Étude et restauration du retable de Konrad Witz

Un de mes buts lors du tour du Leman avait comme point d’orgue la visite de l’atelier de restauration du retable de Konrad Witz,
« la Pêche Miraculeuse » au musée d’Art et d’Histoire de Genève.
 

atelier de restauration Genève le conservateur Victor Lopes - image JR Itti

 
L’exposition Konrad Witz au Kunstmuseum de Bâle en 2011 a excité ma curiosité et m’a conduite jusqu’à ce lieu. Elle en présentait une reproduction dans les dimensions originales.
Grâce à l’accueil du conservateur Victor Lopes et de son équipe, que je remercie ici, j’ai pu constater le sérieux du travail accompli et le cheminement des 8 mois qui aboutiront à la remise en état, du moins à la conservation dans les meilleures conditions du précieux retable.
Une équipe d’intervenants a été composée pour l’étude et le traitement :
 1843-0010 Délivrance de St Pierre  Conservation-restauration c.p.  Victor Lopes
1843-0010 bis Présentation               Conservation-restauration c.p.  Helena de Melo
1843-0011 Pêche miraculeuse           Conservation-restauration c.p. Victor MLopes
1843-0011 bis adoration des mages  Conservation-restauration c.p.  Mirella Bretonnière
                                                                 Conservation-restauration c.p.  Marine Perrin
 
                                                          suivi et documentation
                                                                                     scientifique   Pedro Diaz-Berrio
 1843-0010/1843-0011                      support bois et encadrement             
                                                                                           Jean-Albert  Glatigny.                
                                                                                            Bob  Ghys                
 
                                                    examen dendrochronologique           Pascale Fraiture 
                                                                                                                  (Bruxelles) 
1843 – 0010/1843-0011             Radiographie     (RX) Scanning         Colette Hamard /
                                                                                                                Pierre Grasset
1943-0010/1843-0011                Stratigraphies
                                                     (prélèvements existants)                     Isabelle Santoro
                                                     Matériaux de restauration                   Stefano Volpin
                                                     Technologie picturale                          Claude Yvel
 
ainsi qu’un Comité scientifique :
F. Elsig, C. Menz N. Schätti, J. Wirth, V. Lopes, L. Terrier.
Grâce au généreux soutien de la Fondation Hans Wilsdorf, le Musée d’art et d’histoire, en collaboration avec l’Université de Genève, entreprend cette année l’étude et le traitement de conservation des deux volets peints réalisés en 1444 par Konrad Witz.
visage du Christ lacéré détail copyright MAHG

 
Ces volets ont survécu à l’iconoclasme protestant de 1535, dont ils portent aujourd’hui les traces. Des hachures strient notamment les têtes des personnages, plusieurs ont été reconstituées par des repeints, visibles sur les documents d’analyse. Le visage du Christ lacéré en 1535, a été partiellement repris entre 1915 et 1917 par le restaurateur bâlois Fred Bentz .
Des fissures verticales du support en bois de sapin sont visibles. Les tensions inhérentes aux mouvements du bois ont provoqués la rupture des fibres qu’il s’agira de stabiliser. Le paysage fera l’objet d’un fixage de la couche picturale et d’un nettoyage de surface.  
évêque commanditaire du retable - François de Metz - détail copyright MAHG

Ils ornaient à l’origine le retable, commandé par l’évêque François de Metz, destiné au maître-autel de la Cathédrale Saint-Pierre.
Ce projet fondamental pour les collections genevoises doit tout d’abord permettre de comprendre les étapes liées à la réalisation matérielle des panneaux, ainsi que le contexte historique et culturel qui les vit naître. Il s’agira également d’établir une «cartographie» de leur état de conservation pour définir les critères d’un traitement programmé à partir du mois de juillet. Cette intervention ainsi que l’ensemble des recherches aboutiront enfin à la publication d’un ouvrage qui accompagnera une exposition.
Le décrochage du tableau a eu lieu le 27 juin 2011 et travail de conservation-restauration durera jusqu’en mars 2012.
Pour des raisons de conservations les tableaux du retable ne quittaient plus la place qu’ils occupent au sein du musée :  Le MAH. Actuellement à sa place,  un panneau explicatif, montre les travaux entrepris.

De l’ensemble d’origine, deux volets peints des deux côtés, ont survécu. A ce jour on ignore quel était le sujet  principal, qui ornait l’intérieur du caisson. Lorsque les volets étaient fermés, le fidèle pouvait voir sur celui de gauche la « Pêche Miraculeuse » et sur celui de droite la délivrance de St Pierre.
 Ouverts ces derniers présentent une adoration des Rois mages, ainsi qu’un évêque, richement vêtu accompagné de St Pierre devant le trône de la Vierge. Le personnage agenouillé est le commanditaire du retable, François de Metz, évêque de Genève, fidèle de l’antipape du concile et crée par lui cardinal, dont les attributs figurent sur la toile. Le tableau le plus connu est le paysage au milieu duquel se déroule la Pêche miraculeuse. A cette occasion K.Witz, déplaçant la scène des bords du lac de Génésareth à ceux du Lac Leman, réalise le premier portrait d’un paysage connu. Il est d’ailleurs encore possible aujourd’hui, grâce au panorama de montagnes et au sommet enneigé du Mont-Blanc, de resituer la position exacte qui fut celle du peintre face à lui.
détail présentant le Môle les Alpes et le Mont Salève copyright musée MAHG

 C’est ainsi que l’on distingue à gauche le mont Voirons, en face le Môle avec à l’arrière plan les Alpes et sur la droite le mont Salève.
Cette représentation  exceptionnelle pour son époque K.Witz l’a sciemment dotée d’une inscription latine sur le cadre. Il y a fait figurer son nom, son lieu d’origine, Bâle, et l’année à laquelle il a terminé l’œuvre, 1444.
 
