Judith Albert Träumender See, 2017 ; Installation vidéo, 12’30’’, couleur, sans son
A la Kunsthalle de Mulhouse jusqu’au 10 novembre 2019 Judith Albert (CH), Dana Claxton (CA), Nik Forrest (CA), Katrin Freisager (CH), Capucine Vandebrouck (FR) une proposition de Chantal Molleur (CH), Aaron Pollard (Ca) et Sandrine Wymann (FR),
Capucine Vandebrouck, Katrin Freisager
LaKunsthalle Mulhouse présente en partenariat avec White Frame, Bâle et OBORO, Montréal « Où sommes-nous« , l’exposition explore les thèmes de l’invisible, du passage et de la mémoire. Où sommes-nous, une affirmation, un état, et non une interrogation. L’absence intentionnelle du point d’interrogation, désigne ainsi comme point de départ à la fois l’endroit que nous occupons physiquement dans l’espace d’exposition et les croisements plus abstraits que nous percevons entre cet espace, les dispositifs de présentation et les propositions artistiques. Elle englobe 22 oeuvres présentées à travers une scénographie offrant une multitude d’approches pour explorer des questions fondamentales associées au cadre, à la narration, à l’image fixe et animée. Où sommes-nous trouve à Mulhouse sa deuxième variation.
Capucine Vandebrouck
Capucine Vandebrouck, née à Tourcoing , vit et travaille à Strasbourg, travaille à partir de matériaux fragiles, premiers. Ils fondent, s’évaporent, se consument. Ils nous renvoient à la fugacité des situations et affichent avec beaucoup de poésie la complexité des choses. Ses oeuvres ne s’installent pas entre deux certitudes, elles intègrent le doute et composent avec l’éphémère. Placée devant le mur de telle sorte à projeter l’image qui lui fait face, la loupe, à la manière d’une caméra obscura renverse le paysage et donne à voir le monde à l’envers.
En cela, elles s’affranchissent aussi du point d’interrogation préférant jouer délibérément de leur nature insaisissable et des espaces qu’elles occupent. Les photographies de Katrin Freisager, zurichoise, sont denses et enveloppantes. Katrin Freisager, née à Zurich, vit et travaille à Zurich et Bâle, présente pour cette exposition un papier peint mural de 3 mètres sur 3. (photo 1) Cette image a été mise en scène par l’artiste dans la nature en forêt. La construction sculpturale composée de bas de nylon et de branches s’intègre dans son environnement naturel et devient par l’intermédiaire de la photographie un élément en soi. L’intervention de l’artiste mêle Land Art et photographie.
Dans sa série Liquid Landscape, Katrin Freisager crée des paysages imaginaires et archaïques. Les photographies sont très énigmatiques. Par un processus qui lui est propre, l’artiste mélange à une grande quantité d’eau, encres, pigments, huiles et autres substances. L’objectif pour elle est de développer des images qui se rapprochent le plus possible de son imaginaire bien que n’ayant pas le contrôle de tout le processus. Ses expériences se déroulent en studio photo et sont entièrement mises en scène. En créant des gros plans sur les pigments et des amalgames obtenus, l’artiste saisit des nuances et des détails étonnants. Comme un alchimiste, Katrin Freisager crée pour nous des paysages qui semblent échapper à toute référence précise, tout en ayant la capacité d’évoquer des lieux et des situations, qui n’ont jamais existé.
Nik Forest, née à Edinburgh et basée à Montréal, travaille à l’aide de différents médiums dont la vidéo, le son, le dessin et l’installation. Ses vidéos expérimentales ont été deiffusées dans des nombreux festivals, galeries et musées en Amérique du Nord et en Europe. Ses oeuvres figurent dans des collections du Musée des Beaux-Arts du Canada, du Conseil des arts de Saskatchewan et de l’Université Concordia. Sa pratique explore et défie la normativité, se tournant souvent vers des stratégies plus abstraites, des procédés analogiques et des silences, par lesquels de simples gestes qui pourraient passer inaperçus acquièrent une réelle signification.
Judith Albert est née à Sarnen (CH), vit et travaille à Zurich. Elle a vécu deux ans à Paris et étudié les Beaux-Arts au Collège d’Art et de Design de Zurich. Depuis 1997, elle expose régulièrement en Europe et à travers le monde. Sa pratique englobe plusieurs formes d’expression incluant le langage, l’intervention artistique, la vidéo, la photographie et la performance. Depuis 2006, elle crée des oeuvres dans l’espace public en collaboration avec Gery Hofer.
Cette installation vidéo à 2 canaux traite du mot, du langage et leurs diverses possibilités d’interprétation. Elle éclaire avec délicatesse et une grande liberté de composition les thèmes de la résolution, de la transition, du changement, du chaos et de l’imagination. L’installation déploie un large éventail de questions sur le début de notre histoire et le pouvoir de la narration.
Dans une courte séquence onirique, une tache imprévisible se transforme à l’horizon en un nuage sombre. Elle finit par absorber son propre créateur et l’éloigner ainsi du précipice.
Artiste pluridisciplinaire, née à Yorkton (USA), vit à travaille à Vancouver Dana Claxton travaille dans le domaine du cinéma, de la vidéo, de la performance et de la photographie.
Ses oeuvres ont été récompensées maintes fois et ont été présentées et collectionnées à travers le monde. Dana est professeure associée au Département d’histoire de l’art, d’art visuel et de théorie de l’Université de la Colombie-Britannique. Dans son travail, elle s’intéresse à la beauté, à l’esprit et aux politiques socioculturelles autochtones. La Première Nation de Wood Mountain Lakota est sa réserve familiale.
Cette vidéo rend hommage à Johnny Cash tout en le critiquant. Elle a réintroduit une voix Lakota dans l’histoire de Wounded Knee telle qu’elle est racontée dans la chanson populaire Big Foot, enregistrée en 1972 dans l’album America, qui commémore 200 ans de l’histoire des États-Unis.
Rendez-vous autour de l’exposition :
ATELIER « BRODER LA MACHINE Du mercredi 25 septembre au dimanche 6 octobre Rendez-vous au TILVIST Coff’tea shop 23, rue de la Moselle – Mulhouse Renseignements et horaires sur kunsthallemulhouse.com Entrée libre RENDEZ-VOUS FAMILLE Dimanche 29 septembre → 15:00 – 17:00 Visite/atelier pour les enfants à partir de 6 ans et leurs parents Gratuit, sur inscription VISITES GUIDÉES Dimanche 29 septembre → 16:00 Dimanche 27 octobre → 16:00 Entrée libre KunstapÉro Jeudi 3 octobre → 18:30 Jeudi 7 novembre → 18:30 En partenariat avec Mulhouse Art Contemporain et la Fédération Culturelle des Vins de France Sur réservation, 5€ / personne KUNSTDÎNER Jeudi 10 octobre → 19:00 – 23:00 En partenariat avec Mulhouse Art Contemporain et la Fédération Culturelle des Vins de France et ÉPICES Sur réservation, participation de 50€ / personne
AuCentre Pompidou jusqu’au 20 janvier 2020 commissaire de l’exposition : Didier Ottinger, Directeur adjoint du Musée national d’art moderne Scénographe : Laurence Fontaine
Francis Bacon, Selfportrait (1971) Huile sur toile 35,5 × 30,5 cm Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris Donation Louise et Michel Leiris, 1984
Il était très discret. Il estimait que la peinture était un lieu de mystère et que chacun pouvait y apporter sa part de soi, que ce n’était donc pas à lui de livrer quoi que ce soit. (Franck Maubert)
« Comment imaginer la vie sans la littérature ? Sans les livres ? C’est une source fabuleuse, un puits pour l’imaginaire » Francis Bacon
L’exposition « Bacon en toutes lettres » du Centre Pompidou s’attache aux oeuvres réalisées par Bacon (1909 – 1992), le maître irlandais, peintre de la tragédie et de la condition humaine, durant les deux dernières décennies de son oeuvre. L’exposition explore de façon inédite l’influence de la littérature sur la peinture de Francis Bacon. Elle comporte soixante tableaux (incluant 12 triptyques, ainsi qu’une série de portraits et d’autoportraits), issus des plus importantes collections privées et publiques. De 1971 à 1992, (date du décès du peintre), la peinture est stylistiquement marquée par sa simplification, par son intensification. Ses couleurs acquièrent une profondeur nouvelle, il use d’un registre chromatique inédit, de jaune, de rose, d’orange saturé. Des corps ramassés, recroquevillés, qui se tordent sur eux-mêmes, se pâment, s’abîment dans des excès de volupté, des convulsions de la chair. Peintre du « cri plutôt que de l’horreur », répétant à l’envi que « l’odeur du sang humain lui souriait »
In Memory of George Dyer, 1971 Huile et letraset sur toile, triptyque, 198 x 147.50 cm Fondation Beyeler – Beyeler Museum, Bâle
L’année 1971 est pour Bacon une date charnière. L’exposition présentée au Grand Palais le consacre internationalement. La mort tragique de son compagnon, quelques jours avant le vernissage, ouvre une période marquée par une culpabilité qui prend la forme symbolique et mythologique des Erinyes (les Furies) appelées à proliférer dans sa peinture. Les trois triptyques dit « noirs » peints en souvenir de son ami défunt ( In Memory of George Dyer, 1971, Triptych–August 1972 et Triptych, May–June 1973, tous présents dans l’exposition), commémorent cette disparition.
