinguely | #museumtinguely | #tinguely

Accès
tram no. 2 jusqu‘au « Wettsteinplatz »,
puis bus no. 31 ou 38 jusqu’à « Tinguely Museum ». 
Gare allemande (Bad. Bahnhof) : bus no. 36.
Autoroute: sortie « Basel Wettstein/ Ost ».
Parking à coté du musée ou au Badischer Bahnhof.

Sommaire de janvier 2022

28 janvier 2023 : Wayne Thiebaud, l’artiste des tentations
24 janvier 2023 : Silvère Jarrosson Au Musée Unterlinden
16 janvier 2023 :
14 janvier 2023 : L’attente D’Anna Malagrida
8  janvier 2023  :
5 janvier  2023 :
1 janvier 2023  :

Wayne Thiebaud, l’artiste des tentations

 Girl with Pink Hat, 1973
A la Fondation Beyeler à Riehen du 29 janvier – 21 mai 2023 
L’exposition « Wayne Thiebaud » est dirigée par Ulf Küster, Conservateur en chef à la Fondation Beyeler. Commissaire assistante : Charlotte Sarrazin.
Un magnifique catalogue de l’exposition a été conçu par Bonbon (Zurich) et paraît en allemand et en anglais aux éditions Hatje Cantz, Berlin. 
Cet ouvrage de 160 pages comprend, entre autres, des contributions de Janet
Bishop et de Ulf Küster, ainsi que la dernière interview de Wayne Thiebaud datant de 2021, réalisée par Jason Edward Kaufman.

Venir à la Fondation Beyeler est toujours un bonheur, vous êtes accueillis par le traditionnel bouquet de fleurs. Grâce aux baies vitrées le paysage pénètre favorablement dans le white cube.

« J’essaie toujours de placer un peu de chaque couleur dans autant de zones de l’image que possible, afin de créer une sorte d’aura, presque comme la lumière du soleil ou un effet arc-en-ciel »
Wayne Thiebaud

Avec Wayne Thiebaud (1920–2021), la Fondation Beyeler consacre une rétrospective à un peintre contemporain d’exception. Largement inconnu du public en Europe, Thiebaud jouit depuis longtemps d’une grande popularité
aux États-Unis. À travers ses natures mortes aux pastels envoûtants, mettant en scène des objets du quotidien, Thiebaud invoque les promesses du
« American Way of Life ». Parallèlement, ses portraits étonnants ainsi que ses paysages urbains et ruraux aux perspectives multiples témoignent de la
polyvalence de ce peintre à la technique brillante.

Composée de 65 tableaux et dessins issus de collections privées et publiques, principalement américaines, cette rétrospective présente les ensembles d’oeuvres majeures de l’artiste, et invite les visiteurs à découvrir sa technique picturale unique ainsi que son
approche toute personnelle de la couleur. Célèbre aux États-Unis pour ses natures mortes, Thiebaud explore les possibilités d’expression picturale à la frontière entre le monde visible et le monde imaginaire, créant ainsi
un langage iconographique unique et très personnel, oscillant entre ironie, humour, nostalgie et mélancolie.
Les oeuvres de Thiebaud appellent un regard précis. Tout d’abord nous apparaissent les sujets tirés du quotidien, étalages de pâtisseries ou machines à sous ; dans ce sens, Thiebaud est un représentant du pop art.

Mais en regardant de plus près, chaque sujet se dissout en un vaste éventail d’innombrables couleurs et nuances, dont seule l’agrégation produit une image reconnaissable.
C’est ainsi moins le sujet que la manière de peindre qui se trouve au coeur de l’oeuvre de Thiebaud.
Toute sa vie, Thiebaud s’est consacré principalement à trois thématiques : les choses, les personnes et les paysages. L’exposition donne à voir ses peintures à l’huile et à l’acrylique ainsi que ses dessins. Les frontières entre représentation et abstraction y sont fluides : par son usage sophistiqué de la couleur, Thiebaud soumet tous les éléments d’une image à un processus d’abstraction, générant ainsi une expérience unique de la couleur.

