« En fait je suis obsédé par la beauté, je veux que tout soit parfait. »
Robert Mapplethorpe
La RNM et le musée Rodin, nous propose deux expositions complémentaires sur un artiste hors du commun : Robert Mapplethorpe
Si vous aimez le Caravage, Rodin, Michel Ange, le clair obscur, les reliefs, et les fleurs, ces événements sont pour vous.
Je me suis laissée guider par le livre de Patti Smith « Just Kids » et ceux de Judith Benhamou-Huet,
« Dans la vie noire et blanche de Robert Mapplethorpe » et Mapplethorpe, vivant – réponses à des questions.
Quelques podcasts sur les antennes de diverses radios, où Jérôme Neutres commissaire de l’exposition du Grand Palais, raconte ses recherches pour le montage de l’exposition, puis les autres commissaires : Joree Adilman, directrice de la fondation Robert Mapplethorpe, Hélène Pinet, conservatrice au Musée Rodin, Judith Benhamou-Huet, journaliste.(vidéo)
Ma première rencontre avec les photos de RM a été avec celle de l’homme au
costume en polyester, « Man In Polyester Suit » (dont je vous laisse découvrir la description faite par Monique Younes, en compagnie de Judith Benhamou-Huet , sur RTL ), dans un cours d’histoire de l’art.
Le modèle, dont on ne voit pas la tête est Milton Moore, il a été un body friend important de RM.
Selon Edmund White, écrivain, il purgeait une peine de prison pour meurtre au moment du décès de RM.
Ken Moody et Robert Sherman
Au Grand Palais l’exposition est chronologiquement décroissante, d’emblée le ton est donné avec le self portrait de fin de vie, RM, le visage creusé, brandit sa canne tête de mort. On est loin, du visage angélique, de la jeunesse, aux boucles folles, sensuelles, proche de l’amour victorieux du Caravage ou encore de son Bachus. Mapplethorpe, avant d’être photographe, est artiste. Ses images viennent d’une culture picturale où l’on retrouve Titien (Le Supplice de Marsyas / Dominick et Elliot), David, Dali, et même et d’abord les grands de la Renaissance italienne, Michel-Ange, Piero della Francesca, Le Bernin…
La sélection couvre toute la carrière de photographe de Mapplethorpe, des polaroids du début des années 1970 aux portraits de la fin des années 1980, en passant par les nus sculpturaux, les natures mortes, le sadomasochisme… L’exposition s’attache à révéler toutes les facettes de cette oeuvre au-delà des clichés dans lesquels elle a longtemps été enfermée. Par exemple, un focus autour de ses deux muses Patti Smith et Lisa Lyon permet d’aborder le thème de la femme et de la féminité et de voir un aspect moins connu de l’oeuvre du photographe. L’enjeu de cette exposition est de montrer que Mapplethorpe est un grand artiste classique, avec une problématique de plasticien, qui a utilisé le medium de la photographie comme il aurait pu utiliser la sculpture.
Pour apprécier l’art de Mapplethorpe, il faut aussi le replacer dans le contexte socio- culturel du New York arty des années 70 et 80, d’une part, et de la culture de l’underground gay de ce même espace-temps. Deux univers perméables et aussi radicaux l’un que l’autre.
Pour mesurer l’explosion libertaire de cette époque il faut visionner Flesh, le film de Warhol avec Joe Dalessandro, qui narre 24 heures de la vie d’un jeune prostitué newyorkais ; Midnight cowboy, véritable « chef d’oeuvre » aux yeux de Mapplethorpe. Pour comprendre la violence et la passion de la sexualité gay pour les jeunes newyorkais d’une époque répressive qui combattent pour leur libération, il faut lire The Beautiful Room is Empty, d’Edmund White (en français : La Tendresse sur la peau), itinéraire d’un jeune gay dans les années d’émeutes et de manifestations, mais aussi d’émancipation extrême ; Dancer from the dance de Andrew Holleran (1978), pour se transporter dans les explorations sexuelles du Fire island des années 70.
L’exposition vise à montrer au plus large nombre le travail exceptionnel de cet artiste, reconnu par les amateurs comme l’un des plus grands photographes.
Les photos sont d’une beauté saisissantes, le noir appelle le blanc, les corps sont sublimés, les contrastes, les ombres sont merveilles comme dans une toile classique ou dans une sculpture. RM est peintre et sculpteur, perfectionniste.
C’est le défilé de ses amants-modèles, de ses amies, de ses muses, Patti Smith, Lisa Lyon, de la génération Mapplethorpe.
RM est un magicien de la photo. Quand on se replace dans l’époque de sa production,
les appareils sophistiqués n’existaient pas, la minutie, le regard inouï de l’artiste subjugue.
