Suis-je une travailleuse du clic, malgré moi, pour mon plaisir de retraitée ? Et voilà que certaines de mes interrogations trouvent un début de réponse. A commencer par mon premier GPS, qui m’amusait par ses facéties. En fait malgré sa voix synthétique, ce sont des petites mains qui s’activent derrière. Je m’étais à peine trompée, lorsqu’en plaisantant je disais que : « Juliette tourne les pages du bottin » car lorsque que je ne suivais pas la direction indiquée par elle, que j’en prenais une autre, elle avait un temps de réaction assez lent, qui me semblait incompatible avec un appareil à la pointe de la technologie. Ou encore mon étonnement lorsque je me promenais outre Rhin, elle prenait l’accent allemand, cela me faisait bien rire, du coup j’en avais rédigé une chronique. Quelle surprise aussi, Il y a quelques jours : j’essaie de publier des photos sur un réseau social, avant d’avoir écrit, le texte pour justifier la publication, dès que le visage de la personne dont je souhaitais parler, apparait, son nom s’affiche !!! Reconnaissance faciale en flagrant délit.
Aussi l’exposition de la Kunsthalle de Mulhouse, retient toute mon attention et excite ma curiosité. Sous la houlette de Aude Launay les artistes, Emanuele Braga & Maddalena Fragnito (MACAO) (IT), Simon Denny (NZ), Elisa Giardina-Papa (IT), Sam Lavigne (US), Silvio Lorusso (IT), Jonas Lund (SE), Michael Mandiberg (US), Eva & Franco Mattes (IT),Lauren McCarthy (US), Julien Prévieux (FR), RYBN.ORG (FR), Sebastian Schmieg (DE), Telekommunisten (CA/DE)… opèrent à la jonction humain-machine et ont pris cette interaction comme sujet de recherche et comme outil de production. L’instant M (documentaire)
Lauren McCarthy Waking Agents (2019)
L’exposition s’attache à la question du taylorisme algorithmique qui est cette division du travail poussée à l’extrême chez ceux que l’on nomme les « travailleurs du clic » et qui préfigure peut-être la fin du salariat comme organisation dominante du travail. Libellée sous forme de quatre chapitres, les artistes tentent de répondre à ces hypothèses : Travaille-t-on à notre insu ? / A-t-on un algorithme pour supérieur ? / Fait-on office d’intelligence artificielle ? / Pense-t-on une société non centrée sur le travail ?
Sebastian Schmieg
Alors que de plus en plus de capacités que l’on pensait propres à l’humain sont désormais applicables à des machines, comment penser le travail qui a justement longtemps caractérisé l’humain ? Qu’est-ce que le travail à l’ère numérique mondialisée ? D’un côté, un taylorisme algorithmique grandissant — la division du travail poussée à l’extrême chez les travailleurs du clic —, d’un autre, une illusion machinique persistante — nombre de tâches que l’on pense effectuées par des ordinateurs le sont en fait par des êtres humains de manière plus ou moins dissimulée. À l’heure du management algorithmique, qu’en est-il de la mesure de la performance et des instruments d’optimisation des travailleurs ? Et puis, dans ce que l’on nomme à présent « économie de l’attention », il n’y a pas que les travailleurs qui travaillent : toute activité en ligne est susceptible d’ajouter à l’accumulation de capital des géants du net par sa marchandisation. Toute donnée est monétisable. Tout internaute est générateur de profit. Être en ligne = travailler ?
Chapitre 1 Travaille-t-on à notre insu ? Si l’exposition Algotaylorism s’ouvre sur cette vidéo de Julien prévieux, c’est que cette dernière en introduit parfaitement le propos. Chaque seconde que nous passons en ligne fait de nous un producteur de ces données dont se repaissent tant et tant d’entreprises et, bien souvent, un travailleur à notre insu. De nombreux logiciels et applications sont conçus pour extraire de la valeur de leur utilisateur quand c’est justement celui-ci qui croit les utiliser à son escient
Julien Prévieux, Anomalie construites, 2011
Chapitre 2 A-t-on un algorithme pour supérieur ? À l’automne 2018, à l’occasion de la publication d’un article des chercheurs Kate Crawford et Vladan Joler1, le monde apprenait, éberlué, le dépôt par Amazon, deux ans plus tôt, d’un brevet décrivant « une cage métallique destinée au travailleur, équipée de différents accessoires cybernétiques, qui peut être déplacée dans un entrepôt par le même système motorisé qui déplace les étagères remplies de marchandises ».
