Helena Almeida, Corpus au Jeu de Paume

Jusqu’au 22 mai au Jeu de Paume.
Née en 1934 à Lisbonne, où elle vit et travaille, Helena Almeida a achevé un cursus en peinture au département des Beaux-Arts de l’Université de Lisbonne en 1955, exposant régulièrement depuis la fin des années 1960. Dès ses débuts, elle explore et remet en question les formes d’expression traditionnelles, la peinture en particulier, suivant un désir constant d’enfreindre l’espace délimité par le plan pictural.

 Pintura habitada [Peinture habitée] 1976 Helena Almeida Photographie noir et blanc, acrylique, 40 x 30 cm.  Coll. Fernando d’Almeida

Pintura habitada [Peinture habitée]
1976
Helena Almeida
Photographie noir et blanc, acrylique, 40 x 30 cm.
Coll. Fernando d’Almeida
Peu connue en France, Helena Almeida est considérée comme l’une des plus grandes artistes contemporaines portugaises. Sa longue carrière lui a permis de s’imposer comme l’une des figures majeures de la performance et de l’art conceptuel dès les années 1970, notamment par des participations aux grandes manifestations internationales telles que les Biennales de Venise de 1982 et de 2005.
Helena AlmeidaL’exposition « Corpus » présente un ensemble d’œuvres – peinture, photographie, vidéo et dessin – réalisées par l’artiste des années 1960 à nos jours dans lesquelles le corps enregistre, occupe et définit l’espace. Elle a une dimension rétrospective, rassemblant les différentes phases du travail de l’artiste, depuis ses premières œuvres datant du milieu des années 1960 jusqu’à ses productions les plus récentes.
Helena Almeida
Après ses premières oeuvres tridimensionnelles, Helena Almeida trouve dans la photographie un moyen de combattre l’extériorité de la peinture et de faire coïncider sur un même support l’être et le faire : « comme si je ne cessais d’affirmer constamment : ma peinture est mon corps, mon œuvre est mon corps ». Au-delà des lectures poétiques et métaphoriques que ces œuvres peuvent inspirer, elles sont des tentatives d’atténuation des limites des médiums, telles celles de la photographie, de la performance et de la sculpture.
Helena AlmeidaCes corps deviennent simultanément forme sculpturale et espace, objet et sujet, signifiant et signifié. Le travail d’Helena Almeida est un condensé, un acte soigneusement scénographié et hautement poétique. Les représentations de ces événements montrent également le contexte dans lequel l’artiste s’inscrit. Lors d’interviews, elle réfute que ses images soient des autoportraits. C’est toujours son corps qu’elle représente, mais c’est un corps universel.
Helena AlmeidaVêtue de noir, Helena Almeida intègre dans ses photos des éléments de son atelier. Elle prend des positions qu’elle a minutieusement chorégraphiées afin de créer des compositions complexes, souvent organisées en série. En 1969, pour la première fois, Helena Almeida se fait photographier par son mari, l‘architecte Artur Rosa, dorénavant lié à son œuvre en tant qu’auteur du registre photographique sous-jacent à cette forme médiatisée d’auto-représentation, qui devient dès lors une caractéristique de son travail.
Helena AlmeidaContrairement à d’autres artistes contemporains qui ont recours à l’autoportrait et à l’auto-représentation pour mettre en scène des personnages grâce à des décors et des poses élaborées – comme, par exemple, Cindy Sherman –, ici, le point de départ est toujours le corps de l’artiste. À travers la photographie, Helena Almeida crée une forte relation entre la représentation (l’acte de peindre ou de dessiner) et la présentation (de son propre corps en tant que « support » de cet acte). « Le corps concret et physique de l’artiste sera constamment égaré, défiguré, occulté par la tâche qui tantôt le prolonge, tantôt le recouvre, qui entre ou sort (vers ou depuis) l’intérieur de ce corps. »
Helena Almeida Ecoute-moi 1979
Helena Almeida
Ecoute-moi 1979


Les œuvres présentées par Helena Almeida à la Biennale de Venise (en 2005 pour le Portugal) dans l’exposition « Intus », sont des exemples de ses travaux récents, caractérisés par la relation du corps de l’artiste à l’espace (et non plus désormais au dessin ou à la peinture) et par le recours à la photographie (récurrente dans les œuvres composées de séries) pour retracer une performance de l’artiste au sein de l’espace privé de son atelier.
 Sem titulo (Sans titre) 2010 Helena Almeida Photographie noir et blanc, 125 x 135 cm. © Fundação de Serralves – Museu de Arte Contemporânea, Porto. Courtesy Galerie Filomena Soares, Lisbonne

Sem titulo (Sans titre)
2010
Helena Almeida
Photographie noir et blanc, 125 x 135 cm.
© Fundação de Serralves – Museu de Arte Contemporânea, Porto. Courtesy Galerie Filomena Soares, Lisbonne

Pourtant, la même question ne cesse d’habiter l’ensemble du travail d’Helena Almeida : comment un corps et le mouvement d’un corps (toujours celui de l’artiste) parviennent-ils à faire œuvre d’art ? L’intransigeance avec laquelle Helena Almeida traite ce sujet fait de son œuvre, comme le dit Isabel Carlos, « l’une des plus radicalement cohérentes de l’art portugais de la seconde moitié du XXe siècle ».
Commissaires : João Ribas et Marta Moreira de Almeida, Fundação de Serralves – Museu de Arte Contemporânea, Porto.
Exposition organisée par Museu de Arte Contemporânea de Serralves, Porto, en collaboration avec le Jeu de Paume et WIELS, Centre d’art contemporain, Bruxelles.
Podcast la dispute sur France Culture

Le Chemin du Retour

Estelle Hanania – Fred Jourda – Gisèle Vienne
jusqu’au samedi 30 avril
en entrée libre à la Galerie de la Filature, Scène nationale – Mulhouse

Estelle Hanania, Fred Jourda, photo Emmanuelle Walter
Estelle Hanania, Fred Jourda, photo Emmanuelle Walter

Les univers d’Estelle Hanania et de Fred Jourda s’unissent dans une exposition sur le thème de la forêt.
Photographies saisies dans le décor sylvestre d’un spectacle de Gisèle Vienne d’un côté, images de sous-bois du Morvan fixées par la lumière de l’autre. Le seuil des forêts – à la fois réaliste et symbolique chez Estelle Hanania, naturaliste chez Fred Jourda qui représente une frontière que l’on ne franchit pas impunément, qui nous interroge sur ce qui nous anime, sur notre instinct primitif, sur l’ivresse que peuvent générer nos
énergies et notre rapport sensoriel au monde.
Estelle Hanania.JPGAu regard de ces deux séries, on retrouve le court métrage Brando, écrit et réalisé par Gisèle Vienne pour la chanson éponyme de Scott Walker + Sunn O))). On y croise les interprètes de The Pyre dans un chalet au coeur d’une forêt inquiétante qui nous plonge dans un délicieux cauchemar.
Estelle Hanania présente principalement une série d’images prises lors de différentes
répétitions et représentations du spectacle This is how you will disappear de Gisèle Vienne (présenté en 2014 à La Filature). Cette exposition est alimentée de photographies issues d’autres séries que l’artiste aime à réactiver et confronter au fil du temps.
Estelle Hanania
ESTELLE HANANIA

