Edouardo Chillida – Lieu de rencontre à la Fondation Maeght

Elle se termine aujourd’hui dimanche 13 novembre 2011, l’exposition
d’Edouardo Chillida – Lieu de rencontre (vidéo)à la Fondation Maeght de St Paul de Vence.
C’est un plaisir simple et délicieux de grimper à travers les villages des Alpes Maritimes pour arriver jusqu’à la Fondation. Le jardin des sculptures vous accueille avec ses Miro, Calder, Kricke, les Amoureux, mosaïque de Marc Chagall, Zadkine, cette fois Chillida y est l’honneur, avec les « Peignes du vent »

Edouardo Chillida main gauche dédicacée à Aimé Maeght

Mais pourquoi toutes ses mains dans l’exposition ?  Tantôt la droite, tantôt la gauche, en dessins au crayon , à l’encre, à l’ eau-forte, en collages.
Chillida considérait que la main était l’instrument de création, le geste d’écarter les doigts ou de les resserrer, lui faisait entrevoir les formes de son art, la sculpture. Il s’exerçait à dessiner sa main gauche avec la droite, puis lorsqu’il se rendit compte qu’il y réussissait avec trop de facilité, il se contraignit à dessiner sa main droite avec sa main gauche.
Dans la cour Giacometti, c’est encore le « forgeron » qui a pris la place, avec des pièces de la collection de la famille Chillida.
Edouardo Chillida - Accolade 1991 acier famille Chillida

C’est avec ses mains qu’il fabrique le bronze, sculpte l’albâtre, découpe  le marbre, forge l’acier, façonne la terre et le béton, équarrit le bois, soude, ponce, des formes géométriques, des espaces.
Les dessins faits de papier et de fil, des collages, parfois par combinaison des matériaux, sont accrochés au milieu des 140 œuvres exposées.
Edouardo Chillida - albâtre 1965 Etude Hommage à Kandinsky - Fondation Maeght

Il rend hommage à ses amis, artistes, galeristes, portrait au crayon,  son marchand qui était Maeght, en magnifiant les formes , dans la pureté des matériaux utilisés.
Edouardo Chillida portrait 1966 crayon sur papier Famille Chillida San Sebastiàn

Une vidéo dans la chapelle aux vitraux bleus de Miro relate sa vie, simple où son art était toute sa passion.
La Fondation Maeght est un musée privé au milieu de la nature qui est toujours  plaisant à visiter en toute saisons.
photos de l’auteur
 

La couleur en avant au Mamac de Nice

« Apprenez à penser en couleurs, et vous verrez le monde autrement ! »
Nous propose Dominique Simonnet dans la préface du petit livre des couleurs de l’historien anthropologue Dominique Pastoureau.
« les couleurs sont la musique des yeux … Certaines harmonies de couleurs produisent des sensations que la musique elle-même ne peut atteindre »
Extrait du Journal d’Eugène Delacroix (le dialogue du visible René Huyghe)
En effet le voyage au Maroc, a été un coup de foudre, libérant sa vision de la lumière et des couleurs, cela a été une révélation et a transformé totalement sa palette.
Le Mamac nous en fait une démonstration magistrale en mettant
« la couleur en avant ! »

Nice Mamac


 Dès la montée des escaliers, la couleur vous saisit. Elle est la star de l’exposition et prend toute son autonomie. Une même jouissance de la palette que l’on peut étendre à la cinquantaine d’artistes choisis par le commissaire Gilbert Perlein, conservateur en chef et directeur du Mamac de Nice, assisté de Michèle Brun et de Rébecca François que je remercie de tout cœur ici pour son formidable accueil.
Louis Cane (1943) Denis Castellas (1951) César (1921-1998) Marc Chagall (1887-1985) Max Charvolen (1946) Marc Chevalier (1967) Albert Chubac (1925-2008) Daniel Dezeuze(1942) Erik Dietman (1937- 2002) Noël Dolla (1945) Raoul Dufy (1877-1953) Max Ernst (1891-1976) Robert Filliou (1926-1987) Roland Flexner (1944) Jacqueline Gainon (1951) Ellsworth Kelly (1923) Yves Klein (1928-1962) Rotraut Klein Moquay (1938) Fernand Léger (1881-1955) Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud (1974/1973) Ludovic Lignon (1966) Arnaud Maguet (1975)Eric Michel (1962) Robert Malaval (1937-1981) Henri Matisse (1869-1954) Serge III Oldenbourg (1927-2000) Bernard Pagès (1940) Pablo Picasso (1881-1973) Eve Pietruschi (1982) Pascal Pinaud (1964 Niki de Saint Phalle (1930-2002) Patrick Saytour (1935) Adrian Schiess (1959) Nicolas de Staël (1914-1955) Cédric Teisseire (1968)Xavier Theunis (1979) Bernar Venet (1941) Claude Viallat (1936)
Les artistes exposés, sont natifs de la région pour la plupart, ou du moins y ont séjourné à un moment de leur existence, ils sont tous de stature internationale. C’est une explosion des couleurs primaires avec l’américain Ellsworth Kelly qui dès son arrivée dans le midi, abandonne son bi-chrome noir et blanc, pour s’adonner au rouge, jaune, bleu et devient ainsi le père fondateur de l’abstraction géométrique américaine.
Ellsworth Kelly - Red, Yellow, Blue I 1963 Fondation Maeght

Les papiers découpés peints à la gouache de Henri  Matisse, par une recherche savante, avec de délicats blancs, composent la danseuse créole, qui fait partie du thème de la danse choisie par le Dr Barnes. La femme à l’amphore, créée à la toute fin de sa vie est à l’inverse du processus, c’est le fond qui est gouaché en bleu, disposé en positif et la forme féminine qui est en réserve est en négatif.
Picasso, Mère et enfants jouant 1951 succession Picasso

Picasso peint de manière simplifiée, en aplats de couleurs primaires, Françoise Gilot, étendue sur une serviette jaune débordant sur les enfants, Paloma jouant dont la tête émerge d’un fond rouge, et Claude sur fond bleu sur un tricycle, le tout sur fond bleu, encadré de vert, belle scène de sérénité et d’intimité en un jeu spéculatif de la couleur.
Yves Klein salle au Mamac

Yves Klein renonce à la figure, à la ligne et à la forme pour avancer dans le champ sensible de la couleur pour aller vers l’absolu.
Fernand Léger, ( que je retrouverai le lendemain à la Fondation Maeght) s’émancipe de ce qu’il faisait jusqu’à présent, tracer des contours, qu’il remplissait de couleurs, il leur donne leur autonomie en peignant de grandes surfaces en ne tenant plus compte des lignes noires.
Dufy pose la couleur indépendamment de la forme sous-jacente, voyant courir sur la plage, une petite fille vêtue de rouge, il s’aperçoit que la mémoire garde la trace de la couleur, plutôt que de la petite fille elle-même. On dit de lui qu’il peint en dessinant et dessine en peignant, phénomène paradoxal et facteur de trouble au regard de la tradition.
Roland Flexner - sans titre 2011

Roland Flexner juxtapose deux monochromes verts en tonalités légèrement différentes et laisse transparaître en filigrane la silhouette fugace d’un pleurant. La capuche dissimule totalement son visage et rend toute identification impossible. Cela ajoute au mystère du recueillement et pour moi cette image restera gravée très longtemps dans mon esprit.
Les œuvres de Niki de St Phalle sont très présentes ici, étant donné qu’une donation de sa succession y est exposée en partie. Les blessures infligées à ses œuvres par les tir de peintures de couleurs, s’inscrivent comme une biographie de l’artiste, l’attitude de sa mariée siestant sous un arbre  (à 0.50) me renvoie au visage renversé de Jan Fabre dans la Pietà vue à Notre Dame de la Misericordia à Venise.
Niki de St Phalle - Cathédrale Rouge 1963

Jean Charles Blais a collé dans les couloirs qui relient deux salles les papiers qui ornaient la station de métro de l’Assemblée nationale.

