Ferdinand Hodler à la Fondation Beyeler

Ferdinand Hodler exposition  27 janvier – 26 mai 2013
La Fondation Beyeler consacre à l’oeuvre tardive de Ferdinand Hodler une vaste exposition. Parmi les 80 objets on peut voir de  majestueux paysages alpins, quelques uns de ses  autoportraits, sa fascination pour les femmes, la mort, l’éternité.  Eros, Chronos, Thanatos.

Ferdinand Hodler Le lac Léman et le Mont Blanc à l’aube 1918
Huile sur toile, 60 x 126 cm
Collection privée
Photo: Hulya Kolabas

C’est précisément au cours de ces années 1913 à 1918, les dernières de son existence, que son importance pour l’art moderne apparaît véritablement. Ses oeuvres se font alors plus radicales et plus abstraites. Un rebelle et un artiste d’une grande sensibilité qui aimait se mettre en scène et entretenait un important réseau de relations à Munich, Vienne et Paris : Ferdinand Hodler a marqué comme aucun autre l’image que la Suisse se fait d’elle-même, et ses créations font indissolublement partie du patrimoine culturel de ce pays. Cette exposition s’attache notamment à mettre en évidence le rôle international de Hodler comme précurseur d’une peinture moderne. L’exposition d’oeuvres tardives de Ferdinand Hodler intitulée « Ferdinand Hodler – View to Infinity », montée par la Neue Galerie de New York en 2012 en collaboration avec la Fondation Beyeler de Riehen/Bâle et que l’on pouvait voir à New York jusqu’au 7 janvier, a été la plus grande jamais consacrée à ce peintre suisse aux États-Unis : Hodler, grand modèle des Sécessionnistes viennois, y est apparu comme un pionnier et précurseur de l’art moderne. Les paysages de Hodler, ses séries de vues du lac Léman, des sommets, des massifs et des torrents alpins, le rythme presque chorégraphique de ses portraits émanaient de sa conviction que le monde réel aussi bien que sa représentation artistique sont soumis aux lois du parallélisme :
« le parallélisme est une loi qui dépasse l’art, car il domine la vie » — tels sont les propos que C.A. Loosli attribue à son ami artiste.
Par ce terme de « parallélisme », Hodler désignait une succession réitérée, mais jamais identique, de lignes, de mouvements, ou aussi de sommets, de nuages par exemple, qui définissent le caractère d’un paysage, en même temps que les sensations que celui-ci fait naître chez le spectateur. Le parallélisme devient une impression stylisée, sans nier pour autant l’individualité : à l’image d’un chant polyphonique, d’une sorte de pendant rythmique de la vie, les lignes et les mouvements parviennent à une union harmonieuse, comme en témoigne la version bâloise en grand format de
Regard dans l’Infini (Blick in die Unendlichkeit).

Kandinsky lui-même prétendait reconnaître dans ce type de « composition mélodique » de Hodler un moyen d’éloigner le figuratif, afin de mieux dégager les lignes et les formes. Regard dans l’infini révèle également l’intérêt de Hodler pour les réformes de l’art de la danse, incarnées notamment par Isadora Duncan et Emile Jaques-Dalcroze avec la danse d’expression moderne.  Dans ces mouvements répétés et fluides, dans le rythme infini de figures changeantes, Hodler retrouvait le parallélisme en même temps que le beau va-et-vient de la vie et de la mort, un des éléments qui unit tous les êtres humains. La technique du peintre oscille entre représentation figurative et abstraite. Grand amateur d’auxiliaires techniques (il utilisait notamment le compas), Hodler n’hésitait pas à recourir au calque et au portillon de Dürer, sur la vitre duquel il dessinait les contours de ses modèles qu’il reportait ensuite sur son support après un travail de mesure presque pointilleux. Il lui arrivait aussi de recopier partiellement les silhouettes des chaînes alpines de ses paysages, ce qui explique que de nombreuses oeuvres existent en différentes versions, réalisées parfois plusieurs années après la création initiale. Ce procédé présentait également l’avantage de permettre au peintre de satisfaire la demande de ses très nombreux acheteurs. L’idée de parallélisme se transforme en série, un aspect marquant de l’oeuvre de Hodler. On remarque, surtout dans ses monumentaux tableaux de figures, qu’ils ont été réalisés à partir de différents éléments, constamment variés et re-combinés. Sa théorie du parallélisme, qui ne lui valut pas l’admiration unanime de ses collègues artistes — certains raillaient en effet sa méthode de composition presque tatillonne —, trouvait son expression dans la recherche d’un ordre et d’une symétrie formels, ainsi que dans la répétition, avec ou sans variations, du semblable.  En même temps, Hodler s’est passionné pour la photographie, il en collectionnait et s’en servait également pour la préparation et l’exécution de ses oeuvres. C’est en partie à son intérêt pour ce moyen d’expression encore relativement récent que nous devons les impressionnantes photographies de son amie, la collectionneuse Gertrude Dübi-Müller, des clichés qui nous font découvrir les méthodes de travail de Hodler ainsi que sa nature même et nous permettent également d’être témoins de son dernier jour.

Cette exposition s’ouvre sur une salle de documentation qui ne rend pas seulement hommage à la vie et à l’oeuvre de Hodler, mais présente de nombreuses photographies de Gertrude Dübi-Müller qui rappellent comme par un sinistre effet de miroir les adieux de Hodler à Valentine Godé-Darel. « L’art pour la vie » et non « l’art pour l’art »— voilà ce que Hodler prenait à coeur. Le spectateur ne peut qu’être troublé par les portraits qu’il a réalisés de sa compagne, Valentine Godé-Darel, atteinte d’une maladie incurable à quarante ans et dont Hodler accompagna par le dessin et la peinture le chemin de croix, jusqu’à sa mort en 1915.
Ferdinand Hodler
ferdinand Hodler – Bildnis Valentine Godé-Darel (Französischer Frauenkopf), vers 1912
Portrait de Valentine Godé-Darel (Tête d’une Française)
Huile sur toile, 43 x 33 cm
Kunsthaus Zürich, Vereinigung Zürcher Kunstfreunde
Photo: © Kunsthaus Zürich

Hodler démontre ici que sa théorie du parallélisme s’appuie effectivement sur une observation pénétrante de la vie, car son regard, lorsqu’il retrace la déchéance physique de Valentine et de La splendeur de ses lignes (Linienherrlichkeit) est lucide et pourtant aimant, et profondément humain.
Ferdinand Hodler Portrait de Valentine Godé-Darel malade 1914 Rudoph Staechelin Collection dépôt Kunstmuseum Basel

 
Cette exposition consacre une salle entière à 14 oeuvres de cette période de sa création. Les images de Valentine mourante paraissent, dans leurs contours, dessiner les paysages de la souffrance. Elles nous renvoient par sa facture au Christ mort de Holbein (Kunstmuseum Basel), ou à celui de Jean Jacques Henner (musée des Beaux Arts de Lille.
La toile de Claude Monet peignant Camille sur son lit de mort, ne sera révélée que 80 ans plus tard, seul Clemenceau sera dans la confidence, sans que le nom de la morte soit révélé. Est-ce la pudeur, la mauvaise conscience de s’être laissé aller à son instinct de peintre, ou était-ce la seule manière de surmonter son chagrin et de conserver l’image de l’être aimé. Une autre toile d’Edward Munch « L’enfant malade », l’artiste peint sa sœur malade, il y exprime toute la tristesse et la douleur ressenties.
Ferdinand Hodler Bildnis der toten Valentine Godé-Darel, 1915Collection privée, 65,5 x 81 cm

En revanche, les petites vues du Mont Blanc et du lac Léman que Hodler esquisse après la mort de Valentine marquent le passage à un traitement libéré de la couleur.
Le point fort de cette exposition est consacré aux paysages aussi renommés que populaires de Hodler qui célèbrent la splendeur et la monumentalité des montagnes suisses. Hodler met en scène en vue lointaine ou rapprochée les paysages alpins, donnant l’impression de « zoomer » littéralement sur les sommets, tout en les laissant planer comme des apparitions, détachés de la réalité.
Ferdinand Hodler Paysage de Montana 1915

Hodler, qui jusqu’alors avait toujours accentué les contours de ses toiles et pensé à partir de ceux-ci, se transforme dans ces tableaux de paysages en peintre de surfaces chromatiques. La peinture abstraite de champs colorés d’un Mark Rothko ou d’un Barnett Newman s’annonce déjà. Ses « gros plans » de torrents et de formations rocheuses dévoilent leur matérialité dans une lumière d’une clarté éblouissante. Les vues de paysages d’une grande sobriété renoncent aux détails à quelques exceptions près — vaches qui paissent au loin, limite des arbres ou cygnes sur les rives du lac, aussi stylisés que mystérieux. Le spectateur est séparé des sommets par une grande distance, marquée par des plans d’eau, de la brume ou des nuages, qui transforment les Alpes en tableau abstrait méditatif. Le cadrage a une importance primordiale pour Hodler : il détermine l’ordre, la symétrie et apparaît comme une « abréviation de l’infini ». Ses expériences de répétition de formations nuageuses font pressentir les ovales des tableaux d’arbres et d’embarcadères de Mondrian. Cette synthèse entre vue rapprochée et vue lointaine est un aspect que l’on retrouve dans les autoportraits de Hodler.
Ferdinand Hodler
ferdinand Hodler Selbstbildnis, 1914
Autoportrait
Huile sur toile, 43 x 39 cm
Museum zu Allerheiligen, Schaffhouse
Photo: Museum zu Allerheiligen, Schaffhouse

Le regard que le peintre porte sur le spectateur est interrogateur, sceptique ; son attitude est pleine d’assurance. Contradictoire de nature — artiste, séducteur, théoricien et praticien passionné du parallélisme —, tout à la fois sensible, pragmatique et sanguin, Hodler possédait en tant qu’artiste une personnalité très extravertie, parfaitement en mesure de faire face aux critiques occasionnelles suscitées par son oeuvre et qui, dans sa jeunesse, cherchait de façon presque agressive à participer à des concours et à des expositions publiques. Artiste du contour affirmé dans ses jeunes années, Hodler a évolué pour devenir un peintre qui dessinait à l’aide de la couleur. Si dans ses propres « Dix Commandements », il évoquait la surface comme unique point de départ géométriquement divisible permettant de parvenir finalement à la ligne en passant par le contour ainsi obtenu, il formula vers la fin de sa vie des idées très nuancées sur le rôle de la couleur dans son oeuvre. Il est parvenu à la conclusion que la forme vit à travers la couleur. Le bleu, qui revient dans les paysages de lacs et de montagnes comme dans les vêtements fluides des figures féminines du Regard dans l’infini, était sa « couleur préférée ». Le bleu typique de Hodler domine du reste cette exposition.
 