Axée en partie sur les liens entre le peintre et la littérature, l’exposition se place aux antipodes de toute narration ou de toute conception illustrative de la peinture. Des penseurs comme Georges Bataille ou Nietzsche, des écrivains comme Michel Leiris (auteur notamment d’une monographie sur le peintre, Francis Bacon : Face et profil) sont ainsi lus par de grandes voix dans les six « chambres d’écoute » qui jalonnent le parcours muséographique.
Francis Bacon, portrait of Michel Leiris
Michel Leiris occupe une place à part. Traducteur de la version française de ses entretiens avec David Sylvester, l’auteur de L’Âge d’homme devient le préfacier de ses expositions parisiennes. L’écrivain et le peintre se rencontrent à Londres, en 1965. Leiris adresse à Bacon la réédition récente de son Miroir de la tauromachie (publié en 1938) dans lequel il développe un parallèle entre l’art du poète et celui du matador. Une année après sa lecture de l’ouvrage, Bacon peint son premier taureau. Outre la poétique, Bacon transpose plastiquement chez Leiris, comme chez T.S. Eliot la forme fragmentaire de leurs œuvres, leur esthétique du « collage », qu’il rend parfois explicite, introduisant dans ses compositions des pages de journaux.
En outre, on retrouve dans les toiles de Bacon cet attrait pour la littérature sous des formes diverses et détournées, comme l’Orestie, qui donne son titre à certaines œuvres, mais aussi le corps comme viande, image si chère à Bacon, en écho à un texte de Georges Bataille sur l’abattoir ; le poème de T.S. Eliot, La terre vaine (The Waste Land), titre d’une des toiles, ou encore la réflexion nietzschéenne sur la tragédie, un motif obsessionnel chez le peintre.
Capter le mouvement de la vie est ce dont ont été capables les images modernes qui fascinaient Bacon. Ce que s’employaient à faire les images « chronophotographiques » de Muybridge, ce qu’accomplissait le cinéma. Le « vitalisme » dont Bacon s’applique à doter ses images était bien conforme à l’esthétique que lui inspirait la philosophie de Nietzsche. Pour être totalement accordée aux thèses de La Naissance de la tragédie, cette exaltation de la vie se devait de s’ouvrir à son négatif, à la puissance délétère de la mort. D’où les malentendus, la fixation d’une critique sensationnaliste sur la dimension morbide d’un art qui dit ne considérer la mort qu’à proportion de sa passion pour la vie. « Plus on est obsédé par la vie, plus on est obsédé par la mort », confie Bacon à l’un de ses interviewers.
Parmi les toiles de grand format qui ne sont cependant pas prises dans un triptyque, ce sera Study for the Human Body –Bacon ne cherchait pas des titres originaux et étranges –, de 1991
.Study for the Human Body
Il y a aussi des tableaux presque paysagers : une rue avec une voiture qui s’échappe et ce tableau incroyable qui s’intitule Jet of Water [Jet d’eau], 1979, la toile est presque vierge à peine une toute petite zone peinte, un robinet qui laisse échapper de l’eau, un tourbillon à la manière dont les corps à certains moments chez Bacon vont se liquéfier et quitter le cadre.
Eau coulant d’un robinet. Bacon l’a réalisée deux ans plus tôt. « C’est sans doute un de mes plus beaux tableaux. […] parce que je le trouve ‹ immaculé › […] c’est une invention où j’ai eu le sentiment pendant un moment que ma peinture fonctionnait. » d’après le commissaire Didier Ottinger
Jet of Water [Jet d’eau], 1979, Huile et caractères transfert sur toile 198 × 147,5 cm Collection particulière
« C’est un double personnage, il est insaisissable, irrationnel, comme sa peinture. Je n’avais accès qu’à une face de Bacon, même s’il m’entraînait dans sa nuit, presque pour parfaire sa légende…« (Franck Maubert)
Bacon donne une forme visuelle à l’angoisse et cette forme, comme l’angoisse elle-même, revient régulièrement. Bacon est magistral, la puissance de ses tableaux est presque obsédante. Son art n’est en rien « illustratif ». Les textes auxquels il se réfère lui inspirent des images, déconnectées de tous récits.
Dernier tryptique, des monstres qui hurlent dans Trois étudesde figure au pied d’une crucifixion, premier et décisif triptyque de Bacon de 1944, dont la seconde version, de 1988, est au bout de l’exposition, en un final terrible.
Second Version of Triptych 1944 [Seconde version du triptyque de 1944], 1988 Huile et peinture aérosol sur toile Chaque panneau : 198 × 147,5 cm Tate Gallery, Londres Presented by the artist, 1991
Un film sur la vie de Bacon conclue l’exposition
Les podcasts du Centre Pompidou Cette aide à la visite est proposée pour l’exposition « Bacon en toutes lettres » et permet de se laisser guider parmi les sources d’inspiration littéraires de l’univers de Francis Bacon très peu de cartels.
De Reynolds à Turner – Chefs-d’oeuvre de la Tate Britain Jusqu’au 16 février 2020 au Musée du Luxembourg 19, rue Vaugirard, 75006 Paris commissariat : Martin Myrone, conservateur en chef, Tate Britain Cécile Maisonneuve, conseiller scientifique, Réunion des musées nationaux -Grand Palais scénographie : Jean-Paul Camargo – Saluc
Ce sont 68 oeuvres exposées, presque à touche touche. Les années 1760, au début du règne de George III, ont marqué un tournant pour l’art britannique, avec l’ascension triomphante de Joshua Reynolds (1723-1792) et de Thomas Gainsborough (1727-1788), ainsi que la fondation de la Royal Academy of Arts dont Reynolds fut le premier président. Reconnus comme les maîtres du portrait, Reynolds et Gainsborough ont rivalisé pour élever le genre à des niveaux d’innovation visuelle et intellectuelle inédits. Ils ont su faire honneur aux grands maîtres, tout en faisant preuve d’une grande perspicacité psychologique et d’une maîtrise de la peinture sans cesse réinventée.
