Camille Corot – La nature et le rêve

« Grande exposition du Land de Bade-Wurtemberg »
Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe / Bâtiment principal
29 septembre 2012 – 6 janvier 2013

Camille Corot, Frau mit Perle, ca. 1868-70, Öl auf Leinwand, 70 x 55 cm, Paris, Musée du Louvre. Foto: Norbert Miguletz

Dans l’esprit de la superbe exposition consacrée à Eugène Delacroix en 2003, la Kunsthalle de Karlsruhe continue à rendre hommage aux artistes français avec l’un des plus célèbres d’entre eux : Camille Corot (1796-1875). Avec quelque 180 tableaux, dessins et estampes, cette grande exposition de l’automne offre un panorama complet de l’oeuvre de l’artiste : des esquisses lumineuses réalisées en plein air aux paysages lyriques et aux oeuvres décoratives de grand format, des portraits subtils aux figures de fantaisie énigmatiques. Tous les aspects de la production de l’un des plus grands peintres français du XIXe siècle sont évoqués et les plus belles oeuvres du « père Corot » se sont ainsi donné rendez-vous à 80 km de Strasbourg. Le fond de la Kunsthalle est complété par de nombreux prêts prestigieux effectués notamment par les musées français, dont le Louvre, mais aussi et surtout par des musées et collections privées américaines et internationales, dont le Metropolitan de New York, la National Gallery de Londres ou les Offices de
Florence.

Camille Corot, Souvenirs de Mortefontaine, 1864, Öl auf Leinwand, 65 x 89 Paris, Musée du Louvre. Foto: Norbert Miguletz

L’exposition de la Kunsthalle entend souligner la personnalité exceptionnelle de Corot, oscillant entre tradition et avant-gardisme. En constant décalage par rapport aux courants traditionnels, très indépendant et puissamment influent sur ses contemporains, son apport à l’art du XIXe siècle est fondamental. D’abord réaliste avant les autres, mais dans la tradition des paysages classiques à la française du XVIIe siècle, il se dirige ensuite vers un style imprégné, petit à petit, d’une nostalgie toute personnelle baignée de séduction lyrique.
Outre les paysages peints à l’occasion de ses nombreux voyages dans l’Hexagone et en Italie, Corot fit de nombreux portraits d’amis et de membres de sa famille, ainsi que des représentations de figures de fantaisie inspirées d’oeuvres de la Renaissance ou du XVIIe siècle. L’un des points forts de l’exposition consiste en la présentation de tableaux rarement visibles : les oeuvres décoratives de grand format réalisées par Corot pour agrémenter des intérieurs, ainsi que divers dessins et estampes qui mettent en évidence la modernité et l’originalité de cet artiste aux multiples facettes.

Camille Corot, Marie-Louise-Laure Sennegon, nièce de l'artiste 1831, Paris, Musée du Louvre. Maurice Robert, 1857, Paris, Musée du Louvre. Foto: Norbert Miguletz

Pour mieux inscrire Camille Corot dans l’histoire de l’art et souligner l’apport essentiel et
incontournable de sa création, l’exposition présente également des tableaux de maîtres de la grande tradition française (Nicolas Poussin, Claude Lorrain, Antoine Watteau), des contemporains et prédécesseurs immédiats (Pierre-Henri de Valenciennes, Achille-Etna Michallon, Jean-Victor Bertin), ainsi que des artistes de la génération suivante (Camille Pissarro, Paul Cézanne, Odilon Redon).
Corot a sans cesse renouvelé ses sources d’inspiration : son oeuvre est exceptionnelle en ce
qu’elle est indissociable du goût de l’artiste pour la musique et la littérature. L’exposition rendra compte de l’intérêt de Corot pour le théâtre et les concerts durant ses séjours parisiens, ainsi que de sa profonde affinité pour les variations et paraphrases picturales inspirées de thèmes musicaux.
Cet aspect sera abordé plus particulièrement par un essai du catalogue et diverses manifestations annexes de l’exposition (écoutes musicales dans les salles et concerts). De même, l’exposition revient sur les rapports du peintre avec la littérature : on sait aujourd’hui que Corot lisait beaucoup et entretenait des relations personnelles avec plusieurs poètes et écrivains de son temps, notamment avec son grand admirateur Charles Baudelaire, poète et merveilleux critique d’art qui disait, à juste titre :

« À la tête de l’école moderne du paysage, se place M. Corot »…

Camille Corot, Rome_San Bartolomeo 1826-28, Öl auf Papier auf Leinwand,27 x 43,2 cm, National Gallery of Art, Washington, D.C., Patrons' Permanent Fund, © Foto: Courtesy

Commissariat
Le commissariat de l’exposition est placé sous la direction de Dorit Schäfer, directrice du Cabinet des estampes de la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, et de Margret Stuffmann, ancienne directrice des collections graphiques du Städel Museum, Francfort. Assistance : Maike Hohn.
Catalogue
Un catalogue en allemand avec des textes rédigés par les meilleurs spécialistes de Corot, dont Arlette Sérullaz, Michael Clarke et Margret Stuffmann, est publié à l’occasion de l’exposition.

Junge Kunsthalle Bonjour, Monsieur Corot! Erlebnisräume für Kinder in der Jungen Kunsthalle. Im Atelier des Malers.

Exposition pour le jeune public à la « Junge Kunsthalle »
Une exposition parallèle intitulée Bonjour, Monsieur Corot ! En visite chez un grand peintre, est présentée au « musée des jeunes » afin de souligner les rapports entre l’oeuvre et la vie de Corot.
Plusieurs salles spécialement aménagées recréent l’atmosphère des intérieurs du XIXe siècle et de l’atelier de l’artiste. Les jeunes visiteurs ont d’autre part la possibilité de se livrer à diverses activités pratiques, notamment en rapport avec le monde du théâtre.


PASS TGV + Exposition Camille Corot à Karlsruhe
A l’occasion de cette manifestation exceptionnelle, la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, l’Office de Tourisme de Karlsruhe et Alleo GmbH (une entreprise commune DB-SNCF), se sont associés pour proposer une offre exclusive réservée aux visiteurs de l’exposition : un
PASS TGV + Expo Corot.

Ce Pass permet aux visiteurs de bénéficier d’une réduction de 50% sur leur voyage pour Karlsruhe avec relation directe TGV à partir de nombreuses gares françaises (Paris, Strasbourg, Mulhouse, Lyon Part-Dieu, Avignon, Belfort – Montbéliard, Aix-en Provence et Marseille), une entrée au musée
à tarif réduit et de nombreux avantages partenaires. L’offre est disponible dans les gares et boutiques SNCF ou par téléphone au 36.35.

tram devant la gare
S1 et S11 direction Neureut
arrêt Herrenstrasse

 

visites guidées en français  publiques les samedis et dimanches à 14h30
Tarif : 2 €

 

 

Heures d’ouverture
Mardi, mercredi et vendredi 10h à 18h
Jeudi 10h à 21h
Samedi, dimanche et jours fériés 11h à 18h

photos courtesy Kunsthalle Karlsruhe

Philippe Pasqua à la Fondation Fernet Branca

C’est 15 ans de production artistique, de Philippe Pasqua (le neveu) dont on peut mesurer la cohérence que nous présente la Fondation Fernet Branca, pour inaugurer la création de la Fondation et ceci jusqu’au 9 décembre 2012.
 

Philippe Pasqua - autoportrait 2009 huile sur toile 300x 200 - collection Galerie RX

 
Pour ressentir une véritable émotion, il faut être confronté à son travail, une cinquantaine de pièces organisées dans un parcours chronologique et thématique à la fois, PP travaille sur des séries, il peint des modèles récurrents, qu’il accompagne sur pratiquement 10 ans et sur lesquels il va revenir, il ne reprend pas forcément des motifs, mais reprend des thématiques.
Dans l’univers « Pasqualien »  la vie, la mort, la vanité sont partie prenante dans sa peinture.
Philippe Pasqua Vaudou 1997 technique mixte et huite sur toile collection Galerie RX

La commissaire invitée, Florence Guinneau-Joie, nous montre la force d’une œuvre singulière d’une rare intensité, dans la lecture de cette œuvre chronologique et thématique, où l’artiste use de parti pris esthétique efficace. Dès le départ il peint sur des grands formats, le traitement de la chair qui est très particulier, qu’il fait vibrer, il créé d’énormes tensions entre l’ombre, la lumière et la couleur, C’est un grand coloriste, qui donne vie à ses personnages à travers la couleur..
Une musique spéciale a été créée par Jean Claude André  et jouée en guise de l’ouverture du vernissage dont le titre est tout simplement :  improvisation « Ombres sombres, ombres claires et Métamorphe », 
Philippe Pasqua Bloc collection galerie RX