Ferdinand Hodler

 
L’exposition s’accompagne d’une série de manifestations, parmi lesquelles une représentation de « Trois Anges », spectacle du célèbre artiste de cabaret Emil Steinberger. Le professeur Oskar Bätschmann présente le deuxième volume du catalogue raisonné de l’oeuvre de Hodler réalisé en collaboration avec le S.I.K. de Zürich. Gian Domenico Borasio, médecin et auteur à succès, tient une conférence sur son livre intitulé « Über das Sterben », tandis que le commissaire de l’exposition, Ulf Küster, présente la nouvelle biographie « Ferdinand Hodler ». Un débat organisé en collaboration avec « Das Magazin », animé par le rédacteur en chef Finn Canonica met un point final à tous ces événements.
Les commissaires de l’exposition sont Ulf Küster (Fondation Beyeler) et Jill Lloyd (Neue Galerie). Les tableaux prêtés pour cette exposition font partie des oeuvres clés de l’artiste et proviennent de célèbres collections particulières suisses et américaines, ainsi que de musées nationaux et internationaux de renom, comme le Musée d’art et d’histoire de Genève, le Kunstmuseum Basel, le Kunsthaus Zürich, le Musée d’Orsay de Paris et le Kunstmuseum Solothurn. La Fondation Beyeler remercie: Artephila Stiftung ; Ernst Göhner Stiftung ; Max Kohler Stiftung ; Novartis ; Walter Haefner Stiftung pour les généreuses subventions liées au projet et leur contributions exceptionnelles. À l’occasion de cette exposition, la Fondation Beyeler publie un catalogue en allemand et en anglais. L’édition destinée au commerce est éditée par Hatje Cantz Verlag, Ostfildern. Ce volume contient une préface de Sam Keller et Ulf Küster, des contributions d’Oskar Bätschmann, Sharon Hirsh, Ulf Küster, Jill Lloyd et Paul Müller ainsi qu’une digression de Peter Pfrunder. Il comprend 212 pages, env. 200 illustrations et est disponible au musée au tarif de 68 CHF (ISBN 978-3- 906053-05-9, allemand ; ISBN 978-3-906053-06-6, anglais).
extrait du texte de la Fondation Beyeler

Images courtoisie de la Fondation Beyeler

Fondation Beyeler 2012/2013

 

Fondation Beyeler ©

La Fondation Beyeler a tourné la page de l’année 2012 sur une note de succès puisqu’elle a attiré 368 705 visiteurs. Ce chiffre en fait une nouvelle fois le musée le plus fréquenté de Suisse. Les visiteurs étrangers sont en augmentation de 16,9 %. Le site internet a enregistré 826 259 visites au cours de l’année écoulée, un résultat sans précédent qui situe la Fondation Beyeler à la 10e place pour les activités des médias sociaux parmi les musées de l’espace germanophone. Le programme de l’année 2013 s’ouvre sur Ferdinand Hodler,( billet à venir) probablement le plus célèbre des peintres suisses. Avec Max Ernst et Thomas Schütte, ce sont deux des plus grands représentants allemands de l’art moderne et contemporain qui seront présentés au public. En 2012, la Fondation Beyeler a organisé quatre expositions : « Pierre Bonnard » (107 465 visiteurs),
 
Jeff Koons nettoyant ses chaussures après avoir » inspecté « Split Rocker

 « Jeff Koons » (109 567 visiteurs), « Philippe Parreno » (91 326 visiteurs au cours de ce laps de temps) et « Edgar Degas » (130 073 visiteurs à la date du 20 janvier 2013), cette dernière exposition se poursuivant jusqu’au 27 janvier 2013. Dans le cadre de l’exposition « Jeff Koons », un nouveau projet spectaculaire a été réalisé dans l’espace public avec Split Rocker.
 
La Fondation Beyeler achève la restauration de « Passage à niveau » de Fernand Léger (1912) avec la coopération de la Fondation BNP Paribas Suisse
« Le passage à niveau » de Fernand Léger a vu le jour il y a tout juste un siècle, en 1912. Dans le cadre du projet de restauration soutenu depuis 2011 par la Fondation BNP Paribas Suisse, l’équipe de restauration de la Fondation Beyeler s’est engagée dans une étude approfondie de cette œuvre. Cette toile de Fernand Léger fait partie de la Collection Beyeler et a été acquise grâce à une contribution de Kurt Schwank.
restauration Passage à niveau de Fernand Léger

 
Fernand Léger (1881-1955) occupe une place majeure dans la collection puisqu’il y est représenté par douze toiles, qui reflètent tout l’éventail de sa création. Ernst Beyeler s’est intéressé précocement à Léger, fasciné par la position originale qu’il occupe parmi les principaux acteurs de l’art moderne et par l’influence qu’il a exercée sur des artistes américains comme Roy Lichtenstein et Ellsworth Kelly, eux aussi présents dans la Collection Beyeler.
 
« Le passage à niveau », un rare paysage de jeunesse de Léger situé à l’intersection entre représentation figurative et abstraction, n’exerce pas seulement une fonction de charnière dans l’œuvre de l’artiste. Il joue également un remarquable rôle de passerelle entre les œuvres de Paul Cézanne et Henri Rousseau et les tableaux cubistes de Pablo Picasso et Georges Braque.
 Le recours à de nombreuses méthodes d’analyse scientifique a permis aux restaurateurs d’obtenir de précieuses informations sur les matériaux, la technique et l’histoire de cette toile.
Ces nouvelles connaissances ont montré qu’il n’est pas indispensable de classer « Le passage à niveau » parmi les œuvres d’une fragilité fondamentale. Selon la restauratrice de toiles Friederike Steckling : « C’est plutôt le choix des matériaux opéré par l’artiste et les effets de l’histoire qui sont responsables de l’état actuel du « Passage à niveau ».
 
Léger 2

 Pour préparer sa toile, Fernand Léger s’est servi d’un apprêt exceptionnellement sensible à l’eau. Un contact très précoce avec une forte humidité, probablement pendant la Première Guerre mondiale, ainsi qu’une restauration antérieure avec un produit liquide ont provoqué des dégâts. L’équipe s’est donc mise en quête de reproductions historiques afin de reconstituer les modifications subies par cette œuvre.
 L’ampleur de la restauration et les mesures concrètes à prendre ont été définies à partir des résultats obtenus. Certaines retouches mal intégrées réalisées lors d’une restauration antérieure ont été retirées en priorité. On a également harmonisé la couleur de certaines zones d’usure, grosses comme une pointe d’épingle, réparties uniformément sur la surface. Les retouches, réversibles, ont concerné exclusivement ces zones déjà endommagées.
L’objectif de l’équipe de restauration était de remédier à l’aspect irrégulier et écaillé de la couche picturale pour rendre dans toute la mesure du possible à cette œuvre son état originel de 1912, sans dissimuler pour autant son histoire et son âge. L’étude d’autres œuvres de jeunesse de Fernand Léger a été fort utile en l’occurrence, car l’observation de leurs surfaces intactes et de leur fonctionnement a permis d’en rapprocher celle du
« Passage à niveau ».
 Enfin, on a retiré des bandes de tissu dénuées de toute justification historique du dos du châssis et on a stabilisé les bords de la toile. L’œuvre a obtenu un nouvel encadrement plus stable et a été munie d’une protection contre les vibrations fixée sur l’arrière du châssis pour éviter d’éventuels dégâts lors de transports. Les mesures de restauration réalisées sont discrètes et ne sont visibles, en grande majorité, que sur des détails.
La restauration est l’art de préserver l’art. Le temps laisse en effet des traces sur les œuvres d’art. Le service de restauration de la Fondation Beyeler emploie depuis 2001 une équipe sous la direction du restaurateur Markus Gross. La restauration des œuvres d’art est une discipline scientifique, qui associe les méthodes de recherche les plus récentes à de vastes connaissances historiques et exige dans certains cas un véritable  travail de détective. En tant qu’institution muséale, la Fondation Beyeler a pour mission de préserver durablement les œuvres d’art afin de les transmettre aux générations à venir.
 
