Chefs-d’oeuvre de Budapest

Chefs-d’oeuvre de Budapest
Dürer, Greco, Tiepolo, Manet, Rippl-Rónai
9 mars – 10 juillet 2016
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard
75006 Paris
Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux
– Grand Palais, le musée des Beaux-
Arts de Budapest et la Galerie nationale hongroise.
Alors que le musée des Beaux-Arts de Budapest, le célèbre Szépmüvészeti Múzeum, se lance dans une vaste campagne de rénovation qui l’oblige à fermer ses portes, les chefs-d’oeuvre les plus remarquables qui fondent sa renommée s’exposent au Musée du Luxembourg.

József Rippl-Rónai Femme à la cage 1892 Huile sur toile, 185,5 x 130 cm Budapest, Galerie nationale hongroise © Galerie nationale Hongroise, Budapest 2016
József Rippl-Rónai Femme à la cage 1892 Huile sur toile, 185,5 x 130 cm Budapest, Galerie nationale hongroise © Galerie nationale Hongroise, Budapest 2016

Budapest se distingue par la richesse de ses collections conservées au musée des Beaux-Arts et à la Galerie nationale hongroise, mais aussi par l’originalité de leur histoire commune qui prend racine au XIXe siècle. Leur genèse témoigne de la volonté des pouvoirs publics d’alors de doter la capitale hongroise d’une institution d’envergure internationale qui puisse offrir le meilleur de l’art national et européen, essentiel à la formation et à l’élévation de la population.
Chefs d'oeuvre de Budapest vue de l'expo
Portée par une politique culturelle dynamique et raisonnée, l’idée d’un musée des Beaux-Arts prend forme avec l’acquisition par l’État en 1871 des quelques six-cents chefs d’oeuvre de la collection des princes Esterhazy. Elle se développe par la suite notamment grâce à la générosité de collectionneurs hongrois, désireux de contribuer à l’entreprise en comblant progressivement les lacunes du noyau initial. 1896 marque un tournant décisif : cette année-là, le Parlement décide de faire construire un vaste bâtiment où réunir tous ces trésors alors présentés en divers endroits de la ville. Dans l’histoire de la Hongrie, la création de ce musée coïncide avec un moment d’essor économique et accompagne un âge d’or artistique. Véritable temple des muses élevé à l’orée du grand parc urbain, le nouvel édifice marqué par la référence à l’architecture antique ouvre ses portes en
1906. lI devient rapidement un rendez-vous obligé des habitants de Budapest et une collection parmi les plus prestigieuses d’Europe centrale.
Albrecht Dürer Portrait d’un jeune homme vers 1500-1510 Huile sur panneau de sapin, 42,8 x 34,5 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Albrecht Dürer
Portrait d’un jeune homme
vers 1500-1510
Huile sur panneau de sapin, 42,8 x 34,5 cm
Budapest, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

Au-delà de la possibilité de voir à Paris des oeuvres de Dürer, Cranach, Greco, Tiepolo, Goya, Manet, Gauguin, Kokoschka, il s’agit de raconter la singularité du rapport à l’art de cette capitale européenne. Un certain nombre d’oeuvres les plus spectaculaires promettent d’être une découverte totale pour le public français, depuis les sculptures médiévales jusqu’au symbolisme hongrois, puisqu’aux collections du musée des Beaux-Arts se joignent celles de la Galerie nationale hongroise.
L’exposition suit un fil chronologique, mettant parfois en avant les spécificités d’une école (le siècle d’or hollandais tant aimé des Esterhazy), mais développe aussi de façon transversale quelques thèmes qui sont illustrés de façon très originale dans la collection : ainsi peut-on réunir portraits et figures de fantaisie ou scènes de genre, en passant de Hoffmann et Rubens à Messerschmidt, Goya, Füssli et Manet.

Andrea Pisano Vierge à l’Enfant vers 1335 Albâtre, 36 cm (hauteur) Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Andrea Pisano
Vierge à l’Enfant
vers 1335
Albâtre, 36 cm (hauteur)
Budapest, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

La grande peinture religieuse est également évoquée au travers des écoles européennes pour créer des face-à-face riches de sens. Quant au tournant du XXe siècle, entre symbolisme et expressionnisme, le visiteur peut s’en faire une idée nouvelle grâce à la rencontre entre des chefs d’oeuvre hongrois et des oeuvres, tout aussi rarement vues en France, de Rodin, Böcklin,  ou Puvis de Chavannes.
Quelque 85 peintures, dessins et sculptures relèvent donc le défi de recréer dans la petite enceinte du Musée du Luxembourg toute la splendeur d’un musée qui ne ressemble à aucun autre et offre une perspective inattendue sur l’art européen.
Vue de l’exposition (3) scénographie Jean-Jules Simonot © photo Didier Plowy pour la Rmn-Grand Palais
Vue de l’exposition (3)
scénographie Jean-Jules Simonot
© photo Didier Plowy pour la Rmn-Grand Palais

parcours de l’exposition
LA FIN DU MOYEN ÂGE
Aucune date précise ne saurait fixer, de manière pertinente pour toute l’Europe, une fin pour le Moyen Âge.
Tout au plus s’accorde-t-on pour identifier le XVe siècle comme une période charnière où, diversement selon les pays, la Chrétienté s’oriente progressivement vers les Temps modernes. D’un point de vue artistique, le passage du dernier style gothique au langage rationnel de la Renaissance peut apparaître comme une rupture plus franche et un repère commode. Mais dans les faits, la révolution reste bien moins radicale que ne
l’énonce la théorie, et cela même au sein de l’école italienne qui en est le laboratoire au XVe siècle. D’ailleurs, si le Moyen Âge s’achevait vraiment là où frémit la Renaissance, ne faudrait-il pas remonter au début du XIVe siècle, à l’époque de Giotto dont les oeuvres portent déjà en elles les prémices de ce renouveau au fondement de l’art occidental des siècles suivants ?
ue de l'exposition 2016
vue de l’exposition 2016

Cette première section invite d’entrée le visiteur à s’interroger sur ce Moyen Âge tardif et sur ses multiples visages en Europe, depuis les émules de Giotto jusqu’aux premières années du XVIe siècle. Au-delà même de la ferveur pour la Vierge et les saints dont témoignent toutes ces oeuvres d’une même voix, des rapports
et des convergences apparaissent. La place prépondérante donnée à l’art hongrois entend rappeler certains moments forts de son histoire, à commencer par le règne de Sigismond de Luxembourg (1387-1437) qui réunit sous une même couronne la Bohême et la Hongrie et voit la floraison d’un style raffiné, plein de douceur. Le métissage entre gothique tardif et influences italiennes dont témoigne La Présentation de Jésus au Temple par le Maître d’Okolicsnó rappelle encore, vers 1500, le rôle actif joué dans la seconde moitié du XVe siècle par le grand roi humaniste Matthias Corvin (1458-1490) dans l’importation en Hongrie des formes nouvelles de la première Renaissance italienne.
Lucas Cranach l’Ancien Salomé avec la tête de saint Jean Baptiste entre 1526 et 1530 Huile sur bois, 88,4 x 58,3 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Lucas Cranach l’Ancien
Salomé avec la tête de saint Jean Baptiste
entre 1526 et 1530
Huile sur bois, 88,4 x 58,3 cm
Budapest, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

RENAISSANCE GERMANIQUE
Au XVIe siècle, l’Europe centrale est en grande partie formée d’une nébuleuse de petits États réunis sous l’autorité d’un empereur élu par un collège de princes. Les Habsbourg d’Autriche dominent toute la période :
leurs territoires et leur influence ne cessent de s’étendre au-delà même des frontières de l’Empire, depuis l’Espagne jusqu’à la Hongrie. De cette famille sont issus sans discontinuité tous les empereurs du XVIe siècle.
L’époque est marquée par la personnalité de Charles Quint, le grand rival de François Ier. Il tente vainement de lutter contre la Réforme qui a germé au sein de l’Empire et y trouve de nombreux soutiens, dont le duc de Saxe, Frédéric le Sage, protecteur de Luther et de Cranach à Wittemberg.
Dans les contrées situées entre le Rhin et le Danube, une Renaissance originale voit le jour, tendant à s’affranchir des modèles italiens pour explorer la voie nouvelle ouverte par Dürer. Des artistes tels que Cranach et Altdorfer scrutent la figure humaine et la nature pour rendre avec une même précision les visages
et la surface des choses. Dans leurs oeuvres, que l’histoire de l’art a regroupées en une
« école du Danube», le paysage, minutieux, foisonnant, expressif et presque romantique, prend une importance nouvelle.
L’humanisme et le mécénat des princes favorisent l’éclosion de foyers et de nouvelles formes d’art dont témoigne avec éclat, à la fin du XVIe siècle, la cour de l’empereur Rodolphe II installée à Prague en 1586.

Attribué à Léonard de Vinci Cavalier sur un cheval cabré début du XVIe siècle Bronze à patine vert sombre, 24 x 28 x 15 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Attribué à Léonard de Vinci
Cavalier sur un cheval cabré
début du XVIe siècle
Bronze à patine vert sombre, 24 x 28 x 15 cm
Budapest, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016



CINQUECENTO
Au XVe siècle, les territoires du nord de l’Italie, disputés entre la République de Venise et le duché de Milan, se laissent progressivement séduire par les formes nouvelles de la Renaissance toscane. Mais le XVIe siècle, que les Italiens désignent sous le nom de Cinquecento, y voit la naissance de deux écoles profondément
originales.
Tandis que Venise est dominée à la fin du XVe siècle par Giovanni Bellini, dont la leçon est perceptible dans Le Christ mort de Marco Basaiti, Milan accueille en 1482 Léonard de Vinci, le grand génie florentin.
Ses recherches marquent de manière indélébile toute une génération de peintres lombards actifs dans les premières décennies du XVIe siècle, au premier rang desquels Giovanni Antonio Boltraffio et Bernardino Luini.
À Venise, la mort de Bellini en 1516 laisse la place à Titien dont le travail sur la couleur définit une nouvelle ère dans l’art vénitien. Véronèse et Tintoret poursuivent dans son sillage. Les commandes religieuses demeurent pour les peintres une source essentielle de revenu, mais un art profane se développe parallèlement. Des tableaux inspirés de la mythologie répondent aux aspirations des humanistes férus d’Antiquité, mais
fournissent aussi d’excellents prétextes à la représentation de scènes à connotation érotique, très prisées de cette élite cultivée.
Paolo Caliari, dit Véronèse Portrait d’homme vers 1555 Huile sur toile, 120 x 102 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Paolo Caliari, dit Véronèse
Portrait d’homme
vers 1555
Huile sur toile, 120 x 102 cm
Budapest, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

Loin d’être imperméables l’une à l’autre, les influences lombarde et vénitienne se rejoignent dans la seconde moitié du XVIe siècle dans une ville comme Bergame, géographiquement très proche de Milan mais politiquement rattachée à Venise. En témoigne une personnalité telle que Giovanni Battista Moroni, l’un des
grands maîtres de l’art du portrait.
UN NOUVEL ELAN RELIGIEUX
Au XVIe siècle, la Renaissance suit en Italie la voie du maniérisme. Dans un jeu savant de citations mutuelles, les artistes rivalisent de brio au détriment parfois de la clarté du sujet représenté : le sens de l’histoire se brouille sous la prolifération des motifs et les effets de style. À l’heure où les idées nouvelles de la Réforme se diffusent en Europe, l’irruption de motifs profanes dans l’art sacré émeut une partie du clergé et des
fidèles. Les protestants crient à l’idolâtrie. Attaquée de toutes parts, l’Église catholique se réunit en concile dans la ville de Trente. Il y est question en 1563 de l’image religieuse, de rétablir sa lisibilité, sa décence et sa fonction. Est alors réaffirmé son rôle d’instruction collective et de support de la piété individuelle. Le ton est donné aux artistes de la Chrétienté pour les siècles à venir. Pour répondre à cette volonté nouvelle,
Véronèse renoue avec un genre de composition classique, claire et équilibrée. Greco,
Vue de l’exposition (4) scénographie Jean-Jules Simonot © photo Didier Plowy pour la Rmn-Grand Palais
Vue de l’exposition (4)
scénographie Jean-Jules Simonot
© photo Didier Plowy pour la Rmn-Grand Palais

parmi les premiers, explore une autre voix : susciter l’empathie du fidèle par l’émotion. La vie des saints et des héros bibliques est érigée en modèle. On recherche les épisodes les plus édifiants, mais aussi les plus à même de toucher la corde sensible du fidèle et de créer une familiarité avec les saints. Un militantisme religieux s’affirme au XVIIe
siècle. Les artistes recherchent désormais l’éloquence et, peu à peu, l’art devient théâtral. Cette évolution se poursuit au XVIIIe siècle et culmine dans les grands retables baroques comme le Saint Jacques de Tiepolo, où la grandeur et l’exaltation ont pris la place du sentiment.
L’AGE D’OR HOLLANDAIS
Menées par le prince d’Orange, Guillaume le Taciturne, la Hollande et les provinces du nord des Pays-Bas se sont affranchies de la tutelle des Habsbourg pour former en 1581 la République indépendante des Provinces-Unies. Porté par un incroyable essor économique et démographique, le jeune État traverse au XVIIe siècle un siècle d’or, couronné par une production artistique d’une grande originalité. Aux centres déjà
forts d’une tradition picturale comme Haarlem, s’ajoutent de nouveaux pôles de création autour d’artistes influents tels que Rembrandt à Amsterdam ou Pieter de Hooch à Delft.
Dans ce nouveau pays à majorité protestante, l’art religieux a perdu la place qu’il occupait dans les églises.
Frans Hals Portrait d’homme 1634 Huile sur toile, 82,5 x 70 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Frans Hals
Portrait d’homme
1634
Huile sur toile, 82,5 x 70 cm
Budapest, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

