La Fondation Pierre Gianadda à Martigny associée au musée des Beaux-Arts de Berne, présente cet hiver, les oeuvres d’artistes emblématiques de la Suisse avec la complicité et la générosité de la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire.
Bruno Stefanini, qui fête cette année son quatre-vingtième-dixième anniversaire, se révèle un collectionneur atypique qui a, depuis plus de cinquante ans, rassemblé plus de huit mille pièces, dont des peintures et travaux sur papier, des centaines de statues et d’ouvrages de sculpture, de grands ensembles de livres rares, des objets précieux et des armes d’apparat, du mobilier et des productions des arts décoratifs.
Cette incroyable collection se trouve réunie dans la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire fondée en 1980 par Bruno Stefanini, mécène de Winterthur. Elle ne réunit pas seulement l’art suisse depuis le XVIIIe siècle jusqu’à l’époque moderne mais comprend également des monuments historiques d’importance nationale tels les châteaux de Grandson (canton de Vaud), de Salenstein et de Luxburg, (canton de Thurgovie) et Brestenberg (canton d’Argovie), l’immeuble Sulzer à Winterthour, première tour construite en Suisse en 1962.
Il s’agit certainement «… de la plus vaste collection d’oeuvres d’art et d’objets historiques jamais réunie en Suisse par une seule et même personne ». (Mathias Frehner, directeur du musée des Beaux Arts de Berne)
Grâce à Bruno Stefanini et sa Fondation, des oeuvres d’art suisse, proposées sur le marché de l’art et que les musées, faute de moyens financiers n’ont pas pu acquérir, ne sont pas parties à l’étranger et ont rejoint ladite Fondation.
Cela ressemble à du protectionnisme à titre privé. N’est-ce pas un obstacle pour les artistes suisses, d’être cantonnés à la Suisse et à ses cantons, et de ne pas connaître une renommée internationale, à l’instar des artistes régionaux qui peinent à être montrer à
l’international ?
Cela confère aussi une certaine monotonie à la collection qui est bien lisse et sage, bien que comportant de magnifique paysages ainsi que de superbes portraits.
Le mécène, collectionne non seulement des toiles, mais aussi les esquisses, les dessins, tout ce qui concerne une oeuvre, jusqu’à son aboutissement et en plusieurs exemplaires
s’il en existe des séries. Cela est une source intéressante pour des étudiants et des historiens d’art.
Bruno Stefanini est né à Winterthour en 1924, fils d’un émigré de Bergame en Lombardie, ouvrier spécialisé dans la tuyauterie, qui dirigea le légendaire restaurant Salmen aux spécialités italiennes réputées.
Les premières incitations à s’intéresser à l’art viennent de sa mère qui collectionnait les antiquités et emmenait son fils Bruno quand elle allait chiner chez les brocanteurs. Au Lycée il s’adonne avec passion à la lecture et engrange une solide culture sur la littérature. Il affectionne aussi le dessin. Bruno Stefanini entame des études de sciences naturelles à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, puis est appelé sous les drapeaux au moment de la Deuxième Guerre mondiale.
A l’époque du boom économique des années 1950/60, il développe son activité dans la branche immobilière. Avec une stratégie qui consiste à investir ses revenus locatifs dans de nouvelles promotions, il devient l’un des plus importants propriétaires privés de biens fonciers en Suisse, dont les revenus lui permettent de constituer une collection d’une telle ampleur.
Ne s’accordant que peu de loisirs, Stefanini se consacre exclusivement à sa passion pour l’art. Ardent lecteur, il possède des connaissances étendues sur l’histoire de l’art.
Mathias Frehner a demandé il y a cinq ans à Bruno Stefanini d’organiser une exposition consacrée aux trésors de sa collection. Ce dernier déclina l’invitation, jugeant
« que c’était encore trop tôt » !
Pour 2014, le mécène est d’accord pour une présentation de sa collection sous la forme d’une sélection concise. Probablement que le passage de ladite collection à la Fondation Pierre Gianadda, après le Musée des Beaux-Arts de Berne, n’est pas étranger à l’acceptation de Bruno Stefanini de dévoiler un pan des oeuvres prestigieuses de son immense collection.
Le nonagénaire achète des immeubles, mais il ne les revend pas. Sa stratégie est la même dans le domaine de l’art. Conservateur, compulsif même, ses achats sont diversifiés.
C’est ainsi que l’on peut admirer la pointe immergée d’un iceberg, un bloc de glace assez gros pour faire couler deux ou trois Titanic, âgé de 15 millions d’années, découvert en 2003, dans les Grisons.