Leger 3

Ce travail de restauration a duré plus d’un an. Sam Keller, directeur de la Fondation Beyeler, déclare à ce sujet : «  La Fondation BNP Paribas Suisse a permis la restauration d’une remarquable toile de Fernand Léger. En sa qualité de musée possédant une importante collection d’œuvres de cet artiste, la Fondation Beyeler est très reconnaissante du soutien et de l’engagement de la Fondation BNP Paribas Suisse en faveur du patrimoine culturel et est très heureuse que « Le passage à niveau » ait pu être étudié, restauré et rétabli dans un état permettant son exposition et son transport ».
Mue par le désir de participer activement à la préservation des fonds des musées afin qu’ils puissent être transmis aux générations futures, la Fondation BNP Paribas Suisse s’engage depuis plus de 20 ans en faveur de la restauration d’œuvres d’art en Europe, en Asie et aux États-Unis. En Suisse, elle a déjà soutenu plus d’une douzaine de projets visant à la conservation d’œuvres majeures de Max Ernst, Mattia Preti, Auguste Rodin, Bram van Velde et Paolo Véronèse. Elle poursuit jusqu’en 2014 son projet de restauration avec la Fondation Beyeler, qui concerne au total trois œuvres de la collection.
À partir de février 2013, la toile de Fernand Léger restaurée sera présentée dans le nouvel accrochage de la Collection à la Fondation Beyeler. En même temps et dès le début de la nouvelle année sera lancé le projet de restauration suivant portant sur le plâtre original de la sculpture de Max Ernst « Le roi jouant avec la reine » (Der König spielt mit seiner Königin) de 1944. Celui-ci sera présenté à l’occasion de la rétrospective que la Fondation Beyeler consacrera à Max Ernst du 26 mai au 8 septembre 2013. Avec plus de 170 toiles, collages, dessins, sculptures et livres illustrés, cette exposition présentera toutes les phases de la création de cet artiste, ses découvertes et ses techniques, à travers un grand nombre de chefs-d’œuvre. Conçue par Werner Spies et Julia Drost, cette exposition est réalisée en collaboration avec l’Albertina de Vienne. Le commissaire de l’exposition pour la Fondation Beyeler est Raphaël Bouvier.
 
 Image 1 et 3 /4 / 5  courtoisie Fondation Beyeler
 
image 2 de l’auteur
 
 
 
 

 

 

 
 
 

Paul Durand-Ruel et le terrible Edgar Degas

Dans le cadre de l’exposition « Edgar Degas », la Fondation Beyeler propose une conférence en français de Caroline Durand-Ruel sur
« Paul Durand-Ruel et le terrible Edgar Degas ».
 

Edgar Degas – Le Petit Déjeuner à la sortie du bain, vers 1895−98
Pastel sur papier transparent rapporté, 122 x 92 cm
Collection privée

 
L’arrière-petite-fille du célèbre marchand d’art parisien, énergique défenseur de Degas, parle des relations de l’artiste avec la maison Durand-Ruel et évoque quelques figures de grands collectionneurs de travaux de Degas ainsi que plusieurs œuvres majeures découvertes dans l’atelier de l’artiste après sa mort, et vendues par la suite.
Le premier contact entre Edgar Degas et Paul Durand-Ruel remonte à 1872. Malgré le caractère parfois ombrageux de l’artiste, le marchand d’art et ses fils réussissent à préserver cette relation pendant de nombreuses années. La galerie organise en 1892 la première exposition individuelle d’œuvres de Degas à Paris, où le public peut découvrir, avec des réactions mêlées, une sélection de ses monotypes en couleurs de paysages réalisés à partir de 1890. L’exposition « Edgard Degas » de la Fondation Beyeler réserve toute une salle au motif des paysages de l’œuvre tardive de Degas, présentant ainsi une douzaine de monotypes provenant de collections particulières et de musées internationaux. 
 
Edgar Degas portrait

Caroline Durand-Ruel a travaillé aux côtés de son père, après la mort duquel elle a dirigé la galerie pendant 20 ans. Dans le cadre d’un colloque, elle a publié des lettres de Degas conservées dans les archives de la galerie. Elle a également rédigé plusieurs articles à l’occasion d’expositions internationales, dont celles consacrées à Sisley au Musée d’Orsay et à la Collection Havemeyer également au Musée d’Orsay, à Théo van Gogh au Van Gogh Museum d’Amsterdam ainsi qu’à Monet à la Fondation Gianadda.
Il est possible de visiter l’exposition « Edgar Degas », en place jusqu’au 27 janvier 2013, avant la conférence. Après avoir tourné le dos à l’impressionnisme vers 1880, Edgar Degas a atteint le sommet incontesté de sa création dans son œuvre tardive pleine d’audace et d’originalité. La vaste exposition de la Fondation Beyeler présente ses célèbres représentations de danseuses, ainsi que des nus féminins, des cavaliers et des paysages. On peut y voir environ 150 peintures, pastels, sculptures, dessins, gravures et photographies provenant de collections publiques et privées du monde entier.
Programme :
Cette manifestation se déroule le 7 novembre 2012 de 18h30 à 20h00 à la Fondation Beyeler.
Tarif :
Manifestation gratuite pour les visiteurs du musée.
Cette conférence est organisée en collaboration avec l’Alliance Française de Bâle.

« L’Art, c’est quoi ? 27 questions, 27 réponses »

«L’Art, c’est quoi ? »: une nouvelle publication de la Fondation Beyeler donne, par le mot et par l’image, des réponses accessibles à tous.

L'art c'est quoi ? ISBN Fondation Beyeler: 000-3-905632-96-9 (D) / 000-3-905632-97-7 (F) / 000-3-905632-99-3 (E) / 000-3-905632-98-5 (I)

En 216 pages, « L’Art, c’est quoi ? 27 questions, 27 réponses » propose une introduction divertissante au monde de l’art. 27 questions directes, surprenantes et pleines d’humour trouvent des réponses claires et aisément compréhensibles. À travers des clichés exceptionnels, le célèbre photographe Andri Pol a visualisé la rencontre entre l’homme et l’art en différents lieux artistiques. Cet ouvrage a pour objectif de faciliter l’accès à l’art des jeunes et des adultes intéressés.

Des jeunes dessinent le Porte-bouteilles de Marcel Duchamp au Philadelphia Museum
of Art © Photo: Andri Pol
Qu’est-ce qui fait de quelque chose une oeuvre d’art? Quand une oeuvre ne lui plaît pas, que fait l’artiste ? Est-ce qu’Andy Warhol aimait la soupe à la tomate? Pourquoi l’art est-il si intéressant ? Les graffitis est-ce que c’est de l’art? Pourquoi la plupart des artistes célèbres sont-ils des hommes ? À quoi ressemblerait la vie si l’art n’existait pas ? L’équipe de Médiation artistique de la Fondation Beyeler a préparé cette publication en collaboration avec des jeunes et a rassemblé leurs questions personnelles sur le thème de l’art. Ce livre offre des réponses facilement intelligibles aux 27 questions les plus fréquentes, et les plus captivantes.

Jeune homme devant Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope (1898/1905) d’Henri Rousseau à la Fondation Beyeler, Riehen / Bâle
© Photo: Andri Pol
«L’Art, c’est quoi? 27 questions, 27 réponses» amène le lecteur à l’art par les voies les plus diverses. On a également interrogé sur leur rapport personnel à l’art des artistes connus, un restaurateur, une organisatrice d’expositions, un directeur de musée, un galeriste, un assureur d’art, une enseignante d’art, un commissaire-priseur et le principal responsable culturel de Suisse. Parmi ces spécialistes figurent des personnalités comme John Armleder, le conseiller fédéral Alain Berset, Bice Curiger, Sam Keller, Elodie Pong, Simon de Pury ou Ivan Wirth. Ce livre donne également la parole à des jeunes qui posent un regard sans préjugé sur la question-titre «L’Art, c’est quoi?»

Visiteuse devant Untitled (Red, Orange) (1968) de Mark Rothko
© Photo: Andri Pol
39 photographies d’Andri Pol immortalisent des instants de rencontre entre l’homme et l’art. Elles montrent les effets qu’exerce l’art, ainsi que ses incidences sur notre vie. La maquette très esthétique de ce livre, parfaitement en harmonie avec son contenu, a été conçue par Müller + Hess. En plus du soutien généreux qu’elle a accordé à ce projet, l’UBS encourage t sa diffusion en tant que Partenaire de la Médiation artistique pour les familles et les jeunes.
Des visiteuses regardent la sculpture de Jeff Koons Michael Jackson and Bubbles (1988) à la Fondation Beyeler, Riehen / Bâle
© Photo: Andri Pol
Cette publication est éditée en allemand, en français, en italien et en anglais. Elle est disponible à partir de la mi-octobre 2012 en librairie ainsi qu’à la boutique de la Fondation Beyeler Riehen / Bâle.
La présentation du livre a lieu le dimanche 21 octobre 2012 de 16 à 18 heures dans le cadre de la Journée familles à la Fondation Beyeler.
Références
Titre : « L’Art, c’est quoi ? 27 questions, 27 réponses »
Format : 170 x 130 mm, 216 pages, 39 illustrations
Date de parution : disponible à partir de la mi-octobre 2012 en allemand, français, italien, anglais.
Editeur scientifique : Fondation Beyeler, Riehen/Bâle
Auteurs : Stefanie Bringezu, Daniel Kramer, Janine Schmutz Photos: Andri Pol
Maquette : Müller + Hess
Editeur : Hatje Cantz
ISBN Fondation Beyeler: 000-3-905632-96-9 (D) / 000-3-905632-97-7 (F) / 000-3-905632-99-3 (E) / 000-3-905632-98-5 (I)
ISBN Editeur: 978-3-7757-3526-1 (D), 978-3-7757-3528-5 (F), 978-3-7757-3527-8 (E)
Renseignements :
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler : tous les jours de 10h00 à 18h00, le mercredi jusqu’à 20h00.
 

Edgar Degas l’œuvre Tardive

 « Je voudrais être illustre et inconnu »
Hilaire Germain Edgar De Gas d’après Alexis Rouart.
 