Ne pouvant plus compter sur la manne que constituait la production de ces images pieuses, les peintres réinventent leur activité et développent les genres profanes en accord avec les besoins d’une société dominée par la bourgeoisie marchande. Dans l’art occidental, ils deviennent les maîtres incontestés des scènes de la vie quotidienne, des paysages et des natures mortes. Depuis les architectures de Bartholomeus
van Bassen jusqu’aux portraits de Frans Hals, en passant par les joyeuses compagnies de Jan Steen, leurs oeuvres semblent former comme une photographie de cette nation où l’on vit dans un véritable « embarras de richesses », passant sans heurt de la fête débridée à l’intimité et à la méditation.
L’art des Pays-Bas, nord et sud confondus, représentait, avec 263 numéros, près de la moitié de la galerie Esterházy lorsqu’elle fut ouverte au public en 1812 à Vienne. La fabuleuse collection construite essentiellement
par Nicolas II Esterházy illustre la fascination qu’exerça paradoxalement, en pleine époque néoclassique, cette peinture de genre, de paysages et de portraits, appréciée comme un contrepoint nécessaire à la grande peinture d’histoire.
Rome premier quart du XVIIe siècle Jeune fille endormie vers 1610-1620 Huile sur toile, 67,5 x 74 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Rome
premier quart du XVIIe siècle
Jeune fille endormie
vers 1610-1620
Huile sur toile, 67,5 x 74 cm
Budapest, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

CARACTÈRES
Bien souvent le souvenir que laisse la visite d’un grand musée se cristallise sur quelques visages, sur la rencontre de tel personnage que le génie d’un artiste a rempli de vie et de mystère. Ces figures qui habitent le musée semblent se connaître et se répondre. C’est pourquoi cette section oublie les bornes chronologiques et géographiques pour rassembler une sorte de famille, une façon d’incarner l’atmosphère si particulière qui
se dégage des collections de Budapest. Il ne s’agit pas uniquement de portraits à proprement parler, mais aussi de têtes d’étude ou de scènes de genre qui visent à donner à la figure un degré supplémentaire de vérité.
Giacomo Cerutti vers 1740, jeune fille à la quenouille
Giacomo Cerutti vers 1740, jeune fille à la quenouille

La confrontation de deux magistrales études d’homme barbu, distantes d’un siècle, éclaire une forme de « recherche fondamentale » et met les méthodes en perspective. Mais ces dialogues, ces regards croisés, créent avant tout un plaisir qui nous rapproche de celui de l’artiste partageant simplement avec ses modèles, présents ou imaginaires, le goût de la vie. On s’amuse de trouver le même regard embué et rêveur dans
le portrait d’Ádám Mányoki par lui-même et celui de la Jeune paysanne à la quenouille de Ceruti ; si l’on rapproche Füssli et Goya, c’est seulement pour imaginer la conversation de ces deux dames dont les portraits sont exactement contemporains, et si intéressants à comparer dans leur mise en page et le jeu graphique de leurs atours sophistiqués.
Edouard Manet La Dame à l’éventail ou La Maîtresse de Baudelaire 1862 Huile sur toile, 90 x 113 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016
Edouard Manet La Dame à l’éventail ou La Maîtresse de Baudelaire 1862 Huile sur toile, 90 x 113 cm Budapest, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts, Budapest 2016

Goya encore, avec sa Porteuse d’eau, annonce Manet, dont La Maîtresse de Baudelaire, peinte avec la même touche parfaitement libre, présente, outre son air espagnol, le même mélange de fierté et de franchise.
Avec le sourire en moins, qui s’est perdu en chemin entre la jeunesse, la simplicité populaire, et les intrigues parisiennes du Second Empire…
LA NOUVELLE PEINTURE
La collection du musée des Beaux-Arts de Budapest comporte une section assez resserrée, mais de très haute qualité, consacrée à l’art français impressionniste et postimpressionniste. Elle a été construite dans l’élan de l’ouverture de 1906, au gré d’une politique volontariste d’acquisitions renforcée par des dons,
comme celui de la nature morte de Cézanne par le baron Hatvany en 1917, juste après l’achat à Berlin, en 1916, du Manet et de L’Estacade de Trouville de Monet. De ce peintre emblématique, un premier tableau
Monet, les trois bateaux de pêche 1885
Monet, les trois bateaux de pêche 1885

a été acquis en 1912 et un troisième, les Trois bateaux de pêche, suivra en 1945. Cette attention à l’avant garde au début de la vie du nouveau musée est d’autant plus remarquable qu’il poursuit parallèlement une ambition encyclopédique et déploie ses efforts dans tous les domaines. En 1935, le don de la collection de
Pál Majovszky fera entrer un ensemble de chefs-d’oeuvre du dessin français du XIXe siècle.
Le modèle français, incontournable pour les artistes de la fin du XIXe siècle, attire de nombreux peintres hongrois dont le plus célèbre, Mihály Munkácsy, réside plusieurs fois à Paris à partir de 1867 et y connaît un grand succès. Rétif à l’impressionnisme, il développe un réalisme expressif qui va d’une dureté spectaculaire,
comme dans le fameux portrait de Liszt, à la plus grande liberté, comme dans l’étude présentée ici, préparatoire à son grand tableau Le Mont-de-piété.
Mihály Munkácsy, portrait de Liszt
Károly Ferenczy, en revanche, sera considéré comme le « père de l’impressionnisme hongrois ». Il est pourtant lui aussi imprégné de naturalisme, celui de Jules Bastien-Lepage en particulier. Formé à Paris puis à Munich, il incarne la complexité de cette
« nouvelle peinture » mêlant diverses expériences, privilégiant les
sujets quotidiens et les jeux de lumière, et préparant la libération totale de la couleur.
SYMBOLISME ET MODERNITE
Rattachée à l’Autriche en 1867, la Hongrie traverse une période d’essor économique et artistique qui se poursuit jusqu’au début du XXe siècle. Sa capitale, née de la fusion entre Buda et Pest en 1872, est en pleine expansion. C’est l’époque où les artistes hongrois, dans une soif de renouvellement, s’ouvrent sur l’Europe,
vont se former à Vienne ou à Munich et poussent parfois jusqu’à Paris, attirés par l’effervescence suscitée par la « nouvelle peinture ».
vue des l'exposition Budapest 2016
Cette section dédiée au symbolisme et à la modernité témoigne d’une période d’intenses échanges artistiques, durant laquelle l’art hongrois se partage entre le désir de se mesurer au reste de l’Europe et la recherche d’une identité nationale. Elle évoque en filigrane l’admiration de Pál Szinyei Merse pour Arnold Böcklin au début des années 1880, les rapports de János Vaszary avec la Sécession munichoise, l’attirance de József
Rippl-Rónai pour les nabis parisiens.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la dislocation de l’Empire austro-hongrois et l’échec du premier gouvernement communiste ouvrent à Budapest une période plus trouble marquée par la diaspora.
Exilés à Vienne ou à Berlin après 1919, les artistes hongrois les plus progressistes poursuivent néanmoins leurs travaux et participent à l’élaboration des grandes avant-gardes du XXe siècle.
commissaires : Laurent Salomé, conservateur en chef du patrimoine et directeur scientifique de la Rmn-Grand Palais ; Cécile Maisonneuve, docteur en histoire de l’art, conseiller scientifique à la Rmn-Grand Palais
scénographe : Jean-Julien Simonot
ouverture : tous les jours de
10h à 19h, nocturne le vendredi
jusqu’à 21h30
Fermé le 1er mai

Oncle Sam, Thomas Nast et Tomi Ungerer.

Oncle Sam, Thomas Nast et Tomi Ungerer.
Une satire politique et sociale de l’Amérique
Du 15 avril à octobre 2016
Au Musée Tomi Ungerer
Centre international de l’Illustration, Strasbourg
Thomas Nast
Thomas Nast (1840-1902) est considéré comme l’un des pères de la caricature des Etats-Unis. Ce dessinateur allemand, originaire de Landau, s’est rendu célèbre en illustrant pendant de longues années le journal new-yorkais Harper’s Weekly avec des figures qui influencèrent la politique américaine de son époque. Il a entre autres popularisé le personnage de l’Oncle Sam et créé les symboles des partis démocrate et républicain, l’âne et l’éléphant, ainsi que celui de Columbia.
Caricature Thomas nastEngagé du côté des unionistes ce qui lui valut l’admiration d’Abraham Lincoln, attentif au sort des minorités, indiens, noirs, Chinois d’Amérique, il devait rapidement trouver son style, d’une grand efficacité visuelle, soutenant la comparaison, du moins en matière de férocité, avec un Gillray ou un Daumier.
Tomi Ungerer, l'ane et l'éléphant
Uncle Sam,
Personnification des US, plus particulièrement du Gouvernement, l’image de l’Oncle Sam semble remonter à la guerre de 1812, mais continue de faire débat parmi les historiens. En revanche l’apparence qui lui est prêtée dans les images, sous la forme d’un homme grand et mince, à longs cheveux blancs et barbichette, chapeau haut de forme aux couleurs de la bannière étoilée, noeud de papillon rouge, veste queue de pie et pantalon rayé rouge et blanc est entièrement une invention de Thomas Nast, qui a mis au point L’oeuvre pleine d’humour de Thomas Nast a permis de dresser un portrait acerbe de l’Amérique de la seconde moitié du XIXe siècle tant sur le
plan politique que social. Depuis, ces motifs font partie intégrante du répertoire des caricaturistes.

Caricature de Thomas Nast
Ses attaques les plus virulentes furent sans doute celles qui visaient le politicien William Tweed dit le Boss, chef corrompu du Tamany hall, parti politique des démocrates new-yorkais. La composition de Nast qui montrait l’intéressé avec à la place de la tête , un simple sac de dollars, eut un effet dévastateur.
Boss_Tweed,_Thomas_NastDans les années 1960, ils sont aussi réapparus sous le crayon de Tomi Ungerer pour dresser le portrait critique de la politique et de la société contemporaines de l’Amérique. A peu de 100 ans de distance, Tomi Ungerer se révèle le digne successeur de Thomas Nast.cette typologie au cours des années 1850.