Diplômée de l’École des Beaux-arts de Paris en 2006, lauréate du prix photographie du Festival d’Hyères la même année, Estelle Hanania a d’abord fréquenté la chambre noire de l’École des Beaux-arts, où elle y réalisait ses tirages couleurs grands formats. S’en suivra une expérience de directrice artistique chez Ogilvy avant qu’elle ne se lance complètement dans la photographie. Elle associe rapidement à son travail personnel des commandes pour la presse, y imprimant un style aussi poétique qu’épuré. Ses images, tantôt baignées
d’une lumière chaude, tantôt enveloppées d’un voile bleu et hivernal, oscillent entre douceur et âpreté.
Estelle Hanania
Masques et déguisements sont des motifs récurrents de son iconographie, marionnettes ou hommes des champs, hésitant eux aussi entre figures affables et créatures inquiétantes. Estelle Hanania a publié cinq livres dont trois en collaboration étroite avec la maison d’édition Shelter Press. Le dernier en date, Happy Purim sorti en octobre 2015, sera suivi d’un prochain en 2017 qui retracera la collaboration au long cours
entre la photographe et la metteuse en scène Gisèle Vienne.
Estelle Hanania
FRED JOURDA
« Je suis né à Paris en 1963.
Aujourd’hui je suis tireur couleur.
Je passe le plus clair de mon temps dans l’obscurité de ma cabine.
Je voyage à travers le monde pour trouver d’autres lumières et d’autres horizons.
Je travaille sur le paysage depuis 1996.
J’y trouve une source d’émotion, de contentement, et d’infinie tranquillité intérieure que j’essaye d’exprimer au travers de la lumière, de la couleur et du cadrage.
J’utilise un appareil de type Instamatic, qui du fait du non-contrôle de l’exposition (ouverture et temps de pose), de la mise au point fixe et de la facilité d’emploi, me permet de photographier à tout moment et rapidement, sans autre geste que celui d’appuyer sur le déclencheur.
Fred Jourda
Les pictorialistes de la fin du 19e siècle et du début du 20e comme Edward Steichen, Alfred Stieglitz, Alvin Langdon Coburn, sans oublier les pictorialistes français dont Robert Demachy, m’ont particulièrement influencé dans ma démarche. Mais c’est sans conteste le photographe Bernard Plossu qui est à l’origine de mes débuts.
Ma première exposition intitulée Minimalist s’est tenue au Cap en Afrique du Sud en février 1998, et la deuxième Dépaysage à Paris à la Galerie 213 lors du 1er trimestre 2000. J’ai aussi exposé à la Galerie Chab
Fred Jourda
Touré à Bamako au Mali pendant les 4es rencontres de la Photographie Africaine en octobre 2001. Du 15 au 30 septembre 2002, j’ai participé au 6e Festival International de Photographie d’Alep en Syrie. J’ai également exposé du 20 septembre au 19 octobre 2003 à la Galerie Segeren à Breda aux Pays-Bas dans le cadre du Festival Breda Photo 2003. Puis du 5 février au 27 mars 2004, Land & Urban Scapes, à la Galerie Acte 2, à Paris.
Parallèlement aux photographies de paysages et leurs instantanéités, j’ai travaillé sur la durée en réalisant des portraits de personnes endormies, sans lumière, que j’ai exposées à la Galerie Madé du 2 décembre 2004 au 7 janvier 2005, sous le titre Sombre.
Ces photos de visages et de « paysages intérieurs » ont été réalisées de nuit, sans lumière principale, avec uniquement la réverbération de la lumière de la rue dans la pièce où repose la personne. Personnes endormies, assoupies, en tout cas détendues. Ce qui m’intéresse, outre le fait de faire des photos de nuit, c’est de voir apparaître petit à petit leurs visages au repos, relâchés, voire tranquilles. L’abandon presque
total de la personne dans le sommeil.
Jourda Fred
Puis après plusieurs expositions collectives, j’ai participé aux 150 ans de l’Hôtel Scribe de Paris en montrant une série de paysages sous le titre Dense, du 10 décembre 2010 au 16 janvier 2011. Et dernièrement, en avril 2011, j’ai été invité au Festival Itinéraires des Photographes Voyageurs à Bordeaux, à montrer des paysages
tirés de mon premier livre, Dépaysage, publié fin 2010 aux Éditions Filigranes. »
Gisèle Vienne
GISÈLE VIENNE
Née en 1976, Gisèle Vienne est une artiste, chorégraphe et metteuse en scène franco-autrichienne.
Après des études de philosophie et de musique, elle se forme à l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette où elle rencontre Étienne Bideau-Rey avec qui elle crée ses premières pièces. Elle travaille depuis régulièrement avec, entre autres collaborateurs, les écrivains Dennis Cooper et Catherine Robbe-Grillet, les
musiciens Peter Rehberg et Stephen O’Malley, l’éclairagiste Patrick Riou et le comédien Jonathan Capdevielle.
Créée en 1999, sa compagnie compte aujourd’hui 14 pièces à son répertoire, dont 10 qui tournent régulièrement en Europe et dans le monde.
Depuis 2005, Gisèle Vienne expose régulièrement ses photographies et installations. Elle a publié le livre/CD Jerk / Through Their Tears en collaboration avec Dennis Cooper, Peter Rehberg et Jonathan Capdevielle aux Éditions DISVOIR en 2011. Le livre 40 Portraits 2003-2008, en collaboration avec Dennis Cooper et Pierre
Dourthe, sort aux Éditions P.O.L en 2012.
oeuvre présentée à La Filature
Brando (création 2014 – durée 9’28)
un court métrage écrit et réalisé par Gisèle Vienne pour la
chanson éponyme de Scott Walker + Sunn O)))
à visionner sur  ici
On y croise la mère et le fils de The Pyre dans un chalet au
coeur des montagnes. Grâce à la voix du crooner Scott Walker
et aux sonorités « drone » inquiétantes du groupe de Stephen
O’Malley, on est plongés dans un délicieux cauchemar. Un
océan de mystères entoure ces êtres, bientôt rejoints par
l’écrivaine dominatrice Catherine Robbe-Grillet.
Un clip complètement hypnotique
« Club Sandwich » :
jeudi 24 mars de 12h30 à 13h40
visite guidée le temps de la pause déjeuner avec pique-nique tiré du sac
gratuit sur inscription :
T 03 89 36 28 34 ou heloise.erhard@lafilature.org
LA GALERIE DE LA FILATURE, SCÈNE NATIONALE
20 allée Nathan Katz – 68090 Mulhouse cedex
T +33 (0)3 89 36 28 28 – www.lafilature.org
en entrée libre du mardi au samedi de 11h à 18h30,
les dimanches de 14h à 18h et les soirs de spectacles
La Filature est membre de Versant Est, Réseau art contemporain Alsace.
 