La Pêche Miraculeuse Konrad Witz copyright MAHG 1843

 
 
C’est la seule oeuvre datée et signée de la main de Witz, et jouit donc d’une position clé dans la recherche sur son activité artistique. Grâce à son style propre, l’artiste s’est imposé comme novateur et précurseur du paysage dans la peinture occidentale. Les peintures ont permis de redécouvrir la personnalité du peintre de le situer par rapport aux autres génies de la Renaissance :
 Konrad Witz : 1400 – 1445
Léonard de Vinci 1452 – 1519
Albrecht Dürer  1471 – 1528
Mathias Gothard Nithart Grünewald 1475- 1528
 
photo 1 JR Itti
Photos 2/3/4/5/6 courtoisie du musée d’art et d’histoire de Genève
clic sur les images
 
 

Le Leman et ses musées

Si vous me cherchez je suis quelque part par là !
 

Lucian Freud est mort

Lucian Freud, peintre est  décédé mercredi 20 juillet, à son domicile de Londres. Il était âgé de 88 ans.

lucian-freud-autoportrait-aux-godillots

Vidéo ici
Harry Bellet – Le Monde
Il aimait peindre la souffrance du corps, la déliquescence des chairs. De ses pinceaux rugueux, il maltraitait hommes et femmes sans distinction. C’est pourtant « paisiblement », selon son avocate, que Lucian Freud est mort mercredi 20 juillet, à son domicile de Londres. Il était âgé de 88 ans.
Né le 8 décembre 1922 à Berlin, il était le fils de l’architecte Ernst Freud et le petit-fils du psychanalyste Sigmund Freud. Il était aussi devenu l’artiste vivant le plus cher du monde, après que le milliardaire russe Roman Abramovitch eut acquis, en 2008, un de ses tableaux pour la somme record de 34 millions de dollars.
C’était aussi, sans doute, un des plus farouches : outre-Manche, la presse avait été scandalisée par son attitude, alors qu’il devait peindre le portrait de la reine. Il avait exigé que Sa Majesté vienne à l’atelier. On ne sait si elle accéda à la demande du maître, mais le portrait qu’il fit d’elle est un des plus atroces qui soient.
la suite ici (réservée aux abonnés)
 ma visite de l‘exposition de 2010 sur mon blog

14 juillet 2011

Raoul Dufy 14 juillet à Falaise 1906

photo provenant du catalogue de l’exposition des frères Dufy au musée Marmottan en 2011

La Villa Flora de Winterthour invitée à la Fondation de l’Hermitage de Lausanne

Van Gogh, Bonnard, Vallotton…
La collection Arthur et Hedy Hahnloser
«On ne collectionne pas les amitiés, elles se rassemblent pour former le cercle dans lequel on s’épanouit», remarquait à ce propos le fils des collectionneurs Hans Hahnloser.