Il me faudrait parler du magnifique Hartung et de bien d’autres.
Pour terminer une cimaise peinte en rouge sang, à connotation politique laisse en réserve la phrase en blanc d’un prisonnier
« Détenus de l’intérieur » signée Jean Baptiste Ganne.
Jean Baptiste Ganne - Détenus de l'intérieur Grafitti 2010

Tout le musée est à la gloire de la couleur, les couloirs, les extérieurs, les cages d’escaliers, avec mesure et discernement. Il ne faut surtout pas oublier  la terrasse du 7 e étage que vous aurez beaucoup de mal à quitter, où s’offre à vous, la vue panoramique sur le vieux Nice, la montagne, la mer, un paysage azuréen de carte postale.
Vous avez jusqu’au 27 novembre pour visiter l’exposition
Photos de l’auteur  et visuel presse – courtoisie du Mamac

Laurence Demaison – Patrick Bailly Maître Grand – Robert Cahen

Patrick Bailly Maître Grand – LesTrophées-Tatoos (2011)

L’art une drogue légale, s’interroge Fabrice Bousteau (BA magazine) ? L’art rend-il heureux ? (Anne Cantin – Arts magazine) La réponse paraît évidente. Les artistes non reconnus, les marchands d’art ruinés, les collectionneurs obsédés, les musées déserts, vus des coulisses ne semblent pas refléter cette béatitude. Côté public, l’engouement constaté pour les expositions dans ces 20 et 21 e siècles semble une évidence. Est-ce un effet de mode où une prise de conscience, qu’il faut s’immerger dans l’art, le partager, le mettre aux programmes scolaires, afin d’aboutir à une vision humaniste de la culture. Les émotions qu’il procure, le sens qu’il peut donner à une vie, sont autant de vertus stimulantes qui devraient être inscrites dans les droits de l’homme ou du moins prescrites par la faculté (de médecine…) afin de mieux préserver nos facultés (mentales).
J’en avais rêvé, la Filature l’a réalisée : l’exposition de deux pointures de l’histoire de l’art dans les domaine précis de l’art vidéo et de la photographie, qui de surcroît habitent notre belle région : l’Alsace. Nous allons de surprise en contentement, car Patrick Bailly Maître GrandPBMG, expose conjointement avec sa moitié,
Laurence Demaison. Le couple est uni autant par l’argentique que par les liens du mariage. Quant au travail de cette moitié, il justifierait un « entier » par sa recherche, son ingéniosité, sa virtuosité.

Patrick Bailly Maître Grand Robert Cahen Laurence Demaison

Nos trois « stars » dont les liens évidents sont la poésie, l’invisible, la métaphore du temps, mais aussi l’étrangeté sont commentées elles aussi par des pointures : pour Laurence Demaison et PBMG, Muriel Berthou-Crestey, dont les titres de docteur en esthétique, critique d’art et chercheuse, indiquent immédiatement la haute tenue de la conférence d’avant le vernissage du 2 novembre 2011.
Extrait du Carnet à Facette : à lire ici  titre du blog de Muriel Berthou-Crestey
Robert Cahen, présenté, pas son ami écrivain, Stephan Audeguy , auteur de nombreux ouvrages dont la « Théorie des nuages » et le dernier sorti : Rom@, comme proustien et baudelairien, dans sa recherche du temps qu’il ne perd pas en tentant de l’arrêter, présenté dans les nombreuses conférences, données à l’occasion  de la rétrospective de ses films et vidéos en 2010 au Jeu de Paume à Paris, puis à Strasbourg, lors de la sortie du
coffret par Ecart Production en 2010 qui donne une vision de sa production de
films et vidéos entre 1973 et 2007, de son court métrage sur Pierre Boulez « les Maîtres du Temps » ,  au Fresnoy.  Stephan Audeguy a eu le privilège d’être pensionnaire (intra muros) de la Villa Médicis à Rome, comme RKN (hors les murs),
Un autre texte écrit par Hou Hanru, critique d’art, actuel commissaire de la biennale de Lyon, commissaire d’exposition né en Chine, de nationalité française, Chevalier des Arts et des Lettres,  dont le mot d’ordre est : multiculturalisme, mondialisation et pluridisciplinarité de la scène artistique, dans le livret qui accompagne le coffret du DVD et CD.
Toutes ces festivités étant chapeautées par Anne Immelé photographe, docteur en Art, professeur à l’Ecole du Quai, École supérieure d’art de Mulhouse et à l’Université Marc Bloch de Strasbourg.
Que dire après que toutes ces sommités se soient exprimées, que la presse se soit fait largement écho de l’événement ?
Ma rencontre avec Patrick Bailly Maître Grand, que je me permets d’appeler familièrement PBMG :
PGMG LA FACE et LE PROFIL (2006-2007).

Patrick Bailly-Maître-Grand , nous a accueillis dans son atelier de Strasbourg, un samedi de mars 2007. Ce fut un après midi de grâce. Il nous permit de suivre quelques-unes des innombrables pistes qu’il emprunte et explore depuis plusieurs années, avec une égale passion et une curiosité sans failles. D’emblée nous sommes fascinés par ses petites vanités, ses natures mortes. Il explore les procédés anciens et fait fi de l’aventure du numérique, qu’il trouve sans véritable imagination, ne permettant pas une réelle aventure et un enrichissement intellectuel.
Chaque matin dit-il avec malice, il a la chance de se réveiller avec une idée de sujet, qu’il s’ingénie à mener à son terme, en y consacrant toute son énergie, son temps, sa « débrouillardise » On a l’impression que son imagination est sans limites, à l’instar de ses grandes photos « les fourmis ».
Il nous raconte les réalisations de quelques unes de ses œuvres sans jamais dévoiler le « secret ». Son œuvre est multiple, astucieuse, ironique. On est presque saisi de vertige devant tant d’inventivité et de beauté pure. Inlassablement il nous montre les nippones d’eau, les digiphales, le virage, le rayogramme ou photogramme, les anneaux d’eau, les poussières d’eau, les verres d’eau, le vase, l’éclipse de 99 dans une tasse de café,
Patrick Bailly Maître Grand – Les Vanités

les Véroniques, les Maximilennes, Sirius, le hasard et la nécessité, le pâté d’alouettes, les gemelles, les comas, la mélancolie, son autoportrait en vampire. Sur son site en lien sur mon blog,  vous pouvez retrouver toutes les photos,
Nous tombons tous en amour devant Endroit en verre, j’en oublie beaucoup. Il nous fait une démonstration rapide de la caméra oscura. Je commence à gamberger devant les herbes….
Pendant des mois, les herbes de PBMG ont hanté mon imagination, je les voyais chez moi, sur mon mur blanc, zen, propices à la réflexion calme. Mais il me fallait créer un cadre digne de les acquérir. Un beau jour c’est arrivé, j’ai réussi à convaincre ma moitié d’aller à la rencontre de PBMG, d’acquérir enfin les Herbes convoitées.
Depuis je les salue au quotidien, je recherche les détails, les petites bestioles prises dans le faisceau du rayogramme. Quand mon moral est en baisse, il me suffit de les regarder pour que le calme et la sérénité m’inondent. Son oeuvre s’est continuée toujours aussi inventive et mystérieuse, montrant une intelligence du regard.
Magicien de la photographie, Patrick Bailly est un Grand Maître. Jamais patronyme n’a été si bien porté.
PBMG de souligner la phrase de Walter Benjamin  et son analyse de l’image photographique et de souscrire à la phrase d’un photographe américain, Harry Callahan :
« je photographie les choses pour voir à quoi elles ressemblent une fois que je les ai photgraphiées »
raisonnement qu’il considère unique de ce qu’est une photographie, un éclairage du regard.
La conférencière a cité Janus avec à propos, je lui préfère l’orchidée de PBMG  (photo )   de vœux de bonne année, sa signification  fortement érotique, sa grande richesse d’expression, sa merveilleuse fantaisie qui la caractérise est le symbole du désir d’amour et de plaisir. Sa zygomorphie m’offre une opportunité que je saisis avec plaisir pour vous parler de Laurence Demaison.

