Foules – Fools – Stephan Wilks à la Kunsthalle de Mulhouse

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Lorsque vous pénétrez dans la Kunsthalle, l’espace s’est éclairé, agrandi, les toiles  sur lesquelles dansent  des squelettes, arbres de vie et danses macabres vous accueillent, tout d’abord un rat géant, que ne renierait pas Katharina Fritch avec son Rattenkoenig , celui-ci est tout blanc, et fait partie du bestiaire de Stephen Wilks, puis à la manière d’un retable sur fond d’un paysage urbain, à l’ horizon bleu, le voyageur artiste transporte son âne sur ses épaules.
Puis tout au fond si vous avez suivi le parcours conçu par l’artiste et la commissaire vous atteignez le lieu de réflexions philosophiques avec CATERPILLAR, sculpture gigantesque, lourde et imposante d’une chenille recouverte de textes choisis, par SW féru de littérature et de philosophie..
C’est ainsi que se présente la nouvelle exposition, (jusqu’au 20 juin 2010), dont la commissaire est la talentueuse directrice du lieu Sandrine Wymann. (voir la vidéo de FR3)

Avec beaucoup d’humour mais aussi sur un mode interrogatif et parfois dérangeant, il crée des personnages qui mêlent à la fois la figure du bouffon et de la mort, et viennent amplifier un discours proche de la critique sociale. Porté sur le présent, le travail de Stephen Wilks puise ses sources dans une imagerie issue de la danse macabre, à la manière du peintre expressionniste James Ensor ou du
caricaturiste José Guadalupe Posada, Foules – Fools révélateurs d’une nature humaine éphémère et conquérante.
Comment ne pas penser à Ubu Roi,  manipulateur fou, et ayant droit de vie et de mort sur ses sujets, mais aussi le bouffon de Rigoletto, à l’existence si tragique.stephen-wilks.1272926803.jpg

Masqué derrière ses figures animales, telles le cheval de Troie repris dans sa série des Trojandonkeys, Stephen Wilks a su trouver une place de choix au milieu de ses semblables. Il ne se place ni en moralisateur, ni en calculateur mais en observateur privilégié.
Chez Stephen Wilks, la notion de déplacement, omniprésente dans ses oeuvres et dans ses expositions, n’apparaît pas comme une nécessité, comme un état physique qui seul permettrait la création. Ce sont davantage les oeuvres qui sont en mouvement que l’artiste lui-même. Il n’est pas de ceux qui ont développé une réflexion dans la situation du marcheur ou du voyageur. Chez Wilks, le mouvement est constitutif des rapports sociaux et du jeu social qui nous entourent. Aussi, l’intégrer à sa démarche, voire l’amplifier, lui permet de créer des pièces qui s’immiscent ludiquement et subtilement à l’intimité d’un public avec lequel il souhaite installer un jeu de complicité. Sur le mode de la rencontre repose toute sa pratique, elle pose la confiance et la connivence entre l’artiste et le spectateur comme le seul terrain d’étude.
Cette exposition, comme souvent chez Stephen Wilks, se déploie à la manière d’un cortège.
Tandis que ses parades (Animal farm à Louvain en 2008) ou ses ânes (Trojandonkeys) sont des pièces qui ont le déplacement pour fondement, Foules, Fools suggère une avancée, un sens qui mène le spectateur du manège au rez-de-chaussée à la chenille du fond de l’espace. Une progression s’installe lentement, un voyage s’effectue un peu comme une procession sur un chemin de vie.
Chaque pièce de l’exposition se présente à la manière d’un tableau qui interroge notre place à « l’échelle humaine », et peut-être notre passage sur terre. La déambulation ainsi comprise n’est pas sans rappeler le principe des chemins de croix dans la tradition chrétienne : échelonnés de stations, ils évoquent les différentes étapes de la vie du Christ. Les tableaux de Stephen Wilks sont allégoriques, ils renvoient à un jeu de relations complexes que l’artiste ramène à une vanité certaine, accentuée par la présence nouvelle des squelettes dans son bestiaire.
stephen-wilks-danse-macabre.1272926854.jpgDeux fléaux contribuèrent probablement à la popularité des danses macabres : la peste noire (milieu du xive s.) et la guerre de Cent Ans (1337-1453). Il ne faut pas oublier l’élément de satire sociale que comporte un thème qui souligne vigoureusement l’égalité de tous devant la mort et qui contribua vraisemblablement à son succès.
Le premier exemple de danse macabre figurée est le cycle de peintures (1424) qui se trouvait dans les galeries du cimetière des Innocents à Paris ; toutes les danses macabres en dérivent. La hiérarchie de l’Église et de l’État y formait une danse majestueuse, où les vivants alternaient avec des squelettes ou des cadavres. Cet ensemble fut détruit en 1609, mais une reproduction ou une interprétation libre en est donnée dans les gravures sur bois du graveur parisien Guyot ou Guy Marchant (1485) et les légendes en vers ont été conservées.
De nombreuses danses macabres décoraient les cloîtres et les nefs des églises en France (Sainte-Chapelle de Dijon, 1436 ; La Chaise-Dieu, avant 1460) ; en Allemagne (Marienkirche de Lübeck, peinte en 1463 et restaurée ultérieurement ; Marienkirche de Berlin ; d’Allemagne, le thème se propage en Estonie et en Finlande), en Suisse alémanique (couvent des dominicains de Bâle, env. 1440    ; Berne, 1517, œuvre détruite connue par des copies du xviie s.) et en Angleterre (dans l’ancienne cathédrale de Saint-Paul). En Italie, le thème est rarement représenté et les exemples sont tardifs (San Lazzaro Fuori, Côme, xve s.). Vers 1485 apparaissent des cycles de gravures sur bois représentant des danses macabres qui inspireront certaines fresques du xvie siècle.
La Danse macabre de Bâle, aquarelle de Johann Rudolf Feyerabend (1779-1814), réalisée en 1806 d’après une fresque (de 1440 environ) du couvent des dominicains de Bâle. Historisches Museum, Bâle.
En 1523-1526, l’artiste allemand Hans Holbein le Jeune exécuta une série de dessins qui fut gravée par Hans Lützelburger et publiée à Lyon en 1538. Dans Les Simulacres de la mort, il ne s’agit pas à proprement parler de danse macabre, mais d’imagines mortis où la mort, qui n’entraîne plus l’homme dans sa danse macabre, surprend ses victimes au cours de leurs occupations.
Tous les pays d’Europe fournissent des versions littéraires de la danse macabre, qui comptent un chef-d’œuvre, La Danza general de la muerte, poème espagnol inspiré par les légendes du cimetière des Innocents.
À la Renaissance, le thème est peu à peu abandonné, les peintres (Dürer, Urs Graf, Niklaus Manuel Deutsch) préfèrent les sujets plus limités tels que la Jeunesse et la Mort, la Femme et la Mort, l’Amour et la Mort.
Thème de prédilection des peintres et des graveurs, la danse macabre a peu inspiré les sculpteurs : on citera pour la France la danse macabre en bois de l’aître Saint-Maclou à Rouen et celle du cimetière Saint-Saturnin à Blois ; pour l’Allemagne la danse macabre du Georgenthor, sculptée au xvie siècle.