Santa Claus par Thomas Nast
Santa Claus par Thomas Nast

Santa Claus
En l’honneur de l’enfant du pays, la ville de Landau a baptisé son marché de Noël le Thomas-Nast-Nikolausmarkt.
Un moyen non seulement de rappeler les origines du dessinateur, né dans cette ville du Palatinat, mais aussi le fait qu’il a contribué à forger l’image de Santa Claus en consacrant au personnage une série de dessins publiés dans le Harper’s Weekly entre 1863 et 1866.
C’est dans cette revue, après l’avoir figuré sous l’aspect d’un colporteur, que Nast a métamorphosé son personnage pour lui donner l’aspect d’une figure paternelle et réconfortante, une homme âgé et débonnaire, joufflu, ventru, chaudement habillé, la pipe aux lèvres, le teint fleuri, les yeux pétillants et la barbe neigeuse au menton.
(texte Martial Guédron, professeur d’histoire de l’art, université de Strasbourg)
Tomi Ungerer
Les portraits-charge des présidents côtoient les affiches protestataires contre la guerre du Vietnam et la ségrégation raciale et montrent une liberté de ton rarement atteinte dans le dessin de satire politique. Le personnage de Santa Claus, lui-même, n’a pas été épargné et a fait l’objet d’une série inédite et sulfureuse.
Tomi Ungerer
L’exposition présentée au premier étage du musée met en regard 150 exemplaires du Harper’s Weekly provenant d’archives publiques et privées d’Allemagne avec des dessins originaux et des affiches de Tomi Ungerer de la collection du musée.
vue d'archives de Harper's Weekly et Thérèse Willer
vue d’archives de Harper’s Weekly et Thérèse Willer

Avec les prêts de :
Archiv und Museum Landau in der Pfalz
Landesbibliothekzentrum Rheinland-Pfalz in Speyer
Thomas-Nast-Verein Landau e.V.
et le soutien du Goethe-Institut Strasbourg
Thomas Nast
INFORMATIONS PRATIQUES
Horaires :
du lundi au dimanche de 10h à 18h Fermé le mardi
Tarifs :
6,5 euros / 3,5 euros (réduit)
Lieu : Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration
2, av. de la Marseillaise / tél. 03 68 98 51 53
Tram C depuis la gare centrale
visite virtuelle

Entre sculpture et photographie, au musée Rodin – Paris

Suite à la réouverture du musée Rodin, cette exposition propose une autre forme
« d’ouverture » à des approches modernes de la sculpture et de la photographie.
Sur une proposition de Michel Frizot, Entre sculpture et photographie est une invitation à découvrir huit artistes de la fin du XXème siècle ayant pratiqué de front la sculpture et la photographie de manière étroitement imbriquée et même indissociable.
Sans pour cela prétendre au titre de photographe et en se limitant à prendre des clichés de leurs propres oeuvres.

Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie
Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie

C’est autour de 1965, dans le contexte de l’art conceptuel et du land art naissants, que de jeunes artistes ont bouleversé la notion de sculpture par des interventions sur des sites naturels tout en utilisant systématiquement la photographie pour rendre compte de ces actions de « sculpture » éphémères ou vouées à rester dans un lieu peu accessible. Il en est résulté d’étroites connexions entre sculpture et photographie, et un élargissement considérable des attendus formels et esthétiques de « sculpture » et « photographie ».
Les huit artistes présentés ici appartiennent à cette génération et dans la continuité de cette attitude innovante, ils entretiennent une proximité étroite entre sculpture et photographie, au point de ne pouvoir parfois faire la part de chaque pratique. L’exposition explore diverses voies de l’alliance et de la conjonction entre sculpture et photographie et le parcours s’ouvre, avec Richard Long et Gordon Matta-Clark, sur la conjugaison des deux médiums dès l’instant de la conception de l’oeuvre. Pour Dieter Appelt et Giuseppe Penone, il s’agit de mettre en avant la place du corps humain, ses correspondances primordiales avec la nature, ou un imaginaire commun du corps primitif.
Avec Mac Adams et Markus Raetz, on se situe dans une mise en scène de paradoxes visuels et narratifs, et dans une interrogation suspicieuse sur la « réalité » perçue par le regard. John Chamberlain recherche une continuité formelle, colorée, exubérante, entre les deux pratiques, tandis que Cy Twombly, peu connu pour ses sculptures et ses photographies, ferme le parcours avec d’impressionnantes évocations élaborées avec des moyens très frustes.
Entre sculpture et photographie associe dans le même espace trois propositions : une exposition de sculptures saisissantes, une exposition de photographies qui se dérobent aux standards artistiques, complétées d’une exposition qui développe des connexions inattendues entre les deux médiums.
Au final, ces artistes nous invitent à rompre avec les idées reçues et les acquis esthétiques, et à exercer notre vision pour entrevoir ses enjeux imaginaires, bien au-delà des registres habituels de représentation.
Vue de l’hôtel Biron et du Penseur de nuit,
Vue de l’hôtel Biron et du Penseur de nuit,

Une exposition réalisée par le musée Rodin sur une proposition de Michel Frizot.
Commissariat :
Hélène Pinet, responsable des collections de photographies du musée Rodin
Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie
Richard Long
Artiste qui a été formé à la sculpture à Londres dans les années 1960, et l’un des initiateurs du land art, Richard Long organise sa création autour de ses longues marches soigneusement préparées, assorties de textes, de cartes et de photographies. La sculpture naît des circonstances de la marche, elle se fait avec des matériaux du lieu, comme par exemple des branches mortes ramassées et assemblées selon une forme géométrique. Cette sculpture éphémère, qui va rester sur le site, est photographiée et c’est finalement cette photographie qui témoigne de l’action de sculpture.
Richard LONG, Small Alpine Circle, 1998, Pierre,
Richard LONG, Small Alpine Circle, 1998, Pierre,

D’autres photographies montrent des assemblages de pierres in situ, des entassements de branchages, en lignes, bandes ou cercles, des traces d’actions dynamiques, avec de l’eau par exemple ou le tassement de l’herbe laissé par un passage répété. L’image tient lieu véritablement de sculpture, et c’est le regardeur qui réactive le geste de l’artiste.
Lors de ses marches, Richard Long a surtout oeuvré avec des pierres, qu’il écarte pour faire apparaître une ligne uniforme, ou qu’il amasse selon différents arrangements dont on repère immédiatement qu’ils sont faits de main d’homme.
Richard LONG, A line of Sticks in Somerset, 1974, Carré d'art –Musée d'art contemporain, Nîmes
Richard LONG, A line of Sticks in Somerset, 1974, Carré d’art –Musée d’art contemporain, Nîmes

Parallèlement, l’artiste a été amené à créer des assemblages similaires en galerie ou pour des expositions, à partir de matériaux qui ne proviennent pas de ses marches et qui sont souvent retaillés. Avec Small Alpine Circle, 1998, fait de pierres des Alpes, Richard Long recherche la rigueur géométrique, la sensation directe du matériau, l’évocation de lieux naturels :
« Une sculpture satisfait nos sens en un certain lieu alors qu’une oeuvre photographique (provenant d’un autre lieu) satisfait l’imagination »
(Richard Long).
Gordon Matta-Clark
Formé à l’architecture à Cornell University, Gordon Matta-Clark, fils de Roberto Matta, est en contact en 1969 avec les artistes de l’Earth Art ou land art qui voulaient sortir la sculpture de la galerie et agir directement sur le terrain en creusant des fossés ou en constituant des amas de matériaux. Intervenant sur des immeubles abandonnés des environs de New York, Matta-Clark découpe avec une scie à chaîne des sections rectangulaires dans les cloisons ou planchers pour ouvrir des perspectives d’une pièce à l’autre, et faire circuler le regard et la lumière (c’est l’action de « cutting »).
Ce faisant, il crée une sculpture architecturale par le creux, par l’évidement, par le négatif mais dans le même temps la découpe extraite de la cloison constitue aussi une sculpture (positive), un objet trouvé, une mise en forme de matériau.
Gordon Matta-Clark, Sauna Cut, 1971, Kunstmuseum, Lichtenstein
Gordon Matta-Clark, Sauna Cut, 1971, Kunstmuseum, Lichtenstein

Sauna Cut I, 1971, est un prélèvement de sauna dans un appartement de New York, qui a toutes les particularités d’une sculpture, avec ses deux faces différentes et sa trouée transparente.
Matta-Clark réalise systématiquement des photographies (et des films) des étapes de son travail, pour rendre compte de son action in situ. Il fait également des découpes
(cutting) de ses négatifs, en fait des tirages et les assemble parfois pour donner une idée spatiale, tridimensionnelle, des circulations qu’il a créées.

Gordon MATTA-CLARK, Office Baroque – Antwerp, 1977, FRAC Limousin, Limoges,
Gordon MATTA-CLARK, Office Baroque – Antwerp, 1977, FRAC Limousin, Limoges,

Office baroque, Antwerp, 1977, est une de ses dernières interventions qui traverse les étages d’un immeuble par des trouées circulaires qui s’entrecoupent.
Giuseppe Penone
Dès ses débuts (1968), l’artiste s’est singularisé par des « actions » sur les arbres où s’établissent les correspondances physiologiques et vitales entre son propre corps et le végétal, qui fondent sa position de sculpteur. Dans Retourner ses propres yeux (1970), le blocage du regard par des lentilles de contact argentées fait « du corps une sculpture, comme un volume fermé » qui ne vit que dans le regard de l’autre. De cette action dérive du reste Pièges de lumière, 1995,
Giuseppe PENONE, Trappole di luce, 1995, (Piège de lumière), Coll. Penone, Turin
Giuseppe PENONE, Trappole di luce, 1995, (Piège de lumière), Coll. Penone, Turin

oeuvre d’une forte présence et de signification énigmatique, qui traite en fait de la vision. Le moulage en cristal d’un tronçon d’arbre, posé sur un agrandissement photographique d’un oeil, conduit la lumière comme l’arbre conduit la sève. On retrouve cette métaphore du regard qui se propage dans d’autres oeuvres où des branches sortent des yeux de l’artiste (Regard végétal). Penone travaille aussi sur les correspondances entre la photographie et l’empreinte, entre le souffle humain et la respiration de l’arbre par les feuilles.
PenoneL’équivalence entre le positif et le négatif est fondamental en photographie comme il l’est en sculpture pour les opérations de moulage : c’est bien de cela que traite ici Géométrie dans les mains, 2005, qui montre, en photographie négative, cet espace complexe contenu entre deux mains croisées, dont par ailleurs Penone a réalisé des moulages en plâtre, qu’il a agrandis en sculpture monumentale comme on le ferait pour une photo…
John Chamberlain
L’usage systématique de tôles de carrosseries aux couleurs flamboyantes, découpées, déformées et assemblées par soudure, a fait de John Chamberlain un artiste fantasque, sorti de nulle part, qui ne se réfère à aucun lignage de la sculpture dans l’Amérique de l’expressionnisme abstrait et du pop art, des mouvements que l’on voit pourtant comme les équivalents de son esthétique baroque extravagante. Peu soucieux d’harmonie ou d’équilibre, il laisse libre cours au surgissement de formes inédites et de stridences colorées, considérant qu’il « n’y a pas de mauvaises couleurs ». Les titres des oeuvres font preuve d’humour ou dévoilent son goût pour la poésie, à l’instar de Creeley’s Lookout, 1979, (Sentinelle de Creeley) en hommage au poète Robert Creeley et à ses techniques d’écriture spontanée.
John CHAMBERLAIN, Creeley’s Lookout, 1979, Kunstmuseum Winterthur, 2014, © Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, Zürich,
John CHAMBERLAIN, Creeley’s Lookout, 1979, Kunstmuseum Winterthur, 2014, © Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, Zürich,

À partir de 1977, Chamberlain commence à prendre des photographies avec un appareil panoramique Widelux à objectif tournant dont l’utilisation sur un mode spontané et intuitif, à contre-emploi, laisse une large place au hasard. Il ne regarde pas dans le viseur, c’est le geste du bras qui joue un rôle primordial et ce mouvement provoque des distorsions, des étirements et des dissolutions de formes, des imbrications de couleurs éclatantes (Studio, 1994) dont on saisit d’emblée les résonances avec ses sculptures.
John CHAMBERLAIN,  La Marié
John CHAMBERLAIN, La Mariée

Mac Adams, venu à la photographie en 1971 pour documenter des essais de sculptures éphémères, se définit malicieusement comme « un sculpteur à qui il arrive d’utiliser la photographie ». Mais il est de fait un adepte de l’art narratif, c’est-à-dire qu’il construit des récits avec des images, dans un univers inspiré par le roman policier et le cinéma.
Il imagine des diptyques photographiques, Mysteries Series (1973-1980)

