Les papiers de Matisse à la Tate Modern


 
La Tate Modern de Londres offre un focus sur les papiers découpés de
Henri MATISSE   (vidéo)jusqu’au 7 septembre 2014.
Cette exposition d’envergure, qui rassemble 120 oeuvres rapportées du monde entier, partira ensuite pour New York au mois d’octobre.
Elle offre une rétrospective unique de l’ultime période créatrice d’Henri Matisse. Cent-vingt collages pour mieux saisir la force de cette technique qui permit au peintre de
« dessiner avec des ciseaux ».
 

 Henri Matisse The Sheaf 1953 Collection University of California, Los Angeles. Hammer Museum © Succession Henri Matisse / DACS 2013

Henri Matisse
The Sheaf 1953
Collection University of California, Los Angeles. Hammer Museum
© Succession Henri Matisse / DACS 2013

 
Elle témoigne d’une technique du découpage, qui remplace la peinture lorsque Matisse vieillissant est contraint à sa chaise roulante, terrassé par la maladie, n’était plus en mesure de tenir sur ses jambes et de se servir d’un pinceau.
Elle prend sa source dans le voyage de Matisse à Tahiti en 1930, où il introduit des formes végétales exotiques, et atteint sa plus grande intensité à la fin de sa vie à Nice.
Il a 72 ans lorsqu’il investit ses nouvelles formes-signes par un découpage à vif dans la couleur (il découpe directement au ciseaux des papiers colorés à la gouache), sans dessin préalable. Ce travail à la lisière de la sculpture et de la peinture, de la figuration et de l’abstraction, est un langage pur qui allie fraîcheur, rigueur et énergie pour atteindre l’essentiel de la forme.
Loin d’être une technique de secours, les découpages portaient Matisse
 » à une très haute passion de peindre, car – dit-il – en me renouvelant entièrement, je crois avoir trouvé là un des points principaux d’aspiration et de fixation plastiques de notre époque. Jamais, je crois, je n’ai eu autant d’équilibre qu’en réalisant ces papiers découpés. »
(propos publiés dans XXème siècle en 1970).
 Henri Matisse Blue Nude (II) 1952 Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Droits réservés © Succession Henri Matisse / DACS 2013

Henri Matisse
Blue Nude (II) 1952
Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Droits réservés
© Succession Henri Matisse / DACS 2013

Lydia Delectorskaya, sa muse et son assistante apparait brandissant les guirlandes, les disposant selon les ordre du maître, dans les photos, prises par Hélène Adant, Henri Cartier-Bresson ou des visiteurs anonymes. Elles montrent les gouaches découpées envahissant littéralement les murs, passant par-dessus les portes, se glissant le long des moulures, comme du lierre.
Etant donné la fragilité des collages, de leurs couleurs cette exposition ne sera pas montrée avant longtemps.
Matisse les Mille et Une nuit
Matisse les Mille et Une nuit


Des  fleurs de neige aux danseurs, des scènes de cirque à l’ escargot célèbre, l’exposition présente un éventail éblouissant des  œuvres réalisées entre 1936 et 1954. Audacieuse, exubérante et souvent de grande dimension, les découpes sont à la fois d’une simplicité déconcertante, doublée d’une incroyable sophistication créative. L’exposition marque un moment historique, puisque les trésors du monde entier, sont réunis et peuvent être vus ensemble. L’escargot de Tate 1953 est représentée aux côtés de sa sœur,  mémoire de l’Océanie en 1953 et ainsi que la Grande Composition avec Masques 1953 de 10 mètres de long, les funérailles dePierrot, Zulma, son premier nu, le Perroquet et la Perruche, Noël,
des maquettes de St Paul de Vence.
 Henri Matisse The Snail 1953 © Succession H. Matisse / DACS 2014

Henri Matisse
The Snail 1953
© Succession H. Matisse / DACS 2014

Une photographie de l’atelier de Matisse révèle que les travaux ont été initialement conçu comme un tout, et c’est la première fois qu’elles ont été réunies depuis 50 ans .
La célèbre série des  Nus Bleus de Matisse, représentent le regain d’intérêt de l’artiste pour le portrait.
Londres accueille en premier l’exposition, avant  son déplacement à New York, au Musée d’Art Moderne et après quoi les œuvres seront rendues aux galeries, musées,  et propriétaires privés, prêteurs dans le monde entier. Pour la première fois, est diffusé en direct dans les salles de cinéma à travers le UK un film exclusif sur l’exposition.
« Matisse Live »  qui montre le cadre intime, les coulisses, l’artiste vu  par le prisme de ses œuvres, des entrevues avec ses amis, ainsi que des images d’archives rares de Matisse au travail .
Ce type d’oeuvres est plus rare que les dessins, si bien que de petits formats peuvent prétendre au million, à l’instar d’une Algue rouge sur fond bleu ciel de 1952 mesurant 45 x 42 cm, cédée 580 000 £ en 2010 (924 000 $ et 1,1 m$ frais inclus, 2 février, Christie’s Londres).
Nous avons la chance de visiter plus près de chez nous, les Acanthes de Matisse à la Fondation Beyeler,ainsi que des nus bleus.

Henri Matisse: The Cut-Outs is curated by Nicholas Cullinan, Curator, Modern and Contemporary Art, The Metropolitan Museum of Art, New York; Nicholas Serota, Director with Flavia Frigeri, Assistant Curator, Tate and at the Museum of Modern Art, New York by Jodi Hauptman, Curator, Department of Drawings, and Karl Buchberg, Senior Conservator, with Samantha Friedman, Assistant Curator
 

Gerhard Richter à la Fondation Beyeler

C’est un panorama de l’histoire de l’art, de l’histoire que nous donne à voir Gerhard Richter.
GERHARD RICHTER
Gerhard Richter est l’un des plus grands artistes de notre temps. Au cours de soixante années de création, il a produit une oeuvre caractérisée par une grande diversité thématique et stylistique. La Fondation Beyeler (vernissage) lui consacre la plus vaste exposition jamais montée à ce jour en Suisse, la toute première aussi à accorder une place de premier plan à ses séries, ses cycles et ses espaces, attirant ainsi l’attention sous une forme concentrée sur un aspect encore négligé de sa création.
Richter n’a cessé depuis les années 1960 de réaliser des séries et des séquences, parallèlement à ses oeuvres isolées. Ce procédé, qui apparaît dès ses toutes premières peintures tendant au réalisme photographique, trouve un prolongement dans ses oeuvres abstraites, dans ses travaux utilisant miroirs et verre aussi bien que dans ses cycles récents qui ont recours aux impressions numériques. Par ailleurs, Richter s’est toujours intéressé à la présentation de son oeuvre et à ses rapports à l’architecture, et il lui est arrivé à plusieurs reprises de réaliser des travaux pour des lieux bien précis.
C’est ainsi qu’au fil des ans, il a donné naissance à un grand nombre de cycles, de séries et d’espaces qui se livrent à des interrogations, des approches et des réflexions très diverses sur l’interaction entre tableau isolé, ensemble d’oeuvres et salle d’exposition.
Certains groupes doivent leur cohésion au contenu commun de leurs sujets
— c’est le cas de Acht Lernschwestern (Huit Élèves infirmières, 1966)
aussi bien que de 18 Oktober 1977 (18 Octobre 1977, 1988)
— alors que dans d’autres, Richter a décliné son motif en plusieurs versions, élaborant ainsi une relation entre thème et variation, comme dans la
Verkündingung nach Tizian (Annonciation d’après le Titien, 1973)

Gerhard Richter Verkündigung nach Tizian, 1973 Annonciation d'après le Titien Huile sur toile, 125 cm x 200 cm Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington D.C., Joseph H. Hirshhorn Purchase Fund, 1994 © 2014 Gerhard Richter
Gerhard Richter
Verkündigung nach Tizian, 1973
Annonciation d’après le Titien
Huile sur toile, 125 cm x 200 cm
Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington D.C., Joseph H. Hirshhorn Purchase Fund, 1994
© 2014 Gerhard Richter

ou dans S. mit Kind (S. et son enfant, 1995).
Les ensembles de toiles abstraites engendrent quant à eux un espace pictural élargi, dans lequel chaque peinture individuelle et l’impression d’ensemble sont en interaction constante, comme dans Wald (Forêt) de 2005, ou dans Cage un an plus tard.
Les débuts de l’intérêt de Richter pour le rapport entre peinture et espace remontent aux années 1950, époque où il étudiait la peinture murale à la Hochschule für Bildende Künste de Dresde. Les croquis de cette période révèlent déjà clairement l’attention singulière qu’il portait au contexte architectural. Mais ce vif intérêt pour les espaces et les formes de présentation de l’art devient particulièrement flagrant avec la succession très dense d’esquisses et de projets des années 1968-1971 relatifs à son « Atlas ».
Il conçoit dans ces dessins des salles d’exposition utopiques et réelles qui explorent de manière aussi diverse que fondamentale le rapport entre tableau et architecture, estompant partiellement les limites entre art et espace.
Parallèlement à cette passion pour l’architecture, la réalisation d’oeuvres en plusieurs parties joue elle aussi un rôle majeur dès les débuts de sa création.
Cette exposition présente un des tout premiers exemples de ce procédé avec les Acht Lernschwestern (1966), réalisé à partir des portraits d’infirmières assassinées reproduits dans la presse. (tel Wahrol) Dans la création de Richter, la prise en compte de l’efficacité des images de presse est aussi ancien que celle de l’aspect sériel,  et l’artiste ne cesse de fusionner ces deux centres d’intérêt, comme en témoignent les Acht Lernschwestern.
Il fait ainsi ressortir les décalages de sens qui apparaissent dès que les images sont détachées de leur contexte explicatif et placées dans une succession immédiate et personnelle. Dans les années 1970, on voit apparaître à côté de ces ensembles reliés par leur sujet un autre type de cycles ou de séries qui explorent le rapport entre thème et variation.
Dans les toiles de la Verkündigung nach Tizian de 1973, Richter s’est approché de son modèle de 1535 en plusieurs versions successives et différentes, qui font apparaître une abstraction croissante. Ces toiles, aujourd’hui dispersées dans plusieurs collections, sont ici présentées ensemble à titre tout à fait exceptionnel pendant la durée de l’exposition. Comme le révèle cet exemple, la série ou le cycle représentent également chez Richter l’affirmation de l’importance du processus, laquelle s’est progressivement imposée dans l’art en général au cours des années 1960.
Gerhard Richter Eisberg im Nebel,1982 Iceberg dans la brume Huile sur toile, 70 cm x 100 cm The Doris and Donald Fisher Collection © 2014 Gerhard Richter
Gerhard Richter
Eisberg im Nebel,1982
Iceberg dans la brume
Huile sur toile, 70 cm x 100 cm
The Doris and Donald Fisher Collection
© 2014 Gerhard Richter