D’après ses photographies et son catalogue, je la voyais très grande et blonde, mais à ma grande surprise elle est plutôt grande certes mais brune. Telle l’omniprésente Cindy  Sherman, elle se transforme, se travestit, avec des perruques, des vêtements,  des masques, le visage et le corps ensanglantés, quelques fois gore, le rêve de presque toutes les femmes, d’être toutes les femmes, chaque fois une autre, tout en étant la même. Le travail photographique de Laurence Demaison est exclusivement constitué d’autoportraits (sauf  les séries « Radiopthérapie » et « Si j’avais su »).
Laurence Demaison

Les techniques utilisées – prise de vue, développement, tirage – sont argentiques et réalisées par l’auteur. Aucune manipulation particulière n’intervient au-delà de la prise de vue (sauf inversion chimique des films pour certaines séries)
Son travail orienté sur son corps, sur sa nudité où se mêlent érotisme, mystère, féminité, désir de choquer, réminiscences d’enfance, autobiographie ? C’est à elle de répondre, invisible, tout en étant visible et lisible ?  Ne dit-on pas que chaque artiste dans son œuvre fait son autoportrait, alors Laurence Demaison qui êtes-vous réellement ?
Photographies, dessins et peintures, tantôt  superposés, tous les possibles lui appartiennent.
Robert Cahen
Robert Cahen – L’eau qui tombe

« C’est en regardant longtemps de l’eau tomber, et en écoutant le bruit de sa chute, que le temps semble s’arrêter ».
Robert Cahen

La vidéo est dans une certaine mesure comparable à une lanterne magique, objet proustien grâce auquel l’enfant qui est en l’homme peut projeter des images sur les murs de sa chambre, se raconter des histoires pour échapper au temps ; mais l’artiste, lui, connaît le secret du monde, et les vidéos de Robert Cahen le révèlent comme les derniers mots de :  À la recherche du temps perdu
Stephan Audeguy


Robert Cahen, rebaptisé sans son autorisation RKN, le monde entier connaît sa haute silhouette vêtue de noir, boucles devenues blanches, yeux bleus au regard soutenu, à la démarche virevoltante, voire flottante. RKN à l’image de certains oiseaux migrateurs qui voguent d’un continent, l’autre, à la rencontre de la beauté et de la poésie du monde, qui sont au cœur du travail de RKN. Mais qu’est-ce qui fait courir RKN ?
Il n’est jamais à court d’idées, un projet à Macao juxtapose un autre en Colombie.

Robert Cahen Artiste vidéo

Du pôle nord, à l’équateur, en passant par l’Asie, les Etats Unis,  l’Europe, l’Alsace,  aux antipodes du monde, tout l’intéresse. Les traces de ses envolées sont visibles. Son œuvre vidéo est là pour nous montrer ses voyages et la réalité qu’il en extrait.  Dans ses nombreux voyages, il regarde défiler, le paysage, les gens. C’est ainsi que l’on croit percevoir, des souvenirs d’enfance, de vie d’adultes de tous âges, de toutes nationalités, avec une préférence pour l’Asie, des références cinématographiques à Hitchcock teintées d’érotisme, de fétichisme. Ce sont des rencontres, des apparitions, des disparitions,  qui évoquent le passage éphémère des choses et du temps. Ce temps suspendu, étiré, proustien dixit Stephan Audeguy, saturnien, onirique, où les personnages effectuent des passages, pour devenir flou avant de disparaître.
Les images sont musicales, les sons qui les accompagnent sont une évidence, le compositeur de musique concrète a rejoint l’œil du cinéaste, non pas comme dans un documentaire, mais dans un conte de souvenirs, une invitation à voir et regarder les choses, la beauté du monde, par le prisme du poète.
Dans un temps ralenti, arrêté,  pour mieux voir et en même temps nous faire toucher du regard, sinon de la conscience de l’éphémère de la vie. De l’eau qui coule, des corps qui flottent, comme le temps, la vie qui s’écoulent de façon immuable. Par cela même c’est une évocation constante de la mort, voire d’êtres chers disparus.
Contempler, pour en extraire les grâces, il a inventé un rapport à la beauté du monde. Affinité touchante avec les estampes, un désir de rendre au monde sa réalité, un rapport au temps et à l’éternité, tout en nous emmenant dans son voyage dans l’imaginaire.
C’est un personnage touchant, aux rêves communicatifs, ses amis du monde entier peuvent témoigner de sa curiosité, de sa cordialité, de son amabilité, et de son ouverture au monde,  dans la conception de  Hou Hanru, du multiculturalisme, de la mondialisation passive et de sa théorie :
« La force des artistes réside avant tout dans leur capacité à bousculer les concepts de frontières, de fermeture », « L’art est, par définition, synonyme d’ouverture et de main tendue », si simples et si terribles : tout est dans le temps. »
Hou Hanru.
Photos 1 et 2 Site de PBMG
autres photos et vidéos de l’auteur
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Bernard Latuner – Peplum au musée des Beaux Arts

 
Bernard Latuner Peplum les Romains de la décadence 2003 acrylique

Natif de Mulhouse, Bernard Latuner est un artiste aux orientations multiples : peintre abstrait dans les années 60-70, il engage progressivement un virage figuratif, et laisse apparaître dans les années 80 les prémices de ses réflexions sur le « Péplum ».
Le terme « péplum » est un écho au style cinématographique bien connu, mettant en scène l’Antiquité dans ses acceptions les plus diverses, autant qu’un prétexte à dépeindre une société à travers le prisme de la mise en scène de l’histoire.
Artiste critique, nourri d’images et de lectures, Bernard Latuner offre là une exposition rétrospective d’une série de peintures engagée depuis les années 2000 et présente des œuvres inédites pour l’occasion. Quand l’antiquité rime avec actualité…

Bernard Latuner Peplum - People acrylique 2008

Bernard Latuner nous livre son âme d’enfant enrichie par ses réflexions d’adulte, on peut y déceler aussi ses fantasmes, mais aussi constater que l’histoire se répète.
Ben Hur,Samson et Dalila, Jules Cesar, Quo Vadis,Spartacus, ou, plus près de nous, Gladiator, Troie, Alexandre… Chefs-d’œuvre ou nanars, Bernard Latuner a tout vu, tout décortiqué. « Je suis un fou d’image. » Ses toiles, format grand écran, reconstituent des scènes fameuses. Charlton Heston dans la course de char de Ben Hur, Marlon Brando dans Jules Cesar, Anthony Quinn et Jack Palance dans Barabbas, Brad Pitt dans Troie… Les amateurs prendront un vrai plaisir à retrouver leurs héros. La guerre, le pain et les jeux, la mégalomanie, l’amour du pouvoir, l’érotisme, le culte du corps, les amours de légende, tout y est… Et bien plus… l’analogie avec la période actuelle est évidente .Car comme le souligne Bernard Latuner, « le péplum est un genre pervers ». Et s’il est à nouveau à la mode dans le cinéma américain, « c’est, dit-il, parce ce qu’il permet de justifier l’intervention américaine en Irak. Le péplum a toujours véhiculé un message camouflé… » « Stalingrad est un péplum »  répète t’il..
Grands et petits prendront plaisir à arpenter les salles pour y découvrir les nombreux détails et allusions qui affluent, mais seront aussi admiratifs de la palette de l’artiste et émus devant l’hommage au père.
Bernard Latuner Peplum - Au nom du père 2009-2011 acrylique