Edgar Degas autoportrait

 
L’exposition que la Fondation Beyeler consacre à Edgar Degas  (1834-1917), l’un des plus célèbres peintres français de la fin du XIXe siècle, est la première que l’on peut voir depuis vingt ans en Suisse et en Allemagne du Sud. C’est par ailleurs la toute première à se vouer exclusivement à son oeuvre tardive (vidéo), riche et complexe, sommet de plus de soixante années d’activité artistique. Créée entre 1886 environ et 1912, cette oeuvre tardive marque l’accomplissement magistral d’un audacieux précurseur de l’art moderne.
Bien que l’art d’Edgar Degas jouisse d’une grande popularité, les expositions qui lui sont consacrées se limitent généralement à sa période impressionniste (du début des années 1870 jusqu’au milieu des années 1880) ou à certains aspects bien précis de sa création.
On se souvient de l’exposition récente au musée d’Orsay consacrée au nu, quand on parle de Degas, on pense immédiatement aux nus. La Fondation Beyeler rassemble en revanche, à travers plus de 150 oeuvres représentatives, tous les thèmes et séries essentiels à la compréhension des réalisations des toutes dernières décennies de sa vie : danseuses et nus féminins, jockeys et chevaux de course, paysages et portraits, grâce à la générosité de 100 prêteurs différents. (60 pastels, 12 monotypes, 12 photos, des huiles et des sculptures)
Afin de préserver la délicatesse des pastels, l’exposition est présentée, à la lumière naturelle tamisée, sans spots, qui fait d’autant mieux ressortir les couleurs délicates de Degas.
Edgar Degas danseuse

L’exposition prend pour point de départ une période marquée par des transformations stylistiques et conceptuelles fondamentales de la création de Degas. Dans la seconde moitié des années 1880, l’artiste abandonne ainsi la peinture précise et détaillée qui avait été sa marque de fabrique du temps de l’impressionnisme et renonce en même temps aux thèmes «pittoresques» de la vie parisienne, proches de scènes de genre. Il s’éloigne alors de ses compagnons de route impressionnistes. L’âge venant, il entreprend par ailleurs de modeler des sculptures de cire, des études de mouvements et de postures en trois dimensions représentant des figures humaines et des chevaux, en partie fragmentaires, qui ne seront découvertes dans son atelier qu’après sa mort. 74 d’entre elles ont alors été coulées dans le bronze.
Edgar Degas Danseuse

La huitième et dernière exposition impressionniste eut lieu en 1886. Les trois décennies suivantes verront Degas prendre des distances croissantes avec les milieux artistiques et se retirer de toutes les manifestations publiques liées à l’art. C’était l’un des rares artistes à pouvoir se le permettre : les marchands parisiens ne cessaient de venir dans son atelier pour acquérir des oeuvres destinées à des collectionneurs privés européens et américains. Ses expositions individuelles, organisées avec son autorisation expresse, furent désormais très peu nombreuses jusqu’à sa mort, en 1917. Ce retrait progressif de la vie publique a contribué à donner l’image, encore très courante aujourd’hui, d’un artiste solitaire au caractère difficile. Ce célibataire endurci vécut à partir des années 1890 dans une sorte d’émigration intérieure, pour et par sa création artistique, donnant naissance à l’une des oeuvres tardives les plus passionnantes et les plus obsédantes de l’histoire de l’art européen. Issu d’une famille aisée, il n’était pas dans l’obligation de vendre, chose qui l’arrangeait fort bien .
« Vous savez combien cela m’embête de vendre, et j’espère toujours arriver à mieux faire »
d’après Ambroise Vollard, Degas (1834-1917) paris.

 
Sur le plan stylistique, cette oeuvre tardive se caractérise par la discontinuité spatiale, par des compositions asymétriques qui tendent à se désintégrer, par des angles de vue insolites et des poses très peu conventionnelles des figures représentées, lesquelles agissent au tout premier plan de l’image. La proximité spatiale, l’intimité même du spectateur (masculin) avec ces figures féminines se voient cependant abolies par l’imprécision déconcertante de la représentation, qui brouille les contours. La luminosité séduisante des couleurs, qui inonde l’espace pictural d’une lumière miroitante, transporte l’action dans un état d’imprécision spatiale et temporelle. Degas a réalisé ses tableaux, que lui-même décrivait comme des «orgies de couleurs», dans un état second, onirique, où présent et passé, choses vues et souvenirs s’entremêlent indissolublement.
En variant et en combinant inlassablement un nombre réduit de motifs, Degas a réalisé de vastes séries reposant sur un concept artistique inédit et novateur. Ses différents travaux ne doivent pas, en effet, être appréhendés comme des oeuvres (des chefs-d’oeuvre même) se suffisant à elles-mêmes ; ils se rattachent toujours aux fondements conceptuels qui ont présidé à ce «work in progress» sériel. Aussi l’exposition de la Fondation Beyeler ne rassemble-t-elle pas seulement tous les thèmes chers à Degas, mais également toutes les techniques qu’il a employées : peinture à l’huile, pastel, dessin, monotype, lithographie, photographie et sculpture.

Degas pastel et fusain

Plus que tout autre artiste de son temps, Degas a multiplié les expériences, explorant une grande diversité de formes d’expression artistique. Il frottait ses pastels, il les hachurait, les tamponnait, ne se servant souvent pour ce faire que de ses doigts. Il les retravaillait à la vapeur, aux pinceaux ou avec des morceaux de tissu, les associait à la gouache, à la détrempe ou à des procédés d’impression comme le monotype. La technique du pastel, qui associe déjà par nature et de manière unique des qualités picturales, graphiques mais également tactiles, constitua la charnière idéale d’un parcours de création dans lequel les différentes productions artistiques se conditionnaient et se fécondaient réciproquement.
C’est dans une succession de salles qui permettent de découvrir les points forts de sa création, tant sur le plan des genres que sur celui des thèmes que se présente l’ouvre tardive de Degas.
« On m’appelle le peintre des danseuses, on ne comprend pas que la danseuse a été pour moi un prétexte à peindre de jolies étoffes et à rendre le mouvement … » Vollard p 108-110
Edgar Degas La sortie du Bain

Les danseuses et les portraits sont suivis de femmes à leur toilette, puis de paysages et d’intérieurs et enfin, concluant ainsi l’exposition, de chevaux et de cavaliers.
L’exposition s’ouvre sur les danseuses de ballet. Chose frappante, les tableaux tardifs de ballerines que réalise Degas ne montrent presque jamais ce qui se passe sur scène et tout l’éclat des représentations de ballet des années 1870 a disparu. Les oeuvres exposées ont pour objet des danseuses debout, assises, en attente, des jeunes femmes qui se reposent, ajustent leur costume ou travaillent leurs pas. Degas a inlassablement étudié les poses, les mouvements et les tenues des ballerines. Il a répété, varié et assemblé des configurations de personnages, se livrant à d’audacieuses expériences en matière de composition et de couleurs. Parmi les nombreux dessins, pastels et peintures à l’huile consacrés à ce thème, trois exemples plus particulièrs : la Danseuse sur la scène du Musée des Beaux-Arts de Lyon que l’on date des alentours de 1889, les Danseuses au foyer de 1895/1896 du Von der Heydt-Museum de Wuppertal ainsi que les Danseuses peintes vers 1898 de la Fondation de l’Hermitage à Lausanne.
Edgar Degas Devant le Miroir

La salle suivante regroupe les portraits de Degas. L’artiste prit exclusivement pour modèles des amis, souvent de longue date, et des connaissances ; ses relations d’amitié avec Henri Rouart, Ludovic Halévy ou Paul Valpinçon par exemple remontaient à ses années d’école. On trouve dans cette salle d’émouvants portraits comme celui d’Henri Rouart et son fils Alexis de 1895–1898 de la Neue Pinakothek de Munich ou l’Esquisse pour un portrait (M. et Mme Louis Rouart) de 1904 appartenant à la Richard et Mary L. Gray Collection and the Gray Collection Trust. Degas aimait également passer ses vacances dans les propriétés de ses amis. La maison de maître de la famille Valpinçon en Normandie lui a inspiré aussi bien la représentation d’une Salle de billard de 1892 de la Staatsgalerie Stuttgart que l’Intérieur datant approximativement de la même période, qui appartient aujourd’hui à une collection particulière. Au milieu des années 1890, Degas a découvert la photographie et l’intérêt qu’elle présentait pour ses desseins artistiques. Il a réalisé en peu de temps une série de portraits subtilement mis en scène représentant certains de ses illustres amis, comme celui de Pierre Auguste Renoir et Stéphane Mallarmé,  prêté par la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet de Paris et sur lequel les deux protagonistes, plongés dans le demi-jour, paraissent comme dérobés au monde.