Précurseur du pop art

Wayne Thiebaud compte parmi les représentants majeurs de l’art figuratif américain et s’inscrit ainsi dans la tradition de peintres tels que Edward Hopper et Georgia O’Keeffe. Il découvre très tôt son intérêt pour les bandes dessinées et les dessins animés, travaille brièvement dans le département des films d’animation des studios de Walt Disney, et plus tard en tant que graphiste publicitaire et dessinateur commercial.
De 1949 à 1953, il étudie les arts à l’université d’État de San José et à l’université d’État de Californie à Sacramento. Tout au long de sa vie, il est resté actif dans l’enseignement et a formé plusieurs générations d’artistes. Thiebaud a évolué à l’écart des grandes métropoles de l’art et a peint indépendamment des
mouvements artistiques dominants du moment. En raison de son intérêt pour les objets de la culture populaire, il est souvent associé au pop art – une classification qu’il a toujours refusée. Compte tenu de sa propre vision de l’esthétique de la production de masse et de son intérêt pour la peinture, Thiebaud devrait plutôt être qualifié de précurseur du pop art. Il a lui-même désigné Diego Velázquez, Paul Cézanne, Henri Rousseau et Piet Mondrian comme ses modèles; mais en tant que cartooniste, il a également été fortement
influencé par les graphistes publicitaires et les créateurs d’affiches.

Les sujets

On retrouve dans les tableaux de Thiebaud de nombreux motifs de la vie quotidienne, reflet du style de vie américain, tels que des distributeurs de chewing-gum, des gâteaux aux couleurs vives, des autoroutes entrelacées, souvent plongées dans la lumière du soleil de la côte ouest…

Au premier coup d’oeil, ses tableaux semblent presque simplistes voire caricaturaux. Cependant, en y regardant de plus près, on constate rapidement une dimension supplémentaire. Ses compositions sont formées d’un spectre illimité de couleurs souvent intenses et lumineuses qui font passer le motif à l’arrière-plan. Les frontières entre figuratif et non-figuratif restent floues, dans la mesure où Thiebaud soumet son motif à un processus
d’abstraction par le biais de l’utilisation ciblée de la couleur. Ce qui l’intéresse au premier plan, ce sont bien plus les possibilités offertes par la technique picturale, et en particulier par la couleur. Il a un sens incroyable de la composition, digne d’un major de promotion d’une école d’art élite.

Les oeuvres majeures

L’exposition de la Fondation Beyeler consacrée à Wayne Thiebaud présenter les ensembles d’oeuvres majeurs du peintre, regroupés par thèmes et salles – notamment des natures mortes, des compositions de figures, ainsi que des paysages urbains et fluviaux. L’exposition s’ouvrira sur trois de ses oeuvres
clés :Student, 1968, 35 Cent Masterworks, 1970, et Mickey Mouse, 1988. Le Mickey de Thiebaud reflète l’attachement de l’artiste à la culture pop américaine du début des années 60. Dans une large mesure, ce célèbre personnage de bande dessinée est l’antithèse des canons traditionnels de l’art occidental et incarne pour ainsi dire la quintessence du « pop ».

Student illustre de manière exemplaire les principes de l’art du portrait. On y voit une jeune femme assise sur une chaise, face au spectateur, le regard fixe. Malgré l’apparente insistance de son regard, en l’observant de plus près, sa singularité s’estompe et la puissance des couleurs se superpose à la perception de sa personne. Cette impression de distance se renforce au fur et à mesure que l’on s’approche du tableau: chaque trait individuel de cette jeune femme semble se fondre dans des myriades de combinaisons de couleurs éclatantes.


Dans 35 Cent Masterworks, Thiebaud a rassemblé ses modèles artistiques: douze oeuvres majeures de l’histoire de l’art y sont soigneusement
disposées sur une étagère à revues. Comme l’indique une étiquette de prix,
le Tableau n° IV de Mondrian, les Nymphéas de Monet et la Nature morte à la guitare de Picasso sont disponibles, ainsi que tous les autres tableaux, pour seulement 35 centimes. En connaisseur et amateur d’histoire de l’art, Thiebaud
s’interroge ici, avec humour, sur la « valeur » des chefs-d’oeuvre qu’il admire, et, dans le même temps, lance le débat sur le rapport entre original et reproduction. Sa compilation de tableaux révèle en outre une affinité avec la collection de la Fondation Beyeler.

Les natures mortes

Une salle d’exposition entière est consacrée à l’ensemble d’oeuvres le plus célèbre : les natures mortes.
Friandises sucrées alignées sur des étals, dans des vitrines ou joliment présentées sur des assiettes.
Jouets, animaux en peluche et cornets de glace rappelant les plus grandes tentations de l’enfance.