stephen-wilks-pere-et-fils.1272926990.jpgCe n’est pas auprès des ces ânes  que l’on attrape des coups de pied.
DONKEY ROUNDABOUT  construite à l’identique d’un véritable manège, Cette pièce est une sorte de bilan d’étape dans l’oeuvre de Stephen Wilks.
Elle clôt un ensemble de projets et annonce de nouvelles formes. Six personnages esquissés portent six ânes qui font référence à ceux que l’artiste a envoyés de par le monde depuis quelques années. Tous se retrouvent sur une plateforme au lent mouvement rotatif. Les figures tournent, passent et repassent, et cette révolution renvoie à un principe de quotidien et d’éternel recommencement. Le mécanismeapparent de la pièce, ses roues crénelées, son apparence de grosse horloge, le sourd bruit qui s’en échappe sont autant d’éléments qui renforcent et concrétisent cette idée du temps qui passe. Les personnages fabriqués de bois sont en quelques sortes la modélisation des squelettes qui font leur apparition peu de temps après dans l’oeuvre de l’artiste. Debout sur le carrousel, ils font référence à l’iconographie de la danse macabre : les personnages y sont souvent représentés en cercle dans une attitude dansante. Une fois de plus chez Wilks, c’est l’homme qui porte l’animal. Il renverse les points de vue, surprend et remet en cause les fonctionnements et usages de ses semblables.

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BARCELONA  – Photographie imprimée sur papier. Extrait du voyage de l’âne bleu. Cette image vient contrebalancer le côté fantastique et fictionnel de la première partie de l’exposition. Elle apparaît dans l’exposition à la manière d’un horizon (bleu) et amène une part de réel et d’optimisme. Installée comme une toile de fond, elle donne à l’exposition une ambiance théâtrale renforcée par la foule de fous située en avant de scène.

 

stephen-wilks-caterpillar.1272927121.jpgCATERPILLAR  Animal en tissu, recouvert d’extraits de textes. Symbole de la métamorphose et du devenir, la chenille intervient dans le travail de Stephen Wilks comme le support à une réflexion sur la capacité d’évolution d’un être humain. Si la vieillesse est un thème qui revient de plus en plus fréquemment dans son oeuvre, ce n’est pas seulement à
travers son caractère inévitable et fascinant mais aussi dans ce qu’elle implique en termes de changement. Grandir, c’est vieillir. Vieillir est une mutation lente et permanente de notre nature physique, morale ou intellectuelle. Vieillir est notre quotidien, perceptiblement ou non. La sculpture est gigantesque, lourde et imposante, la chenille dégage une image positive, poétique, évanescente, elle tente d’échapper à la fatalité de l’être. La chenille est le support matériel à des textes que Stephen Wilks est allé puiser du côté des auteurs qui se sont intéressés à la question de la métamorphose. Lewis Caroll côtoie Goethe, Lou Reed et Franz Kafka. De cette allégorie, Stephen  Wilks a également tiré une nouvelle série de dessins qui interviennent comme le miroir de ces écrits. La chenille reprend dans ce cas le rôle qu’il donne d’évidence à ses animaux, elle s’infiltre dans les détails de la vie et en révèle la fragilité.

 

photos de l’auteur – courtoisie Kunsthalle et Stephen Wilks

1 mai

L’oisiveté est, dit-on, la mère de tous les vices, mais l’excès de travail est le père de toutes les soumissions.
[ Albert Jacquard ]
Extrait de Petite philosophie à l’usage des non-philosophes

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Sommaire d'avril 2010

01 avril 2010 : Poisson d’avril ? – La petite sirène de Copenhague a quitté son rocher
02 avril 2O10 : Cris et hurlements à Tranches de Quai
08 avril 2010 : Lucian Freud pétrisseur de chair
09 avril 2010 : Henri Rousseau à la Fondation Beyeler
11 avril 2010 : Anne Immelé à l’espace Malraux de Colmar
13 avril 2010 : Voyages extraordinaires au CRAC d’Altkirch
14 avril 2010 : En balade au rythme d’une ballade
19 avril 2010 : Du Greco à Dali – Collection Perez Simon
26 avril 2010 : Turner et ses peintres 