Simon Denny, Amazon worker cage Gegenwarthskuntsmuseum Basel
Ces cages étaient destinées à introduire des travailleurs humains dans la zone d’exclusion humaine de ses entrepôts. Car, si l’entreprise la plus puissante au monde2 utilise une main d’œuvre abondamment robotique, notamment pour le traitement de ses expéditions, elle continue de faire appel à des êtres humains pour certaines tâches, bien que ces derniers ne soient pas corvéables à merci comme ses betty bots qui, hormis pour recharger leur batterie, ne s’arrêtent jamais de travailler. Dans les entrepôts, c’est l’organisation algorithmique qui prévaut, les objets étant classés et agencés selon un ordre destiné à optimiser les allées et venues des robots qui vont et viennent chargés d’étagères emplies de marchandises. La cage, de dimensions équivalentes à celles d’une étagère, aurait été transportée de la même manière, soulevée puis acheminée par ces infatigables travailleurs mécaniques, en un paroxysme de la soumission du travailleur humain à la régie algorithmique. Simon Denny en présente ici le brevet, sculpté à l’imprimante 3D pour en faire ressortir les éléments saillants, au sens propre comme figuré.
Chapitre 3 Fait-on office d’intelligence artificielle ? Cleaning Emotional Data est la troisième d’une série d’œuvres d’ Elisa Giardina-papa explorant la manière dont le travail et le soin sont restructurés par les économies numériques et l’automatisation. Après Technologies of Care (2016) et Labor of Sleep (2017), cette nouvelle installation vidéo se concentre sur l’infrastructure mondiale des micro-travailleurs qui étiquettent, catégorisent, annotent et valident de grandes quantités de données visuelles utilisées pour former les algorithmes de reconnaissance des émotions. Au cours de l’hiver 2019, alors qu’elle faisait des recherches sur les systèmes d’informatique affective depuis palerme, Giardina-papa a travaillé à distance pour plusieurs entreprises nord-américaines qui disent mettre « l’humain dans la boucle ». parmi les tâches qu’elle a exécutées, on peut citer la taxinomie d’émotions, l’annotation d’expressions faciales et l’enregistrement de son propre visage pour animer des personnages en trois dimensions.
Elisa Giardina-papa, Cleaning Emotional Data
Certaines des vidéos dans lesquelles elle a enregistré ses expressions émotionnelles ont été rejetées car ses expressions faciales ne correspondaient pas parfaitement aux catégories affectives « standardisées ». il lui a été impossible de savoir si ce rejet provenait d’un algorithme ou d’un autre travailleur à distance qui aurait pu interpréter ses expressions différemment en raison de son propre contexte culturel. Cleaning Emotional Datadocumente ces micro-tâches tout en retraçant l’histoire des méthodes et des théories psychologiques qui sous-tendent la schématisation des expressions faciales.
Chapitre 4 Pense-t-on une société non centrée sur le travail ? MACAo, centre d’arts, de culture et de recherche, a vu le jour à Milan lors d’un soulèvement national qui a mené à l’occupation d’espaces publics dans une lutte pour une meilleure accessibilité de la culture. L’espace, auto-géré, a agrégé en son sein une vaste communauté d’artistes et de techniciens du monde de l’art dans une réflexion sur le rôle social de ce type de travail. Fin 2016 est née CommonCoin, sa monnaie locale intégrant un revenu de base pour les membres de la communauté. Le schéma économique de MACAo, privilégiant la collaboration à la compétition, diffère du schéma traditionnel : vous ne gagnerez pas plus en travaillant plus. en témoignant de l’expérience de mise en commun des richesses conduite par MACAo,
Emmanuele Braga Values
VALEUR/S expose l’argent, littéralement et conceptuellement. Au sein de MACAo, c’est la valeur sociale de l’activité qui est repensée, le montant de rémunération de chaque tâche étant discuté lors des assemblées dans un processus d’attribution non conventionnelle de valeur aux actions. ici, les mentions sur les liasses de billets réfèrent aux tâches effectuées par les membres de la communauté. Mais, même si l’argent occupe une place centrale dans cette pièce ainsi que dans nos vies divisées en milliers de tâches, pour Maddalena Fragnito et emanuele braga, la question est de savoir s’il est possible de donner d’autres significations au travail dans le cadre de pratiques collectives durables visant à « défaire le capitalisme ».
Document relief, Amazon Worker Cage patent 2019
wEEK-EnD DE L’ARt COntEMPORAIn gRAnD ESt vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 mars à LA KunSthALLE Vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 mars R 14:00 – 18:00 ATELIER BRODER LA MACHINE entrée libre Dans la continuité des ateliers publics menés en 2019, l’artiste tanja boukal vous invite à broder dans la convivialité une série de canevas aux motifs de machines textiles imprimés à partir d’images d’archives. néophytes, amateurs ou brodeurs aguerris, vous êtes les bienvenus pour participer à cet atelier qui est à la fois un lieu de rencontre et de travail, ouvert à tous ! En partenariat avec les Archives Municipales de la Ville de Mulhouse et la société DMC. L’atelier sera déployé jusqu’à mi-avril à Mulhouse : Au fil de la Mercerie, Musée electropolis, bar Le Greffier, Archives Municipales , Restaurant Universitaire de la Fonderie … Samedi 14 mars VISITE GUIDÉE DE L’EXPOSITION R 14:00 Entrée libre RENCONTRE DANS L’ESPACE D’EXPOSITION R 16:00 Avec RYbn.oRG et Aude Launay, curatrice Entrée libre Dimanche 15 mars VISITE GUIDÉE DE L’EXPOSITION 14:30 Entrée libre REVUE M U S C L E R 16:00 présentation de la revue de poésie de Laura Vazquez, auteure et éditrice Entrée libre
UN APRÈS-MIDI « CRYPTO » À LA KUNSTHALLE Dimanche 19 avril CONFÉRENCE14:00 Les contes de la crypto, initiation aux blockchains et à leurs usages artistiques par Aude Launay, curatrice de l’exposition entrée libre entre le marché de l’art qui s’en empare pour marchandiser ce qui jusque-là lui échappait, un artiste qui permet à ses collectionneurs d’acheter des parts d’influence sur lui et un centre d’art sans juridiction d’origine, les blockchains se dévoilent comme un outil artistique aussi subversif que nécessaire. Mais de quoi s’agit-il au fond ?