« jusqu’à présent, le nu avait toujours été représenté dans des poses qui supposent un public, mais mes femmes sont des gens simples. Je les montre sans coquetterie, à l’état de bêtes qui se nettoient (…) C’est comm si vous regardiez par le trou de la serrure « textes  lettres et propos choisis, Paris 2012, d’après Degas.
Edgard Degas Femme au Bain

Une autre partie de l’exposition est consacrée aux représentations de femmes à leur toilette, un des thèmes picturaux traités avec le plus d’opiniâtreté par Degas au cours de cette période de sa création. Deux pastels des années 1880 en offrent des exemples particulièrement remarquables: Femme au tub de la Tate, réalisé vers 1883, ou Devant le miroir de la Hamburger Kunsthalle, vers 1889. La plupart des représentations tardives de femmes qui se lavent, s’essuient ou se coiffent rompent radicalement avec la tradition picturale du nu féminin idéalisé de l’histoire de l’art européen. Cette thématique permet également à Degas de donner libre cours à son goût pour les expériences chromatiques, manifeste par exemple dans Femme au bain de 1893–1898, une toile appartenant à la collection de l’Art Gallery of Ontario à Toronto, ainsi que pour les représentations de postures inhabituelles, dont on trouve une illustration exemplaire dans la célèbre toile de 1896 environ, Après le bain, femme s’essuyant du Philadelphia Museum of Art où un nu féminin de dos s’appuie au dossier d’un fauteuil, son corps dessinant une courbe étonnante dans un espace vide, monochrome. Dans ses dernières oeuvres, réalisées après le début du siècle, Degas s’approche de l’abstraction, comme en témoigne de façon particulièrement radicale Femme s’essuyant les cheveux de 1900–1905, un pastel du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne dont les couleurs se réduisent à des tonalités de rouge, d’orange et de jaune et où les valeurs chromatiques se fondent les unes dans les autres dans les nuances les plus subtiles.
Edgar Degas Bord de Rivière

Une salle à part présente les tableaux de paysages de Degas qui n’ont presque jamais été montrés au public, ainsi que des oeuvres représentant des chevaux et des cavaliers. À l’automne 1892, l’artiste surprit le public parisien lors d’une exposition organisée dans les galeries Durand-Ruel qui contenait exclusivement des paysages. Ce choix de pièces fut accueilli avec un certain scepticisme par le public, car chacun savait que Degas avait toujours eu la dent dure contre la peinture de paysage — genre par excellence de l’impressionnisme. La technique et le format choisis par Degas ajoutèrent au désarroi. Ses paysages n’étaient pas des toiles à l’huile classiques comme celles, par exemple, de Claude Monet ou de Camille Pissarro, mais des monotypes de petit format, imprimés sur des feuilles de papier. De plus, ces travaux en majorité rehaussés au pastel étaient totalement dépourvus du charme lumineux de la peinture de paysage impressionniste. Un grand nombre de ces feuillets, qui ont vu le jour au début des années 1890, évoquent bien davantage les paysages oniriques de la génération suivante, celle des symbolistes. Parmi les derniers paysages de Degas figurent des tableaux à l’huile inspirés par ses séjours dans la petite station balnéaire de Saint-Valery-sur-Somme en Picardie, tels que Vue de Saint-Valery-sur-Somme de 1896–1898 que The Metropolitan Museum of Art de New York mis à disposition pour cette exposition.
Edgar Degas Jockey blessé

Durant sa période tardive, Degas s’est consacré au motif du cheval et du cavalier en recourant à différentes techniques. Outre Chevaux de courses, une toile de 1884 appartenant au Detroit Institute of Arts, on retiendra une sélection de sculptures comprenant notamment un Cheval en marche modelé au début des années 1870 ou deux jockeys et deux chevaux réalisés plus tard, qui appartiennent tous à des collections privées suisses et illustrent l’intérêt de Degas pour le rendu de mouvements complexes dans des instants précaires de transition. Cette exposition trouve une brillante conclusion avec un chef-d’oeuvre monumental, le Jockey blessé de 1896–1898 du Kunstmuseum Basel, travail sur la déperdition et la solitude.
Cette exposition, conçue par le commissaire invité Martin Schwander, a été réalisée avec la collaboration de Michiko Kono, Associate Curator de la Fondation Beyeler. Martin Schwander avait déjà été responsable de l’exposition présentée en 2008/2009 «Venise. De Canaletto et Turner à Monet».
«Edgar Degas» s’inscrit dans la tradition de la Fondation Beyeler qui s’attache à monter des expositions consacrées aux artistes de sa Collection permanente. Avec Le Petit Déjeuner après le bain de 1895–1898 et les Trois danseuses (jupes bleues, corsages rouges) peintes vers 1903, la Collection Beyeler possède deux chefs-d’oeuvre qui illustrent très bien le radicalisme et la modernité de l’oeuvre tardive de Degas. Ces deux tableaux figurent également dans cette exposition.
A la sortie de l’exposition une salle consacrée à Bacon, grand admirateur de Degas, montre les personnages tourmentés et meurtris.
Degas était un grand collectionneur, ses maîtres : Ingres, Delacroix, El Greco.
À l’occasion de cette exposition, la Fondation Beyeler publie un magnifique catalogue en allemand et en anglais. publiée chez Hatje Cantz Verlag à Ostfildern. Le catalogue contient une préface de Sam Keller et Martin Schwander, un entretien avec l’artiste Jeff Wall, des textes de Carol Armstrong, Jonas Beyer, Richard Kendall et Martin Schwander ainsi qu’une biographie établie par Mareike Wolf-Scheel. Il compte 268 pages et 212 illustrations. Il est disponible au musée au prix de 68 Francs suisses. (ISBN 978-3-906053-02-8, allemand; ISBN 978-3-906053-03-5, anglais).
Cette exposition s’accompagne d’un vaste programme de manifestations : des spectacles de ballet de Sasha Waltz & Guests, une conférence de Caroline Durand-Ruel sur Paul Durand-Ruel, le célèbre marchand d’art parisien qui a beaucoup soutenu Degas, une soirée de piano avec la lauréate du Concours Géza Anda 2012 Varvara Nepomnyashchaya, ou encore une lecture de Wolfram Berger d’extraits de la nouvelle traduction en allemand de Degas 1834-1917 d’Ambroise Vollard, Erinnerungen an Edgar Degas.
Jusqu’au 27 janvier 2013
texte et photos de presse courtoisie Fondation Beyeler

Acanthes d’Henri Matisse

Après trois années consacrées à d’importantes recherches historiques de l’art accompagnées de mesures de conservation et de restauration, la Fondation Beyeler a conclu avec succès le plus grand projet de restauration de son histoire. Depuis 2009, en coopération avec l’assureur d’art international Nationale Suisse, la Fondation Beyeler s’est lancée dans l’analyse scientifique d’Acanthes (1953, 311,7 x 351,8 cm) d’Henri Matisse, une oeuvre majeure de sa série des « Papiers découpés » de grand format. Les résultats de ces recherches qui ouvrent des perspectives d’avenir ont été présentés hier 12 septembre à la presse.

« Acanthes », 1953, papiers peints à la gouache et découpés, dessin au fusain, sur papier recouvert de peinture blanche sur toile, 311,7 x 351,8 cm,Fondation Beyeler, Riehen / Basel © 2012 Succession Henri Matisse / ProLitteris, Zürich. Photo : Robert Bayer

 
Par rapport à d’autres « Papiers découpés » de grand format, Acanthes se trouve dans un état de conservation jugé bon, voire très bon. Seules des mesures minimes de stabilisation ont été nécessaires et peu d’endroits fragiles ont dû être optimisés. On a également pu établir que la structure, qui compte treize couches différentes de papier, de colles, de toile et de châssis était stable. Les conservateurs n’ont pas relevé d’importants dégâts non plus dans la zone de représentation. On le doit pour une part à la grande qualité des matériaux utilisés et au remarquable travail de montage, mais aussi à la vitre de protection dont l’œuvre a été précocement pourvue. Tel est le jugement auquel les restaurateurs sont parvenus au terme de l’examen et de l’analyse technologique minutieuse de soixante œuvres comparables conservées dans des collections internationales.
L’une des nouvelles découvertes capitales porte sur la méthode de travail d’Henri Matisse (1869-1954). Près de la moitié de l’ensemble de 220 « Papiers découpés » a été montée sur toile pour assurer leur stabilité. Cette tâche a été confiée à la société
Lefebvre-Foinet. Ces deux étapes de travail sont indissociables. Ce procédé a été élaboré du vivant même de Matisse qui l’a approuvé.
Henri Matisse

Dans l’atelier, un certain nombre de tâches et d’étapes de travail n’étaient pas réalisés par Matisse lui-même mais par des assistantes, sous la surveillance de l’artiste. Les papiers étaient peints par les assistantes, puis fixés au mur après avoir été découpés par Matisse. L’élément déterminant de ce processus, le découpage et la composition, restait cependant entres les mains de l’artiste.
Les restaurateurs ont  remarqué d’innombrables petits trous sur les formes et sur le papier de fond. Ils sont dus à leur accrochage au mur de l’atelier. De même, les pliures que l’on observe sur les formes vertes proviennent de l’atelier et ne doivent pas être considérées comme des dégâts ainsi que des lignes de fusain bien visibles proviennent de l’atelier. C’est un élément du processus de travail d’Henri Matisse. Cela montre clairement qu’un grand nombre de détails qui auraient pu, de prime abord, être considérés comme des dégâts sont imputables à la technique même de Matisse.
les restaurateurs

Les restaurateurs Markus Gross, restaurateur de peintres chef, et Stephan Lohrengel, restaurateur spécialisé dans les travaux sur papier, n’ont pu établir ce fait qu’après avoir examiné de nombreuses œuvres comparables et reconstitué eux-mêmes un « papier découpé »
Seules les connaissances acquises grâce aux expertises permettront une préservation durable des papiers découpés. En outre, grâce à ces résultats, il a été possible de se contenter d’interventions mineures sur l’œuvre. Les mesures de restauration réalisées se limitent en effet aux bords endommagés.
L’échange avec des experts de collections nationales et internationales a eu une importance capitale pour ce projet. Ces voyages ont permis de discuter avec les différents restaurateurs et conservateurs de problèmes de conservation et de restauration comparables et d’établir ainsi une base de réalisation de grands projets de conservation et de restauration.
Les visiteurs de la Fondation Beyeler peuvent encore voir ce papier découpé jusqu’au 30 septembre dans l’atelier de restauration vitré, qui sera démonté ensuite. Il est prévu qu’Acanthes prendra place à l’automne 2013 dans la présentation de la Collection de la Fondation Beyeler.
En 2014, cette œuvre sera prêtée à l’occasion d’une grande rétrospective des « Papiers découpés » qui se tiendra au Museum of Modern Art de New York et à la Tate Modern de Londres.
Ce projet de restauration a été confié aux restaurateurs Markus Gross et Stephan Lohrengel et au conservateur Ulf Küster. Le Dr. Dietrich von Frank, Head Specialty Line Art à la Nationale Suisse, a donné toutes les explications nécessaires sur la pertinence de ce projet pour l’assurance d’art.
 
photos courtoisie Fondation Beyeler

Philippe Parreno à la Fondation Beyeler

L’artiste français Philippe Parreno s’est fait connaître dans les années 1990, suscitant
l’enthousiasme de la critique par une oeuvre qui recourt à une grande diversité de supports, parmi lesquels le film, la sculpture, la performance et le texte. Considérant l’exposition comme un moyen d’expression à part entière, Parreno a cherché à redéfinir l’expérience qu’elle constitue en explorant ses possibilités d’« objet » cohérent, au lieu d’en faire un assemblage d’oeuvres disparates.