Pie Rows, 1961, représente des parts de gâteaux disposées les unes à côté des autres et les unes derrière les autres jusqu’à former un motif. Par leur pouvoir de séduction et leur nature sucrée, ces desserts ont à la fois un effet apaisant et une emprise irrésistible sur le spectateur. Thiebaud parvient ainsi à démasquer
le caractère prétendument inoffensif des aliments et des objets représentés, et exposer la disponibilité quasi illimitée de ces composantes majeures de notre comportement de consommation.

Le jeu

Dans une autre salle, les machines à sous constituent le motif principal des oeuvres exposées.

Jackpot, 2004, présente le fameux jeu de hasard « bandit manchot » des casinos qui, pour une somme modique, promet une chance de gagner le gros lot. À l’instar des gâteaux ruisselants de sucre, cette nature morte attire également par les accès d’exaltation secrète qu’elle déclenche.
Par ailleurs, les pots en métal poli aux coulées de peinture dégoulinante ou encore les bâtonnets de pastels multicolores marquent la fin du thème
« Nature morte », et renvoient à un autre motif: la relation intime entre le travail quotidien de l’artiste et son matériel.

Les personnages

Les compositions de figures de Thiebaud manifestent une affinité étroite avec les natures mortes de l’artiste: les personnes sont certes représentées de manière réaliste, mais dans des postures inhabituelles
et statiques – immergées dans une baignoire d’où ne sort que la tête posée en arrière sur le rebord;

agenouillées côte à côte en maillot de bain, le visage impassible face au spectateur; ou encore assises par terre les jambes écartées, un cornet de glace à la main. Girl with Pink Hat, 1973, rappelle les grands
classiques de la Renaissance, notamment les portraits célèbres de Botticelli ou encore de Giorgione. (image du début)
Mais à la différence de ces derniers, les contrastes de complémentaires et les contours aux couleurs vives font resplendir « La Fille au chapeau rose ».


Eating Figures, 1963, en revanche, est sous-tendu par ce comique
que l’on retrouve dans de nombreux tableaux de Thiebaud : un homme en costume et une femme en robe sont assis très près l’un de l’autre sur des tabourets de bar et regardent apparemment sans plaisir les hotdogs
qu’ils tiennent à la main. L’appétit vorace généralement associé au fast food et le plaisir habituellement conféré à cet en-cas populaire sont ici poussés à l’absurde au biais de l’ironie.

Les paysages

Les tableaux de villes et de paysages de Wayne Thiebaud sont moins connus. Rock Ridge, 1962, et Canyon Mountains, 2011–2012, représentent des parois rocheuses abruptes qui descendent de hauts plateaux sur lesquels s’étendent parfois des paysages peints de manière détaillée. Dans les années 1960,
Wayne Thiebaud se lance dans la peinture de paysages. Il se concentre alors sur des représentations époustouflantes de San Francisco, des perspectives aériennes aplaties vues à vol d’oiseau sur le delta de fleuve Sacramento, ainsi que des panoramas imposants de sommets et de chaînes montagneuses de la
Sierra Nevada. Les abîmes mis en scène donnent l’impression de plonger dans un gouffre de couleurs.


Pour ses peintures de paysages urbains, Thiebaud s’est largement inspiré de San Francisco. Il a illustré la ville, avec ses collines en montagnes russes et ses rues escarpées, de manière fantaisiste, à l’aide de forts contrastes et de compositions dominées par des diagonales. L’inclinaison vertigineuse des rues plonge les observateurs dans un étonnement à couper le souffle et les amène à se demander si ces routes sont réellement praticables ou carrossables. Il s’agit d’images symboliques et emblématiques du paysage urbain nord-américain contemporain, marqué par un réseau routier dense et des agglomérations, où même la nature la plus inhospitalière est domptée et aménagée par l’homme, et semble étrangement vidée de sa substance.