Sommaire de janvier 2016

Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016
Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016

02 janvier 2016 : Le Musée Unterlinden
08 janvier 2016 : Cours Publics 2016
09 janvier 2016 : Prédelles pour Aujourd’hui
11 janvier 2016  : Tristan Tzara, l’homme approximatif
14 janvier 2016 : Yusuf Sevinçli « Dérive »
17 janvier 2016 : Nuit des Musées bâlois 2016
18 janvier 2016 : Les Muses de Didier Paquignon à la Fondation Fernet Branca
20 janvier 2016 : Fragonard amoureux. Galant et libertin
24 janvier 2016 : Marc Chagall : Le Triomphe de la musique
29 janvier 2016 : « Warhol Unlimited »

Yusuf Sevinçli "Dérive"

Yusuf Sevinçli expose du jeudi 14 janvier au dimanche 28 février 2016
en entrée libre à La Filature, Scène nationale – Mulhouse

Le festival les Vagamondes a démarré avec le vernissage de l’exposition
« Dérive » de Yusuf Sevinçli, dans la galerie.
Feuilletez ici le programme du Festival les Vagamondes du 13 janvier au 23 janvier 2016

Sans titre, série POST II (015), 2013
Sans titre, série POST II (015), 2013

Le noir et blanc contrasté du jeune photographe turc Yusuf Sevinçli
oscille entre geste artistique et approche documentaire.
Gert Petrus Fieret et Miroslac Tichy, sont des références pour lui parmi
« Ils sont trop nombreux, tout au long de l’histoire de la photographie, pour les énumérer tous. August Sander, pour l’approche particulière de ses sujets, Eugène Atget pour son incroyable atmosphère. Robert Frank est très important pour moi, et continue de m’inspirer. Il y a aussi nombre de photographes japonais des années 70,
comme Moriyama et Kitajima. William Klein et Nan Goldin figurent parmi mes photographes favoris, et Anders Petersen aussi, qui a une grande influence sur mes
débuts. D’un point de vue plus contemporain, je trouve les travaux

de Rinko Kawauchi et Antoine D’Agata extrêmement intéressants.
Yusuf Sevinçli
Né en 1980 à Zonguldak en Turquie, Yusuf Sevinçli vit et travaille à Istanbul.
Il est représenté par la Galerie Les filles du calvaire à Paris et Elipsis Gallery à Istanbul.
Yusuf Sevincli, Good Dog
Diplômé de la section Communication de l’Université Marmara d’Istanbul en 2003, Yusuf Sevinçli intègre l’année suivante une Masterclass consacrée à la photographie documentaire en Suède, avant de suivre la Reflexions Masterclass de Venise. Il construit alors son travail personnel à travers plusieurs séries, dont Good Dog, qui ont fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives en Turquie et à travers le monde (Mois de la Photo de Moscou, PhotoBiennale de Thessalonique, Festival de photographie Fotografia Europa Reggio Emilia en Italie, Fotografie Noorderlicht aux Pays-Bas, FotoFreo en Australie…). Yusuf Sevinçli présente également ses oeuvres en France, notamment au festival Circulation(s) à Paris en 2012, au Festival Voies Off à Arles en 2013 et au festival Portrait(s) de Vichy en 2015.
 
Yusuf Sevincli, selfportrait
Yusuf Sevincli, selfportrait

 
Depuis 2008, son travail fait souvent l’objet de publications dans des ouvrages collectifs consacrés à la photographie (Image Makers, Image Takers: The Essential Guide to Photography chez Thames&Hudson) ainsi que dans différents magazines internationaux.
« J’ai démarré vers l’âge de 20 ans, pendant mes années universitaires. J’étais étudiant en journalisme et mon premier contact avec la photographie s’est fait lors des cours d’histoire du photojournalisme. Plus que par sa pratique, j’ai donc tout d’abord été attiré par l’histoire de la photographie et par ses figures iconiques, par le sens de ses messages et par l’effort de compréhension de la puissance de l’image. Je reste aujourd’hui persuadé qu’au-delà du style de chacun, un photographe ou un artiste usant de la photographie se doit de connaître l’histoire de cette dernière, afin de pouvoir appréhender à leur juste valeur les capacités du médium. »
Yusuf Sevinçli

Il nous livre les vestiges d’une culture encore vivace dans un pays en pleine mutation, comme par exemple l’image d’une des dernières maisons stambouliotes, bâtie en bois, livrée au feu, ou celle d’oiseaux s’envolant du fond d’une ruelle pentue et ruisselante. Ou bien encore, il capte cette vision hallucinatoire d’un réparateur qui ne descendra probablement plus de son lampadaire tant il semble y être accroché pour toujours. La nostalgie est au coin de l’énième impasse du quartier Beyoglù où Sevinçli se promène à longueur de jour et de nuit, mais la vivacité photographique de ses captations rappelle leur contemporanéité.
Yusuf Sevincli1
À l’occasion, il nous parle d’amour, s’arrête sur le charme d’un corps en livrant au regard un morceau de peau d’où affleure une sensuelle fragrance. Quelques visages enfantins frappent par leur innocence illuminée, rappelant l’imagerie des frères Lumière ou de Chaplin. Des bambins masqués jouent dans les ruelles et les terrains vagues, tandis que des petites filles surgissent dans des images, telles des merveilles, anges éternels, emblèmes du désir d’enfance. Leurs minois, au regard malin, fixent avec candeur le spectateur, comme ceux de ces jeunes filles que l’on dirait siamoises tant leurs
frimousses se serrent l’une contre l’autre.
Yusuf Sevincli
Yusuf Sevinçli sait aussi saisir les errants et autres noctambules qui colorent Istanbul de mixité et de fantaisie, à la croisée des cultures. Il tire de leurs corps des volumes et des aplats contrastés, tel ce dos d’homme où s’étale un liquide blanchâtre qui rappelle un
« dripping » abstrait. Il capte souvent un détail, un fragment, comme les jolies jambes au collant percé d’une punkette, des chardons plantés dans un vase, l’ampoule pendant d’un plafond écaillé (…) pour lui accorder un autre destin visuel. Les formes surgissent de l’ombre, traversant des rais de lumière et les rayures subies par le négatif, pour créer des prismes et des illuminations. Les images sont généralement structurées par l’éclairage mais peuvent contenir une géométrie de par leur sujet : pans d’immeubles abstraits, ossature de barnum laissé à l’abandon sur une plage lunaire, architectures au futurisme vieillot issues des vestiges d’un palais de la découverte décati.