Sa peinture est à son image, puissante, colorée, appuyée,  nerveuve et expressive naviguant entre Bacon et Freud.
Il peint la chair sans complaisance, avec ses griffures et ses blessures. Des visages en gros plan à l’aspect torturé, des femmes nues ou en petite tenue, mais aussi son autoportrait.
Le peintre est obsédé par la représentation du corps humain, en particulier d’êtres « hors normes » ou « marginaux » soit des aveugles, des travestis, des trisomiques, mais aussi des enfants, des nouveaux nés, des femmes enceintes, des rituels vaudous, des oeuvres qui montrent des opérations dans des blocs opératoires. Ces cris du  corps, transcendé, traumatisé, vivant, contrefait, métamorphosé.
Une quête profonde vers la présence vitale, avec tous les accidents que l’on peut rencontrer dans la vie d’un individu, le but étant de rendre compte de la force et de la vitalité de l’être, la vulnérabilité de l’être dans toute sa fugacité. C’est une oeuvre singulière, dans laquelle, il désigne le singulier, l’enfoui, montrant une quête obsessionnelle
de la vie.
Philippe Pasqua Bloc1 2000-2001 Collection Galerie RX

Le fondateur du mouvement les nouveaux réalistes, Pierre Restany, (2002)disait de la peinture de Philippe Pasqua, qu’
« elle était belle, non comme des Madones, dignes des canons de la Renaissance, mais parce qu’elle retranscrivait la vie, avec ses imprévus, ses contrastes, ses contradictions, et aussi l’affirmation de soi dans son contraire, qu’est la mort, la décadence, le mal par rapport au meilleur. »
Dans les années quatre vingt dix, c’est un survivant de la peinture en France, en compagnie d’une dizaine d’artistes. Il n’a jamais arrêté et continue aujourd’hui, alors que la peinture reprend toute sa force dans la création actuelle. Il est dans les collections nationales et internationales, seul les institutionnels font encore défaut, et n’est que rarement montré au grand public. Enfin on peut voir et se pénétrer de son œuvre sur les cimaises de la Fondation Fernet Branca de St Louis.

Philippe Pasqua - les enfants

Visites guidées sur demande.
Photos courtésie de l’artiste.

Edgar Degas l’œuvre Tardive

 « Je voudrais être illustre et inconnu »
Hilaire Germain Edgar De Gas d’après Alexis Rouart.
 

Edgar Degas autoportrait

 
L’exposition que la Fondation Beyeler consacre à Edgar Degas  (1834-1917), l’un des plus célèbres peintres français de la fin du XIXe siècle, est la première que l’on peut voir depuis vingt ans en Suisse et en Allemagne du Sud. C’est par ailleurs la toute première à se vouer exclusivement à son oeuvre tardive (vidéo), riche et complexe, sommet de plus de soixante années d’activité artistique. Créée entre 1886 environ et 1912, cette oeuvre tardive marque l’accomplissement magistral d’un audacieux précurseur de l’art moderne.
Bien que l’art d’Edgar Degas jouisse d’une grande popularité, les expositions qui lui sont consacrées se limitent généralement à sa période impressionniste (du début des années 1870 jusqu’au milieu des années 1880) ou à certains aspects bien précis de sa création.
On se souvient de l’exposition récente au musée d’Orsay consacrée au nu, quand on parle de Degas, on pense immédiatement aux nus. La Fondation Beyeler rassemble en revanche, à travers plus de 150 oeuvres représentatives, tous les thèmes et séries essentiels à la compréhension des réalisations des toutes dernières décennies de sa vie : danseuses et nus féminins, jockeys et chevaux de course, paysages et portraits, grâce à la générosité de 100 prêteurs différents. (60 pastels, 12 monotypes, 12 photos, des huiles et des sculptures)
Afin de préserver la délicatesse des pastels, l’exposition est présentée, à la lumière naturelle tamisée, sans spots, qui fait d’autant mieux ressortir les couleurs délicates de Degas.
Edgar Degas danseuse

L’exposition prend pour point de départ une période marquée par des transformations stylistiques et conceptuelles fondamentales de la création de Degas. Dans la seconde moitié des années 1880, l’artiste abandonne ainsi la peinture précise et détaillée qui avait été sa marque de fabrique du temps de l’impressionnisme et renonce en même temps aux thèmes «pittoresques» de la vie parisienne, proches de scènes de genre. Il s’éloigne alors de ses compagnons de route impressionnistes. L’âge venant, il entreprend par ailleurs de modeler des sculptures de cire, des études de mouvements et de postures en trois dimensions représentant des figures humaines et des chevaux, en partie fragmentaires, qui ne seront découvertes dans son atelier qu’après sa mort. 74 d’entre elles ont alors été coulées dans le bronze.
Edgar Degas Danseuse

La huitième et dernière exposition impressionniste eut lieu en 1886. Les trois décennies suivantes verront Degas prendre des distances croissantes avec les milieux artistiques et se retirer de toutes les manifestations publiques liées à l’art. C’était l’un des rares artistes à pouvoir se le permettre : les marchands parisiens ne cessaient de venir dans son atelier pour acquérir des oeuvres destinées à des collectionneurs privés européens et américains. Ses expositions individuelles, organisées avec son autorisation expresse, furent désormais très peu nombreuses jusqu’à sa mort, en 1917. Ce retrait progressif de la vie publique a contribué à donner l’image, encore très courante aujourd’hui, d’un artiste solitaire au caractère difficile. Ce célibataire endurci vécut à partir des années 1890 dans une sorte d’émigration intérieure, pour et par sa création artistique, donnant naissance à l’une des oeuvres tardives les plus passionnantes et les plus obsédantes de l’histoire de l’art européen. Issu d’une famille aisée, il n’était pas dans l’obligation de vendre, chose qui l’arrangeait fort bien .
« Vous savez combien cela m’embête de vendre, et j’espère toujours arriver à mieux faire »
d’après Ambroise Vollard, Degas (1834-1917) paris.

 
Sur le plan stylistique, cette oeuvre tardive se caractérise par la discontinuité spatiale, par des compositions asymétriques qui tendent à se désintégrer, par des angles de vue insolites et des poses très peu conventionnelles des figures représentées, lesquelles agissent au tout premier plan de l’image. La proximité spatiale, l’intimité même du spectateur (masculin) avec ces figures féminines se voient cependant abolies par l’imprécision déconcertante de la représentation, qui brouille les contours. La luminosité séduisante des couleurs, qui inonde l’espace pictural d’une lumière miroitante, transporte l’action dans un état d’imprécision spatiale et temporelle. Degas a réalisé ses tableaux, que lui-même décrivait comme des «orgies de couleurs», dans un état second, onirique, où présent et passé, choses vues et souvenirs s’entremêlent indissolublement.
En variant et en combinant inlassablement un nombre réduit de motifs, Degas a réalisé de vastes séries reposant sur un concept artistique inédit et novateur. Ses différents travaux ne doivent pas, en effet, être appréhendés comme des oeuvres (des chefs-d’oeuvre même) se suffisant à elles-mêmes ; ils se rattachent toujours aux fondements conceptuels qui ont présidé à ce «work in progress» sériel. Aussi l’exposition de la Fondation Beyeler ne rassemble-t-elle pas seulement tous les thèmes chers à Degas, mais également toutes les techniques qu’il a employées : peinture à l’huile, pastel, dessin, monotype, lithographie, photographie et sculpture.