À la production à la chaîne de l’ère industrielle, qui permet la fabrication rapide de l’identique, l’art a emprunté, en lui donnant une interprétation créative, une forme propre de productivité. Le sériel ne résulte pas au demeurant de la fabrication ou de la garantie de l’identique mais, pour reprendre la proposition de Gilles Deleuze, d’une interaction de répétitions divergentes et de différences singulières, l’art réussissant ainsi à s’affranchir de la représentation préconçue pour se transformer en processus continus. Progressions et permutations renoncent à l’organisation dirigée des identités et à la disposition des différences.
Une autre série majeure des années 1970 est celle des tableaux gris que Richter a présentés sous forme d’ensemble au Städtisches Museum de Mönchengladbach. Dans la négation même que crée la couleur grise, cette série révèle les qualités artistiques de la variation. Les processus de destruction et de création s’associent ici, comme ils le faisaient déjà dans les tableaux du Titien. Les cycles de toiles abstraites, dont l’exposition présente notamment Bach de 1992, Wald de 2005) et Cage de 2006) s’inscrivent, dès le processus pictural, dans une conception différente de celle de la série des Kerzen (Bougies) ou des Schädel (Crânes), peints les uns après les autres.
Gerhard Richter
Par le procédé de création simultanée, ces tableaux abstraits se fondent au sein de chaque groupe en une texture de relations denses, multipolaires, et réciproques qui engendre entre les différentes toiles un nouvel espace pictural, élargi. Les titres présentent également une importance capitale dans ces cycles abstraits.
Cage doit ainsi son nom à la musique de ce compositeur qu’écoutait souvent Richter en travaillant sur ces toiles. Le cycle Wald traite sous une forme abstraite l’expérience naturelle de pouvoir se perdre ou se cacher dans forêt.
À côté de l’espace concret, matériel, on voit apparaître dans ces toiles abstraites l’espace du sentiment ou le sentiment de l’espace.
Il faut accorder une position particulière tant dans cette exposition que dans l’oeuvre de Richter au cycle 18. Oktober 1977 réalisé en 1988. Il est né d’une longue confrontation de l’artiste avec l’histoire allemande dans le contexte de la Fraction Armée Rouge. Ce cycle comprend quinze toiles réalisées d’après des photos de presse ; certaines de ces toiles — comme les trois tableaux Tote (Morte) – cherchent elles-mêmes à s’approcher d’un objet commun sous forme de variations
N’apportant aucune réponse aux questions de position politique, ces tableaux placent au contraire au premier plan l’incertitude, le doute, mais aussi le débat insistant et concentré. L’espace devient espace historique et offre à travers la contemplation l’occasion de poursuivre la réflexion sur la possibilité de représentation picturale de l’histoire.
Après s’être déjà frotté au modèle de l’histoire de l’art dans la Verkündigung nach Tizian, Richter sonde sur un plan thématique et iconographique, le rapport entre tradition et époque présente dans le cycle S. mit Kind (1995). S’appuyant sur des photos de famille, celui-ci s’interroge sur l’image de la Vierge à l’enfant.
Gerhard Richter S. mit Kind, 1995 S. et son enfant Huile sur toile, 61 cm x 51 cm Hamburger Kunsthalle, Dauerleihgabe der Stiftung für die Hamburger Kunstsammlungen © 2014 Gerhard Richter
Gerhard Richter
S. mit Kind, 1995
S. et son enfant
Huile sur toile, 61 cm x 51 cm
Hamburger Kunsthalle, Dauerleihgabe der Stiftung für die Hamburger Kunstsammlungen
© 2014 Gerhard Richter

La salle à laquelle le cycle a donné naissance en 1996 lors d’une exposition au Musée d’Art contemporain de Nîmes montre comment, malgré tous ses doutes, Richter s’accroche à ce thème et comment ce tiraillement interne va jusqu’à se refléter dans la technique picturale. En tant que groupe, ces toiles présentent une grande cohésion. Elles se distinguent ainsi des séries dont les différents tableaux, tout en explorant des motifs bien définis, peuvent être vus chacun pour soi, sous forme d’oeuvres isolées comme c’est le cas par exemple des natures mortes.
Gerhard Richter Fpondation beyeler
Avec les Spiegel (Miroirs), qui ont occupé Richter de façon croissante depuis les années 1990, le rapport à l’espace prend une nouvelle qualité. Alors qu’auparavant, on ne voyait que des peintures, c’est toute la salle d’exposition avec ses spectateurs qui se trouve au coeur de l’attention quand le regard se pose sur les vitres réfléchissantes. L’architecture des salles devient elle-même un élément des tableaux. Les différents plans — objets reflétés, salles et reflets constamment mouvants — se superposent. L’expérience du spectateur est délibérément intégrée dans l’oeuvre. La particularité physique de la surface conserve son importance, car elle ne disparaît pas derrière l’effet de miroir mais n’acquiert de qualité proprement réfléchissante que par l’application de la couleur et par le matériau du verre.
Cette exposition présente sous forme d’un espace quatre diptyques intitulés Doppelgrau (Double gris) que Richter a créés récemment. Le caractère d’objet de ces miroirs monochromes est encore accentué dans les travaux de Richter qui utilisent des vitres.
12 stehenden Scheiben (12 panneaux verticaux ) et 9 Scheiben (Kartenhaus) (9 panneaux [Kartenhaus]), de 2013 l’un comme l’autre, ménagent de nombreuses transitions entre le regard sur les vitres, à travers les vitres, et dans les reflets des vitres, c’est-à-dire entre objet, espace architectural et espace pictural
Gerhard Richter Strips
Deux tableaux de la série des Strip (2013) font eux aussi partie des plus récents travaux présentés dans cette exposition. Ils prennent pour point de départ la photo numérique d’une toile abstraite de 1990, dont des détails ont été agrandis à l’ordinateur puis réfléchis à plusieurs reprises. Les questions que se pose Richter sur le potentiel artistique de la sérialité et de la répétition acquièrent ici de nouvelles facettes. Les systèmes numériques, les combinaisons chromatiques et les possibilités de poursuite à l’infini qui avaient déjà déterminé en 1973 et en 2007 les oeuvres 1024 Farben (1024 couleurs) et 4900 Farben (4900 couleurs) également présentés dans cette exposition, sont réutilisés et reprennent le motif de la série et du cycle dont ils font un aspect immanent de l’oeuvre.
Cette exposition révèle de nombreux aspects et de nombreuses significations de la série, du cycle et de l’espace dans l’oeuvre de Richter. Elle présente aussi bien des salles thématiques que les interdépendances directes entre espace pictural et salle d’exposition dans les salles de vitres et de miroirs, en passant par des salles révélant le processus même du travail et par des espaces picturaux élargis. Le spectateur ne se déplace pas de tableau en tableau à l’intérieur de l’exposition mais de salle en salle, car chacune d’elle le place au milieu d’un ensemble cohérent. Chacune de ces salles permet d’assister à la naissance de nouveaux rapports entre les oeuvres de Richter et le contexte du lieu.
Plusieurs oeuvres isolées de l’artiste sont également disposées entre les séries en guise de contrepoint. Parmi celles-ci, des toiles qui ont acquis un caractère emblématique, comme Eisberg im Nebel (Iceberg dans la brume) de 1982, Betty de 1988
Gerhard Richter Betty, 1988 Huile sur toile, 102 cm x 72 cm Saint Louis Art Museum, Funds given by Mr. and Mrs. R. Crosby Kemper Jr. through the Crosby Kemper Foundations, The Arthur and Helen Baer Charitable Foundation, Mr. and Mrs. Van-Lear Black III, Anabeth Calkins and John Weil, Mr. and Mrs. Gary Wolff, the Honorable and Mrs. Thomas F. Eagleton; Museum Purchase, Dr. and Mrs. Harold J. Joseph, and Mrs. Edward Mallinckrodt, by exchange © 2014 Gerhard Richter
Gerhard Richter
Betty, 1988
Huile sur toile, 102 cm x 72 cm
Saint Louis Art Museum, Funds given by Mr. and Mrs. R. Crosby Kemper Jr. through the Crosby Kemper Foundations, The Arthur and Helen Baer Charitable Foundation, Mr. and Mrs. Van-Lear Black III, Anabeth Calkins and John Weil, Mr. and Mrs. Gary Wolff, the Honorable and Mrs. Thomas F. Eagleton; Museum Purchase, Dr. and Mrs. Harold J. Joseph, and Mrs. Edward Mallinckrodt, by exchange
© 2014 Gerhard Richter

ou Lesende (Femme lisant) de 1994. Elles interrompent la succession des salles et invitent à une réflexion plus approfondie sur le rapport entre oeuvre isolée et ensemble de peintures dans l’oeuvre de Richter.
texte :  Hans Ulrich Obrist commissaire de l’exposition.
photos courtoisie de la Fondation Beyeler

Journée Familles « Gerhard Richter »
Dimanche 1 juin 2014, 10h00-18h00
Courtes visites guidées de l’exposition « Gerhard Richter »
pour enfants, jeunes, adultes et familles en différentes langues.
Un jeu dans le musée et différents ateliers
invitent le public à des expériences.
Prix : gratuit pour les enfants et pour les jeunes de moins de 25 ans ;
adultes : prix d’entrée habituel du musée.
Robyn Schulkowsky
– Sur les traces de John Cage
Mercredi 2 juillet 2014, 19h00
À l’occasion de l’exposition « Gerhard Richter », la percussionniste et compositrice américaine Robyn Schulkowsky joue des pièces de John Cage. C’est avec une admiration sans fard que Gerhard Richter revient constamment à John Cage pour parler de ses compositions et de son utilisation du procédé aléatoire. Stimulé par sa musique, Richter a peint l’ensemble d’oeuvres Cage, 2006, présenté à la Fondation Beyeler. Tarif: CHF 35.-, Freunde / Art Club: CHF 15.- L’entrée du musée est incluse dans le prix.
Vox ClamantisHommage à Arvo Pärt
Mercredi 27 août 2014, 18h30
L’Ensemble Vox Clamantis a été fondé en 1996. Son répertoire comprend des chants grégoriens aussi bien que de la musique contemporaine. À la Fondation Beyeler, les chanteurs interpréteront des oeuvres d’Arvo Pärt, un compositeur que Gerhard Richter apprécie tout particulièrement. Arvo Pärt sera présent à l’occasion de ce concert.
Prix: CHF 35.-, Freunde / Art Club: CHF 15.- L’entrée du musée est incluse dans le prix.
Visite guidée publique en français
Dimanche, 29 juin 2014, 15h00–16h00
Dimanche, 27 juillet 2014, 15h00–16h00
Dimanche, 31 août 2014, 15h00–16h00
Visite guidée dans l’exposition « Gerhard Richter ». Prix: Tarif d’entrée + CHF 7.-
Visites guidées du lundi
Visites guidées thématiques de l’exposition « Gerhard Richter »
Toutes les séances ont lieu de 14h00 à 15h00
Lundi 26 mai : Séries: Grau (1975), Bach (1992), Cage (2006), Wald (2005) Lundi 23 juin : Verkündigung nach Tizian (1973), Acht Lernschwestern (1966), S. mit Kind (1995)
Catalogue
À l’occasion de l’exposition «Gerhard Richter», la Fondation Beyeler publie un catalogue en allemand et en anglais. L’édition commerciale est éditée par Hatje Cantz Verlag, Ostfildern. Ce catalogue abondamment illustré a été conçu avec la participation déterminante de l’artiste. Ce volume contient une préface de Sam Keller et de Hans Ulrich Obrist, des contributions de Hans Ulrich Obrist, Georges Didi-Huberman et Dieter Schwarz ainsi qu’une interview de Gerhard Richter réalisée par Hans Ulrich Obrist. 192 pages, 225 reproductions en couleurs, Prix : 62.50 CHF (ISBN 978-3-906053-14-1, édition anglaise : 978-3-906053-15-8). Ce catalogue sera également disponible en ligne à la Boutique de la Fondation Beyeler dès l’ouverture de l’exposition le 18 mai, sous shop.fondationbeyeler.ch
 