Joshua Reynolds L’Honorable Miss Monckton 1777-1778 Huile sur toile 240 × 147,3 cm Légué par Sir Edward Stern en 1933 Londres, Tate, N04694
L’exposition L’Âge d’or de la peinture anglaise s’ouvre par la confrontation des deux peintres, à travers des portraits en pied et des études intimistes, à la ressemblance frappante, de notables, de membres de la famille royale ou de personnalités. Les ambitions intellectuelles et références historiques de Reynolds contrastent alors avec l’instantanéité et l’aisance picturale de Gainsborough. À eux deux, ils ont redéfini l’art britannique et ont hissé la nouvelle génération vers de nouveaux sommets. Leur influence durable est ensuite explorée à travers une sélection de portraits majeurs réalisés par leurs concurrents directs ou par leurs disciples, attirés pour la plupart par la nouvelle Royal Academy, notamment John Hopper, William Beechey et Thomas Lawrence. Soutenue par le roi, mais aussi et surtout par les acteurs du commerce et de l’industrie, la peinture britannique s’épanouissait dans une diversité de styles, qui fut alors perçue par les contemporains comme le signe d’un âge d’or artistique.
Joshua Reynolds Master Crewe, en Henry VIII George Romney Mr et Mrs William Lindow Joshua Reynolds Miss Crewe
Sont ensuite abordés des thèmes alors en vogue comme celui de la lignée, de la famille et du foyer dans les portraits et la peinture de genre. L’époque a vu naître un nouveau regard sur l’enfance, caractérisé par des accents intimes et une apologie de la décontraction. Les représentations de la famille et de l’innocence enfantine illustrent alors une nouvelle compréhension de la nature et de l’émotion. La section suivante développe ce thème en s’intéressant aux peintures représentant la vie de tous les jours, en particulier la vie rurale.
George Stubbs Un Hunter gris avec un palefrenier et un lévrier à Creswell Crags Vers 1762-1764 Huile sur toile
D’importants travaux de Gainsborough (dans son rôle préféré de peintre paysagiste), de George Stubbs et de George Morland montrent la nouvelle attention portée au pittoresque, alors que l’extraordinaire portrait de Reynolds, The Archers (Les Archers), met le concept de nature sauvage au service d’une nouvelle image héroïque de la classe dirigeante britannique.
Reynolds, The Archers (Les Archers)
Une section plus resserrée illustre ensuite la présence de la Grande-Bretagne en Inde et dans les Antilles, rappelant que le progrès artistique et culturel du pays était, essentiellement, fondé sur l’exploitation politique et commerciale de territoires outre-mer. Une sélection d’oeuvres sur papier montre parallèlement l’essor formidable en Angleterre d’une autre forme d’expression picturale : l’aquarelle, qui permet à de nombreux d’artistes de se faire remarquer, tout en répondant au besoin d’une nouvelle société d’amateurs.
Alexander Cozens (1717-1786) Une tache : composition de paysage Vers 1770-1780 Aquarelle et mine de plomb sur papier
Reynolds, en tant que Président de la Royal Academy, définit de nouvelles ambitions pour l’art britannique, centrées sur la peinture d’histoire, seul genre permettant à un artiste de s’accomplir pleinement, même s’il constatait lui-même que les mécènes étaient rarement enclins à soutenir ce genre si noble. Les portraits, les paysages et les scènes de la vie quotidienne prospéraient en revanche, et la variété même de l’art britannique dans ces domaines semblait relever d’un génie propre au pays, affranchi des règles et des conventions. La peinture d’histoire se développa toutefois en Grande Bretagne et subit au cours de cette période une transformation radicale.
Henry Fuseli Le Rêve du berger, inspiré du « Paradis perdu » de Milton 1786 Huile sur toile
La dernière partie de l’exposition montre comment les artistes britanniques ont fait évoluer la figuration narrative pour l’emmener vers le sublime. Les travaux d’Henri Fuseli, de John Martin et de P.J. De Loutherbourg, ainsi que l’oeuvre de J.M.W. Turner,(exposition à Lucerne) ont ouvert la voie à une nouvelle conception de l’art comme support de l’imaginaire.
Joseph Mallord William Turner La Tamise près de Walton Bridge 1805 Huile sur placage d’acajou
Longs cartels explicatifs, contrairement à la sobriété de l’exposition Bacon au centre Pompidou, où les textes accompagnant les oeuvres sont lus dans des petites salles par des artistes. (billet en cours)
Musée du Luxembourg 19, rue Vaugirard, 75006 Paris
horaires d’ouverture: tous les jours de 10h30 à 19h, nocturne jusqu’à 22h le lundi.
accès : M° St Sulpice ou Mabillon Rer B Luxembourg Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du Luxembourg / Sénat
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King Kong « L’Affaire Makropoulos » (2007) de Malgorzata Szczęśniak Ouvrant de manière spectaculaire l’exposition Opéra Monde, un immense King Kong se déploie dans le Forum. Cette sculpture conçue par la créatrice polonaise Malgorzata Szczęśniak pour la mise en scène de L’Affaire Makropoulos (de Leoš Janáček par Krzysztof Warlikowski) est la plus imposante jamais réalisée par les ateliers de l’Opéra national de Paris. Cette œuvre monumentale vous plonge dans l’univers hors limite de l’opéra et de son dialogue avec le cinéma. Par ailleurs architecte scénographe de l’exposition Opéra Monde, Malgorzata Szczęśniak transforme la Galerie 3 en une déambulation labyrinthique à travers les coulisses d’un décor d’opéra.
Jusqu’au 23 SEPTEMBRE 2019 au MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE DIJON Entrée gratuite pour tous Commissaires de l’exposition FRANCK GAUTHEROT, directeur du Consortium Museum de Dijon DAVID LIOT, directeur des musées de Dijon
YAN PEI-MING
Composée d’une trentaine d’oeuvres, cette exposition se déploie dans l’ensemble du musée et met en lumière un peintre contemporain majeur. Tel un journal intime l’exposition explore les vicissitudes de l’artiste face à la brutalité du monde. Elle rend hommage à sa mère et à ses amis récemment disparus. L’Homme qui pleure met en lumière la vision très personnelle d’un homme meurtri par la violence de la vie et qui continue à se battre.
YAN PEI-MINGSeptember 11th 2001 (2011)
Entre drames intimes et planétaires Dans la première salle, l’oeuvre September 11th 2001 (2011) campe les Twin Towers comme deux personnages en péril. Artiste à genoux (2012) accueille le visiteur. Yan Pei-Ming se recueille, tête baissée, demande le pardon du monde qui s’écroule, le pardon de ses proches.
Yan Pei-Ming,Fukushima, 11 mars 2011 (2011)
Yan Pei-Ming Le chien qui crie
Dans la seconde salle, les chiens hurlent de toute la puissance de leur mâchoire devant Fukushima, 11 mars 2011 (2011). Face à l’explosion de la centrale, résumée par Yan Pei-Ming au moment d’après, il ne reste que le panache énorme d’une fumée de tous les dangers radioactifs. Dans la troisième salle, les oiseaux noirs tournoient ou se posent autour de portraits de femmes voilées sous les yeux ouverts mais morts de l’Oncle aveugle (2019). Ils interrogent l’enfermement, sociétal ou physique, la liberté d’action et de mouvement.
Yan Pei-Ming
Invisible Women
Yan Pei-Ming
La dernière salle annonce l’effroi devant le tragique. Le Selfportrait at Four Ages (2006) fabrique un temps en quatre saisons : la jeunesse, l’âge adulte, le gisant mort et la vanité (le crâne) tandis que ses fleurs noires portent les messages des vivants aux morts.