La Kunsthalle Mulhouse Centre d’art contemporain La Fonderie
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C’est au Kunstmuseum Basel | Neubau Jusqu’au – 24 mai 2020, prolongée jusqu’au 21 juin 2020 Commissaire : Henriette Mentha
Vous avez dit chefs d’oeuvre ? Plongez-vous dans la nouvelle exposition du Kunstmuseum de Bâle, Vous ne serez pas déçu. Beaucoup de noms prestigieux connus vous y attendent.
La troisième exposition d’ensemble de la Collection Im Obersteg au Kunstmuseum Basel pose un regard au-delà du cadre restreint de cette importante collection privée bâloise en explorant des thématiques et des liens transcendant la collection : la réception de l’œuvre de jeunesse de Marc Chagall à Bâle, la découverte de Chaïm Soutine à Paris ou encore le rôle joué par Karl Im Obersteg lors des années d’infortune d’Alexej von Jawlensky durant la Seconde Guerre mondiale. Les liens qu’entretenait Karl Im Obersteg avec la Kunsthalle et le Kunstmuseum Basel ainsi que leurs répercussions sur les deux collections sont également abordés.
Bernard Buffet, portrait de Karl Im Obersteg
L’exposition présente la Collection Im Obersteg à l’aide de travaux longtemps restés à l’abri des regards et à travers un dialogue avec des œuvres de la collection publique bâloise – la Öffentliche Kunstsammlung Basel. Une sélection de prêts d’œuvres met l’accent sur les thèmes principaux. Arlequin assis (1923), portrait monumental de Picasso, fut de longues années durant la pièce maîtresse de la Collection Im Obersteg jusqu’à sa vente après le décès de Karl Im Obersteg en 1969. Pour la première fois depuis cinquante ans, ce chef-d’œuvre appartenant à une collection privée est à nouveau visible, lors de l’exposition dans le contexte de la Collection Im Obersteg, en compagnie de son frère jumeau, l’Arlequin assis de Bâle.
Picasso Alequin assis 1923 CP anciennement Karl Im OberstegPicasso Alequin assis 1923 Kunstmuseum Basel
La collection comme expression d’une histoire individuelle témoigne de l’évolution d’un enthousiasme, d’une passion et d’inclinations esthétiques. Le collectionneur privé ne forme pas une collection selon des critères reconnus. Contrairement à l’expert académique, il est en droit de s’égarer dans l’éclectisme.
Chagall La Prise
La stratégie de Karl Im Obersteg consistait à s’entourer d’œuvres d’art qui suscitaient son enthousiasme et constituaient un défi. Il n’avait pas l’intention de décorer joliment ses murs, mais il était fasciné par le pouvoir transformateur de l’art, par son expression résultant de l’acte spontané de créer. Ce transporteur de métier consacra une grande partie de sa vie à étudier l’art. Fort bien documenté, il était par conséquent pleinement informé du potentiel élevé d’œuvres dont il fit très tôt l’acquisition. Avide de découvertes, il allait par ailleurs à la rencontre d’artistes à la marge, peu connus à l’époque, à l’instar de Chaïm Soutine. Cette confrontation de plus de cinquante ans avec l’art a donné naissance à une collection mêlant goûts personnels et renommée internationale.
Chaim Soutine la Jeune Anglaise
L’exposition propose également un aperçu des engagements de Karl Im Obersteg durant les deux guerres mondiales et l’entre-deux-guerres, notamment en faveur de la Croix-Rouge internationale et des Alliés dont il se sentait proche en tant qu’anglophile et francophile. En raison de son vaste réseau relationnel dans le milieu de l’art, au sein de la société et dans le monde politique, c’était une personne très demandée dans le monde entier qui savait mener les affaires avec habileté.
