Edward Hopper, une certaine image de l’Amérique

« C’est très difficile de formuler comment cela me vient, mais c’est un long processus d’immobilité de l’esprit et de surgissement de l’émotion » ,  c’est ainsi que s’exprime Edward Hopper dans un enregistrement américain.

edward-hopper-captain-uptons-house-1927.1282257339.jpg Né à Nyack à quelques km de New York en 1882 et mort en 1967,  il a signé une œuvre déroutante  et hors école. C’est un des peintres qui a le mieux saisi le non dit et le presque rien. Ces tableaux figuratifs mettent en scène des personnages perdus dans leur solitude et plongés dans leurs réflexions et pensées. Peintre de la mélancolie et des solitudes urbaines, des cadrages insolites, des fenêtres donnant vue sur des pièces, des arbres immenses augmentant l’insolite des paysages par leur proximité immédiate des maisons, sans accès, excluant d’emblée le spectateur, une prédilection pour les éclairages violents, naturels ou électriques. Ses tableaux et ses compositions sont immédiatement reconnaissables,  c’est l’Amérique statique et géométrique, peuplée d’êtres sans attaches. C’est une représentation universelle de l’homme, face à lui-même et à sa destinée, rien de tragique, juste un constat, la solitude, peu importe les époques et les lieux. Cela n’est pas sans évoquer certaines toiles de de Chirico, mais aussi de Magritte ou de Munch. Son univers est banal, désert, comme arrêté dans le temps, les personnages ne regardent personne et semblent absorbés par un hors champ indéfini. Que ce soient la femme du Soleil du matin, Intérieur d’été, ou encore celle de la Loi du Désir, le Nu Couché, (nu moins sublime que Nicolas de Staël,…. plus ambigu…) assise au bord du lit, couchée, edward-hopper_summer_interior1.1282257425.jpgtournant le dos à l’homme assis sur le bord du lit, l’ouvreuse du Cinéma à New York, dans les bureaux la nuit, dans un train nous ramenant vers « Juste le temps de Robert Cahen », regardant par la fenêtre, dans un motel, elles sont toutes impersonnelles, empruntes d’indifférence au monde, dans le silence. On n’imagine aucune musique accompagnant, ses personnages ou ses paysages, urbains, balnéaires, campagnards, ses stations d’essence
 La seule qui regarde vers le spectateur, Matinée en Caroline du Sud, est la femme noire, dans une tenue très habillée, soulignant les formes du corps de façon très prononcée, une robe rouge presque transparente, des chaussures noires, devant elle une plate forme de pierre, une végétation jaune et bleue, puis au loin, l’horizon bleu foncé, sous un ciel bleu, donnant l’impression d’être dans une île (de la tentation ?). Elle semble provoquer par sa posture d’attente dans l’embrasure de la porte.
Ne dit-on pas que l’artiste peint un auto-portrait lorsqu’il créé une œuvre ? Hopper installe une distanciation entre lui et le regardeur.
Ses compositions prennent pour sujet l’Amérique, celle des petites villes balnéaires à l’architecture figée de fin du 19e siècle. Le nouveau monde d’Hopper est emprunt d’une certaine mélancolie, aussi ses toiles ont-elles véhiculé pour nous, une image noire, celle en particulier des films des années 30.

L’essentiel provient du Whitney Museum de New York, qui détient plus de 2 500 tableaux d’Edward Hopper, légués par sa veuve Jo, ancienne élève du maître, qui lui servit de modèle presque unique. Cet artiste, passé de l’illustration à la gravure, puis aux tableaux, précédés par des études que cette exposition met en regard. Il y en a un peu trop à mon goût … j’ai fini par les zapper.
On peut ainsi voir la progression et la méthode de travail de Hopper, où tout est étudié au cordeau , ou rien n’est dessiné par hasard.
Pendant plus de soixante ans, Edward Hopper a dessiné. Pendant ses études, il vient à Paris. Flâneur attentif, il déambule le long de la Seine, indifférent aux querelles artistiques de l’époque et aux avant-gardes (fauvisme, cubisme), absorbé par la lumière de la capitale qu’il ne retrouvera pas dans son pays natal. Son séjour parisien a donné de remarquables huiles où il peint, le Pont des Arts; le Pont Royal, le Louvre pendant un orage, le Quai des Grands Augustins, visibles à l’Hermitage.  Il en rapportera le jeu de lumière sur les corps, les maisons, les paysages, parfois un simple rayon de lumière à travers une fenêtre, une vision épurée.
De retour dans le Nouveau Monde, il gagnera d’abord sa vie comme illustrateur, chagriné qu’on lui demande de croquer la vie frénétique des métropoles agitées alors qu’il ne rêve que d’architecture, de lignes géométriques, du dialogue de la lumière avec les façades, de la rêverie qui naît des belles demeures victoriennes et de l’atmosphère qui se dégage d’une fenêtre ouverte où se détache la scène. Ses toiles reprennent les mêmes motifs, retravaillés : l’intérieur des chambres d’hôtel, des théâtres, des cinémas, les devantures des magasins vides, les pompes à essence sur des routes désertes, les ponts de New York, les granges à la campagne, les cabanons à Cape Cod, baignés d’une clarté délicate et chaude qui, pourtant, traduit la froideur des vies. 
L’exposition de l’Hermitage montre aussi les autoportraits sombres, les envoûtantes eaux-fortes nocturnes, les études pour les toiles majeures. Et la déambulation qu’impose la disposition de cette villa s’accorde bien au regard stylisé que portait l’artiste sur la solitude de l’homme moderne. un projection au dernier étage complète la visite.
Dans ce mélange de « voyeurisme et de discrétion », comme le notera un critique, il peint des couples désunis, des femmes délaissées comme l’ouvreuse du théâtre, en retrait, élégante, élancée dans son uniforme noir, talons hauts, chevelure blonde dont l’éclat perce l’obscurité. Il saisit la subtilité des corps dans l’espace, figés face à un horizon invisible que vient éclairer la lueur du soleil, dans la découpe des croisées.
 