Yusuf Sevinçli, 5
Il n’y a pas nécessairement de message dans l’oeuvre de Yusuf Sevinçli, ou alors, il est allusif, comme s’il désirait s’abstraire des remous politiques, pour se soucier de ce qu’il reste de l’humanité, à la manière d’un Sergio Larrain dont les images éclairent le futur douloureux du Chili de leur pureté éblouissante4. Ce photographe est en effet un fabricant de rêves en image. Dans les derniers travaux, son errance visuelle s’est élargie à l’Europe où il voyage. De Naples à Paris en passant par Marseille5, il poursuit sa quête d’un monde silencieux où seul le bruissement fugace de la vie le maintient en éveil.

SÉRIES EXPOSÉES À LA FILATURE
« MARSEILLE » : 15 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
Suite à une résidence en 2013 au Percolateur, plateforme pour la création photographique en Méditerranée, Yusuf Sevinçli a livré sa vision de Marseille dessinant le portrait d’une ville multiculturelle.
Les photos réalisées ont été publiées sous forme de livre en 2014 aux Éditions Le Bec en L’Air.

Yusuf Sevincli, série Marseille 2013
« GOOD DOG » : 17 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
Yusuf Sevinçli développe un concept picaresque, une approche photographique faite d’instabilité et d’errance. Il se contente de photographier son environnement, ses angoisses et ses questionnements au quotidien, et voit en la photographie le moyen de rester connecté aux choses et aux êtres, une réponse – sa réponse – à l’environnement qui l’entoure et aux mouvements qui l’habitent, une réflexion à la fois profonde et naïve. Sa série Good Dog a donné lieu à un ouvrage publié en 2012 aux Éditions Filigranes.
Yusuf Sevinçli2
« L’aspect émotionnel des photographies de Good Dog est physiquement instable.
Yusuf Sevinçli ne s’attarde pas. Il marche, il explore, il observe et il repart. Il prélève presque compulsivement des morceaux de réalité qui sont toujours différents, mais qui peuvent finalement trouver des similitudes et devenir une série d’images. C’est un concept picaresque de la photographie, presque sans-abri, errant, qui rejette la stabilité et la sérénité d’un foyer, même visuel, et qui rendent vivant. Les sujets deviennent des pièces qui s’assemblent et révèlent la matière qu’est la représentation de la réalité à travers l’oeil de l’artiste. L’émotion s’éloigne des sentiers battus et réinvestit la rue, nous montrant sa vraie nature. »

Christine Ollier, 2012
Yusuf Sevinçli
« VICHY, 2015 » : 11 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
En résidence à Vichy pendant un mois, Yusuf Sevinçli a arpenté la ville et posé un regard plein d’humanité sur ses habitants, leur rapport à la ville, à l’autre, au monde. Son travail a fait l’objet d’un focus lors du festival Portrait(s) 2015, ainsi que de la publication de Walking aux Éditions Filigranes.
« À quoi tient l’âme d’une ville ? À la rectitude des trottoirs étroits, lissés par le temps ? Aux taches de rousseur d’enfants saisis par les frimas ? Aux noctambules qui errent sous la fusion des lampadaires ? Une ville livre ses secrets à ceux qui l’arpentent sans fin, poussent la porte des bars, déjeunent sur le coin d’un comptoir et dînent au coin d’un autre, croisent les gavroches le matin sur le chemin de l’école et les retraités l’après-midi, qui siestent sur les bancs. En acceptant de conduire au printemps dernier une résidence à Vichy, Yusuf Sevinçli a endossé la figure du photographe marcheur, du flâneur indocile qui guette les offrandes du jour et les blêmissements du couchant : ici un croupier à la pâleur lunaire, là un chien mouillé convoquant les derniers fantômes de la nuit. Bien malin qui serait capable de reconnaître dans les images funambulesques de ce jeune
Yusuf Sevinçli, 6photographe turc les coquetteries de Vichy la française, Vichy la bourgeoise, arc-boutée sur ses façades art nouveau, ses villas néoclassiques et les splendeurs de l’Allier. La ville thermale, qui vit naître l’écrivain voyageur Albert Londres, devient une terre de rencontres et d’aventures, une projection mentale, un poème visuel né des chimères d’un artiste stambouliote qui pratique les déplacements dans tous les sens du terme, physiques et psychiques. Vichy, grâce à lui, s’éveille d’un drôle de rêve où passent des guirlandes de lumières et des gamins aux poings serrés. […]Sous la griffe du regard nomade de Yusuf Sevinçli, Vichy est dessaisie de son histoire et de sa géographie, elle flotte dans un espace-temps qui est celui du rêve éveillé, elle chaloupe et chavire, traversée de fulgurances, filochée de brouillard, sertie de noirs charbon et de blancs incandescents qui la rendent à la fois plus ardente, plus nerveuse et plus insaisissable. »
Natacha Wolinski, Walking, Éditions Filigranes / festival Portrait(s) 2015
« POST I » : 17 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
« POST II » : 8 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
« PARIS » : 4 tirages en noir et blanc et en argentique

 2 Michel Poivert, La Photographie contemporaine, Paris, Flammarion, 2002.
3 Christian Caujolle accorda une place importante à leurs images dans les colonnes de Libération dont il fut le directeur photo pendant des années, il collabora par la suite avec nombre d’entre eux dans la cadre de l’agence et de la galerie VU’.
4 Cf. expositions Sergio Larrain, commissariat Agnès Sire, église Sainte-Anne, RIP d’Arles et Fondation Henri Cartier-Bresson Paris, 2013.
5 Yusuf Sevinçli a été invité en résidence par l’association Le percolateur, exposition à l’Atelier de Visu, Marseille, octobre 2013.