Tout sur le 7e art

Un nouveau venu dans la blogosphère, mais qui n’est pas un inconnu pour la plupart d’entre nous. Pierre Louis Cereja continue de nous tenir en haleine, sur son blog nouveau-né : Extérieur jour – Le blog de Pierre-Louis Cereja , comme il le faisait dans les pages du quotidien régional l’Alsace, du meilleur, comme du pire, du festival de Cannes d’abord, période oblige, puis de toute l’actualité cinématographique des salles obscures, au fil des jours.
Retenez bien ce nom, ce titre et son  blog : http://plcereja.blog.lemonde.fr
croisette-pierre-louis-cereja-photo-montage-pierre-fornerod-l-alsace
bon vent au nouveau blogueur  😎 que vous pouvez retrouver
en lien sur mon blog  ————————————–>

Le trésor de Naples

Jusqu’au 20 JUILLET 2014 au musée Maillol
C’est une des plus grandes collections de joaillerie du monde, comparable aux Joyaux de la Couronne de France ou d’Angleterre, mais qui n’appartient ni aux anciennes dynasties régnantes, ni à l’État, ni à l’Église, mais au peuple, aux Napolitains eux-mêmes.
Les Joyaux de San Gennaro (visite guidée par Dominique Fernandez)
Vésuve
San Gennaro, saint Janvier, mort en martyr des persécutions de Dioclétien, est le grand saint patron de la ville de Naples. Son sang, recueilli dans deux ampoules, se liquéfie trois fois par an, aux mêmes dates depuis des siècles, un phénomène que même aujourd’hui la science ne peut expliquer. Entre 1526 et 1527 la ville subit deux fléaux : la guerre et la peste. Face à ces événements tragiques les Napolitains implorent la protection de San Gennaro.
Le 13 janvier 1527 un contrat insolite est établi devant notaire entre le saint, mort depuis plus de mille deux cents ans, qui s’engage à protéger la ville de la peste et des éruptions du Vésuve, et le peuple de Naples qui s’engage à travers la Députation à lui constituer un trésor et à lui construire une nouvelle chapelle au sein de la cathédrale.
La Députation, gardienne de la chapelle, est une institution laïque créée en 1601, une des plus anciennes et singulières organisations encore actives en Italie. Constituée de dix représentants de la noblesse et de deux du peuple, elle garantit depuis quatre siècles l’intangibilité des ampoules du sang et des saintes reliques, l’administration et la tutelle du culte et du trésor de San Gennaro. La Députation a permis de sauvegarder jusqu’à aujourd’hui la tradition, l’histoire et l’extraordinaire patrimoine artistique liés au culte de San Gennaro.
Les plus importants chefs-d’oeuvre de l’immense trésor de San Gennaro, réalisés et accumulés au cours des siècles sont montrés dans l’exposition.

Michele Dato COLLIER DE SAN GENNARO, 1679-1933 or, argent, pierres précieuses H.58 ; L.45 cm Naples, Museo del Tesoro
Michele Dato
COLLIER DE SAN GENNARO, 1679-1933
or, argent, pierres précieuses
H.58 ; L.45 cm
Naples, Museo del Tesoro

LE COLLIER DE SAN GENNARO, spectaculaire assemblage de bijoux réalisé entre le XVIIe et le XIXe siècle, rassemble les dons d’illustres souverains comme Charles V de Bourbon, Joseph Bonaparte, Marie-Caroline de Habsbourg, sœur de Marie-Antoinette, ou encore la reine Marie-Amélie de Saxe, auxquels ont été ajoutés ceux de Napolitains anonymes, mettant ainsi à égalité peuple et souverains.
Matteo Treglia MITRE, 1713 argent doré, 3 326 diamants, 198 émeraudes, 168 rubis H.66 ; L.40 cm Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro © Matteo D’Eletto
Matteo Treglia
MITRE, 1713
argent doré, 3 326 diamants, 198 émeraudes, 168 rubis
H.66 ; L.40 cm
Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro
© Matteo D’Eletto

LA MITRE DU SAINT, réalisée en 1713 par Matteo Treglia, est recouverte de 3 326 diamants, 168 rubis, 198 émeraudes. Parmi ces pierres exceptionnelles, figure la plus belle et la plus importante collection d’émeraudes colombiennes au monde, et un rubis d’une couleur si intense qu’il a été surnommé “la lave du Vésuve”.
Orfèvre napolitain BUSTE DE SAINT PIERRE MARTYR XVIIe Siècle argent, dorure à l’amalgame H.105 ; L.70 ; P.64 cm Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro © Dialma
Orfèvre napolitain
BUSTE DE SAINT PIERRE MARTYR XVIIe Siècle
argent, dorure à l’amalgame
H.105 ; L.70 ; P.64 cm
Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro
© Dialma

QUINZE BUSTES COLOSSAUX et deux statues d’argent massif réalisés par les plus grands sculpteurs et orfèvres de l’âge baroque, comme la statue grandeur nature de Tobie et l’Ange, collaboration entre le fameux sculpteur Sammartino et l’orfèvre Giuseppe Del Giudice en 1797, le buste de saint Eufebio par le sculpteur Cosimo Fanzago et l’orfèvre Aniello Treglia de 1672, ou le sublime buste de Carlo Schisano représentant sainte Irène protégeant Naples du Vésuve en 1733.
LE RELIQUAIRE du sang du martyr en vermeil du XIVe siècle par des orfèvres angevins et des objets liturgiques somptueux, d’or et d’argent ornés de pierreries et de corail. La plupart de ces pièces ne sont qu’exceptionnellement visibles, elles sont conservées dans les coffres du Banco di Napoli.
Enfin des peintures de Luca Giordano, du Dominiquin, de Micco Spadaro, de Solimena, représentant saint Janvier et ses miracles et deux toiles de Volaire représentant les éruptions du Vésuve, permettront de montrer cette collection dans son extraordinaire contexte.
Luca Giordano SAN GENNARO DEVANT L’AMPHITHÉÂTRE DE POZZUOLI, 1675 huile sur toile H.210 ; L.155 cm Naples, Église dei Girolamini © Archivio Garofalo, Naples
Luca Giordano
SAN GENNARO DEVANT L’AMPHITHÉÂTRE
DE POZZUOLI, 1675
huile sur toile
H.210 ; L.155 cm
Naples, Église dei Girolamini
© Archivio Garofalo, Naples

L’exposition ne se limite pas à la mitre et au collier. Tableaux, documents et objets liturgiques – crucifix et calices -, candélabres en or et argent, également sertis de pierres précieuses, démontrent l’habileté des orfèvres napolitains, longtemps en avance sur leur temps. Les techniques employées pour le collier de San Gennaro représentent une étape fondamentale vers la joaillerie contemporaine. Une série de bustes de saints et de statues en argent, pour la plupart réceptacles de reliques, introduit au baroque napolitain qui se retrouve dans les édifices sacrés de la capitale parthénopéenne.
Dévotion San Gennaro
Enfin, l’exposition parcourt le destin de San Gennaro, encore objet d’une fantastique dévotion populaire. Selon la légende, l’évêque de Bénévent sortit vivant du bûcher auquel l’avaient condamné les Romains en 305 après J.-C., et les fauves refusèrent de le dévorer dans l’arène de Pouzzoles. Finalement, on le décapita, et son sang fut recueilli par des fidèles. La première liquéfaction miraculeuse de son sang aurait eu lieu au début du IVe siècle. Mais il faut attendre 1526 pour que son culte se développe et conduise à la constitution du trésor.
Les Napolitains affrontent alors trois fléaux : l’invasion des Espagnols, le choléra qui a fait 250 000 victimes et le Vésuve qui provoque une trentaine de tremblements de terre par jour. Les familles aristocratiques de la ville décident alors de construire une chapelle dédiée à San Gennaro pour obtenir son intercession auprès de Dieu. Dieu les entendit et mit fin leurs tourments. Depuis, le culte de San Gennaro n’a cessé de se développer, et le miracle de la liquéfaction se reproduit deux fois par an… ou presque. Et chaque échec est un funeste présage qu’aucun Napolitain ne prend à la légère.
Au Musée Maillol, avec le trésor de San Gennaro, c’est une ville qui a grandi sur le magma d’un volcan en activité, qui flirte avec la mort depuis l’antiquité, capable du pire comme du meilleur, qui est exposée. C’est Naples toute entière, ville pluri-millénaire, une des capitales de l’art européen qui raconte ici son histoire.
photos courtoisie du musée Maillol

Musée Maillol : 59-61 rue de Grenelle. 75007 Paris.
Ouvert tous les jours de 10h30 à 19h.
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30.