A la Fondation de  l’Hermitage de Lausanne jusqu’au 17 octobre 2010.
photos scannées

Nicolas de Staël

img_0320.1281305646.jpgLa Peinture  de Nicolas de Staël vous arrive de plein fouet, même dans le « bunker » de Gianadda à Martigny. Les photos sont interdites, mais aussi la prise de notes, par contre si vous contestez, on vous suggère de prendre des photos du 1er étage et vous pouvez garder vos notes. Je ne me suis pas fait prier, « Les musiciens », un quintette, forment l’affiche de l’exposition dont Jean Louis Prat est le commissaire, celui-ci fait partie du CA de la Fondation Gianadda (il est aussi celui de la Sammlung Frieder Burda à Baden Baden) depuis qu’il a quitté la fondation Maeght, il parcourt la planète. Les toiles présentées ici, proviennent, pour les footballeurs de la Fondation Gianadda, mais pour l’ensemble des toiles de prêteurs institutionnels publics, ou encore de nombreux collectionneurs privés, grâce au carnet d’adresses du commissaire.
– Collections Wildenstein, Philipps Washington, US, Espagne, France Pompidou, Moma, Galerie Jeanne Bucher, musée d’ Antibes, Grande Brtagne, Norvège, Suisse. (Berne et Neuchatel, Zurich).
La couleur est partout jaune, rouge vert, bleu, rose, marron, noir, éclatante, couleurs du sud.
Les œuvres éclatantes de couleurs de l’abstrait au figuratif, racontent le parcours exemplaire de Nicolas de Staël pendant les 10 dernières années de sa vie.img_0306.1281305566.jpg
NdS est entouré d’une aura de légende dès 1950, passage du ½ siècle, entre peinture du sujet et celle de l’idée, figuratif ou abstrait. Entre 1945 et 1955 sa trajectoire est menée tambour battant. Sa voie picturale sans cesse renouvelée, a une progression fulgurante, il abandonne la figuration pour aller vers l’abstrait, il impose une nouvelle trajectoire à sa réflexion. Dans un travail acharné il côtoie en permanence le doute.
« Pour moi l’instinct est de perfection inconsciente et mes tableaux vivent d’imperfection consciente, j’ai confiance en moi parce que je n’ai confiance en personne d’autre et que je ne puis en tous cas pas savoir moi-même, ce qu’un tableau est ou n’est pas et fabriquer de nouvelles constantes, avant de peindre il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience » NdS                                                                                         clic
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De la danse impose une palette au registre plus restreint, mais d’une force rare. Des formes s’organisent dans un tressage dense dont l’éclatement central regroupe à la manière d’un bouquet noué et dénoué, des couleurs dont le choix des nuances est peu usité dans la peinture de cette époque. Dans cette composition, les plans avant eux arrières sombres ou lumineux alliés à des gris clairs et cendrés, entrelacés de verts et de bleus, déterminent des mouvements, sorte de danse abstraite. L’ampleur de cette peinture indique que NdS cherche une autre voie à la peinture, une autre posture, à l’art de son temps, malgré l’abstraction de l’après-guerre (André Chastel)
Il  utilise des moyens novateurs, une énergie peu courante, les élans de sa brosse et l’acuité du couteau se conjuguent afin de donner un pouvoir exaltant à la matière conquise, par des tons raffinés, complémentaires ou opposés (brise-lames) Eau de Vie, jour de fête jouent les plans rapprochés et larges d’une palette dont les couleurs enchâssées dans les forment, trament singulièrement et fortement ses compositions, le peintre traque la vérité, le style frontal est vif et ne s’accorde pas de repentir, tout est livré avec hâte mais avec précision et concision.img_0315.1281305608.jpg
Les mouvements sont somptueux et les subtiles superpositions des couleurs livrent les sous-couches, en harmonie chromatique, l’éclat des sous-couches est entièrement en éveil, les noirs profonds, montrent ses études et son amour de Franz Hals et de Rembrandt, qui l’accompagnent. Dans ses espaces inhabités,(Agrigente) troublants, ses terres immenses entre ciel et horizon, il frôle les limites indéfinissables du visible et de l’invisible.
Il s’empare de la lune comme il peint le soleil, rien n’est jamais calculé, mais rien n’est laissé au hasard, comme s’il avait une connivence insoupçonnée avec les couleurs,
que ce soit dans ses marines, la musique, le sportles natures mortes, ses nusson nu bleu couché sublime, ses paysages. img_0326.1281305500.jpg
une nouvelle sculpture sonore d’Etienne Krähenbuhl a fait son apparition dans le parc
photos de l’auteur grâce à la courtoise du gardien, pardon pour le nu bleu