Philippe Parreno - photo Claudio Cassano

 
Pour sa présentation à la Fondation Beyeler, Parreno propose deux nouveaux films qui
s’intègrent dans une mise en scène guidant le visiteur à travers tout l’espace de l’exposition à l’aide d’une chorégraphie de sons et d’images.
Le premier film, Continuously Habitable Zones aka C.H.Z. (2011), est lié à un territoire et
présente des vues d’un jardin noir créé au Portugal en collaboration avec un paysagiste, Bas Smets. Un paysage a produit un film, et un film a produit un paysage. Le paysage est
pérenne; il est ce que l’image rejette.

Le deuxième film, Marilyn (2012), est le portrait d’un fantôme. Il la fait apparaître au cours d’une séance fantasmagorique dans une suite de l’hôtel Waldorf Astoria de New York où elle a vécu dans les années 1950. Le film reproduit sa présence au moyen de trois algorithmes: la caméra devient ses yeux, un ordinateur reconstruit la prosodie de sa voix, un robot recrée son écriture. La morte est réincarnée dans une image.

 
À l’entrée du musée, chaque visiteur reçoit un DVD sur lequel il retrouvera les deux films.
Les deux films du DVD contiennent une bande-son musicale composée par le musicien Arto Lindsay. Ces versions sont différentes de celles des films de l’exposition, tout comme un souvenir peut s’éloigner de la réalité.
 
Philippe Parreno

Une salle de la collection permanente de la Fondation Beyeler est consacrée à deux
nouvelles séries de dessins liés aux films. Une série d’une trentaine de dessins à l’encre
montre dix perspectives du paysage de C.H.Z. Une autre série comprend des textes écrits
par le robot de Marilyn sur du papier à lettres de l’hôtel Waldorf Astoria.
Textes écrits par le robot de Marilyn sur du papier à lettres de Waldorf Astoria

 
Dans le jardin d’hiver, à l’entrée de la salle de projection des films, sont accrochées deux
Marquees, telles des excroissances lumineuses de l’architecture de Renzo Piano.
 
Enfin, deux installations sonores donnent au spectateur l’impression que le musée prend vie.
La première installation fait sortir les bandes-son des films de la salle de projection pour les transporter dans le jardin d’hiver. Pour la deuxième installation, des nénuphars soniques flottent aux côtés de vrais nénuphars dans le bassin qui jouxte l’entrée du musée, laissant le son de la « bête végétale » de C.H.Z. s’échapper dans le jardin.
 
Philippe Parreno est né en 1964 à Oran en Algérie. Il vit et travaille à Paris. Il a présenté
récemment des expositions individuelles à la Serpentine Gallery de Londres (2010), au CCS, Bard College de New York (2010), au Centre Georges Pompidou de Paris (2009), à l’Irish Museum of Modern Art de Dublin (2009) et à la Kunsthalle Zürich de Zurich (2009).
 
Philippe Parreno Sam Keller Michiko Kono

Cette exposition a pour commissaires le directeur de la Fondation Beyeler Sam Keller et Michiko Kono, Associate Curator.
Pour accompagner le film C.H.Z., un nouvel ouvrage publié chez Damiani, Bologne, contient des reproductions des dessins, des arrêts sur image tirés des films, des photographies aériennes et des contributions de Philippe Parreno et de Nancy Spector, Deputy Director et Chief Curator du Guggenheim Museum, New York.
CHF 48, ISBN 978-88-6208-253-2
jusqu’au 30 septembre 2012
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture: tous les jours de 10 h à 18 h, le mercredi jusqu’à 20h.
photos 1 2 3 courtoisie Fondation Beyeler
4 5 6 photos des photos
 

Jeff Koons à la Fondation Beyeler

Jeff Koons

Vidéo du vernissage
L’exposition de l’été du 13 mai – 2 septembre 2012 à la Fondation Beyeler est consacrée à Jeff Koons (*1955), l’un des artistes les plus connus à l’heure actuelle, ne cesse de faire sensation depuis les années 1980. Il doit beaucoup de sa notoriété à des oeuvres remettant en cause les idées reçues sur l’art et le kitsch. L’exposition présentée par la Fondation Beyeler est la première qu’un musée suisse consacre à Jeff Koons.
Koons a réalisé dès le début de sa carrière des ensembles d’oeuvres qui se succèdent
chronologiquement et dont chacun porte un titre particulier. Ensemble, ces intitulés offrent un véritable panorama de sa conception de l’art. Dans une vaste présentation rassemblant une cinquantaine d’oeuvres, l’exposition est centrée autour de trois ensembles majeurs qui constituent autant d’étapes décisives de l’évolution artistique de Jeff Koons et retracent le parcours inhabituel, à cheval entre culture populaire et culture savante, qu’a suivi et suit toujours l’objet au sein de sa création.
Les trois séries, choisies avec l’artiste pour cette exposition, sont The New (réalisée entre 1980 et 1987), Banality (1988) et Celebration (depuis 1994).
Partant de The New, un groupe d’oeuvres précoce du jeune Koons, pour aboutir à
Celebration, titre sous lequel des oeuvres nouvelles continuent à voir le jour aujourd’hui,
l’exposition trace une vaste courbe où vient s’insérer Banality, une série de première im-
portance, qui présente un caractère de manifeste et a également joué un rôle déterminant
dans l’image que Koons s’est faite de lui-même en tant qu’artiste. Ensemble, ces trois séries conduisent au coeur de la création de Jeff Koons tout en révélant la cohésion interne de son oeuvre intégrale, une cohésion qui aurait tendance à passer à l’arrière-plan en raison de l’organisation systématique de son travail en ensembles d’oeuvres dotés d’un titre propre.
Dans The New, un ensemble qui a ouvert des perspectives remarquables dans la création
de Jeff Koons, l’artiste s’est concentré explicitement sur des aspirateurs et des shampoui-
neuses à moquette neufs de la marque Hoover qui, allongés ou debout sur des tubes de
néon, sont entourés de vitrines cubiques en plexiglas. Les objets doivent ainsi demeurer
intacts et hors d’atteinte ce qui leur confère une dimension d’objet précieux, d’objet de
séduction. Ils incarnent la nouveauté idéale. Les thèmes directeurs de cette série sont donc l’intégrité, l’innocence et la pureté — des valeurs déterminantes en règle générale pour toute la création de Koons. Par leur disposition rigoureuse, mais aussi par l’utilisation des tubes de néon, ces objets renvoient clairement au Minimal Art.
(déjà présentés à Versailles)
Koons fait également partie des artistes qui ont repris le débat sur l’objet inauguré au début du XXe siècle par Duchamp avec l’invention du readymade, et qui l’ont poursuivi avec originalité et brio — on peut même dire qu’il est passé maître dans cet art.
Jeff Koons - The News 1980 - 1981

L’exposition propose treize oeuvres de la série The New, dont la reconstitution, avec les
objets originaux de l’époque, d’une installation, une vitrine présentant des travaux mettant en scène des aspirateurs montrée en 1980 au New Museum of Contemporary Art de New York.  La célébration de la nouveauté dans la série The New ne s’exprime pas seulement dans les travaux mettant en scène des aspirateurs, mais aussi dans The New Jeff Koons (1980), une oeuvre à programme formée d’une table lumineuse verticale sur laquelle est posée une photographie en noir et blanc représentant l’artiste enfant. On voit déjà se manifester dans ce travail la conscience de soi artistique du jeune Koons.
 
Les affiches publicitaires utilisées par Koons pour ses lithographies témoignent de son intérêt tout particulier pour les images ou les stratégies visuelles commerciales. Associées aux objets de vitrine, elles font toucher du doigt au spectateur le contenu fondamental de la série et illustrent la fascination qu’exerce sur Koons le potentiel de manipulation des images et de leur présentation, ainsi que son désir de rendre une oeuvre d’art aussi accessible que possible au spectateur. En tant que tableau sur toile, la lithographie New ! New Too ! (1983) fait également figure de témoignage précoce de l’intérêt de Koons pour la peinture monumentale, qui ne trouvera son expression que plusieurs années plus tard dans l’ensemble d’oeuvres Celebration.