DU 24 JUIN AU 23 OCTOBRE 2011
La Fondation de l’Hermitage consacre sa grande exposition d’été à l’une des plus prestigieuses collections privées d’Europe : la collection Hahnloser.
Réunie entre 1905 et 1936 à Winterthour par Arthur Hahnloser (1870-1936) et son épouse Hedy Hahnloser-Bühler (1873-1952), cette collection est exceptionnelle à plus d’un titre. Elle est le fruit de rencontres et d’amitiés avec de nombreux artistes, parmi lesquels Ferdinand Hodler, Giovanni Giacometti, Félix Vallotton ou encore Pierre Bonnard, qui introduisirent les Hahnloser sur la scène artistique parisienne, les aidant et les conseillant dans leurs achats.
Pierre Bonnard nu à la toque et nu au couvre pieds 1911
La plupart des oeuvres composant la collection ont été acquises directement dans l’atelier des peintres, ou auprès des grands marchands parisiens tels Bernheim-Jeune, Ambroise Vollard ou Eugène Druet.
Le Semeur, symbole identitaire de l’artiste responsable au sens spirituel de la germination, du cycle de la naissance, de la vie, de la mort.
Les liens étroits que les Hahnloser ont tissé avec les milieux de l’art se sont aussi traduits par de nombreux séjours des artistes chez les collectionneurs, qui les accueillirent régulièrement à la Villa  Flora, leur maison de Winterthour, et dans leur résidence d’hiver, à Cannes. Plusieurs oeuvres attestent  aujourd’hui encore de ces moments d’amitié privilégiés, partagés avec Vallotton, Manguin, Vuillard ou Bonnard.
Dans cette perspective plongeante, les personnages environnants sont comme enchassés, dans une impression flottante et mobile, dans la mosaïque du damier. Une photo d’archive permet de reconnaître les particpants de la partie de dames : Tristan Bernard, André Picard, Natanson l’éditeur de la revue Blanche, Jossé hessel et sa femme Lucie, et l’actrice Marthe Mellot
Après la mort de Arthur (1936) puis de Hedy (1952), leurs descendants créèrent la Fondation Hahnloser/Jaeggli. Sous son impulsion, la Villa Flora, construite en 1858 et plusieurs fois remaniée et agrandie pour accueillir la collection, a été ouverte au public en 1995. En 1980, tous les descendants du couple de collectionneurs créent la Fondation Hahnloser-Jaeggli.
Et en 1995 s’ouvre le musée du post-impressionnisme sous le nom de
«VILLA FLORA WINTERTHUR – SAMMLUNG HAHNLOSER».
Constituées principalement de pièces tirées de ses fonds, les expositions périodiques connaissent un grand succès.
L’exposition montre, pour la première fois réunis, les chefs-d’oeuvre de la Villa Flora, associés à d’autres  joyaux de la collection Hahnloser aujourd’hui en mains privées. La manifestation regroupe ainsi plus de 150 oeuvres emblématiques de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
S’ouvrant par de beaux ensembles de Hodler et Giovanni Giacometti, premiers peintres collectionnés par les Hahnloser, et une magnifique sélection du symboliste Odilon Redon,
Les limites de ce texte ne nous permettent pas d’étudier les oeuvres avec l’attention qu’elles méritent.
Le lecteur intéressé pourra se reporter aux chapitres dédiés aux différents artistes dans l’histoire de la collection. Nous proposons simplement un « circuit» dans l’exposition, jalonné de quelques temps forts.
Hans Hahnloser, dans Hedy Hahnloser-Bühler, introduction au catalogue de l’exposition Die Hauptwerke der Sammlung Hahnloser – Winterthur, Kunstmuseum Luzern, 1940, p. 7
vue depuis l’Hermitage vers le parc et le lac
La génération suivante fit elle aussi des legs d’une famille à l’autre. Luzia Bühler, fille d’Hermann Bühler, un cousin d’Hedy Hahnloser-Bühler, offrit ainsi plusieurs tableaux à la Hahnloser/Jäggli Stiftung.
En résumé l’exposition montre des correspondances éloquantes entre la famille et les artistes témoignant de liens étroits, des aquarelles,  33 toiles de Pierre Bonnard, 4 oeuvres dont un portrait non signé de Paul Cézanne, 2 Maurice Denis, 1 Karl Geiser, 5 Giovanni Giacometti, 8 Ferdinand Hodler, 2 toiles et 2 sculptures d’Aristide Maillol, 9 Henri-Charles Manguin, 1 sculpture de Marino Marini, 3 toiles d’Albert Marquet 9 Henri Matisse, 9 Odilon Redon, 5 Auguste Renoir , 11 Georges Rouault, 2 Touluse Lautrec, 26 Félix Edouard Valloton, 3 Vincent van Gogh, 17 Edouard Vuillard, que vous pouvez admirer en visitant l’exposition et en consultant le catalogue signalé plus haut.
Seul bémol, le sous-sol de l’Hermitage qui refroidit l’ambiance générale et n’avantage pas la présentation des oeuvres.
Angelika Affentranger-Kirchrath commissaire et conservatrice dela Villa Flora
Les images courtoisie de la Fondation de l’Hermitage et de la Villa Flora
sauf les photos 2/6/7

"Raoul et Jean Dufy Complicité et rupture"

Raoul Dufy Fête Maritime au Havre

 
Jean Dufy le Bassin de la Manche au Havre

Jusqu’au 26 juin 2011, le musée Marmottan Monet organise pour la première fois en France une exposition consacrée à Raoul (1877-1953) et Jean (1888-1964) Dufy : « Raoul et Jean Dufy, complicité et rupture« .
Contrairement à la célèbre réplique des  Tontons flingueurs : «  Y connais pas Raoul ce mec, Y va avoir des réveils pénibles » (je plagie Paulin Césari)
Dans le cas des frères Dufy c’est Jean le méconnu. Si l’on connaît bien l’oeuvre de Raoul, celle de son frère Jean, peintre lui aussi, l’est moins. Cadet de 11 ans, Jean se forme à la peinture entre 1906 et 1914, encouragé par son frère qui participe alors aux aventures fauve et cubiste.  Le bleu est leur couleur préférée, celui de la mer, du ciel, qu’ils déclinent sur tous les tons, avec des effets de transparence, des couleurs vives reflétant la joie de vivre. À partir de 1920, date de ses premières peintures, Jean produit une oeuvre riche et partage avec Raoul des préoccupations artistiques communes. Les frères sont proches et entretiennent une correspondance régulière.
Raoul Dufy la Fée Electricité 1937 Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris

Raoul et Jean développent des parcours parallèles et collaborent peu, à l’exception notable de La Fée électricité (au musée d’Art Moderne de la ville de Paris). C’est ainsi qu’ à la demande de Raoul, qui pour livrer le travail en temps et en heures, se rendant compte que c’est un si gros morceau, qu’il dispose de moins d’un an, que même son fidèle assistant André Robert, ainsi que les petites mains habituelles ne suffisant pas,  que Jean participe à l’aventure. Jean abandonne ses tableaux, Il écume les musées et les bibliothèques  pour chercher la documentation et trouver les acteurs, réalise des esquisses, aide son frère à construire la maquette, puis à assembler les 250 panneaux qui constituent le chef d’oeuvre.
Ce sera aussi l’objet de leur rupture en 1937. Oeuvre de la discorde, lorsque elle est exposée, c’est une triomphe, Raoul ne prononcera pas un seul mot, pour remercier publiquement son frère.

Jean Dufy Modèle dans l'Atelier

Chacun d’eux crée une œuvre abondante (environ 2500 pièces), structurée en séries, traitant de thèmes plaisants, rendus par un sens de la couleur auquel on les identifie l’un et l’autre.