Le jardin des délices

img_0193.1279814933.JPGL’ Hortus Deliciarum ou Jardin des Délices était certainement l’un des plus beaux manuscrits alsaciens du Moyen-Age. Il a été composé vers la fin du XIIe siècle au couvent du Mont Sainte-Odile sous la direction de l’abbesse Herrade. Il racontait l’histoire biblique depuis la création jusqu’à la fin des temps. Ce manuscrit a péri dans l’incendie de la bibliothèque de Strasbourg en 1870. Foudroyé dans le bombardement de la bibliothèque, le « jardin des délices » de l’Abbesse Herrade de Hohenbourg n’était pas seulement le plus beau manuscrit de l’Alsace Romane : c’était un des plus grands trésors de l’art du Moyen Age.
Il est possible d’admirer des copies et des reconstitutions de ce manuscrit de nos jours car, au cours du XIXe siècle, des amateurs d’histoire et d’art s’appliquèrent à en copier les textes et les images. Vers 1815, un érudit strasbourgeois, Christian Maurice Engelhardt, calqua une quarantaine de fragments d’images ainsi que quatre miniatures entières. Il rassembla ce travail dans un cahier au format du manuscrit et le fit imprimer en 1818. Certains des exemplaires de 1818 ont été soigneusement coloriés et par endroit dorés à la feuille sous la surveillance attentive de M. Engelhardt
Le Hortus Deliciarum est le reflet d’une civilisation qui s’est épanouie au temps des cathédrales. Il est tout à la fois le catalogue des gestes, des formes et des objets de ce beau XIIe siècle, et le répertoire d’un imaginaire qui nous est resté familier. L’exposition temporaire présentée par Voix et routes romanes en partenariat avec l’association Saint-Etienne Réunion, au temple St Etienne de Mulhouse est visible durant tout l’été.
L’histoire veut que le manuscrit et le lieu qui accueille l’exposition ont un point commun non négligeable : la première église mulhousienne a été fondée au XII e siècle, et c’est à la même période que le manuscrit commence à voir le jour au Mont Sainte-Odile.
Tous les jours jusqu’au 6 septembre de 10 h à 12 h et de 14 h à 18, sauf le mardi et le dimanche matin, au temple Saint-Etienne, place de la Réunion à Mulhouse.
scan du catalogue

De Degas à Picasso – la collection de Jean Planque

Belle entrée en matière que le concerto de Britten, sonné aux quatre coins de la cour de l’ Espace d’art Contemporain Fernet Branca de St Louis. Gérard Cahn  président de l’espace parla avec beaucoup de verve et d’enthousiame de Jean Planque en le citant  :
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 » Il n’y a pas un art du laid et du beau. Cela n’existe pas. Il y a seulement le mystère, la magie et l’horrible peut tout aussi bien  exprimer ces choses. C’est en se livrant totalement à l’instinct, sans intervention intellectuelle, que l’on peut exprimer ce qui est en soi, bien en soi, totalement et fortement.  »
Carnets 1973

Puis encore
« J’ai mieux aimé les tableaux que la vie. Ma vie = tableaux. Cela depuis très jeune. Mieux que la musique qui m’est pourtant si chère, le tableau s’impose à moi avec brutalité dans sa totalité et je pressens, je pressens le mystère, ce qui ne peut être dit ni à l’aide de la musique, ni à celle des mots. Immédiate compréhension. Chose émotionnelle. Possession de tout mon être. Je suis en eux et eux en moi. Tableaux. »
Carnets 1973
C’est en parcourant la collection, que ces phrases prennent tout leur sens, plus de 140 tableaux s’offrent à vous, le choix, les coups de cœur de cet ancien voyageur de commerce, qui fut le collaborateur d’ Ernst Beyeler, lui servant d’intermédiaire pour accéder à Picasso entre autres.
Avec De Degas à Picasso, collection Jean Planque qui regroupe 140 œuvres sur les 150 que compte cette collection, l’Espace d’art contemporain Fernet-Branca offre tout à la fois ses vastes et beaux volumes et un panoramique sur une collection qui comprend des tableaux « lourds » (Picasso, Van Gogh, Cézanne, Dubuffet…) mais permet aussi de mesurer combien le regard de Jean Planque (1910-1998) était affûté.
« J’ai mieux aimé les tableaux que la vie », écrit Jean Planque. Une phrase qui pourrait résumer la passion inextinguible d’un grand amateur d’art qui ne craignait pas de se laisser déborder par ses émotions.
« Cette exposition n’est pas faite, dit encore Florian Rodari, – Conservateur de la collection à la Fondation Jean et Suzanne Planque – , de chef-d’œuvre de musées mais bien d’œuvres qui résonnent… » Et qui atteste aussi de l’admirable ferveur d’un amateur d’art qui vivait pour l’amour des tableaux et point pour leur valeur.
De vrais de coups de cœur pour des aquarelles délicates de Cézanne, un minimum de traits et de pigments, juste ce qu’il faut, mais tout est là, la Montagne St Victoire.
Mais aussi Klee, Tobey, Tapiès, Delaunay, le passionnant Toledo, Sam Francis et ses magnifiques petits formats, De Staël, Bonnard, Rouault, Monet, Bazaine, Bissière jusqu’à ce profil, sculpté par Kosta Alex,  La magnifique colllection est visible  jusqu’au 24 octobre.

Cezanne Montagne St Victoire aquarelle
Cezanne Montagne St Victoire aquarelle

C’est ainsi que débutent les festivités, qui ne vont aller que crescendo avec Art Basel et le programme alléchant de la « Regio »
pour ne citer que Mulhouse 2010, les musées bâlois, dont la Fondation Beyeler avec l’exposition « Jean Michel Basquiat », le Crac Alsace etc …


La Dolce Vita

Si vous me cherchez  je ne suis pas par là pour quelques jours, pour cause de nuage de cendres, le vol pour Rome est annulé, faute d’avion !!!