 
Les poupées Barbie, prêtent leurs cors à la Naissance de Vénus, font la danse des sept voiles,  l’enlèvement des Sabines nous font participer à une orgie romaine. Narcisse, Diane et les guerriers font sourire.
La vidéo de la  chute nous remémore la triste actualité avec son dictateur déchu et sa statue renversée.
Bernard Latuner Peplum

Les fragments à la petite fille jouant à la poupée, Prométhée apportant le feu, ainsi que Satyre et Ménade, nous mettent en situation  de découvertes de tranches d’histoire antique.
Arrêtez-vous un moment devant la vidéo ou l’acteur Bernard Bloch et ses compagnons racontent la vie du gladiateur Darius.
Bernard Latuner Peplum - la Nouvelle Rome 2009 - 2011 Polystyrène

Les romains de la décadence, tel un Thomas Couture contemporain domine la grande salle, où s’étend la  Nouvelle Rome éblouissante de blancheur, où foisonnent les détails, où Bernard Latuner a laissé courir son âme d’enfant , apothéose de cette très belle exposition.
Bernard Latuner Peplum - Pouvoir acrylique 2006

 
Une belle tranche d’histoire, rapportée avec talent, haute en couleurs, en épopée, en épisodes de vie, un panorama étonnant nous est conté par le mulhousien Bernard Latuner à l’image d’un Gérome mis à l’honneur la saison passée à Orsay.
jusq’au 15 janvier 2012 au musée des Beaux Arts de Mulhouse
entrée gratuite
 
photos de l’auteur – courtoisie de l’artiste
A l’occasion de l’exposition vous pouvez suivre les festivités suivantes :
Jeudi 20 octobre – Conférence dans le cadre du Cycle de conférences SHGM 2011-2012 «  Les métiers de l’historien ». Sur réservation au 03.89.33.78.10

  • à 18h30, Salle de la Décapole Musée Historique

« La cuisine de l’historien » Par Odile KAMMERER
Professeur émérite d’histoire médiévale de l’Université de Haute Alsace, vice-présidente de la SHGM
Comme la justice fondant ses jugements sur le droit mais aussi sur des prélèvements d’ADN, l’historien fait appel aux sciences de la vie, à l’archéologie, aux disciplines plus spécialisées comme l’héraldique, la sigillographie, la paléographie etc. Toutes ces sciences permettent à l’historien d’analyser et critiquer des faits de civilisation pour la compréhension desquels la documentation écrite, quand elle existe, ne permet pas d’approcher globalement « la vraie vie ».
 
 
Vendredi 21 octobre – Concert. Sur réservation au 03.89.33.78.10

  • à 20h au Musée Historique, Concert « Antichi Strumenti » : « Gaspard Weiss, flûtiste mulhousien du XVIIIème siècle ».

 


Mercredi 26 octobre – Animations autour de l’exposition « Péplum » de Bernard Latuner 

  • à 15h : animations autour de l’exposition Péplum de Bernard Latuner
  • de 15h à 16h30 : atelier pédagogique tout public « Mulhouse, ma belle ruine ». En s’inspirant de la peinture d’histoire du XIXème siècle et de l’installation « La nouvelle Rome » de Bernard Latuner, les enfants seront invités à imaginer une nouvelle image de Mulhouse, cité idéale, rêvée et transformée. Pour les enfants de 7 à 10 ans. Sur réservation au 03 89 33 78 10. (10 places). RDV au Musée des Beaux-Arts.
  • à 18h30 : visite-guidée de l’exposition Péplum, en présence de l’artiste Bernard Latuner. Animation : Mickaël Roy. Sur réservation au 03 89 33 78 10

 
 
Mercredi 26 octobre – Ciné Club : « Romulus et Remus »  (1961) de Sergio Leone et Sergio Corbucci

  • à 19h30 : projection du film « Romulus et Remus » (1961) de Sergio Leone et Sergio Corbucci avec Steve Reeves, Gordon Scott, Virna Lisi – 105 minutes. Ciné-club « Péplum » co-organisé par le Musée des Beaux-Arts et l’association Musées Mulhouse Sud Alsace à l’occasion de l’exposition « Péplum » de Bernard Latuner.

Ø      Réservation obligatoire (visite et/ou projection) auprès de Musées Mulhouse Sud Alsace au 0800 940 360 (appel gratuit) 
 
 

Tra au Palazzo Fortuny de Venise

 

Michael Borremans TRA

Pour se rendre au Palazzo Fortuny, il faut d’abord accepter de se perdre dans les ruelles de Venise. Il n’est pas rare d’y croiser des visiteurs revenant sur leur pas à la recherche de cette haute bâtisse dont l’entrée est nichée sur une petite place. Caché par son échafaudage, il n’est pas visible au premier coup d’œil, même si on se trouve devant.
Une entrée en matière idéale pour une exposition répondant à un titre étrange : « Tra ». Trois lettres qu’on retrouve dans les mots traversée, transport, traduction, transformation, mais aussi   l’anagramme d’ART,  Autant de mots en lien avec l’idée de voyage, de passage d’un monde à un autre.
Cette manifestation a été imaginée par le belge Axel Vervoordt qui, depuis plusieurs années, présente dans le cadre magique du Palazzo Fortuny, des expositions mêlant artistes présents et passés, œuvres d’art et objets vernaculaires, créations occidentales et orientales…
Plus que jamais il assume ici cette notion de « passage d’un univers à l’autre, proposant un parcours basé sur les échanges de connaissance, d’idées et d’information entre les cultures, en particulier occidentale et orientale ».
Dès les salles du rez-de-chaussée, les univers se croisent, entament un dialogue, dans une présentation aérée mais riche en découvertes.
Giacometti Objet Invisbile

Objet invisible de Giacometti accueille le visiteur. Un personnage tout en longueur comme le sculpteur nous y a habitué, semblant transporter entre ses mains un objet invisible. Quoi de mieux pour débuter un parcours qui invite à abandonner habitudes et préjugés pour découvrir la vidéo superbe de Shirin Neshat, les éclairs explosant dans le ciel d’Hiroshi Sugimoto, les cocons géants d’Adam Fuss, une petite toile de Michael Borremans
Hiroshi Sugimoto - TRA - Palazzo Fortuny Venise

Au hasard des salles et des étages, on croise Rodin, Fausto Melotti, Antoni Tapies, Luc Tuymans, Christina Garcia Rodero, Lucio Fontana, Zurbaran, Rothko, Matthew Barney… Une vraie déferlante d’artistes de renom, de toutes les époques et de toutes les cultures.
L’exposition n’a pourtant rien d’un bottin mondain. Elle tient plus du cabinet de curiosités.
On peut même la parcourir sans rien savoir des auteurs des différentes œuvres.
Le tout baigne dans une pénombre trouée de projecteurs. Le public se retrouve hors du temps, puisqu’il est simultanément dans toutes les époques. La magie du résultat doit cependant beaucoup à Fortuny, dont plusieurs robes se voient exposées. Fortuny lui-même aspirait à créer des vêtements sans rapport avec une mode.
Un luxueux désordre soigneusement agencé pour inventer un monde hors du monde,
que l’on peut contempler, en se vautrant  sur une banquette au milieu des trésors
TRA détail