 

Ilya Kabakov, La cuisine communautaire

La Cuisine communautaire 1991
Installation Paris, musée Maillol, fondation Dina Verny
jusqu’au 20 juillet 2014
En écho à Monumenta 2014, (jusqu’au 22 juin) , le musée Maillol ouvre au public une des installations les plus abouties de Kabakov.
Dina Vierny
 
Parmi les nombreux voyages qu’accomplit Dina Vierny, ses origines russes l’amènent vers la fin des années 60, à se rendre en Union Soviétique. Elle y est soucieuse d’y connaître la condition des artistes sous ce régime totalitaire. Après de nombreuses visites à Moscou et Saint-Pétersbourg, elle fait la connaissance d’une poignée de peintres qui refusent le dogmatisme du réalisme-socialiste et travaillent dans des conditions inimaginables. Ce sont les années de plomb du régime Brejnev qui fustige toute tentative picturale qui puisse se révéler critique face au pouvoir soviétique.
Oscar Rabine, Vladimir Yankilevski, Erik Boulatov et Ilya Kabakov représentent l’art non officiel ou non conformiste à cette époque.
Kabakov (né en1933) est l’un des premiers artistes à avoir utilisé les installations comme vocabulaire plastique. L’installation est à ses yeux une forme d’art totale qui réunit la peinture, le théâtre et la littérature.

kabakovIlya Kabakov, APARTMENT WAR

 

En 1992, Ilya Kabakov réalise pour Dina Vierny « la cuisine communautaire », une sorte de lieu de recueillement à l’envers. Construite comme une chapelle, cette installation est un vaste espace qui évoque l’expérience douloureuse que furent ces cuisines collectives où quantité de familles en Union Soviétique se déchiraient quotidiennement pendant 70 ans. Reprenant l’idée des ready-made, Kabakov place les ustensiles de cuisine au centre des tableaux accrochés aux parois et associés à des dialogues à la fois écrits et récités par des voix qui reprennent les litanies d’insultes que s’échangent sans cesse les usagers.

KabakovIlya Kabakov. (1980) Schedule of  Slop Pail Dumping. [Moscow, private
apartment]. Photo: Barbara Gladstone  Gallery, New York.

Tout de suite après la Révolution, pour différentes raisons : les déménagements de la campagne vers la ville, de la banlieue vers le centre, des sous-sols vers les étages supérieurs, les appartements appartenant aux anciens habitants, ont été occupés par de nouveaux, chaque nouvelle famille ayant, selon la loi, le droit à une seule chambre. C’est ainsi que les anciens appartements ont été transformés en appartements dit communs ou « communautaires » où vivaient côte à côte cinq, six, voire dix familles, la « population » totale atteignant parfois vingt-cinq ou trente personnes. Une sonnette par famille, c’est l’ habitat principal de presque toute la population urbaine de la Russie soviétique, depuis la révolution d’Octobre, et presque jusqu’à la fin de la période soviétique. En fait, dans les conditions d’une crise immobilière permanente dans le pays, les nouvelles générations naissaient et mouraient dans la même pièce, où avaient vécu leurs ancêtres, n’ayant pas la possibilité ni d’obtenir un nouveau logement, ni de l’échanger.
Serrés les uns contre les autres le long des murs, une ou deux cuisinières et un évier avec de l’eau froide, dans cet appartement communautaire, surpeuplé, il y avait pour tout le monde, une seule salle de bains, un seul W.C., et bien sûr, une seule cuisine communautaire.

Ilya_KabakovIlya Kabakov, L’homme qui s’envola dans l’espace

La cuisine est la pièce la plus importante, et souvent la plus grande, de l’appartement communautaire. Elle renvoie comme un miroir toutes les facettes de la vie. Ici se retrouvent maladies, problèmes et espoirs, mais aussi petitesse et grandeur, banalité et romantisme, amour et haine. Personne ne peut se tenir en dehors de son théâtre. Chaque famille a sa table et toutes les tables doivent avoir la même taille. Au-dessus de chaque table, une étagère sert à ranger la vaisselle familiale.
Au musée Maillol, on pénètre dans cette installation en empruntant un long escalier qui mène à une cave profonde. S’ouvre alors une sorte de chapelle souterraine, haute de deux étages avec d’étroites fenêtres sous le plafond. Seules deux ampoules distribuent une lumière sinistre dans la semi-obscurité.
Ilya kabakov, la cuisine communautaire
Lorsque sont apparus les réfrigérateurs, ils ont en général été placés dans les chambres, d’une part parce qu’il n’y avait plus de place dans la cuisine, d’autre part pour éviter les disputes dues à des larcins dans le frigo du voisin. Il y avait rarement de l’eau chaude et on faisait chauffer de l’eau dans de grandes bassines dont l’écume se déversait parfois sur les casseroles des familles faisant cuire leur plat. L’air est rempli d’odeur de graillon. La conscience de pouvoir être dénoncé à tout moment tend l’atmosphère. Il s’ensuivait des conflits, engendrés par les frictions inhérentes aux relations tendues dans un microcosme. C’était de surcroît l’endroit où on étendait le linge, qui séchait au-dessus des têtes des locataires, de sorte qu’il gouttait parfois dans leur assiette.
Kabakov, la cuisine communaitaire 1
Les innombrables bagarres dues à cette situation de promiscuité forcée sont restituées dans trois niveaux de l’installation : spatial, textuel et sonore. Du plafond pendent des étiquettes portant chacune une réplique ou une interjection que profèrent les habitants l’un à l’encontre de l’autre.
Deux voix masculines et deux voix féminines font entendre leur querelle qui oscille du marmonnement aux cris. Ces apparitions vocales donnent l’impression d’une présence d’êtres invisibles, comme si la cuisine était peuplée d’esprits qui se seraient logés sous le plafond, sans arriver à le quitter.
Au-dessous des étroites fenêtres sont accrochées trente-deux peintures, chacune accompagnée d’un dialogue entre deux locataires du genre :
Anna Petrovna Zoueva : « Qui n’a pas jeté ce bout de bois ? »
Oleg Trofimovitch Karpov : « Je ne sais pas. »
Plus bas, une multitude de casseroles et de poêles, telles des mouches noires, sont immobilisées sur les murs. En bas, sur tout le pourtour de la « chapelle » se trouve un paravent, sur lequel, au milieu de photos de l’appartement communautaire, sont placées les répliques de ses locataires. C’est une sorte d’encyclopédie, un concentré de tous les problèmes (psychologiques, familiaux, sociaux) dont était remplie la vie infernale de ces gens, étrangers les uns aux autres, condamnés à cohabiter éternellement. / Ilya Kabakov
photos courtoisie musée Maillol sauf la 1
Vladimir Yankilevsky (né en 1938)
Après des études d’art et de graphisme, Yankilevsky participe dès le début des années 60 activement au mouvement des non conformistes russes aux côtés d’Ilya Kabakov. Yankilevsky émigre à Paris dans les années 80 où il vit et travaille encore à ce jour. Il réalise dans l’esprit des ready-made une oeuvre présentant un placard-appartement, La Porte, qui est aussi l’allégorie de la vie de ses parents, contraints de se dissimuler aux yeux du monde.

Vladimir Yankilewski
OSCAR RABINE (né en 1928) est l’auteur du fameux Passeport (1972) et se considère comme un peintre du pop art russe. Il est à l’origine de la fameuse exposition tenue dans un terrain vague de Moscou au début des années 1970, sauvagement réprimée par la milice. Cette exposition dite “des Bulldozers”fera un immense scandale à l’Ouest. Elle révélera au monde entier la situation de l’art en Union soviétique. Rabine sera chassé de son pays et contraint à l’exil. À partir de 1964, Rabine a peint des objets gigantesques avec des marques de Vodka dont les étiquettes rutilantes se détachent sur fond sombre, des journaux en trompe-l’oeil…
 
OSCAR RABINE Stolitchnaïa, 1964 Huile sur toile - H.109 ; L.81 cm © Adagp
photos 5/6/7/8 courtoisie musée Maillol
Musée Maillol
– 59/61 rue de Grenelle
– 75007 PARIS Tél. : 01.42.22.59.58
 
 
 
 
 

Musée Maillol – Fondation Dina-Vierny

61, rue de Grenelle 75007 Paris

 Rue du Bac – Ligne 12
  63 , 68 , 83 , 84

En savoir plus sur http://sortir.telerama.fr/evenements/expos/la-cuisine-communautaire-de-kabakov,158113.php#pI6qSyfxKgMKtVhG.99

L'Etrange Cité d'Ilya et Emilia Kabakov

du 10 mai – 22 juin 2014 Monumenta  dans la Nef du Grand Palais,
venez vous perdre et rêver dans une nouvelle Shambalha
  : L’étrange cité.
Pour la sixième édition, Ilya et Emilia Kabakov, (vidéo) artistes d’origine russe, proposent au public de se perdre dans le dédale d’une ville utopique entre 19e s et 20e , L’étrange cité, dialogue entre une architecture et une œuvre.

Ilya et Emilia Kabakov, l'Etrange Cité
Ilya et Emilia Kabakov, l’Etrange Cité

Emilia Kabakov la présente en ces termes :
« Il y a plusieurs années, quelqu’un nous a demandé si nous pensions que l’art pouvait influencer la politique. Nous avons répondu que non, nous ne le pensions pas. Nous avons toujours la même opinion, mais durant toutes ces années, nous avons travaillé avec des idées, autour de l’imaginaire et de l’utopie. Et nous croyons vraiment que l’art, qui tient une grande place dans notre culture, peut changer la façon dont nous pensons, rêvons, agissons, réfléchissons. Il peut changer notre façon de vivre. Cette fois nous voudrions construire plus qu’une installation, nous souhaitons réaliser quelque chose de différent : ériger L’étrange cité, c’est insister sur l’expérience plutôt que sur la forme du projet, en vous demandant de ralentir votre course dans la vie réelle, et de faire appel à vos émotions, vos sens, vos souvenirs. Nous vous invitons à venir au Grand Palais pour entrer dans L’étrange cité, un espace onirique issu de l’imaginaire collectif, à penser et à réfléchir sur l’art, la culture, la vie quotidienne, notre présent et notre futur »

Ilya et Emilia Kabakov, l'Etrange Cité
Ilya et Emilia Kabakov, l’Etrange Cité

Conçue pour la Nef du Grand Palais elle puise ses références dans la Renaissance, le romantisme et la science moderne. Elle se compose de huit grandes constructions. En déambulant au détour de ces édifices à l’atmosphère recueillie, le visiteur appréhende de façon sensible et concrète autant de mondes singuliers.
Kabakov, la coupole
Dans la partie nord de la Nef, une vaste coupole projette ses variations de couleurs et de lumières vers une entrée que le public doit d’abord franchir. Elle répond ainsi à la coupole du Grand Palais, avec ses éclats intenses, selon l’intensité de la lumière extérieure.
Il atteint alors un espace labyrinthique, entouré d’une double enceinte circulaire, où l’on se sent un peu confiné. À l’intérieur apparaissent cinq édifices distincts aux noms mystérieux :
Kabakov, l'entrée
Kabakov, l’entrée