Le travail de RM est à l’image de sa vie en noir et blanc.
J’ai tenté d’identifier les personnages photographiés, qui ont traversé la vie brève et
sulfureuse de RM (1946/1989). Patti Smith, sa compagne des débuts est très présente en photos et vidéo. Ses compagnons les plus importants comme David Croland, premier compagnon, avec lequel se révèle son homosexualité, Sam Wagstaff, mécène et compagnon le plus célèbre, conservateur de musée, collectionneur de photographies sous l’influence de RM.
RM hérita de sa fortune après son décès.
John McKendry, ami qui lui permet de connaître le fond de photographies anciennes du Moma. C’est ainsi qu’il étudie l’art de la photo, et cela explique en partie, la minutie avec laquelle, il photographia ses modèles. John McKendry lui a offert son premier appareil photo polaroïd, et avait négocié avec la firme Polaroïd afin qu’il bénéficie de pellicules gratuites.
Sa déclaration « si j’étais né il y a cent ou deux cents ans, j’aurais été sans doute sculpteur, mais la photographie est une façon rapide de regarder, de créer une sculpture »
Ses natures mortes, ses fleurs sont superbes, quoique présentées de manière glacée.
Pour Les fleurs, images sexuelles magiques, en couleur, il faut faire abstraction du mur hétéroclite qui lui fait face. Sur ce mur, l’ensemble demande à être regardé individuellement.
En effet le visiteur passe rapidement sans même la voir, devant la boîte, « Madonna » une des premières créations de RM, pour le Noël du jeune couple, composée d’un mouton trouvé dans une poubelle par Patti Smith, et d’un dessin de RM qui en tapisse le fond.
Au dessus de la boîte un crucifix, en tapis blanc, « White Carpet cross » une photo de Lisa Lyon nue avec un crucifix posé entre les seins, un autoportrait de RM montrant un bras, l’aisselle et, l’épaule et une partie du visage, puis une photo de fleur. Sur le même mur, un Christ crucifié, la tête couronnée d’épines de Jack Walls dernier compagnon de RM, un crâne, un compotier garni de pommes.
Sur un grand mur sont réunies les photos des personnes que RM a photographié soit par amitié, soit sur commande, autour de celle d’Andy Warhol en majesté.
« Le sexe est magique. Si vous le canalisez bien, il y a plus d’énergie dans le sexe que dans l’art … »
Cela résume vers quoi tendait RM, le sexe et la perfection de son art.
La chapelle Sixtine de Mapplethorpe est le corps : le cou, la gorge, le nombril, l’aisselle… font autant partie de son vocabulaire photographique que les têtes, les jambes ou les sexes qu’il montre sans gêne comme un élément physionomique et architectural comme les autres, à un détail près.
Dans un lieu en retrait, où est apposée une mise en garde pour les visiteurs âgés de moins de 18 ans, se trouvent les photos dites proprement sexuelles. On y voit des collages, des sexes masculins en érection, des scènes de sadomasochisme, de bondage, un autoportrait de RM assez cocasse, où il nous toise tout en s’introduisant un fouet dans l’orifice de son postérieur. Tout ceci parait tellement posé, étudié, clean, au point que cela ne soulève aucune émotion, ou pulsion. Les géométries et les pièces uniques apportent davantage d’admiration devant la perfection des images et des compositions telles que
« Thomas and Dovanna, 1986 » ci-dessus.
À la fin de l’exposition, sont exposés les polaroïds de ses débuts, où le classicisme est
déjà apparent, montrant ses amis dont certains ont disparus comme lui, fauchés par la même maladie.
« Je vois les choses comme des sculptures, comme des formes qui occupent un espace ». Robert Mapplethorpe
Le temps d’une exposition, le musée Rodin confronte deux formes d’expression – Sculpture et Photo-graphie – à travers l’oeuvre de deux artistes majeurs :
Robert Mapplethorpe et Auguste Rodin.
Bénéficiant de prêts exceptionnels de la Robert Mapplethorpe Foundation, cette exposition présente 50 sculptures de Rodin et un ensemble de 102 photographies dont l’audacieux dialogue révèle la permanence des thèmes et sujets chers à ces deux grands créateurs. Tout semble opposer ces deux personnalités même si Mapplethorpe n’a eu de cesse de sculpter les corps à travers son objectif et que la photographie a accompagné Rodin tout au long de sa carrière. Robert Mapplethorpe est à la recherche de la forme parfaite, Rodin tente de saisir le mouvement dans la matière. Rien n’est spontané, tout est construit chez Mapplethorpe, alors que Rodin conserve les traces de l’élaboration de l’oeuvre et cultive celles de l’accident. L’un fut attiré par les hommes, l’autre par les femmes et tous deux jusqu’à l’obsession.