Jawlensky
Hodler
Suzanne Valadon
Cuno Amiet
Bernard Buffet
Kunstmuseum Basel St. Alban-Graben 8, Case postale CH–4010 Basel Tel. +41 61 206 62 62 Direct +41 61 206 62 80 www.kunstmuseumbasel.ch De nombreuses visotes guidées à voir sous ce lien
23 Février visite guidée en français Depuis la gare SBB prendre l tram n° 2 direction Eglisee descendre à Bankverein et continuer à pieds (l’arrêt Kunstmuseum est en travaux)
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Hans Hartung : « Je déguste la nature et la vie comme chacun, ça n’a rien à faire avec ma position picturale »
À l’occasion de sa réouverture après une année de travaux de rénovation, le Musée d’Art Moderne de Paris présente Hans Hartung, La fabrique du geste. L’exposition se termine le 1er mars 2020. La dernière rétrospective dans un musée français datant de 1969, il était important de redonner à Hans Hartung (1904-1989) toute la visibilité qu’il mérite. L’exposition porte un nouveau regard sur l’ensemble de l’œuvre de cet artiste majeur du XXe siècle et sur son rôle essentiel dans l’histoire de l’art. Hans Hartung fut un précurseur de l’une des inventions artistiques les plus marquantes de son temps : l’abstraction. Acteur d’un siècle de peinture, qu’il traverse avec une soif de liberté à la mesure des phénomènes qui viennent l’entraver – de la montée du fascisme dans son pays d’origine l’Allemagne à la précarité de l’après-guerre en France et à ses conséquences physiques et morales – jamais, il ne cessera de peindre. Le parcours de la rétrospective comprend une sélection resserrée d’environ trois cent œuvres, provenant de collections publiques et particulières françaises et internationales et pour une grande part de la Fondation Hartung-Bergman.
Cet hommage fait suite à l’acquisition du musée en 2017 d’un ensemble de quatre œuvres de l’artiste. L’exposition donne à voir la grande diversité des supports, la richesse des innovations techniques et la panoplie d’outils utilisés durant six décennies de production. Hans Hartung, qui place l’expérimentation au cœur de son travail, incarne aussi une modernité sans compromis, à la dimension conceptuelle.
Les essais sur la couleur et le format érigés en méthode rigoureuse d’atelier, le cadrage, la photographie, l’agrandissement, la répétition, et plus surprenant encore, la reproduction à l’identique de nombre de ses œuvres, sont autant de recherches menées sur l’original et l’authentique, qui résonnent aujourd’hui dans toute leur contemporanéité. Hans Hartung a ouvert la voie à certains de ses congénères, à l’instar de Pierre Soulages qui a toujours admis cette filiation.
L’exposition est construite comme une succession de séquences chronologiques sous la forme de quatre sections principales. Composée non seulement de peintures, elle comprend également des photographies, témoignant de cette pratique qui a accompagné l’ensemble de sa recherche artistique. Des ensembles d’œuvres graphiques, des éditions limitées illustrées, des expérimentations sur céramique, ainsi qu’une sélection de galets peints complètent la présentation et retracent son itinéraire singulier. Afin de mettre en relief le parcours d’Hans Hartung, en même temps que son rapport à l’histoire de son temps, cette exposition propose des documents d’archives, livres, correspondances, carnets, esquisses, journal de jeunesse, catalogues, cartons d’invitations, affiches, photographies, films documentaires, etc. Figure incontournable de l’abstraction au XXe siècle, Hans Hartung ne se laisse pas pour autant circonscrire dans ce rôle de précurseur historique, car sa vision d’un art tourné vers l’avenir, vers le progrès humain et technologique, vient nous questionner aujourd’hui encore. Le parcours met en tension et en dialogue ces deux aspects complémentaires qui constituent le fil rouge de cette exposition.
Un catalogue comprenant une quinzaine d’essais et une anthologie de textes est publié aux Éditions Paris Musées. podcast France culture
Informations pratiques Musée d’Art Moderne de Paris 11 Avenue du Président Wilson 75116 Paris Tél. 01 53 67 40 00 www.mam.paris.fr Ouvert du mardi au dimanche De 10h à 18h Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
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Jusqu’au 15 mars 2020 à l’Espace d’Art Contemporain André Malraux de Colmar.
(vidéo à visionner) Entre rêve et cauchemar l’artiste Sarah Jérôme, ancienne danseuse a exposé aux quatre coins du monde, de Paris à Bali en passant par la Suisse… Avec à la Santé du Serpent, elle investit l‘espace d’art contemporain André Malraux.
« Ce titre est d’abord un texte de René Char, mais aussi le nom d’une nouvelle d’Andrée Jérôme, ma mère. Une loi veut qu’un serpent se glisse au cœur de toute chose, écrit-elle. Il y a dans ses mots comme une résonance, un effet miroir entre son verbe et mes images », révèle Sarah Jérôme.
Entre l’âge de sept ans et vingt ans, Sarah Jérôme exerce la danse quotidiennement. Au fil des étirements, des enchaînements et des efforts, elle parvient à sculpter et à modeler son corps. La danse classique appelle à un dressage du corps, une discipline que l’artiste a peu à peu refusée et abandonnée. En 2008, elle décide de se plonger dans le dessin, la peinture et la sculpture. Le corps constitue la colonne vertébrale de sa réflexion plastique. Des ramifications s’opèrent vers d’autres territoires comme le temps, la mémoire, le paysage et la matière. Ses œuvres génèrent des impressions contradictoires. Si la danse représente une source de jouissance et de beauté, elle renferme aussi la douleur, la privation et la soumission. La grâce y est synonyme de torture.