Sommaire décembre 2015

31 décembre 2015 :

08 décembre 2015 : Andreas Gursky au Museum Frieder Burda
10 décembre 2015 : Régionale 16 en 2015
11 décembre 2015 : LES VAGAMONDES
14 décembre 2015 : Valérie Favre, « La première nuit du monde »
21 décembre 2015 : À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux
23 décembre 2015 : Elisabeth Louise Vigée Le Brun
25 décembre 2015 : Joyeux Noël 2015

LES VAGAMONDES

A vos agendas
LES VAGAMONDES
: festival d’arts & de sciences humaines
4e édition dédiée aux cultures du Sud
Fellag / Blitz Theatre Group / Rocío Molina / Dhafer Youssef / Emma Dante
Héla Fattoumi & Éric Lamoureux / Lina Majdalanie & Rabih Mroué
Amir Reza Koohestani / Zad Moultaka / Cie Massala / Yusuf Sevinçli
_festivallesvagamondes
Un focus sur la création méditerranéenne du 13 au 23 janvier où se succéderont des propositions de théâtre, danse, musique, humour, mais aussi des événements en entrée libre : rencontres avec les artistes, conférences, expositions… Pour cette 4e édition, La Filature s’associe à de nombreux partenaires et propose des rendez-vous
« sciences humaines » dans tout Mulhouse !
Une mer qui relie autant qu’elle sépare. Car la coexistence ne va
jamais de soi. Il faut la vouloir, il faut la construire, l’interroger, en
permanence. C’est bien là que réside la raison d’être de ce festival
qui, à travers les arts et les sciences humaines, nous ouvre vers la
connaissance et la reconnaissance de l’Autre dans sa diversité. Par
les arts, mais aussi la géographie, l’histoire, la géopolitique ou
encore la gastronomie et le vin, nous aborderons beaucoup des
questions de société qui animent notre actualité. Nous entendrons
parler de logique des frontières, de migration des peuples et de
mondialisation. Nous verrons également que nombreux sont les
spectacles qui questionnent – parfois avec beaucoup d’audace – la
place de la femme dans le périmètre méditerranéen.
Les vagamondes
Pour cette 4e édition, l’équipe de La Filature s’est entourée d’une multitude d’acteurs locaux à l’initiative de l’association « Les Cafés Géographiques ».
Nous oeuvrerons ainsi à ce que ce festival soit une véritable
rencontre de l’Autre. Une fête mêlant allègrement arts visuels, théâtre, cinéma, conférences, débats, danse et performances avec comme ligne de mire cette mer qui nous est donnée en partage.
mercredi 13 janv. 19h en entrée libre
INAUGURATION DU FESTIVAL + VERNISSAGE DE L’EXPOSITION DE YUSUF SEVINÇLI
mais aussi de l’installation végétale de Sophie Larger & Stéphanie Buttier dans le hall de La Filature
RESTAURATION
Du mercredi 13 au mercredi 20 janvier, l’association Épices proposera une restauration les soirs de spectacles.
Vendredi 22 et samedi 23 janvier, l’association Franco-Amazigh concoctera des spécialités berbères :
restauration, salon de thé et pâtisseries à savourer en musique ; et samedi 23, le couscous traditionnel du Nouvel An berbère.
Programme complet à consulter

Régionale 16 en 2015

jusqu’au 17 janvier à la Kunsthalle de Mulhouse
Sans titre
est une exposition qui n’a ni titre ni thème. Une exposition qui montre les oeuvres, rien que les oeuvres de cinq artistes. Ni plus, ni moins. Inutile de chercher un fil conducteur, un sens caché, rien de tel n’a guidé le choix de ces artistes. Ils sont là pour la seule et la meilleure des raisons que l’envie de mieux les rencontrer, de montrer leur travail et le partager, le temps d’une Régionale.
Ils viennent de la « Regio »
Hösl & Mihaljevic (DE), Jeannice Keller (CH), Maja Rieder (CH)
et Silvi Simon (FR)

Hösl & Mihaljevic (DE)
Stefan Hösl est né en 1956 à Bonndorf en Forêt-Noire (DE), il vit et travaille à Fribourg.
Andrea Mihaljevic est née en 1956 à Constance (DE), elle vit et travaille à Fribourg.
Depuis 2002, Stefan Hösl & Andrea Mihaljevic collaborent ensemble sous le nom de Hösl & Mihaljevic.
Kunsthalle 1Le travail d’Hösl & Mihaljevic est traversé par l’image en mouvement et l’architecture. Héritiers d’un regard constructiviste, ils n’hésitent pas à l’enrichir d’une belle part d’humanité. Leurs interventions sont souvent liées à des espaces rencontrés ou occupés qu’ils déplacent dans les lieux d’exposition.
Kunsthalle 2Jeannice Keller (CH)
Née en 1975 à Appenzell (CH), elle vit et travaille à Bâle et Paris.
Les sculptures de Jeannice Keller se déploient dans des espaces qu’elles occupent
sur le mode du dialogue. À partir de tissus et de tasseaux, elle construit des installations
de lignes strictes et de plans souples qui défient et soulignent les architectures
investies, leurs qualités mais aussi leurs failles.