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mais surtout là

Turner et ses peintres

Jusqu’au 24 mai 2010 aux Galeries Nationales du Grands Palais.truner-le-deluge.1272320255.jpg
Qu’écrire de lui qui n’a pas encore été écrit ou dit : ma première approche à la Tate de Londres, il y a déjà quelques années, où je demeurais béate devant sa poésie, au point de ne pas sentir, qu’un malandrin se servait discrètement dans la poche de mon manteau pour y piquer le premier APN que je venais d’acquérir ? La suite n’a pas été glorieuse non plus, toujours émue, je me suis échouée dans le caniveau, que je n’avais pas aperçu à travers mes yeux embués par toute l’émotion provoquée par la vision des toiles du grand maître.
Ses oeuvres occupent une aile entière de la Tate Britain
Depuis j’en ai vu et revu des Turner, notamment, la série d’aquarelles exposées à la Fondation Beyeler à l’occasion de l’exposition Venise. Une série délicate, qui se dégustait dans une salle plongée dans la semi-pénombre.
JMW , initiales provenant de son  oncle maternel, que Joseph Mallord William Turner  adopta  au moment où il rentre à la royale Academy, comme académicien à 27 ans. C’est un être silencieux qui se refusait à aller dans le monde. Fils d’un barbier de Londres, il suivit le parcours classique des artistes de son temps, en étudiant, à partir de 1789, à la Royal Academy. Il avait été employé comme dessinateur par divers architectes et travailla également comme coloriste chez des graveurs réputés.
Ses paysages absolus, qu’il a aimé, imité, copié librement, Turner ‘ menteur magnifique’, d’après un ami artiste, George Jones, porté sur le cadre d’un des tableaux, qui fait allusion à la libre relation du paysagiste avec les apparences. Ce n’est pas le cliché précurseur de l’impressionnisme, c’est une simple anticipation de ce mouvement. C’est l’ apogée d’une école anglaise de peinture émergente sur la scène européenne, le contexte  artistique de Londres, à la charnière du 19 e s, la riche culture classique du peintre inspirée de Virgile, Ovide, ses liens avec la poésie préromantique anglaise et en contrepoint ses relations avec d’autres artistes, ses contemporains, ses prédécesseurs, plutôt qu’un avant coureur de l’impressionnisme, c’est un héritier des lumières.
turner4-la-tempete.1272320381.jpgCela correspond à la fondation à Londres d’une Academy royale de peinture et des arts en  1768, alors balbutiante au 18 e s. Au 19 e s, l’école anglaise devient la plus dynamique, la plus remarquable de tout le continent européen.
Les seules connaissances des artistes, peu formés au grand art, plutôt que de rivaliser avec leurs collègues européens, provenaient des collections privées de riches collectionneurs. Plutôt que de venir à la peinture d’histoire comme toute l’Europe, ils privilégient la peinture de paysages.
Turner a produit de la peinture historique, plus de 20 000 images, il a conservé classé tous ses carnets de croquis, et aquarelles, légués à la nation britannique. Beaucoup de tableaux ne sont jamais sortis de son atelier, grâce à la gravure, il a pu s’assurer un confort matériel suffisant, pour ne pas avoir à vendre. A partir de 1820, il développe une vraie recherche picturale libre, jusqu’à l’abstraction, des oeuvres même inachevées, sur  la lumière,  les possibilité picturales sur la couleur, les combinaisons de la lumière, les  esquisses, les méditations, en représentation de la nature. Turner a insisté par ses multiples testaments, pour que toutes ses oeuvres soient léguées à la nation. En regard d’une oeuvre de Claude Lorrain. Abstraction ?  expérimentation la plus poussée, en matière de représentation de paysage où Turner essaie de faire ressentir au spectateur une émotion proche de celle que l’on ressent devant les grands phénomènes de la nature, devant les grandes scènes de la nature, des tableaux qui essaient de s’approcher du sensoriel plutôt que de l’abstraction. turner.1272320320.jpg
Cela passe surtout par une découverte du paysage anglais, des campagnes et des côtes, mais aussi d’autres pays, passages périlleux, tempêtes, traversées des Alpes, des mers, des pays, dans une Europe en pleine évolution, en tourmente.
Il y a aussi le blocus napoléonien qui empêche les anglais de sortir de leur pays, qui incite les anglais, à aller en Ecosse, en Cornouailles, au sud de l’Angleterre, plutôt que de faire le tour aristocratique d’Europe en vogue. Et ainsi ils se rendent compte de la beauté de leurs paysages.
Les peintures de conversation, n’étaient pas vraiment son talent; comme ses confrères, un autoportrait 1799, les figures humaines ne sont que des l’éléments constitutifs de ses paysages. Les scènes rurales rattachent sa démarche de la vérité,  dans l’observation de la nature. On retrouve le scrupule d’observation aussi chez Constable, un conception de l’art au service de la vérité comme les scientifiques. Un série d’écrits qui s’intéressent du point de vue du récepteur, le texte  de Burke sur le sublime,  Hogarth l’analyse de la beauté , le discours de Reynolds, une démarche empirique de l’ observation des phénomènes, de les transcrire afin de permettre à ceux qui voient moins bien de comprendre la nature.
Un posture face au motif, une technique, saisir la vérité, mais aussi les améliorations techniques, grâce à l’aquarelle, un moment fugace, le fond blanc, rend les couleurs plus lumineuses, importées dans l’huile, Turner voulait se rapprocher le plus possible de la lumière naturelle.
Ne rien faire au-delà de la nature (Constable)turner-riviere.1272320450.jpg
Plaine, eau, arbre, vallée, nuage, colline, les choses, les éléments ne sont pas nets, ni délimités, le monde n’est pas, mais devient, se forme, se déforme ou se transforme devant nos yeux,  Turner se nourrit pourtant d’un lieu réel, le confluent de 2 rivières  aux confins du pays de Galles et de l’Angleterre, cette toile fait partie d’une série que Turner reprend de son Liber studio room. Les architectures ont disparu, il ne reste que l’essence du paysage, un arbre seul élément végétal, un lac d’un bleuâtre éthéré (Edmond de Goncourt), l’écrivain Wyssmans parle de brouilli de rose et de terre de sienne brûlée.
Peinture floue : le flou était son fort, le mouvement de la nature grâce au vent à la vague, à la neige, pour percevoir le mouvement, il faut saisir le flou plus proche du vrai que le net.
Les impressionnistes ont tous fait le voyage à Londres.
Lire Edmond Burke :  le passage du St Gothard, le milieu de pont du diable, roman gothique, il s’agit de faire peur, de l’émotionnel facile, de l’exacerbation de la vérité, des effets les plus extrêmes de la nature, pour être vrai, il n’est pas à la recherche d’effet, il est à la limite à l’extrême, pour balayer la gamme des émotions que l’on peut ressentir, par l’abandon du point de fuite, perdu dans un tourbillon. Annibal et son armée traversant la montagne, façon la plus innovante, il a révolutionné la peinture d’histoire.turner-didon-carthage1817.1272320512.jpg Romantique, l’épopée napoléonienne, vécut en direct Waterloo, il dénonce et met en garde toute la période de l’histoire à son déclin. La prédominance de la couleur jaune, anti-académique, couleur de l’or du soleil, transcende les règles académiques, pour se rapprocher du vrai, la lumière du soleil si on le regarde en face.
Il a une vénération absolue pour Claude Lorrain, Poussin, Rembrandt est la figure majeure qui l’accompagnera toute sa vie.
Considéré comme un peintre révolutionnaire, d’avant garde, il se veut être
un héritier qui peint dans la tradition  académique de la peinture de la Renaissance ou du 17e s
L’un des drames de sa vie est de n’avoir pas été un peintre de  la figure.
Mais il n’acquit en fait sa véritable stature qu’après sa mort, d’abord par le legs qu’il fit à la nation britannique de son considérable fonds d’atelier, incomparable source d’étude, ensuite par l’évolution ultérieure de la peinture européenne,
 

