Henri Matisse « Acanthes »

matisse-les-acanthes.1297903763.jpg Le restaurateur dans l’atelier de restauration devant Acanthes, 1953, d’Henri Matisse, fusain, papiers découpés recouverts de gouache, sur papier, sur toile, 311 x 350,5 cm, Fondation Beyeler, Riehen / Bâle © 2011 Succession Henri Matisse / ProLitteris, Zurich
Fondation Beyeler – Nationale Suisse Conservation Project 2009–2012 : Henri Matisse « Acanthes »
La Fondation Beyeler s’est engagée avec le soutien de la société Nationale Suisse dans un vaste projet de restauration d’une durée de trois ans (2009-2012). Il a pour objectif l’analyse scientifique, la conservation et la restauration d’Acanthes d’Henri Matisse (1953, 311 x 350,5 cm), une œuvre majeure de la série de ses « Papiers découpés » de grand format.
Le programme de conservation d’Acanthes repose sur les résultats des recherches préliminaires entreprises pendant la première année de travail sur ce projet. Une des plus grandes difficultés est due à la structure complexe de l’œuvre, faite de plusieurs couches, qu’il convient de stabiliser. S’y ajoute l’énigme entourant les différentes étapes de sa genèse.
L’atelier de restauration inauguré au printemps 2010 dans le Souterrain de la Fondation Beyeler et ouvert aux regards du public suscite un vif intérêt de la part des spectateurs.
Le site internet conçu spécialement pour ce projet informe les internautes des progrès en cours et leur propose des informations complémentaires grâce à des mises à jour, des interviews, des photographies et des documentaires.
Bilan de la première année
Analyses technologiques
Au cours de cette première année de travail, les restaurateurs de la Fondation Beyeler, Markus Gross et Stephan Lohrengel, ont soumis Acanthes d’Henri Matisse à des analyses technologiques approfondies. Trois autres papiers découpés de la Collection Beyeler datant de la même période Algue blanche sur fond rouge et vert, 1947, Nu bleu I, 1952, et Nu bleu, la grenouille, 1952 – ont été inclus dans cette étude.
Une première étape a consisté à réaliser des clichés d’ensemble et de détails à haute résolution sous différents éclairages : lumière plongeante, lumière rasante, lumière traversante et rayons ultraviolets. Ceux-ci ont servi de base à l’analyse de l’état des papiers découpés. L’association de différents modes d’éclairage permet en effet de mieux mettre en évidence certains phénomènes affectant la surface. Sous une puissante lumière rasante, par exemple, les ondulations et les déformations du papier apparaissent clairement, autorisant des conclusions sur les différentes tensions auxquelles est soumise la structure picturale.matisse-algue-blanche_m.1297905814.jpg
Toutes ces observations sont soigneusement consignées grâce à un programme de traitement d’image et à un logiciel spécial. Le programme permet d’enregistrer sur un document graphique des éléments comme les déchirures, les plis et les altérations de la couleur ainsi que d’innombrables détails techniques, tels que les filigranes, les traits de pinceau et les traces de fixation. Cette méthode permet de combiner toutes les observations concernant l’état de l’œuvre, de les mettre en relation et de mieux les visualiser. C’est ainsi que des traces de colle, qui ne sont parfaitement visibles que sous rayons UV, peuvent être également mises en évidence sur le cliché réalisé en lumière plongeante. Les informations sur les différentes œuvres ont été enregistrées sur des fiches techniques ou documents récapitulatifs conçus à cette fin.
Analyse des matériaux utilisés
L’analyse des matériaux utilisés par Matisse représente un autre volet essentiel de cette recherche. Ses résultats doivent permettre de répondre dans le détail aux questions sur les particularités du vieillissement et sur la genèse de l’œuvre. On a déjà procédé à l’analyse de premiers échantillons de colle et de pigments.
Dépouillement de la littérature
Le dépouillement et l’exploitation des publications et des documents d’archives ainsi que du volumineux matériel iconographique historique font également partie intégrante de ce projet. Les sources iconographiques se trouvent dans des catalogues d’expositions et des archives, mais également dans la presse populaire de l’époque. Les illustrations montrant Matisse au travail ou représentant ses œuvres telles qu’elles étaient dans son atelier, avant leur montage, présentent un intérêt tout particulier.
Les échanges avec les Archives Matisse de Paris ont été essentiels et se sont intensifiés en 2010. Ces archives contiennent une large fraction des écrits laissés par l’artiste ainsi que de nombreux documents photographiques et écrits qui n’ont pas encore été exploités.
Réseau international
Les échanges avec des spécialistes d’autres collections nationales et internationales qui abritent également des papiers découpés ont été d’une très grande importance au cours de cette première année de travail. Les œuvres choisies pour ces comparaisons ont été sélectionnées pour leurs similitudes de dimensions et de structure, pour la présence d’un fond recouvert de peinture blanche et pour leur date de création contemporaine de celle d’Acanthes.
matisse-la-grenouille_l.1297905891.jpgEn plus du Kunstmuseum de Bâle, du Museum Ludwig de Cologne et du Museum Berggruen de Berlin, nous sommes allés visiter d’autres collections majeures, comme le Musée Matisse de Nice, le Musée National d’Art Moderne de Paris, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, la Tate Modern de Londres, ainsi qu’aux États-Unis, le Museum of Modern Art et le Metropolitan Museum of Art de New York sans oublier la Menil Collection de Houston.