Degas pastel et fusain

Plus que tout autre artiste de son temps, Degas a multiplié les expériences, explorant une grande diversité de formes d’expression artistique. Il frottait ses pastels, il les hachurait, les tamponnait, ne se servant souvent pour ce faire que de ses doigts. Il les retravaillait à la vapeur, aux pinceaux ou avec des morceaux de tissu, les associait à la gouache, à la détrempe ou à des procédés d’impression comme le monotype. La technique du pastel, qui associe déjà par nature et de manière unique des qualités picturales, graphiques mais également tactiles, constitua la charnière idéale d’un parcours de création dans lequel les différentes productions artistiques se conditionnaient et se fécondaient réciproquement.
C’est dans une succession de salles qui permettent de découvrir les points forts de sa création, tant sur le plan des genres que sur celui des thèmes que se présente l’ouvre tardive de Degas.
« On m’appelle le peintre des danseuses, on ne comprend pas que la danseuse a été pour moi un prétexte à peindre de jolies étoffes et à rendre le mouvement … » Vollard p 108-110
Edgar Degas La sortie du Bain

Les danseuses et les portraits sont suivis de femmes à leur toilette, puis de paysages et d’intérieurs et enfin, concluant ainsi l’exposition, de chevaux et de cavaliers.
L’exposition s’ouvre sur les danseuses de ballet. Chose frappante, les tableaux tardifs de ballerines que réalise Degas ne montrent presque jamais ce qui se passe sur scène et tout l’éclat des représentations de ballet des années 1870 a disparu. Les oeuvres exposées ont pour objet des danseuses debout, assises, en attente, des jeunes femmes qui se reposent, ajustent leur costume ou travaillent leurs pas. Degas a inlassablement étudié les poses, les mouvements et les tenues des ballerines. Il a répété, varié et assemblé des configurations de personnages, se livrant à d’audacieuses expériences en matière de composition et de couleurs. Parmi les nombreux dessins, pastels et peintures à l’huile consacrés à ce thème, trois exemples plus particulièrs : la Danseuse sur la scène du Musée des Beaux-Arts de Lyon que l’on date des alentours de 1889, les Danseuses au foyer de 1895/1896 du Von der Heydt-Museum de Wuppertal ainsi que les Danseuses peintes vers 1898 de la Fondation de l’Hermitage à Lausanne.
Edgar Degas Devant le Miroir

La salle suivante regroupe les portraits de Degas. L’artiste prit exclusivement pour modèles des amis, souvent de longue date, et des connaissances ; ses relations d’amitié avec Henri Rouart, Ludovic Halévy ou Paul Valpinçon par exemple remontaient à ses années d’école. On trouve dans cette salle d’émouvants portraits comme celui d’Henri Rouart et son fils Alexis de 1895–1898 de la Neue Pinakothek de Munich ou l’Esquisse pour un portrait (M. et Mme Louis Rouart) de 1904 appartenant à la Richard et Mary L. Gray Collection and the Gray Collection Trust. Degas aimait également passer ses vacances dans les propriétés de ses amis. La maison de maître de la famille Valpinçon en Normandie lui a inspiré aussi bien la représentation d’une Salle de billard de 1892 de la Staatsgalerie Stuttgart que l’Intérieur datant approximativement de la même période, qui appartient aujourd’hui à une collection particulière. Au milieu des années 1890, Degas a découvert la photographie et l’intérêt qu’elle présentait pour ses desseins artistiques. Il a réalisé en peu de temps une série de portraits subtilement mis en scène représentant certains de ses illustres amis, comme celui de Pierre Auguste Renoir et Stéphane Mallarmé,  prêté par la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet de Paris et sur lequel les deux protagonistes, plongés dans le demi-jour, paraissent comme dérobés au monde.

« jusqu’à présent, le nu avait toujours été représenté dans des poses qui supposent un public, mais mes femmes sont des gens simples. Je les montre sans coquetterie, à l’état de bêtes qui se nettoient (…) C’est comm si vous regardiez par le trou de la serrure « textes  lettres et propos choisis, Paris 2012, d’après Degas.
Edgard Degas Femme au Bain

Une autre partie de l’exposition est consacrée aux représentations de femmes à leur toilette, un des thèmes picturaux traités avec le plus d’opiniâtreté par Degas au cours de cette période de sa création. Deux pastels des années 1880 en offrent des exemples particulièrement remarquables: Femme au tub de la Tate, réalisé vers 1883, ou Devant le miroir de la Hamburger Kunsthalle, vers 1889. La plupart des représentations tardives de femmes qui se lavent, s’essuient ou se coiffent rompent radicalement avec la tradition picturale du nu féminin idéalisé de l’histoire de l’art européen. Cette thématique permet également à Degas de donner libre cours à son goût pour les expériences chromatiques, manifeste par exemple dans Femme au bain de 1893–1898, une toile appartenant à la collection de l’Art Gallery of Ontario à Toronto, ainsi que pour les représentations de postures inhabituelles, dont on trouve une illustration exemplaire dans la célèbre toile de 1896 environ, Après le bain, femme s’essuyant du Philadelphia Museum of Art où un nu féminin de dos s’appuie au dossier d’un fauteuil, son corps dessinant une courbe étonnante dans un espace vide, monochrome. Dans ses dernières oeuvres, réalisées après le début du siècle, Degas s’approche de l’abstraction, comme en témoigne de façon particulièrement radicale Femme s’essuyant les cheveux de 1900–1905, un pastel du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne dont les couleurs se réduisent à des tonalités de rouge, d’orange et de jaune et où les valeurs chromatiques se fondent les unes dans les autres dans les nuances les plus subtiles.
Edgar Degas Bord de Rivière

Une salle à part présente les tableaux de paysages de Degas qui n’ont presque jamais été montrés au public, ainsi que des oeuvres représentant des chevaux et des cavaliers. À l’automne 1892, l’artiste surprit le public parisien lors d’une exposition organisée dans les galeries Durand-Ruel qui contenait exclusivement des paysages. Ce choix de pièces fut accueilli avec un certain scepticisme par le public, car chacun savait que Degas avait toujours eu la dent dure contre la peinture de paysage — genre par excellence de l’impressionnisme. La technique et le format choisis par Degas ajoutèrent au désarroi. Ses paysages n’étaient pas des toiles à l’huile classiques comme celles, par exemple, de Claude Monet ou de Camille Pissarro, mais des monotypes de petit format, imprimés sur des feuilles de papier. De plus, ces travaux en majorité rehaussés au pastel étaient totalement dépourvus du charme lumineux de la peinture de paysage impressionniste. Un grand nombre de ces feuillets, qui ont vu le jour au début des années 1890, évoquent bien davantage les paysages oniriques de la génération suivante, celle des symbolistes. Parmi les derniers paysages de Degas figurent des tableaux à l’huile inspirés par ses séjours dans la petite station balnéaire de Saint-Valery-sur-Somme en Picardie, tels que Vue de Saint-Valery-sur-Somme de 1896–1898 que The Metropolitan Museum of Art de New York mis à disposition pour cette exposition.
Edgar Degas Jockey blessé

Durant sa période tardive, Degas s’est consacré au motif du cheval et du cavalier en recourant à différentes techniques. Outre Chevaux de courses, une toile de 1884 appartenant au Detroit Institute of Arts, on retiendra une sélection de sculptures comprenant notamment un Cheval en marche modelé au début des années 1870 ou deux jockeys et deux chevaux réalisés plus tard, qui appartiennent tous à des collections privées suisses et illustrent l’intérêt de Degas pour le rendu de mouvements complexes dans des instants précaires de transition. Cette exposition trouve une brillante conclusion avec un chef-d’oeuvre monumental, le Jockey blessé de 1896–1898 du Kunstmuseum Basel, travail sur la déperdition et la solitude.
Cette exposition, conçue par le commissaire invité Martin Schwander, a été réalisée avec la collaboration de Michiko Kono, Associate Curator de la Fondation Beyeler. Martin Schwander avait déjà été responsable de l’exposition présentée en 2008/2009 «Venise. De Canaletto et Turner à Monet».
«Edgar Degas» s’inscrit dans la tradition de la Fondation Beyeler qui s’attache à monter des expositions consacrées aux artistes de sa Collection permanente. Avec Le Petit Déjeuner après le bain de 1895–1898 et les Trois danseuses (jupes bleues, corsages rouges) peintes vers 1903, la Collection Beyeler possède deux chefs-d’oeuvre qui illustrent très bien le radicalisme et la modernité de l’oeuvre tardive de Degas. Ces deux tableaux figurent également dans cette exposition.
A la sortie de l’exposition une salle consacrée à Bacon, grand admirateur de Degas, montre les personnages tourmentés et meurtris.
Degas était un grand collectionneur, ses maîtres : Ingres, Delacroix, El Greco.
À l’occasion de cette exposition, la Fondation Beyeler publie un magnifique catalogue en allemand et en anglais. publiée chez Hatje Cantz Verlag à Ostfildern. Le catalogue contient une préface de Sam Keller et Martin Schwander, un entretien avec l’artiste Jeff Wall, des textes de Carol Armstrong, Jonas Beyer, Richard Kendall et Martin Schwander ainsi qu’une biographie établie par Mareike Wolf-Scheel. Il compte 268 pages et 212 illustrations. Il est disponible au musée au prix de 68 Francs suisses. (ISBN 978-3-906053-02-8, allemand; ISBN 978-3-906053-03-5, anglais).
Cette exposition s’accompagne d’un vaste programme de manifestations : des spectacles de ballet de Sasha Waltz & Guests, une conférence de Caroline Durand-Ruel sur Paul Durand-Ruel, le célèbre marchand d’art parisien qui a beaucoup soutenu Degas, une soirée de piano avec la lauréate du Concours Géza Anda 2012 Varvara Nepomnyashchaya, ou encore une lecture de Wolfram Berger d’extraits de la nouvelle traduction en allemand de Degas 1834-1917 d’Ambroise Vollard, Erinnerungen an Edgar Degas.
Jusqu’au 27 janvier 2013
texte et photos de presse courtoisie Fondation Beyeler