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Sommaire du mois de décembre 2022

Barthélémy Toguo, le Pilier des Migrants, Louvre Paris

31 décembre 2022 : Chers lecteurs
28 décembre 2022 : Mort de Maya Ruiz-Picasso
25 décembre 2022 : Noël au musée
20 décembre 2022 : Taffele – une exposition Originale
18 décembre 2022 : Raymond Waydelich, sur-médaillé
16 décembre 2022 : Edvard Munch. Un poème de vie, d’amour et de mort
14 décembre 2022 : DIALOGUE MONET – MITCHELL
12 décembre 2022 : Tapisseries de la Dame à la licorne
10 décembre 2022 : Amazing TRANSFORMERS so cute
6 décembre 2022   : Born in Ukraine – La Galerie nationale d’art de Kyiv à l’honneur
4 décembre 2022   : Alice Neel, un regard engagé
2 décembre 2022   :   Curt Glaser collectionneur, « l’art en fuite »

Amazing TRANSFORMERS so cute

CHEFS-D’ŒUVRE DE LA COLLECTION FRIEDER BURDA EN DIALOGUE AVEC DES ÊTRES ARTIFICIELS

 « Transformers», au musée Frieder Burda de Baden-Baden jusqu’au 30 avril   2023

« Machines have less problems, I’d like to be a machinee, wouldn’t you ? »
Andy Warhol

Commissaire : Udo Kittekmann

On a rarement vu un musée aussi vivant. Rencontrez des avatars, des machines humaines mobiles, qui parlent et qui apprennent. Observez la richesse des mouvements, des paroles et la réactivité des êtres transformés. Écoutez attentivement une souris blanche animatronique s’adresser à une bougie. Laissez-vous séduire par un personnage qui anime des réactions subjectives et objectives, entre excitation et répulsion.
 Que nenni ! Dans mes pérégrinations j’ai rencontré :

 

  • Au musée Maillol à Paris « Hyperréalisme. Ceci N’est Pas Un Corps » ici
  • A la Fondation Beyeler : « Duane Hanson pour les 25 ans de la Fondation Beyeler » ici
  • A la Bourse de Commerce de François Pinault la souris de Ryan Gander
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    Si vous êtes membre du Cercle, et elle figure aussi sur la carte de membre
    2022
Les promesses de l’intelligence artificielle

L’automatisation de la vie, la transformation de nos environnements sociaux se poursuit. L’intelligence artificielle et ses promesses prennent le relais et créent des formes d’existence semblables à la vie. L’homme pousse au progrès – et se trouve depuis longtemps au seuil de sa propre remplaçabilité.
Avec l’exposition «Transformers», le musée Frieder Burda tente une expérience et se transforme en un dispositif expérimental hybride et utopique. Il thématise et présente des êtres artificiels qui inspectent de manière critique le musée et ses chefs-d’œuvre classiques. La fiction : Une nouvelle situation de dialogue qui joue sur le subjonctif du «Que se passerait-il si» d’un avenir radicalement modifié.

Les chefs d’oeuvre de la collection

                                                                 Markus Lupertz 1941

Pablo Picasso, Jackson Pollock, Willem de Kooning, Gerhard Richter, Sigmar Polke, entre autres : ils ont tous, à leur époque, modifié les attentes classiques vis-à-vis d’une œuvre d’art. Avec les chefs-d’œuvre importants de la collection de Frieder Burda et la rencontre avec des êtres artificiels, des espaces d’expérience multidimensionnels se combinent et s’interconnectent ainsi dans le musée, dans lesquels les visiteurs doivent d’abord se situer eux-mêmes. Il y a de la vie dans le musée, nous grandissons au sein du métavers – même si elle n’est pas réelle, mais seulement un reflet de notre monde actuel de plus en plus transformé par l’artifice.

Les artistes invités

Les artistes invités, Louisa Clement (*1987), Ryan Gander (*1976), Timur Si-Qin (*1984) et Jordan Wolfson (*1980), font tous partie d’une génération qui a grandi dans un monde numérique. Dans leur biographie comme dans leurs créations, ils reflètent les sphères de pouvoir croissantes des possibilités virtuelles.

Louisa Clement

Les représentantes
Avec ses trois représentantes de la production actuelle (2022), rassemblées en tant qu’invitées de l’exposition au milieu de la présentation des oeuvres de Georg Baselitz, Sigmar Polke et Gerhard Richter, l’artiste crée des copies réalistes, d’elle-même. Elle les a apprêtées selon un choix de tenues tout à fait séduisantes. Il s’agit d’avatars, créés à partir d’un scan 3D, le matériau de leur enveloppe extérieur est en silicone, le squelette en métal. Un chatbot est également implanté dans leur corps. Il utilise l’intelligence artificielle pour
converser avec les humains en langage quasi naturel. Pour l’instant elle ne s’exprime et ne répond qu’en anglais.
Avec le temps, la poupée parlante promet de devenir de plus en plus intelligente et de s’épanouir dans le rôle de sa créatrice, y compris dans son rayonnement érotique sophistiqué, qui la rend aussi inaccessible que disponible. Elle pratique le langage des Jésuites, en répondant à une question quelque peu trop personnelles, par une question.
Exemple :
Quelle âge avez-vous ?
réponse : c’est un secret et vous ?
Les « hommes-machines » de Louisa  Clément sont des « appareils d’influence »,
intelligents et communicatifs. Ils peuvent imiter les expressions humaines, ils sollicitent leur désir -et pourtant ils ne peuvent les satisfaire.
« Dans chaque oeuvre » dit l’artiste  « il y a une partie de moi à l’intérieur, qu’on livre avec l’oeuvre ». En effet, des êtres artificiels comme ceux qui se mêlent maintenant à nous , portent toujours du vivant dans l’inerte.