Les restaurateurs Stephan Lohrengel et Markus Gross ont observé à titre de comparaison plus de 30 œuvres originales. Cette activité a permis de nouer des contacts interdisciplinaires diversifiés et intenses, qui nous ont donné accès à de nombreuses informations et indications inédites. La visite de la chapelle de Vence, conçue par Matisse, et de ses domici-les de Nice, a permis une étude approfondie du contexte de la réalisation des différentes œuvres et de leurs interdépendances.
Premiers résultats
La genèse d’Acanthes peut se décomposer en différentes étapes. Il est désormais possible de définir avec davantage de précision les tâches qui ont eu pour cadre l’atelier de Matisse à Nice et celles qui ont été effectuées à l’occasion du montage de l’œuvre achevée à Paris, selon les indications de l’artiste. Ces principales étapes sont la peinture des papiers à la gouache, le découpage des formes, leur disposition sur le mur de l’atelier puis le montage de l’œuvre sur toile.
C’est à cette méthode de travail que l’on doit la structure complexe de l’œuvre, en plusieurs couches. Cette structure se compose d’un châssis, de tissus, de différents papiers, de gouaches et de colle. Dans le cas des papiers découpés de la Collection Beyeler, elle peut présenter entre sept couches (Algue blanche sur fond rouge et vert) et dix-huit (Nu bleu, la grenouille).
Les trous laissés par les punaises qui ont servi à fixer les papiers découpés au mur de l’atelier livrent des informations tout à fait passionnantes. Leur nombre et leur position ont montré que dans Acanthes, la plupart des modifications de composition entreprises par Matisse ont touché la zone inférieure droite des formes bleues. En revanche, on observe très peu de trous sur la partie supérieure gauche.
La comparaison avec d’autres œuvres a révélé que Matisse a recouru à différents modes de fixation de ses papiers gouachés, sur le mur et entre eux. Il a utilisé des clous et des punai-ses, mais également des épingles dont les traces sont visibles sur les œuvres. Dans le cas d’Algue blanche sur fond rouge et vert, ces épingles et ces clous apparaissent distinctement sur les clichés historiques de l’atelier de Matisse.
L’analyse des colles appliquées entre les différentes couches des quatre papiers découpés de la Collection Beyeler a livré des résultats inattendus. Contrairement à ce qu’on peut lire dans les publications, Matisse n’a pas toujours utilisé les mêmes colles. Des recherches plus approfondies sont donc prévues sur ce point.
L’analyse a également porté sur les papiers que Matisse a peints mais n’a pas utilisés, papiers que les Archives Matisse nous ont généreusement confiés. Matisse conservait en effet toutes les chutes de papier de ses découpages dans des tiroirs, à l’abri de la lumière. Cela nous livre de précieuses informations sur les éventuelles altérations de la couleur, tout en nous permettant de reconstituer les feuillets découpés par l’artiste.matisse-nu-bleu-i-1952-foto-peter-schibli_m.1297905970.jpg
La comparaison avec des clichés historiques et avec les œuvres d’autres collections ont permis de préciser quelques éléments du problème du fond blanc. Il est apparu clairement que dans certaines œuvres, le fond avait été ajouté, ou échangé, lors du montage à Paris. Dans Acanthes en revanche, le papier qui se trouvait sur le mur de l’atelier et porte les esquisses au fusain a servi de fond et n’a pas été échangé. Il a, de plus, été enduit de plusieurs couches de couleur blanche, les lignes de fusain étant pour certaines légèrement recouvertes, pour d’autres laissées en réserve.
Perspectives
Ces multiples informations continueront à être exploitées au cours de la deuxième année d’existence du projet. Des questions en suspens, comme celles du moment du montage des  œuvres sur toile, feront l’objet d’études plus approfondies. L’équipe responsable du projet espère également obtenir de précieuses indications sur la méthode de travail de Matisse en interrogeant des témoins de l’époque.
Tout le processus de création, depuis la peinture des papiers jusqu’au montage sur la toile, sera reconstitué par modélisation.
Dans le cadre du volet conservation de ce projet, une attention toute particulière est prêtée à l’état des œuvres utilisées à titre de comparaison, état qui est souvent très disparate. Cela tient à l’histoire particulière de chaque œuvre, à sa forme de présentation et aux restaurations entreprises. Les expériences faites par les collections concernées sont également prises en compte.
Une autre question majeure est celle de la sensibilité des différents matériaux à la lumière. L’impression que donnaient les couleurs ainsi que l’équilibre des formes colorées entre elles et avec le fond blanc revêtaient une grande importance pour Matisse.
Un programme de conservation et de restauration est défini et mis en œuvre à partir de ces résultats. Aux endroits où cela s’impose, on entreprend avec toutes les précautions requises des mesures de restauration étayées par les connaissances éthiques et scientifiques les plus récentes.
La réalisation du projet de restauration Fondation Beyeler – Nationale Suisse Conservation Project 2009–2012 : Henri Matisse « Acanthes » couvre les années 2009 à 2012.
Ce projet a été placé sous la responsabilité des restaurateurs Markus Gross et  Stephan Lohrengel et du conservateur Ulf Küster. Ils sont à votre disposition pour des interviews ou pour des informations plus approfondies.
D’autres informations et des documents de presse sont disponibles auprès de :
Catherine Schott, Tél. + 41 (0)61 645 97 21, Fax + 41 (0)61 645 97 39,
presse@fondationbeyeler.ch, www.fondationbeyeler.ch,
Fondation Beyeler, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Sophia Schor, Tél. +41 (0)61 275 23 86, Fax +41 ((0)61 275 22 21, sophia.schor@nationalesuisse.ch,
www.nationalesuisse.ch, Nationale Suisse, Generaldirektion, Steinengraben 41, CH-4003 Bâle
images courtoisie de la Fondation Beyeler

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

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