Cela n’a pas empêché Mapplethorpe de photographier des nus féminins et Rodin de modeler de nombreux corps masculins. Pourtant la confrontation entre ces deux artistes se transforme instantanément en un dialogue inattendu.
Sept thèmes ont été retenus par les commissaires, servant de fil rouge aux rapprochements qui sont à la fois formels, thématiques et esthétiques.
Mouvement et Tension, Noir et Blanc/Ombre et Lumière, Erotisme et Damnation sont quelques-unes de ces grandes problématiques traversant l’oeuvre des deux artistes. Cette exposition est une invitation à questionner le dialogue établi par les commissaires et à faire sien les rapprochements. Cette vision
« sculpture et photographie » est inédite au musée Rodin car jamais un tel face à face n’avait été réalisé, renouvelant le regard sur la photographie comme sur la sculpture.
Deux carrières sans rapport entre elles, deux hommes que tout oppose, deux techniques dissemblables. Pour surprenant a priori que puisse paraître le rapprochement entre Mapplethorpe (1946-1989) et Rodin (1840-1917), il laissera pourtant à chaque détour le spectateur interloqué. Pour deux raisons. La première est une apparente banalité : tous deux, par des moyens différents, appréhendent le corps humain et en font le medium quasi-unique de leur expression. Mais au-delà de cette évidence, au-delà des aspects provocateurs ou érotiques des images, du caractère parfois ténébreux de leurs poétiques ou de leurs obsessions, c’est paradoxalement une approche ardue et radicale qui s’impose chez l’un comme chez l’autre : compositions toujours impérieuses par le refus du superflu comme par la puissance formelle, aux limites de l’abstraction. Non seulement rien de trop, mais uniquement le nécessaire. Science des lignes, nuance des valeurs, plénitude des volumes. C’est pourquoi sans doute, entre Mapplethorpe le perfectionniste et Rodin le passionné, les effets d’écho stupéfiant émergent, comme entre White Gauze (1984) et le Torse de l’Âge d’airain drapé (vers 1895-1896).
Derrière la manière de contenir la sensualité chez l’un, ou de lui donner un exutoire chez l’autre, affleurent deux sensibilités à fleur de peau, peau du grain photographique ou peau de l’épiderme de plâtre, qui vibrent dans une tension extrême, aux limites de la rupture ou de l’éclatement. La deuxième nous introduit à la véritable dimension de leur création : l’un comme l’autre débordent les frontières des domaines par lesquels ils s’expriment, des techniques qu’ils utilisent : la photographie se fait sculpture, la sculpture devient le moyen de révéler des images, au point que, dans les face-à-face présentés dans le catalogue, on confondra volontiers photographie et sculpture. Certains duos semblent presque des dominos conçus comme tels pour se répondre, comme un effet de négatif / positif entre L’Homme qui marche (1907) et Michael Reed (1987). Dans les deux cas, le vrai medium est la lumière, le vrai enjeu, de la sculpter, de la mettre en espace, dans une quête paradoxale de l’immatériel.
Photographies et sculptures fonctionnent finalement – c’est ce qui crée leur communauté d’esprit – comme des pièges à lumière. Impeccable ou morcelée, contrastée ou impalpable, brutale ou douce, celle-ci décline d’infinies variations de la manière d’habiter l’espace du corps, des formes, du monde.
extrait de Catherine Chevillot Conservateur général du patrimoine Directrice du musée Rodin ÉDITORIAL
Ces expositions sont réalisées par la RMN – GP, avec la coopération de la Fondation Robert Mapplethorpe, New YorkCommissaire général : Jérôme Neutres, conseiller du président de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais / Commissaires associées : Joree Adilman, conservateur de la fondation Robert Mapplethorpe, Hélène Pinet, conservatrice au Musée Rodin et Judith Benhamou-Huet, journaliste critique d’art
Deux catalogues :
Catalogues
« Mapplethorpe Rodin »
Auteurs : Hélène Pinet, Hélène Marraud, Jonathan Nelson, Judith Benhamou-Huet
Éditions du musée Rodin / Actes Sud. 256 p., 250 ill. 40 €.
Catalogue officiel de l’exposition Robert Mapplethorpe, Grand Palais, Champs Elysées, du 26 mars 2014 au 13 juillet 2014.
- Auteur : Jérôme Neutres, Conseiller du président de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, commissaire général de l’exposition
MUSEE RODIN jusqu’au 21 septembre 2014
Partager la publication "Robert Mapplethorpe 2 expositions à Paris"