Yan Pei-Ming
Fabian Stech,
Xavier Douroux
À travers Fabian Stech, portrait d’un ami (11/2015) et Xavier Douroux, portrait d’un ami (2019), Yan Pei-Ming rend hommage à ses amis décédés qui ont tant compté dans sa vie. Fabian Stech (1964-2015), fauché au Bataclan, le 13 novembre 2015 et Xavier Douroux (1956-2017), un des fondateurs et directeurs du Consortium, vaincu par la maladie, à l’aube de la soixantaine. Dans un entretien en 2005, Yan Pei-Ming, apaisé, confirme à Fabian Stech que le thème de la mort traversera toujours son oeuvre et ajoute : Plus j’avance, plus je me sens libre, plus j’ai envie d’exprimer un sentiment général d’humanité » Cette année, au coeur d’un musée rénové des Lumières, le peintre exprime sa liberté, son humanisme et sa générosité. Témoin engagé d’un monde qui vacille, l’Homme qui pleure garde intacte son énergie plastique et sa « folie créatrice ». Lueurs d’espoirs, ses morts le sont assurément.
Yan Pei-Ming
« L’aquarelle à l’eau des larmes », une salle spécifique Dans l’espace d’exposition temporaire, les Pleurants, suite d’aquarelles d’après les 82 pleurants des cénotaphes des ducs de Bourgogne s’adjoignent une peinture et une autre série d’aquarelles : Ma mère (2018), cinq feuilles d’aquarelles qui réitèrent dans l’encre lavée l’image de sa défunte mère. Dans la même salle une série d’autoportraits et les funérailles du Pape.vidéo
Yan Pei-Ming
Un peintre contemporain au musée des Beaux-Arts Dans la salle des Tombeaux le triptyque Ma mère – Souffrance • Espoir • Effroi (2018), portraits de la mère de l’artiste au tournant fatal de sa vie, se dévoile avec à ses pieds les cénotaphes des ducs entourés des Pleurants.
Yan Pei-Ming, Ma mère – Souffrance • Espoir • Effroi (2018)
Loin des mouvements artistiques des années 80, autour de l’art conceptuel et de l’installation, Yan Pei-Ming défend la peinture avec énergie et, au fil de sa carrière, va revisiter la peinture européenne du XVIIe siècle à nos jours. Il n’hésite pas à l’interpréter par un jeu infini de détournements, une écriture plastique spontanée et un sens de la polysémie
Yan Pei-Ming d’après Goya (Tres de Mayo)
Sans oublier,Game of Power, avec le portrait des dictateurs actuels.
Au sein du parcours permanent La Vocation de saint Matthieu ; Le Martyre de saint Matthieu, d’après Caravage (2015) et L’Exécution, après Goya (2012) confirment ce dialogue entre art contemporain et peinture d’histoire.
Palais des États et des ducs de Bourgogne Place de la Sainte-Chapelle – DIJON dmp@ville-dijon.fr Tél. : (+33) 3 80 74 52 09 / musees.dijon.fr Entrée gratuite pour tous Les horaires d’ouverture de l’exposition sont ceux du musée des Beaux-Arts Ouvert tous les jours sauf le mardi, du 17 mai au 31 mai : de 9h30 à 18h du 1er juin au 23 septembre : de 10h à 18h30 Navette Divia City gratuite depuis l’arrêt Foch Gare SNCF (Boulevard de Sévigné en dessous de la Gare) qui vous dépose à l’arrêt théâtre, juste à côté du musée
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Jusqu’au 30 septembre 2019, le Centre Pompidou-Metz présente une exposition monographique consacrée à Lee Ufan (vidéo)
Ma première rencontre avec les oeuvres de Lee Ufan date de 2004, présentées à la Fondation Fernet Branca, grâce à Jean-Michel Wilmotte, architecte de renommée internationale et grand connaisseur de la culture coréenne, qui a réussi la rénovation et transformation des anciennes usines, en centre d’art contemporain. Dans l’intimité du lieu, elles dégageaient une sérénité contagieuse. A Versailles, c’est « l’Eloge du peu » qui tient toutes ses promesses »
« Je suis hostile à l’industrialisation illimitée, au consumérisme de masse résultant d’un productivisme effréné. Je suis opposé à ce que les hommes veuillent former le monde selon l’image qu’ils s’en font. Par conséquent, si contradictoire que cela puisse paraître, je crée dans le but de ne pas créer. » (Lee Ufan, Tension précaire, op.cit., p.197)
Le parcours a été conçu par l’artiste et le commissaire de l’exposition comme un cheminement d’expérience en expérience, à la manière d’une initiation à un nouveau langage, en dehors des codes et des références traditionnelles de l’art contemporain. À chaque « station » du chemin, une sélection d’œuvres révèle un concept, une façon d’envisager l’art. Certaines salles sont aussi la déclinaison de ce concept à partir d’un matériau en particulier.
Lee UfanRelatum
Jean-Marie Gallais, commissaire de l’exposition, explique : « Ce n’est pas une rétrospective au sens classique du terme, il s’agit plutôt d’une traversée de l’œuvre dans sa quête de redéfinition de l’art. Nous n’avons pas cherché à montrer « tout » Lee Ufan, ni à suivre un parcours chronologique, mais plutôt à montrer comment l’artiste a élaboré des concepts et des principes. On retrouve dans l’exposition la plupart des typologies d’œuvres et de matériaux déployés par Lee Ufan, mais aussi des moments de transition, des pièces charnières qui dévoilent comment une réflexion mène à une autre. Le lien entre une idée, une pensée et une forme ou une expérience, est particulièrement rendu sensible. Ce choix d’œuvres a été fait en concertation et en dialogue constant avec l’artiste, qui a veillé à un équilibre entre peintures, sculptures et installations, œuvres anciennes et récentes. »
Lee Ufan, Relatum
La notion de doute, fondamentale pour Lee Ufan, lui permet d’interroger le principe même de la peinture et de la sculpture, et de dépasser la question de l’ego de l’artiste. Les œuvres présentées au Centre Pompidou-Metz révèlent aussi cet aspect du travail, répondant à la volonté d’atteindre le « non-peint », le « non-sculpté », comme le dit Lee Ufan, afin de créer une relation la plus pure possible entre l’intérieur et l’extérieur de l’œuvre, entre l’énergie et l’immobilité, suggérant différentes façons d’ « habiter le temps. »
Lee Ufan naît en 1936 au sud de la Corée, dans une famille imprégnée d’une morale stricte aux idéaux confucéens. « Lorsque j’essaie de vivre en tant que Coréen, ma vie créatrice s’appauvrit et, si je tente de vivre en tant qu’artiste, je m’éloigne des Coréens » (Lee Ufan, Tension précaire) Face à ce dilemme, il cherchera à trouver un équilibre en prenant à rebours la pratique artistique, afin d’atteindre un langage universel non auto-référencé, un « au-delà » de l’art, une pratique de l’humilité où l’artiste disparaît derrière son œuvre.
Le départ de Lee Ufan pour le Japon, après sa première année à l’université, est une étape importante dans la construction de son identité. Il rejoint son oncle et va y apprendre le japonais et suivre des cours de philosophie contemporaine à partir de 1957. Lee Ufan cherche alors refuge dans la pratique artistique, mêlée à une lecture phénoménologique de l’existence inspirée de ses lectures de philosophes occidentaux, notamment de l’analyse de la perception par Maurice Merleau-Ponty, mais aussi les écrits d’Heidegger ou Foucault.
Traditionnellement, la perception est définie comme l’activité de l’esprit par laquelle un sujet prend conscience d’objets et de propriétés présents dans son environnement, sur le fondement d’informations délivrées par les sens.