Turner et ses peintres

Jusqu’au 24 mai 2010 aux Galeries Nationales du Grands Palais.truner-le-deluge.1272320255.jpg
Qu’écrire de lui qui n’a pas encore été écrit ou dit : ma première approche à la Tate de Londres, il y a déjà quelques années, où je demeurais béate devant sa poésie, au point de ne pas sentir, qu’un malandrin se servait discrètement dans la poche de mon manteau pour y piquer le premier APN que je venais d’acquérir ? La suite n’a pas été glorieuse non plus, toujours émue, je me suis échouée dans le caniveau, que je n’avais pas aperçu à travers mes yeux embués par toute l’émotion provoquée par la vision des toiles du grand maître.
Ses oeuvres occupent une aile entière de la Tate Britain
Depuis j’en ai vu et revu des Turner, notamment, la série d’aquarelles exposées à la Fondation Beyeler à l’occasion de l’exposition Venise. Une série délicate, qui se dégustait dans une salle plongée dans la semi-pénombre.
JMW , initiales provenant de son  oncle maternel, que Joseph Mallord William Turner  adopta  au moment où il rentre à la royale Academy, comme académicien à 27 ans. C’est un être silencieux qui se refusait à aller dans le monde. Fils d’un barbier de Londres, il suivit le parcours classique des artistes de son temps, en étudiant, à partir de 1789, à la Royal Academy. Il avait été employé comme dessinateur par divers architectes et travailla également comme coloriste chez des graveurs réputés.
Ses paysages absolus, qu’il a aimé, imité, copié librement, Turner ‘ menteur magnifique’, d’après un ami artiste, George Jones, porté sur le cadre d’un des tableaux, qui fait allusion à la libre relation du paysagiste avec les apparences. Ce n’est pas le cliché précurseur de l’impressionnisme, c’est une simple anticipation de ce mouvement. C’est l’ apogée d’une école anglaise de peinture émergente sur la scène européenne, le contexte  artistique de Londres, à la charnière du 19 e s, la riche culture classique du peintre inspirée de Virgile, Ovide, ses liens avec la poésie préromantique anglaise et en contrepoint ses relations avec d’autres artistes, ses contemporains, ses prédécesseurs, plutôt qu’un avant coureur de l’impressionnisme, c’est un héritier des lumières.
turner4-la-tempete.1272320381.jpgCela correspond à la fondation à Londres d’une Academy royale de peinture et des arts en  1768, alors balbutiante au 18 e s. Au 19 e s, l’école anglaise devient la plus dynamique, la plus remarquable de tout le continent européen.
Les seules connaissances des artistes, peu formés au grand art, plutôt que de rivaliser avec leurs collègues européens, provenaient des collections privées de riches collectionneurs. Plutôt que de venir à la peinture d’histoire comme toute l’Europe, ils privilégient la peinture de paysages.
Turner a produit de la peinture historique, plus de 20 000 images, il a conservé classé tous ses carnets de croquis, et aquarelles, légués à la nation britannique. Beaucoup de tableaux ne sont jamais sortis de son atelier, grâce à la gravure, il a pu s’assurer un confort matériel suffisant, pour ne pas avoir à vendre. A partir de 1820, il développe une vraie recherche picturale libre, jusqu’à l’abstraction, des oeuvres même inachevées, sur  la lumière,  les possibilité picturales sur la couleur, les combinaisons de la lumière, les  esquisses, les méditations, en représentation de la nature. Turner a insisté par ses multiples testaments, pour que toutes ses oeuvres soient léguées à la nation. En regard d’une oeuvre de Claude Lorrain. Abstraction ?  expérimentation la plus poussée, en matière de représentation de paysage où Turner essaie de faire ressentir au spectateur une émotion proche de celle que l’on ressent devant les grands phénomènes de la nature, devant les grandes scènes de la nature, des tableaux qui essaient de s’approcher du sensoriel plutôt que de l’abstraction. turner.1272320320.jpg
Cela passe surtout par une découverte du paysage anglais, des campagnes et des côtes, mais aussi d’autres pays, passages périlleux, tempêtes, traversées des Alpes, des mers, des pays, dans une Europe en pleine évolution, en tourmente.
Il y a aussi le blocus napoléonien qui empêche les anglais de sortir de leur pays, qui incite les anglais, à aller en Ecosse, en Cornouailles, au sud de l’Angleterre, plutôt que de faire le tour aristocratique d’Europe en vogue. Et ainsi ils se rendent compte de la beauté de leurs paysages.
Les peintures de conversation, n’étaient pas vraiment son talent; comme ses confrères, un autoportrait 1799, les figures humaines ne sont que des l’éléments constitutifs de ses paysages. Les scènes rurales rattachent sa démarche de la vérité,  dans l’observation de la nature. On retrouve le scrupule d’observation aussi chez Constable, un conception de l’art au service de la vérité comme les scientifiques. Un série d’écrits qui s’intéressent du point de vue du récepteur, le texte  de Burke sur le sublime,  Hogarth l’analyse de la beauté , le discours de Reynolds, une démarche empirique de l’ observation des phénomènes, de les transcrire afin de permettre à ceux qui voient moins bien de comprendre la nature.
Un posture face au motif, une technique, saisir la vérité, mais aussi les améliorations techniques, grâce à l’aquarelle, un moment fugace, le fond blanc, rend les couleurs plus lumineuses, importées dans l’huile, Turner voulait se rapprocher le plus possible de la lumière naturelle.
Ne rien faire au-delà de la nature (Constable)turner-riviere.1272320450.jpg
Plaine, eau, arbre, vallée, nuage, colline, les choses, les éléments ne sont pas nets, ni délimités, le monde n’est pas, mais devient, se forme, se déforme ou se transforme devant nos yeux,  Turner se nourrit pourtant d’un lieu réel, le confluent de 2 rivières  aux confins du pays de Galles et de l’Angleterre, cette toile fait partie d’une série que Turner reprend de son Liber studio room. Les architectures ont disparu, il ne reste que l’essence du paysage, un arbre seul élément végétal, un lac d’un bleuâtre éthéré (Edmond de Goncourt), l’écrivain Wyssmans parle de brouilli de rose et de terre de sienne brûlée.
Peinture floue : le flou était son fort, le mouvement de la nature grâce au vent à la vague, à la neige, pour percevoir le mouvement, il faut saisir le flou plus proche du vrai que le net.
Les impressionnistes ont tous fait le voyage à Londres.
Lire Edmond Burke :  le passage du St Gothard, le milieu de pont du diable, roman gothique, il s’agit de faire peur, de l’émotionnel facile, de l’exacerbation de la vérité, des effets les plus extrêmes de la nature, pour être vrai, il n’est pas à la recherche d’effet, il est à la limite à l’extrême, pour balayer la gamme des émotions que l’on peut ressentir, par l’abandon du point de fuite, perdu dans un tourbillon. Annibal et son armée traversant la montagne, façon la plus innovante, il a révolutionné la peinture d’histoire.turner-didon-carthage1817.1272320512.jpg Romantique, l’épopée napoléonienne, vécut en direct Waterloo, il dénonce et met en garde toute la période de l’histoire à son déclin. La prédominance de la couleur jaune, anti-académique, couleur de l’or du soleil, transcende les règles académiques, pour se rapprocher du vrai, la lumière du soleil si on le regarde en face.
Il a une vénération absolue pour Claude Lorrain, Poussin, Rembrandt est la figure majeure qui l’accompagnera toute sa vie.
Considéré comme un peintre révolutionnaire, d’avant garde, il se veut être
un héritier qui peint dans la tradition  académique de la peinture de la Renaissance ou du 17e s
L’un des drames de sa vie est de n’avoir pas été un peintre de  la figure.
Mais il n’acquit en fait sa véritable stature qu’après sa mort, d’abord par le legs qu’il fit à la nation britannique de son considérable fonds d’atelier, incomparable source d’étude, ensuite par l’évolution ultérieure de la peinture européenne,
 

Du Greco à Dali – la collection de Pérez Simon

miro-femme-devant-la-lune.1271626271.jpgJusqu’au 1er août 2010, le Musée Jacquemart-André accueille l’exposition « Du Greco à Dalí :
les grands maîtres espagnols. La collection Pérez Simón ».