 
« Le Musée vide », « Manas », « Le Centre de l’énergie cosmique », « Comment rencontrer un ange ? » et « Les Portails ».
À l’extérieur se dressent encore deux constructions. « La Chapelle blanche » alterne les tableaux avec de grandes surfaces blanches et lumineuses, laissant la place à l’imaginaire, tandis que la « La Chapelle sombre » révèle de gigantesques peintures sur fond noir, mêlant références baroques et souvenirs personnels.
Dans cette étrange cité sont installées des oeuvres des Kabakov, peintures, objets et maquettes insolites. Ils offrent un panorama des sujets essentiels abordés dans leur création.
Jean-Hubert Martin, commissaire de la manifestation, explique :
« Avec ses ambiances spectaculaires et mystérieuses, le parcours initiatique de L’étrange cité crée un grand récit humaniste proche de l’épopée. La cité utopique dans laquelle nous sommes conviés traite des aspirations de l’homme, de sa quête d’un au-delà, d’une métaphysique. Cette métaphore de la vie et de son mystère se transmet par les sens et non par le langage. »
  A l’intérieur de L’étrange cité
1. La Coupole
Dans la partie nord de la Nef du Grand Palais, une vaste coupole projette ses variations de couleurs et de lumières vers L’entrée dans la cité que le public doit d’abord franchir.
2. Le Musée vide
se présente comme un musée classique. Pourtant, à la place de tableaux, le visiteur découvre des tâches de lumière sur les murs bordeaux, sur un fond musical de Passacaille de Bach. La pénombre, les dorures, les sièges confortables forment un ensemble étrange et majestueux, comme un temple.
Kabakov, l'Etrange Cité, le Musée Vide
Kabakov, l’Etrange Cité, le Musée Vide

3. Manas présente une grande maquette de Manas, une ville merveilleuse qui fonctionne sur deux niveaux, « céleste » en haut et « terrestre » en bas.
Kabakov, Manas
Kabakov, l'étrange cité, la terre d'en haut
4. Le Centre de l’énergie cosmique est une tentative utopique d’extraire l’énergie cosmique et d’établir une communication avec la noosphère. Conservatoire de toutes les découvertes de l’esprit humain, elle pourrait, selon le chercheur russe D. Vernadski, servir de source permanente à toute créativité.
Ilya et Emilia Kabakov Etude pour Le Centre de l’énergie cosmique dessin Monumenta 2014 © Ilya et Emilia Kabakov / ADAGP, Paris 2014
Ilya et Emilia Kabakov
Etude pour Le Centre de l’énergie cosmique
dessin
Monumenta 2014
© Ilya et Emilia Kabakov / ADAGP, Paris 2014

5. Comment rencontrer un ange ?
propose un moyen spectaculaire de rencontrer un ange et pose la question de savoir dans quelles circonstances il peut venir à notre secours.
Kabakov, Comment rencontrer un ange
Kabakov, Comment rencontrer un ange

kabakov, texte comment rencontrer un ange
6. Les Portails dévoilent un projet mystérieux. Douze tableaux et une structure déclinent sous différentes versions l’image de portails se trouvant à l’horizon et analysent le passage symbolique d’ici à l’au-delà.
Kabakov, le Portail
7. La Chapelle blanche est un grand espace blanc, dont les murs sont entièrement recouverts de 79 toiles. Ces fragments donnent l’impression d’une réalité qui se dissout dans une lumière blanche et, en même temps, de silence et d’apaisement. La chapelle fait partie de « l’espace de l’artiste » et s’inscrit dans la lignée des chapelles de Giotto et Rothko.
kabakob, Chapelle Blanche
Kabakov
8. La Chapelle sombre (vidéo) laisse passer la lumière par son plafond. Six grands tableaux sont accrochés aux murs. Ilya et Emilya Kabakov évoquent ces grandes visions du progrès, de la science et de l’évolution de l’homme, qui ont pu conduire au désastre. À travers des installations spectaculaires, imprégnées d’humour et de poésie, ils ont dressé au fil des années une sorte de catalogue des idéaux, où l’on voit l’être humain s’affairer avec compétence et ténacité à des réalisations plus ou moins vaines.
À l’image de ce personnage qui, ayant construit un gigantesque amoncellement d’échelles pour s’approcher d’un ange et se jeter dans ses bras, l’oeuvre des Kabakov montre l’homme dans son acharnement à se dépasser.
Kabakov, Comment rencontrer un ange
Figure majeure de la scène artistique mondiale, Ilya Kabakov, est né en 1933 à Dnipropetrovsk (ex URSS). Au début des années 1980, il entame un travail d’installations qui évoquent la vie quotidienne en Russie. La réception de cette oeuvre trouvera une forte résonance avec la fin de l’ère soviétique. Depuis, les installations, sculptures et peintures de Kabakov ont été exposées dans le monde entier. En 2004, le gouvernement russe a honoré Ilya et son épouse et collaboratrice Emilia en organisant leur première exposition officielle au musée de l’Ermitage. Née elle aussi à Dnipropetrovsk, en 1945, Emilia Kabakov est diplômée de la Faculté de Musique en tant que pianiste classique et a étudié la littérature espagnole à l’Université de Moscou. Elle a émigré en Israël en 1973 et vit à New York depuis 38 ans. Ilya et Emilia Kabakov travaillent ensemble depuis 1989. Ils vivent tous deux à Long Island, New York.
Commissaires Réunion des musées nationaux – Grand Palais :
Jean-Hubert Martin, directeur honoraire du Musée national d’art moderne, Paris
Multimedia Art Museum de Moscou : Olga Sviblova, directrice du MAMM
architecte : Sylvie Jodar
Autres monuments et  installations en France
Monument au régiment Normandie-Niemen
1991
Monument à Orly, Avenue des Martyrs-de-Châteaubriant
Installation
Les Toilettes à la rivière
1995
Exposée au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière, Beaumont-du-Lac (France)
Concerto pour mouche Arrangements musicaux de Vladimir Tarasov 1993 Installation France, Château d’Oiron, Centre des monuments nationaux Lors d’une visite au château d’Oiron en vue d’une commande
La Maison aux personnages
2009
Installation publique
Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon Composée de sept installations
une autre installation du couple Kabakov, fera l’objet d’un nouveau billet
La Cuisine communautaire
1991
Installation
Paris, musée Maillol, fondation Dina Verny
tous les renseignements, manifestations et réservations sur : www.grandpalais.fr


Monumenta Kabakov, L’étrange cité, le guide : l’application mobile application gratuite pour smartphones sur AppStore et Google Play en français et en anglais Un city guide mobile, outil ludique et participatif de découverte de l’exposition utilisant la géolocalisation pour permettre à l’utilisateur de se repérer dans L’Étrange cité, d’être informé sur ce qu’il voit et de partager ses impressions et ses photos. Des points de repère seront proposés dans le parcours, enrichis de textes explicatifs et de propositions d’expérience participative à l’oeuvre. Les photographies et commentaires pourront être partagés sur les réseaux sociaux et les écrans répartis in situ avec #monumenta..
 

Le goût de Diderot

Greuze, Chardin, Falconet, David…
Jusqu’au 1er juin 2014
Jean Siméon Chardin
Dans le cadre des célébrations du tricentenaire de la naissance de Denis Diderot (1713-1784), la Fondation de l’Hermitage propose une exposition consacrée au célèbre philosophe français, et en particulier à sa relation à l’art. Cette présentation d’envergure réunit une sélection exceptionnelle de peintures, sculptures, dessins et gravures, que Diderot a pu admirer au Louvre à l’occasion des Salons–expositions temporaires organisées par l’Académie royale de peinture et de sculpture –et qu’il a commentés dans ses comptes rendus rédigés entre 1759 et 1781. Ces textes, d’une liberté de ton remarquable, marquent l’émergence de la critique d’art telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ils témoignent de la culture artistique de Diderot, mais aussi et surtout de l’évolution de son goût, de son regard et de son esthétique, à mesure que le philosophe fréquente les œuvres de son temps. L’exposition met également en lumière l’impact de ses écrits sur le monde de l’art.
Articulée autour d’ensembles thématiques, le parcours développe trois idées qui structurent le goût et l’esthétique du philosophe: la question de la vérité, la poésie en peinture et la magie de l’art.
En plus de décrire la grande aventure des Salons, l’exposition déploie une section dédiée à la culture visuelle de Diderot. A travers la présentation d’œuvres admirées ou décriées par Diderot, la sélection met à l’honneur certains des plus grands artistes français du XVIIIe siècle : Chardin, Boucher, Vernet, Falconet, Greuze, Robert, Houdon, David... Cette manifestation a été élaborée en partenariat avec le musée Fabre de Montpellier, qui possède l’une des plus belles collections de peinture et sculpture françaises du XVIIIe siècle. Cette collaboration rappelle l’importance des relations entre les grands esprits de la France et de la Suisse au siècle des Lumières. Parmi les prêteurs figurent de prestigieuses collections publiques françaises (Musée du Louvre, Château de Versailles, Palais des Beaux-Arts de Lille…), européennes (Alte Pinakothek de Munich, Musée Boijmans-Van Beuningen de Rotterdam, Walker Art Gallery de Liverpool, Musée national de l’Ermitage de Saint-Petersbourg…), mais également américaines (County Museum of Art et Getty Museum de Los Angeles, Musée des Beaux-Arts du Canada d’Ottawa…).
Le commissariat général de l’exposition est assuré par Michel Hilaire, Conservateur général du patrimoine, Directeur du musée Fabre, Sylvie Wuhrmann, Directrice de la Fondation de l’Hermitage et Olivier Zeder, Conservateur en chef du patrimoine, chargé des collections anciennes au musée Fabre.
 
Le pari de la vérité
Passionné par les sciences, Diderot est épris de vérité. Il s’attend donc à trouver cette dernière dans la peinture et la sculpture : vérité physique, vérité morale et vérité sociale dans le sujet représenté. Il pense aussi que l’art doit enseigner la vertu et que l’artiste, pour ce faire, doit être lui-même vertueux. Cette vérité est celle du portrait : l’artiste doit saisir la vérité physique du modèle, avec les détails significatifs (rides, défauts…), sa vérité sociale et son impact sur sa personnalité, mais aussi ce qui fait son individualité. Il est
ainsi admiratif de Greuze qui offre une nouvelle voie avec ses scènes réalistes de la vie quotidienne à signification moralisante et des sculpteurs Allegrain et Lemoine qui se jouent des contraintes de la matière pour approcher la vérité des corps.