La phénoménologie est en effet fondatrice dans la naissance du mouvement Mono-ha au Japon en 1968, dont Lee Ufan est l’un des principaux théoriciens et représentants. Cette « Ecole des choses » sonde les relations qui naissent de la rencontre entre des éléments naturels et industriels, sur lesquels les artistes n’interviennent presque pas, dans des installations éphémères au vocabulaire ascétique. Mono-ha établit des connexions entre l’art et la philosophie, dans un esprit anticonsumériste. On trouve dans le travail de Lee Ufan, jusqu’aux œuvres les plus récentes, ce parti pris d’économiser le geste pour critiquer l’hyper productivité et la saturation des images de la société et du monde de l’art contemporains.
Lee Ufan développe ensuite sa pensée au fil des expositions, faisant évoluer ses gestes d’une série à l’autre, glissant toujours aussi allègrement entre la peinture, la sculpture ou l’installation. L’exposition du Centre Pompidou-Metz dresse un portrait par les œuvres de cet artiste qui s’efforce à travers ses créations, de considérer l’art comme un moyen d’appréhender notre rapport au monde. L’œuvre de Lee Ufan est une invitation à ralentir, à quitter le monde du déferlement des images et de la représentation, pour se recentrer sur la perception. Un chemin de méditation qui peut autant partir d’un détail insignifiant comme de l’infini : « Ce n’est pas l’univers qui est infini, c’est l’infini qui est l’univers. » rappelle l’artiste.
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Jusqu’au 26 août 2019, la Fondation Vuitton présente un ensemble d’œuvres de Gilbert & George, « There Were Two Young Men, April 1971 », (vidéo) une « sculpture-au-fusain-sur-papier » en six volets faisant partie de la Collection de la Fondation. Exposée uniquement en 1971 à la galerie Sperone de Turin, cette œuvre s’inscrit dans une série de 13 corpus d’oeuvres tous différents, créés entre 1970 et 1974 puis dispersés. Cette exposition est une occasion unique de réunir ces œuvres rares de Gilbert & George.
Par sa dimension même, « There Were Two Young Men » implique une relation immersive pour le spectateur. Cette « sculpture » représente deux protagonistes -les artistes- dans un environnement champêtre dont l’hédonisme est teinté de mélancolie. Ils semblent deviser tranquillement, adossés à un arbre, dans l’esprit des représentations néoromantiques de la peinture de paysage britannique. L’intrusion graphique, dans chaque élément de la « sculpture », du titre en majuscules qui assied l’image et d’un texte poétique en majuscules et en minuscules, écrit à la main ajoute une complexité supplémentaire, renvoyant à l’univers de la poésie populaire et des comptines.
Nés en 1943 et en 1942, dans les Dolomites (Italie) et dans le Devon (Angleterre), ils vivent et travaillent à Londres (Royaume-Uni). Dès leur sortie de la Saint Martin’s School of Art où ils se rencontrent en 1967, Gilbert & George se font connaître en s’autoproclamant deux « sculptures vivantes » formant un seul artiste. Ainsi vêtus de costumes ordinaires, le visage impassible et recouvert de poudre multicolore métallisée, ils interprètent dans The Singing Sculptureune chanson des années 1930, Underneath the Arches, renvoyant au monde des déclassés. Les artistes choisissent d’emblée de se démarquer du contexte artistique de l’époque, formaliste et conceptuel, en choisissant le langage figuratif. De la mise en scène du quotidien (marcher, chanter, lire, boire), ils tirent une matière visuelle qu’ils exploitent dès le début des années 1970 dans des assemblages de photographies, d’abord en noir et blanc puis en couleurs. Dès l’origine leurs oeuvres témoignent de la permanence de leur position privilégiant la figuration alors décriée, avec un objectif déclaré d’un Art pour Tous. Permanent également chez Gilbert & George, le choix d’un art qui communique directement et dans un esprit de dialogue avec le spectateur et où l’émotion individuelle, ressentie au plus vrai, atteint à l’universel.
Réalisée après leurs études à la St Martins School of Art de Londres, There Were Two Young Men implique une relation immersive pour le spectateur. Elle est présentée aux côtés d’autres œuvres de Gilbert & George d’inspiration proche comme « Limericks » (1971), également dans la Collection de la Fondation, une sculpture postale en huit parties. S’y ajoutent selon le souhait des artistes «Nature Photo Piece » (1971), composition de photographies en noir et blanc ainsi que deux vidéos sculptures contemporaines.
Commissariat général : Suzanne Pagé Commissaire : Claire Staebler
Architecte en charge de la scénographie : Marco Pal
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Jusqu’au15 mars 2020 au Musée Würth France Erstein
« L’art est la réalité du rêve. » José de Guimarães
José de Guimarães photo Valérie Cardi
Par cette canicule, la visite au musée Würth, climatisé, s’impose, plongé dans l’art brut, dans des couleurs resplendissantes, vous pouvez voyager et vivre un dépaysement total avec José de Guimarães, gratuitement
Né en 1939 sous le nom de José Maria Fernandes Marques, il a passé sa jeunesse dans la petite ville de Guimarães, doté d’un musée d’archéologie et d’un musée d’art sacré, dont il a pris le nom à vingt-deux ans pour enraciner son identité dans un terroir.
La démarche artistique de José de Guimarães, dont la vie et l’œuvre sont rythmés de trois manifestes et de séries enchaînées au fil de son exploration des continents, est indissociable de celle de l’anthropologue. « Nous avons souhaité montrer ce double visage, explique Marie-France Bertrand, directrice du Musée Würth, c’est pourquoi nous présentons à la fois une sélection de ses œuvres – qui appartiennent en grande partie à la collection Würth – et des pièces d’art africain (Angola mais aussi Nigéria, Mali, Bénin…) tirées de son immense collection personnelle – que nous lui avons empruntées. »
José de Guimarães, Alphabet africain
Si une belle partie de l’exposition est consacrée aux années d’inspiration africaine de l’artiste, le Musée Würth s’attache à retracer l’ensemble de son parcours, et à montrer les œuvres les plus significatives de ses différentes périodes créatrices – chronologiquement dans les premières salles, de façon à mettre en lumière les étapes fondatrices de son style, puis de façon thématique, sans se limiter aux zones géographiques explorées par José de Guimarães. Cette rétrospective témoigne ainsi de son évolution graphique à travers le temps, de la fragmentation de la forme et de l’élabo ration de l’Alphabet africain jusqu’aux combinaisons les plus émancipées. Elle illustre son profond attachement à la couleur en même temps qu’une fidélité à un aspect naïf et figuratif. Elle atteste aussi la diversité des matériaux et supports utilisés, typique de l’art brut : peinture sur toile ou sur bois, acrylique ou gouache, mais aussi collages de papier (papier qu’il fabrique lui-même), de pigments ou de sable, assemblage d’objets, néons, bronze…
José de Guimarães, Bagdad
Une œuvre de 7 mètres de long accueille les visiteurs : Bagdag, réalisée en 2003 en référence au scandale d’Abou Ghraib, l’une des cinq pièces d’une série, mais la seule conservée dans la Collection Würth. « José de Guimarães se positionne vraiment avec cette œuvre en réaction à un événement politique, explique Claire Hirner, commissaire de l’exposition, ce qui est assez rare chez lui. Cette œuvre pourrait évoquer Guernica, avec cette immédiateté qu’avait eue aussi Picasso par rapport à l’actualité. »
AU REZ-DE CHAUSSÉE : L’AFRIQUE Le fameux Alphabet africain (1971-1974), témoignant de l’aboutissement de ces années de recherche et de la naissance d’un langage singulier, clôt cette première partie. « C’est l’une des œuvres phare de l’exposition, confie Claire Hirner. Elle est présentée pour la première fois dans son intégralité. Ce sont cent trente-deux petits panneaux de bois peint que l’on présente sans ordre prédéfini. La seule contrainte est que l’ensemble forme un bloc rectangulaire ou carré. Il s’agit d’un alphabet libre. Nous avons vraiment là la notion du morphème si chère à José de Guimarães. »
Totem
La Joconde Noire
José de Guimarães
Suit une grande section intitulée « Totems et fétiches » (1989-2003), rassemblant des œuvres de grand format nées à la suite de la période angolaise et reflets d’une certaine spiritualité. Le serpent y occupe une place particulière – dans tout l’œuvre de l’artiste, d’ailleurs –, aux côtés de rituels, de danses cérémonielles. « On trouve aussi la Femme automobile et Automobile verte et rouge, précise Claire Hirner, que l’artiste considère comme des fétiches de la société de consommation. Et nous avons aussi adjoint deux reliquaires, qui gardent une trace imagée d’un rituel ou d’une cérémonie. » En regard de ces œuvres exposées au rez-de-chaussée sont proposées vingt-six pièces sélectionnées dans l’immense collection personnelle de José de Guimarães : à travers masques, sculptures et objets rituels, différentes ethnies du Congo, de l’Angola, du Mali, du Nigéria et du Gabon sont représentées.