Cinquante-deux chefs-d’oeuvre et plus de vingt-cinq maîtres, réunis par le goût sûr et raffiné d’un grand collectionneur, présentent un panorama exceptionnel de la création artistique en Espagne au cours des quatre derniers siècles.
Important homme d’affaires mexicain d’origine espagnole né en 1941 en Asturies, Juan Antonio Pérez Simón est une personnalité reconnue dans le monde des collectionneurs. Depuis les années 1970, sa passion pour l’art et son goût pour la culture l’ont incité à réunir une collection exceptionnelle : peintures, sculptures, dessins, gravures, objets d’art décoratif, manuscrits, mais aussi une bibliothèque de plus de cinquante mille volumes.
julio-romero-de-torres-1925-30.1271707351.jpgCette collection, connue dans le monde entier, est l’une des plus importantes d’Amérique Latine par son caractère exhaustif ainsi que par la notoriété des artistes représentés. Juan Antonio Pérez Simón parle de ces choix artistiques comme étant le prolongement de sa propre personnalité :
 « J’ai bâti un univers personnel qui fait écho à ce qui me définit et me stimule. Tous ceux qui, comme moi, ne possèdent pas ce merveilleux don de créer la beauté grâce à l’art peuvent se consoler en admirant des oeuvres et en jouissant de se laisser séduire par elles».
 Amateur des grandes écoles européennes, les tableaux présentés au Musée Jacquemart-André représentent la partie hispanique de sa collection, la moins connue du grand public.
L’exposition réunit des oeuvres clés de différentes époques et de divers
mouvements picturaux. Elle propose un passionnant voyage esthétique et artistique. Elle se construit autour d’un parcours thématique dans lequel chaque étape est l’occasion de confrontations inédites entre des maîtres de siècles différents permettant ainsi de souligner les traditions et les ruptures qui ont fait le succès de l’école espagnole.
14692_greco_murillo.1271636237.jpgLe siècle d’or de la peinture sacrée avec les oeuvres du Greco, de Jusepe de Ribera et de Bartolomé Estéban Murillo, le visiteur plonge au coeur des différents visages de l’art de la réforme catholique. Les artistes, souvent influencés par la pensée mystique, traduisent un monde aspirant à la gloire céleste par de saisissants effets de clair-obscur. Puis le ténébrisme laisse place aux peintures lumineuses de Murillo, maître du baroque espagnol, qui a laissé à Séville de nombreux disciples. À cet art religieux répond un art profane dominé par les grands portraits de cour et la finesse d’un Goya.
Un art hispanique du portrait et de la vie de cour
Grands collectionneurs férus d’art italien et flamand, les monarques espagnols ont néanmoins confié à des peintres espagnols la réalisation de leurs portraits. De Sánchez Coello à Goya, les artistes mêlent intimement l’image du pouvoir à celle de la réalité.
De l’affirmation d’une identité nationale…antonio-sanchez-charles-le-quin.1271626218.jpg
Charles Quint s’impose comme une figure emblématique d’une période d’apogée  de la domination des Habsbourg sur l’Espagne, le portrait en buste de Sanchez Coello ( vers 1580) s’inspire directement d’un portrait de Titien de Charles V en armure, en 1648, détruit dans un incendie en 1604, dont il réalise une copie, il le traite comme les peintres flamands, en mettant en valeur le jeu des lumières sur les armures,
le  chef militaire ceint de l’écharpe rouge, arborant la toison d’or, l’ordre le plus important de la monarchie des Habsbourg,
visant à défendre la foi chrétienne.
L’opposition à l’occupation napoléonienne, la lente émergence d’un état moderne et la découverte des richesses de la civilisation espagnole par l’Europe tout au long du XIXème siècle ont contribué à asseoir le sentiment d’une forte identité nationale. À travers de grandes scènes de fêtes populaires, ce mouvement déploie sur la toile toute la beauté des costumes traditionnels et des décors des villes pavoisées. Il développe également un goût pour les sujets intimes, jeux de plage, jardins et vie de famille. Joaquin Sorolla est le maître incontesté de ces scènes dédiées aux bonheurs simples. Les couleurs vives, fortes et éclatantes illuminent ses toiles.
jusepe-de-ribeira-st-jerome.1271626245.jpgLa peinture religieuse, un magnifique portrait peint par  Jusepe de Ribera de St Jérome en pénitence,  il reprend les attributs du saint, la croix, le drapé d’un rouge intense enveloppe le corps frêle , sans la vulgate, un crâne coupé, mais en ermite au visage émacié, plongé dans la contemplation, appelant à la méditation, un traitement du clair obscur, alliant parfaitement
 le traitement de la lumière à la présence divine qui inspire l’ermite
il souligne l’anatomie du vieillard et la subtilité des carnations,
la barbe encore blonde, les cheveux et la moustache grises sont suggérés
 par de multiples petits coups de pinceau, l’attention du regard et la réalité du corps créent une image particulièrement vivante.
C’est toujours en termes de continuité et de rupture que s’envisage le passage à ce qu’il est convenu d’appeler « la modernité ». Le traitement de la lumière devient le maître mot des héritiers de Sorolla. Quant à celui de la couleur, il subit l’influence de l’impressionnisme français.
Ignacio Zuloaga vécu en France, installé à Montmartre il s’est lié aux peintres français, son activité de portraitiste lui assura la renommée. On voit dans l’exposition le portrait d’une riche sud américaine, la Senora Corcuera (1918), épouse du plus grand dandy mexicain de l’époque. S’inspirant d’une composition de Goya, il place son modèle en pied, sur une ligne d’horizon très basse, l’arrière plan est dominé par un parc, dont les arbres se reflètent  dans les eaux du lac, sur une butte, mettant en valeur, une robe violette,
le traitement du visage, l’orange soulignant les yeux, une chevelure légèrement grisonnante et ondulée, mettant en valeur l’élégance de la pose, soulignée par l’étole de gaze qui retombe gracieusement et sur la robe.portrait.1271626303.jpg
 