Raoul Dufy Intérieur Fleurs

Regroupant une centaine de peintures et d’aquarelles, provenant de musées et de collections particulières du monde entier, l’exposition cherche à mettre en évidence les liens qui unissent l’œuvre de Jean à celle de Raoul, comme ce qui les singularise l’une de l’autre.
Esquissant en préambule les périodes fauve et cubiste de Raoul, le parcours
présente ensuite des grands thèmes communs aux deux frères et propose de comparer leur peinture : mer, fenêtres ouvertes et ateliers constituent la première partie du parcours ; puis les thèmes se singularisent à travers deux sections parallèles : à la palette chaude et à la touche vibrante des cirques – Fratellini –  peints par Jean
Jean Dufy Promenade au Bois de Boulogne

répond la musique évoquée par Raoul, – Hommage à Bach – ;
Raoul Dufy Hommage à Bach

aux courses et paddocks de Raoul font ensuite face les allées cavalières de Jean ; enfin, les tableaux ayant pour thème Paris et Nice sont consacrés aux oeuvres tardives des deux frères et soulignent une évolution commune vers un style graphique initié par Raoul et subtilement revisité par Jean.
Cette exposition s’inscrit dans le champ des études dédiées à la filiation dans l’art et des manifestations qui lui sont consacrées depuis dix ans. Elle propose une lecture croisée de l’œuvre des deux frères et permet de mieux situer la peinture de Jean Dufy.
Musée Marmottan Monet
2, rue Louis-Boilly
75016 Paris
www.marmottan.com
commissaire de l’exposition Marianne Mathieu
images provenant du catalogue dont l’auteur est Jacques Bailly

Van Dongen fauve, anarchiste et mondain


Kees Van Dongen Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam © ADAGP, Paris 2011

Jusqu’au 17 juillet 2011
« oui j’ aime passionnément la vie de mon époque, si animée, si fiévreuse… Ah la vie, c’est peut-être encore plus beau que la peinture » Kees van Dongen

Le Musée d’Art moderne propose de redécouvrir Kees Van Dongen (1877- 1968), artiste fulgurant et déroutant qui trouva à Paris la reconnaissance artistique dans les années 20.
L’exposition restitue les multiples facettes du personnage : peintre hollandais prompt à la caricature et à la dénonciation sociale, artiste d’avant-garde et figure du fauvisme, devenu une des grandes figures de la scène parisienne des années folles. L’exposition reprend et complète l’exposition du Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam (« All eyes on Kees Van Dongen », 18 septembre 2010- 23 janvier 2011).

20 ans après la rétrospective réalisée en collaboration avec le Musée Boijmans (« Van Dongen, le peintre », en 1990), cette exposition centrée sur sa période parisienne témoigne du succès de l’artiste. Les recherches et les expositions récentes sur le personnage, fulgurant dans ses trouvailles et déroutant par la diversité de ses sujets, ont permis de mieux comprendre l’ampleur des découvertes de l’artiste et sa stratégie artistique.
Le titre de l’exposition évoque moins une succession de périodes qu’une superposition de

Kees Van Dongen Marchande d'herbes et d'amour (1913) Collection privée, Istanbul

postures artistiques : hollandais rebelle proche des milieux anarchistes autour de 1895, prompt à la caricature et la dénonciation sociale, artiste d’avant-garde notamment du fauvisme, dans lequel il occupe une place originale et un rôle décisif quant à sa diffusion à l’étranger (Hollande, Allemagne, Russie). Fauve « urbain », Kees Van Dongen se focalise sur le corps féminin, en particulier le visage fardé jusqu’à la déformation par la lumière électrique empruntée à Degas et Toulouse-Lautrec, devenant en quelque sorte sa griffe. Il a puisé dans ses premières années parisiennes, sur la butte Montmartre dans la fréquentation de la faune de vagabonds, chiffonniers,  mais aussi dans l’inspiration des prostituées et matelots du quartier rouge,  qu’il arpenta à l’âge de 16 ans, durant 4 ans, pendant  ses études à l’Académie Royale des Beaux Arts de Rotterdam.
Elie Faure le qualifiera de « poète bestial des bijoux et des fards et de la chair profonde où la mort et la cruauté veillent sous l’ombre chaude des aisselles et les blessures du carmin »
 Il s’inspire des fêtes foraines et des coulisses des music-halls de la Butte, où il harangue les passants pour qu’ils lui achètent ses toiles.
En 1905, il est accepté pour la 2e fois par le Salon de l’Automne, en compagnie de Matisse, Vlaminck, Derain, Marquet, Valtat qui montrent également des œuvres multicolores. C’est la « cage aux fauves » se désole Louis Vauxcelles dans le Figaro. Les toiles sont bientôt
Kees Van Dongen l'Ecuyère 1920

 
montrées et appréciées par Vollard, Druet, puis Bernheim et Kanweiler. K VD s’installera au Bateau- Lavoir.
Il est exposé en Allemagne, en Grande Bretagne, puis en Russie. Il voyage en Espagne, au Maroc, en Egypte.
Partout il peint les femmes, son sujet favori, sensuelles, effrontées, désirables, pétillantes de mille feux.
De retour à Paris, il illustre l’un des contes des Mille et Une nuit et peint des nus tout rouges.
Par la couleur, Van Dongen reste l’artificier du fauvisme. Il la régénère lors de ses voyages au début des années 1910 où il réinvente l’Orient. Mais Paris reste le sujet principal de sa peinture : Montmartre – il y rencontre Picasso et Derain – au début du siècle, qui le séduit par la verve populaire et la vie de bohème ; Montparnasse, avant et après la guerre de 1914 dont il est l’un des principaux animateurs, mettant en scène une nouvelle femme à connotation plus érotique.
Et enfin, le Paris des « années folles » que Van Dongen qualifie de « période cocktail », où il se consacre exclusivement à la nouvelle élite parisienne : hommes et femmes de lettres, stars du cinéma et de la scène, aujourd’hui oubliés, annonçant avec quarante ans d’avance l’univers des « beautiful people » d’Andy Warhol.
Kees Van Dongen la femme au canapé