À travers différentes séries de dessins, de peintures et de sculptures, l’artiste tente d’exprimer ce cheminement, elle montre les corps – sa thématique fétiche – ainsi que les rapports dualistes entre hommes et femmes dans de poreuses frontières entre le bien et le mal. Souvent, ses œuvres génèrent des impressions contradictoires, tout comme la danse représente à la fois une source de beauté et une source de douleurs, entre la séduction et la répulsion. Elle met en exergue, les paradoxes, les contradictions, les clichés et même les incompréhensions humaines, les conflits nés de problèmes d’interprétation. La santé du serpent, qu’en est-il de la pomme croquée, du ver dans la pomme et du prétendu paradis et de cette manière d’y échapper et rester prisonnier ? Quelle est la signification de l’Éden, quel est le sens du bien et du mal, est-ce que c’est binaire, est-ce que c’est manichéen ? Cette exposition est organisée comme différents mondes.
Au rez-de-chaussée le monde du dessous, l’installation Champ de Pensées, présente comme des têtes germées en grès noir, qui auraient été découvertes après une fouille archéologique, une civilisation oubliée, têtes recouvertes d’excroissances, la nature ayant repris ses droits. Derrière il y a un triptyque « Fossile » ou Dream d’après la fiche technique, qui vient étayer la notion de corps paysage, en fragments, une peinture à l’huile sur papier calque, technique personnelle de l’artiste qui lui donne la possibilité de travailler la chair dans la transparence et la fragilité, de manière à pouvoir voir les éléments en transparence sous la peau. Dans la 2e partie du bas, c’est le monde de la mise en scène, on entre dans l’univers de Pina Bausch avec des images tirées de deux pièces , Kontakthof et les oeillets.
A l’étage, telle une chambre, pour la sphère privée, un volet qui serait plutôt celui de l’intériorité. Un Livre en porcelaine plein de stigmates de temps ouvert raconte le corps intime, ses blessures et ses mutations.
Infos pratiques : Espace d’art contemporain André Malraux 4, rue Rapp — 68000 Colmar 03 89 20 67 59 — 03 89 24 28 73 Horaires : du mardi au dimanche de 14h à 18h sauf le jeudi de 12h à 17h — Entrée libre Site internet Un concert-performance avec Sarah Jérôme et la chanteuse-scénographe Ruppert Pupkin sera proposé le 5 mars à 19 h au Grillen à Colmar. Entrée : 5 €.
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Wim Wenders devant Cape Cod Morning, 1950, Edward Hopper
Jusqu’au 26 juillet2020 commissaire Dr Ulf Küster
« Ce que j’ai cherché à faire, c’est peindre la lumière du soleil sur le mur d’une maison. » Edward Hopper en conversation avec Lloyd Goodrich, avril 1946 Vidéo du confinement avec Yves Guignard
Edward Hopper Cobb’s Barns and Distant Houses, 1930–1933
La #Fondation Beyeler présente dans son exposition de printemps 2020 un ensemble d’œuvres d’#Edward Hopper (1882-1967), l’un des principaux peintres américains du XXème siècle. Ses références sont Manet, Degas, Rembrandt, Watteau, Courbet. Il trouve que l’Amérique est insensible à l’art. Les peintures de Hopper sont l’expression du regard singulier que l’artiste porte sur la vie moderne. Il commença sa carrière comme illustrateur, par nécessité. Son premier succès à l’âge de 41 ans est le Bateau Jaune en 1924. Son épouse Joe, fut son principal modèle.
Edward Hopper Lighthouse Hill, 1927
Aujourd’hui, il est surtout connu pour ses peintures à l’huile, qui témoignent de son intérêt pour l’impact de la couleur et de sa virtuosité dans la représentation de l’ombre et de la lumière. Le thème central de l’exposition est fourni par ses images iconiques des immenses paysages naturels et urbains de l’Amérique. L’exposition réunit des aquarelles et des huiles des années 1910 aux années 1960, offrant ainsi un large et passionnant panorama des multiples facettes de la peinture hoppérienne.
Jo dessinant à Good Harbor Beach
Bien qu’Edward Hopper ait longtemps travaillé principalement en tant qu’illustrateur, il est aujourd’hui connu surtout pour ses peintures à l’huile, qui témoignent de son intérêt profond pour la couleur et de sa virtuosité dans la représentation de l’ombre et de la lumière. Les toiles de Hopper sont l’expression de son regard unique sur la vie moderne: stations-service, maisons, bars, phares et bateaux, mais aussi vues intérieures de logements, d’hôtels et de cinémas. Les rares figures humaines qui apparaissent dans ses œuvres semblent souvent porter leur regard au-delà de la surface de la toile, comme si ce qui se «passait» dans l’image n’était pas accessible au spectateur: des événements invisibles semblent se produire en dehors du tableau.