On se laisse alors emporter dans un vrai voyage où seul compte ce que nos yeux nous font ressentir. Car les expositions d’Axel Vervoordt se distinguent toujours par les juxtapositions judicieuses, audacieuses, inattendues ou lumineuses des œuvres les plus diverses.
En ce sens, une des plus belles réussites est sans doute l’installation du deuxième étage. Les murs lépreux du Palazzo ont des airs d’œuvres abstraites contemporaines sur lesquelles s’ouvrent plusieurs portes d’artiste (Kounellis, Bartolini, Donzelli…).
Anish Kapoor - TRA - Palazzo Fortuny Venise

Celle d’Anish Kapoor, simple cadre rouge s’ouvrant sur l’ensemble de l’espace et des œuvres est d’une évidence éblouissante.
Au Palazzo Fortuny, il faut savoir prendre le temps d’aller et venir, de repasser plusieurs fois dans les mêmes salles pour en appréhender toutes les richesses. Et ne pas oublier de gravir les dernières marches pour découvrir une installation de pierres et de cordes par Günther Uecker ou encore les toujours émouvants ballots de tissus de la Coréenne Kim Sooja. (vue à la Maison Rouge) (clin d’oeil à Heyoung et RKN)
Kim Sooja

Un voyage qu’on ne risque pas de regretter.
« Tra », jusqu’au 27 novembre, Palazzo Fortuny, Venise. Infos : www.visitmuve.it.
Images Internet + photo Maison Rouge + Fondation Maeght
les photos sont interdites au Palazzo Fortuny
 

Le surréalisme à Paris à la Fondation Beyeler

Salvador Dali- Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade, une seconde avant l’éveil, (1944) du Museo Thyssen Bornemisza de Madrid.©

 La Fondation Beyeler consacre une grande exposition au surréalisme à Paris. On y pénètre de plein pied, en entrant dans l’exposition, les murs blancs de la Fondation se sont couverts de gris anthracite, pour mieux nous plonger dans l’ambiance de cette époque. Les salles portent le nom de lieux existants ou imaginaires avec leurs titres poétiques. Chacune d’elles est dédiée à un thème, voire à un collectionneur. C’est une immersion totale dans la période chère à André Breton et à son manifeste. Artistes, toiles, sculptures, documents rares, bijoux concourent à nous initier à cette période importante de l’histoire de l’Art.
Il faut prendre son temps et cheminer de salle en salle à la découverte du lieu et de l’exposition concoctée avec talent et savoir, par Philippe Buttner, commissaire et conservateur à la Fondation Beyeler  qui présente un aperçu de l’ensemble de ce mouvement.
Le surréalisme est l’un des mouvements artistiques et littéraires les plus influents du XXe siècle. Il s’est développé à Paris dans l’entre-deux-guerres avant de prendre son essor et d’exercer une influence mondiale qui persiste encore aujourd’hui. De célèbres représentants de l’art moderne en ont fait partie, en ont été proches ou en ont tiré une source d’inspiration. Ils recherchaient une transformation radicale et un élargissement des possibilités expressives et des effets de l’art et de la poésie. Il s’agissait d’exploiter certains aspects de la psyché et de la créativité encore inutilisés pour féconder le processus de création artistique, mais aussi toute l’existence humaine.
Profondément marqués par l’expérience de l’absurdité de la Première Guerre mondiale, les surréalistes ont élaboré sous l’égide du théoricien du groupe, André Breton, des concepts artistiques inédits qui les ont conduits à créer un art différent de tous, qui trouve sa source dans l’imagination poétique, le rêve et l’inconscient. Ils prirent essentiellement pour modèle Sigmund Freud, mais aussi de nombreux écrivains et poètes comme le marquis de Sade, Charles Baudelaire, le comte de Lautréamont et Arthur Rimbaud, ou encore Edgar Alan Poe, sans oublier les romantiques allemands.
L’exposition de la Fondation Beyeler «Dalí, Magritte, Miró – Le Surréalisme à Paris»
Giorgio de Chirico Le mauvais génie d’un roi, 1914/15 Huile sur toile, 61×50,2cm The Museum of Modern Art, New York Photo: © 2011, The Museum of Modern Art, New York / dist. Scala, Florence© 2011, ProLitteris, Zurich

comprend environ 290 oeuvres et manuscrits d’une quarantaine d’artistes et d’auteurs, dont 110 peintres, 30 objets et sculptures, 50 travaux sur papier, 50 photographies, 30 manuscrits et éditions originales, 15 bijoux, et 4 films. Ils sont regroupés dans les salles en partie par artistes, en partie par centres thématiques. On trouvera d’abord des oeuvres de Giorgio De Chirico, que l’on peut considérer comme un précurseur décisif du surréalisme grâce à ses vues urbaines et à ses intérieurs des années 1910. Ces travaux sont associés à de précieux manuscrits et à de rares éditions de textes surréalistes, dont les versions autographes des manifestes surréalistes influents d’André Breton.
 
Hans Arp le coquetier ivre 1926

On découvrira ensuite deux artistes clés de ce mouvement, Joan Miró et Max Ernst. Miró, qui a exploré des espaces encore inconnus par son art onirique et sa couleur suspendue dans l’espace, y figure avec, entre autres, Peinture (Le cheval de cirque) de 1927 du Metropolitan Museum, New York. Max Ernst est également représenté par des tableaux majeurs, dont la célèbre Femme chancelant (La femme penchée) de 1923 de la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf. Après une salle consacrée à Yves Tanguy, dont les univers imaginaires infinis, peuplés d’objets mystérieux — dont témoigne notamment la toile monumentale Les derniers jours (1944) (collection particulière),— représentent une des réalisations les plus poétiques du surréalisme, on découvrira dans la salle suivante un thème central de ce mouvement, celui de l’art de l’objet. Cette salle contient notamment l’oeuvre célèbre de Meret Oppenheim Ma gouvernante – my nurse – mein Kindermädchen, (1936/1967) du Moderna Museet de Stockholm, ainsi que la création majeure de Hans Bellmer, La poupée (1935-1936) (vue à Pompidou Metz), du Centre Pompidou de Paris. Des dessins et des toiles remarquables de Victor Brauner y sont également présentés.
Hans Bellmer La poupée, 1935/36 Bois peint, papier mâché et différents matériaux,61×170×51cm Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris Photo:©Collection Centre Pompidou, dist. RMN, Paris / Georges Meguerditchian © 2011, ProLittteris, Zurich

Cette exposition se distingue aussi par la présentation de deux collections particulières
d’oeuvres surréalistes de tout premier plan. Celle de Simone Collinet, première épouse
d’André Breton, n’avait encore jamais été montrée. Simone Collinet l’avait constituée avec
André Breton dans les années 1920 et l’avait complétée après leur séparation. Cette
collection comprend notamment la toile monumentale de Francis Picabia Judith de 1929, mais aussi le tableau Le mauvais génie d’un roi de Giorgio de Chirico (1914-15) qui se trouve aujourd’hui au MoMA à New York.