Jeff Koons New New Too ! 1983 lithographie sur coton

Les réalisations de type readymade faites d’objets quotidiens de The New se transforment
dans la série Banality en sculptures étrangement provocantes, réalisées en bois, en porce-
laine et en miroir par des méthodes artisanales traditionnelles, et dont les motifs sont tout
aussi bien empruntés à l’histoire de l’art qu’à la culture populaire. La méthode du collage les transforme en figures nouvelles marquées par une esthétique inspirée du baroque. Avec la série Banality, Koons ne s’est pas contenté de donner de nouvelles bases au concept artistique, il s’est imposé comme une vedette de la scène artistique internationale.
À travers 16 sculptures et reliefs, c’est la quasi intégralité de cette série de vingt pièces en
volume que présente l’exposition. Les motifs de Banality sont issus d’un très vaste fonds
iconographique rassemblant art de la Renaissance et du Baroque, sujets de revues popu-
laires, univers du jouet et cartes postales. Le motif de départ est modifié, imposant aux
figures un processus de mutation déterminant, touchant le matériau ou le moyen d’expres-
sion, qui les ouvre à de nouvelles interprétations.
L’idée directrice de Banality est de conduire le spectateur à s’accepter lui même, par le biais d’une prétendue banalité. La sculpture en bois polychrome quasi religieuse Ushering in Banality (1988) est tout à fait significative en l’occurrence, tout en affirmant le statut d’idéal fondamental artistique que Koons cherche à donner à la banalité.
 

Jeff Koons - Michael Jackson and Bubbles 1988

Un autre thème de la série Banality est celui de la complicité entre homme et animal, qui
caractérise un grand nombre d’oeuvres de cet ensemble, comme Stacked. En tant que
groupe, les figures de Banality composent une image générale illustrant l’ambition artistique de Koons sous forme d’un programme de rédemption en bonne et due forme et exprimant sa revendication d’un art contemporain qui soit intelligible, édifiant et accessible à tous. Son concept fondamental est cependant moins religieux que dirigé en un sens plus général vers des questions essentielles sur l’existence de l’homme. L’ensemble du programme iconographique repose sur les notions de faute et d’innocence, et vise, à travers des moyens esthétiques, à la rémission des péchés et à l’effacement du concept même de faute. Cela apparaît au sein de la série par le recours fréquent à des saints ou à des personnages liés au sacré comme dans la sculpture en bois polychrome Buster Keaton. L’imposante sculpture en porcelaine Michael Jackson and Bubbles, que Koons présente comme une Pietà contemporaine, s’est imposée aujourd’hui comme une vraie icône postmoderne. Cette oeuvre illustre bien l’idéal de Koons d’un art unissant tous les contrastes et permettant d’atteindre le plus vaste public possible.

Jeff Koons Christ and The Lamb 1988 Stefan T.Edlis Collection

L’intérêt de Koons pour les matériaux et les surfaces atteint dans Banality une dimension
particulièrement symptomatique. L’effet esthétique du matériau entretient toujours un lien immédiat avec son effet émotionnel. L’artiste s’adresse en effet aux affects du spectateur à travers le matériau, qu’il s’agisse de porcelaine, de bois ou d’acier chromé, et cherche à répondre ainsi à ses désirs. Avec l’utilisation de miroir dans Christ and the Lamb et Wishing Well, il renoue avec un matériau qui — comme auparavant l’acier chromé — est en mesure d’inclure directement le spectateur dans l’oeuvre par sa qualité réfléchissante et concrétise ainsi particulièrement bien le concept fondamental, cher à Koons, d’un art accessible.

L’ensemble Celebration représente à l’heure actuelle la série la plus dispendieuse de
Koons : elle est formée de vingt sculptures monumentales en acier inoxydable soigneuse-
ment poli ainsi que seize peintures à l’huile de grand format. Dix de ces dernières seront
présentées dans l’exposition. Dans les toiles et les sculptures de Celebration, Koons traite
du familier et de l’éphémère, il célèbre l’enfant et l’enfance, par des motifs qui évoquent les anniversaires enfantins et les coutumes des jours de fête, mais qui, dans leurs formes
sculpturales monumentales, se voient également stylisés en figures iconiques. Sur le plan
stylistique, Celebration fait l’effet d’une sorte de synthèse entre l’esthétique minimaliste de
The New et l’opulence baroque de Banality tout en se rattachant, à travers son intérêt pour l’enfance, à des séries d’oeuvres antérieures de Koons. Les attributs d’anniversaires enfantins apparaissent sur les toiles Party Hat (1995–1997) et Cake (1995–1997), dans les figures en ballons Balloon Dog (Red) (1994–2000), Tulips (1995–98) et Moon (Light Pink), (1995–2000). Des cadeaux ou des jouets constituent le motif des toiles magistrales que sont Play-Doh (1995–2007) ou Shelter (1996–98). La sculpture monumentale Hanging Heart (Gold/Magenta) (1994–2006) d’acier chromé inoxydable poli exerce un attrait tout particulier. Dans Celebration, les motifs religieux jouent également un rôle avec Cracked Egg (Blue), (1994–2006), évoquant Pâques. Les figures apparemment fragiles de Celebration ont l’air flexibles et dénuées de poids, alors qu’elles sont en réalité stables, solides et pèsent plusieurs tonnes.

Jeff Koons Cracked Egg (Blue), (1994–2006),

Dans Celebration, Koons ne se contente pas de poursuivre l’élaboration de son langage
sculptural ; il franchit le pas menant à la peinture qui, pour la première fois dans son oeuvre, fait son apparition à égalité avec la sculpture. Pour les toiles de cette série, l’artiste partd’arrangements d’objets qu’il a lui-même composés et qui, photographiés et retravaillés par un procédé de schématisation complexe, sont transférés avec précision, agrandis plusieurs fois, sur la toile. Le sujet central est mis en scène devant un fond brillant drapé dans lequel les différentes parties de l’objet, généralement déformées, se reflètent d’innombrables fois.
Dans leur apparence esthétique, qui se rattache de façon flagrante au Pop Art, les toiles
séduisent par un effet « objectif », proprement hyperréaliste.

Jeff Koons – Tulips 1995-1998 oil on canvas pivate collection

 
Dans Celebration, on voit s’exprimer de façon particulièrement impressionnante l’inter-
changeabilité des moyens d’expression caractéristique du travail de Koons, en même temps que l’influence réciproque, singulière dans l’histoire de l’art, entre peinture et sculpture. L’interaction entre les différents genres — art de l’objet, sculpture et peinture — s’exprime pour la première fois pleinement dans la création de Koons.
On peut voir deux sculptures dans le Berower Park de la Fondation Beyeler:
Balloon Flower (Blue) (1995–2000) est installé dans le bassin, au nord du parc du musée, tandis que la monumentale sculpture de fleurs Split-Rocker (2000) est présentée dans la partie antérieure du parc. Voir le billet précédent
Les particuliers et les institutions suivants ont largement contribué par leurs prêts au succès de cette exposition : Jeff Koons, The Brant Foundation, Greenwich, Connecticut; The Broad Art Foundation, Santa Monica; Des Moines Art Center; Kunstmuseum Wolfsburg ; The Rachel and Jean-Pierre Lehmann Collection; Prada Collection, Milan; Rubell Family Collection, Miami; The Sonnabend Collection; Tate / National Galleries of Scotland; Whitney Museum of American Art, New York.
Les commissaires de cette exposition sont Sam Keller, directeur, et Theodora Vischer, Senior Curator at Large auprès de la Fondation Beyeler.

Catalogue Jeff Koons

Le catalogue, en allemand et en anglais, est publié chez Hatje Cantz Verlag, Ostfildern. Il contient une préface de Sam Keller et Theodora Vischer, un entretien entre l’artiste et Theodora Vischer ainsi que des contributions de Raphaël Bouvier et Günther Vogt. 212 pages et 154 illustrations, CHF 68, ISBN 978-3-906053-00-4 (allemand); ISBN 978-3-906053-01-1 (anglais).
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler: tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h00.
photos de l’auteur courtoisie Fondation Beyeler
 

Jeff Koons et Split-Rocker, 2000/2012 à la Fondation Beyeler

De mai jusq’à l’autome 2012 à la Fondation Beyeler
 

Jeff Koons - Split-Rocker 2000/20012

 
Avec Split-Rocker, c’est une immense sculpture de fleurs de l’artiste américain
Jeff Koons (1955*), composée de plusieurs milliers de vrais végétaux, qui est présentée dans le parc de la Fondation Beyeler. Cette sculpture poursuit de façon originale le dialogue harmonieux entre art et nature, qui est devenu une des caractéristiques de la Fondation Beyeler. On a déjà pu voir Split-Rocker en 2000 dans le cloître du Palais des Papes d’Avignon et quelques années plus tard dans les jardins de Versailles (2008). Et voilà que Split-Rocker vient s’épanouir à Riehen.
voir la vidéo de FR
Jeff Koons Split-Rocker 2000/12

Pour réaliser cette sculpture de fleurs, Koons est parti de deux motifs d’animaux à bascule, un poney et un dinosaure, dont il a commencé par couper les têtes en deux, avant de les
recomposer. Les deux moitiés ne se recouvrant pas exactement, il reste par endroits des
interstices en forme de fentes qui ouvrent la sculpture et la transforment en une architecture dans laquelle on peut s’abriter. Figure décomposée puis recomposée différemment, regardant à la fois devant elle et latéralement, Split-Rocker se réfère au cubisme d’un Pablo Picasso tout en lui imprimant une nouvelle direction. Par ailleurs, en tant que sculpture florale d’extérieur, Split-Rocker s’inscrit également dans la tradition de l’art baroque des jardins et des topiaires, qui se poursuit encore aujourd’hui dans les parcs de loisirs populaires.

conférence de presse
Par l’association d’un poney et d’un dinosaure, Split-Rocker incarne l’union des contraires, qui s’exprime aussi dans l’idée d’un jouet géant, « monstrueux ». En effet, l’artiste choisit délibérément des fleurs éphémères comme matériau de ce monument prétendument éternel.
C’est en grande partie dans cette interaction bien particulière de prétendues oppositions que résident la tension et la force véritables de l’art de Jeff Koons.