Hopper Premier bras du White River
L’exposition de la Fondation Beyeler met l’accent sur les représentations iconiques de Hopper des étendues infinies des paysages naturels et urbains de l’Amérique, c’est comme si le temps ralentissait avec lui. Il s’agit là d’un aspect rarement placé au centre des expositions consacrées à Edward Hopper, mais pourtant clé pour comprendre son œuvre et sa réception. Le langage formel de Hopper s’est développé indépendamment des tendances populaires de son temps.
Edward Hopper, 5 A.M. 1937
Son mode de représentation caractéristique, lui, a fortement influencé des peintres contemporains majeurs comme Peter Doig et a entretenu une relation quasi symbiotique avec le cinéma: les toiles de Hopper ont inspiré des films majeurs comme La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock (1959), Paris, Texas de Wim Wenders (1984) ou encore Danse avec les loups de Kevin Costner (1990).
Edward Hopper Portrait of Orleans, 1950
A l’occasion de l’exposition, cadeau supplémentaire, Wim Wenders présente un film consacré aux paysages d’Edward Hopper. Il a su retracer les ambiances, retrouver les lieux, il nous plonge parfaitement, dans cette magie, mais aussi dans ce sentiment de solitude et presque d’angoisse, que Hopper traduit dans ses toiles.
Edward Hopper La côte Lee
L’exposition de la Fondation Beyeler montre aussi de sublimes aquarelles et des huiles sur toile des années 1910 aux années 1960, proposant ainsi un aperçu ample et passionnant de la richesse de la peinture d’Edward Hopper.
Un petit cahier à l’attention des enfants a été édité pour l’occasion.
Horaires d’ouverture de la Fondation Beyeler: tous les jours de 10h00 à 18h00, le mercredi jusqu’à 20h00 / Pendant la durée d’Art Basel: 8 – 16 juin 2019, 9h00–19h00 Passmusées Depuis la gare SBB tram n° 2 direction Eglisee, descendre à Messeplatz, puis tram n° 6 arrêt Fondation Beyeler. Conférence de Didier Ottinger le 1 avril « Les fantômes de Hopper »
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Jusqu’au 22 juin 2020 commissaire : Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice en chef, collections d’art moderne et contemporain au Musée Unterlinden
Conçue comme une rencontre entre art et science, l’exposition De mains et d’yeux est née d’une collaboration entre leMusée Unterlinden et le programme scientifique « Création, cognition, société » de l’Université Paris Sciences et Lettres, développée dans le cadre de la #restauration du Retable d’Issenheim entreprise depuis 2018.
L’équipe de chercheurs étudie la manière dont le regard des visiteurs est guidé par les formes, les couleurs et la lumière des panneaux peints de Grünewald et dans quelle mesure ce regard est modifié par les changements résultant de sa restauration. Pour enregistrer les mouvements des yeux et donc l’attention visuelle, les chercheurs utilisent un ensemble de techniques dites eye tracking (oculométrie en français) et un outil, l’eye tracker (oculomètre). Celui-ci enregistre les mouvements des yeux capturés par des caméras et envoie ces informations à un logiciel qui en extrait avec une grande précision les tracés. Il permet ainsi de connaître la manière dont nous regardons un tableau et de repérer les éléments qui accrochent le plus fortement le regard.
Dans ce contexte, l’exposition du travail de Michel Paysant constitue l’indispensable pendant artistique à cette démarche scientifique. Son titre, De mains et d’yeux, est à prendre à la lettre, les dessins ayant été dessinés par les yeux de l’artiste grâce à cet outil, l’oculomètre. Les mouvements des yeux de l’artiste, tel un crayon, tracent les lignes et les formes des œuvres. L’enregistrement de son regard porté sur les panneaux du Retable d’Issenheim et sur la tapisserie Guernica, ou plus précisément la transcription des lignes des déplacements et des points de fixation de ses yeux face à l’œuvre, donne naissance à une nouvelle interprétation de l’œuvre originale.
1er lieu de l’exposition : la tribune, 1er étage du Cloître L’atelier de [M] DENKRAUM
Inspirée librement du Retable d’Issenheim, de la vie de Grünewald et de l’inventaire après décès de ses biens établit en octobre 1528, cette installation propose une version contemporaine de l’atelier du Maître. L’installation évoque l’univers de l’atelier, l’envers fictionnel et théâtralisé de sa peinture, les coulisses de sa pensée. La définition du lieu Lieu de création et de vie, l’installation rappelle autant un cabinet de dessin qu’une cellule de moine, une chambre de dispensaire ou un jardin de méditation. Au sein de la tribune de la chapelle, l’aménagement de l’installation en fait un endroit où l’on peut s’immerger, se ressourcer, être à l’écoute. Halte, étape ou simple respiration dans la visite du musée, il fournit au visiteur un havre de paix, un lieu d’accueil et d’hospitalité à l’image de la mémoire des lieux. L’évocation, l’atmosphère Exposée en regard du Retable d’Issenheim, l’installation crée une atmosphère étrange de tourment et de quiétude, de feu et de froid, de sang et de larmes, d’interrogations et d’espoir. Le lieu imaginé par l’artiste est un espace « en suspens » qui ouvre sur l’infini des interprétations.