Du Greco à Dali – la collection de Pérez Simon

miro-femme-devant-la-lune.1271626271.jpgJusqu’au 1er août 2010, le Musée Jacquemart-André accueille l’exposition « Du Greco à Dalí :
les grands maîtres espagnols. La collection Pérez Simón ».

Cinquante-deux chefs-d’oeuvre et plus de vingt-cinq maîtres, réunis par le goût sûr et raffiné d’un grand collectionneur, présentent un panorama exceptionnel de la création artistique en Espagne au cours des quatre derniers siècles.
Important homme d’affaires mexicain d’origine espagnole né en 1941 en Asturies, Juan Antonio Pérez Simón est une personnalité reconnue dans le monde des collectionneurs. Depuis les années 1970, sa passion pour l’art et son goût pour la culture l’ont incité à réunir une collection exceptionnelle : peintures, sculptures, dessins, gravures, objets d’art décoratif, manuscrits, mais aussi une bibliothèque de plus de cinquante mille volumes.
julio-romero-de-torres-1925-30.1271707351.jpgCette collection, connue dans le monde entier, est l’une des plus importantes d’Amérique Latine par son caractère exhaustif ainsi que par la notoriété des artistes représentés. Juan Antonio Pérez Simón parle de ces choix artistiques comme étant le prolongement de sa propre personnalité :
 « J’ai bâti un univers personnel qui fait écho à ce qui me définit et me stimule. Tous ceux qui, comme moi, ne possèdent pas ce merveilleux don de créer la beauté grâce à l’art peuvent se consoler en admirant des oeuvres et en jouissant de se laisser séduire par elles».
 Amateur des grandes écoles européennes, les tableaux présentés au Musée Jacquemart-André représentent la partie hispanique de sa collection, la moins connue du grand public.
L’exposition réunit des oeuvres clés de différentes époques et de divers
mouvements picturaux. Elle propose un passionnant voyage esthétique et artistique. Elle se construit autour d’un parcours thématique dans lequel chaque étape est l’occasion de confrontations inédites entre des maîtres de siècles différents permettant ainsi de souligner les traditions et les ruptures qui ont fait le succès de l’école espagnole.
14692_greco_murillo.1271636237.jpgLe siècle d’or de la peinture sacrée avec les oeuvres du Greco, de Jusepe de Ribera et de Bartolomé Estéban Murillo, le visiteur plonge au coeur des différents visages de l’art de la réforme catholique. Les artistes, souvent influencés par la pensée mystique, traduisent un monde aspirant à la gloire céleste par de saisissants effets de clair-obscur. Puis le ténébrisme laisse place aux peintures lumineuses de Murillo, maître du baroque espagnol, qui a laissé à Séville de nombreux disciples. À cet art religieux répond un art profane dominé par les grands portraits de cour et la finesse d’un Goya.
Un art hispanique du portrait et de la vie de cour
Grands collectionneurs férus d’art italien et flamand, les monarques espagnols ont néanmoins confié à des peintres espagnols la réalisation de leurs portraits. De Sánchez Coello à Goya, les artistes mêlent intimement l’image du pouvoir à celle de la réalité.
De l’affirmation d’une identité nationale…antonio-sanchez-charles-le-quin.1271626218.jpg
Charles Quint s’impose comme une figure emblématique d’une période d’apogée  de la domination des Habsbourg sur l’Espagne, le portrait en buste de Sanchez Coello ( vers 1580) s’inspire directement d’un portrait de Titien de Charles V en armure, en 1648, détruit dans un incendie en 1604, dont il réalise une copie, il le traite comme les peintres flamands, en mettant en valeur le jeu des lumières sur les armures,
le  chef militaire ceint de l’écharpe rouge, arborant la toison d’or, l’ordre le plus important de la monarchie des Habsbourg,
visant à défendre la foi chrétienne.
L’opposition à l’occupation napoléonienne, la lente émergence d’un état moderne et la découverte des richesses de la civilisation espagnole par l’Europe tout au long du XIXème siècle ont contribué à asseoir le sentiment d’une forte identité nationale. À travers de grandes scènes de fêtes populaires, ce mouvement déploie sur la toile toute la beauté des costumes traditionnels et des décors des villes pavoisées. Il développe également un goût pour les sujets intimes, jeux de plage, jardins et vie de famille. Joaquin Sorolla est le maître incontesté de ces scènes dédiées aux bonheurs simples. Les couleurs vives, fortes et éclatantes illuminent ses toiles.
jusepe-de-ribeira-st-jerome.1271626245.jpgLa peinture religieuse, un magnifique portrait peint par  Jusepe de Ribera de St Jérome en pénitence,  il reprend les attributs du saint, la croix, le drapé d’un rouge intense enveloppe le corps frêle , sans la vulgate, un crâne coupé, mais en ermite au visage émacié, plongé dans la contemplation, appelant à la méditation, un traitement du clair obscur, alliant parfaitement
 le traitement de la lumière à la présence divine qui inspire l’ermite
il souligne l’anatomie du vieillard et la subtilité des carnations,
la barbe encore blonde, les cheveux et la moustache grises sont suggérés
 par de multiples petits coups de pinceau, l’attention du regard et la réalité du corps créent une image particulièrement vivante.
C’est toujours en termes de continuité et de rupture que s’envisage le passage à ce qu’il est convenu d’appeler « la modernité ». Le traitement de la lumière devient le maître mot des héritiers de Sorolla. Quant à celui de la couleur, il subit l’influence de l’impressionnisme français.
Ignacio Zuloaga vécu en France, installé à Montmartre il s’est lié aux peintres français, son activité de portraitiste lui assura la renommée. On voit dans l’exposition le portrait d’une riche sud américaine, la Senora Corcuera (1918), épouse du plus grand dandy mexicain de l’époque. S’inspirant d’une composition de Goya, il place son modèle en pied, sur une ligne d’horizon très basse, l’arrière plan est dominé par un parc, dont les arbres se reflètent  dans les eaux du lac, sur une butte, mettant en valeur, une robe violette,
le traitement du visage, l’orange soulignant les yeux, une chevelure légèrement grisonnante et ondulée, mettant en valeur l’élégance de la pose, soulignée par l’étole de gaze qui retombe gracieusement et sur la robe.portrait.1271626303.jpg
 