Ryan Gander

« Un enfant est le microcosme d’un spectateur parfait[…], il n’a pas le bagage culturel des adultes, il n’est pas intimidé quand il se trompe[…] »
Voilà l’une des déclarations de l’artiste britannique Ryan Gander. Il a utilisé pour sa sculpture animatronique, d’une souris blanche, la voix d’enfant enregistrée de sa fille, alors âgée de 9 ans. Une voix aiguë et enfantine enchaîne des phrases, en bégayant :

« Bien sûr, d’une certaine manière, eh bien« 

Petite, impuissante, enfantine, encore incapable de s’exprimer clairement –
On sent que la souris a quelque chose d’important à dire, mais n’arrive pas à trouver les mots nécessaires.

Timur Si-Qin

Le titre de l’exposition, Transformers, est tiré du film d’action et de science fiction américain du même nom, Transformers, (2017), extrêmement populaire,
Il est basé sur une série de jouets également du même nom, qui est encore commercialisée, avec beaucoup de succès, dans le monde entier.
L’intrigue du film repose sur une race de machines extra-terrestres intelligentes sur la planète Cybertron, qui ont la capacité de transformer leur corps en d’autres formes. Autrefois en harmonie sur leur planète et gouvernant ensemble, ils se divisent en bons (les Autobots) et en méchants
(les Decepticons), qui se battent dans une guerre civile pour le pouvoir exclusif sur l’univers.
En se basant sur les affiches martiales du film Transformers, Timu Si-Qin a réalisé en 2011, une série d’images encadrées intitulées Mainstream.


Distingué par « Destroy » et « Protect » ,
celles-ci sont recouvertes de feuilles de plantes de formes, de tailles et d’espèces les plus diverses, soulignant dans un premier temps la distance supposée entre l’idée de nature et le « non-humain »
Selon un thèse du 21e siècle, l’ancienne distinction fondamentale entre technique et organique doit être remise en question depuis longtemps et n’a plus qu’une fonction symbolique.
« Je ne vois pas de séparation entre la ‘culture populaire’ ou ‘commerciale’ et le monde naturel »
« Je réfléchis toujours à la manière dont nous sommes imprégnés de publicité dans notre vie quotidienne et je trouve cela très beau, car elles apparaissent plus ou moins selon les mêmes principes que les feuilles des plantes : en effet, elles poussent pour occuper tout espace utile dans lequel, elles peuvent puiser de l’énergie« 

Jordan Wolson

Alors qu’il se rendait au centre ville de New York, Jordan Wolson a écrit ces lignes dans le cadre d’un monologue pour son fascinant personnage robotique
Female Figure. L’artiste né à New York en 1980 est connu pour ses oeuvres percutantes et inquiétantes qui explorent les conditions et les stratégies actuelles de l’art, de la technologie et des médias de masse et de formats variés.

« Female Figure » dit l’artiste, « incarne la tension entre le subjectif et l’objectif, entre l’excitation et la répulsion. Elle est mon interprétation de (ma propre) masculinité.
Il s’agit en outre de violence et de questions relatives à (ma) sexualité. J’ai réfléchi
à l’idée de me voir comme auteur d’une fiction dans laquelle ce que la culture dit être vrai et ne l’est pas – je ne suis pas. Mais bien sûr que c’est vrai et que je le suis »
Sur fond musical d’Applause de Lady Gaga et de Graceland de Paul Simon, Wolson anime physiquement et psychiquement son personnage inquiétant et manipulateur. Enfin, il démontre avec une acuité intellectuelle et artistique, comment la technologie infiltre et harcèle notre perception. Un peu coquine et impudique, tout en étant délibérément sale, à la fois érotique et émotionnellement séduisante, la sculpture peut aussi servir de métaphore pour une époque corrompue.

