Tinguely@Tinguely

Un nouveau regard sur l’oeuvre de Jean Tinguely
au Musée Tinguely, Bâle: 07 novembre 2012 – 30 septembre 2013

Jean Tinguely Dernière Collaboration avec Yves Klein, 1988 © Foto: Vera Isler / ProLitteris 2012

En seize ans, depuis son ouverture en octobre 1996, le Musée Tinguely a accueilli plus de cinquante expositions. Si l’on se souvient de Jean Tinguely comme du « Jeannot national » suisse, et d’une personnalité publique jadis très présente dans nos esprits, son oeuvre, avec le temps, reprend une place centrale dans le monde artistique actuel. Tinguely peut aujourd’hui être perçu comme l’un des principaux précurseurs sur la scène artistique internationale autour de 1960. C’est là l’occasion de placer cet artiste sous une lumière nouvelle et de donner une vue d’ensemble de son oeuvre. Parallèlement à la nouvelle présentation « Tinguely@Tinguely » sur plus de 3000 m2  sort un nouveau catalogue complet des oeuvres, qui présente les ajouts à la collection et le travail du Musée depuis 1996, et qui servira aussi bien d’ouvrage de référence pour les études futures sur Tinguely que de livre à feuilleter pour les amateurs de son art.

Jean Tinguely, Méta-Matic No. 6, 1959 51 x 85 x 48 cm Museum Tinguely, Basel

Cette exposition propose un survol complet de l’oeuvre de Tinguely et le présente comme novateur et découvreur majeur de l’art cinétique de la seconde moitié du XXe siècle. C’est au cours d’un élan créatif autour des années 1954-1955 que Tinguely inventa en peu de temps les ensembles d’oeuvres Méta-Herbins, Méta-Malevitch, Blancs sur blancs, ses premières Machines à dessiner et ses Volumes virtuels, révélant par leur mouvement, leur côté aléatoire et leur aspect actif des nouvelles formes dans l’art abstrait européen de l’après-guerre.Les Méta-Malevich, en tant que reliefs, semblent symboliser la représentation qu’avait Kasimir Malevitch de l’animation aéronautique et de l’abstraction du paysage à l’aide du cinétisme. Les Méta-Matics, ses machines à dessiner, sont une des réponses les plus subtiles et à la fois complexes au précepte de Walter Benjamin définissant « l’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ».
Le travail artistique de Tinguely a pris plusieurs tournures décisives. Elles témoignent de l’ouverture d’esprit avec laquelle il vivait sa créativité, participait au monde de l’art tout en contribuant à le former.
À partir de 1960, il commença à organiser des représentations et des happenings caractérisés par une esthétique « ferrailleuse » radicale, faite d’objets trouvés, redonnant une vie singulière et absurde, quoique souvent brève, aux déchets produits par la société de consommation.

Jean Tinguely, Ohne Titel, 1962 Baluba 219 x 86 x 64 cm Museum Tinguely, Basel © Foto: Christian Baur / Museum Tinguely, Basel©The Niki Charitable Art Foundation / ProLitteris 2012

Ses oeuvres d’art et activités autodestructrices, qui ont eu lieu à Paris, Londres, New York, Humlebæk, dans le désert du Nevada et autres lieux d’exposition, révèlent Tinguely comme appartenant à une jeune génération d’artistes performers néodadaïstes. Homage to New York (1960) constitue la toute première oeuvre autodestructrice : elle exprime de manière dramatique et spectaculaire le potentiel de destruction qui se ressentait, politiquement et socialement, pendant la Guerre froide. Study for an end of the World No. 2 (1962) renferme le principe de la mise en scène du paysage, que développera plus tard le Land Art.

Jean Tinguely, Study for an End of the World No. 2, in der Wüste von Nevada, 1962, Filmstill aus „David Brinkley’s Journal“, NBC, 1962

Les sculptures noires, apparues à partir de 1963, ont une nouvelle dynamique qui leur est propre. L’apparence de ces sculptures s’est voulue plus compacte et plus uniforme du fait de la peinture noire matte. Heureka, créée pour l’« Expo 1964 » à Lausanne, constitue une apogée de cette évolution. Les sculptures Eos, Bascule, Char, Santana et Hannibal sont autant de variations dans cette série d’oeuvres.

Jean Tinguely, Char MK, 1966/1967 204 x 350 x 90 cm Museum Tinguely, Basel, Donation Niki de Saint Phalle © Foto: Christian Baur / Museum Tinguely, Basel ©The Niki Charitable Art Foundation / ProLitteris 2012