L'appel de la Forêt

 
 

Georg Baselitz Retour à l’école, 2005 Huile sur toile 250 x 200 cm Collection Würth, Inv. 8578© Georg Baselitz Photo : Joachim Littkemann, Berlin

(première toile de Bazelitz où il retourne le thème)
C’est cet appel-là que Reinhold Würth  a entendu  et qui l’a incité à collectionner les toiles qui illustrent et glorifient ce sujet.  Avec 14 musées dans le monde, R.Würth a suffisamment de possibilité d’espace pour disposer sa collection. Grand marcheur, amoureux de la nature en général et particulièrement de la forêt, après avoir exposé ce sujet en Allemagne, il nous le livre dans son musée d’Erstein. C’est une promenade rafraîchissante et bucolique que nous offre le musée.
L’exposition L’appel de la forêt. Arbres et forêts dans la Collection Würth a été présentée une première fois sous le titre Waldeslust. Bäume und Wald in Bildern und Skulpturen der Sammlung Würth à la Kunsthalle Würth à Schwäbisch Hall en 2011, année internationale des forêts. Elle est aujourd’hui adaptée et présentée par le Musée Würth à Erstein.
Pour les artistes, la forêt, et plus largement la nature, est un terrain idéal pour projeter fantasmes, craintes et espoirs. Reflet de leur culture, de leur histoire,
de la société qui leur est contemporaine, elle est, pour l’historien de l’art
Fabrice Hergott, un « sujet miroir » de l’humanité.
Terre de danger, d’épreuves ou d’aventures, mais aussi refuge où trouver protection et paix dans l’Antiquité, la forêt devient vite le théâtre des contes pour enfants dans lequel évoluent sorcières, ogres et autres créatures fantastiques, incarnations de la violence humaine.

Robert Longo Untitled (Fairmount Forest), 2011 Graphite et fusain sur papier marouflé 176 x 300 cm Collection Würth, Inv. 15015 © ADAGP, Paris 2012 Photo : Galerie Thaddaeus Ropac

(On pourrait croire que c’est une photo, tant elle est mystérieuse, il faut bien s’en approcher pour voir le fusain)
Les romantiques du XIXe siècle ont quant à eux créé une véritable esthétique de la forêt : leur vision fantasmagorique, désespérée de celle-ci, déteint encore sur son image actuelle, poétique et à haute valeur méditative.
Après la prise de conscience au XXe siècle du Waldsterben*, le goût pour la forêt a évolué : face à un monde essentiellement citadin, ordonné, maîtrisé, c’est l’idée de régénérescence urbaine qui attire plutôt que son aspect sauvage. Elle devient un élément du cadre de vie urbain. La forêt sombre, obscure, menaçante, laisse sa place à une promesse de vie plus essentielle, d’harmonie originelle.
La vision de la forêt varie aussi selon chaque culture : la nature anglo-saxonne, souvent représentée sous la forme naïve d’un jardin, est à l’opposé des forêts germaniques, icônes de la nation, plus sombres et marquées par l’histoire.
Aujourd’hui, ces critères tendent à s’estomper : la vision de la forêt est plus universelle, plus globalisée. Elle devient un enjeu de survie, un espace à sauver, un idéal de vie non urbanisé.

David Hockney The Road to Thwing, Late Spring, 2006 Huile sur toile 186 x 370,5 cm Collection Würth, Inv. 11286 © David Hockney Photo : Richard Schmidt

La Collection Würth compte un fond unique et vaste d’oeuvres ayant pour thématique la forêt, dont une large sélection est présentée au Musée Würth France Erstein.
De Ernst Ludwig Kirchner à David Hockney, en passant par Alfred Sisley, Max Ernst, Georg Baselitz, Gerhard Richter ou Christo, l’exposition explore les divers aspects de la représentation de la forêt dans l’histoire de l’art moderne et contemporain.
*Apparu en Allemagne au début des années 1980, ce terme évoque le déclin,
la mort de la forêt. Transposé peu à peu dans d’autres langues, c’est devenu un terme
universel pour évoquer la destruction et l’exploitation de la nature.
les artistes :
Max Ackermann  Donald Baechler  Georg Baselitz Herbert Brandl
Max Beckmann Lester Campa Christo Lotte Copi Lovis Corinth
Joan Costa Richard Deacon/Bill Woodrow André Derain Max Ernst
Rainer Fetting Günter Grass Hap Grieshaber David Hockney
Alfred Hrdlicka Max Gerd Kaminski
Alex Katz Ernst Ludwig Kirchner Richard Kissling František Kupka
Max Liebermann Robert Longo Markus Lüpertz André Masson
Gabriele Münter Camille Pissarro Gerhard Richter Christian Rohlfs
Alexander Rothaug Hermann Scherer Bernard Schultze Alfred Sisley
Carl Spitzweg Gabi Streile Norbert Tadeusz Volker Tannert
Günther Uecker Ben Willikens Lambert Maria Wintersberger
Le catalogue de l’exposition Waldeslust. Bäume und Wald in Bildern und Skulpturen der Sammlung Würth est accompagné d’un livret -tiré à part – de textes traduits en français
L’appel de la forêt. Arbres et forêts dans la Collection Würth
édité par Swiridoff Verlag
Avec diverses  contributions éminentes
Toute une série de programmations culturelles est prévue que vous pouvez consulter sur le site du musée
L’exposition se termine le 19 mai 2013
texte et photos musée Würth
 

Tchernobyl on tour …… et s'en aller

Tchernobyl on tour d’Elena COSTELIAN
et
… et s’en aller de Chourouk HRIECH
Jusqu’au au 11 novembre 2012 à la Kunsthalle de Mulhouse

La veillée -Elena Costelian
La veillée -Elena Costelian

Une proposition de Sandrine Wymann, directrice de la Kunsthalle et commissaire de l’exposition :
Tchernobyl on tour d’Elena Costelian et …  et s’en aller de Chourouk Hriech sont deux expositions individuelles qui s’interrogent mutuellement, bien au-delà de leur coprésence. Ce sont des expositions qui rencontrent l’histoire, la petite et la grande, qui la lient à la création contemporaine et en font leur raison,leur complice.
Les deux artistes ont quelques points communs : deux femmes passionnées, volontaires et déterminées, d’une même génération de racines étrangères.
Les deux expositions partagent également quelques thèmes : l’histoire, la mise en scène, la sincérité. Mais c’est avant tout d’une intuition qu’est né le désir de les rapprocher.
Elena Costelian travaille sur l’histoire récente, celle dont on ne sait pas encore totalement quoi penser et qui est empreinte d’enjeux qui dépassent l’échelle individuelle. Ses installations construites sur un mode réaliste, affichent une forte théâtralité et créent le choc. On ne traverse pas innocemment une oeuvre de l’artiste, elle déstabilise, perturbe nos repères, provoque la gêne et le malaise, celui d’être spectateur d’un monde qui ne tourne pas rond.
En 2009, Elena Costelian a passé un mois en bordure de la « zone interdite » dans le village de Volodarka, à 40km de Tchernobyl. Vingt-trois ans après l’explosion du réacteur n°4 de la Centrale Lénine, l’artiste a arpenté un territoire et a rencontré des habitants laissés à leurs souvenirs et abandonnés au tourisme. Selon ses propres mots :

Suite du Grand hôtel de Pripyat Elena Costelian



« Tchernobyl est devenu un musée à ciel ouvert ». En 2011, l’artiste entame son Tchernobyl on tour par une série de photographies qui dévoilent à la fois la banalité du site et l’exploitation qu’il subit. Elle relève l’extrême ambiguïté économique et politique qui règne sur les lieux. Une des images vues sur place a particulièrement accroché son regard : la salle de répétition du Conservatoire de Prypiat, ville évacuée en 1986. Dans un décor délabré, dans une pièce aux portes et fenêtres ouvertes, trône un piano renversé. Quelle est l’histoire de cette scène ? Quelle histoire cette image évoque-t-elle à ceux qui la découvrent ? Dans La Veillée, l’artiste procède à une reconstitution en volume de cette image, tel un décor de théâtre de la salle du Conservatoire et amène le spectateur à affronter une mise en scène à la fois grotesque et douloureuse. Ainsi ce piano renversé, dans une salle dévastée, salle du conservatoire de musique de Tchernobyl, où elle se demande quel est le dernier morceau qui a été joué sur ce piano. On sent la jeune artiste encore bouleversée par son séjour dans ce pays dont l’histoire est déjà un peu oubliée, à cause d’évènements récents tout aussi tragiques.
Les habitants de la ville continuent d’y vivre, travaillant, se nourrissant, en tentant de prendre les précautions nécessaires, pour survivre dans une région contaminée.
vidéo
Perfomance sonore de l’Orchestre Symphonique de Mulhouse dans le cadre de l’exposition TCHERNOBYL ON TOUR de Elena Costelian à la Kunsthalle de Mulhouse