De la marquise de Casati à la Baronne d’Oettingen en passant par les comtesses de Noailles et de Castellane, toutes les coquettes veulent être croquées par l’artiste à la mode. La pose est outrée, le costume et l’accessoire théâtralisés révélant le factice de ses personnalités qui n’existent qu’à travers leur rôle. Il les séduit, en les représentant minces, cynique  «  après cela, il ne reste plus qu’à grossir les bijoux » dit-il. Jasmy, directrice d’une maison de couture,  parmi ses modèles devient sa seconde épouse.
Il obtient la nationalité française en 1929, lorsque la seconde guerre mondiale éclate, il vit une retraite dorée avec sa 3e épouse à Monaco, non sans avoir participé à 64 ans, au voyage organisé par Goebbels, organisé pour un groupe d’artistes bienveillants vis à vis de l’envahisseur.
Maurice de Vlaminck «  K V D ne fera plus que peindre toute la putasserie féminine de l’après guerre …. »
kees Van Dongen amusement 1914

Le succès de Van Dongen qu’on peut comparer à celui d’un Foujita et sa participation aux avant-gardes en font un artiste singulier, qui fascine encore par sa verve et sa liberté.
Malheureusement, flatté par les sollicitations, inconscience due à l’âge ? sa complaisance envers le Reich, ternit son image.
L’exposition présente environ 90 peintures, dessins et un ensemble de céramiques, de 1895 au début des années trente. Conçue par le Musée Boijmans Van Beuningen et organisée en collaboration avec le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, elle a bénéficié de prêts de grandes institutions nationales et internationales et de grandes collections privées.
commissaires de cette rétrospective (Anita Hopmans et Sophie Krebs, avec la participation de Marianne Sarkari)
la vidéo
25 mars – 17 juillet 2011
Musée d’Art moderne
de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson
75116 Paris
Tel. 01 53 67 40 00
Images provenant du catalogue