Jeff Koons - Split-Rocker - special edition

Les plantations de la sculpture de fleurs Split-Rocker, ont été réalisées par les élèves des entreprises d’apprentis de l’association des maîtres jardiniers de Bâle ville et de Bâle campagne ainsi que par des jardiniers diplômés. La Fondation remercie Thomas Schulte, président de l’association des maîtres jardiniers de Bâle ville et Bâle campagne, les apprentis et les jardiniers, ainsi que Fritz Braun, directeur des services communaux des jardins de Riehen, de leur généreux soutien.
On peut voir deux sculptures dans le Berower Park de la Fondation Beyeler :
Balloon Flower (Blue) (1995–2000) sera installé dans le bassin, au nord du parc du musée, tandis que la monumentale sculpture de fleurs Split-Rocker (2000) sera présentée dans la partie antérieure du part.

Jeff Koons Balloon Flower blue 1995-2000

 
Le projet Split-Rocker a été rendu possible grâce au généreux soutien de JTI.
Dans le cadre de son engagement philanthropique, JTI soutient des projets culturels dans le monde entier, spécifiquement dans le domaine de l’art contemporain. JTI et la ‘JTI Foundation’ agissent également dans les domaines de l’environnement, de l’aide aux victimes de catastrophes et de la protection sociale. JTI est un acteur international de premier plan de l’industrie du tabac et commercialise ses produits dans 120 pays. Le siège mondial de l’entreprise est situé à Genève. 1200 personnes travaillent en Suisse.
Un petit pot de ses fleurs avec un motif estampillé Koons est en vente à la Fondation.
photos et vidéo de l’auteur
@ suivre
 

Pierre Bonnard « l’insaisissable »

« si je suis devenu peintre, c’est pour le goût de la vie d’artiste » Pierre Bonnard
 

Pierre Bonnard Décor à Vernon (La Terrasse à Vernon),vers 1920/1939

 
En présentant l’exposition « Pierre Bonnard » la Fondation Beyeler entend célébrer un des artistes les plus fascinants de l’époque moderne. Elle regroupe dans un choix judicieux thématique plus de 60 toiles de Bonnard (1867–1947)( vidéo) provenant de musées internationaux et de collections privées, offrant ainsi une nouvelle perspective sur l’oeuvre de ce célèbre coloriste français et sur son évolution artistique. Le public est invité à découvrir l’ensemble de sa création, depuis ses débuts dans le cercle des Nabis jusqu’à ses oeuvres tardives de plus en plus colorées et de plus en plus abstraites, en passant par les travaux qu’il a réalisés dans l’environnement du symbolisme et de l’impressionnisme. Ces toiles représentent de célèbres scènes de baigneuses, des vues du jardin de l’artiste, des représentations de la vie quotidienne ainsi que l’animation des rues de Paris. Le commissaire Ulf Küster met au centre de l’exposition Bonnard, son esthétisme du nu, son érotisme. L’évolution de  son œuvre est empreinte d’ ambiguité visuelle dans la période nabie, jusqu’aux années 40. Il cherche non pas à représenter le réel de façon directe, mais de manière oblique, mystérieuse. L’œuvre de Redon l’a marqué.
Pierre Bonnard - La Bouillabaisse 1910 © collection privée huile sur toile 62 x 52

 
Les chats et les chiens sont en présence continue dans son œuvre, qui est multiple. Pierre Bonnard aurait pu être chat et avoir plusieurs vies, entrant dans plusieurs cultures de l’histoire de l’art. Histoire qui ne lui a pas encore accordé sa vraie place, par un ouvrage de référence. Bonnard est très mallarméen, écrivain proche de lui. Ses amis sont  Vuillard, Maurice Denis dit de lui :
 « il est admiré des fous, comme des sages, on ne se lasse pas non plus de les discuter. Il est le régal des délicats et la curiosité des esthéticiens. Il charme, il déconcerte, il scandalise. Tantôt sa peinture de livre sans réticence à notre plaisir, tantôt elle se ferme, résiste à l’exégèse du public, elle est tantôt naïve, tantôt complexe et raisonneuse ».
Sa stratégie est couleur, lumière, regard. Il exprime plusieurs versants de la modernité, conscient de la période riche qu’il traverse. Il est aussi très drôle, c’est le peintre de l’humour, n’a-t-il pas illustré à la demande de Vollard un album de Jarry sur UBU, jusqu’à prénommer son chien Ubu. Il ressemble à un chien qu’on aurait retiré de l’eau, sautillant frétillant, disent de lui certains amis.
La Bouillabaisse est un sujet  à la Chardin : un petit chat malicieux lève son museau vers une langouste et quelques poissons posés sur une table. Les antennes en V du crustacé structurent et animent la composition, elles la stabilisent aussi, car le plateau de la table a une furieuse tendance à s’envoler., mais on pourrait aussi le rapprocher du chat de Picasso et les grands maîtres) Picasso par lequel il n’était nullement apprécié.
Sortant d’un milieu bourgeois, il fait son droit, puis l’école des BA, puis l’académie Julian, il rencontre Serusier, l’école de Pont-Aven. C’est sa période radicale, synthétique, puis il évolue, il s’est sans cesse frotté au monde moderne, épousant  son époque, ses baignoires  émaillées en témoignent, il trouve le langage le plus approprié. L’affiche  de la Revue Blanche témoigne de son premier langage de l’art de la synthèse, du jeu des formes, aussi celle des parisiennes, élégantes traversant les rues de Paris.
Pierre Bonnard Lithographies France Champagne 1891 in Dreifarbendruck 78/58 CP CH ©

La Revue Blanche Lithographie 1894 Vierfarbendruck Galerie Kornfeld Bern ©

  •  Harry Bellet, s’enthousiasme dans le Monde : Bonnard est renversant. Il le démontre en soixante-cinq tableaux, – Cela commence dès l’entrée, avec une petite merveille, qu’un Vermeer n’aurait sans doute pas désavouée : Rue à Eragny-sur-Oise (Chiens à Eragny) est un tout petit tableau, peint en 1894, conservé à la National Gallery de Washington. La composition en est simplissime : le tiers inférieur de la toile représente une rue et un trottoir, un peu rose, avec deux chiens et une brouette. La partie supérieure montre deux façades d’immeuble. Celle de droite occupe le tiers supérieur du tableau. Celle de gauche les deux tiers restants, et elle est elle-même coupée aux deux tiers de sa hauteur par une ligne horizontale. Le tout est scandé de volets gris, et de trois carrés noirs, peut-être des bouches d’aération, sûrement une démonstration d’une science innée de l’harmonie

Pierre Bonnard Grande Salle à manger sur le jardin, 1934/35 Huile sur toile, 126,8 × 135,3 cm Solomon R. Guggenheim Museum, New York ©

 
Né en 1867, Pierre Bonnard a 27 ans quand il peint cela et il est déjà un maître. Ceux qui ont vu l’accrochage de la collection Stein au Grand Palais comprendront : à gauche de l’oeuvre révolutionnaire de Matisse Nu bleu (Souvenir de Biskra) était accroché un autre nu, de Bonnard celui-là. Il « tenait » le mur, plus qu’honorablement….. nu que les Stein n’ont pas gardé très longtemps Ses autoportraits au miroir,  dont le boxeur, qui témoigne de la difficulté, des soucis de Bonnard. Il reporte le jeu du miroir dans ses magnifiques nus, chefs d’œuvre de subtilité chromatique.
« Il ne s’agit pas de peindre la vie, mais de rendre la peinture vivante ». Bonnard
Il y a tous les paysages à Vernon, au Cannet, fenêtres ouvertes sur le paysage qui font penser à Matisse, essayant de traduire sur la toile une vision psychophysiologique réelle, d’après Panofsky, c’est-à-dire l’œil se promène, Bonnard se sert de « la vision mobile et variable » et la perspective traditionnelle sur un seul point focal est abolie. Jean Clair considère cette vision « multifocale » comme un aspect extrêmement moderne. Puis il y a la série des nus. Marthe son épouse pendant plus de 40 ans, au caractère difficile, jalouse, est sublimée dans ses portraits. Les toiles témoignent d’une complicité amoureuse, de l’intimité presque choquante du couple, à la limite du voyeurisme, mais aussi de la présence d’une autre femme que l’on devine, qui a eu une fin tragique.
A lire ici le billet de Holbein sur la toile « l’homme et la femme de 1900 » Autant dire que les  interprétations divergent.
Ce qui est commun à presque toutes les toiles, c’est la présence des animaux. Elles sont débordantes de sensualité, comme dans ses paysages, Bonnard est solaire. A partir de photos prises avec son kodak, il retravaille les toiles en atelier, déménageant beaucoup, au gré de la santé de Marthe, plus souvent dans le midi, avec leurs amis, écrivains, peintres, mais aussi mécènes et collectionneurs, comme la famille Hahnloeser, dont on a pu admirer la très belle collection au musée de l’Hermitage de Lausanne en 2011, que dans son atelier parisien.
L’ultime nu que Marthe ne verra pas terminé et que Bonnard n’a pas signé :
 
Pierre Bonnard nu au petit chien 1941-1946 huile sur toile Carnegie museum of Pittsburg ©

 
 » Nu dans le bain au petit chien, 1941-1946″, où elle repose comme dans une châsse de pierres scintillantes de toutes les couleurs. Marthe décède en 1942.
 
Courez-y
Jusqu’au 13 mai 2012.

Le catalogue, en allemand et en anglais, est publié par les éditions Hatje Cantz, Ostfildern. Il contient des articles d’Evelyn Benesch, Andreas Beyer, Marina Ferretti Bocquillon, Michiko Kono, Ulf Küster, Beate Söntgen ainsi qu’une biographie de Fiona Hesse. 176 pages,
121 illustrations, ISBN 978-3-905632-94-1 (Allemand); ISBN 978-3-905632-95-8 (Anglais).
 
visuels courtoisie Fondation Beyeler