José de Guimarães
À L’ÉTAGE : UNE FORMIDABLE ODE À LA VIE
Changement de continent à l’étage avec la série des œuvres inspirées par Mexico, élargie aux rituels et aux symboles d’Amérique – cette section présente également laFavela (Brésil) et la Cérémonie du serpent (2014, inspirée des travaux et voyages de l’historien d’art et anthropologue Aby Warburg dans les villages des indiens Hopis). « Nous avons ici, explique la commissaire, des références au dieu de la pluie aztèque, aux traditions mexicaines avec des papiers découpés utilisés pour des rites funéraires mais aussi des baptêmes ou des mariages, la symbolique du crâne. C’est une formidable ode à la vie, même si l’on évoque la mort. »
José de Guimarães, Favela
La dernière salle, notamment avec ses œuvres liées à Hong Kong et aux traditions d’Asie, s’attache à cette notion de « nomadisme transculturel» que José de Guimarães porte en lui, dont il a fait son propre langage créant une synthèse de formes, en absorbant les cultures, en apprivoisant les rites. « Nous terminerons, dans le couloir, avec la série inspirée de la Madone de Darmstadt (2012-2013), conclut Claire Hirner. Cette série, qui reprend des détails du portrait de Holbein le Jeune, nous ramène au lien fort qui unit José de Guimarãesà la Collection Würth. » L’original (1526-1528) est l’un des tableaux les plus chers acquis en Allemagne depuis la seconde guerre mondiale, acheté par Reinhold Würth en 2011 et exposé depuis dans l’église des chevaliers de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem de Schwäbisch Hall. José de Guimarães s’explique lui-même sur ces œuvres peintes suite à cette acquisition : « J’ai été si impressionné par la Madone que j’ai voulu exprimer cette fascination. J’ai fait une sorte de “démontage” du chef- d’œuvre de Holbein en six œuvres séparées. Ce sont tous des morceaux du tableau originel, traduits dans mon propre univers. »
La Madone
HORAIRES • Du mardi au samedi de 10h à 17h • Le dimanche de 10h à 18h • Fermé tous les lundis, ainsi que les 25 et 26 décembre, 1er janvier, 1er mai, 14 juillet et 15 août. TARIFS D’ENTRÉE AU MUSÉE • L’ENTRÉE AU MUSÉE EST LIBRE
la Cérémonie du serpent (2014) José de Guimarães
INFORMATIONS ET RÉSERVATIONS 03 88 64 74 84 / mwfe.info@wurth.fr ADRESSE Musée Würth France Erstein Zi ouest – rue Georges Besse 67150 Erstein PETITE RESTAURATION AU CAFÉ DES ARTS Programme culturelle à consulter sur le site du musée
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Jean-Léon Gérôme (1824-1904) Etude d’après un modèle féminin pour « A vendre, esclaves au Caire » Vers 1872
Au Musée d’Orsay jusqu’au 21 juillet 2019
L’exposition présente un peu plus de 300 oeuvres dont 73 peintures, 81 photos, 17 sculptures, 60 oeuvres arts graphiques, 70 documents (livres, revues, affiches, documents, lettres…) et 1 photographie d’artiste projetée sur cimaise, avec incrustations de feuilles d’or.
De la Révolution française à l’abolition de l’esclavage en 1848, de la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791 à l’apparition de la négritude dans les années 1930, ce presque siècle et demi est le témoin privilégié des tensions, luttes et débats qu’occasionne la naissance de la modernité démocratique, et dont le monde des images s’est chargé, et nourri. Lentement il voit s’affirmer, en dépit de toutes sortes de réticences et d’obstacles, une iconographie, et même une identité noires.
Manet, Jeanne Duval
Portée par trois moments forts – le temps de l’abolition de l’esclavage (1794-1848), le temps de la Nouvelle peinture (Manet, Bazille, Degas, Cézanne) et le temps des premières avant-gardes du XXe siècle – cette exposition propose un nouveau regard sur un sujet trop longtemps négligé : la contribution importante de personnes et de personnalités noires à l’histoire des arts. Répartie en 12 sections.
Frédéric Bazille, Femme aux pivoines
Le choix d’un titre au singulier, malgré la diversité des représentations, cherche à souligner les différentes significations du terme « modèle« , qui peut aussi bien se comprendre comme « modèle d’artiste » que comme figure exemplaire. Femmes et hommes dits de couleur, ils sont nombreux à avoir croisé la trajectoire des artistes et à avoir tissé des relations avec eux. Qui sont-ils, ces grands oubliés du récit de la modernité ? Autant de personnes auxquelles les commissaires ont tenté de redonner un nom, une histoire, et une visibilité.
Du stéréotype à l’individu, de la méconnaissance à la reconnaissance, cette exposition essaie de retracer ce long processus, et tente de mettre en lumière l’un des plus grands non-vus et non-dits de l’histoire de l’art, révélant à nouveau cette discipline comme miroir des idées et des sensibilités, et affirmant ainsi les liens de continuité profonds qui unissent le XIXe siècle au XXe siècle, jusqu’à notre époque.
Nouveaux regards
Plus de cinquante ans séparent la première abolition de l’esclavage dans les colonies françaises de la seconde, proclamée en avril 1848 par la Deuxième République naissante.
Le 4 février 1794, un premier décret d’abolition, doublement révolutionnaire, accorde aux affranchis sans distinction de couleur la pleine citoyenneté française. Pour la France de l’an II, il s’agit d’acter la révolte victorieuse des esclaves de l’île de Saint-Domingue en 1791, menés par Toussaint Louverture, et de rallier à la République l’île menacée par les flottes étrangères.
Dès 1802 cependant, Napoléon Ier rétablit l’esclavage. Mais les troupes qu’il envoie à Saint-Domingue se heurtent à une résistance tenace : le 1er janvier 1804, l’île indépendante devient la République d’Haïti, « première nation noire » dira Aimé Césaire.
Le point de rupture historique que constitue la Révolution française permet ainsi l’émergence de portraits d’individus noirs émancipés, parmi lesquels les célèbres Jean-Baptiste Belley par Anne-Louis Girodet et Madeleine par Marie-Guillemine Benoist. Si ces oeuvres occupent l’espace artistique créé par la révolution politique et sociale contemporaine, elles témoignent néanmoins des ambiguïtés propres à leur temps : ainsi le livret du Salon de 1800 qui accompagne le Portrait de Madeleine ne dévoile-t-il ni l’état domestique, ni le prénom du modèle, ni clairement les intentions de l’artiste, qui font encore débat aujourd’hui.