Max Ernst L’antipape, 1941/1942 Huile sur toile, 160,8x127,1cm - Peggy Guggenheim Collection, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York) Photo: David Heald © The Solomon R. Guggenheim Foundation © 2011, ProLitteris, Zurich

 Une deuxième salle, conçue en collaboration avec la Peggy Guggenheim Collection de Venise, présente des oeuvres de la collection de Peggy Guggenheim, dont L’antipape de Max Ernst (1941-42), une pièce qui n’est presque plus jamais prêtée. Cette collection incarne la période de l’exil new-yorkais du surréalisme
parisien pendant la Seconde Guerre mondiale. La présentation de ces deux collections
permet de mettre en relief l’aspect essentiel de la mise en scène privée de l’art surréaliste.
 
D’autres salles accordent une large place notamment à Jean Arp et Pablo Picasso,
temporairement très proche du surréalisme. On verra sa toile d’un surréalisme marqué
L’atelier du peintre (La fenêtre ouverte) (1929) de la Staatsgalerie de Stuttgart. Suit un vaste ensemble d’oeuvres du magicien de l’image, René Magritte. Son art s’empare de façon inimitable de la réalité visible — pour mieux la détacher de tout ancrage. On en trouve un exemple majeur dans le chef-d’oeuvre précoce La clef des songes de 1930, mais aussi dans d’importantes oeuvres plus tardives comme L’empire des lumières (1962), appartenant l’un comme l’autre à des collections particulières.
 Cette exposition fait également place à une sélection concentrée de remarquables photographies du surréalisme, parmi lesquelles des oeuvres de Man Ray, Raoul Ubac, Dora Maar et Elie Lotar.
Une salle de projection présente des productions majeures du cinéma surréaliste (notamment Buñuel, Man Ray).
 Ce parcours se referme sur celui qui fut peut-être le plus célèbre des surréalistes, Salvador Dalí, et sur un groupe spectaculaire de ses chefs-d’oeuvre. On verra ainsi L’énigme du désir de 1929 conservée à la Pinakothek der Moderne de Munich, la remarquable Métamorphose de Narcisse, 1937, de la Tate de Londres et Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade, une seconde avant l’éveil, (1944) du Museo Thyssen Bornemisza de Madrid.
 
Outre des collectionneurs privés, de grandes institutions ont eu la générosité de  prêter
des oeuvres. Les plus importantes d’entre elles sont la Peggy Guggenheim Collection,
Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York) ;

Photo collection Peggy Guggenheim

Peggy Guggenheim,
grande amoureuse  des surréalistes, conseillée, par Marcel Duchamp.
La première pièce de sa collection est celle de Hans Arp le strasbourgeois, après une ydille avec Yves Tanguy elle épouse pour quelques moi en 1942, Max Ernst, auquel elle permet de fuir la France après son internement au camp des Milles près d’Aix en Provence.
 le Centre Georges Pompidou, le Musée national d’art moderne, Paris ; le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris ; la Tate, Londres ; la Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich – Pinakothek der Moderne ; la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf ; le Museum Ludwig, Cologne ; les Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie ; le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid ; le Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid ; le Museu Coleccao Berardo, Lisbonne ;
The Metropolitan Museum of Art, New York ; The Menil Collection, Houston ; The Museum of Modern Art, New York; la National Gallery of Art, Washington ; le Philadelphia Museum of Art ainsi que le Kunstmuseum de Bâle et le Kupferstichkabinett ainsi que le Kunsthaus de Zürich et l’Alberto Giacometti-Stiftung.

Philippe Buttner Commissaire Sam Keller Directeur de la Fondation Beyeler

 
Le catalogue de l’exposition abondamment illustré et édité par le Beyeler Museum AG et
Philippe Büttner, contient une introduction au mouvement, un commentaire des oeuvres exposées et s’attache tout particulièrement à la question de la présentation de l’art surréaliste — tant par les surréalistes eux-mêmes que dans les collections particulières. On y trouvera des contributions de Quentin Bajac, Philippe Büttner, Julia Drost, Annabelle Görgen, Ioana Jimborean, Robert Kopp, Ulf Küster, Guido Magnaguagno, Philip Rylands, Marlen Schneider, Jonas Storsve et Oliver Wick ainsi qu’une chronologie du surréalisme établie par Valentina Locatelli. Le catalogue de l’exposition est publié dans une édition allemande et anglaise chez Hatje Cantz Verlag, Ostfildern, 289 pages et 304 illustrations en couleur. ISBN: 978-3-7757-3161-4, CHF 68.00. avec un tiré à part en français.
 Jusqu’au 29 janvier 2012.
tous les jours de 10 à 18 h, le mercredi jusqu’à 20 h
Cette exposition devrait être présentée dans une seconde étape aux Musées royaux des
Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles (mars à juillet 2012).
Images courtoisie de la Fondation  Beyeler
 

Sommaire de septembre 2011

03 septembre 2011 : Jean-Jacques Delattre à la galerie Hors-Champs
07 septembre 2011 : Louise Bourgeois   A l’infini  – à la Fondation Beyeler
09 septembre 2011 : Max Beckmann – Paysages.
13 septembre 2011 : En vadrouille
27 septembre 2011 : Venise – la Pietà de Jan Fabre
28 septembre 2011 : Fondation Prada Venise

En vadrouille

Si vous me cherchez je suis quelque part par là
 

 
 

Max Beckmann – Paysages.

 

Max Beckmann (1884–1950) Meerlandschaft mit Agaven und altem Schloss, 1939

Max Beckmann (Leipzig, 1884 – New York, 1950) est l’un des géants de la modernité, pourtant, il se considérait comme le dernier des grands maîtres classiques. Il n’a fait partie d’aucune des avant-gardes du XXe siècle, mais son oeuvre est marquée par
l’impressionnisme, l’expressionisme, la Nouvelle Objectivité et l’art abstrait.
Pendant longtemps, Beckmann a été considéré comme un artiste typiquement allemand et ce n’est que récemment que des rétrospectives à Paris, Londres et New York ont permis
de reconnaître son importance, à un niveau international.
Contre la tendance de l’art moderne à dissoudre les genres traditionnels, Beckmann s’est  attaché sa vie durant aux genres classiques de la peinture : à la représentation de la figure humaine, sous la forme du portrait, des tableaux mythologiques et des nus, aux natures mortes et aux paysages. Réputé comme peintre de la « condition humaine », il s’est aussi
consacré intensément à la peinture de paysage et l’a renouvelée d’une façon exceptionnelle, comme presque aucun autre artiste du XXe siècle.
L’importante exposition organisée par le Kunstmuseum Basel se focalise sur ses
paysages. Elle présente 70 tableaux, parmi lesquels des chef-d’oeuvres, comme Le
Port de Gênes (St. Louis Art Museum)

Max Beckmann (1884–1950) Der Hafen von Genua, 1927

ou le Bord de Mer (Musée Ludwig, Cologne), mais aussi des oeuvres d’exception, issues de nombreuses collections privées, dont certaines n’ont quasiment jamais été montrées au public. L’évolution artistique de Beckmann se manifeste nettement dans ses paysages. Dotés d’un contenu allégorique moindre, ils donnent immédiatement à voir les magnifiques qualités picturales de ses oeuvres. La vue distanciée que Beckmann porte sur le paysage est remarquable : vues par la fenêtre, rideaux, balustrades, colonnes et points de vue en hauteur jouent souvent un rôle de médiation entre l’espace habité et la nature
illimitée.
Max Beckmann (1884–1950) Winterlandschaft, 1930