Elena Costelian, née en 1979 à Curtea de Arges (Roumanie), vit et travaille en France. Diplômée des Beaux Arts de Nantes en 2002 et des Arts décoratifs de Strasbourg en 2007

Cantine de l’Ecole de Mariankova Elena Costelian

 
Entre installation, performance théâtralisée et scénographie, Elena Costelian s’attache aux lieux chargés d’histoire comme support de réflexion à son travail. L’idée de retour sur ces lieux n’est pas sans lien avec l’expérience de l’exil. Particulièrement sensible au rapport entre mémoire collective et individuelle, elle se penche non seulement sur des lieux disparus ou mis en parenthèse mais aussi sur des lieux en devenir.
La suite de Tchernobyl on tour sera présentée en 2013 au Center for Book Arts à New York.
Les deux expressions d’Elena Costelian et de Chourouk Hriech, si éloignées soient-elles, fonctionnent ensemble comme des révélateurs qui nous ramènent à la complexité de la nature humaine et de ses humeurs. Du chaos à l’échappée, Tchernobyl on tour et … et s’en aller, sont deux lectures du monde sincères et attentives.
Chourouk Hriech, née en 1977,  vit et travaille à Marseille.
Chourouk Hriech développe son travail essentiellement autour du dessin. Ses recherches se fondent sur une observation des paysages en mutation, une navigation à travers les mondes qui s’offrent à elle.
 
Natures 2012 Dessin à la gouache Chourouk Hriech

 
Diplômée des Beaux-Arts de Lyon, elle a récemment participé à Art Dubaï en 2012 ; au CRAC de Sète et à la 8ème Biennale de Shanghai en 2010.
Dans le cadre du Projet T3, en 2012, sur une proposition de Nathalie Viot et de Christian Bernard, ses dessins ont rejoint, le Fonds Municipal d’Art contemporain de la Ville de Paris.
Chourouk Hriech voyage sur un territoire qui se déploie de l’oeil à la main. La distance entre les deux, l’artiste la parcourt en suivant une ligne complexe qui s’enrichit à la fois de ses observations, de ses souvenirs et de ses émotions. Ses dessins, comme des rhizomes, se déploient sur les murs et emmènent le spectateur dans un monde composé de mille et une réalités toutes propres à la balade et à l’évasion. De simples détails, de petits hasards peuplent en grand les oeuvres de Chourouk Hriech.
L’horizon est un cercle, 2012 Sculpture, bois, acrylique Chourouk Hriech

Tout chez elle, participe à la lecture d’un monde qui se déploie entre un horizon fragile et une verticale stable. Entre ces deux repères, se dessine un cercle synonyme de cycle et de renouveau. Chourouk Hriech s’inscrit dans cet espace. Elle l’habite, s’unit à lui par le chant et la danse, sur des modes immédiats et éphémères. De ces actes de communion naissent des oeuvres dessinées. Les dessins de Chourouk Hriech sont la face visible  du chemin qu’elle a parcouru, ils font état d’une intense navigation physique et visuelle propice à l’observation et l’imagination.
Chourouk Hriech part souvent d’un petit rien puis déroule le fil d’une histoire qui peut être lue et relue tant elle recèle de possibles et de détails. Entre deux avions, de rapide passage à l’aéroport de Marseille, elle a trouvé un pendentif chinois en forme de pagode.Le porte bonheur, l’objet fétiche, est devenu le point de départ de l’exposition … et s’en aller.
souvenirs.mai 2012 Chourouk Hriech

texte Kunsthalle, photos 1 et 4 de l’auteur 2/3/5/6 courtoisie Kunsthalle
 
RDV : 
Concerts de l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, samedi 15 et dimanche 16 septembre à 17h00, dans le cadre des Journées du Patrimoine. Entrée libre
Chostakovitch : 2e mouvement du concerto pour piano n°2 en fa majeur / Pärt : Summa, pour cordes / Reich : Duet, pour cordes.
 

Kunstapéro

Jeudis 4 octobre et 8 novembre à 18:00
Des oeuvres et des vins à découvrir : visite guidée suivie d’une dégustation
de vins, en partenariat avec l’association Mulhouse Art Contemporain et
la Fédération Culturelle des Vins de France. Participation de 5 euros / personne
inscription au au 03 69 77 66 47 / kunsthalle@mulhouse.fr

Nuit du design

Jeudi 4 octobre 18:00 à 22:00
Ouverture exceptionnelle jusqu’à 22h00
Possibilité de participer au kunstapéro :
inscription au 03 69 77 66 47 / kunsthalle@mulhouse.fr

Kunstprojection
Jeudi 11 octobre à 18:30 durée 1h
En partenariat avec l’espace Multimédia gantner de Bourogne, une sélection
de films expérimentaux issus de sa collection et présentée en écho à l’exposition.

Entrée libre

Citations – Ciné club
Jeudi 11 octobre à 20:30
Stalker, film d’Andreï Tarkovski, 1979 (2h43)

Tout au long de la saison 2012 – 2013, la Kunsthalle et Musées Mulhouse Sud Alsace proposeront un cycle de cinéma,
Citations qui permettra de voir ou revoir les films fréquemment cités dans l’art contemporain.

Stalker, sorte de guide, accompagne un physicien et un écrivain dans la « zone », vaste no man’s land ou jadis est tombé une météorite. Ce territoire contient un secret : «la chambre des désirs» exauçant les voeux de ceux qui s’y rendent.

En partenariat avec Musées Mulhouse Sud Alsace
Amphithéâtre de l’Université de la Fonderie.
Entrée libre
 
 
 
 

Acanthes d’Henri Matisse

Après trois années consacrées à d’importantes recherches historiques de l’art accompagnées de mesures de conservation et de restauration, la Fondation Beyeler a conclu avec succès le plus grand projet de restauration de son histoire. Depuis 2009, en coopération avec l’assureur d’art international Nationale Suisse, la Fondation Beyeler s’est lancée dans l’analyse scientifique d’Acanthes (1953, 311,7 x 351,8 cm) d’Henri Matisse, une oeuvre majeure de sa série des « Papiers découpés » de grand format. Les résultats de ces recherches qui ouvrent des perspectives d’avenir ont été présentés hier 12 septembre à la presse.

« Acanthes », 1953, papiers peints à la gouache et découpés, dessin au fusain, sur papier recouvert de peinture blanche sur toile, 311,7 x 351,8 cm,Fondation Beyeler, Riehen / Basel © 2012 Succession Henri Matisse / ProLitteris, Zürich. Photo : Robert Bayer

 
Par rapport à d’autres « Papiers découpés » de grand format, Acanthes se trouve dans un état de conservation jugé bon, voire très bon. Seules des mesures minimes de stabilisation ont été nécessaires et peu d’endroits fragiles ont dû être optimisés. On a également pu établir que la structure, qui compte treize couches différentes de papier, de colles, de toile et de châssis était stable. Les conservateurs n’ont pas relevé d’importants dégâts non plus dans la zone de représentation. On le doit pour une part à la grande qualité des matériaux utilisés et au remarquable travail de montage, mais aussi à la vitre de protection dont l’œuvre a été précocement pourvue. Tel est le jugement auquel les restaurateurs sont parvenus au terme de l’examen et de l’analyse technologique minutieuse de soixante œuvres comparables conservées dans des collections internationales.
L’une des nouvelles découvertes capitales porte sur la méthode de travail d’Henri Matisse (1869-1954). Près de la moitié de l’ensemble de 220 « Papiers découpés » a été montée sur toile pour assurer leur stabilité. Cette tâche a été confiée à la société
Lefebvre-Foinet. Ces deux étapes de travail sont indissociables. Ce procédé a été élaboré du vivant même de Matisse qui l’a approuvé.
Henri Matisse

Dans l’atelier, un certain nombre de tâches et d’étapes de travail n’étaient pas réalisés par Matisse lui-même mais par des assistantes, sous la surveillance de l’artiste. Les papiers étaient peints par les assistantes, puis fixés au mur après avoir été découpés par Matisse. L’élément déterminant de ce processus, le découpage et la composition, restait cependant entres les mains de l’artiste.
Les restaurateurs ont  remarqué d’innombrables petits trous sur les formes et sur le papier de fond. Ils sont dus à leur accrochage au mur de l’atelier. De même, les pliures que l’on observe sur les formes vertes proviennent de l’atelier et ne doivent pas être considérées comme des dégâts ainsi que des lignes de fusain bien visibles proviennent de l’atelier. C’est un élément du processus de travail d’Henri Matisse. Cela montre clairement qu’un grand nombre de détails qui auraient pu, de prime abord, être considérés comme des dégâts sont imputables à la technique même de Matisse.
les restaurateurs