Kunsthalle.JPG 3
Maja Rieder (Ch)
Née en 1979 à Kestenholz, canton de Soleure (CH), elle vit et travaille à Bâle.
Maja Rieder travaille sur papier. Que ce soit avec du graphite ou
de la peinture, sur des surfaces morcelées, multiples, pliées, petites ou
grandes, posées au mur ou au sol, elle compose avec et sur le papier.
Toutes ses oeuvres répondent plastiquement à la générosité et à
la richesse de ce support.
Kunsthalle 4Silvi Simon (FR)
Née en 1970 à Livry-Gargan (FR), elle vit et travaille à Strasbourg.
Dont vous avez pu voir le travail à la galerie Iffrig à ST-ART
Silvi SimonLa lumière est la matière de Silvi Simon, elle est aussi son outil. Que ce soit dans des installations ou dans des photos, qu’elle appelle « chimigrammes », c’est en jouant, déjouant, façonnant voire capturant la lumière qu’elle modèle des espaces et crée des images à fort pouvoir d’attraction.
Silvi Simon. laserInstallation réalisée lors d’une résidence en milieu scolaire au lycée Lumière-Beauregard de Luxeuil-les-Bains, avec le soutien de la DRAC Franche Comté.
Co-production La Grosse Entreprise, dans le cadre du projet LUX ! Année internationale de la lumière.
Remerciements à Jean-Charles Beugnot, chercheur CNRS à l’institut FEMTO-ST, Besançon.
LES RENDEZ-VOUS
Kunstapéro : le jeudi 7 janvier à 18h00
Des oeuvres et des vins à découvrir : visite guidée suivie d’une dégustation de vins, en partenariat avec
l’association Mulhouse Art Contemporain et la Fédération Culturelle des Vins de France.
Participation de 5 euros / personne, inscription au 03 69 77 66 47 / kunsthalle@mulhouse.fr
Kunstdéjeuner : vendredi 11 décembre à 12h15
Visite à thème « Questions obliques » suivie d’un déjeuner*
Sous la forme d’un jeu, les cartes de Questions obliques interrogent, de manière parfois surprenante et décalée, le visiteur sur sa perception de l’exposition. En partenariat avec l’Université Populaire.
Gratuit, sur inscription au 03 69 77 66 47 / kunsthalle@mulhouse.fr
*repas tiré du sac
Rendez-vous famille : dimanche 10 janvier à 15h00
Une visite / atelier est proposée aux enfants et à leurs parents.
A partir de 6 ans
Gratuit, sur inscription au 03 69 77 66 47 / kunsthalle@mulhouse.fr
Bus tour : dimanches  13 et 20 décembre
Plusieurs circuits en bus sont proposés au départ de Bâle, Strasbourg et Fribourg.
Dimanche 13 décembre, possibilité de visiter l’exposition « Sans titre » de La Kunsthalle
au départ de Fribourg – Konzerthaus rdv à 10h00.
Payant, réservation en ligne www.reservix.de – mot clé : Regionale
Tickets : CHF 25.- \ EUR 20.-
Informations sur www. regionale@gmx.ch
Dimanche 13 décembre au départ de Fribourg
10:00 Départ de Fribourg, Konzerthaus
11.00 Städt. Galerie Stapflehus, Weil am Rhein
12.00 Kunst Raum Riehen
13.30 Projektraum M54, Bâle
15:00 La Kunsthalle Mulhouse
16.00 La Filature, Mulhouse
17:00 Retour
18:00 Arrivée à Fribourg
Possibilité de prendre le bus en cours de route
Pour construire votre visite / parcours au sein de l’exposition :
Emilie George / Chargée des publics
emilie.george@mulhouse.fr
+33 (0)3 69 77 66 47
Éventail des visites à thème téléchargeable sur www.kunsthallemulhouse.com
À l’attention des familles et du jeune public en visite autonome :
les Ateliers Pédagogiques d’Arts Plastiques du
Pôle Education et Enfance de la Ville de Mulhouse proposent un carnet de visite disponible à l’accueil.

ST-ART 2015, 20e édition

A l’occasion de ses 20 ans, ST-ART met à l’honneur la photographie
ST-ART s’inscrit dans les premières foires d’art française, après la FIAC.
90 galeries dont 32 viennent pour la première fois, un tiers des exposants étant des galeries internationales avec huit pays représentés : Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Japon, Pologne qui pendant 4 jours exposent leurs meilleurs artistes. Côté français, l’enjeu pour ST-ART est de ménager une place importante aux galeries régionales aux côtés des galeries parisiennes, sans oublier de permettre à de jeunes galeries de montrer le travail d’artistes émergents.  Sans oublier la carte blanche donnée à la ville de Strasbourg.

Invitée d’honneur de la 20e édition de ST-ART, la MEP, Maison Européenne de la
Photographie, présente sur 100 m2 ses collections au travers un solo show consacré
à Bettina Rheims et un programme vidéo présentant le travail de trois vidéastes :
Zhenchen Liu, Clorinde Durand et Béatrice Pediconi.

Bettina Rheims, Monica Bellicci

C’est en 1978 que tout commence, lorsqu’elle rencontre des stripteaseuses et qu’elle les photographie. Cette première série fait rapidement l’objet d’expositions et marque le début d’une longue carrière. Bettina Rheims se consacre alors entièrement à la photographie et à sa passion pour l’art et pour le sujet féminin
Sa sensibilité et son approche du modèle féminin, qu’elle magnifie dans sa nudité, en font une des photographes majeures de son temps et l’amène à travailler avec
de nombreuses célébrités telles que Madonna, Charlotte Rampling, Catherine Deneuve, Marianne Faithfull, Asia Argento, …. ainsi que des mannequins de renommée internationale comme Kate Moss, Claudia Schiffer ou Naomi Campbell.
En 1995 Bettina Rheims est choisie pour réaliser le portrait officiel du Président Jacques Chirac.
Depuis les années 1980, parfois avec la complicité du romancier Serge Bramly, Bettina Rheims développe ses recherches et son discours artistique: une nouvelle approche du corps féminin, une interaction avec le modèle et le photographe qui confine à l’intime, une liberté de regard sur la place du corps et l’image sociale qu’il projette, …
La Galerie belge Mazel présente les photographies de Bruno Timmer d’Antoine Roze
Antoine Roze
Hans Sylvester, Les enfants bergers d’Ethiopie, 2014. 0 la galerie Pom Turbil
DSC01291
BETTINA VON ARNIM présente le travail d’Isabelle Chapuis & Duy Nhan Duc
Isabelle Chappuis et  Duy Anh Duc
 
ainsi que l’Ecco Homo, oeuvre phare de Sébastien Salamand, dit le Turk
Bernard Kuhn avec ses photographies superposées
Bernard Kuhn
La Galerie Estampe de Strasbourg présente Hervé di Rosa, défenseur de l’art modeste, une gravure au carborundum
Hervé di Rosaainsi qu’une belle est gravure de Christophe Hohler de la cathédrale de Strasbourg
Christophe Hohler
Les Solos Schows :
Victor Matthews dans la galerie Art Passion de Pont à Mousson,
Enfant de Brooklyn, débutant sur les murs de Soho, peint et sculpte a présent tout blanc
et en studio
Victor Matthews
Pour la galerie Rendez-vous à Strasbourg Christophe Meyer et son univers de félins
Christophe Meyer
La galerie Bertrand Gillig de Strasbourg
Bertrand Gillig
la galerie de Christophe Fleurov de Strasbourg avec tableaux jouets de
Pierre Orssaud
et les poupées de Catherine Hunter
Galerie Christophe Fleurov
Galerie Radial Art Contemporain Frédéric Croizer
Radial Art Contemporain
Présentée par la Galerie No Smoking une libanaise Nosrat Aimaz
Nosrat Aimaz
La galerie Najuma de Marseille présente de très beaux Hans Hartung
ainsi que des toiles de Gaston Chaissac

DSC01327
Le street-art n’est pas en reste avec la galerie Berthéas qui présente Jonone,
Miss.Tic
Miss. Tic
ou encore Christian Guémy alias C215 avec No-Sunshine
C215 No-Sunshine
On peut voir en direct l’ Intervention In situ de l’artiste Eismael Bahrani à St’art
dans le fonds de la foire
Eismael Bahrani
Mon coup de coeur personnel à la galerie Anquins’Art
un dessin au fusain de Teresa Riba
Teresa Riba
reportage sur France 3 à partir de 17  » 40
le catalogue avec un Edito de Michel Nuridsany
écrivain et critique d’art peut être consulté en ligne

Martial Raysse

N’ayant vu que peu de toiles et installations de Martial Raysse,  (vidéo) artiste figuratif, poète, mondialement connu,  ayant écouter son double passage savoureux chez Laure Adler sur France Culture dans l’émission, Hors Champs ( 2 podcast) en direct de Venise,  du Palazzo Grassi, j’étais très curieuse de voir la rétrospective, de celui qui dit que l’art contemporain, n’a aucun intérêt pour lui, que c’était subalterne, qui ne croit pas à Cézanne, ni  à Matisse, (c’est facile à faire, c’est de l’esbroufe), qui copie les maîtres pour apprendre la peinture, qui dit que si Raphaël revenait il aimerait l’entendre lui dire : « c’est pas terrible, mais continue »
Martial Raysse

Un tableau, c’est de l’intelligence condensée, c’est comme un théorème mathématique, chacun peut le prendre par un bout et divaguer à partir de là.