L’exposition s’achève avec ces grands maîtres espagnols qui ont révolutionné l’art occidental. Pablo Picasso, Juan Gris, Joan Miró ou Salvador Dalí établissent des dialogues entre cubisme et surréalisme. Une riche sélection d’oeuvres graphiques et picturales de ces artistes offre un aperçu saisissant de cette évolution jusqu’à Tàpies.
Dali (1951) revendique ouvertement son catholicisme, et en parallèle son intérêt pour la physique nucléaire. La toile  l’Ascension du Christ
salvador-dali-lascension-du-christ.1271626339.jpgserait issue d’un rêve cosmique, la vision d’un noyau d’atome,  où le Christ éclaire un monde sombre, lui aurait révélé l’image d’un Christ
 unifiant l’univers, tout en donnant l’illusion des 3 dimensions,
les doigts recroquevillés enserrent la totalité de l’univers qu’il a rassemblé par sa mort et sa résurrection
Dali place le spectateur sous le corps du Christ et de la plante des pieds aux bras étendus un triangle enserre le raccourci parfait du corps, de même il place le corps au centre
d’un cercle transparent dominé par la colombe du St esprit, symbolisant le retour du Christ vers le père, le visage du Christ est invisible, une ligne d’horizon dans le bas, paysage maritime évoque Port Ligate où vit le couple Dali
Au sommet du tableau la vierge sous les traits de son épouse Gala, pleure la passion du Christ.
images provenant du catalogue de l’exposition
une application Iphone de l’exposition est téléchargeable sur le site du musée

Henri Rousseau à la Fondation Beyeler

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Jusqu’au 9 mai 2010
Dans le foyer un hommage à Ernst Beyeler décédé le 25 février de cette année.

« Tu te souviens Rousseau, du paysage aztèque, Des forêts où poussaient la mangue et l’ananas. Des singes répandant tout le sang des pastèques Et du blond empereur qu’on fusilla là-bas. Les tableaux que tu peins, tu les vis au Mexique… »
Apollinaire, Ode à Rousseau, 1908

Henri Rousseau répond de façon imaginaire à des questions qui ne se posent pas, C’est le rêve passé de l’autre côté du miroir. Ces tableaux conservent leur mystère et posent des questions insolubles.
Ses tableaux dépeignent ses rêves et un monde imaginaire. Son oeuvre est plus proche de l’art populaire que les peintures spontanées des impressionnistes. Très vite, la critique va dire du Douanier Rousseau qu’il est un naïf car il ne respecte pas les règles de la perspective, ni l’exactitude du dessin, et encore moins les proportions. Mais Alfred Jarry remarque son travail qui n’est pas si éloigné du sien. Puis c’est au tour d’Apollinaire qui noue avec lui une amitié profonde.

« Gentil Rousseau, tu nous entends – Nous te saluons – Delaunay, sa femme, Monsieur Queval et moi – Laisse passer nos bagages en franchise à la porte du ciel – Nous t’apporterons des pinceaux, des couleurs, des toiles – Afin que tes loisirs sacrés dans la lumière réélle – Tu les consacres à peindre, comme tu tiras mon portrait – La face des étoiles. »
Epitaphe gravée sur la tombe de Rousseau par Brancusi