Les restaurateurs Markus Gross, restaurateur de peintres chef, et Stephan Lohrengel, restaurateur spécialisé dans les travaux sur papier, n’ont pu établir ce fait qu’après avoir examiné de nombreuses œuvres comparables et reconstitué eux-mêmes un « papier découpé »
Seules les connaissances acquises grâce aux expertises permettront une préservation durable des papiers découpés. En outre, grâce à ces résultats, il a été possible de se contenter d’interventions mineures sur l’œuvre. Les mesures de restauration réalisées se limitent en effet aux bords endommagés.
L’échange avec des experts de collections nationales et internationales a eu une importance capitale pour ce projet. Ces voyages ont permis de discuter avec les différents restaurateurs et conservateurs de problèmes de conservation et de restauration comparables et d’établir ainsi une base de réalisation de grands projets de conservation et de restauration.
Les visiteurs de la Fondation Beyeler peuvent encore voir ce papier découpé jusqu’au 30 septembre dans l’atelier de restauration vitré, qui sera démonté ensuite. Il est prévu qu’Acanthes prendra place à l’automne 2013 dans la présentation de la Collection de la Fondation Beyeler.
En 2014, cette œuvre sera prêtée à l’occasion d’une grande rétrospective des « Papiers découpés » qui se tiendra au Museum of Modern Art de New York et à la Tate Modern de Londres.
Ce projet de restauration a été confié aux restaurateurs Markus Gross et Stephan Lohrengel et au conservateur Ulf Küster. Le Dr. Dietrich von Frank, Head Specialty Line Art à la Nationale Suisse, a donné toutes les explications nécessaires sur la pertinence de ce projet pour l’assurance d’art.
 
photos courtoisie Fondation Beyeler

Arte Povera. Une révolution artistique

Jannis Kounellis - sans titre la liberté ou la mort VV (Vivat Marat) VV (Vivat Robespierre) 1969

Arte Povera. Une révolution artistique Boetti, Kounellis, Merz, Pistoletto de la collection Goetz du 9 septembre 2012 au 3 février 2013 au Kunstmuseum de Bâle.
Dans les années 60, en Italie, un nouveau mouvement artistique se constitua avec des personnalités désormais aussi connues qu’Alighiero Boetti, Jannis Kounellis, Mario Merz ou Michelangelo Pistoletto. ll se caractérise par l’usage de moyens simples et de matériaux pauvres tels la terre, le verre, les branchages, les néons lumineux ou la cire ainsi que par son opposition critique à un environnement toujours davantage technologisé et aux mécanismes de production de la culture de masse. Les images, objets, installations et performances aspirent, dans une anarchie stylistique, à retrouver les processus et légalités naturels. Le pauvre, les moyens poreux ou bien fluides de la mise en forme, doivent ouvrir la perception aux « courants d’énergie qui sont au fondement de toute chose » (Carolyn Christov-Bakargiev– commissaire de la dOCUMENTA 13 – 2012).
C’est ainsi que s’élaborent des oeuvres essentiellement processuelles, prises dans une tension entre nature et culture, anarchie et ordre. En même temps, ces « processus de perception visualisés » interrogent de manière sensible et poétique le grand héritage culturel – de l’Antiquité et de la Renaissance.
 
Luciano Favro l'Italia d'Oro 1971

Le concept d’« Arte Povera » apparaît pour la première fois en septembre 1967 comme titre d’une exposition génoise rassemblant des artistes de Rome, Turin et Milan comme Boetti, Fabro, Kounellis, Pascali, Paolini et Prini. Pistoletto et Merz n’en prennent pas part. Le terme a été inventé par le critique d’art Germano Celant, curateur de l’exposition de Gênes.
« Ceci, écrit Celant en évoquant l’émergence de l’Arte povera, signifie disponibilité et anti-iconographie, introduction d’éléments incomposables et d’images perdues venues du quotidien et de la nature. La matière est agitée d’un séisme et les barrières s’écroulent. ».
Néanmoins, voir dans ce mouvement artistique un groupe d’artistes au sens strict peut vite s’avérer trompeur. Toute tentative pour comparer les stratégies artistiques et l’engagement social et politique de ses membres se heurte à la diversité des moyens formels qu’ils mettent en oeuvre ainsi qu’à leur individualité dont l’originalité ira en s’accentuant au cours des années 1970. La Collection Goetz propose une sélection particulièrement large de ce mouvement artistique si innovant et influent. Les 100 oeuvres de la grande exposition du Kunstmuseum Basel permettent de montrer l’actualité de l’Arte Povera, y compris pour la jeune génération artistique.
Giuseppe Penone Retourner ses propres yeux 1970

 
Dans Renverser ses propres yeux, Penone tente l’expérience de l’aveuglement, pour sentir sa propre enveloppe, sa présence au monde (hors la vue) un peu comme… un arbre ! Dans cet autoportrait on pourrait dire qu’il nie l’ego pour chercher à se mettre à l’unisson avec les forces de la nature, et explorer d’autres sens comme le toucher et l’odorat…
Elle présente des oeuvres majeures qu’ Ingwild Goetz a mises des années à réunir et qui n’ont plus été montrées au public depuis longtemps.
audio en allemand Ingwild Goetz
La Collection Goetz a en outre constitué d’importantes archives photographiques et documentaires. Présentées en guise de prélude dans l’exposition bâloise, elles montrent les ramifications nombreuses de ce grand renouveau artistique. Il sera donc possible d’en acquérir une vue d’ensemble, de la fin des années 50 au début des années 90, même si l’accent est porté sur la période, artistiquement décisive, des débuts de l’Arte Povera.
Michelangelo Pistoletto - l'Etrusque 1976

les artistes biographie et oeuvres
Le catalogue en allemand ou en anglais, préfacé par le Commissaire de l’exposition, Bernhard Mendes Bürgi, contient des textes de Simon Baier, Luca Cerizza, Karsten Löckermann, Christiane Meyer-Stoll, Linda Stadler, Rainald Schumacher, Christian Spies, Maren Stotz et Angela Vettese, ainsi qu’un texte de la collectionneuse Ingvild  Goetz.
photos 2 et 4 de l’auteur 1/5 courtoisie Kunstmuseum

Sommaire d'août 2012

Lalique une histoire familale

01 août 2012 : Xenia Hausner « Flagrant Délit »
11 août 2012 : Tatlin – un nouvel art pour un monde nouveau
17 août 2012 : Festival Météo Mulhouse
21 août 2012 : Lalique une histoire familale

Lalique une histoire familale

 

Augustine-Alice née Ledru et René Lalique

“René Lalique a eu le don de faire passer sur le monde un frisson
de beauté.”
Henri Clouzot
LALIQUE, UNE HISTOIRE FAMILIALE
René Lalique (1860-1945)
Né en 1860 à Aÿ en Champagne et décédé en 1945 à Paris, René Lalique a vécu deux
vies d’artiste successives, s’élevant chaque fois parmi les protagonistes majeurs qui
marquèrent de leur personnalité l’Art nouveau puis l’Art Déco, aux styles diamétralement
opposés.
Joaillier exceptionnel et grand maître du verre, René Lalique compte parmi
les grands créateurs de l’Art nouveau et de l’Art Déco.
Depuis 90 ans, les créations Lalique sont produites à Wingen-sur-Moder,
en Alsace. C’est dans cette région de tradition verrière qu’ouvre le Musée
Lalique, un lieu de mémoire à la hauteur du génie et du rayonnement de
l’artiste et de ses successeurs.
Unique en Europe et ancré dans son histoire, ce nouveau musée, labellisé
Musée de France, propose plus de 650 pièces exposées sur 900m² dans
une scénographie résolument moderne imaginée par Ducks Sceno et
l’Agence Wilmotte, cette dernière signant également l’aménagement du site.
Dessins, bijoux, flacons, arts de la table, luminaires, vases, cristal autant de
facettes de la création Lalique à découvrir.
“Je travaillais sans relâche (…) avec la volonté
d’arriver à un résultat nouveau et de créer quelque chose
qu’on n’aurait pas encore vu.” René Lalique 
L’inventeur du bijou moderne