De Renoir à Szafran à la Fondation Gianadda

berthe-morizot-jeune-fille-au-chat.1305422382.jpg La Fondation Gianadda a choisi d’ offrir un plaisir rare : celui de découvrir une large sélection d’œuvres appartenant à un collectionneur privé. Par souci de discrétion, celui-ci tient à garder l’anonymat. Mais, soucieux de pédagogie et conscient de la mission éducative des musées et des expositions, il a toujours généreusement accepté de soutenir les manifestations organisées par Léonard Gianadda et il a souvent participé aux expositions organisées à Martigny. Exceptionnellement, et pour la première fois, il a accepté de partager plus largement encore ses trésors et de présenter sa collection au public, le temps d’une présentation qui durera six mois. Une sélection de cent vingt œuvres environ, peintures et dessins, a été faite, de façon à raconter l’évolution de la peinture depuis Jean-Baptiste Corot et Eugène Boudin, jusqu’à nos jours. Au cours de cette période, les avancées esthétiques se sont bousculées à un rythme tel qu’on ne peut la comparer qu’à la renaissance des arts dans la Florence du XVe siècle. Cette effervescence créative correspond parfaitement au goût de notre collectionneur. pissarro-les-moutons.1305422437.jpgIl est très sensible aux charmes de la couleur en général, qu’elle soit le fruit d’une observation attentive de la nature ou d’une spéculation artistique purement abstraite. Le visiteur verra ainsi la peinture se libérer progressivement de la représentation du réel et privilégier l’expression d’une vision individuelle, de plus en plus éloignée du motif qui l’a inspirée. L’impressionnisme et le post-impressionnisme ont joué un rôle fondamental dans cette évolution. Ils sont donc particulièrement présents dans ce panorama qui retrace une brève histoire de la peinture du pré-impressionnnisme à nos jours. Les chefs d’œuvre ne manquent pas dans cette collection : Julie au violon peint en 1893 par Berthe Morisot, ainsi que Julie au chat vert, ou encore un fusain d’Edgar Degas, Les Blanchisseuses (vers 1902). Pratiquement jamais vus, il y a, parmi tant d’autres, un remarquable Maurice Denis, Avril, les anémones (1891), à la provenance particulièrement prestigieuse ou l’éblouissant pastel de Sam Szafran, Imprimerie Bellini (1972). L’intérêt d’une collection particulière se définit par sa cohérence et son exhaustivité, mais aussi par les choix qu’elle reflète et qui relèvent des préférences d’un individu. Les axes qui ont été privilégiés ici sont clairs.img_5275.1305423783.jpg Si l’impressionnisme est évoqué par une sélection d’œuvres magistrales signées Monet, Renoir, Sisley ou Morisot, le néo-impressionnisme est quant à lui plus largement représenté encore. Parmi les tableaux, un ensemble remarquable d’œuvres peintes par Signac illustre la passion de notre collectionneur pour cet artiste épris de lumière et de couleur. Depuis les tout premiers tableaux « divisés » comme Les balises, Saint-Briac (1890) ou Saint-Tropez. Après l’orage (1895), jusqu’aux œuvres pré-fauves comme L’Arc-en-ciel. Venise (1905), c’est l’ensemble de l’œuvre de Signac qui est évoqué ici. Dans celle de Camille Pissarro, ce sont deux rares exemples de la période néo-impressionniste qui ont été choisis. Mon coup de cœur va immédiatement au « Troupeau de moutons » de Pissarro, avec un bel effet de poussière dans le soleil et « devant la Briqueterie à Eragny », où l’effet de soleil est filtré par les nuages. Quant à Maximilien Luce, il est lui aussi très présent avec une sélection particulièrement pertinente de toiles, comme Le Café (1892) ou l‘éblouissant Port de Saint-Tropez (1893) qui contraste avec la poésie abstraite de Londres, Canon Street (1893), un des nocturnes chers à l’artiste. Parmi les Nabis, remarquons les audaces chromatiques de la somptueuse Marine à Cannes peinte par Bonnard en 1931. Mais c’est Maurice Denis qui est privilégié. Il est en effet très présent, avec une série de tableaux de premier plan.signac-larc-en-ciel-a-venise.1305423173.jpg Citons les trois dernières versions du Mystère catholique (1889 et 1890) qui se trouvent encore en mains privées ou Ils virent des fées débarquer sur la plage (vers 1893). Il y a encore un très beau choix de paysages peints par Emile Othon Friesz au cours des années fauves comme Port d’Anvers (1906) ou Bord de mer, Cassis (1907). Car cette période artistique où la couleur est, plus que jamais, privilégiée se devait d’être bien représentée elle aussi. Citons notamment un séduisant Van Dongen, Thé au casino (Deauville) de 1920 , et une vigoureuse marine de Valtat, Les Rochers rouges (1906). La couleur a souvent déterminé le choix du collectionneur : c’est vrai aussi parmi les dessins où elle est loin d’être absente. Le noir et blanc est évidemment à l’honneur avec, notamment, une remarquable feuille au crayon Conté par Charles Angrand, Maternité. Un éblouissant ensemble d’aquarelles peintes par Signac, ou la série des gouaches de Raoul Dufy. Kees Van Dongen n’est pas oublié, avec une rare aquarelle fauve et un ensemble inédit de gouaches peintes en 1947 pour illustrer une édition d’A la recherche du temps perdu. Emil Nolde est là aussi, avec ses paysages quasi abstraits peints à l’aquarelle… Mais, toujours dans le domaine du dessin, la séduction des pastels retient tout particulièrement. Souvent de grands formats, ils sont signés Morisot, Odilon Redon, Denis ou Szafran qui est représenté ici par une impressionnante sélection.sam-szafran-limprimerie.1305422594.jpg Ces feuilles, souvent de très grand format, montrent que la magie colorée du pastel continue d’opérer de nos jours et de retenir les talents les plus affirmés et, plus particulièrment, celui de cet artiste original, cher à la Fondation Pierre Gianadda. Ils montrent aussi que l’art actuel n’est pas oublié dans cette collection. Car les grands noms de la peinture du XXe siècle sont nombreux dans cette présentation qui compte Amedeo Modigliani, Jules Pascin, Marc Chagall, André Masson, Man Ray ou encore Pablo Picasso. Sans oublier Josef Albers dont l’Hommage au carré apparaît ici comme un clin d’œil au point néo-impresionniste. Enfin, si la peinture française ou celle appartenant plus largement à l’Ecole de Paris sont à l’honneur dans cette présentation, l’Europe du Nord, évoquée jusqu’ici par Nolde uniquement, est loin d’être absente.odilon-redon.1305422678.jpg Car la collection compte encore un important ensemble d’œuvres – peintes, dessinées ou gravées – de Lyonel Feininger, représenté ici par un choix d’œuvres peintes et d’aquarelles.
Le commissariat de l’exposition est assuré par Mme Marina Ferretti-Bocquillon.
L’exposition est visible jusqu’au 13 juin.
Les photos – courtoisie de la Fondation Gianadda