Information importantes
VISITES GUIDÉES
Visites guidées publiques (en allemand)
Samedi et dimanche 11h et 15h

Frais de participation: 4 €
Les billets sont disponibles à la réception

Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h

Ouvert tous les jours fériés.

le port d’un masque FFP2. est recommandé

Born in Ukraine – La Galerie nationale d’art de Kyiv à l’honneur

Titel: Kyivo-Pecherska Lavra
Künstler & Beteiligte: Kliment Redko
Entstehungszeit: 1914
Material / Technik: Öl auf Leinwand Masse: 28 x 39.7 cm
Creditline: The Kyiv National Art Gallery

Du 6.12.2022 au  30.4.2023 au Kunstmuseum Basel | Hauptbau
Commissaires : Galyna Alaverdova, Oksana Pidsukha (Galerie nationale d’art de Kyiv) avec Olga Osadtschy (Kunstmuseum Basel)
La visite de l’ exposition Born in Ukraine est gratuite.

Dans le cadre de l’exposition Born in Ukraine, le Kunstmuseum Basel présente des oeuvres de 31 artistes ukrainien.ne.s provenant de la Galerie nationale d’art de Kyiv, le Musée national ukrainien. Aux côtés d’autres oeuvres de Kyiv, les 49 tableaux exécutés entre le XVIIIe et le XXe siècle trouvent temporairement refuge en Suisse. Une autre exposition se déroule simultanément au Musée Rath de Genève.

Origine

Au printemps 2022, des représentant.e.s de la Galerie nationale d’art de Kyiv ont sollicité le Kunstmuseum Basel. Manquant d’espaces dans leurs locaux pour mettre à l’abri les oeuvres de leur collection, ils recherchaient des musées étrangers susceptibles d’accueillir des pans de leur prestigieuse collection pour une durée limitée. Il s’agissait non seulement de faire sortir les oeuvres du pays afin de les mettre en sécurité, mais aussi de les exposer.

Invitation

Conçue conjointement avec le Kunstmuseum Basel, l’exposition Born in Ukraine présentée dans le Hauptbau permet désormais de faire connaître des oeuvres d’art provenant d’Ukraine à un plus large public en lui donnant un aperçu de la mémoire culturelle d’une civilisation européenne, dont nous avons peu connaissance jusqu’ici. Dans le même temps, l’exposition est une invitation adressée aux nombreux réfugiés ukrainiens en Suisse.

Histoire particulière

Le projet Born in Ukraine prend en considération l’histoire particulière de la Galerie nationale d’art de Kyiv qui, lorsque l’Ukraine faisait partie de l’Union soviétique, était connue comme musée d’art russe. Depuis 2014, le musée est impliqué dans une lecture et une étude critiques de sa collection qui remettent en cause le lieu commun d’un art russe prétendument homogène. Cette année, cette volonté est plus actuelle que jamais dans le contexte de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.

Ukrainisches Haus, Illia Repin 1880
Les artistes les plus connus

Parmi les artistes dont l’oeuvre est présentée dans l’exposition Born in Ukraine figurent Ilja Repin, Dmytro Lewytsky, Wolodymyr Borowykowsky, Archy Kuyindschi, Mykola Jaroshenko et Dawyd Burliuk. Tous ces peintres, hommes et femmes, sont nés sur le territoire ukrainien. Toutefois, nombre d’entre eux furent formés en Russie et devinrent, de ce fait, des représentants culturels de l’Empire russe, puis de l’Union soviétique. Plus tard, certains s’installèrent en Europe ou aux États-Unis. Aux côtés de ces natifs ukrainiens, Born in Ukraine présente également des artistes aux racines juives, polonaises, arméniennes ou grecques, dont la pratique fut marquée de la même manière par plusieurs traditions nationales. Citons parmi ceux-ci Iwan Aiwazowsky, Lew Lagorio, Archip Kuindschii, Konstantin Kryschytsky, Isaak Brodsky et Dawid Schterenberg.