Puisant son inspiration dans la nature et ayant l’audace d’utiliser le corps féminin comme
élément d’ornementation, René Lalique apporte à la joaillerie des renouveaux imprévus.
Il n’hésite pas à associer à l’or et aux pierres précieuses des matières jusque là peu utilisées et peu considérées, telles que la corne, l’ivoire, les pierres semi-précieuses, l’émail et bien entendu le verre. A ses yeux, mieux vaut la recherche du beau que l’affichage du luxe…
L’esprit reprend le pas sur la matière.
Musée Lalique Statuette Suzanne

À ses débuts, les bijoux avant-gardistes de René Lalique plaisent principalement à une élite intellectuelle et artistique, éloignée des conventions, capable d’apprécier la beauté d’un objet malgré la relative pauvreté des matériaux utilisés. Entre 1891 et 1894, la grande
comédienne Sarah Bernhardt lui achète diadèmes, colliers, ceintures et autres accessoires de scène aux dimensions spectaculaires, conçus en fonction de ses rôles. Ainsi assure-t-elle à la fois la gloire et la notoriété à René Lalique. Autre personnage déterminant dans la carrière de l’artiste : Calouste Sarkis Gulbenkian.
Financier, magnat du pétrole, c’est aussi un collectionneur averti. Entre 1899 et 1920, il
acquiert quelques cent cinquante bijoux et objets d’art, oeuvres exceptionnelles que l’on
peut aujourd’hui admirer à la Fondation qui porte son nom à Lisbonne.
Révélé au grand public à l’occasion du Salon de 1895, présenté trois ans plus tard par
Emile Gallé comme l’inventeur du bijou moderne, René Lalique connaît un triomphe sans égal à l’Exposition universelle de 1900. Son stand fait sensation, ses oeuvres novatrices sont unanimement admirées et le voilà promu Officier de la Légion d’honneur. Dès lors, il reçoit des commandes du monde entier, est invité à toutes les manifestations artistiques majeures se déroulant en Europe et aux États-Unis… Qui dit succès, dit également tentatives d’imitation.
Lalique est loin d’en être flatté. Inventeur qui ne veut suivre personne, il déteste être suivi.
Las d’être plagié, il va progressivement se tourner vers d’autres horizons. Le verre l’attire
depuis quelque temps déjà. Une nouvelle carrière se profile…
Peigne, Paysage Soleil Couchant

L’attrait magique du verre
Les premières expérimentations de René Lalique dans le domaine du verre remontent aux
années 1890. Les procédés de fabrication des bijoux le familiarisent avec les matières
vitrifiables, et c’est sans doute grâce à l’émail qu’il découvre le verre. Le gravant et le
sertissant, il l’utilise progressivement pour remplacer les gemmes. Translucide et transparent comme elles, il a l’avantage de pouvoir être conçu et fabriqué en fonction du projet final.
René Lalique crée également de petits objets, vases et sculptures, selon la technique de la
cire perdue. Un peu plus tard, il expérimente la technique du soufflage dans un moule,
mais un moule précieux, en argent ciselé, restant solidaire du verre qu’il enserre pour devenir monture.
Sa rencontre avec François Coty, l’amenant non seulement à créer mais aussi à produire des flacons de parfum, lui ouvre de nouveaux horizons. Une véritable révolution technologique et commerciale s’opère, qui n’aurait pu aboutir sans l’habileté et l’inspiration de l’artiste.
René Lalique Bracelet Epis de blé

Bien que fabriquées en série, ces créations sont incontestablement des oeuvres d’art.
Une manière de perpétuer la philosophie de l’Art nouveau qui voulait réconcilier Art et
indus trie. Peu à peu, René Lalique diversifie ses productions. En 1912, maîtrisant parfaitement les techniques, il décide de se consacrer de façon exclusive au verre. Il organise alors sa dernière exposition de bijoux et le grand public le découvre maître-verrier.
Bijoutier d’avant-garde, René Lalique, en devenant verrier, se démarque également de ses
prédécesseurs. Il délaisse le verre multicouche aux couleurs variées au profit de la limpidité et de la transparence, qualités naturelles du verre. Au niveau des formes aussi, il affirme sa différence. Léon Rosenthal la résume ainsi : simplicité, pondération, symétrie. Il en use avec une parfaite liberté, selon ses tendances qui sont d’élégance plus que de force, avec un besoin perpétuel d’invention. Il ne recule ni devant l’audace, ni devant la fantaisie, mais ses écarts sont toujours mesurés.
Créateur éclectique, René Lalique ne s’intéresse pas uniquement aux Arts de la Table, aux
vases et aux statuettes. Il signe également des bouchons de radiateur pour les luxueuses
automobiles des années folles, la décoration de trains, tel l’Orient-Express, de paquebots,
parmi lesquels le Normandie, imagine des fontaines exceptionnelles, s’intéresse à l’architecture religieuse…
Aux sources de l’inspiration de René Lalique
La Femme, la Flore, la Faune : les 3 F qui ont inspiré Lalique.
Observateur attentif des Êtres et des Choses, René Lalique a trouvé dans la nature une inspiratrice féconde. Il l’a disséquée et examinée, épiant ses lignes, ses formes et ses structures particulières, y cherchant et y trouvant l’étincelle de la vie. Il a scruté les plantes et les fleurs, étudié la vie aquatique, observé les reptiles et les oiseaux et a été fasciné par les insectes. Mais il n’a pas seulement interrogé le sol et le ciel, les plantes et les arbres, la créature humaine, le visage et le corps féminin ont également instillé en lui un souffle créateur.
René Lalique série de flacons

Son génie provient de sa capacité à adapter et à composer. Il ne copie pas la nature, il
ne stylise pas les différents éléments, il crée en transformant. Des créations que font vivre
la magie de la matière. Si René Lalique met toute sa sensibilité dans son interprétation,
celle-ci se nourrit également des grands mouvements artistiques.
En 1900, l’écrivain Pol Neveux soulignait en effet que les chefs d’oeuvres des Égyptiens,
des Italo-Grecs n’ont jamais été considérés d’un oeil plus pénétrant que le sien et l’art des
Byzantins, des Florentins et des Japonais ne fut plus jalousement étudié que par lui.
L’ESPRIT ART DÉCO
Lorsqu’il s’oriente vers le verre, il dessine des lignes épurées et l’ornement, souvent géométrisé, se décline dans des rythmes nouveaux, à des cadences syncopées, associées à ces années folles lancées dans la vitesse. Mais il sait aussi, au besoin, les adoucir de sculptures de végétaux, d’animaux ou de femmes de conception très naturaliste. Ainsi, au fil du temps, René Lalique a-t-il non seulement eu le courage, mais aussi le talent, d’adapter son inspiration aux nouvelles tendances sans pour autant se départir de sa personnalité.
Lalique et le marché de l’art
Les amateurs d’oeuvres d’art signées René Lalique, que ce soit pour des bijoux, des dessins
ou des pièces en verre, se retrouvent notamment pour deux grandes ventes annuelles orchestrées par Christie’s à Londres. Parallèlement, d’autres ventes sont organisées à Paris, à l’hôtel Drouot, ou à l’étranger, aux États-Unis ou en Asie.
UNE VENTE HISTORIQUE
La dispersion de la collection de Marie-Claude Lalique fin 2005 a permis au musée de
faire l’acquisition de plusieurs pièces telles que les dessins pour une broche Scarabée, un
pendentif Femme-libellule, ailes ouvertes et un pectoral égyptien Hanneton ailes ouvertes.
Les vases Deux grondins et Lézards et bluets ont également rejoint les collections du musée à cette occasion.
Musée Lalique vase 2 poissons grondins v 1910

 
Suzanne Lalique-Haviland, décoratrice d’exception
« Suzanne Lalique-Haviland, le décor réinventé  » jusqu’au 11 novembre 2012
au musée Lalique

Suzanne Lalique (1892-1989) est la fille de René Lalique, artiste de génie qui a marqué l’Art nouveau avec ses bijoux et l’Art Déco avec ses créations verrières, et d’Augustine Alice Ledru, elle-même fille du sculpteur Auguste Ledru, ami de Rodin. Après le décès précoce de sa mère en 1909, son père l’incite à exprimer ses talents de dessinatrice. Il la sollicite régulièrement pour sa créativité et son jugement. La période est féconde : Suzanne conçoit flacons et boîtes à poudre pour la Maison Lalique, crée pour la manufacture de Sèvres, que ce soit seule ou en collaboration avec son père. En 1913, elle expose pour la première fois au Salon des artistes décorateurs des aquarelles, modèles pour impressions sur étoffes.
Prise en affection par Louise et Eugène Morand, futur directeur de l’Ecole nationale des Arts décoratifs, elle évolue dans un cadre quasi-familial aux côtés de Paul Morand et Jean Giraudoux. Eugène Morand l’initie à la peinture à l’huile. Giraudoux lui fait quant à lui découvrir les oeuvres de Manet, avec ses noirs et ses gris dont elle jouera en virtuose dans ses compositions décoratives et, plus tard, dans ses peintures.
Suzanne Lalique Haviland