Dmitri - Grigorievitch Levitski Portrait de Denis Diderot , 1773 huile sur toile, 58 x 83 cm Musées d’art et d’histoire, Genève © Musées d’art et d’histoire, Ville de Genève / Yves Siza
Dmitri

Grigorievitch Levitski
Portrait de Denis Diderot
, 1773
huile sur toile, 58 x 83 cm
Musées d’art et d’histoire, Genève
© Musées d’art et d’histoire, Ville de Genève / Yves Siza


« Ut pictura poesis»
, la théorie traditionnelle des arts conçoit le tableau comme un poème. La culture littéraire de Diderot le prédispose à accepter ce principe et à juger de la peinture suivant les critères de la poésie. Il jugera donc la manière de raconter l’histoire choisie par le peintre. Il faut que l’artiste soit poète pour exprimer avec force et précision la signification des sujets religieux, mythologiques ou historiques qu’il représente. Deux voies s’offrent à lui : l’exagération épique comme chez Deshays et Doyen, ou la simplicité sublime que choisissent Vien et David. En homme de théâtre et écrivain, Diderot juge aussi tout naturellement la sculpture comme il le ferait d’un poème épique ou lyrique: l’idée doit être la préoccupation première de l’artiste. À l’exagération expressionniste du corps, comme dans le Prométhéed’Adam, il préfère le réalisme noble de Houdon qui annonce le néoclassicisme.
Hubert Robert
La magie de l’art
La magie est un terme souvent employé dans les écrits sur la peinture au XVIIIe siècle, en particulier par Diderot. Pour lui, la magie est le talent de trouver, d’assembler et de poser les couleurs sur la toile pour qu’elles produisent l’effet harmonieux équivalent au coloris naturel. Dès 1763, Diderot réalise que la poésie et la vérité ne suffisent pas sans la magie, qui fait partie de la technique et de la pratique de l’artiste. Diderot admire ainsi Chardin comme un grand magicien qui transfigure la réalité banale de ses natures mortes et Vernet qui arrive à rendre la sensation physique de la nature. Les ruines monumentales et théâtrales d’Hubert Robert, animées de pénombres fraîches et de clartés mouvantes, inspirent quant à elles à Diderot, en 1767, sa poétique des ruines, mélancolie face au temps qui passe.
Jean-Baptiste SiméonChardin , Le panier des pêches, raisin blanc et noir,  rafraîchissoir et verre à  pied, 1759 huile sur toile, 38,5 x 47 cm Musée des Beaux-Arts, Rennes ©RMN - Grand Palais (musée des Beaux-Arts de Rennes) / Patrick Merret
Jean-Baptiste Siméon Chardin, Le panier des pêches, raisin blanc et noir, rafraîchissoir et verre à pied, 1759  huile sur toile, 38,5 x 47 cm Musée des Beaux-Arts, Rennes ©RMN
– Grand Palais (musée des Beaux-Arts de Rennes) / Patrick Merret

C’est par la volonté de Louis XIV que se mettent en place les expositions publiques des artistes de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648. L’Académie et ses membres assurent le rayonnement de la France à travers l’Europe culturelle et politique, à partir de la fin du XVIIe siècle et pendant tout le siècle suivant. Dès 1725, l’exposition se tient dans le Salon carré du palais du Louvre, d’où l’appellation de
« Salon ». A partir de 1751, elle a lieu tous les deux ans. Placé sous le patronage du roi, le Salon dure six semaines. Sous la direction d’un académicien appelé le « tapissier », les peintures sont accrochées à «touche-touche» du sol au plafond.

Pietro Antonio Martini Exposition au Salon du Louvre en 1787 Eau-forte et burin, 142,5  x 163 cm Musées d’art et d’histoire, Genève © Bibliothèque nationale de France
Pietro Antonio Martini
Exposition au Salon du Louvre en 1787
Eau-forte et burin, 142,5 x 163 cm
Musées d’art et d’histoire, Genève
© Bibliothèque nationale de France

Les sculptures sont disposées sur des tables, les plus volumineuses à l’extérieur. Les œuvres sont simplement numérotées, ce qui rend indispensable l’achat d’un livret descriptif, imprimé et vendu par l’Académie. Au fil des éditions, les Salons rencontrent un succès grandissant auprès d’un public de plus en plus large, qui ne se limite plus aux riches commanditaires et collectionneurs traditionnels issus de l’Eglise, de l’aristocratie ou de la finance :
entre 1750 et 1789, le nombre de visiteurs passe d’environ 15’000 à 60’000 personnes.
Ce succès s’accompagne d’une floraison de comptes rendus, dont les plus connus sont ceux de Diderot, qui marquent ainsi la naissance d’un nouveau genre littéraire : la critique d’art. En 1759, Melchior Grimm propose à Diderot de rédiger un commentaire de chaque Salon pour sa Correspondance littéraire, périodique manuscrit consacré à la vie culturelle parisienne et diffusé auprès d’un petit nombre d’abonnés de haut rang, parmi lesquels l’impératrice Catherine II de Russie, le roi Stanislas Poniatowski de Pologne ou encore le roi Frédéric II de Prusse.
Diderot écrit neuf Salons entre1759 et 1781. Il s’interrompt en 1773 en raison de son voyage en Russie, puis en 1777 et 1779, lassé de l’exercice. Ainsi, les Salons du début et de la fin sont brefs, tandis que ceux de 1765 et 1767 ont une ampleur qui témoigne de l’approfondissement de sa connaissance et de sa pensée.

Diderot et la sculpture

Etienne Maurice Falconet, Milon de Crotone (détail), 1754 marbre, 68,8,5 x 64,9 x 51,2 cm  Musée du Louvre, Paris  © RMN - Grand Palais (musée du Louvre) /  Pierre Philibert
Etienne Maurice Falconet, Milon de Crotone
(détail), 1754
marbre, 68,8,5 x 64,9 x 51,2 cm
Musée du Louvre, Paris
© RMN

Grand Palais (musée du Louvre) /
Pierre Philibert

Même si la sculpture tient moins d e place que la peinture dans les écrits de Diderot, certains de ses commentaires à son égard sont très inspirés. Les sculpteurs Falconet et Pigalle figurent parmi ses meilleurs amis, et leurs conseils lui permettent d’approfondir considérablement ses connaissances, auparavant limitées à la sculpture antique. Falconet devient très vite une référence pour Diderot. Le philosophe se montre dithyrambique sur son Pygmalion , présenté dans l’exposition. : « O la chose précieuse que ce petit groupe de Falconet ! Voilà le morceau que j’aurais dans mon cabinet, si je me piquais d’avoir un cabinet.» De même, il ne cache pas son enthousiasme à propos du marbre, « cette matière, cet art qui est si grave, si sévère, qui demande tant de caractère et de noblesse.»

Le catalogue reproduit en couleur toutes les œuvres exposées. Il réunit les contributions de quelques uns des meilleurs spécialistes du XVIIIesiècle, dont Jérôme Farigoule, Directeur du Musée de la Vie romantique à Paris, Guillaume Faroult, Conservateur du patrimoine au département des peintures du musée du Louvre, Stéphane Lojkine, Professeur de littérature française du XVIIe siècle à l’Université de Provence, Aix-Marseille, Christian Michel, professeur d’histoire de l’art, période moderne, Université de Lausanne , Guilhem Scherf, Conservateur en chef du patrimoine au département des sculptures du musée du Louvre et Olivier Zeder, Conservateur en chef du patrimoine, chargé des collections anciennes au musée Fabre.

Fondation de l’Hermitage
2, route du Signal
CH –1000 Lausanne 8 Bellevaux
tél. +41 (0)21 320 50 01
www.fondation-hermitage.ch
info@fondation-hermitage.ch
Direction : Sylvie Wuhrmann

Visite commentée avec extraits musicaux
di 25 mai à 11h

Conférence
jeudi 8 mai à 18h30
Les dégoûts de Diderot
par Christian Michel, professeur d’histoire de l’art, période moderne,
Université de Lausanne
Prix des conférences : CHF 12.-/ CHF 10. -tarif réduit / gratuit pour les Amis de l’Hermitage
Sur réservation au +41 (0)21 320 50 01
 

Sommaire avril 2014

Robert Mapplethorpe ADA
Robert Mapplethorpe ADA

01 avril 2014 : le jour du poisson
02  avril 2014 : The Night of the Great Season
03 avril 2014 : Daros Latinamarica à la Fondation Beyeler
05 avril 2014 : Fabrizio Plessi à la Fondation François Schneider
23 avril 2014 : Robert Mapplethorpe 2 expositions à Paris
25 avril 2014:
Lee Bae à la Fondation Fernet Branca
26 avril 2014 : Giacometti, Marini, Richier, La figure tourmentée
27 avril 2014 : Le Parc Jean-Jacques Rousseau

Le Parc Jean-Jacques Rousseau

Une belle découverte

Parc Jean Jacques Rousseau
Le Parc Jean-Jacques Rousseau est l’un des premiers jardins paysagers et des plus beaux exemples de parc à fabriques du XVIIIe siècle en France. Jardin idéologique par excellence, il a été conçu comme lieu de déambulation du corps et de l’esprit, rendant hommage à toutes les formes d’art comme à la philosophie, et incluant des préoccupations philanthropiques dans un cadre exceptionnel, de jardins sauvages à l’anglaise.
Parc Jean Jacques Rousseau
C’est le Marquis René-Louis de Girardin qui composa autour de son château, des jardins d’un nouveau genre, qu’il se plaisait à nommer des jardins philosophiques.
Admirateur de Rousseau, il s’inspire de la Nouvelle Héloïse, pour y recréer des tableaux issus de l’imaginaire de son auteur. Il y convia Jean Jacques Rousseau.
Malheureusement Rousseau n’y passa  que les  six dernières semaines de sa vie (1778), il y décéda et y fut enterré.
Parc JJ Rouseau l'Ile aux Peupliers
Son séjour marqua profondément le paysage. Son corps est inhumé sur l’île des peupliers, puis malgré le transfert des cendres, 16 ans plus tard au Panthéon, les jardins d’Ermenonville sont devenus au 18e s, un lieu de pèlerinage romantique et littéraire.
Les têtes couronnées d’Europe, n’avaient pas attendu la mort du philosophe, pour admirer les jardins du marquis. Après sa mort rousseauphiles et révolutionnaires y affluèrent.
Le choix du Département de l’Oise de valoriser ce patrimoine l’a engagé à mener une campagne de restauration importante des fabriques et des cheminements, mais aussi à proposer un projet de développement culturel qui lui a valu de voir le parc labellisé Centre culturel de rencontre en 2012.
Parc JJ Rousseau
C’est ainsi que vous pouvez flâner sur le sentier des écrivains, celui des philosophes, explorer la grotte des Naïades, le Dolmen, philosopher devant l’Autel à la Rêverie,
contempler le Temple de la philosophie volontairement inachevé, vous recueillir sur la Tombe du jeune inconnu, vous asseoir sur le Banc de la Reine,  admirer le Jeu d’Arc, et ainsi découvrir les messages livrés par les fabriques. 60 hectares de bonheur champêtre, de réflexion, de sérénité, d’élévation de l’esprit et de l’âme. Des plantes rares poussent et fleurissent dans le parc, surveillées attentivement par le jardinier-paysagiste Vincent Lahache, formé à l’école de Versailles.