Son travail est lié à son apprentissage et son expérience de la sagesse : « Il y a une quête initiatique dans mon travail, si on peut parler ainsi sans être prétentieux. Mais la sagesse n’est pas triste, elle conduit à une sorte de sérénité merveilleuse. L’austérité n’est pas un principe de sagesse, c’est la juste mesure qui est sage. »

Palazzo Grassi Martial Raysse

Il revient sur la comparaison que font les critiques entre ses premières œuvres et le Pop Art : « J’ai fait ces œuvres en 1960-1961, bien avant que les Américains ne se réveillent. Quand Warhol est arrivé avec sa série de Marylin Monroe, la peinture était encore fraîche ; moi j’avais fait cela un an auparavant. » Il évoque aussi son utilisation du néon : « J’ai utilisé du néon à une époque où on ne l’utilisait presque pas en France ; aux Etats-Unis, c’était courant dans la vie quotidienne, les artistes ne pensaient même pas à l’utiliser. Chez moi, à Nice, il n’y en avait que deux sur l’avenue de la Victoire, pour moi c’était des icones… »

Martial Raysse

Le motif de l’atelier est récurrent dans ses toiles : « Toute mon œuvre est marquée par mon environnement ; on est influencé par ce qui nous entoure et c’est susceptible de ressortir sur les images qu’on produit. »

Il évoque les couleurs toujours très vives de ses tableaux : « Beaucoup de gens sont dépaysés par les couleurs que j’utilise aujourd’hui. C’est en pratiquant la couleur que je suis arrivé à la ‘sur-couleur’. La maxime de la peinture, c’est de faire de la lumière avec de la matière. »

Martial Raysse

Selon lui, « l’art contemporain, ce n’est qu’une doxa, une rhétorique. » Et de constater que la peinture figurative a du mal à se faire une place au sein des galeries françaises : « Il y a de bons peintres figuratifs mais ils ne sont pas très connus. Beaucoup de jeunes gens, notamment des femmes, ont du mal à s’en sortir, surtout quand ils font de la peinture figurative. »

Martial Raysse

Il revient sur ses premières œuvres : « Pour la série Coco Mato, je n’avais pas de papier, je ne pouvais pas m’acheter de la toile, je travaillais sur des papiers journaux ou des papiers de mauvaise qualité. J’étais vraiment très pauvre. » Ces premières œuvres étaient exclues du marché de l’art.
« C’étaient des objets avec les moyens du bord, très humbles, qui témoignaient de la poésie mystérieuse des rapports humains dans une société à part. »

Martial Raysse

Il pense qu’un peintre ne devrait pas parler de sa peinture : « Je n’aime pas traduire mes tableaux, je n’aime pas en parler non plus, car je trouve que le peintre fait sous-titre à son tableau. C’est le principe même de notre époque, on connaît tout des peintres. J’aurais aimé être comme étaient les peintres anciens dont on ne connaît rien… » « Martial Raysse »
au Palazzo Grassi à Venise,  jusqu’au 30 novembre 2015

Martial Raysse
Le Palazzo Grassi a été construit entre 1748 et 1778, selon un plan dont le centre est occupé par une cour couverte où la lumière naturelle entre largement, comme elle entre dans les salons sur le Grand Canal. Un escalier double monte à la galerie du premier étage, suite d’arcades en balcon au-dessus de la cour. Les salles sont de proportions variées, en enfilade ou en angles. Il y a de l’espace et donc la possibilité de considérer les toiles les plus vastes de loin et de près.
Martial Raysse
 Caroline Bourgeois, commissaire de l’exposition, a  pris le parti pour Raysse,  de ne pas disposer les pièces selon leur date d’exécution, de la plus précoce à la plus récente, mais selon un agencement harmonieux.
Dès l’entrée,  la cour est occupée par de grandes vitrines où voisinent des assemblages pop d’il y a un demi-siècle, des bricolages d’hier, des objets détournés, des petits assemblages nés de la récupération de trois fois rien, des bronzes presque baroques et des ready-made de plastique. Une sorte de salle à manger-salon de nos grands parents.
D’autres de ces reliquaires sont dispersés au fil du parcours, de même que des néons et les films. Ils sont tous de la même veine, le Raysse ancien ou récent, avec ses calembours, ses sous-entendus, ses blagues, ses sarcasmes, ses titres pétiques. Il précise qu’il a utilisé les néons avant les artistes américains, car pour lui c’était nouveau, alors que l’Amérique était inondée de néons à cette époque. (années 60)

Martial Raysse
Quelques ensembles sont réunis sur un thème ou un genre, la baigneuse – il y a foule de baigneuses chez Raysse, à toutes les périodes –, le portrait – féminin y domine –, les mythes antiques – tels quels ou modernisés. Qu’ils dominent ne surprend pas, tant l’artiste s’y est régulièrement consacré. Mais d’autres, demeurés moins visibles, se manifestent grâce aux rapprochements.
Dans la campagne il choisit ses modèles, chiens,  coqs, cygne, paysans, carnaval, qu’il associe à des fêtes médiévales.

Martial RaysseModello pour Ici Plage, comme ici bas

A la cafétéria on voit Martial Raysse, 80 ans, dansant, dans une vidéo,  heureux, d’avoir pu exposer au Palazzo Grassi, ravi de l’opportunité que lui a offerte François Pinault, de donner à voir ses oeuvres à la lumière naturelle, qui lui semble de ce fait, des nouveaux tableaux, dans un écrin si prestigieux.