Théodore Géricault (1791-1824) est adolescent lorsque Napoléon Ier, qui souhaite reconstruire un puissant empire français aux Amériques, fait rétablir l’esclavage dans les Caraïbes. La législation particulièrement restrictive qui accompagne ce rétablissement (interdiction des mariages interraciaux, interdiction d’accès à la métropole pour les Noirs des colonies…) explique le regain du mouvement abolitionniste, auquel participe Géricault. Ce dernier met sa fougue romantique au service de cette cause, multipliant les représentations énergiques ou doloristes des Noirs.
Sa correspondance ne dit rien des femmes et hommes de couleur qu’il fit poser, mais nous savons qu’il eut recours au célèbre modèle Joseph, originaire d’Haïti, aussi représenté par Théodore Chassériau. Pour son oeuvre iconique, Le Radeau de la Méduse, Joseph incarne le marin torse nu, agitant au sommet du tonneau le foulard du dernier espoir collectif.
Le tableau, qui relate la funeste expédition coloniale de la frégate La Méduse à l’été 1816, au large des côtes de l’actuelle Mauritanie, a connu plusieurs étapes. Si la première esquisse frappe par l’absence de tout Noir, la composition finale en compte trois, soit deux de plus que ce que l’Histoire nous rapporte. En multipliant les figures noires dans son tableau, Géricault résume ainsi son combat fraternitaire, et dote la cause abolitionniste d’un symbole décisif.
Jean Baptiste Carpeaux
L’art contre l’esclavage
Le 29 mars 1815, Napoléon Ier abolit la traite négrière, décision qui sera confirmée par Louis XVIII, quelques années plus tard. Malgré la pression accrue des abolitionnistes, le système esclavagiste, lui, perdure ; les gouvernements successifs de la Restauration et de la monarchie de Juillet se contentant de le réformer.
Du côté des peintres, le ton se durcit. La Traite des noirs de François-Auguste Biard fait sensation au Salon de 1835. D’autres osent dénoncer ce qu’endurent les victimes d’un système inhumain. C’est le cas de Marcel Verdier, élève d’Ingres, qui, en 1843, se voit refuser au Salon son Châtiment des quatre piquets.
François-Auguste Biard
Il faut attendre le 27 avril 1848 pour que la Deuxième République naissante abolisse l’esclavage dans les colonies françaises. Biard est chargé de célébrer cette mesure symbolique : Noirs et Blancs sont rassemblés dans un tableau où la liesse des affranchis, les chaînes brisées et le drapeau tricolore célèbrent avec emphase l’unité fraternelle du nouvel ordre républicain. L’immense toile de Biard fait ainsi écho aux thèses antiesclavagistes de Victor Schoelcher. C’est aussi à partir du Salon de 1848 que le sculpteur Charles Cordier inventorie la famille humaine dans son unité et sa singulière diversité.
Métissages littéraires Le métissage, thème central du Romantisme français, s’incarne dans deux figures clés de l’époque : Alexandre Dumas et Jeanne Duval. L’auteur du Comte de Monte-Cristo, petit-fils de Marie-Césette Dumas, esclave affranchie de Saint-Domingue, est l’objet de très nombreuses caricatures plus ou moins bienveillantes sur ses origines. Le romancier lui-même aborde franchement le thème de l’esclavage dans Le Capitaine Pamphile (1839).
Baudelaire, Jeanne Duval
Henri Matisse
Probablement née en Haïti vers 1827, l’actrice Jeanne Duval devient, à 15 ans, la maîtresse et la muse de Baudelaire. Figure idéale de la dualité des êtres et des amours, elle traverse l’oeuvre dessinée du poète, et s’est glissée très tôt parmi les poèmes exotiques des Fleurs du mal, les préférés probablement de Manet, et certainement de Matisse.
Le photographe Nadar rapprochera, après 1850, les mondes de Dumas et Baudelaire. S’il n’a pas photographié Jeanne Duval, il l’a décrite, de même que Théodore de Banville qui évoque, dans ses Souvenirs, « une fille de couleur, d’une très haute taille, qui portait bien sa brune tête ingénue et superbe, couronnée d’une chevelure violemment crespelée, et dont la démarche de reine, pleine d’une grâce farouche, avait quelque chose a` la fois de divin et de bestial ».
Dans l’atelier C’est au sein de la petite population noire installée en France au XIXe siècle que les artistes ont vraisemblablement recruté des modèles qui pouvaient poser occasionnellement pour eux. Les études d’atelier constituent des témoignages incomparables de la présence des Noirs à Paris, dont l’activité est alors essentiellement concentrée dans les secteurs de la domesticité et de l’artisanat. Faute de recensement, les chercheurs ne disposent que de quelques sources permettant d’associer un prénom ou un surnom à un visage. Rares sont les moyens permettant de rendre leur identité aux différents modèles qui posaient pour les artistes. De précieuses archives provenant de l’Ecole des beaux-arts révèlent pour certains d’entre eux leur âge, leur adresse, et parfois leur pays d’origine. Les études peintes montrant ces femmes et ces hommes dans des ateliers d’artistes, à la manière de portraits intimistes et individualisés, contrastent avec les tableaux de Salon dans lesquels perdure l’ambivalence des stéréotypes associés aux personnages noirs. Si ces représentations sont autant de traces des relations qui pouvaient exister entre des artistes et des modèles, elles témoignent également de recherches plastiques qui contribuent à l’élaboration d’un nouvel univers esthétique.
Autour d’Olympia A l’exception de quelques caricatures violentes, la figure de la servante noire est passée relativement inaperçue dans le scandale provoqué par la présentation d’Olympia de Manet au Salon de 1865, les critiques se concentrant essentiellement sur le sujet du tableau, jugé vulgaire, et sur l’absence d’idéalisation du nu féminin.
Cette « invisibilité » de la femme noire révèle la part conventionnelle de la représentation (attitude déférente, bouquet de fleurs à la main) qui s’inscrit également dans une longue tradition orientaliste, laquelle joue sur les contrastes et la tension érotique provoquée par les rapprochements des corps noirs et des corps blancs. Cependant, Manet effectue un déplacement radical en choisissant de représenter non pas une scène de toilette fantasmée dans un ailleurs exotique mais une scène de prostitution dans le Paris contemporain. La présence d’une domestique noire – qui renvoie à un imaginaire aristocratique et colonial – peut être lue comme un indicateur du statut social élevé de la courtisane et vient renforcer le pouvoir subversif du tableau.
Edouard Manet, Olympia
Admirateur de Manet, Bazille opère un singulier mélange entre le Paris moderne et un Orient lointain dans La Toilette qui est refusée au Salon de 1870. Dans sa Moderne Olympia qu’il présente à la première exposition impressionniste, Cézanne montre quant à lui l’envers du décor du tableau de Manet en introduisant la présence du client et en donnant un rôle actif et théâtral à la servante.
En scène
La présence de personnalités noires dans les milieux du spectacle et du cirque est notable dès le début du XIXe siècle. Parmi eux, on compte un certain nombre d’artistes originaires des Etats-Unis ou de la Caraïbe. C’est ainsi que Joseph, natif de Saint-Domingue a été repéré par Géricault au sein d’une troupe d’acrobates à Paris, ou que la musicienne havanaise Maria Martinez, le comédien shakespearien Ira Aldridge et le pianiste virtuose Blind Tom, tous deux américains, ont cherché en France et ailleurs en Europe la possibilité de faire carrière.