Parc JJ Rousseau, la Fritillaria meleagris ou fritillaire pintade
Parc JJ Rousseau, la Fritillaria meleagris ou fritillaire pintade

Ce projet artistique et culturel poursuit l’objectif de rendre lisible l’héritage considérable de ce parc conçu dans l’esprit des Lumières, tant au point de vue patrimonial que pour l’écho qu’il établit dans la vie contemporaine et d’en rendre ainsi lisible les différentes dimensions, à la croisée des arts, de la philosophie et de la nature. Avant de pouvoir déployer pleinement ce projet à l’horizon 2015, le Parc propose un programme culturel qui préfigure ses activités futures, avec un agenda de manifestations et l’association d’artistes de toutes disciplines à ses activités par des résidences et des productions d’œuvres.
Parc JJ Rousseau tombe du jeune inconnu
Jardin pittoresque, livrant à la vue une succession de tableaux paysagers et à la lecture une succession d’extraits poétiques et philosophiques, le parc Jean-Jacques Rousseau est aussi conçu dès le 18ème siècle pour accueillir des spectacles comme des manifestations, tout en valorisant les progrès prônés par les Lumières. La promenade se veut autant celle des sens que celle de l’esprit, en stimulant sensibilité, connaissance, et imaginaire. Avec une vocation nouvelle d’allier création contemporaine à l’héritage historique, le parc propose plusieurs manifestations dans l’année liées aux arts contemporains dans toute leur diversité et leur développement les plus récents. Les résidences d’écrivains et d’artistes viennent enrichir le programme par des productions d’oeuvres inédites qui donnent à lire le jardin sous des angles toujours renouvelés.
Parc JJ RousseauTemple de la Philosophie Moderne
Parc JJ Rousseau Temple de la Philosophie Moderne

Un programme culturel pour la saison artistique 2014 est à consulter sur le site.
www.parc-rousseau.fr/

C’est en « poète et en peintre » que le Marquis de Girardin a conçu les jardins d’Ermenonville au XVIIIème siècle, donnant à lire une conception entièrement renouvelée du paysage. Partisan des idées des Lumières, avec le soutien d’artistes et l’inspiration rousseauiste, le marquis fait l’éloge dans sa création d’une société moderne en parsemant son jardin de fabriques et de citations, faisant du lieu le témoin privilégié de l’engouement du siècle pour tous les domaines de la connaissance. Dédiés à la sensibilité, l’imagination et la connaissance, pleinement connectés à leur environnement, ces jardins offrent, au-delà de la promenade du corps, celle des yeux et de l’esprit. A l’époque contemporaine, le jardin continue d’offrir fidèlement à l’esprit de son créateur, un riche programme ouvert à toutes et tous, consacré aux arts, à la philosophie et aux arts du paysage, et matière à sentir, penser, et réinventer notre monde.
Parc JJ Rousseau, le Tir à l'Arc
Parc JJ Rousseau, le Tir à l’Arc

Pour la saison artistique deux artistes en résidence
Jean-Charles Massera
Célia Houdart

Les activités à ciel ouvert
Le festival des Fabriques
La nuit des étoiles
Informations & réservations
Parc Jean-Jacques Rousseau
1 rue René de Girardin
60950 Ermenonville
Tél. + 33 3 44 10 45 75
Mél. info@parc-rousseau.fr<
Direction : Corinne Charpentier
www.parc-rousseau.fr/
Venir au parc depuis…
• Paris (47 km) > en voiture par l’A1, sortie n°7 (Saint- Witz, Ermenonville, La mer de sable), puis N330, direction Ermenonville, centre. > par le train au départ de la Gare du Nord – arrivée gare du Plessis-Belleville (à 7 km du parc)
• Lille (182 km) > en voiture par l’A1, sortie n°8 (Ermenonville, Senlis, Chantilly, Meaux), puis N330, direction Ermenonville, centre.
• Senlis (14 km) > en voiture par la D1324, puis la N330 au
Tarifs
• Plein tarif : 5 €
• Tarif réduit : 3 € (étudiants, militaire, seniors, demandeurs d’emplois ) • Gratuité : enfants (-18 ans) et personnes handicapées • Groupes : tarif réduit à partir de 15 personnes
• Tarifs billet jumelé : Parc Rousseau + musée abbaye de Chaalis : 10€
• Adhésion annuelle au parc : 20€
Horaires d’ouverture
Du 1er avril au 30 septembre
Tous les jours de 10h à 19h
Du 1er octobre au 31 mars
Tous les jours de 11h à 17h30
(Clôture de la billetterie 45 mn avant la fermeture du Parc)

Giacometti, Marini, Richier, La figure tourmentée

Il ne reste que 2 jours
Jusqu’au 27 avril 2014 au
MUSÉE CANTONAL DES BEAUX-ARTS DE LAUSANNE

Commissaire de l’exposition :
Camille Lévêque-Claudet, conservateur

BA Lausanne

Alors qu’ils prennent leurs distances avec la représentation académique du corps et avec la tradition figurative illusionniste, Giacometti, (1901 Borgonovo -1966 Coire ) Marini (1901, Pistoia -1980, Viareggio)  et Richier (1902, Grans FR – 1959, Montpellier) réfléchissent à des modes nouveaux de figuration, pour exprimer et rendre leur vision de l’être humain.
Le Suisse Alberto Giacometti, l’Italien Marino Marini et la Française Germaine Richier débutent leur cursus académique dans leur pays respectif avant d’être attirés – comme de nombreux artistes – par Paris qui, dans l’entre-deux-guerres, conserve encore son statut de capitale intellectuelle et artistique mondiale. De leurs années d’apprentissage jusqu’à celles de leurs dernières créations, aussi bien dans le domaine de la sculpture que dans ceux des arts graphiques et de la peinture, la figure demeure l’objet principal de leurs recherches. Modeler têtes et corps est pour eux source de préoccupations et de difficultés. Pourtant, dans un contexte dominé par l’abstraction – dont ils auraient pu emprunter la voie –, Giacometti, Marini et Richier vont persister dans leur refus de renoncer à la figuration.

L’exposition souhaite montrer, à partir d’exemples choisis dans la production sculptée de chacun des artistes, comment Giacometti, Marini et Richier, confrontés à l’impossibilité de persévérer dans une représentation traditionnelle de la figure, proposent de
«nouvelles images de l’homme».

Alberto Giacometti, La Cage (première version), 1949-1950, bronze, 90,6 × 37,6 × 34,3 cm. Riehen/Basel, Fondation Beyeler. Épreuve Fondation Ernst Beyeler. © Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich Photo: Robert Bayer, Basel
Alberto Giacometti, La Cage (première version), 1949-1950, bronze,
90,6 × 37,6 × 34,3 cm. Riehen/Basel, Fondation Beyeler.
Épreuve Fondation Ernst Beyeler.
© Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Robert Bayer, Basel

Pour restituer l’espace créé entre son oeil et ce qu’il voit, Alberto Giacometti positionne ses têtes et ses figures sur des socles surdimensionnés ou superposés, puis sur des plateaux ou dans des cages. L’artiste associe ici figure et tête dans un rapport d’échelle nouveau, faisant fi de la perspective traditionnelle. S’il fait coexister les personnages dans un même espace, ceux-ci semblent cependant s’ignorer, spatiale interrogation du rapport entre les êtres.

Ces images, ils les modèlent dans la terre ou dans le plâtre, à partir des formes et des genres classiques de la tête, du buste, de la figure en pied et, dans le cas de Marini, du portrait équestre. De l’Homme qui chavire d’Alberto Giacometti au Cri de Marino Marini, en passant par l’Orage de Germaine Richier, l’exposition présente les réponses que les trois artistes ont pu proposer aux questions de la perception du corps, de l’expression de l’échelle, de la traduction du mouvement, ou encore du rapport entre les figures et l’espace.

 

À une époque où domine l’esthétique du lisse, l’emploi de formes arrondies, et parfois transparentes, cette exposition invite à réévaluer leurs propositions plastiques et à faire expérience du combat qu’ils mènent avec la matière, une matière repoussée ou arrachée, qui conserve l’empreinte du doigt ou de l’outil.
Giacometti, Marini, Richier. La figure tourmentée est l’occasion de voir réunies à Lausanne 70 sculptures et oeuvres graphiques de ces trois artistes d’importance internationale, en provenance de prestigieuses collections publiques et privées, suisses et européennes.
Giacometti, Marini et Richier ne peuvent plus représenter l’homme comme le firent leurs prédécesseurs. L’enseignement de Bourdelle, les recherches des avant-gardes auxquelles il s’est essayé, ne permettent pas à Giacometti de restituer dans la matière ce qu’il voit.
Les certitudes de Marini et de Richier sont ébranlées par l’anéantissement de l’image de l’homme après le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale. Comment, dorénavant, représenter l’homme «que je vois» ?
Telle est la question posée par ces trois artistes à travers leurs oeuvres où se lisent tâtonnements, recherches et expérimentations, rarement en abandonnant la figuration et presque toujours à partir des formes traditionnelles de la sculpture. L’abstraction ne pouvait être pour eux la solution.
Giacometti en avait fait l’expérience et en avait perçu les limites. Marini et Richier ont mené quelques tentatives de géométrisation des formes frôlant l’abstraction, mais ils ne s’aventurent pas dans une voie aussi radicale. Pour la première, le modèle est trop important pour qu’elle puisse y renoncer; quant au second, concevant son art comme lié au monde contemporain, il ne peut se passer des corps et des têtes dans lequel celui-ci se reflète. La quête de Giacometti est plastique: sa figure naît du rapport entre son oeil, sa main et l’espace dans lequel elle lui apparaît.

Alberto Giacometti, Femme de Venise V, 1956, bronze, 110 × 13,5 × 31 cm. Wuppertal, Von der Heydt-Museum. Épreuve 6/6. © Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Von der Heydt-Museum Wuppertal
Alberto Giacometti, Femme de Venise V, 1956, bronze,
110 × 13,5 × 31 cm. Wuppertal, Von der Heydt-Museum.
Épreuve 6/6.
© Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Von der Heydt-Museum Wuppertal

À l’occasion de la XVIIIe Biennale de Venise, Alberto Giacometti crée une série de figures féminines élancées et frontales, selon un prototype mis en place dans la seconde moitié des années 1940. À la fois épaisses vues de face et fines vues de profil, poussées vers l’avant par leurs pieds triangulaires et aussi tirées vers le haut, dans un équilibre précaire, elles semblent le jouet de forces contraires.