Mac ADAMS, Mystery, The Whisper, 1976-77 (Mysteries Series
Mac ADAMS, Mystery, The Whisper, 1976-77 (Mysteries Series

qui articulent deux images apparemment indépendantes, représentant deux moments (l’avant et l’après) d’un épisode tragique. Chaque image met en scène des pièces à conviction repérables qui constituent de fait des agencements sculpturaux jouant des effets de statisme, de lumière et d’équilibre. Il revient au regardeur de meubler l’entre-deux des images, au gré de son imagination. La série Still Life (1977) éparpille les indices dans les trois dimensions par de savants jeux de miroir.
Mac ADAMS, Rabbit, Shadow-Sculpture, 2010, Paris, Galerie GB Agency, Nathalie Bouton
Mac ADAMS, Rabbit, Shadow-Sculpture, 2010, Paris, Galerie GB Agency, Nathalie Bouton

Exploitant la part de mystère des ombres, les Shadow-Sculptures (1985) sont des assemblages volontairement hétéroclites d’objets placés dans l’espace ; ils sont conçus pour être éclairés par une source lumineuse à la verticale qui projette de manière inattendue une ombre homogène sur un plan, une ombre qui fait apparaître une forme animale – ici, un lapin – sans lien avec les objets qui en sont la cause. La sculpture entre à son tour dans la fiction narrative et se nourrit des propriétés de la photographie faite d’ombre et de lumière.
Dieter Appelt
Musicien, chanteur d’opéra, dessinateur, photographe, sculpteur, Dieter Appelt se situe volontiers à la croisée indécise de ces pratiques. Il réalise en 1976 des actions avec et sur son propre corps, dénudé, maculé de terre séchée, comme entre vie et mort, ou régressant dans un temps immémorial. Il se met ainsi en situation dans des constructions de branchages assemblés par des bandelettes de lin (La tour-oeil ; Objet-membrane, structure rituelle sur pilotis) déclinées plus tard en sculptures (Transmission). Grand lecteur de Ezra Pound, il cherche des équivalences plastiques de ses expérimentations sur le langage, sur les images mentales.
 Dieter APPELT, Aus Ezra Pound, 1981, Inv. MEP. 1987.13, Passe-partout
Dieter APPELT, Aus Ezra Pound, 1981, Inv. MEP. 1987.13, Passe-partout

La série Ezra Pound est une évocation poétique en même temps qu’une performance en hommage au poète, conduite sur les lieux où il a vécu, à Venise et à Rappalo. La photographie présentée ici est faite dans la chambre de Pound, mais elle est transformée en vue négative, ce qui donne un aspect fantomatique aux choses présentes, moitié-sculptures, moitié-ombres vaguement identifiables.
Dieter Appelt, Der Fleck auf dem Spiegel 1978
Dieter Appelt, Der Fleck auf dem Spiegel 1978

Ses sculptures sont souvent réalisées pour entrer dans un protocole d’action, qui donne lieu à des photographies. Krone n°4 (Couronne) est une forme reprise d’une action antérieure où Appelt, nu, arborait seulement une couronne de feuille de maïs comme dans un rituel de civilisation primitive.
Dieter APPELT, Krone n°4 (Couronne n°4), 2001, Collection de l’artiste, Berlin
Dieter APPELT, Krone n°4 (Couronne n°4), 2001, Collection de l’artiste, Berlin

L’objet est transposé en bois recouvert de bandes de gaze et rappelle quelque chose d’archaïque, destiné à être posé sur un crâne, mais qui serait passé par des étapes technologiques. Les photographies de Appelt sont conçues comme des concrétions de lumière et de temps, des états de conscience indiscernables, « entre perspective visuelle et prise de conscience poétique » et à l’inverse, ses sculptures sont le déploiement de stratifications imaginaires et de souvenirs.
Markus Raetz
Depuis 1970, Markus Raetz nous propose à travers une pratique très personnelle du dessin, de la gravure, de la photographie et de la sculpture, des objets de leurre se jouant de notre perception visuelle, de ses insuffisances ou de ses paradoxes. Il exploite poétiquement les incertitudes du regard et du langage, il cultive l’ambivalence des relations, dans l’espace, entre le regardeur que nous sommes et la figure qu’il saisit photographiquement ou qu’il fabrique. Avec des vues séquentielles d’une figurine de pâte à modeler, Cercle de polaroids, 1981 simule le cheminement d’un marcheur le long d’un cercle, hors de toute échelle. Avec Hecht, 1982, il donne l’impression d’un jeu de miroir sur une photo d’un homme en profil de dos, alors qu’il s’agit de deux photographies.
Markus RAETZ, Hecht, 1982, FRAC Limousin, Limoges
Markus RAETZ, Hecht, 1982, FRAC Limousin, Limoges

Dans ses recherches sur les illusions perspectives et les ambiguïtés de la perception, Markus Raetz conçoit des volumes – des sculptures, de fait – qui ne prennent sens que sous un certain angle faisant apparaître une figure déterminée, par exemple un buste d’homme à chapeau ; mais si vous tournez d’un quart de tour, vous percevez tout à coup une autre forme, celle d’un lièvre. C’est ce qui se produit dans Metamorphose II, 1992,
Markus Raetz, Metamorphose II, 1992,
Markus Raetz, Metamorphose II, 1992,

avec toutefois l’aide d’un miroir qui dévoile d’un seul coup d’oeil les deux figures primaires contenues dans la sculpture (cette pièce est aussi un clin d’oeil à l’artiste allemand Joseph Beuys, l’homme au chapeau, et à son lièvre fétiche qu’il présentait dans des performances). La sculpture, pour Raetz, joue de l’espace et des formes comme on joue avec les mots, en usant du double sens.
Cy Twombly,
Pour quiconque aura suivi le parcours de peintre et dessinateur de Cy Twombly, habité de frêles graffitis et de messages sibyllins, aucun indice ne permettait de l’imaginer préoccupé par la sculpture ou par la photographie, ce qu’il faisait pourtant en toute discrétion. Les termes d’assemblage et d’hybridation conviennent à ses créations composées d’objets trouvés, de bois de rebut, de papier, de tissu, carton et fleurs artificielles.
Cy TWOMBLY, Tulips Ces combinaisons de formes brutes, liées par du plâtre ou neutralisées par un enduit blanc (parfois tirées en bronze ultérieurement), évoquent comme ses peintures des reliques, des mythes, des objets symboliques ou archéologiques : Winter’s Passage, Louxor, 1985 évoque d’une manière très primitive à la fois un jouet fruste et la barque rituelle des morts en Egypte ; Thermopylae, 1992 est un hommage aux morts de la bataille des Thermopyles).
Cy TWOMBLY, Winter’s Passage: Luxor, 1985, Fondation Twombly
Cy TWOMBLY, Winter’s Passage: Luxor, 1985, Fondation Twombly

Cy Twombly n’a d’autre part cessé de photographier, depuis ses débuts à Black Mountain College en 1951, il privilégie le format carré du polaroid couleur, qu’il agrandit ensuite et dont il exploite le léger flou, les couleurs pastel ou parfois saturées. Ses photos rappellent par touches évanescentes les lieux où il habite, son goût pour la sculpture qu’il collectionne, pour les végétaux ou les fleurs rouges (les imposantes pivoines de ses peintures des années 2000).
Cy TWOMBLY, Tulips Ses Tulipes (1985) en plan rapproché, avec leurs couleurs stridentes qui se répandent sont bien éloignées des conventions photographiques ; hors-échelle, elles s’imposent, à l’égal de ses peintures, comme des signes tragiques.
17 juillet 2016 : Entre sculpture et photographie
MUSEE RODIN DE PARIS
77 rue de Varenne
75007 Paris
T. +33 (0)1 44 18 61 10
HORAIRES
ouvert tous les jours de 10h à 17h45, fermé le lundi.
Nocturnes les mercredis jusqu’à 20h45

François Carbonnier – Miroir de l'âme

« En forêt, tous nos sens sont éveillés,
acceptons d’ouvrir notre coeur et d’accueillir nos émotions. »
François Carbonnier  – Miroir de l’âme
François Carbonnier
C’est un moment de pur bonheur que de pénétrer dans le temple
St Etienne, cette église de la place de la Réunion que les touristes
appellent « cathédrale ». Dès l’entrée vous êtes happés par le gazouillis
des oiseaux, une partition, un concert enchanteur. Il vous faut passer lentement
d’une photographie à l’autre, cheminer de sous-bois en forêts plus touffus, parcourir les saisons, en  prenant soin de vous munir du texte qui accompagne l’exposition.
François Carbonnier, nous montre la forêt par toutes les saisons, des verts acidulés, des roux chauds, des roses, des mauves, du noir et blanc, des parterres de feuilles, des champignons.
il accompagne chaque prise de vue d’un texte choisi, soit dans la genèse, l’évangile,
ou encore parmi les auteurs qu’il aime.

Photo François Carbonnier time elapses - 4 tirages sur tissus 1,2m x 6,5m ©ADAGP 2016
Photo François Carbonnier
time elapses – 4 tirages sur tissus 1,2m x 6,5m
©ADAGP 2016

A travers son travail de photographe, il exprime les valeurs qui lui sont chères :
la liberté, la tolérance, le respect, la justice, le partage et l’amour.
Dans ses forêts à la fois réelles et imaginaires, il évoque des thèmes tels que l’absence, la solitude, la souffrance, la mémoire, le temps, la vie, la dualité.
Pour François Carbonnier l’écologie n’est pas un vain mot.
Prenez le temps de vous imprégner de ses images, posez-vous,
écouter, une paix incroyable vous pénètrera et vous vous sentirez
apaisé, heureux et léger (comme un oiseau).
La musique qui accompagne l’exposition est choisie spécialement
par le photographe. C’est une oeuvre totale, le lieu, les photographies,
l’accrochage et la conception sonore.
Francois Carbonnier 1
L’exposition du temple est en harmonie avec celle de la Filature
Le Chemin du Retour– Les univers d’Estelle Hanania et Fred Jourda
et deJérémie Gindre, Camp Catalogue à la Kunsthalle, elles se rejoigent
sur le thème de la forêt.
Une chance incroyable, le concert de ce samedi (16/4) avait pour thème,
le chant des oiseaux ! C’est évidemment Roland Kauffmann, le
dynamique pasteur de St Etienne, qui a établi ce programme,
en adéquation parfaite avec le photographe et en compagnie de
Patrick Froesch.
Pour prolonger ces moments agréables
Saint-Étienne Réunion propose :
Un récital de piano avec Augustin Voegelé.
Dans le cadre du colloque international,
« Les Voyageurs du Rhin », organisé par l’Université de Haute-Alsace
à Mulhouse du 21 au 22 avril 2016,
Augustin Voegelé propose un voyage musical au bord de l’eau
avec un programme aussi varié que la Barcarolle de Chopin,
les Jeux d’eaux à la Villa d’Este de Liszt
ou encore l’Île joyeuse de Debussy.
Au temple Saint-Étienne de Mulhouse,
le jeudi 21 avril à 20h30, entrée libre, plateau
Miroir de l’âme – jusqu’au – 01/05/16
Trichromies
Tirages palladium
Montage sonore 25′
©ADAGP 2016…
Tous les jours (sauf lundi) de 13h à 19 h

Anselm Kiefer au centre Pompidou

L’exposition se termine le 18 avril
Le Centre Pompidou propose une traversée inédite de l’œuvre de l’artiste allemand Anselm Kiefer. Cette rétrospective, la première en France depuis trente ans, invite le visiteur à parcourir toute la carrière de Kiefer, de la fin des années 1960 à aujourd’hui, avec cent cinquante œuvres dont une soixantaine de peintures choisies parmi les chefs-d’œuvre incontournables. L’œuvre de Kiefer invite avec intensité le visiteur à découvrir des univers denses et variés, de la poésie de Celan à la philosophie de Heidegger, des traités scientifiques à l’ésotérisme. Installations et peintures monumentales voisinent avec des œuvres sur papier et des objets à la résonance plus intime.