La Galerie nationale d’art de Kyiv

La Galerie nationale d’art de Kyiv compte parmi les musées d’art les plus connus d’Ukraine. Fondé en 1922, il est situé dans un monument architectural du XIXe siècle qui appartenait au commerçant et mécène ukrainien Fedir Tereschtchenko. Les oeuvres d’art de la collection de la famille Tereschtchenko ainsi que d’autres collections privées ukrainiennes composèrent le fonds initial de la collection muséale. Le musée possède des collections monographiques de Wolodymyr Borowykowsky, Iwan Aiwazowsky, Mykola Ge, Iwan Schyschkin, Mychailo Wrubel, Ilja Repin et d’autres artistes. L’institution abrite plus de 14 000 pièces qui couvrent un large spectre allant d’exceptionnelles icônes du XIIIe siècle jusqu’à des chefs-d’oeuvre des XXe et XXIe siècles.

L’exposition au Musée Rath à Genève :
Du crépuscule à l’aube, 8 décembre 2022 – 23 avril 2023

Informations pratiques

Kunstmuseum Basel
St. Alban-Graben 8
4001 Basel
T +41 61 206 62 62
kunstmuseumbasel.ch

Vous pouvez visiter la collection gratuitement aux heures suivantes :
Mar, jeu, ven : 17 h à 18 h
Mer : 17 h à 20 h
Premier dimanche du mois
Ne s’applique pas au dimanche 1er janvier 2023, car il s’agit un jour férié.

14 DÉC –  BÂTIMENT PRINCIPAL

18:30–20:00
« Né en Ukraine. Invité de la Kyiv Art Gallery»
Visite de l’exposition et apéritif

Curt Glaser collectionneur, « l’art en fuite »

Edvard Munch, Elsa Glaser, 1913 – Oil on canvas, 120.5 x 85 cm Kunsthaus Zürich

De la défense de la modernité aux persécutions

Au Kunstmuseum Basel jusqu’au 12.2.2023
Commissaires : Anita Haldemann, Judith Rauser

Courte biographie

Historien de l’art, conservateur et critique, Curt Glaser (1879–1943) était une figure emblématique de la vie artistique berlinoise des années 1910 et 1920 qui faillit pourtant sombrer dans l’oubli après sa mort. Son destin est marqué par un profond engagement en faveur de l’art moderne et par les abîmes traversant le 20e siècle. Avec sa femme Elsa, il réunit une collection privée comprenant de remarquables oeuvres d’Edvard Munch, Henri Matisse et Max Beckmann. Persécuté par le régime nazi à cause de ses origines juives, il perd son poste de directeur à la Kunstbibliothek de Berlin et émigre en Suisse en 1933, puis aux États-Unis en 1941. En mai 1933, il vend aux enchères une grande partie de sa collection qui sera dispersée dans le monde entier.

La collection privée
Signed and dated recto, lower left, in graphite: « Henri-Matisse 1914 ». Margaret Day BlakeCurt et Elsa Glaser constituèrent ensemble une collection vaste et variée.

Dans leur généreux appartement à Berlin, le couple vivait entouré de
meubles, d’oeuvres d’art et de livres choisis. Des maîtres anciens faisaient
autant partie de la collection que l’art d’Asie orientale, arabe ou africain.
La collection évolua en fonction des préférences du couple : des tableaux
de Vincent van Gogh, Franz Marc ou Henri Matisse furent revendus. Les
dessins et les gravures de l’époque moderne, en particulier de l’expressionnisme, constituaient la majorité de la collection. Ceux-ci étaient généralement conservés dans des albums. Les Glaser appréciaient tout particulièrement Edvard Munch et Max Beckmann.

Curt Glaser et Edvard Munch
Bild: 60.4 x 43.8 cm; Kreide- und Pinsellithographie von drei Steinen in Schwarz, Blau und Rot; Inv. 1933.212

En 1913, Curt et Elsa Glaser rendirent visite pour la première fois à Edvard
Munch en Norvège. En 1917, Glaser publia la première monographie allemande
sur l’artiste. Une longue amitié se tissa entre eux. Leurs lettres
contiennent de précieuses descriptions des circonstances changeantes
de la vie de Glaser.
La première grande exposition de Munch en Suisse eut lieu en 1922 au
Kunsthaus de Zurich grâce à l’intervention de Glaser. En 1935 Wilhelm
Wartmann, alors directeur du Kunsthaus, prit en charge sept tableaux, dont
cinq de Munch, après l’émigration de Glaser. L’oeuvre intitulée Musik auf
der Karl Johann Strasse, que Curt Glaser avait offert à la Nationalgalerie
de Berlin en mémoire de sa première épouse Elsa, arriva à Zurich en 1939.
Progressivement, Curt et Maria Glaser vendirent quatre toiles au Kunsthaus,
dont l’histoire est également étroitement liée à celle de Glaser.