Celle de Marini et Richier est philosophique: ils fouillent la matière pour trouver l’essence de l’homme.
Que voit notre oeil de spectateur ? Un être hybride, une tête minuscule, une figure élancée, un corps tourmenté, des traits déchirés: un homme dont l’essence, l’identité, la matérialité, la taille et la place dans l’espace sont repensés.

Germaine Richier, La Fourmi, 1953, bronze, 99 × 88 × 66 cm. Musée de Grenoble. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Musée de Grenoble
Germaine Richier, La Fourmi, 1953, bronze, 99 × 88 × 66 cm.
Musée de Grenoble.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Musée de Grenoble

Pour donner vie et réalité à l’espace compris entre les extrémités et les articulations de certaines de ses sculptures, Germaine Richer a imaginé un système de fils qui les relient. Ces fils soulignent le mouvement et le retiennent tout à la fois. Surtout, ils invitent le spectateur à prendre conscience de l’espace qu’ils balisent.

Pendant leur formation académique et auprès du maître à l’atelier, les trois artistes copient et modèlent le corps humain d’après nature. Germaine Richier introduit dans son travail des notes discordantes, notamment par un traitement irrégulier des surfaces dans des oeuvres plus proches des nus sculptés d’Edgar Degas que des corps lisses et froids d’Aristide Maillol. Alberto Giacometti multiplie les aller-retour entre travail de mémoire et d’après modèle tout en mettant les courants d’avant-garde au service de sa quête: représenter l’homme tel qu’il le voit. L’expression du mouvement est très importante dans les oeuvres de Germaine Richier, notamment dans ses figures hybrides où le mouvement est matérialisé par un savant et original système de fils métalliques. Dans l’oeuvre d’Alberto Giacometti L’homme traversant une place par un matin de soleil, la figure est en mouvement, avançant dans l’espace. Déstabilisé, renversé ou perdant l’équilibre, l’Homme qui chavire est interrompu dans sa marche par la chute. Alors que dans les années 1930 les figures équestres de Marino Marini avancent dans un mouvement sûr et régulier, dans les années de l’après-guerre cavaliers et montures sont inexorablement déstabilisés par le poids des évènements. Alberto Giacometti, Marino Marini et Germaine Richier abandonnent très vite les surfaces lisses et les formes cernées. La belle matière est mise à mal. Comme leurs contemporains Fautrier ou Dubuffet, ils se confrontent physiquement avec les matériaux. Les trois artistes fragmentent le corps.

Germaine Richier, La Mante, 1946, bronze, 158 × 56 × 78 cm. Genève, Galerie Jacques de la Béraudière. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Droits réservés
Germaine Richier, La Mante, 1946, bronze, 158 × 56 × 78 cm.
Genève, Galerie Jacques de la Béraudière.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Droits réservés

Des épaules, un torse et des hanches féminines auxquels s’accrochent des membres terminés par des pattes crochues: l’association et la combinaison des ces éléments fonctionnent d’autant mieux – ou dérangent d’autant plus – qu’individuellement ils existent dans la nature. Dans une situation d’attente, son mouvement retenu, La Mante s’apprête à attaquer.

Alors que chez Richier la fragmentation se fait mutilation violente, chez Marini il s’agit d’une approche plus esthétique, reflet de son intérêt pour les restes archéologiques. Avec le fragment, Giacometti s’engage dans une nouvelle étape de sa quête, lui qui, lorsqu’il est confronté à la vision d’une figure proche, ne peut plus voir simultanément toutes les parties du corps et n’en perçoit plus que les détails. Contrairement aux groupes équestres de Marino Marini et à l’Homme qui chavire d’Alberto Giacometti, L’Orage et L’Ouragane de Germaine Richier sont solidement ancrés dans le socle.

Germaine Richier, L’Orage, 1947-1948, bronze, 190 × 77 × 55 cm. Humlebæk, Louisiana Museum of Modern Art, don de la famille Richier. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Droits réservés
Germaine Richier, L’Orage, 1947-1948, bronze, 190 × 77 × 55 cm.
Humlebæk, Louisiana Museum of Modern Art, don de la famille
Richier.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Droits réservés

Germaine Richier propose ici d’emprunter au rayon des phénomènes météorologiques. La face brute, le visage fendu, le corps écorché, la figure revient-elle, tâtonnante, de toutes les catastrophes naturelles ou sort-elle de la terre dont, de la paume de ses mains, elle puise les forces ?

Toutefois, les jambes des deux êtres semblent bien minces pour supporter des corps aussi massifs, déportés vers l’arrière. Leur équilibre paraît précaire, comme celui des Femme de Venise de Giacometti, figures élancées transperçant l’espace, poussées vers l’avant par leurs pieds triangulaires. Le Jongleur de Marini est, lui, dans une position encore plus instable: son corps, en partie désarticulé, n’est plus retenu que par la pointe de ses pieds. Combien de temps va-t-il encore parvenir à tenir cet équilibre ?
Cette question constitue le fil conducteur entre ces oeuvres.
Pendant la guerre, Germaine Richier est à Zurich, où elle a installé son atelier. Elle continue à travailler sur l’irrégularité de la matière et crée ses premières oeuvres hybrides. Marino Marini ne se réfugie dans le Tessin qu’à la toute fin de l’année 1942, après le bombardement de Milan. En Suisse, le sculpteur multiplie les Pomone en plâtre, qu’il exposera à Bâle en 1944 et à Berne en 1945. C’est très certainement à son ami Marini que Richier emprunte le motif de ses Pomone. Dans les années 1950, Alberto Giacometti dessinera un corps féminin par-dessus une reproduction de l’une des Pomone de l’artiste italien, une figure comme il les voit, fine, élancée, les pieds rapprochés.

En décembre 1941, Alberto Giacometti quitte Paris pour Genève, où il restera jusqu’en septembre 1945. Dans sa chambre-atelier de l’Hôtel de Rive, il travaille à de toutes petites sculptures. Depuis plusieurs années, l’artiste avait tendance à diminuer toujours plus la taille de ses têtes et de ses figures pour retrouver et restituer la distance avec laquelle il les avait observées, une démarche indissociable de sa quête: rendre la réalité de sa vision. Pour voir une figure dans sa totalité, Giacometti ne parvient plus à faire autre chose que se tenir au loin. Trop proche, il ne voit que les détails. Lorsqu’il travaille à un portrait, Alberto Giacometti s’attache à rendre son modèle tel qu’il lui apparaît. Saisir les caractéristiques physiques et psychologiques s’avère un objectif très vite abandonné, car impossible à atteindre.

Marino Marini, Cavaliere [Cavalier], 1953, bronze, 137,5 × 83 × 101 cm. Florence, Museo Marino Marini. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Mauro Magliani
Marino Marini, Cavaliere [Cavalier], 1953, bronze,
137,5 × 83 × 101 cm. Florence, Museo Marino Marini.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Mauro Magliani
Fasciné lors d’un voyage en Allemagne en 1934 par le Cavalier de la cathédrale de Bamberg, Marino Marini fait de la figure équestre l’un de ses thèmes de prédilection. Après la Seconde Guerre mondiale, l’artiste charge cavaliers et montures d’une tension exacerbée jusqu’au déséquilibre et à la chute. Ces images sont l’expression toute personnelle de l’expérience du chaos de la guerre, et de l’absence de foi envers l’avenir.
Marino Marini traque lui aussi la qualité de présence du modèle, et non son apparence extérieure. Toutefois, contrairement à Giacometti, sa démarche s’accompagne de la volonté de pénétrer la psychologie de l’individu. Alors que pour Marini le portrait témoigne de son époque, Giacometti dégage ses modèles de toute temporalité. À la différence de Giacometti qui, à force de les sculpter, finit par ne plus reconnaître ses proches, Richier parvient, elle, à rendre le caractère et les traits de son modèle. Pour restituer l’espace entre son oeil et ce qu’il voit, Alberto Giacometti positionne ses sculptures sur des socles imposants, puis sur des plateaux ou dans des cages. Giacometti utilise de telles structures afin de contenir ses formes dans des espaces clairement définis. Au contraire, lorsqu’il supprime ces structures, il laisse la figure s’imposer dans l’espace du spectateur. Chez Germaine Richier, les fonds peints créent un nouvel espace, avec lequel la sculpture interagit de manière différente. C’est une autre proposition faite par l’artiste pour matérialiser l’espace, tout comme l’utilisation de fils métalliques tendus entre les extrémités des membres de ses figures.
Marino Marini, Il Grido [Le Cri], 1962, bronze, 76,8 × 125,3 × 66,5 cm. Pistoia, Fondazione Marino Marini. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Mauro Magliani
Marino Marini, Il Grido [Le Cri], 1962, bronze, 76,8 × 125,3 × 66,5 cm.
Pistoia, Fondazione Marino Marini.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Mauro Magliani
Avec Il Grido, Marino Marini pousse au plus loin la tension entre
l’homme et le cheval. Les corps ne se fondent plus, les formes se
brisent. De ces décombres surgit une figure hybride, un nouveau
centaure, construction précaire de plaques de métal qui viennent
s’entrechoquer.
Les figures équestres de Marino Marini transpercent elles aussi l’espace, créant des lignes dynamiques, métaphores des tensions entre l’homme et la monture. En 1950, Giacometti réunit plusieurs figures sur des plateaux. Elles semblent pouvoir être déplacées comme les pièces d’un jeu d’échec pour créer de nouvelles interactions entre elles et avec l’espace. Richier provoque cette même dynamique interactive quand elle dispose ses formes sur l’espace virtuel d’une table figée dans le bronze. Marino Marini disloque les formes et traite le bronze comme des plaques de métal grossièrement découpées, dont les angles viennent s’entrechoquer. La géométrisation des formes ne relève pas ici d’une simplification esthétisante. Elle traduit la vision cauchemardesque d’un passé dévasté par le conflit, et d’un avenir dans lequel il est devenu difficile pour l’artiste d’avoir foi. Alberto Giacometti dissout quant à lui la forme dans la matière. Il établit un continuum entre une masse de glaise et le visage qui en émerge.
Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne
Palais de Rumine, place de la Riponne 6
CH-1014 Lausanne
Tél.: +41 (0)21 316 34 45 Fax.: +41 (0)21 316 34 46
info.beaux-arts@vd.ch
www.mcba.ch
Horaires
ma-me: 11h-18h je: 11h-20h ve-di: 11h-17h
Vendredi saint: 11h-17h
Lundi de Pâques: 11h-17h
Tarifs
adultes: CHF 10.-
retraités, étudiants, apprentis: CHF 8.-
jeunes jusqu’à 16 ans:
gratuit premier samedi du mois: gratuit