Des objets personnels, fragments de nature morte, apparaissent fréquemment au premier plan, laissant deviner la présence de l’artiste. La dramaturgie des regards montre bien que Beckmann associe l’image d’un paysage abstraitement élaboré au souvenir d’une impression paysagère qui est au fondement de chaque tableau. Le regard qu’il porte sur la nature clarifie sa position et le place dans un certain rapport au monde. Comment ce rapport se modifie, c’est ce dont témoignent les paysages peints au cours des différents épisodes de sa vie, tel le tournant de Francfort-sur-le-Main, après la Première Guerre mondiale, ou les années d’exil à Amsterdam.
Max Beckmann (1884–1950) Meeresstrand, 1935

Max Beckmann est né un 12 février 1884 à Leipzig.  Sa famille s’installe à Brunswick en 1894.  De 1900-1903  il étudie à l’École des Beaux-Arts du Grand-Duché de Saxe-Weimar. Après avoir décroché son diplôme, il passe quelques mois à Paris.  De 1904-1914 Beckmann vit à Berlin où il devient membre de la Sécession berlinoise ; il sera plus tard l’un des membres fondateurs de la Sécession libre.
En 1906, Il épouse Minna Tube, puis en 1908 nait  son fils Peter.

De 1914 à 1915, Il est aide-soignant pendant la Première Guerre mondiale.
Suite à une dépression nerveuse, Beckmann s’installe à Francfort-sur-le-Main en 1915.
Ce changement de lieu marque un tournant artistique. Un an  après avoir divorcé de sa première femme, en  1925, il épouse Mathilde von Kaulbach, dite Quappi.

Un première grande rétrospective en 1928 a lieu à la Kunsthalle de Mannheim. Il commence à enseigner au Städelsches Kunstinstitut. Il loue un appartement et un atelier à Paris. Dans l’expostion figurent quelques toiles de son séjour parisien, ainsi que quelques paysages de la côte d’azur notament des paysages de neige. La crise économique mondiale (1932) le contraint à se défaire de son atelier et de son appartement parisiens.

Max Beckmann La Sacré Coeur sous la neige

Le 30 janvier 1933,  les Nationales-Socialistes accèdent au pouvoir. Beckmann est démis de ses fonctions de professeur un peu plus tard. Il déménage à Berlin. Puis il fuit à Amsterdam en 1937.
Les  oeuvres exposées dans les musées allemands sont confisquées. En 1938, Beckmann participe à l’exposition Twentieth Century German Art à Londres
Le 10 mai 1940, lorsque les troupes allemandes entrent aux Pays-Bas, cela l’empêche, pour plusieurs années, de voyager à l’étranger. Le 4 mai 1945 c’est l’ entrée des Alliés à Amsterdam, en tant que citoyen allemand, Beckmann redoute d’être expulsé de Hollande. Ce qui le fait accepter en1947, un poste à la Washington University Art School à Saint Louis.
En 1949,  il est nommé à la Brooklyn Museum Art School à New York.
Max Beckmann meurt le 27 décembre 1950, à New York.
C’est ainsi que l’exposition suit un accrochage chronologique et thématique, montrant la correspondance et les divers catalogues de ses expositions dans des vitrines.

 À l’occasion de cette exposition parait un catalogue richement illustré, Max
Beckmann – Die Landschaften, aux éditions Hatje Cantz. Il comprend des
contributions de Hans Belting, Eva Demski, Nina Peter et Beatrice von Bormann et sera aussi disponible en anglais (Max Beckmann – The Landscapes).
www.shop.kunstmuseumbasel.ch
Deux autres expositions complètent idéalement ce parcours et offrent une occasion
unique d’appréhender l’ensemble de l’oeuvre de Beckmann : « Max Beckmann. Face
à face », au Musée des Beaux-Arts de Leipzig (17 septembre 2011 – 22 janvier 2012)
et « Max Beckmann et l’Amérique », au Städel Museum de Francfort-sur-le-Main (7
octobre 2011 – 8 janvier 2012).
Les commissaires de l’exposition sont  Bernard Mendes Bürgi et Nina Peter
Jusqu’au 22 janvier 2012 au Kunstmuseum de Bâle
images visuels presse courtoisie du Kunstmuseum, sauf la dernière photo de l’auteur
clic sur les images pour les agrandir

Louise Bourgeois A l’infini – à la Fondation Beyeler

À l’occasion du centenaire de la naissance de Louise Bourgeois (25.12.1911 – 31.5.2010)
la Fondation Beyeler rend hommage à l’une des personnalités artistiques les plus remarquables et des plus influentes de notre temps.

Louise Bourgeois - Maman - Bronze avec patine de nitrate d’argent, acier inoxydable et marbre, 927,1 x 891,5 x 1023,6 cm

Louise Bourgeois, d’origine française, qui s’installa à New York en 1938, est devenue en quelques années un cas particulier dans l’histoire de l’art, référence majeure de l’art moderne et contemporain par son œuvre polymorphe.
Artiste aujourd’hui parmi les plus admirées, elle fut reconnue à près de soixante-dix ans. C’est selon elle, cette reconnaissance tardive qui lui permit de travailler en toute tranquillité. De ce fait elle échappe à tous les courants esthétiques : le surréalisme, l’expressionnisme abstrait, l’art conceptuel – elle ne s’est laissée séduire par aucun d’eux, et est restée rétive à toute classification. Se méfiant des concepts et théories, c’est sur son roman familial, sur sa sensibilité de femme et sur « le paradis de l’enfance », qu’elle s’appuya pour réaliser son travail. Quel que soit le mode d’expression employé, le moteur de son art réside dans l’exorcisme des traumatismes d’enfance, influencé par sa position singulière entre deux mondes, entre deux langues, entre le féminin et le masculin, ordre et chaos, organique et géométrique.
Sa sculpture hybride, témoigne de ce va-et- vient entre deux pôles opposés, de ce dédoublement.
En allant au plus profond de son inconscient, LB rejoint les mythes universels, donnant une version à la fois obscène et dionysiaque de la figure maternelle.
C’est  aussi son rapport au père, qui introduisit sa maîtresse Sadie, une jeune gouvernante anglaise, dans la maison familiale,  la mère consentante (avait-elle un autre choix ?), s’enferma dans le silence. Ils vécurent ainsi pendant une dizaine d’années. L.Bourgeois parle de cette expérience comme d’une « trahison », qui fut également la faille d’où surgissent la rage et la source créatrice. Si cela se passait dans les années trente à Paris, ce ne fut qu’en 1982 que Louise en parla et mit cette histoire en rapport avec l’œuvre, avec ses peurs et son besoin de « réparer » par la sculpture.
The Insomnia Louise Bourgeois

Cette exposition présente environ 20 pièces, pour certaines en plusieurs parties, offrant un condensé de l’oeuvre de Bourgeois qui rend compte des thèmes centraux de sa création : son intérêt pour d’autres artistes, son rapport conflictuel avec sa propre biographie et sa volonté de traduire des émotions dans des créations artistiques. Parallèlement à des oeuvres et à des séries conservées dans des musées internationaux  de renom et de grandes collections particulières, on pourra découvrir de nouveaux  travaux – dont le cycle tardif À l’infini (2008) – qui n’ont encore jamais été montrés. Des ensembles d’oeuvres  issues de la Collection Beyeler leur viennent en résonance. La rencontre avec les toiles de Fernand Léger et de Francis Bacon est particulièrement enrichissante, tout comme la juxtaposition avec les sculptures d’Alberto Giacometti. Ces artistes, avec lesquels Louise Bourgeois a entretenu une relation spéciale, ont été pour elle des présences marquantes et stimulantes. Mais aussi la juxtaposition avec la femme de Cézanne et un paysage de van Gogh.
À l’infini –  Alberto Giacometti L’homme qui marche
A l'Infini + Giacometti