El Modernismo à la Fondation de l'Hermitage de Lausanne

 Derniers jours pour voir à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne une importante exposition consacrée à l’art espagnol à l’aube du XXe siècle. Centrée autour des peintres de la «génération de 1898» issue des turbulences extrêmes traversées par l’Espagne tout
au long du XIXe siècle, l’exposition montre l’évolution que connaissent ces artistes.
Oscillant entre respect des traditions hispaniques et modernité, leurs oeuvres s’inscrivent dans l’élan d’ouverture que connaît alors l’avant-garde espagnole.
Extraordinairement riche et diverse, la production artistique en Espagne à l’aube du XXe siècle reste encore mal connue en dehors de son pays d’origine. Entre la mort de Goya et la période cubiste de Picasso s’étendent pourtant quelques décennies fascinantes, qui voient se former les
prémices de l’art moderne espagnol. Grâce à cette exposition, la Fondation de l’Hermitage propose à ses visiteurs la découverte d’une partie des trésors cachés de l’Espagne, dont beaucoup sont présentés pour la première fois en Suisse.
L’exposition, qui compte une centaine de tableaux, réunit les artistes les plus significatifs de
cette époque (Anglada, Beruete, Casas, Mir, Picasso, Pinazo, Regoyos, Rusiñol, Sorolla, Zuloaga).
Quelques toiles, liste non exhaustives de loin :
Ramon Casas i Carbo est l’un des membres fondateurs du café Els Qautre Gats.
Il s’installe avec Utrillo et Rusinol sur la butte Montmartre, en 1890. Il peint des scènes de la vie nocturne parisienne dont on peut voir son autoportrait dans un miroir.  Il a créé également des affiches, participent à de nombreuses expositions, apporte un soutien matériel aux jeunes artistes comme Mir et Nonell, ainsi qu’au jeune Picasso. Il acquiert une grand réputation aux US grâce à l’attention d’un mécène Charles Deering, provoquant une affluence de commande de portraits mondains. Ce qui l’éloigne complètement du modernisme espagnol dès les années 1920.
Joaquin Sorolla y Bastida
Considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands peintres espagnols, il peint plus de 4000 œuvres. Sa correspondance  quotidienne avec son épouse, lors des éloignements, témoigne d’un réel épanouissement personnel, pour lequel la peinture était toute sa vie.picasso.1305056442.jpg
Faut-il attribuer au fait qu’il perd ses parents à l’âge de 2 ans, l’importance que prit pour lui sa femme et ses enfants, dans sa peinture et dans sa vie artistique. Les oeuvres où apparaissent ses plus proches sont foule et l’on peut les voir dans cette exposition, émouvantes, touchantes, splendides, dans diverses occupations et attitudes. Les tenues qu’il faisait parvenir à son épouse sont dépeintes dans les diverses toiles, avec une affection tout à fait particulière pour Maria, pour la maternité.
Eliseo Meifren y Roy, après des débuts en médecine, rejoint Rusinol et Casas, Il peint des chanteuses de cabaret et des danseuses des ballets meifren.1305213078.jpgespagnols, tout en se rapprochant des peintres de Barbizon. Il peint des paysages évoluant vers un semi-impressionnisme où la lumière et la couleur priment sur le dessin et les contours.
Picasso peint le Paris du Moulin Rouge et du French Cancan.
Ignacio Zuloaga y Zabaleta, ami de Rodin et de Rilke, il s’inspire du Greco pour ses protraits.
Le relais des Rois d’Arragon à Tarassone est un prêt du Centre Georges Pompidou.zuolaga.1305213392.jpg
La grande majorité des oeuvres provient de musées publics espagnols (le Prado, le
Musée Sorolla, le Musée Thyssen-Bornemisza, ou encore le Musée des beaux-arts de Valence
et le Musée National d’Art de Catalogne de Barcelone), de même que de collections privées
espagnoles. Quelques tableaux-phares du Musée d’Orsay et du Musée Rodin viennent
compléter cette sélection rigoureuse et de haut niveau.
L’exposition est placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi d’Espagne Juan Carlos 1er
et de Madame Micheline Calmy-Rey, Présidente de la Confédération suisse.
Commissariat général : Juliane Cosandier, directrice de la Fondation de l’Hermitage
Très belle exposition qui se termine le 28 mai 2011
images courtoisie Fondation de l’Hermitage Lausanne

Giverny, ma journée particulière

« Je dois peut-être aux fleurs d’avoir été peintre. »
Claude Monet

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Claude Monet a vécu de 1883 à 1926, soit près de quarante-trois ans, dans sa maison de Giverny. Passionné par le jardinage autant que par les couleurs, il a conçu son jardin de fleurs et son jardin d’eau comme de véritables œuvres. En se promenant dans son jardin et dans sa maison, les visiteurs ressentent toujours l’atmosphère qui régnait chez le maître de l’impressionnisme et s’émerveillent devant les compositions de fleurs et devant les nymphéas qui ont été ses sources d’inspiration les plus fécondes. le peintre-jardinier n’aura de cesse de perfectionner le Clos Normandimg_4935.1304029543.jpg pour en faire le jardin de ses rêves colorés.
« Les travaux de restauration menés par Gérald et Florence Van der Kemp grâce notamment aux mécènes américains ont permis à la maison et aux jardins de Claude Monet de redevenir un lieu d’exception, d’une profonde quiétude et d’un perpétuel enchantement. Chaque année, plus de 400 000 visiteurs viennent du monde entier ressentir cette atmosphère unique. La Fondation Claude Monet, propriété de l’Académie des Beaux Arts, doit rester un lieu vivant. Nos jardiniers travaillent toute l’année pour mettre en valeur les jardins, les « reconstruire » en permanence, en préserver et en renouveler le patrimoine végétal, tout en restant fidèle à la vision du grand peintre. » Hugues R. Gall Membre de l’Institut