Redonner à voir Les objets créés, qu’ils soient liés au dessin, au songe, à la rêverie, au corps, à la botanique et à l’art du jardinage, sont mis en espace afin de permettre aux visiteurs de se recueillir et de leur fournir un point de vue différent, intérieur et sensible, sur le chef-d’œuvre de Grünewald.
Œuvres exposées dans la tribune Le grand dessin (Das große Bild) Impression numérique sur papier Hahne Mühle Ce dessin monumental est extrait des Carnets des Regards de Michel Paysant. La ligne est générée par le mouvement des yeux enregistré sur un détail du Retable d’Issenheim : les mains de la Vierge dans le panneau de la Crucifixion.
L’atelier [M] Le jardin des larmes de verre en goutte de rosée (Der Garten der Glass Tränen)
Produite au Centre International d’art verrier (CIAV) de Meisenthal, cette œuvre est constituée de deux séries : – 189 mains en verre réalisées au chalumeau reproduisant, en langage des signes, un court extrait des notes de Michel Paysant sur le Retable d’Issenheim :
« Ici tout n’est que dialogues de mains et d’yeux Passants Comme il est profond de laisser une trace sur le sable et sur l’eau De remuer ciel et terre Comme en un souffle Ligne d’erre et de larmes Pour dire l’indicible Dessiner l’invisible » – 28 mains, interprétation des mains dans les panneaux de Grünewald.
La maison-inventaire Un « inventaire » (Das Inventar) de divers objets « réversibles » : outils et accessoires d’artiste-botaniste inspirés librement de l’inventaire après décès de Grünewald. À la fois fictionnels et fonctionnels, ces objets évoquent tous l’art de peindre et l’art de cultiver son jardin.
2e lieu de l’exposition : la galerie
Michel Paysant Voir la guerre les yeux retournés (Guernica revisited) Michel Paysant a réalisé des dessins en eye tracking sur une autre œuvre majeure de la collection du musée : la tapisserie Guernica réalisée par Jacqueline de la Baume-Dürrbach en 1976 d’après le chef-d’œuvre de Picasso. Tout comme l’étude sur Grünewald, il s’agit ici d’une copie du regard, une production immatérielle qui a pour but de « redonner à voir » et de questionner l’art par la science.
À la différence des dessins créés à partir du Retable d’Issenheim, il s’agit ici d’un regard qui crée à partir de deux autres : celui porté par Jacqueline de la BaumeDürrbach sur l’œuvre de Picasso et celui de l’œuvre originale gardée en mémoire par Michel Paysant. Pourtant ces deux modèles, celui de la tapisserie et celui de la mémoire, ne se combattent pas, mais se fondent l’un dans l’autre. En témoigne le fait que l’œil dessine en une ligne continue, comme en un souffle.
Opening night 13.03.20
Concert – Performance musicale « Guernica » par Nocto
En réponse au film de l’artiste Michel Paysant, Guernica, Nocto propose une pièce ambiante faite de lignes et d’improvisations. Horaire 20h Entrée libre Lieu Piscine – Entrée par le bâtiment des Bains Cette performance musicale est aussi proposée 26/04 à 15h – Tarif : Accès libre pour les visiteurs du musée
Discussion avec un médiateur autour des dessins de Guernica de Michel Paysant
Horaires de 19h à 22h Entrée libre Lieu salle d’exposition, Ackerhof – Entrée par le bâtiment des Bains
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« Le choix de dessiner est éthique maintenant, le dessin a quelque chose d’essentiel, l’affirmation de l’humanité, il n’y a pas de distance entre la pensée et la main, c’est l’homme, c’est l’humanité. Depuis 50 ans mes images ne font qu’interroger l’homme et sa relation avec ce qui l’entoure, les autres, l’histoire, la politique, la pratique des Pietà, interroger l’homme et les violences qu’on lui fait« . EPE
Ernest Pignon Ernest Ecce Homo, Palais des Papes Avignon 2019/2020
L’artiste Ernest Pignon- Ernest a investi la Grande chapelle du Palais des Papes jusqu’au 29 février 2020. L’exposition, baptisée « Ecce Homo » retrace le parcours de l’artiste et explique sa démarche artistique, intellectuelle, politique depuis plus de 60 ans, par un panel d’œuvres provenant de la galerie Lelong & Co de Paris, de collections privées, du musée de Montauban et des témoignages photographiques de son travail prolifique dans les rues du monde entier. Près de 400 œuvres – photographies, collages, des dessins au fusain, pierre, encre noire et gomme, des documents – sont ainsi exposés évoquant ses interventions de 1966 à nos jours. Ernest Pignon-Ernest est considéré comme l’initiateur du « street art » de par les images grand formats à la pierre noire, au fusain, les collages qu’il réalise dans les rues des villes et sur les murs des cités depuis près de 60 ans. C’est en voyant Guernica de Picasso, qu’il décide de devenir artiste. Il explique qu’il expose dans la rue, parce que c’est tout simplement la plus grande galerie du monde. Il voyage, se nourrit de rencontres, réalise des décors pour le théâtre, élabore des revues, réalise des portraits, des affiches, des collages…des milliers d’œuvres, toujours dans un esprit d’engagement politique et social, de défenseur de grandes causes, en gardien de la mémoire et de l’histoire collective.