Sur 14 gravures de grand format, Louise Bourgeois a donné libre cours à son imagination graphique à l’aide de couleur, de mine de plomb et d’ajouts de papier. Comme presque toutes ses œuvres, À l’infini est une sorte d’autoportrait constitué d’émotions devenues images, ou de fragments d’inconscient qui ont pris forme. Dans le thème de cette série d’aspect très poétique consacrée au principe de la vie humaine formée d’un nombre infini de configurations de rencontre analogues mais jamais identiques, les enchevêtrement de lignes d’À l’infini se rapprochent des sculptures de Giacometti. Les efforts que ce dernier fit toute sa vie durant pour représenter la complexité du mouvement, pour le concevoir comme une succession d’immobilités, ainsi que ses tentatives pour représenter la réalité essentielle d’un être humain par ses portraits travaillés de manière exhaustive, relèvent d’une prise de possession qui se rapproche de la conception de Louise Bourgeois.
L’accrochage dans cette salle est absolument remarquable, le choix des sculptures de Giacometti est à saluer.
Louise Bourgeois Portrait Photo: Jeremy Pollard copyright

Maman
Dans le parc de Beyeler,  la sculpture de bronze  est moins impressionnante qu’aux Tuileries, où elle se dressait fascinante et menaçante, elle semble protégée par les arbres. Après  la Tate Modern de Londres (2000/2007) au Jardin des Tuileries de Paris (2007/2008), au Guggenheim Museum de Bilbao (depuis 2001) et à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg (2001,) cette sculpture a suscité l’enthousiasme du public et a attiré beaucoup de monde. Maman est montrée  en Suisse pour la première fois, Genève, Zurich, Berne, Bâle,
La statue de Louise Bourgeois représentant une araignée monumentale et intitulée Maman (927,1 x 891,5 x 1023,6 cm) est une œuvre-clé pour la compréhension de son oeuvre : il s’agit d’une part d’un hommage à la mère de l’artiste, restauratrice de tapisseries à Paris et qui ne cessait, telle l’araignée, de réparer ses toiles. Louise Bourgeois voit d’autre part dans l’araignée un symbole suprême de l’histoire infinie de la vie, dont le principe est de se renouveler constamment : ce qui est tout aussi réconfortant qu’inquiétant, car il n’existe aucune échappatoire à ce cycle éternel. Maman de Louise Bourgeois constitue donc un monument commémoratif grandiose à l’existence du changement.
The Blind Leading the Blind  vs. Barnett Newman Uriel
La version de The Blind Leading the Blind présentée à la Fondation  Beyeler date de 1947-1949. Constituée de cales de bois grandeur nature, peintes en noir et en rouge, elle présente une remarquable irrégularité régulière : irrégulière parce qu’elle est délibérément composée de morceaux similaires mais qui ne sont pas tout à fait identiques. Régulière, parce qu’elle se livre à une répétition des mêmes éléments, comme des triangles isocèles. Dans sa radicalité trigonométrique, The Blind Leading the Blind s’apparente aux inventions iconiques révolutionnaires contemporaines de Barnett Newman. D’où sa juxtaposition avec Uriel de 1955. La réduction de la peinture à la surface et à la couleur à laquelle se livre Newman trouve un écho dans la réduction de la sculpture de Louise Bourgeois à quelques formes trigonométriques de base, combinées entre elles. Mais elle peut aussi s’idenfier à un peigne, instrument de tapissier, omniprésent dans le travail de L.b
Louise Bourgeois The Blind Leading the Blind vs. Barnett Newman Uriel

 The Waiting Hours
L’un des derniers groupes d’œuvres auxquels Louise Bourgeois a travaillé est formé d’images cousues à partirdes étoffes de vêtements qu’elle a elle-même portés au cours de sa vie. À travers ses souvenirs de situations qu’elle a vécues dans certains vêtements précis, elle a créé des tableaux historiques éminemment personnels. Le temps a été un sujet de préoccupation majeur de Louise Bourgeois dans les dernières années de sa vie. Les Waiting Hours étaient pour elles avant tout les heures nocturnes durant lesquelles elle restait souvent éveillée, réfléchissant intensément à de nouvelles œuvres. The Insomnia fait aussi référence à ces heures nocturnes de réflexion.
 Est mise en regard de  ce travail dans une vitrine,  un oeuvre en tissu, faite de rondeurs grises, très connotée, arborant un sexe de couleur rose.
Louise Bourgeois The Waiting Hours
Janus fleuri, 1968
Bronze, patine dorée, pièce suspendue, 25,7 x 31,7 x 21,3 cm
Collection de l’artiste
Photo Christopher Burke
Dans la même année que Fillette, déjà vue à la Fondation, lors de l’exposition « Eros », Louise Bourgeois réalise d’autres œuvres suspendues qui sont des parties du corps humain à consonance sexuelle. Il s’agit d’une série de quatre sculptures de forme phallique, au titre évocateur de Janus parmi lesquelles Janus fleuri. Comme l’indique la référence à l’antique divinité latine, Janus, était le dieu à double visage, l’un tourné vers le passé et l’autre vers le futur, divinité des portes (janua), celles de son temple étaient fermées en temps de paix et ouvertes en temps de guerre. Tout s’ouvre ou se ferme selon sa volonté. C’est le côté bipolaire qui fascine l’artiste dans le choix du titre. « Janus fait référence à la polarité qui nous habite (…) la polarité dont je fais référence est une pulsion vers la violence extrême et la révolte (…) et le retrait », écrit l’artiste qui y voit aussi « un double masque facial, deux seins, deux genoux ».
Ici elle est mise en regard avec le nu couché jouant avec un chat de Picasso 1964

Passage Dangereux

Louise Bourgeois Passage dangeureux 1997

Les représentations les plus impressionnantes peut-être que Louise Bourgeois a données de certains aspect de son Moi sont ses légendaires Cells, dont la plus grande, Passage Dangereux de 1997, est exposée dans le Souterrain de la Fondation Beyeler. L’artiste plaçait au tout premier plan les représentations de sentiments et d’émotions. Les nombreux objets du Passage Dangereux sont les symboles d’événements conscients et inconscients de son enfance et de sa puberté — dont la magie et les drames trouvent une mise en scène imagée dans une architecture créée à cette fin, et peuvent ainsi être dépassés.
Jerry Gorovoy, voir la vidéo ici- une autre là présent vendredi et samedi, a été  l’assistant de Louise Bourgeois pendant plus de trente ans. C’est un excellent connaisseur de son œuvre, qui a joué, comme elle l’a souvent rappelé, un rôle décisif dans la genèse de ses pièces. Aux yeux de Louise Bourgeois, un grand nombre de ses œuvres n’auraient pas vu le jour sans son aide.  Son discours (en anglais) s’est  concentré particulièrement sur l’importance de  Louise Bourgeois comme artiste et comme modèle pour des générations d’artistes.
Les oeuvres ne sont pas nombreuses, mais très justement mises en adéquation avec le fonds de la Fondation Beyeler par le commissaire Ull Küster, auteur d’un livre sur Louise Bourgeois.  (anglais-allemand) On peut déplorer qu’il n’existe pas de version française, surtout étant donnée la double nationalité de l’artiste (américaine et française).
Il a eu l’occasion de préparer cette exposition avec elle.
l’exposition est visible jusqu’au 8 janvier  2012
photos courtoisie de la Fondation Beyeler