Depuis le 26 mars 2008, Hugues R. Gall, membre de l’Académie des Beaux Arts et ancien conseiller d’Etat, est le directeur de la Fondation Claude Monet. Hugues Le Gall était le scénographe de l’exposition Monet au Grand Palais (2010-2011) Initiée par Hugues R. Gall, membre de l’Institut, directeur de la Fondation Claude Monet à Giverny, la reconstitution du salon-atelier dans la maison du peintre a bénéficié du très généreux mécénat de la Versailles Foundation, présidée par Barbara de Portago. Placée sous la direction scientifique de Sylvie Patin, correspondante de l’Académie des Beaux-Arts et auteur de nombreux travaux sur l’impressionnisme, la disposition du salon-atelier se rapproche de celle du temps de Claude Monet. Plusieurs photographies prises en 1920 ont guidé ce travail de reconstitution. L’analyse des clichés et l’étude minutieuse de l’historique des toiles du maître ont permis d’identifier avec précision celles qui étaient présentes alors à Giverny. Une soixantaine de tableaux ont été sélectionnés pour être répliqués (un grand soin a été pris pour mentionner aux visiteurs leur localisation actuelle afin de les inciter à aller voir et revoir les toiles originales de Monet) : ces répliques sont désormais présentées aux cimaises du salon-atelier selon un accrochage dense afin de retrouver l’atmosphère d’antan, dans le souci du grand respect de la vérité historique. Plutôt que d’utiliser des reproductions photographiques de ces œuvres et de perdre ainsi la matière même de la peinture, il a été décidé de confier à la Galerie Troubetzkoy la réalisation de répliques à l’identique de ces tableaux. Chacune d’elles est obtenue selon une technique spécifique. Les pigments photographiques de l’œuvre originale sont imprégnés sur une toile, laquelle est ensuite peinte selon cette empreinte. img_4835.1304027818.jpgMa visite :
Guidée par l’ancien jardinier Gilbert Vahé, à la tête d’une équipe de 10 jardiniers, dans le jardin, j’étais subjuguée par son discours et ses explications. A partir du 1er juin, il sera remplacé par le nouveau jardinier, un britannique,
James Priest, formé au collège du Lancashire. Pendant 30 ans, son travail a consisté a pénétré l’œuvre du peintre, à comprendre les raisons qui l’ont poussé à choisir, les plantes et fleurs, leurs couleurs, leur disposition, afin d’y apporter la lumière, comme dans les toiles du maître de l’impressionnisme. Sylvie Patin, qui a été la commissaire de l’exposition Monet au Grand Palais, auteur d’ouvrages sur Monet, nous a guidé dans la maison et dans l’atelier de Claude Monet. J’ai mitraillé avec mon appareil photos, la lumière voulue par Monet est tout à fait fabuleuse, selon les endroits où l’on se trouve. D’un côté la palette du peintre pour le clos normand, de l’autre côté le jardin d’eau

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avec ses côtés japonisants. La salle à manger de la maison a été reconstituée dans ses moindres détails. Sur les murs jaunes, on peut admirer la collection exceptionnelle d’estampes japonaises. Les meubles peints en jaune étaient alors très modernes pour l’époque. Dans les vitrines, on peut voir la vaisselle en faïence bleue, le service jaune et bleu, que Monet avait fait faire pour les jours de fête. Dans la cuisine aux carreaux bleus de Rouen, l’immense cuisinière aux multiples fourneaux et les ustensiles de cuivre semblent attendre le retour de leurs propriétaires. L’atelier salon a été reconstitué, avec des copies des toiles de l’époque et les estampes japonaises dans les autres pièces. La reconstitution du salon-atelier réutilise quatre-vingt pour cent du mobilier déjà sur place. Sur les photographies prises en 1920, le mobilier est recouvert par un tissu d’ameublement fleuri, tissu très proche du modèle « Nouvelle France » toujours édité par la maison Georges Le Manach . Chaque objet et élément de mobilier figurant sur les photographies ayant été minutieusement scannés, Hubert Le Gall a pu redessiner une méridienne et faire réaliser une lampe en bronze, à l’identique de celle utilisée en 1920. Afin que l’accrochage des « tableaux » soit le plus fidèle à celui du temps de Monet, des cadres de cette époque – au cuivre terni – ont été l’objet de recherches assidues chez les antiquaires. Aussi « peu intrusif » que possible, Hubert Le Gall parle volontiers de son intervention comme d’un « coup d’éclat et de fraîcheur » apporté à ce salon-atelier – lieu d’une intimité retrouvée avec Claude Monet. En fait ce sont des photos, sur lesquelles la peinture avec les bons pigments ont été apposés, disposées d’après ce qu’elle a pu identifier d’après les photos d’archives. Lesplanches explicatives, indiquent les lieux où l’on peut voir les originaux. Sylvie Patin a bien insisté sur la rigueur et la conformité des copies. img_4955.1304029781.jpgUn travail d’historienne, car à la base, ce projet de copie même conforme, était contraire à son éthique d’historienne. Des planches sont à la disposition des visiteurs, qui permettent de voir l’accrochage des toiles, telles qu’elles l’étaient à l’époque où Claude Monet y vivait en compagnie d’Alice Hoschede et de leurs enfants. Il y est précisé la dimension, le lieu où l’on peut admirer l’original. Un travail de décryptage, sur la base de photos d’archives a permis à Sylvie Patin de reconstituer, parfois par recoupement l’emplacement, le cadrage ou non des toiles qui garnissaient l’atelier, dont Monet s’entourait et qu’il tenait à la disposition de ses éventuels acheteurs. Camille dans son voile de deuil, Blanche, ses enfants Michel et Jean. les amateurs d’art sont heureux de découvrir la collection d’estampes japonaises de l’artiste. La collection de Claude Monet recense quarante-six estampes de Kitagawa Utamaro (1753-1806), vingt-trois de Katsushika Hokusai (1760-1849) et quarante-huit d’Utagawa Hiroshige (1797-1858), soit cent dix-sept sur les deux cent onze exposées auxquelles s’ajoutent trente-deux numéros en réserve. Au premier étage : les appartements privés, la chambre de Monet, la chambre d’Alice Hoschede, le cabinet de toilette, une minuscule pièce destinée aux travaux de couture.
Un site Internet de la Fondation, très bien documenté, permet de préparer sa visite, avec des billets coupe-fil, ainsi qu’une documentation précise et complète sur les lieux.
A ne manquer sous aucun prétexte, du 1 avril 2011 au Mardi 1 novembre 2011.
que les lecteurs veuillent m’excuser le logiciel du Monde est trop capricieux depuis quelques temps, pour que les billets aient un aspect correct.
photos de l’auteur grâce à la courtoisie de la Fondation Giverny
photos de Cécile Debise