Il y a non seulement les œuvres, centrées sur la Suisse, mais les souvenirs historiques. Goethe, un exemplaire unique de poèmes de Hermann Hesse, Napoléon, Guillaume II, l’empereur François-Joseph, le tsar Nicolas Ier, Albert Einstein le passionnent au même titre que Kennedy et, bien sûr, le général Guisan ou l’impératrice Elisabeth d’Autriche dite Sissi, dont on peut voir le costume d’amazone.
L’exposition se présente sous forme de thèmes : peintures d’histoire, de genre, de paysage, représentation d’animaux, natures mortes, le symbolisme dans l’art suisse, le nu, l’enfant en peinture, portraits et autoportraits. Des oeuvres d’artistes allant de 1762 (Marie Thérèse, Jean Etienne Liotard, pastel) au milieu du XXe s.(Max Gubler, autoportrait à l’huile de 1945) documentent de façon exhaustive les thèmes cités et entraînent le visiteur dans une balade éclectique illustrée en grande partie par des peintres suisses de grand renom et ceci sur les cimaises du musée, en passant par les murs de l’escalier conduisant à la cafétéria et se prolongeant, dans le couloir de part et d’autres et dans la salle qui mène à la donation Franck.
ALBERT ANKER, (1831-1910) est présent dans plusieurs thèmes comme par exemple Les Polonais en exil (1868) qui dans le thème de la peinture d’histoire, montre un grand-père mélancolique avec son petit-fils, écoutant jouer sa petite fille au piano, probablement du Chopin, et rappelle les milliers de réfugiés qui émigrent en Allemagne, en Belgique et en France, après l’entrée des troupes russes pour écraser l’insurrection populaire à Varsovie en 1831. Anker préfère dépeindre le calme après la tempête que la fureur des champs de bataille, on retrouve la même démarche dans son tableau Les Bourbakis (1871). Mais c’est dans le thème de la peinture de genre, avec des représentations de la vie quotidienne d’autrefois, qu’Anker excelle. Avec son réalisme tranquille, prompt à saisir avec une sensibilité psychologique développée, il raconte l’enfance Les soeurs Gugger tricotant, 1885, le monde paysan : Le vin nouveau, 1874 ou Vieille lisant le Zollikofer, 1885.
FERDINAND HODLER, (1853-1918) (exposé à la Fondation Beyeler en 2013 et au musée d’Orsay)
dans le thème du symbolisme dans l’art suisse avec deux oeuvres célèbres : Las de vivre, après 1892, et Heure sacrée, 1911, qui constitue l’affiche de l’exposition, les paysages du Léman etc ..
FÉLIX VALLOTTON, (1865-1925) dont le Grand palais a montré une belle rétrospective en 2014. Après avoir été l’une des figures majeures des Nabis dans les années 1890 à Paris, où ses fameuses gravures sur bois le rendent célèbre, à partir de 1900 il revient à la peinture avec des nus, des paysages et des natures mortes. Les nus féminins représentent plus d’un tiers de la production picturale de Vallotton. Il s’écarte des canons de la beauté habituelle et ses nus étonnent par leur chair marmoréenne et n’incarnent pas un type de perfection idéale.
GIOVANNI SEGANTINI, (1858-1899), présenté à la Fondation Beyeler en 2011. Il aura été toute sa vie un « sans-papiers ». Dans les Grisons, Segantini, découvre une lumière pure, la beauté enivrante de la nature qui lui inspire les motifs de son oeuvre de maturité. Disparu prématurément, ce « nomade apatride », connaît à partir de 1911 une gloire posthume, lorsque le musée Segantini à St- Moritz, inauguré en 1908, reçoit en dépôt de la Fondation Gottfried Keller, le célèbre Triptyque des Alpes.
Sésame, ouvre-toi ! Une formule magique qui s’ouvre sur une balade thématique de quelque 150 peintures ! Outre les quatre artistes cités, un panel de peintres suisses, tels Cuno Amiet, Alice Bailly, François Bocion, Alexandre Calame, Augusto et Giovanni Giacometti, Jean-Etienne Liotard, Edouard Vallet,etc., qui fera de cette exposition, un événement exceptionnel : une rencontre avec une collection prestigieuse née d’un mécène hors du commun.
COMMISSARIAT DE L’EXPOSITION :
Matthias Frehner, directeur du Kunstmuseum Bern.
CATALOGUE DE L’EXPOSITION :
reproduit en couleurs toutes les oeuvres exposées. ISBN 978-2-88443-151-4
Exposition ouverte du 5 décembre 2014 au 14 juin 2015
Tous les jours de 10 h à 18 h
photos de l’auteur courtoisie de la Fondation Gianadda
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