Anselm Kiefer, au peintre inconnu 1982, aquarelle et fusain
Anselm Kiefer, au peintre inconnu 1982, aquarelle et fusain

mes billets précédents sur Anselm Kiefer
au musée Würth
Anselm Kiefer Monumenta
Anselm Kiefer au Louvre

Entretien avec Anselm Kiefer par Jean-Michel Bouhours, Conservateur, chef de service des collections modernes, musée national d’art moderne, commissaire de l’exposition
sur France culture en podcast
podcast : Hors champs,
Talmudiques,
la conversation scientifique

les regardeurs

Jean-Michel Bouhours – Votre dernière exposition rétrospective à Paris remonte à 1984, une exposition conçue en Allemagne et présentée au musée d’art moderne de la Ville de Paris…
Anselm Kiefer – Il ne s’agissait pas d’une « rétrospective » parce que j’étais encore trop jeune pour cela.
JMB – L’exposition du Centre Pompidou invite pour la première fois en France à découvrir l’ensemble de votre œuvre. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de cette exposition ?
AK – D’abord, c’est très contraignant de faire une rétrospective parce qu’il faut revoir les anciens tableaux, revenir sur le passé. Je préfère regarder le futur. Mais il y a des surprises : on voit les œuvres différemment après toutes ces années, la vision change, le public aussi. Je deviens moi-même spectateur de tableaux que j’ai peints il y a plus de quarante ans. Mon idée du temps est que plus on retourne vers le passé, plus on va vers le futur. C’est un double mouvement contradictoire qui étire le temps…
Anselm Kiefer, Resumptio 1974
Anselm Kiefer, Resumptio 1974

JMB – Le principe de l’exposition est, me semble-t-il, un exercice difficile pour vous : sortir les œuvres de l’atelier alors que votre mode opératoire consiste plutôt à les retenir, voire à les enfouir temporairement pour que le temps fasse aussi son travail…
AK – Au contraire, ça m’aide beaucoup. J’aime exposer mes œuvres. Par exemple, à Barjac, j’ai même construit des bâtiments pour exposer mes tableaux. Je trouve absolument nécessaire qu’ils sortent de l’atelier. On peut alors voir ce qui est faux, ce qui est bien.
JMB – Nécessité de la séparation avec l’œuvre, du regard des autres ?
AK – Je dirais même de la collaboration avec les autres.
JMB – Miró avait utilisé l’expression « assassiner la peinture » à un moment où il cherchait à introduire le réel dans sa peinture, sous la forme de minéraux et notamment de sable. Voyez-vous une filiation entre votre travail et ces avant-gardes historiques ?
AK – L’anti-art… À la fin des années 1960, quand j’étudiais à l’académie des beaux-arts de Karlsruhe, j’avais arpenté tous les ateliers pour les inciter à arrêter de peindre ! Parfois, il faut savoir adopter une posture radicale pour pouvoir recommencer.
Anselm Kiefer, Lilith, 1987/1990
Anselm Kiefer, Lilith, 1987/1990

JMB – Les systèmes hermétiques, l’alchimie ou la Kabbale, leur symbolique des matériaux ont enrichi votre peinture, en introduisant de nouveaux matériaux : le plomb, la cendre, la chimie électrolytique…
AK – Lorsque j’étais étudiant à Fribourg, j’ai utilisé de la nourriture, des pâtes, j’ai collé les pâtes sur la toile avec du vernis à ongles. C’était un peu pervers, n’est-ce pas ? Mais c’était pas mal. J’ai aussi utilisé des lentilles, des œufs… Cela fait très longtemps. J’ai travaillé avec des matériaux non conventionnels bien avant les années 1980. Je ne suis pas un peintre de l’art pour l’art. Je ne fais pas de la peinture pour faire un tableau. La peinture, pour moi, c’est une réflexion, une recherche […] et pas une recherche sur la peinture. J’étais très heureux, par exemple, quand j’ai découvert la mythologie juive à Jérusalem, et en même temps l’alchimie, parce que la Kabbale et l’alchimie se rejoignent… Je voyais enfin une raison de peindre. L’une de mes motivations pour peindre, c’était aussi l’histoire allemande. C’était une recherche sur moi-même, sur ce que je suis, où je suis né, etc. Et puis après j’ai cherché une autre raison parce qu’il me fallait toujours une raison. Je ne peux pas faire une peinture pour que ce soit une peinture. Matisse n’a pas fait de la peinture pour la peinture.
Anselm Kiefer, für Paul Celan, Halme der Nach, 1998/2013
Anselm Kiefer, für Paul Celan, Halme der Nach, 1998/2013

JMB – L’autoportrait est une question qui surgit à deux moments dans votre œuvre. Fin des années 1960, avec la série des « Occupations » et des « Symboles héroïques », vous endossez, vous incarnez ce que vous considérez être votre responsabilité vis-à-vis de l’histoire. Dans les années 1980, non plus « droit dans vos bottes », vous êtes couché dans une posture de yoga dite « du cadavre ». De l’un à l’autre de ces moments, n’est-ce pas toujours le travail du deuil ?
AK – En effet, c’est un travail de deuil mais c’est aussi un travail « dada »… Parce que quand j’ai la main levée, c’est un peu comme Chaplin… Ce n’est pas seulement sérieux, c’est aussi… comment dit-on ?
Anselm Kiefer, le dormeur du Val, 2013 2015
Anselm Kiefer, le dormeur du Val, 2013 / 2015

JMB – De la dérision ?
AK – Oui, une parodie, une satire… En revanche, lorsque je suis allongé dans cette posture de yoga, c’est en lien avec le bouddhisme, avec le sentiment d’être englouti dans la nature qui se reforme. Tu meurs, ton cadavre se dégrade dans la nature et nourrit l’arbre. C’est plus lié à la question des cycles biologiques, de l’histoire du cosmos, oui c’est ça, l’histoire du cosmos.
JMB – Vous êtes récemment revenu à l’histoire allemande avec « Morgenthau Plan », travaux que l’on a vus voilà trois ans à la galerie Gagosian…
AK – C’était une sorte de désespoir parce que j’avais peint des tableaux de fleurs, j’aime tellement les fleurs, des fleurs partout… Mais j’avais des remords et la combinaison avec le « Morgenthau Plan » a donné à l’ensemble une autre tournure, plus cynique. Morgenthau [NDLR : secrétaire d’État américain au Trésor sous la présidence de Franklin Roosevelt, concepteur d’un plan visant à empêcher l’Allemagne de redevenir une puissance militaire après la guerre] voulait que l’Allemagne devienne un État agricole et rien d’autre. C’est un peu le rêve des Verts aujourd’hui : les fleurs, le blé… Il y a du cynisme chez moi à vouloir traiter un épisode effrayant de l’histoire de la fin de la Seconde Guerre mondiale sous la forme d’un hymne à la beauté de la nature.
JMB – Il y a effectivement un fort contraste…
AK – Contraste ? C’est trop…
JMB – …faible ?
AK – Professionnel ! Non, c’est plutôt que j’ai ainsi redonné une raison d’être à des tableaux.
JMB – La question du cycle et du cosmos est fondamentale dans votre œuvre. Vous associez le processus de la création artistique à celui de la destruction et de la ruine…
AK – Oui, le cycle. Pas comme dans le catholicisme ou dans le communisme : il ne s’agit pas d’une ligne qui monte vers le paradis comme ça [geste vers le haut]. Ça c’est une idée eschatologique. Les catholiques ont un paradis, le communisme ça mène au paradis, c’est la fin de l’histoire. Pour moi c’est impossible. Pourquoi la fin quand on ne connaît pas le commencement ? Qu’y avait-il avant le Big Bang ? Plusieurs Big Bang ? On n’en sait rien.
JMB – Dans l’exposition, une salle est consacrée à des vitrines. Vous aviez réalisé certaines d’entre elles à la fin des années 1980 en Allemagne, un ensemble installé aujourd’hui à Höpfingen, l’un de vos anciens ateliers. Sont-elles comme une installation définitive et permanente ?
AK – Oui pour toujours, elles resteront là.
JMB – On ne pouvait donc pas les exposer à Paris ; par conséquent, vous avez décidé de relancer un cycle de création ?
AK – D’abord, je voulais faire un grand corridor avec l’Arsenal [NDLR : l’Arsenal regroupe les éléments, les matériaux stockés par Anselm Kiefer, susceptibles d’être ultérieurement utilisés dans ses œuvres], j’ai mis de l’ordre dans ma collection de choses, d’aquarelles, de toutes sortes de trucs. Cet ordre a mené aux vitrines. J’ai pensé que ce n’était pas bien de montrer l’Arsenal, je ne voulais pas montrer mes outils de cette façon. J’ai préféré utiliser l’ordre de ces collections pour réaliser des vitrines, en sélectionnant des objets qui réagissent l’un avec ou contre l’autre et me donnent des idées.
Anselm KieferJMB – La vitrine vient du cabinet d’amateur, la modernité en a beaucoup joué, des surréalistes à Joseph Beuys… Que représente la vitrine dans votre œuvre ? Pourquoi une vitrine plutôt qu’un tableau ?
AK – La vitrine, c’est comme un aperçu.
JMB – Un trait d’esprit, une fulgurance ?
AK – Un court-circuit. Lorsque je me promène dans mon atelier le soir, un peu fatigué, au moment où je ne travaille plus, je ne suis plus dans une logique, mais dans un autre monde : je vois mon atelier, je me promène dans mes cerveaux. Je vois les synapses… La vitrine, c’est un détail ou un Ausschnitt…
JMB – … un prélèvement, un extrait…
AK – … et les synapses se rencontrent. C’est ça, oui.
Anselm Kiefer, détail fleurs
JMB – Vous avez parlé de l’Arsenal comme d’un enfer, une relégation de rebuts de la société, d’objets éliminés et qui attendent une rédemption…
AK – La rédemption, c’est la découverte. Je découvre une chose, je découvre une autre chose, je les mets ensemble et parfois c’est une réussite parce que ça fonctionne.
JMB – Est-ce à dire qu’elles se chargent de sens ?
AK – Voilà. On a cherché longtemps l’entrée de l’enfer. Certains l’ont cherchée à Naples, au Vésuve, etc. Ils cherchaient vraiment et étaient déçus de ne pas la situer géographiquement. Puis, la science, Newton, tout cela est arrivé, et maintenant on ne cherche plus…
Anselm Kiefer, extases féminines
Anselm Kiefer, extases féminines

JMB – Dans le Forum, le hall d’entrée du Centre Pompidou, nous montrons une installation proche de ce qui a été édifié à Barjac. Cette œuvre fait penser au cinéma, à une sorte de grande cabine de projection avec ses bandes, ses rubans d’images…
AK – « Steigend, steigend, sinke nieder. » [« En montant, en montant vers les hauteurs, enfonce-toi dans l’abîme »]. Ce titre vient d’une citation de Goethe dans Faust, lorsqu’il descend chez les mères [NDLR : mystérieuses divinités souterraines]. J’ai collé toutes les photos que j’ai faites depuis que je fais des photos sur des rubans de plomb. Comme des films, mais c’est paradoxal parce que la raison d’être d’un film c’est d’être transparent, de laisser passer la lumière pour être projeté. Collées sur le plomb, ces images ne sont plus visionnables, visibles. C’est l’exposition de ma vie parce que ce sont des photos que j’ai prises tout au long de ma vie, des milliers de photos. Et pourtant je les cache, c’est un cache.
JMB – La pièce n’est pas visible de l’extérieur, contrairement au cinéma où justement la transparence du ruban fait que l’image s’échappe, se projette à l’extérieur…
AK – Ce n’est pas une projection, c’est une introspection pourrait-on dire.
Anselm Kiefer, Pour Madame de Staë
Anselm Kiefer, Pour Madame de Staël