L’exposition s’achève avec ces grands maîtres espagnols qui ont révolutionné l’art occidental. Pablo Picasso, Juan Gris, Joan Miró ou Salvador Dalí établissent des dialogues entre cubisme et surréalisme. Une riche sélection d’oeuvres graphiques et picturales de ces artistes offre un aperçu saisissant de cette évolution jusqu’à Tàpies.
Dali (1951) revendique ouvertement son catholicisme, et en parallèle son intérêt pour la physique nucléaire. La toile  l’Ascension du Christ
salvador-dali-lascension-du-christ.1271626339.jpgserait issue d’un rêve cosmique, la vision d’un noyau d’atome,  où le Christ éclaire un monde sombre, lui aurait révélé l’image d’un Christ
 unifiant l’univers, tout en donnant l’illusion des 3 dimensions,
les doigts recroquevillés enserrent la totalité de l’univers qu’il a rassemblé par sa mort et sa résurrection
Dali place le spectateur sous le corps du Christ et de la plante des pieds aux bras étendus un triangle enserre le raccourci parfait du corps, de même il place le corps au centre
d’un cercle transparent dominé par la colombe du St esprit, symbolisant le retour du Christ vers le père, le visage du Christ est invisible, une ligne d’horizon dans le bas, paysage maritime évoque Port Ligate où vit le couple Dali
Au sommet du tableau la vierge sous les traits de son épouse Gala, pleure la passion du Christ.
images provenant du catalogue de l’exposition
une application Iphone de l’exposition est téléchargeable sur le site du musée

En balade au rythme d'une ballade

Capitale de la France, ville lumière, cité des amoureux, Paris a bien des surnoms flatteurs. Elle les mérite tous.

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Plus belle qu’elle, il n’y a pas. Paris sera éternellement celle qui fait chavirer les cœurs.

Au bord de la Seine ou en bateau mouche, ses monuments font rêver le monde entier.

Royale et noble, chacun de ses quartiers a son style, son cachet. De la tour Eiffel aux

Invalides, du Louvre à l’Arc de Triomphe, des Champs Elysée à Montmartre, le 

Seul sentiment ressenti est un émerveillement complet, ainsi qu’un irrépressible coup de foudre.

– ROUX Perrine

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Voyages extraordinaires au CRAC Alsace

simon-faithfull2.1271106220.JPGL’exposition du CRAC est une extraordinaire invitation au voyage jusqu’en 16 mai 2010. Titre qui ne peut que me plaire.
Qui n’a jamais rêvé de partir à l’aventure, tels que ces étonnants voyageurs, en suivant sa fantaisie, ou comme dans le rêve de Philippe Schweyer, dans le numéro 7 de NOVO, en suivant le méridien de Greenwich, dans une certaine direction, à l’aide d’un GPS, en formulant le voeu de croiser son idole du moment, ou de toute une vie. Or c’est ce que réalise Simon Faithfull, suivi par une caméra pour faciliter les approches.
Ou encore faire la pluie et le beau temps, comme Christophe Keller maître de la pluie.
L’exposition Voyages extraordinaires rassemble une sélection d’oeuvres de Simon Faithfull (britannique, qui vit à Berlin) et Christoph Keller (allemand, qui vit à Berlin), la plupart récentes et inédites en France.
Les univers de ces deux artistes, bien que différents, ont en commun un intérêt pour des corpus de données relevant (plus ou moins directement) de la science ainsi que pour la façon dont ces données pouvent être rejouées dans le champ de l’art.simon-faithfull1.1271106330.JPG
Réactivateurs d’expériences ou d’aventures scientifiques (Escapes Vehicles de Simon Faithfull, Cloudbuster Project de Christoph Keller), Simon Faithfull et Christoph Keller placent la question de la découverte et de l’expédition – qu’elles soient physiques ou mentales – au coeur de leur travail.
La science à laquelle ils font référence et/ou qu’ils utilisent comme matériau est pour l’essentiel une science désuète qui fait la part belle aux mythes et aux utopies (le savant démiurge, l’inventaire du monde, la découverte de nouveaux territoires, etc.).
Ainsi, à partir d’expériences ‘proto-scientifiques’, dont la portée et l’intérêt se situent loin des contraintes de l’innovation et du résultat, ils libèrent le potentiel poétique, mythique ou philosophique de la science. Dans la lignée des récits de Jules Verne, leurs oeuvres mêlent présent (ou passé) technologique et mondes imaginaires, cependant que leurs science-simon-faithfull.1271105108.jpgfictions décalées sont à considérer comme des oeuvres d’anticipation inversées.
L’exposition s’accompagne d’événements qui lui font écho : performances du collectif Ödl autour des oeuvres exposées, conférence sur les liens entre art et science, etc.
Commissaire de l’exposition : Sophie Kaplan
Project Room n°6
En 2010, le CRAC Alsace confie pour une année son Project Room à Dixit (E. Lisa Annicchiarico, Jessica Monnin, Clarisse François), collectif de jeunes historiennes de l’art basées dans le Grand Est, et leur donne ainsi une première occasion de développer un projet curatorial dans la durée.
Le CRAC affirme ici d’une autre manière sa volonté de soutenir la jeune création et la pensée émergente.
Pour leur premier Project Room, les jeunes critiques présentent Mais Godard c’est Delacroix /
Plan 1 avec les artistes The Plug et François Génot.
Une nouveauté au CRAC le petit café dont l’ensemble des responsables se félicitent :

Le Petit Café occupe l’ancien centre de documentation. Respectant l’architecture du lieu et profitant de ses larges fenêtres qui donnent l’impression d’être à la fois à l’intérieur et à l’extérieur, le designer Fred Rieffel a imaginé un ensemble fluide et modulable dans des teintes et matériaux à la fois naturels et contemporains, s’inspirant de l’âme du lieu (un ancien lycée) autant que d’influences variées (bar lounge, bistro). img_3087.1266020292.jpg

Le Petit Café du CRAC se veut un endroit convivial, un lieu d’échanges et de culture, offrant également un nouvel espace de rencontres à Altkirch. Il est constitué de deux parties, un centre de documentation et un café permettant à tous de prolonger la visite des expositions autour d’une boisson, dans un cadre accueillant et chaleureux.