Cet attrait exercé par la scène parisienne pour les Noirs nés de l’autre côté de l’Atlantique est vif à la fin du XIXe siècle, notamment dans le domaine du cirque. Des affiches et des articles de presse témoignent de la célébrité des Américains Delmonico, intrépide dompteur de fauves, et Miss La La, acrobate aérienne dont la puissance extraordinaire des exercices de force inspire à Degas un tableau au cadrage non moins stupéfiant. C’est un registre autre que celui de la performance physique sensationnelle qu’explore le clown Rafael, originaire de La Havane. Sous le surnom de Chocolat, il joue le rôle de l’auguste aux côtés de Footit, clown blanc et tyrannique. Le duo inspire plusieurs oeuvres à Toulouse-Lautrec, mais aussi des publicités, des jouets, des marionnettes… Il est filmé par les frères Lumière en vue de l’Exposition Universelle de 1900.
Miss Lala, Henri de Toulouse Lautrec
Cézanne, une moderne Olympia
La « Force noire »
La Première Guerre mondiale mobilise de nombreux soldats noirs. Dès l’automne 1914, les tirailleurs sénégalais, corps d’armée issu des troupes coloniales, prennent part au conflit. Après une période d’adaptation, ils participent à la plupart des grandes offensives, dont la bataille de Verdun et celle du Chemin des Dames.
A l’inverse de l’Allemagne qui les figure en combattants cannibales employés de façon déloyale par l’ennemi, la France s’éloigne de l’iconographie coloniale du Sauvage et s’efforce d’en diffuser une image de soldat loyal et courageux, qui donne lieu au célèbre personnage rieur des publicités Banania, dénoncé dans les années 1930 par les militants de la Négritude.
A partir de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, des contingents de soldats noirs-américains rejoignent les tranchées apportant avec eux une musique nouvelle, le jazz. En 1918, le fameux orchestre du régiment des « Harlem Hellfighters » dirigé par James Reese Europe électrise les foules. Cette présence nouvelle d’une communauté noire transforme le Paris des années 1920, perçu comme un refuge cosmopolite pour ceux qui fuient la ségrégation raciale. Le monde du spectacle est revivifié par des artistes venant des Etats-Unis ou des Antilles – la danseuse Joséphine Baker étant la plus célèbre. Plusieurs lieux, films ou revues célèbrent les performances des artistes noirs.
Joséphine Baker
Voix et contre-voix de l’Empire colonial
Alors que la conquête coloniale est célébrée à travers les expositions universelles et les décors de villages indigènes reconstitués, le rapport au « modèle noir » se transforme pourtant sensiblement au tournant du siècle. Un imaginaire de l’ailleurs se constitue à partir notamment du premier voyage de Gauguin en Martinique (1887) et des forêts tropicales oniriques du Douanier Rousseau. Ces visions idylliques d’un paradis perdu, associées à la découverte par Derain, Picasso et Matisse de la statuaire africaine, dès les années 1906/07, donnent lieu à une stylisation nouvelle qui remet en cause le simple rapport mimétique au modèle.
Picasso remplace le visage d’une des cinq figures de ses Demoiselles d’Avignon par un masque Baoulé quand Matisse peint un Nu bleu radical. Cette altérité plastique acquiert, avec la génération suivante, une dimension politique. Le mouvement dada et surréaliste érige en modèle anti-occidental et anti-bourgeois un fantasme de l’Afrique, celui que livre la pièce loufoque et poétique de Raymond Roussel, Impressions d’Afrique ou qui se joue à travers des performances comme le combat entre Arthur Cravan et le champion de boxe noir américain, Jack Johnson.
La Négritude à Paris Le Paris des années 1920 connaît une véritable vogue pour le jazz et les artistes noirs, dont les corps érotisés figurent dans nombre d’oeuvres Art Déco. Des égéries fugaces de la bohème parisienne – Aïcha Goblet ou Adrienne Fidelin – sont portraiturées. En 1919, la première Conférence panafricaine y est organisée par l’un des acteurs majeurs de la Harlem Renaissance, W.E.B. du Bois, posant les premiers jalons d’une revendication d’autodétermination des Noirs. A partir des années 30, en pleine hégémonie coloniale et montée des périls fascistes, l’affirmation à Paris de la négritude est portée par la création en 1931 de la Revue du Monde noir et par les poètes Léon Gontran Damas, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor qui fondent en 1935 la revue L’Etudiant noir. Michel Leiris et la revue Document de Bataille revendiquent, quant à eux, une approche ethnographique et sociologique des objets africains ; les surréalistes s’associent au Parti communiste pour organiser une contre-exposition face à la gigantesque Exposition coloniale de 1931. Lors de sa traversée de l’Atlantique qui le mènera à New York, fuyant le régime de Vichy en 1941, André Breton, accompagné des peintres Wifredo Lam et André Masson, découvre, fasciné, à Fort-de-France, le poème de Césaire, Cahier d’un retour au pays natal ; il écrit avec Masson un double hommage syncrétique, à la Martinique et au Douanier Rousseau : Martinique, la charmeuse de serpents (1948).
Douanier Rousseau
Matisse à Harlem Matisse entreprend en 1930 un long voyage à destination de Tahiti, en passant par les États-Unis. Il découvre pour la première fois New York, il est fasciné par les gratte-ciels, la lumière et les « musicals » de Harlem. Il découvre le quartier noir en pleine « Renaissance » alors que des intellectuels tels que Du Bois ou Alain Locke, des musiciens comme Louis Amstrong ou Billie Holiday, des photographes comme James Van Der Zee, défendent une culture noire moderne et urbaine. Nourri de jazz grâce aux disques que son fils, Pierre, galeriste newyorkais, lui rapporte, Matisse fréquente les clubs de Harlem, notamment le célèbre Connie’s Inn. Il rentre en France habité par la rythmique du jazz mêlée aux sensations colorées et végétales de Tahiti. Cette expérience forme le creuset de ses dernières oeuvres. Il travaille alors, à partir de plusieurs modèles métisses : Elvire Van Hyfte, belgo-congolaise, qui personnifie l’Asie dans un très beau tableau de 1946, Carmen Lahens, haïtienne, qui pose pour les dessins des Fleurs du mal de Baudelaire, évocation lointaine de la maîtresse du poète, Jeanne Duval ; ou encore Katherine Dunham, la fondatrice des Ballets caraïbes à la fin des années 1940 et qui inspire au peintre un de ses derniers grands papiers découpés, Danseuse créole (1951). Autant de figures concises et graphiques – le dessin de Matisse s’apparentant à la ligne mélodique improvisée du jazz.
Henri Matisse
« J’aime Olympia en noire » Olympia de Manet par sa complexité et sa puissance formelle est un jalon de l’art moderne, inspirant et déconstruit à l’envi – depuis les relectures de Cézanne ou la copie de Gauguin dès 1891, en passant par les Odalisques de Matisse, jusqu’aux multiples réinterprétations de la Harlem Renaissance, du pop art et d’aujourd’hui. La coprésence de la figure blanche et de la figure noire est au centre des relectures du tableau. Les jeux formels de la dualité chromatique, du contraste entre la position couchée et la position debout interrogent les identités raciales, sociales et sexuelles des deux femmes, les rapports entre Occident et Afrique, et forgent de véritables dispositifs plastiques pour les artistes futurs.
Larry Rivers (1923-2002) I Like Olympia in Black Face, 1970 Huile sur bois, toile plastifiée, plastique et plexiglas,
Musée d’Orsay 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris Téléphone : 01 40 49 48 14 www.musee-orsay.fr Transports Bus : 24, 63, 68, 69, 73,83, 84, 94 Métro : ligne 12, station Solférino RER : ligne C, station Musée d’Orsay Jours et heures d’ouverture Mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 9h30 à 18h Jeudi de 9h30 à 21h45 Lundi : jour de fermeture
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