"Slip of the Tongue" à Venise

Je dois dire d’entrée, que de pénétrer à la Dogana, bâtiment du XVIIème siècle,  si particulier et emblématique, réveille en moi une émotion fébrile.
Il a ainsi changé de fonction pour la première fois de son histoire, abandonnant les trafics commerciaux pour accueillir des productions majeures de l’art contemporain et devenir un lieu pour les partager avec le public. Il  semble encore résonner de son passé.
Dogana
Slip of the Tongue, c’est la langue qui fourche
– Un train qui bifurque pour prendre la route qui ne mène pas à Rome,
Mais à Venise, à la Pointe de la douane – La punta della Dogana.
Voilà le titre de l’exposition
Slip of the Tongue : lapsus.
Visite sonore avec France Musique
Dogana
Elle est organisée par l’artiste d’origine vietnamienne Danh Vō (né en 1975), en collaboration avec Caroline Bourgeois.
C’est la première fois que la fondation Palazzo Grassi – Punta Della Dogana – Pinault Collection invite un artiste à jouer le rôle de commissaire.
Le nom de l’exposition, « Slip of the Tongue », est emprunté à l’artiste Nairy Baghramian (né en 1971), qui a beaucoup échangé avec Danh Vō. L’exposition semble tenter de « cartographier l’amitié ».
Le clou du spectacle : deux ensembles extraordinaires exécutés par l’artiste américaine Nancy Spero (1926-2010).

Nairy Baghramian, Slip of the Tongue
Nairy Baghramian, Slip of the Tongue

Certains projets présentés combinent les dimensions personnelles et sociales des relations entre artistes. Certains artistes n’ont jamais rencontré Danh Vō, comme Felix Gonzalez Torres (2009, Wiels Contemporary Art Centre, Bruxelles), Martin Wong (2013, Solomon R. Guggenheim Museum, New York), et son amie Julie Ault (2013, Artists Space, New York).
Ces notions permettent de tisser des liens entre les œuvres sélectionnées au sein de la collection Pinault ; des œuvres par Bertrand Lavier, Tetsumi Kudo, Lee Lozano… La conversation se poursuit entre les 35 artistes invités par Danh Vō, à laquelle une photo de Robert Manson donne un tournant remarquable.
Dogana
L’exposition « Slip of the Tongue » trouve une résonnance particulière à Venise, ville carrefour entre tradition et modernité, dont l’histoire a toujours été marquée par un équilibre instable entre division et communion. Cette résonnance est accentuée par le choix de Danh Vo d’insérer dans le parcours de l’exposition un dialogue entre des oeuvres contemporaines et des oeuvres plus anciennes provenant de l’Institut d’Histoire de l’Art de la Fondation Giorgio Cini et des Galeries de l’Accademia. Ces prêts s’inscrivent dans le lien de collaboration étroite et de développement de synergies qui s’est tissé entre Palazzo Grassi – Punta della Dogana et les deux institutions vénitiennes depuis 2014. Ils résultent, par ailleurs, du dialogue fructueux qui a eu lieu entre l’artiste Danh Vo et Luca Massimo Barbero à la Fondazione Giorgio Cini et Giulio Manieri Elia aux Galeries de l’Accademia. extrait  Elisabeth Lebovici
Le musée est une bouche dans laquelle nous rentrons avec nos regards.
Nos yeux se posent sur la bouche de Bertrand Lavier,
Bertrand lavier
Mais la langue est instable et nos corps glissent.
L’exposition parle des rencontres impromptues qui se créent entre une bouche, un mot, l’art et la grande histoire.
Slip of the Tongue, c’est le glissement qui fait qu’un frigo devient une œuvre d’art ou qu’une peinture de Giovanni Bellini de la Renaissance se retrouve découpée et recardée pour devenir autre chose.
Bellini
L’histoire est une suite de malentendus,
Et l’art est un élastique, qui s’étend, s’étire, prenant de ci delà une légende, un cadre, un carton.
Les hybridations du temps créent des surprises que des bouches nous disent – Par le biais d’un choix d’oeuvres dans la collection Pinault – Oeuvres déracinées sélectionnées par Danh Vo – artiste, curator de l’exposition.

Nancy Spero
Codex Artaud XVII (détail), 1972
© Nancy Spero, Courtesy Galerie Lelong, New York 12

C’est dans les mots d’Antonin Artaud, artiste engagé et enragé, que Nancy Spero trouva les moyens d’exprimer toute cette colère et cette frustration de sa condition de “femme-artiste“ dans les années 60/70.
Il n’était pas dans mon intention de composer des images qui viendraient illustrer les textes, mais bien de continuer à fracturer les écrits déjà fracturés d’Artaud. Fracturés par la perte de son esprit
au fil des séances d’électrothérapie, par le non-être, par la peur de perdre sa langue ; son
amertume face à son isolement exprimée dans des commentaires tels que :
“On lit les mémoires des poètes morts, mais, vivant, ils ne vous passeront même pas un verre d’opium ou une tasse de
café.”


Les citations que j’ai incluses portent surtout sur un désaveu de l’existence ou du monde matériel – un désaveu d’une vie passée dans un monde d’ombres et d’obscurité. J’ai volontairement employé les oeuvres d’Artaud pour exprimer un dégoût existentiel. La voix de “l’autre” (quoique masculin) me fournissait un outil capable de porter ma voix d’artiste réduite au silence. Néanmoins, j’ai préféré utiliser le texte original, en français, et, ce faisant, ne pas faciliter la lecture des citations. Le Codex Artaud se compose de couches superposées, il comporte des références “artistiques” : images tant égyptiennes, romaines que celtiques, autoportraits au miroir imaginaire de Léonard de Vinci, images renvoyant implicitement à mes oeuvres passées, auxquels
s’ajoutent des textes tapés à la machine comme s’il s’agissait de poésie concrète, et ainsi de suite.
Les images grotesques représentant des figures rêvées dans des cauchemars donnent les clés pour comprendre un langage qui sonderait du regard un abysse. Ces figures sont autant d’extensions des textes, dans le sens où je destinais ceux-ci à faire office de hiéroglyphes. Nancy Spero

Andres Serano
En 1987, Andres Serrano travaille à des photographies immergées dans des
fluides corporels. Il expérimente en versant du sang dans un récipient de
lait et en prenant la photo en même temps (Bloodstream, 1987). Il produit
des images monochromes de sang, de lait, ou d’urine comme « pigments purs »
(Blood, Milk, Piss). L’artiste construit des récipients en Plexiglas, qu’il remplit de
ces liquides, conservant ses matériaux dans des bouteilles de lait vides
entreposées dans la salle de bains du petit appartement où il vit alors. Cherchant
à produire quelque chose qui soit à la fois abstrait et une représentation –
une couleur et une substance – Serrano cadre ses photographies de façon
à ce que les bords des récipients ne soient pas visibles.
Livret guide de l’exposition
Slip of the tongue

Jusqu’au 31 décembre 2015
A la Punta della Dogana de Venise