photos de l’auteur

Anne Immele à l'espace Malraux de Colmar

« Mille reflets du ciel
Promenaient, éveillés, les charmes de mes songes,
Et venaient éclipser l’étendard du réel. »
Max Jacob

Comment parler d’une artiste photographe, qui sait mieux que personne présenter son travail ?
En effet sur ses site et blog personnels, Anne Immele, parle avec sensibilité et poésie, de ses motivations, du choix de ses photos, de cette passion qui l’anime, au point de l’enseigner au Quai à Mulhouse, mais aussi à  l’université de Strasbourg. Issue de l’école d’Arles, où elle a acquis un solide bagage, l’artiste nous montre ses travaux récents qui dialoguent entre eux en silence au rythme incessant du projecteur de diapositives où l’image d’une montre sans aiguille revient sans cesse.anne-immele-montre.1270997961.jpg
« le projecteur de diapositives.  Le carrousel effectue un mouvement circulaire, il tourne et projette de manière régulière 80 diapositives, qui sont toujours identiques. Ces diapositives sont des reproductions de la même image d’une montre, qui a la particularité d’avoir perdu ses aiguilles. La montre n’indique plus le temps qui passe, le carrousel tourne, mais –  tout en avançant de manière cyclique – il revient sans cesse à la même image. Il n’y a aucune progression. L’instant n’en finit pas… de se répéter. Le son est particulièrement important : la scansion du carrousel qui avance d’une diapositive à la suivante a remplacé le tic-tac de la montre ». – Anne Immele
anne-immele-paysages-urbains.1270999089.JPGSes formats carrés mettent en avant la problématique architecturale et sa confrontation avec l’humain.
Le regard porté par Anne Immele  nous pousse au questionnement existentiel  à Colmar, à l’espace Malraux, jusqu’au 30 mai 2010.
Tout d’abord les antichambres, qui montre un état des choses, un état des lieux, ces images  qui pourraient paraître calmes, sereines, harmonieuses, or elle espère qu’il n’en est rien, car malgré leur apparence, immobile et hiératique, se sont des forces (intranquilles) agitées, qu’elle souhaite provoquer et convoquer. Les paysages urbains montrent des habitations récentes, des parkings, des chantiers, des lieux incertains, qui caractérisent ce qu’elle ne pourrait  nommer le nivellement. Souvent il s’agit d’un nivellement géographique du terme, par exemple du nivellement du sol, qui a été aplani pour construire des immeubles, mais c’est aussi le nivellement social, avec ces immeubles, qui ne sont pas là pour convoquer la diversité, la singularité, mais au contraire montrent obstinément la similitude, une sorte d’unité, qu’on pourrait qualifier de formatage méticuleusement organisé. Ces paysages urbains sont associés à des portraits.
anne-immele-portraits.1270999194.jpgDans les portraits elle joue entre la faille qui existe entre l’extériorité c’est à dire, la faille  du  visage qui est photographié et l’intériorité  de la personne qui reste toujours inaccessible, et c’est dans cette faille que se joue toute la dimension du portrait, qui est pour elle du registre qu’elle qualifie d’effondrement.
A l’étage on peut voir les paysages immobiles, images saisies, captées dans son quotidien, dans les rues et les lieux qui lui sont familiers, au jour le jour, et là encore il s’agit pour elle de scruter, ce qu’elle nomme avec  Max Jacob – « l’étendard du réel«    qui peut être mieux fixé au sein des associations photographiques.
Les memento mori où elle associe les photographies récentes  avec des petits tirages argentiques polaroïdes qui ont été réalisés pour certains depuis ses débuts dans les classes de la ville de Colmar, qui pour elle sont importants, pour ce qu’elle a pu apprendre de  la photo pas tant  du domaine technique, que du phénomène lié au temps, différentes temporalités.anne-immele-memento-mori.1270999220.jpg
Le temps du tirage photo, qui est un temps long qui est propice à la méditation, dans lequel on laisse l’image advenir, apparaître, et c’est un des sujets de memento mori, c’est principalement ce rapport au photographique et à l’apparition photographique elle-même.
La photographie a un rapport à l’instant éphémère et pourtant cet éphémère reste fixé dans un instant qui n’en finit pas, dans cette dimension temporelle là, qu’elle a voulu travailler. Il y a un autre rapport au temps, c’est celui du regard porté en arrière de manière rétroactive sur des images qui peuvent aussi être habitées par une dimension mémorielle affective, c’est aussi cette dimension là qu’elle a voulu évoquer. Ce n’est pas un hasard si ce travail de memento mori est exposé à Colmar qui est sa ville natale, c’est la conjonction de ses recherches universitaires depuis quelques mois, qu’elle ne voulait pas montrer ailleurs que dans cet espace en priorité.
photos des photos d’Anne Immelé
c’est le comble de photographier des photos, mais comment procéder autrement?
Texte largement inspiré du discours d’Anne Immelé, quasi reproduit à l’indentique.

Henri Rousseau à la Fondation Beyeler

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Jusqu’au 9 mai 2010
Dans le foyer un hommage à Ernst Beyeler décédé le 25 février de cette année.

« Tu te souviens Rousseau, du paysage aztèque, Des forêts où poussaient la mangue et l’ananas. Des singes répandant tout le sang des pastèques Et du blond empereur qu’on fusilla là-bas. Les tableaux que tu peins, tu les vis au Mexique… »
Apollinaire, Ode à Rousseau, 1908

Henri Rousseau répond de façon imaginaire à des questions qui ne se posent pas, C’est le rêve passé de l’autre côté du miroir. Ces tableaux conservent leur mystère et posent des questions insolubles.
Ses tableaux dépeignent ses rêves et un monde imaginaire. Son oeuvre est plus proche de l’art populaire que les peintures spontanées des impressionnistes. Très vite, la critique va dire du Douanier Rousseau qu’il est un naïf car il ne respecte pas les règles de la perspective, ni l’exactitude du dessin, et encore moins les proportions. Mais Alfred Jarry remarque son travail qui n’est pas si éloigné du sien. Puis c’est au tour d’Apollinaire qui noue avec lui une amitié profonde.