Poddcast : Franck Ferrand , Madame de Staël
JMB – D’une manière générale, y a-t-il un dessein, un but eschatologique, une représentation de la fin des temps dans votre œuvre ?
AK – On en trouve des citations : Ragnarök par exemple. Dans les mythes nordiques, Ragnarök c’est la fin du monde. Mais pour moi, il ne s’agit pas de la fin, mais plutôt de cycle. Aujourd’hui, on est inquiet des changements, des animaux qui disparaissent, des bouleversements de la nature. Pourtant, il y a trente millions d’années, une météorite a fait périr les trois quarts des espèces existantes. C’était une perte de presque tout le vivant et cependant une autre évolution commençait, dont nous ignorons encore tant de choses… Un poète autrichien, Adalbert Stifter, décrit les pierres comme si c’était des hommes et les hommes comme si c’était des pierres*. Les pierres peuvent avoir une conscience que nous ne comprenons pas. Un biologiste m’a raconté un jour ses expériences sur les plantes et la musique : dans une serre, à l’aide de haut-parleurs, d’un côté il a fait jouer la musique de Mozart, de l’autre du disco. Les plantes se sont tournées vers Mozart… Cela ne veut pas dire qu’il faut préférer Mozart mais plutôt que les plantes entendent et discernent.
JMB – Le Centre Pompidou a consacré récemment une exposition à l’œuvre de Le Corbusier. Au moment clé où vous vous êtes construit comme artiste, vous avez visité Ronchamp puis passé trois semaines méditatives au monastère de la Tourette…
AK – J’ai vu la chapelle de Ronchamp en Franche-Comté quand j’avais 17 ou 18 ans. Trois ans plus tard, j’ai fait un séjour à la Tourette. Le père du monastère, un dominicain, un intellectuel, était devenu l’ami de Le Corbusier. Il n’était pas un fondamentaliste, il était ouvert et discutait avec Le Corbusier, pourtant athée. Beaucoup de détails dans ce monastère m’ont inspiré. Il y a notamment une terrasse avec un mur si haut que les moines ne voient pas le paysage, ils ne voient que le ciel. […] C’est à la fois spirituel et cynique. Un bâtiment comme Ronchamp est tellement inspirant, beau et radical, jusqu’à l’autoritarisme, une idée presque fasciste. […] Un artiste peut avoir ce type d’idées, comme Le Corbusier qui voulait niveler Paris, mais si ça devient réel, c’est idiot, monstrueux.
Anselm Kiefer, la mort de Brunehilde, 1976
Anselm Kiefer, la mort de Brunehilde, 1976

JMB – Et vous-même, une fois installé à Barjac, en 1993, introduisez dans votre œuvre ce béton auquel vous a « initié » Le Corbusier ?
AK – Oui. À Barjac, j’ai utilisé le béton pur, brut de décoffrage. Comme pour une sculpture : on fait une âme, un coffrage, on coule le béton là-dedans, puis on le découvre, le processus reste apparent, c’est intéressant. J’ai aussi utilisé des containers comme coffrages, pour créer un mur. J’ai travaillé sans ingénieur, sans architecte, j’ai élevé des bâtiments très hauts. Comme enfant, lorsque je jouais avec les briques des ruines voisines de notre maison. Par exemple, l’amphithéâtre de Barjac, qui est très grand, je voulais même que ça penche un peu… Il n’y avait pas beaucoup de fondations et donc j’anticipais ce mouvement, mais finalement ça se tient très bien. J’ai mis les containers et j’ai commencé, sans fondations, avec un assistant ou deux, d’une manière très primitive.
Anselm Kiefer, pour Paul Celan, fleurs de cendre 2006
Anselm Kiefer, pour Paul Celan, fleurs de cendre 2006

JMB – Vous faites peu référence aux sciences exactes. Sont-elles trop peu poétiques à vos yeux ?
AK – L’exactitude de la science, c’est toujours une exactitude préliminaire. Les sciences ne sont exactes qu’un certain temps, et à un certain degré de connaissance. Puis, une autre théorie dément la précédente. Mes tableaux, que je laisse exposés là, j’y cherche aussi l’exactitude finale. La science m’inspire beaucoup, même si les sciences sont aujourd’hui très séparées les unes des autres et les scientifiques aussi. Ils ne parviennent pas à articuler les deux systèmes, le macrocosme et le microcosme. Einstein n’y est pas parvenu et a cherché toute sa vie. Nous cherchons une vision complète du monde. Pour cela, il faut une prescience, une grande image.
Note * Adalbert Stifter, Cristal de roche, Pierres multicolores I, 1995 pour la version française, traduit de l’allemand par Bernard Kreiss, éditions Jacqueline Chambon
Commissaire : Mnam/Cci, Jean-Michel Bouhours

Carambolages

Carambolage (Le Littré) : (ka-ran-bo-la-j’) s. m. : terme du jeu de billard.
Coup dans lequel la bille du joueur
va toucher deux autres billes.
fig. : coup double, ricochet.

Anne et Patrick Poirier, Mnémosyme
Anne et Patrick Poirier, Mnémosyme

 
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais.
2 mars – 4 juillet 2016Commissaire
N’avez vous jamais dit ou penser qu’une oeuvre en évoque une autre, sans qu’elle présente un rapport évident à première vue, ou qu’elle soit une incongruité
avec nos réminiscences en histoire de l’art.
Bien que décriée par les imminents connaisseurs en art, j’y ai trouvé, au fur et à mesure
du parcours, beaucoup de plaisir à découvrir les juxtapositions et les liens qui existent entre elles.
Le seul inconvénient c’est que les cartels se trouvent en bout d’allée, et que les visiteurs
y font la queue pour découvrir les auteurs des oeuvres présentées, moins connues, voire inconnues.
Le commissaire, Jean-Hubert Martin souhaitait sortir des sentiers battus de la présentation muséale et permettre au public, de découvrit et de trouver, le « carambolage » entre les oeuvres, leur point d’achoppement.
Il propose une exposition inédite au concept novateur : décloisonner notre approche
traditionnelle de l’art, dépasser les frontières des genres, des époques ou des cultures et parler à l’imaginaire de chacun.
Carambolages 01L’exposition offre une traversée de l’art universel à partir d’un point de vue délibérément actuel. Plus de centquatre-vingts oeuvres, toutes époques et toutes cultures confondues, sont regroupées selon leurs affinités formelles ou mentales. Les oeuvres présentées, souvent atypiques, choisies pour leur fort impact visuel, correspondent à des interrogations ou à des choix contemporains, sans tenir compte du contexte d’origine.
Elles sont ordonnées selon une séquence continue, comme dans un film narratif, où chaque oeuvre dépend de la précédente et annonce la suivante.
Durer, Tête de Cerf percéd d'une flèche 1504
Durer, Tête de Cerf percée d’une flèche 1504

Dans un parcours laissant place à la pensée visuelle, la pédagogie du sensible et les surprises de l’art, le visiteur déambule parmi les oeuvres de Boucher, Giacometti, Rembrandt, Dürer, Man Ray ou encore Annette Messager.
Les artistes se constituent un bagage de références visuelles puisées dans l’histoire de l’art. Leur choix est libre et ne suit pas les logiques et les catégories de la connaissance. Leurs références peuvent être aussi bien formelles que sémantiques.
Ingres Leda et le cygne
Ingres Leda et le cygne

Pour Ingres, Picasso et bien d’autres, ce n’est pas tant l’authenticité de
l’oeuvre qui compte que son souvenir, sa présence obsessive et son impact. Beaucoup d’artistes constituent des collections, à l’instar d’André Breton et du rassemblement d’objets hétéroclites qui prennent sens sur le Mur de l’Atelier.
L’oeuvre tire alors une part de sa signification de ce qui l’entoure. D’autres ont donné
corps à des musées imaginaires. Daniel Spoerri a organisé une série d’expositions intitulées, « Musées sentimentaux », dont la première version fut présentée au Centre Pompidou à Paris en 1977. Les objets sont réunis pour leur capacité d’évocation et de suggestion. L’affect l’emporte sur l’esthétique. L’objet devient souvenir vivant pour l’imaginaire collectif.
Daniel SpoerriSoperri2La question d’un nouvel ordre à trouver, qui ne soit pas celui de l’histoire de l’art et de son inévitable chronologie, préoccupe de plus en plus de conservateurs. Le courant de l’histoire de l’art incarné par Warburg, Gombrich et Baltrusaïtis trouve aujourd’hui un regain d’intérêt et stimule des études et des expositions.
La conception transculturelle qu’ils ont de l’art -leur approche large ne s’arrêtant pas à l’art savant et leur usage du comparatisme- sert, autant que l’exemple des artistes, de fondement à la réflexion pour ce projet.
CarambolagesCette conception décloisonnée de l’assemblage des oeuvres, obéissant à des critères non exclusivement historiques, se retrouve très fréquemment dans les collections privées d’hier et d’aujourd’hui. Le musée y a opposé son ordre spatio-temporel, sauf dans quelques cas où des donateurs ont exigé que leur présentation
soit intégralement préservée, par exemple le Soane Museum à Londres, le Pitt Rivers Museum à Oxford, le musée Condé à Chantilly ou encore le Gardner Museum à Boston. Ces musées connaissent un regain d’intérêt aussi bien auprès du public que des experts. Tous sont sous le charme des surprises que réserve leur présentation à base d’affinités formelles ou mentales.
Carambolages
Cette exposition, affranchie du principe thématique, aborde toutes sortes de sujets qui s’enchaînent selon une logique associative. Il s’agit de la mise en forme et de l’expression d’une pensée visuelle qui constitue le fondement de la création artistique.
Les oeuvres présentées proviennent de prestigieux établissements tels que la Bibliothèque nationale de France, le Centre Pompidou, le musée du Louvre, le musée national des Arts asiatiques – Guimet, le musée du quai Branly ou encore le musée Barbier-Mueller de Genève.
CarambolagesLeur rassemblement n’a pas pour but de plonger le spectateur dans l’histoire mais plutôt de lui donner un aperçu des désirs, peurs ou espoirs de l’humanité qui font écho aux siens. Si quelques trouvailles devraient ravir les initiés, l’exposition ambitionne
de s’adresser au public le plus large, en particulier à ceux qui n’ont aucune connaissance en histoire de l’art, en suscitant choc, rire et émotion.

Grand Palais Galeries nationales
entrée Clemenceau
fermé le mardi
commissaire : Jean-Hubert Martin, historien de l’art
scénographe : Hugues Fontenas Architecte
sur France culture la Dispute – podcast
ma préférée Sur France culture les regardeurs – podcast
Jouer à l’effet dominos
 

Sommaire du mois de mars 2016

Anselm Kiefer, au peintre inconnu 1983
Anselm Kiefer, au peintre inconnu 1983

03 mars 2016 : Métamorphoses, fondation Fernet Branca
06 mars 2016 : Rembrandt en noir et blanc au Bozar, Bruxelles
10 mars 2016 : Daniel Buren investit le Palais des Beaux-Arts
17 mars 2016 : Musée Calouste-Gulbenkian à Lisbonne
21 mars 2016 : VAN DOESBURG au Bozar de Bruxelles
22 mars 2016 : Plongeons, Fondation François Schneider
23 mars 2016 : Simone Adou en a-pesanteur
24 mars 2016  :Le Chemin du Retour

Le Chemin du Retour

Estelle Hanania – Fred Jourda – Gisèle Vienne
jusqu’au samedi 30 avril
en entrée libre à la Galerie de la Filature, Scène nationale – Mulhouse

Estelle Hanania, Fred Jourda, photo Emmanuelle Walter
Estelle Hanania, Fred Jourda, photo Emmanuelle Walter

Les univers d’Estelle Hanania et de Fred Jourda s’unissent dans une exposition sur le thème de la forêt.
Photographies saisies dans le décor sylvestre d’un spectacle de Gisèle Vienne d’un côté, images de sous-bois du Morvan fixées par la lumière de l’autre. Le seuil des forêts – à la fois réaliste et symbolique chez Estelle Hanania, naturaliste chez Fred Jourda qui représente une frontière que l’on ne franchit pas impunément, qui nous interroge sur ce qui nous anime, sur notre instinct primitif, sur l’ivresse que peuvent générer nos
énergies et notre rapport sensoriel au monde.
Estelle Hanania.JPGAu regard de ces deux séries, on retrouve le court métrage Brando, écrit et réalisé par Gisèle Vienne pour la chanson éponyme de Scott Walker + Sunn O))). On y croise les interprètes de The Pyre dans un chalet au coeur d’une forêt inquiétante qui nous plonge dans un délicieux cauchemar.
Estelle Hanania présente principalement une série d’images prises lors de différentes
répétitions et représentations du spectacle This is how you will disappear de Gisèle Vienne (présenté en 2014 à La Filature). Cette exposition est alimentée de photographies issues d’autres séries que l’artiste aime à réactiver et confronter au fil du temps.
Estelle Hanania
ESTELLE HANANIA