Les travaux collectifs apparus dans les années 1960 ont eu une signification essentielle pour les oeuvres de Tinguely. Le Cyclope, créé entre 1971 et 1991 à Milly-la-Forêt (au sud de Paris), était le porte-étendard de ce que recoupe une oeuvre collective : il s’agit d’une réalisation commune de plus de 22 mètres de haut, placée sous le signe de l’amitié, et à laquelle ont participé plusieurs artistes amis de Tinguely, notamment Niki de Saint Phalle, Bernhard Luginbühl, Daniel Spoerri et Eva Aeppli.
Avec le fer, Tinguely a trouvé un matériau d’une très grande longévité et stabilité, même si ses réalisations thématisent la fugacité, ou du moins la fugacité de l’utilisation, de ce matériau dans les appareils productifs. L’antinomie entre les éléments stables et éphémères est soulignée de manière particulièrement poétique par les sculptures des fontaines. Le Fasnachtsbrunnen (1977) témoigne avec maestria de la capacité de Tinguely à soustraire momentanément à la pesanteur les jets d’eau et les fontaines, et de les utiliser pour dessiner des formes dans l’air. Chaque sculpture aquatique a sa propre identité, un rythme et une signature graphique propres. Ensemble, elles donnent lieu à une
« Wassermusik » teintée de théâtre et de parodie, qui se cristallise en hiver pour donner de grandioses sculptures de glace.

Les sculptures de Tinguely s’adressent à l’observateur à de multiples niveaux. Elles sollicitent simultanément plusieurs sens : la vue, l’ouïe, le toucher et parfois même aussi l’odorat. Les quatre machines sonores (1978-1985) constituent l’une des séries d’oeuvres d’art les plus protéiformes et emblématiques ; deux de ces gigantesques sculptures complexes sont exposées au Musée Tinguely : Méta-Harmonie II (1979), prêt de la Fondation Emanuel Hoffmann, et Fatamorgana Méta-Harmonie IV (1985), qui fait partie de la collection du Musée. La Grosse Méta-Maxi-Maxi-Utopia (1987) est également assimilée à la série des grandes sculptures aux effets acoustiques.
Elle est par ailleurs la seule de ces imposantes installations à être accessible au visiteur. Comme dans le film Les temps modernes de Charlie Chaplin, l’homme y devient partie ou produit de la machine et s’égare dans un labyrinthe mécanique composé d’engrenages. Grosse Méta-Maxi-Maxi-Utopia est une oeuvre théâtrale complexe qui met en lumière le penchant de Tinguely pour la performance artistique.
Tinguely avait de nombreuses passions et en vouait une particulière aux sports automobiles. Toute sa vie, il s’est passionné pour la fascination et la peur que ces sports suscitent, la relation marquée du sceau de la perfection entre l’homme et la machine, mais également le danger sous-jacent lié aux accidents, au chaos et à la mort pouvant survenir au prochain tournant. Son amitié avec le coureur automobile Jo Siffert lui a permis de se rapprocher de cet objet de fascination. Des années durant, son agenda personnel était programmé en fonction des courses de Formule-1, qui l’ont amené jusqu’au Japon ou en Afrique du Sud. Il était donc évident qu’il essaierait de restituer ces émotions dans son art. Le vaste engrenage de Klamauk (1979), qui dégage de la fumée en se traînant lentement, est à l’opposé du dynamisme de la voiture de course.
Tinguely est l’un des artistes les plus radicaux et les plus subversifs du XXe siècle. Nombreuses sont les questions existentielles que soulèvent ses oeuvres : la relation homme-machine, le travail collectif, la beauté et l’inutilité du mouvement, la sonorité, le bruit et la musique, les ombres chinoises, la légèreté et la lourdeur, la dissolution et le vide, les éléments et la remise en question du rôle de l’auteur, de l’observateur et de l’oeuvre d’art elle-même. C’est dans cette combinaison de légèreté, d’humour, d’ironie et de parodie que résident les principales qualités des oeuvres de Tinguely, lesquelles vont du dadaïsme inspiré par Duchamp à l’exubérance baroque, en passant par les abstractions géométriques et le cinétisme.

Jean Tinguely, Chaos No. 1 Briefzeichnung an Franz Meyer, 22.02.1974 24 x 32,5 cm Museum Tinguely, Basel, Donation Franz Meyer ©The Niki Charitable Art Foundation / ProLitteris 2012

Catalogue
Le catalogue »Tinguely@Tinguely« présente l’intégralité des sculptures, ainsi qu’un choix important de dessins et lettres-dessins. Il comprend également une biographie détaillée, un texte sur les actions et performances auxquelles Tinguely a participé, une étude sur les travaux de restauration des sculptures machines menés au Musée et un répertoire précis de documents et publications. Ce catalogue sera désormais l’ouvrage de référence pour tous les amateurs de Tinguely et de l’avant-garde européenne des années 1950–1960. Edition Kehrer, 552 pages, plus de 900 images, 58 CHF
Edition française (en janvier 2013) ISBN 978-3-9523990-3-3 / Edition anglaise ISBN 978-3-9523990-4-0  /Edition allemande ISBN 978-3-9523990-2-6
Pour petits et adultes à voir absolument
Images et  texte courtoisie musée Tinguely

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

2 réflexions sur « Tinguely@Tinguely »

  1. Merci pour votre commentaire et votre passage sur mon blog.
    il faut se laisser surprendre par les déflagrations des machines inventées par Jean Tinguely, mais aussi s’attarder aux collages, avec inscriptions, aux tableaux dédicataires à ses amis, aux artistes, à ses épouses, « a lot of fun », bonne humeur garantie.

Les commentaires sont fermés.