« Gentil Rousseau, tu nous entends – Nous te saluons – Delaunay, sa femme, Monsieur Queval et moi – Laisse passer nos bagages en franchise à la porte du ciel – Nous t’apporterons des pinceaux, des couleurs, des toiles – Afin que tes loisirs sacrés dans la lumière réélle – Tu les consacres à peindre, comme tu tiras mon portrait – La face des étoiles. »
Epitaphe gravée sur la tombe de Rousseau par Brancusi

La peinture d’Henri Rousseau (1844-1910) a fait fi des frontières établies pour s’engager dans des territoires encore inexplorés. Alors qu’il n’avait fréquenté aucune école d’art, le douanier Rousseau a peint des œuvres éloignées de toute tradition académique, ne consacrant d’abord à son art que ses heures de loisir. Longtemps méconnu en tant que peintre naïf, il s’est imposé tardivement dans les salons parisiens. Ce sont des poètes comme Apollinaire, et des artistes comme Picasso, Léger, Delaunay puis Kandinsky, qui ont été les premiers à reconnaître son importance exceptionnelle. Cent ans après sa mort, la Fondation Beyeler consacre à ce pionnier de l’art moderne une exposition regroupant une quarantaine de ses chefs-d’œuvre conservés dans des musées prestigieux et de grandes collections particulières d’Europe et d’Amérique. On découvrira les portraits insolites de Rousseau et ses images poétiques de villes et de paysages français, des œuvres dans lesquelles il rend visible la présence du mystère, au sein même du quotidien. Le sommet de l’exposition est constitué par un important groupe des célèbres tableaux de jungle de Rousseau. Il n’avait jamais vu de forêt vierge, ce qui a permis à son imagination de se déployer d’autant plus librement et dans des couleurs d’autant plus somptueuses, pour donner naissance, dans sa peinture, à une jungle peuplée d’habitants exotiques. Par ses compositions picturales merveilleuses, souvent oniriques, Rousseau incarne la redécouverte de la fantaisie au début de l’époque moderne. Il a ainsi ouvert à l’art la porte de mondes nouveaux, qui ont influencé notamment les cubistes et les surréalistes et continuent à enthousiasmer aujourd’hui les amateurs d’art, petits et grands.
Le commissariat de cette exposition a été assuré par Philippe Büttner en collaboration avec Christopher Green. Le projet a bénéficié du soutien exceptionnel du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, Paris.

La muse inspirant le poète, 1909rousseau-appolinnaire-et-marie-laurencin.1270767683.jpg
Kunstmuseum, Bâle
En 1908/1909, Rousseau a réalisé deux « portraits-paysages » de son ami, le poète Guillaume Apollinaire, et de sa maîtresse, Marie Laurencin. La première version se trouve aujourd’hui au musée Pouchkine de Moscou, la seconde, présentée ici, est conservée au Kunstmuseum de Bâle depuis 1940. Elle m’a toujours fait sourire, voire plus, rien qu’à lécoute de la chanson de Jo Dassin, lorsqu’il évoque Marie Laurencin et ses aquarelles, j’étais loin de l’imaginer à la manière de Rousseau.
Cette toile de grand format nous montre le poète et sa maîtresse, la « muse » qui l’inspire, derrière une banquette de gazon, à la lisière d’une forêt qui devient de plus en plus touffue vers le fond du tableau. La poésie et — puisque Marie Laurencin était peintre — la peinture servent ainsi d’intermédiaires entre la nature mystérieuse et nous. La disposition symétrique des personnages entourés d’arbres relie également ce tableau, au-delà des limites de genre, avec des oeuvres comme La noce et Joyeux farceurs.
Joyeux farceurs, 1906
henri-rousseau-joyeux-farceurs.1270767721.jpgPhiladelphia Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg Collection, 1950
Un an tout juste après le grand succès remporté au Salon d’Automne de 1905 par son tableau de jungle Le lion, ayant faim, Rousseau propose au public médusé une autre représentation de jungle : Joyeux farceurs. Cette fois, ce n’est pas un combat dramatique avec un fauve, une lutte à mort, qu’il représente, mais une comédie divertissante. Le décor de forêt exotique a envahi tout le tableau. Il ne reste plus grand-chose du ciel clair. Rousseau a soigneusement équilibré la moitié gauche et la moitié droite de l’image. L’oiseau est placé à droite, la fleur blanche à gauche de l’axe de composition, tandis qu’au milieu de la partie inférieure, les feuilles vertes qui s’élèvent depuis le bord du tableau s’écartent pour ménager de l’espace aux joyeux drilles de la scène centrale. Les singes-clowns ont l’air de s’amuser avec une bouteille de lait renversée et un gratte-dos rouge ( ?). À quoi peuvent-ils bien jouer ? C’est une des toiles qui a ma préférence.
Un soir de carnaval, 1886dream_01.1270767785.jpg
Philadelphia Museum of Art,
The Louis E. Stern Collection, 1963
Un soir de carnaval est l’une des premières toiles de Rousseau que l’on puisse dater avec précision. Ce chef-d’oeuvre a été présenté au Salon des Indépendants de 1886, où Camille Pissarro, le peintre impressionniste, l’admira beaucoup. Sur cette toile, le petit couple de personnages très éclairé, sans doute copié d’après une miniature, plane au-dessus du sol plongé dans l’obscurité. Les branches en filigrane de la forêt hivernale se dressent dans la hauteur infinie du ciel et se découpent avec transparence sur le firmament bleu nuit. L’éclairage, qui fait penser aux toiles du surréaliste Magritte, et les proportions des personnages, soustraits à la réalité, prêtent à cette scène un aspect onirique.
Portraits