La peinture d’Henri Rousseau (1844-1910) a fait fi des frontières établies pour s’engager dans des territoires encore inexplorés. Alors qu’il n’avait fréquenté aucune école d’art, le douanier Rousseau a peint des œuvres éloignées de toute tradition académique, ne consacrant d’abord à son art que ses heures de loisir. Longtemps méconnu en tant que peintre naïf, il s’est imposé tardivement dans les salons parisiens. Ce sont des poètes comme Apollinaire, et des artistes comme Picasso, Léger, Delaunay puis Kandinsky, qui ont été les premiers à reconnaître son importance exceptionnelle. Cent ans après sa mort, la Fondation Beyeler consacre à ce pionnier de l’art moderne une exposition regroupant une quarantaine de ses chefs-d’œuvre conservés dans des musées prestigieux et de grandes collections particulières d’Europe et d’Amérique. On découvrira les portraits insolites de Rousseau et ses images poétiques de villes et de paysages français, des œuvres dans lesquelles il rend visible la présence du mystère, au sein même du quotidien. Le sommet de l’exposition est constitué par un important groupe des célèbres tableaux de jungle de Rousseau. Il n’avait jamais vu de forêt vierge, ce qui a permis à son imagination de se déployer d’autant plus librement et dans des couleurs d’autant plus somptueuses, pour donner naissance, dans sa peinture, à une jungle peuplée d’habitants exotiques. Par ses compositions picturales merveilleuses, souvent oniriques, Rousseau incarne la redécouverte de la fantaisie au début de l’époque moderne. Il a ainsi ouvert à l’art la porte de mondes nouveaux, qui ont influencé notamment les cubistes et les surréalistes et continuent à enthousiasmer aujourd’hui les amateurs d’art, petits et grands.
Le commissariat de cette exposition a été assuré par Philippe Büttner en collaboration avec Christopher Green. Le projet a bénéficié du soutien exceptionnel du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, Paris.

La muse inspirant le poète, 1909rousseau-appolinnaire-et-marie-laurencin.1270767683.jpg
Kunstmuseum, Bâle
En 1908/1909, Rousseau a réalisé deux « portraits-paysages » de son ami, le poète Guillaume Apollinaire, et de sa maîtresse, Marie Laurencin. La première version se trouve aujourd’hui au musée Pouchkine de Moscou, la seconde, présentée ici, est conservée au Kunstmuseum de Bâle depuis 1940. Elle m’a toujours fait sourire, voire plus, rien qu’à lécoute de la chanson de Jo Dassin, lorsqu’il évoque Marie Laurencin et ses aquarelles, j’étais loin de l’imaginer à la manière de Rousseau.
Cette toile de grand format nous montre le poète et sa maîtresse, la « muse » qui l’inspire, derrière une banquette de gazon, à la lisière d’une forêt qui devient de plus en plus touffue vers le fond du tableau. La poésie et — puisque Marie Laurencin était peintre — la peinture servent ainsi d’intermédiaires entre la nature mystérieuse et nous. La disposition symétrique des personnages entourés d’arbres relie également ce tableau, au-delà des limites de genre, avec des oeuvres comme La noce et Joyeux farceurs.
Joyeux farceurs, 1906
henri-rousseau-joyeux-farceurs.1270767721.jpgPhiladelphia Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg Collection, 1950
Un an tout juste après le grand succès remporté au Salon d’Automne de 1905 par son tableau de jungle Le lion, ayant faim, Rousseau propose au public médusé une autre représentation de jungle : Joyeux farceurs. Cette fois, ce n’est pas un combat dramatique avec un fauve, une lutte à mort, qu’il représente, mais une comédie divertissante. Le décor de forêt exotique a envahi tout le tableau. Il ne reste plus grand-chose du ciel clair. Rousseau a soigneusement équilibré la moitié gauche et la moitié droite de l’image. L’oiseau est placé à droite, la fleur blanche à gauche de l’axe de composition, tandis qu’au milieu de la partie inférieure, les feuilles vertes qui s’élèvent depuis le bord du tableau s’écartent pour ménager de l’espace aux joyeux drilles de la scène centrale. Les singes-clowns ont l’air de s’amuser avec une bouteille de lait renversée et un gratte-dos rouge ( ?). À quoi peuvent-ils bien jouer ? C’est une des toiles qui a ma préférence.
Un soir de carnaval, 1886dream_01.1270767785.jpg
Philadelphia Museum of Art,
The Louis E. Stern Collection, 1963
Un soir de carnaval est l’une des premières toiles de Rousseau que l’on puisse dater avec précision. Ce chef-d’oeuvre a été présenté au Salon des Indépendants de 1886, où Camille Pissarro, le peintre impressionniste, l’admira beaucoup. Sur cette toile, le petit couple de personnages très éclairé, sans doute copié d’après une miniature, plane au-dessus du sol plongé dans l’obscurité. Les branches en filigrane de la forêt hivernale se dressent dans la hauteur infinie du ciel et se découpent avec transparence sur le firmament bleu nuit. L’éclairage, qui fait penser aux toiles du surréaliste Magritte, et les proportions des personnages, soustraits à la réalité, prêtent à cette scène un aspect onirique.
Portraits

Le portrait de femme du Musée d’Orsay offre un exemple impressionnant de « portrait-paysage », henri-rousseau-portraits_02.1270769447.jpgun genre propre à Rousseau. L’élégante vêtue de sombre ne recouvre pas seulement le feuillage du fond, mais aussi une partie des fleurs du premier plan, et surtout le chemin qui aurait dû conduire dans la profondeur de l’image. Quelle présence ! Cette femme devait être remarquablement belle et d’un chic extrême. Remarquez la position de ses mains et observez son visage. Nous ne savons pas qui elle était et son nom lui-même ne nous est pas parvenu. Nous ne connaissons d’elle que son portrait et ce visage étrange, inaccessible, peint dans le ciel. Les pointes de pied menues sous l’ourlet de la robe noire, le chaton qui joue avec une pelote de laine et les pensées soigneusement alignées au premier plan prêtent à cette figure féminine une incroyable monumentalité. Elle est présentée en contre-plongée, ce qui ne nous empêche pas de regarder par-dessus son épaule pour observer les brindilles de l’arrière-plan qui se dressent le long de sa manche avec une grande beauté formelle. Cette toile aux plages colorées clairement dessinées est purement et simplement anti-impressionniste. henri-rousseau-portraits_01.1270769339.jpgÀ titre de comparaison, jetez un coup d’oeil dans la salle Monet. On y célèbre également la monumentalité et la nature, mais de tout autre façon. Chez Monet, il n’y a pas de délimitation, pas d’éléments formels (pré)dessinés. Son objet pictural — l’étang aux nymphéas — s’est dissous en lumière et en couleur. Chez Rousseau, en revanche, tout a été délibérément appliqué dans l’image. Chaque couleur, chaque forme est établie avec précision. Le « haut » et le « bas » sont eux aussi parfaitement définis. Rousseau trace avec un soin extrême les contours de la superbe robe sombre sur le feuillage vert, et place la tête de la dame tout en haut, dans le ciel gris bleu. (certains textes proviennent  de la notice)

