Au musée du Louvre, la nature morte est bien vivante

Louise Moillon, coupe de cerises, prunes et melon, huile sur bois  vers 1633 département des Peintures
© RMN – Grand Palais (Musée du Louvre) / Michel Urtado

Jusqu'au 23 janvier, le musée du Louvre met en lumière les chefs-d'œuvre de la nature morte dans son exposition événement « Les Choses » HALL NAPOLÉON
Commissaire :
Laurence Bertrand Dorléac,
historienne de l'art
Une histoire de la nature morte depuis la Préhistoire
( vidéo de la conférence - 1 h 07)
Avec la collaboration de Thibault Boulvin et Dimitri Salmon
Vidéo du scribe accroupi (18 mn)
avec Laurence Bertrand Dorléac

Les Choses

Une histoire de la nature morte

On photographie des choses pour se les chasser de l’esprit

Franz Kafka
Une vision nouvelle

                                                   André Serrano 1984

La nature morte retrouve enfin les honneurs d’une grande exposition parisienne, 70 ans après la dernière rétrospective à l’Orangerie en 1952.
Conçue par Laurence Bertrand Dorléac, cette exposition d’auteure propose une vision nouvelle de ce genre longtemps considéré comme mineur et dont l’intitulé français, né tardivement au XVIIe siècle, n’a jamais satisfait personne. L’expression « nature morte » rend mal compte d’un genre très vivant, qui est, au fond, un agencement de choses en un certain ordre assemblées par l’artiste.

Jean Siméon Chardin, Pipes et vases à boire dit la Tabagie, vers 1737

Carte blanche

Cette carte blanche réunit près de 170 œuvres, prêtées par plus de 70 institutions et collections privées parmi les plus prestigieuses. Dans une promenade en quinze séquences chronologiques et thématiques, les œuvres, représentant tous les médias (de la peinture à la vidéo, en passant par la sculpture, la photographie et le cinéma), dialoguent entre elles, au-delà du temps et de la géographie, jusqu’à l’époque contemporaine. Comme un prélude à l’exposition, l’œuvre monumentale de l’artiste camerounais
Barthélémy Toguo,

Le Pilier des migrants disparus
Barthélémy Toguo, le Pilier des Migrants disparus

se déploie sous la Pyramide. Les grands ballots colorés en tissus africains de Barthélémy Toguo sont magnifiques mais sa longue cordée de bagages improvisés avec des matériaux de fortune nous invite aussi à réfléchir à l’exil. Ils nous rappellent à leur façon ce que devient au quotidien notre histoire contemporaine traversée de tous les déplacements forcés des réfugiés du monde qui tentent le voyage vers un monde habitable au péril de leur vie. Souvenir plus lointain de la traite et de l’esclavage ? Ils sont en tout cas les signes de toutes les trajectoires périlleuses d’hommes, de femmes et d’enfants qui fuient les guerres, la famine, la misère et les catastrophes écologiques.
La représentation des choses, dont on retrouve des témoignages dès la Préhistoire, offre une formidable plongée dans l’histoire. Les artistes ont, en effet, été les premiers à prendre les choses au sérieux. Ils ont reconnu leur présence, les ont rendues vivantes et intéressantes en exaltant leur forme, leur signification, leur pouvoir, leur charme, ont saisi leur faculté à donner forme à nos peurs, à nos croyances, à nos doutes, à nos rêves, à nos désirs, à nos folies.

                                             Arcimboldo, l’automne, 1573

L’exposition entend rétablir un dialogue entre ce genre perçu comme suranné et le public : la nature morte est l’une des évocations artistiques puissantes de la vie sensible. Parce que les êtres humains vivent avec les choses et y sont attachés, parce que les choses occupent une place déterminante dans les vies et les imaginaires, la nature morte dit beaucoup de nous et a beaucoup à nous dire. Elle raconte notre relation avec les biens matériels, qui ne sont pas réductibles à leur matérialité mais qui sont chargés de signification.

Italie, Faenza ou Pesaro, Chauffe-mains en forme de livre fermé, 1490/1510

La nature morte de l’Antiquité au XXe siècle

La dernière grande manifestation autour de la nature morte, La nature morte de l’Antiquité au XXe siècle, fut organisée en 1952 à Paris par Charles Sterling, conservateur au Louvre. La présente exposition rend hommage à ce grand historien de l’art ; il ne s’agit pourtant pas d’un remake, mais de repartir de nos savoirs et de notre mentalité contemporaine. Le point de vue intègre tout ce qui a renouvelé les techniques de représentation et les perspectives, tant en histoire de l’art ancien et contemporain, qu’en littérature, poésie, philosophie, archéologie, anthropologie, science ou écologie.

Esther Ferrer, Europortrait 2002 photographie
L’éternel dialogue entre les artistes du présent et du passé

 Elargissant les frontières chronologiques et géographiques, l’exposition ouvre des fenêtres sur d’autres cultures qui ont représenté les choses en majesté, y compris quand elles n’étaient plus montrées pour elles-mêmes dans l’Occident chrétien – du VIe au XVIe siècle. Elle revisite le genre de la nature morte, dans la perspective de l’éternel dialogue entre les artistes du présent et ceux du passé, dans un renouvellement permanent du regard : des haches préhistoriques au readymade de Duchamp, en passant par les agencements étonnants d’Arcimboldo, de Clara Peeters, Louise Moillon, Zurbarán, Chardin, Anne Vallayer-Coster, Manet, De Chirico, Miró, Nan Goldin, Ron Mueck et bien d’autres.

Ron Mueck

Les choses n’ont pas de signification : elles ont une
existence.

Fernando Pessoa
 Le code et la liberté   

 La représentation des choses par les artistes s’imprègne d’une grande variété de pratiques et d’idées, de croyances et de sentiments, qui inspirent les mouvements de la société autant qu’elles ne s’en font l’écho. À l’intérieur d’un code reconnu voire rebattu, la simplicité des choses invite les artistes à des libertés formelles inouïes.

                                                      Luis Melendez

Défis et Droits

Le genre de la nature morte doit également être reconsidéré à la faveur de l’attachement contemporain aux choses ainsi qu’aux relations nouvelles qui s’établissent entre le vivant et le non-vivant. Cette exposition contient forcément les préoccupations d’aujourd’hui : les défis écologiques, les nouveaux droits des animaux et des choses (des forêts en particulier), tandis que certaines persistances, comme celle du thème de la Vanité, révèlent des vérités anthropologiques profondes.

                                         Andreï Tarkovski, Stalker 1979

La structure

La structure diachronique choisie pour le parcours de l’exposition a l’avantage de mettre en évidence les tournants dans l’histoire des représentations. Elle ménage aussi les rapprochements indispensables entre les œuvres d’époques différentes. Trois périodes sont particulièrement propices à l’abondance des choses représentées : l’Antiquité, les XVIe-XVIIe siècles et les XXe-XXIe siècles.

Mon coup de coeur ci-dessous

Pendant que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit.
Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain.

Horace

                    Qian Zuan, dans le style des Oeillets 1314, encre sur soie

Informations pratiques

Horaires d’ouverture
de 9 h à 18 h, sauf le mardi.
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h45
Réservation d’un créneau horaire recommandée
en ligne sur louvre.fr
y compris pour les bénéficiaires de la gratuité.
Gratuit pour les moins de 26 ans citoyens de
l’Union européenne.

Accès
Métro 1 ou bus 72 arrêt Louvre Rivoli

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.