Le portrait de femme du Musée d’Orsay offre un exemple impressionnant de « portrait-paysage », henri-rousseau-portraits_02.1270769447.jpgun genre propre à Rousseau. L’élégante vêtue de sombre ne recouvre pas seulement le feuillage du fond, mais aussi une partie des fleurs du premier plan, et surtout le chemin qui aurait dû conduire dans la profondeur de l’image. Quelle présence ! Cette femme devait être remarquablement belle et d’un chic extrême. Remarquez la position de ses mains et observez son visage. Nous ne savons pas qui elle était et son nom lui-même ne nous est pas parvenu. Nous ne connaissons d’elle que son portrait et ce visage étrange, inaccessible, peint dans le ciel. Les pointes de pied menues sous l’ourlet de la robe noire, le chaton qui joue avec une pelote de laine et les pensées soigneusement alignées au premier plan prêtent à cette figure féminine une incroyable monumentalité. Elle est présentée en contre-plongée, ce qui ne nous empêche pas de regarder par-dessus son épaule pour observer les brindilles de l’arrière-plan qui se dressent le long de sa manche avec une grande beauté formelle. Cette toile aux plages colorées clairement dessinées est purement et simplement anti-impressionniste. henri-rousseau-portraits_01.1270769339.jpgÀ titre de comparaison, jetez un coup d’oeil dans la salle Monet. On y célèbre également la monumentalité et la nature, mais de tout autre façon. Chez Monet, il n’y a pas de délimitation, pas d’éléments formels (pré)dessinés. Son objet pictural — l’étang aux nymphéas — s’est dissous en lumière et en couleur. Chez Rousseau, en revanche, tout a été délibérément appliqué dans l’image. Chaque couleur, chaque forme est établie avec précision. Le « haut » et le « bas » sont eux aussi parfaitement définis. Rousseau trace avec un soin extrême les contours de la superbe robe sombre sur le feuillage vert, et place la tête de la dame tout en haut, dans le ciel gris bleu. (certains textes proviennent  de la notice)

Images Internet et catalogues

Lucian Freud, pétrisseur de chair

lucian-freud-latelier.1270680471.jpgL’exposition sur le peintre Lucian Freud, petit fils du psychanalyste Sigmund Freud, né à Berlin en 1922, et vivant depuis 1934 en Angleterre, au centre Pompidou, se décline en 4 parties.
Les connaisseurs se souviennent de l’énorme nu de Sue Tilley (Benefits Supervisor Sleeping) qui s’est vendu plus de 33 millions de dollars à New York, acquis par le russe Roman Abramovitch,  et par la même occasion faisant de Lucian Freud l’artiste vivant le plus cher au monde
Obcène, carnation, incarnation, obésité, particularités anatomiques, disproportions prononcées, genoux cagneux, seins qui tombent ou virilités emphatiques, endormis, lourds, les qualificatifs fusent, les avis sont contrastés. C’est une peinture figurative, faite d’empâtements plus ou moins épais, les couleurs malgré le sujet du nu agressif, sont douces : ocre, gris, brun, blanc.
Intérieur/extérieur :
L’exposition ouvre sur une toile qui rappelle le cheval de  Maurizio Cattelan avec son arrière train dont là c’est la tête qui entre dans le mur  à la Dogana, ici c’est un zèbre rouge et jaune qui pénètre à travers l’ouverture blanche, d’une fenêtre  sur un mur violet, dans l’atelier du peintre, un canapé fatigué, qui fait penser à un piano, une plante, un tissu rouge abandonné, un pouf noir.
Il développe durant 3 décennies le même intérieur où il met en relation, ses personnages nus, il se concentre sur le thème de l’atelier avec les paysages urbains, sinistres, cassés, tristes, comme les corps,  les animaux, magnifiques chiens et plantes vertes.
Le corps allongé, en vue plongeante, des corps peints sans complaisance, dans leur vérité, obscène,  une scène lucian-freud-lavado-sumos.1270681621.jpg surréaliste, étrange, un homme lisant, assis, sur un canapé, le chien fidèle   couché à ses pieds, il est au premier plan, puis au second plan, un autre homme nu, donne le sein à un bébé, (Sigmund O secours ! ) dans un intérieur ocre, gris et blanc.freud-lucian.1270681002.jpg
2 lutteurs japonais au-dessus du lavabo blanc, avec des  marbrures avec les codes de couleurs de Freud comme sur les corps,  bout de carte postale coupée, montre l’art d’ un grand technicien.




Les chairs
Beauté de la ‘laideur’ de ses tableaux, il montre les chairs, distanciation et empathie,  puis l’ironie du thème du peintre surpris par une admiratrice, pathétique, thème cher à tous les peintres, avec son chevalet, elle est agenouillée et lui prend les jambes, (Zeus et Thétis), connotés, les chairs explosent. Il travaille sur les marbrures, chairs tuméfiées, yeux baissés, boîtes crâniennes. Il depeint au travers du corps les cicatrices de la vie jusqu’à la morbidité parfois, sans complaisance.
La granulosité de la peinture, trop de chair, sur la carnation la peau, la chair au sens organique, c’est aussi de l’écorché, femmes aux fesses énormes, il met à nu une réalité physique, cachée d’habitude, on en est un peu saturé, corps lourds endormis dans leur torpeur. Une impudeur qui peut coller à Freud, petit-fils de SF.
Les portraits
lucian-freud-autoportrait-aux-godillots.1270681710.jpgQuelques petits tableaux merveilleux, autoportraits, peints formats blancs à la Munch, au miroir, aux 2 enfants, portraits plus  grands, une certaine figuration d’ un travail académique, l’affiche à la Bacon n’est pas vraiment représentative de l’exposition, le reste est du Freud. Portraits toujours plus ressemblants. Autoportrait avec godillots et couteau de gladiateur
Le portrait inachevé de Bacon est éblouissant, pourquoi a t’il fini ses toiles ?.






Reprises

Il a beaucoup regardé la peinture, il reconstruit ainsi des scènes d’après des modèles célèbres :freud-d-apres-cezanne.1270681195.jpg
After Chardin, After Cézanne, d’après un tableau de jeunesse de celui-ci, dont on peut trouver une photo David Dowson assistant de Freud , Constable, Courbet.

Voici ce qu’en écrit Philippe Dagen du Monde :
« On doit admirer la constance et la lucidité de l’artiste, qui a compris que, dans la société actuelle, le but suprême est d’imposer une marque, c’est-à-dire un petit nombre de caractéristiques immédiatement identifiables par tout un chacun. Dans son cas, il y en a trois : la légende d’un personnage réputé sauvage et inaccessible, presque un maudit, mais qui a peint les portraits du baron Thyssen et de la reine Elisabeth II ; l’exhibition de nus supposés choquants – qui ne choquent plus personne depuis longtemps – ; et l’exhibition d’un travail de peinture dont le visiteur a vite fait de comprendre qu’il doit être long et pénible.
……….Mais non, ce n’est pas de la grande peinture. Ce n’en est que le simulacre, fondé sur l’académisation conjointe de l’obscénité et du matiérisme……… »

scan et images Internet