Par son mariage avec Paul Burty Haviland en 1917, Suzanne découvre une autre famille d’artistes. Son mari est photographe ; son beau-frère, Franck Burty Haviland, peintre et ami de Picasso ; son beau-père, Charles Edward Haviland, industriel de la porcelaine. Mais c’est pour la manufacture Théodore Haviland, dirigée par le cousin de son mari, que Suzanne crée ses services de table à partir de 1925.
Suzanne Lalique Haviland Vase Palmettes

Suzanne n’oublie pas pour autant la Maison Lalique où Paul Burty Haviland épaule son beau-père pour le développement de ses verreries et photographie ses oeuvres pour les catalogues commerciaux. Parallèlement à la création d’objets décoratifs, Suzanne et René associent également leurs talents dans le domaine de la décoration d’intérieur, en particulier les salons des Premières Classes du paquebot le Paris en 1921 et pour le Côte d’Azur Pullman Express en 1929.
En 1930, la galerie Bernheim Jeune consacre une première exposition à Suzanne Lalique peintre. Son univers pictural se nourrit de son environnement quotidien, dans lequel elle puise les objets les plus anodins pour les teinter d’une délicate poésie. Simples par leur sujet, ses tableaux frappent par le raffinement de la palette chromatique, la vigueur du pinceau et la hardiesse du cadrage. Chaque toile raconte une histoire croisant le parcours personnel de l’artiste. Ses dernières oeuvres, peuplées des accessoires et des atmosphères du théâtre, sont présentées en 1975 à la Galerie rue du Dragon à Paris.
A partir de 1937 en effet, Suzanne se consacre au théâtre, sollicitée par Edouard Bourdet puis Charles Dullin. A la tête des ateliers de décors et de costumes, elle imprime son propre style à la Comédie-Française et s’attache à donner une unité de ton aux spectacles. Elle collabore également à des projets extérieurs à la prestigieuse maison, en particulier à l’initiative de Jean Meyer dans le domaine du théâtre et de Francis Poulenc dans celui de l’opéra.
Musée Lalaique vase Tourbillons d'après un dessin de Suzanne Lalique

Suzanne Lalique a (…) travaillé, uniquement guidée par sa propre inspiration ; elle connait la gloire de s’être réalisée selon sa propre volonté et toute sa fantaisie. (…) c’est cette indépendance splendide qui donne une fermeté et une solidité rarement rencontrées dans une production féminine qui caractérise ce qu’elle crée. (Hélène Gosset, 1930)
.
Marc Lalique (1900-1977)
Fils de René Lalique et d’Alice Ledru, Marc naît en 1900. A partir de 1922 après avoir suivi les cours de l’École des Arts décoratifs de Paris, il devient un collaborateur de son père.
Au décès de celui-ci, il accède à la tête de l’entreprise familiale. Il met à profit ses qualités de technicien pour ré nover la manufacture de Wingen-sur-Moder et la moderniser.
Il abandonne définitivement le verre au profit du cristal. Le contraste entre transparence et satiné trouvant son expression maximale dans la pureté de cette matière, cet effet particulier va devenir célèbre dans le monde entier au point que le nom de Lalique y est souvent assimilé.
Sous son impulsion, la cristallerie Lalique prend rapidement sa place parmi les grandes cristalleries françaises et étrangères.
Marc Lalique Vase Naïades

 
Marie-Claude Lalique (1935 – 2003)
La passion que Marc manifestait pour son métier marquera la jeunesse de sa fille. Très tôt en effet, Marie-Claude a la chance de connaitre l’émotion du créateur qui voit son oeuvre prendre forme grâce à l’habileté du maître verrier. Si la poursuite de l’oeuvre de son grand-père et de son père est son objectif principal, elle n’en est pas moins consciente que perpétuer
l’esprit c’est aussi se renouveler. Attentive aux modes et aux courants créatifs de son époque, Marie-Claude cherche à réaliser le mariage de la  tradition et du renouveau.
Trophée Lalique - Marie Claude Lalique

La Maison Lalique aujourd’hui
La Maison Lalique a été rachetée en février 2008 par la Société suisse Art et Fragrance. L’objectif de Silvio Denz, Président Directeur Général et propriétaire de la société, est de renforcer la marque dans le monde entier et d’augmenter les capacités de production de la cristallerie de Wingen-sur-Moder. Des collections de bijoux et de parfums continuent à être développées parallèlement à l’activité du cristal traditionnelle. Rééditions d’oeuvres anciennes et créations contemporaines sont toujours produites par des verriers perpétuant le culte de l’excellence.
texte musée Lalique
photos de l’auteur courtoisie du musée Lalique

Xenia Hausner "Flagrant Délit"

Le Musée Würth France Erstein présente, jusqu’au 2 septembre 2012, l’exposition
Xenia Hausner. « Flagrant délit » Collection Würth et prêts.

Xenia Hausner In Flagranti, 2003 Flagrant délit

Née à Vienne en 1951, Xenia Hausner est la fille du peintre Rudolf Hausner, figure emblématique du réalisme fantastique et de l’École de Vienne. Xenia Hausner a suivi des études de scénographie et a longtemps travaillé dans le domaine du spectacle vivant avant de se consacrer exclusivement à la peinture en 1992.
Encore une exposition où la couleur est reine.
Une image peut en cacher une autre …

Flagrant délit d’expressionisme, même si l’artiste s’en défend et renvoie le visiteur à sa propre interprétation
L’exposition propose une plongée dans un univers où le portrait – et tout particulièrement le portrait féminin – règne en maître. Naviguant entre peinture et mixed-media, l’artiste élabore des compositions photo-réalistes de grand format aux couleurs chaudes et vives. Son oeuvre est le fruit d’un dialogue créatif entre la peinture et la photographie, celle-ci remplaçant le croquis et servant de travail préparatoire, d’étude de caractères ou de support de collage.
Xenia Hausner réalise, dans ses tableaux, de véritables mises en scène théâtrales, voire cinématographiques : elle plante un décor (imaginé et composé dans son atelier), installe ses modèles, et raconte une histoire (Nine Elven). Les accessoires, les couleurs, les matières font l’objet d’une attention toute particulière et participent à la représentation.
L’atmosphère séductrice qui s’en dégage interpelle le spectateur. Captivé par l’expressivité des regards des personnages qui lui font face, le regardeur devient voyeur : il est, dès lors, le témoin d’états d’âmes, de moments d’intime solitude, d’intime tension, où se mêlent tour à tour l’échange, la tendresse, la violence ( Pensée Sauvage 2011), les faits divers à la manière de Warhol sont très éloquants. (L’imprévu 2010)
Un moment très étrange l’artiste, gantée au chevet d’un mourant, qu’elle dit être un acteur, un berger allemand se dressant comme guettant le dernier souffle, un décor théâtrale de rideaux ouverts sur un ciel bleu.
Dans la réalité c’est l’évocation de la mort de son père, Rudolf Hausner (1914-1995) qui fut l’une des grandes figures du réalisme fantastique et dont certains tableaux majeurs figurent, eux aussi, dans la collection Würth. Xenia Hausner : « C’est mon histoire. Mais ce n’est pas le lit de mon père. C’est un acteur allemand connu qui joue le rôle du mort…
En parallèle une autre toile, où elle étreint ce père (acteur)  portant le même vêtement, comme un dernier adieu.
Xenia Hausner Détail Rosemaies Baby 2002

Le voyage, les relations entre le modèle et l’artiste, entre l’artiste, son art et le spectateur, la brutalité du quotidien, la photographie, le cinéma, la beauté de la femme sont autant de thèmes majeurs dans l’oeuvre de Xenia Hausner. Xenia Hausner manipule l’ambiguïté, derrière ses montages dérivant de films que l’on devine (RoseMaries baby 2002) ou encore cette scène de plage, une maternité, avec un poisson, menace ou poésie ? l’ambiguïté sexuelle (Fieber 2007) est aussi présente, dans ses sublimations des corps féminins épanouis ou dans des attitudes équivoques.
visites guidées gratuites
Catalogue de l’exposition
Xenia Hausner. Flagrant délit. Collection Würth et prêts
Format : 28 x 22,5 cm, 144 pages
Édition bilingue français/allemand
Catalogue édité par Swiridoff Verlag / Musée Würth France Erstein
Prix : 52 ¤
Avec des contributions de Rainer Metzger, Michaël Haneke, Peter-Klaus Schuster.
Photos courtoisie du musée Wurth.