L’émigration

En tant que directeur de la Kunstbibliothek au début des années 1930,
Curt Glaser était une figure incontournable de la vie culturelle berlinoise.
Pourtant, comme d’innombrables personnes d’origine juive, il fut exposé
à l’hostilité antisémite. Avec l’arrivée au pouvoir des Nazis début 1933, la
persécution systématique des juives et des juifs commença. L’existence
professionnelle de Glaser fut détruite par les nouvelles lois nazies : début
avril 1933, il fut « suspendu » de son poste et définitivement licencié en
septembre. Au printemps également, il dut abandonner son grand appartement
de la Prinz-Albrecht-Strasse. Le bâtiment fut dès lors utilisé
comme siège de la police secrète de sureté.

Franz Marc The Large Blue Horses, 1911 Oil on canvas, 104 x 180 cm
Courtesy of Walker Art Center, Minneapolis

En mai 1933, Glaser se sépara d’une grande partie de ses biens lors de
deux grande ventes aux enchères. Il épousa sa seconde femme Maria
Milch vers la fin du moi de mai. Le couple émigra en Suisse et put y
exporter 14 caisses de déménagement ainsi qu’une petite partie de la
collection. Ils vécurent huit ans au Tessin et par intermittence à Florence.
En 1935, leur fille Eva vit le jour. Plus tard elle fut placée au « Sonnenhof »,
un foyer pour enfants handicapés dirigé par des anthroposophes, à
Arlesheim, près de Bâle.

 Henri Matisse Bild: 26.7 x 37.8 cm; Kreidelithographie; Inv. 1933.173

En 1941, Curt et Maria Glaser s’exilèrent à New York en passant par La
Havane. Sur le plan professionnel, Glaser ne put reprendre pied ni en
Suisse ni en Amérique. Eva mourut à Arlesheim début 1943 et Curt Glaser
en novembre la même année. Sa veuve Maria épousa Ernst (Ernest) Ash
et vécut à New York jusqu’à sa mort en 1981.

Maria and Curt Glaser,
Postcard from Curt Glaser to Edvard Munch, 6. November 1933
Munch museet Osl
o

La dispersion de la collection

Les ventes aux enchères de mai 1933 chez Max Perl dispersèrent la vaste
collection de Curt et Elsa Glaser. Les propriétaires actuels ne sont connus
que pour une minorité d’oeuvres. Les 200 dessins et gravures achetées
aux enchères par le Kunstmuseum Basel pour le Kupferstichkabinett
constituent la plus grande collection en un seul lieu.

Bild: 26.7 x 37.8 cm; Kreidelithographie; Inv. 1933.173

Henri Matisse
Reclining female nude, 1929
Chalk lithography, 26.7 x 37.8 cm
Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett © Succession H. Matisse / 2022

Selon les pays, les musées traitent différemment les oeuvres de la collection
Glaser. Les circonstances de la vente aux enchères ne sont pas
évaluées de manière uniforme. Les musées allemands reconnurent la
situation de persécution de Glaser. Ils restituèrent des oeuvres à la communauté
des héritiers et rachetèrent certaines d’entre elles.
Les oeuvres que Glaser conserva jusqu’à sa mort prirent un autre chemin.
Ainsi, les dessins qu’il avait emportés avec lui à New York furent légués
par Maria Glaser à la Morgan Library & Museum en 1981.

Acquisition
Kokoschka Blatt: 70.2 x 50.1 cm; Kreidelithographie in vier Farben gedruckt; Inv. 1933.209

En 1933, le Kunstmuseum Basel a acquis 200 dessins et gravures ayant appartenu à Glaser pour le Kupferstichkabinett. En 2020, le musée parvient à un accord juste et équitable avec les héritiers de Glaser en faveur du maintien des oeuvres, ce qui est considéré à l’international comme une bonne pratique. Au sein de l’exposition, de somptueuses oeuvres réunies à nouveau pour la première fois jalonnent l’existence de Curt Glaser. Cette présentation s’attache à reproduire l’univers de cette fascinante collection et éclaire un chapitre méconnu de la modernité dans le Berlin des années Weimar en s’appuyant sur l’immense contribution de Glaser au monde artistique.
En les voyant, je me dis :
C’est donc lui qui a choisi, acquis, possédé toutes ces magnifiques oeuvres.
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