Diplômée de l’École des Beaux-arts de Paris en 2006, lauréate du prix photographie du Festival d’Hyères la même année, Estelle Hanania a d’abord fréquenté la chambre noire de l’École des Beaux-arts, où elle y réalisait ses tirages couleurs grands formats. S’en suivra une expérience de directrice artistique chez Ogilvy avant qu’elle ne se lance complètement dans la photographie. Elle associe rapidement à son travail personnel des commandes pour la presse, y imprimant un style aussi poétique qu’épuré. Ses images, tantôt baignées
d’une lumière chaude, tantôt enveloppées d’un voile bleu et hivernal, oscillent entre douceur et âpreté.
Estelle Hanania
Masques et déguisements sont des motifs récurrents de son iconographie, marionnettes ou hommes des champs, hésitant eux aussi entre figures affables et créatures inquiétantes. Estelle Hanania a publié cinq livres dont trois en collaboration étroite avec la maison d’édition Shelter Press. Le dernier en date, Happy Purim sorti en octobre 2015, sera suivi d’un prochain en 2017 qui retracera la collaboration au long cours
entre la photographe et la metteuse en scène Gisèle Vienne.
Estelle Hanania
FRED JOURDA
« Je suis né à Paris en 1963.
Aujourd’hui je suis tireur couleur.
Je passe le plus clair de mon temps dans l’obscurité de ma cabine.
Je voyage à travers le monde pour trouver d’autres lumières et d’autres horizons.
Je travaille sur le paysage depuis 1996.
J’y trouve une source d’émotion, de contentement, et d’infinie tranquillité intérieure que j’essaye d’exprimer au travers de la lumière, de la couleur et du cadrage.
J’utilise un appareil de type Instamatic, qui du fait du non-contrôle de l’exposition (ouverture et temps de pose), de la mise au point fixe et de la facilité d’emploi, me permet de photographier à tout moment et rapidement, sans autre geste que celui d’appuyer sur le déclencheur.
Fred Jourda
Les pictorialistes de la fin du 19e siècle et du début du 20e comme Edward Steichen, Alfred Stieglitz, Alvin Langdon Coburn, sans oublier les pictorialistes français dont Robert Demachy, m’ont particulièrement influencé dans ma démarche. Mais c’est sans conteste le photographe Bernard Plossu qui est à l’origine de mes débuts.
Ma première exposition intitulée Minimalist s’est tenue au Cap en Afrique du Sud en février 1998, et la deuxième Dépaysage à Paris à la Galerie 213 lors du 1er trimestre 2000. J’ai aussi exposé à la Galerie Chab
Fred Jourda
Touré à Bamako au Mali pendant les 4es rencontres de la Photographie Africaine en octobre 2001. Du 15 au 30 septembre 2002, j’ai participé au 6e Festival International de Photographie d’Alep en Syrie. J’ai également exposé du 20 septembre au 19 octobre 2003 à la Galerie Segeren à Breda aux Pays-Bas dans le cadre du Festival Breda Photo 2003. Puis du 5 février au 27 mars 2004, Land & Urban Scapes, à la Galerie Acte 2, à Paris.
Parallèlement aux photographies de paysages et leurs instantanéités, j’ai travaillé sur la durée en réalisant des portraits de personnes endormies, sans lumière, que j’ai exposées à la Galerie Madé du 2 décembre 2004 au 7 janvier 2005, sous le titre Sombre.
Ces photos de visages et de « paysages intérieurs » ont été réalisées de nuit, sans lumière principale, avec uniquement la réverbération de la lumière de la rue dans la pièce où repose la personne. Personnes endormies, assoupies, en tout cas détendues. Ce qui m’intéresse, outre le fait de faire des photos de nuit, c’est de voir apparaître petit à petit leurs visages au repos, relâchés, voire tranquilles. L’abandon presque
total de la personne dans le sommeil.
Jourda Fred
Puis après plusieurs expositions collectives, j’ai participé aux 150 ans de l’Hôtel Scribe de Paris en montrant une série de paysages sous le titre Dense, du 10 décembre 2010 au 16 janvier 2011. Et dernièrement, en avril 2011, j’ai été invité au Festival Itinéraires des Photographes Voyageurs à Bordeaux, à montrer des paysages
tirés de mon premier livre, Dépaysage, publié fin 2010 aux Éditions Filigranes. »
Gisèle Vienne
GISÈLE VIENNE
Née en 1976, Gisèle Vienne est une artiste, chorégraphe et metteuse en scène franco-autrichienne.
Après des études de philosophie et de musique, elle se forme à l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette où elle rencontre Étienne Bideau-Rey avec qui elle crée ses premières pièces. Elle travaille depuis régulièrement avec, entre autres collaborateurs, les écrivains Dennis Cooper et Catherine Robbe-Grillet, les
musiciens Peter Rehberg et Stephen O’Malley, l’éclairagiste Patrick Riou et le comédien Jonathan Capdevielle.
Créée en 1999, sa compagnie compte aujourd’hui 14 pièces à son répertoire, dont 10 qui tournent régulièrement en Europe et dans le monde.
Depuis 2005, Gisèle Vienne expose régulièrement ses photographies et installations. Elle a publié le livre/CD Jerk / Through Their Tears en collaboration avec Dennis Cooper, Peter Rehberg et Jonathan Capdevielle aux Éditions DISVOIR en 2011. Le livre 40 Portraits 2003-2008, en collaboration avec Dennis Cooper et Pierre
Dourthe, sort aux Éditions P.O.L en 2012.
oeuvre présentée à La Filature
Brando (création 2014 – durée 9’28)
un court métrage écrit et réalisé par Gisèle Vienne pour la
chanson éponyme de Scott Walker + Sunn O)))
à visionner sur  ici
On y croise la mère et le fils de The Pyre dans un chalet au
coeur des montagnes. Grâce à la voix du crooner Scott Walker
et aux sonorités « drone » inquiétantes du groupe de Stephen
O’Malley, on est plongés dans un délicieux cauchemar. Un
océan de mystères entoure ces êtres, bientôt rejoints par
l’écrivaine dominatrice Catherine Robbe-Grillet.
Un clip complètement hypnotique
« Club Sandwich » :
jeudi 24 mars de 12h30 à 13h40
visite guidée le temps de la pause déjeuner avec pique-nique tiré du sac
gratuit sur inscription :
T 03 89 36 28 34 ou heloise.erhard@lafilature.org
LA GALERIE DE LA FILATURE, SCÈNE NATIONALE
20 allée Nathan Katz – 68090 Mulhouse cedex
T +33 (0)3 89 36 28 28 – www.lafilature.org
en entrée libre du mardi au samedi de 11h à 18h30,
les dimanches de 14h à 18h et les soirs de spectacles
La Filature est membre de Versant Est, Réseau art contemporain Alsace.
 

Simone Adou en a-pesanteur

Au musée des Beaux Arts de Mulhouse 
jusqu’au 15 mai 2016
C’est une mise à nu de l’artiste. Tout est dans le trait,
un travail sur le corps souffrant, en mutation, en lévitation,
à la fois masculin et féminin, animal et végétal, un corps androgyne
allant vers la lumière, la réconciliation et l’acceptation.
Elle démontre par sa création, sous forme de légèreté, la dualité
de l’être, le dur chemin du cerveau au coeur. C’est une recherche
où elle a mis son corps à contribution, où elle
s’est isolée dans la montagne, sans frivolités, sans palette,
ni tubes de couleurs.
Du dessin sous-jacent des débuts, elle arrive en 2015/16
à un dessin direct  sur lepapier ou la toile.

                                photo Pascal Bichain

Simone Adou nous livre le cheminement de sa création
s’étalant sur 26 ans.
Chez Simone Adou, la création apparait comme une catharsis,
permettant d’exorciser traumatismes et souffrances.
Sa vie est pour elle une matière première qu’elle sublime, portée
par un imaginaire fécond et une perception poétique et
métaphysique du monde.
La connaissance du bouddhisme à partir de 1999, tout d’abord
révélation d’une démarche libératrice, laisse place ensuite à une
réflexion philosophique sur l’existence. L’artiste puise dans cette
sagesse la possibilité d’une distance vis-à-vis d’elle-même, jusqu’à
observer son sujet à la manière d’un anthropologue. Loin d’être
égocentrique, la visée est au contraire centrifuge, menant à une
meilleure compréhension de l’Autre et à une connaissance de soi
en vérité. Le processus est dynamique, il tend au dépassement,
à une constante recherche de sa place dans un univers en mouvement.

Simone Adou se concentre sur les techniques graphiques et les
aborde toutes : crayon, aquarelle, sanguine, encre, lavis, pastel.
Le trait est sûr, précis, rapide ; parfois des lavis ou des taches ombrent
ou brouillent la forme. L’artiste dessine sur du papier Ingres écru,
qu’elle affectionne, pour sa fragilité et sa sensualité, à la trame visible,
et expose ses oeuvres avec un dispositif scénique de suspensions
qui les arrachent à la terre.

En apesanteur… avec des techniques mixtes écrit-elle

Les VII chambres
A l’entrée des espaces le visiteur peut  s’appuyer sur des textes poétiques écrits par l’artiste pour découvrir les sept chambres de la Villa Steinbach. Elles ne correspondent pas à un descriptif des oeuvres, mais aux émotions produites en regard des oeuvres.
Chacune de ses chambres représente un fragment de sa vie.
« Telle la musique de chambre ou le cinéma d’art et d’essai ou l’essai poétique, l’exposition est une déambulation intimiste qui nous invite là où l’on se met à nu : la chambre.
Invitation ou rituel à pénétrer dans sept chambres, sept passages symboliques d’une tranche de vie à l’autre constituant le parcours de ma vie avec un intervalle de 26 années entre la première et la dernière. Plus d’une centaine d’oeuvres presque exclusivement sur Ingres, ce papier écru si particulier où se lit la trame de la grille qui a formaté la pâte de papier, le papier semblant être un support idéal pour l’absorption de cette farandole émotionnelle… mais également une «deuxième peau» au travers de laquelle je respire et transmets mes expériences sensorielles et sensuelles.»
Simone Adou

Chambre I : La souffrance
elle s’est « amusé » à reproduire les caricatures  du public des vernissages,


les Trois Grâces évoquant pour elle l’amour, les 3 faunes, la solitude et la dissection la haine, (femme tenant à bout de bras ses entrailles) dessinés à la sanguine.
elle illustre les 4 souffrances : la saisie, la répulsion, l’orgueil, la jalousie. (Les voiles de l’esprit (VoieDuBouddha)

« Passer d’une pièce à l’autre afin de l’habiter chacune pleinement et y laisser ses mues
Y consacrer des temps différents selon la chambre où la coquille de l’instant reste intacte […..]


La fleur au scalpel, j’explore ces corps monstrueux, écorchés, étonnamment touchants, sur la table opératoire de nos émotions à la recherche d’une certaine esthétique, dans cette expression graphique presque caricaturale qui te va si bien !
Alors : toucher – enfin – la peau de tes yeux. »

Chambre II : Les entrailles

[…] Dans mon ventre quelquechose naît, picote –
Oh ! nudifier la feuille et la charger à l’extrême –
te caresser et te maltraiter jusqu’à te rendre à l’invisible –
Je le voudrais !
Je me livre et me délivre…

Chambre III : Epuration : la ligne

ils se regardèrent et ils comprirent que le reflet frontal ne pouvait les satisfaire

alors ils créèrent un miroir pour se regarder de-derrière-d’eux et aussitôt il se reconnurent…

Chambre IV : L’apesanteur
Objet, corps et reflet en lévitation, pastels secs sur vélin d’Arches noir, 2010
…[Quelle image donne-t-on à son existence ?
Il faut aller gratter l’ombre de soi-même en équilibre sur un fil pour découvrir la nature
véritable de notre âme.
Le chemin est à l’image de nos vies tels des fragments subtils s’emboitant les uns dans les
autres et se répondant en écho –
Mes couleurs sont éléments : jaune pour la terre – rouge pour le feu – bleu pour le cosmos-
Le chemin est prêt : c’est une quête.]…

Chambre V : L’équilibre

                                                          Lucy in the sky 1999

Des ékilibr, techniques mixtes sur papier Ingres, 1999
Nous naissons du «dedans» pour vivre «au dehors» –
L’illusion du grand angulaire nous rappelle que le début et la fin se touchent – Celui qui a trouvé va mourir –
Celui qui cherche va naître –
Au centre se trouve l’équilibre…
(Yves Coppens et les Beatles)

Chambre VI : Espace-temps

Ce corps et tous ces corps marchent sur la Terre et ce pas et tous ces pas résonnent en elle – chaque pas englouti grossit la fréquence de sa Mémoire – l’engrosse des consciences oubliées
– l’ensanguinise –
La Terre : «Me mettre pieds nus et marcher sur la mousse fraîche – Oui – Je le voudrais !
Je regarderais mes pieds s’imbiber de sève et s’enfoncer dans un bruit de bulle-qui-éclate
– Comme ce serait bon !»
Le Reflet :
«Avance, avance toujours et sois tout entier dans tes pas.»