En janvier 2020 il a l’intention de créer « in situ » une œuvre pour Avignon dans l’espace du trésor bas du Palais des Papes. (La personne qui a commenté la visite guidée, dit qu’elle ignorait ce qu’il en est du projet.) Depuis 2011, date à laquelle j’ai vu « les Mystiques du Carmel » qu’il a exposé Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis(voir sur mon blog) il me tardait de voir l’ensemble de ses oeuvres exposées à Avignon. L’exposition, dans l’immense nef de la grande chapelle du Palais, d’une dimension très solennelle, le lieu où il appose ses sérigraphies a une importance primordiale, l’harmonie entre certaines oeuvres et l’architecture est évidente. L’exposition faite de dessins et sérigraphies, de photographies in situ est trop dense. Une présentation plus dépouillée aurait été plus forte, nous aurait interpellée encore davantage. Podcast
Le ton est donné dès l’entrée, face à ces linceuls suspendus de la prison Saint-Paul à Lyon et transposés ici sur ces murs du XIV siècle.
En 1971, il pose ainsi sur une dizaine de marches du Sacré-Cœur des silhouettes de gisants, hommage aux fusillés de la Commune contre la mémoire desquels cette architecture pâtissière fut érigée. Plus tard la fusillade du métro Charonne
Trois ans plus tard, pour protester contre le jumelage de Nice avec Le Cap, dans une Afrique du Sud alors sous le joug de l’apartheid, il placarde dans les rues de la ville le dessin d’une famille noire parquée derrière des barbelés.
Depuis, il n’a cessé de plaider, à coups d’images, pour le droit à l’IVG ou contre le mur de séparation entre Israël et la Palestine.
Mahmoud Darwich dont le portrait est apposé à Ramallah, à Bethléem, à Naplouse, sur le mur de séparation et aux checkpoints
Depuis, ses sérigraphies grandeur nature façon suaires ont tapissé les rues de Paris, Nice, Naples ou Ramallah. Hommage d’un artiste à un poète, afin de ramener à sa place, celui qui en a été mis hors, par les ignominies. Sa méthode consiste à faire se rencontrer un lieu et un thème.
Mahmoud Darwich
C’est de nuit qu’il colle, sans jamais d’autorisation – il a été arrêté plus de cinquante fois –, repérant de jour, calculant la pose au millimètre près, sa méthode qui consiste à faire se rencontrer un lieu et un thème. A Naples qu’ il a arpentée de jour comme de nuit, sur les pas de Virgile, du Caravage et d’Erri De Luca. Il lui a fallu trois mois et quatre versions déchirées avant de trouver son Pasolini assassiné, portant son propre cadavre « AutoPietà« , image ô combien saisissante, que l’on retrouve « face au mur » de la Chapelle.
L’artiste indique que le siècle de Vivant Denon est loin, que le XIX e est passé par là. La femme de face, exhibe son sexe, mais détourne la tête, se cache les yeux, la culpabilité a fait son ouvrage, dessin fascinant.
C’est encore à Naples qu’Ernest Pignon-Ernest a collé durant la nuit une citation de la mort de la vierge du Caravage. Il n’a gardé que le visage, le buste, la main droite et le bras gauche de la vierge. Le lendemain matin, deux vieilles femmes, deux vendeuses de cigarettes et autres babioles, toujours assises derrière une petite table dans la rue, se sont mises à veiller cette image.
La vierge du Caravage
Quelques années plus tard,Ernest Pignon-Ernest est revenu à Naples. Les deux vielles napolitaines n’étaient plus là. A partir d’une photo, il a redessiné Antonietta, l’une deux, et a collé ce dessin à l’endroit où elle avait tenu, avec son amie, son petit commerce. Toute la rue a été bouleversée par cette image et voulait la protéger par une vitre. Ernest Pignon-Ernest a refusé mais a promis de revenir dessiner Antonietta si le dessin était détruit. Et c’est ce qu’il a fait en 2011.
Les immigrés, la guerre à Haïti, les poètes, (Neruda, Rimbaud, Maïakovsky) les humiliés les opprimés, les injustices, tout s’élabore dans la perspective des relations et interactions avec les lieux, soigneusement repérés, auxquels ils sont destinés. Son humanité transperce et nous interpelle et nous laisse pensif et ému.
vue de l’exposition Ernest Pignon Ernest Ecce Homo