Images Internet et catalogues

Lucian Freud, pétrisseur de chair

lucian-freud-latelier.1270680471.jpgL’exposition sur le peintre Lucian Freud, petit fils du psychanalyste Sigmund Freud, né à Berlin en 1922, et vivant depuis 1934 en Angleterre, au centre Pompidou, se décline en 4 parties.
Les connaisseurs se souviennent de l’énorme nu de Sue Tilley (Benefits Supervisor Sleeping) qui s’est vendu plus de 33 millions de dollars à New York, acquis par le russe Roman Abramovitch,  et par la même occasion faisant de Lucian Freud l’artiste vivant le plus cher au monde
Obcène, carnation, incarnation, obésité, particularités anatomiques, disproportions prononcées, genoux cagneux, seins qui tombent ou virilités emphatiques, endormis, lourds, les qualificatifs fusent, les avis sont contrastés. C’est une peinture figurative, faite d’empâtements plus ou moins épais, les couleurs malgré le sujet du nu agressif, sont douces : ocre, gris, brun, blanc.
Intérieur/extérieur :
L’exposition ouvre sur une toile qui rappelle le cheval de  Maurizio Cattelan avec son arrière train dont là c’est la tête qui entre dans le mur  à la Dogana, ici c’est un zèbre rouge et jaune qui pénètre à travers l’ouverture blanche, d’une fenêtre  sur un mur violet, dans l’atelier du peintre, un canapé fatigué, qui fait penser à un piano, une plante, un tissu rouge abandonné, un pouf noir.
Il développe durant 3 décennies le même intérieur où il met en relation, ses personnages nus, il se concentre sur le thème de l’atelier avec les paysages urbains, sinistres, cassés, tristes, comme les corps,  les animaux, magnifiques chiens et plantes vertes.
Le corps allongé, en vue plongeante, des corps peints sans complaisance, dans leur vérité, obscène,  une scène lucian-freud-lavado-sumos.1270681621.jpg surréaliste, étrange, un homme lisant, assis, sur un canapé, le chien fidèle   couché à ses pieds, il est au premier plan, puis au second plan, un autre homme nu, donne le sein à un bébé, (Sigmund O secours ! ) dans un intérieur ocre, gris et blanc.freud-lucian.1270681002.jpg
2 lutteurs japonais au-dessus du lavabo blanc, avec des  marbrures avec les codes de couleurs de Freud comme sur les corps,  bout de carte postale coupée, montre l’art d’ un grand technicien.




Les chairs
Beauté de la ‘laideur’ de ses tableaux, il montre les chairs, distanciation et empathie,  puis l’ironie du thème du peintre surpris par une admiratrice, pathétique, thème cher à tous les peintres, avec son chevalet, elle est agenouillée et lui prend les jambes, (Zeus et Thétis), connotés, les chairs explosent. Il travaille sur les marbrures, chairs tuméfiées, yeux baissés, boîtes crâniennes. Il depeint au travers du corps les cicatrices de la vie jusqu’à la morbidité parfois, sans complaisance.
La granulosité de la peinture, trop de chair, sur la carnation la peau, la chair au sens organique, c’est aussi de l’écorché, femmes aux fesses énormes, il met à nu une réalité physique, cachée d’habitude, on en est un peu saturé, corps lourds endormis dans leur torpeur. Une impudeur qui peut coller à Freud, petit-fils de SF.
Les portraits
lucian-freud-autoportrait-aux-godillots.1270681710.jpgQuelques petits tableaux merveilleux, autoportraits, peints formats blancs à la Munch, au miroir, aux 2 enfants, portraits plus  grands, une certaine figuration d’ un travail académique, l’affiche à la Bacon n’est pas vraiment représentative de l’exposition, le reste est du Freud. Portraits toujours plus ressemblants. Autoportrait avec godillots et couteau de gladiateur
Le portrait inachevé de Bacon est éblouissant, pourquoi a t’il fini ses toiles ?.






Reprises

Il a beaucoup regardé la peinture, il reconstruit ainsi des scènes d’après des modèles célèbres :freud-d-apres-cezanne.1270681195.jpg
After Chardin, After Cézanne, d’après un tableau de jeunesse de celui-ci, dont on peut trouver une photo David Dowson assistant de Freud , Constable, Courbet.

Voici ce qu’en écrit Philippe Dagen du Monde :
« On doit admirer la constance et la lucidité de l’artiste, qui a compris que, dans la société actuelle, le but suprême est d’imposer une marque, c’est-à-dire un petit nombre de caractéristiques immédiatement identifiables par tout un chacun. Dans son cas, il y en a trois : la légende d’un personnage réputé sauvage et inaccessible, presque un maudit, mais qui a peint les portraits du baron Thyssen et de la reine Elisabeth II ; l’exhibition de nus supposés choquants – qui ne choquent plus personne depuis longtemps – ; et l’exhibition d’un travail de peinture dont le visiteur a vite fait de comprendre qu’il doit être long et pénible.
……….Mais non, ce n’est pas de la grande peinture. Ce n’en est que le simulacre, fondé sur l’académisation conjointe de l’obscénité et du matiérisme……… »

scan et images Internet

En vadrouille dans la capitale

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Si vous me cherchez, je suis, là et ici ou encore 

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