Chambre VII : La conscience

Ma création s’inscrit dans tout un processus de transformation
intérieure qui aura une
répercussion directe sur ma vie artistique.
La conscience de ce qui est essentiel, le discernement, le sens
de nos propres actions et
des évènements de notre existence,
toute cette observation rigoureuse du dedans

intimement reliée au dehors, m’ouvrira la voie d’une
Porte sensorielle, m’obligera à soulever
des voiles, m’assoir à coté
de mes peurs archaïques et les reconnaître…

De cette fouille interne est née la série des « Ancêtres»
un travail sollicitant les sens et les

sensations, plongeant le regard dans l’intime, me forçant à
pénétrer, aller au travers du
Désir afin d’intercepter notre processus
mental et le forcer à se retourner pour mieux se
voir sous tous les
angles possibles.

Dans cet interstice j’ai créé des corps anthropomorphiques,
mi-homme, mi-animal, mi-déïté
issus d’un lointain passé à travers
un gigantesque arbre généalogique aux embranchements

incertains…
Cette famille d’ancêtres peuplée d’androgynes, de lycanthropes,
d’êtres cornés-passeurs
d’âmes tout droit sortis des tiroirs de
l’inconscient, renoue avec une expression graphique

presque caricaturale des débuts mais représentée avec une
grande profondeur de
sentiments. Pour exprimer cette idée,
j’ai choisi un matériau qui me colle à la peau depuis

toujours : le papier. Le papier me permet de poser mes pattes,
d’ouvrir le Geste et déployer
des constellations graphiques,
elliptiqu
es en tous genres afin de mieux m’identifier.

Simone Adou est née à Thann en 1958, formée à l’Ecole des
Beaux-Arts de Mulhouse et à l’Ecole des Arts Décoratifs
de Strasbourg, Simone Adou vit et travaille à Mulhouse,
dans son atelier du quai d’Oran.

son site : https://www.simoneadou.com/
la plupart des textes sont de Simone Adou
Les + de l’exposition
visite guidée, le 24 avril 2016
Vendredi 29 avril à 19 h
CONTES ET LEGENDES
A partir de 7 ans
La légende d’Altan
Musique nomade de Mongolie
Avec Michel Abraham du groupe URYA
Il y a plus de 2.000 ans dans les montagnes de l’Altaï, au nord-ouest
de la Mongolie vivait un garçon prénommé Altan. Ce jour-là,
il ramassait de maigres racines au bord de la rivière Eeven.
C’est qu’il vivait modestement et même si son prénom signifie
« or » en mongol, lui et sa famille étaient très pauvres.
Jeudi 12 mai 19h CINEMA
Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures
CINE-CLUB proposé par Musées Mulhouse Sud Alsace
Film thaïlandais du réalisateur Apichatpong Weerasethakul, sorti
en 2010. Il remporte la Palme d’or lors du festival de Cannes 2010.
Oncle Boonmee souffre d’insuffisance rénale grave.
A Jen, sa belle-soeur venue lui rendre visite dans la ferme
qu’il dirige, il explique qu’il dépend de l’aide que lui apporte
l’un des ouvriers immigrés laotiens qu’il a embauché sans
savoir si ses papiers étaient en règle, Jaai. Jen découvre la vie
quotidienne et le travail auprès des ruches, des abeilles et du
miel qui occupe Boonmee. Un soir qu’ils dînent sous la veranda,
la défunte épouse de Boonmee se matérialise. Puis sort des
ténèbres un être hirsute, le fils disparu de Boonmee, devenu
un singe par amour de la photographie, de la forêt et d’un
singe fantôme qu’il a suivi d’arbre en arbre…
réserver auprès du musée, places limitées 03 89 33 78 11

Un catalogue très original, au prix de 10 Euros est en vente à l’accueil du musée.
Musée des Beaux-Arts – Musées Mulhouse Sud Alsace
Horaires
Ouvert tous les jours, sauf mardis et jours fériés de 13h à 18h30
Du 1er juillet au 31 août :  de 10h à 12 h et de 13h à 18h30
entrée du musée des BA gratuite

Plongeons, Fondation François Schneider

Carte blanche à la HEAR jusqu’au 29 mai 2016
Un partenariat avec les lieux d’enseignement est une idée qui suit son chemin, et se concrétise donc avec la HEAR sur le thème du plongeon. Des travaux d’étudiants, jeunes artistes diplômés de la HEAR et artistes-enseignants constituent le contenu de cette proposition thématique.
Le commissariat est assuré par deux artistes-enseignants de l’option Art, Le Plateau à Mulhouse : Anne Immelé et Edouard Boyer.
Coordination de l’exposition Auguste VONVILLE
Clémentine IAIA, Deep End 2016                                              Titre : « DEEP END » – 2016

Clémentine IAIA
Cette installation comprend un plongeoir en verre fixé au mur à 4m de hauteur et une projection vidéo ; elle forme un ensemble avec celle d’ Elise Grenois qui expose une ligne d’eau faite de morceaux de verre assemblés.

La HEAR, Directeur David Cascaro
Établissement public, la Haute école des arts du Rhin (HEAR) dispense des enseignements supérieurs (bac+3 à bac+5) en arts plastiques (Art, Art-Objet, Communication graphique, Design, Design textile, Didactique visuelle, Illustration, Scénographie) et musique (musique classique, ancienne et contemporaine, jazz et musiques improvisées). Implantée à Mulhouse et Strasbourg, la HEAR prépare ses étudiants à devenir des créateurs, auteurs et musiciens autonomes capables d’interpréter ou d’inventer des langages artistiques. Incitant ses étudiants à acquérir une expérience internationale, la HEAR a établi des partenariats avec 80 établissements de 30 pays. La HEAR est née en 2011 de la fusion de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, de l’école supérieure d’art de Mulhouse – Le Quai et des enseignements supérieurs de la musique du conservatoire de Strasbourg.

 Léa Guzzo directrice de la Fondation Schneider
Léa Guzzo
directrice de la Fondation Schneider

Le plongeon comme événement, singulier, multiple, collectif, comme geste aussi, comme rupture, comme relation du corps à l’élément « eau », mais aussi à l’élément « air » et à l’attraction de l’élément « terre », le plongeon comme sensation donc, mais aussi comme image, le plongeon n’existe que par l’eau et figure une relation archaïque de l’homme au monde.
Lespace du Centre d’Art Contemporain de la Fondation François Schneider provoque l’imaginaire. L’exposition sera sans nul doute source de nouveaux regards et sera l’occasion de nouvelles découvertes.
Les artistes
(étudiants, jeunes artistes diplômés de la HEAR et artistes-enseignants)
Edouard Boyer, Caroline Colas, Pauline Dubost, Ivan Fayard, Bruno Grasser, Elise Grenois, Camille Grosperrin, Clémentine Iaia, Zoé Inch, Anne Immelé, Olivier Letang, Julia Mancini, Simon Morda-Cotel, Claire Morel, Raphaël-Bachir Osman, Yvan Rochette, Emilie Saccoccio, Flora Sopa, The Fine Art Collection, Gilles Toutevoix.
Quelques artistes :
Anne IMMELÉ
La mélancolie est un plongeon léger dans la pesanteur. L’agencement des photographies montre un passage depuis des lieux de l’intimité vers des lieux de l’immémorial habités par l’eau, comme une métaphore du plongeon en soi-même.
Anne Immelé            « Et la mélancolie errante au bord des eaux », 1995-2016
Installation photographique, dimensions variables
© Anne Immelé
Edouard BOYER
Titre : « PLONGEONS » – 2016
PLONGEONS est un polyptique extrait du projet COVER. COVER est une série de couples de magazines rapprochés par l’étrange similitude de leurs couvertures et scannés ensemble. COVER est une collection et une biographie : une collection des correspondances entre les époques comprises dans la période de la vie d’Edouard Boyer
Edouard Boyer

                                     « Plongeons », (détail) 2016
Tirage photographique sur papier, encadré
polyptique,              dimensions variables

© Edouard Boyer

Elise GRENOIS
En écho au plongeoir de Clémentine IAIA, j’ai souhaité réaliser cette ligne d’horizon, conçue comme une ligne d’eau, constituée de morceaux de verre. Ils sont polis par le mouvement incessant de l’eau, et racontent l’impact du temps sur les éléments. La ligne est droite, impassible, semble figée, alors que sa matière même vibre de l’incessant va et vient des vagues. Tout comme le plongeoir, cette ligne d’horizon est un artefact, témoin suspendu d’une temporalité plus large et des mouvements naturels et humains qui l’ont générée.
Elise GRENOIS                             « Mer de verre », 2016
Ligne de verre, dimensions variables
© Elise Grenois

Yvan ROCHETTE
Intéressé par les processus de modification autonome de la matière, Yvan Rochette propose une vidéo issue d’une série d’immersions dans l’eau de différents matériaux. Pour cette vidéo, il s’agit d’un bloc d’argile déshydraté qui va se désintégrer progressivement et produire une expérience sonore qui est enregistrée et restituée.

Yvan ROCHETTE « Expérience sculpturale 3.2 : 785 gramme d’argile dans 60 litres d’eau », 2016 vidéo, dimensions variables © Yvan Rochette                              « Expérience sculpturale 3.2 : 785 gramme d’argile dans
60 litres d’eau », 2016

vidéo, dimensions variables
© Yvan Rochette

Raphael-Bachir OSMAN
Un projecteur est posé sur un mur de briques de lait. La vidéo, séquence de stage diving, est diffusée en boucle et projetée en contre-plongée sur du lait contenu dans un plateau de cafétéria. Le stage diving est un plongeon dans la foule depuis la scène d’un concert.
Raphael-Bachir OSMAN « Milk Diving », 2016 Installation, dimensions variables © Raphaël-Bachir Osman                                                « Milk Diving », 2016
Installation, dimensions variables
© Raphaël-Bachir Osman

Raphael-Bachir OSMAN « Milk Diving », 2016 Installation, dimensions variables © Raphaël-Bachir Osman
Simon MORDA-COTEL
A mi-chemin entre la sculpture et l’installation, RENVERSEMENT prend la forme d’un miroir d’eau carré, encadré par une plate-forme en bois légèrement surélevée. Le spectateur est alors invité à monter sur l’oeuvre pour faire une expérience physique et visuelle.
Simon MORDA-COTEL                                                   « RENVERSEMENT » – 2016
Ivan FAYARD
Les « souffles » d’Ivan Fayard sont des « monochromes contrariés » précise l’artiste.
Il opère en soufflant sur la toile recouverte d’au minimum deux couches colorées.
La durée et la puissance de l’air expulsé produit un halo variable, qui littéralement découvre le monochrome sous-jacent.
Ivan Fayard, « Souffles » - 2016Souffles » – 2016
THE FINE ART COLLECTION
The Fine Art Collection est un binôme formant une entité depuis 2011. Le collectif, après l’obtention du DNSEP à la HEAR – Mulhouse, continue ses occupations artistiques pendant deux ans avant d’intégrer le post-diplôme à l’EMA Fructidor de Chalon-Sur-Saône.
« Ex voto suscepto » - 2016
« Ex voto suscepto » – 2016
N’a-t-on pas tous jeté une piécette, même deux, dans une fontaine ? Geste magique destiné à concrétiser nos voeux les plus ardents.
Ex voto suscepto s’offre aux visiteurs pour autoriser leurs souhaits. Après le temps de l’exposition, le trésor de ses pièces financera l’oeuvre suivante de TFAC. Ex voto suscepto est une apparition qui génère une économie que chaque geste, chaque participation accomplit.       
Visites guidées par un médiateur culturel sont programmées :
les dimanches 10 avril et 8 mai à 15h00

Visites guidées par les artistes exposés
suivie d’un concert à 16h30
proposé par l’Académie Supérieure de Musique de Strasbourg (HEAR)
les dimanches 24 avril et 29 mai à 15h00
Centre d’Art Contemporain
Fondation François Schneider
27 rue de la Première Armée 68700 Wattwiller Tel: + 33 (0)3 89.82.10.10 Fax : +33 (0)3 89.76.75.49
info@fondationfrancoisschneider.org
www.fondationfrancoisschneider.org