Jusqu’au 22 mai au Jeu de Paume.
Née en 1934 à Lisbonne, où elle vit et travaille, Helena Almeida a achevé un cursus en peinture au département des Beaux-Arts de l’Université de Lisbonne en 1955, exposant régulièrement depuis la fin des années 1960. Dès ses débuts, elle explore et remet en question les formes d’expression traditionnelles, la peinture en particulier, suivant un désir constant d’enfreindre l’espace délimité par le plan pictural.
Peu connue en France, Helena Almeida est considérée comme l’une des plus grandes artistes contemporaines portugaises. Sa longue carrière lui a permis de s’imposer comme l’une des figures majeures de la performance et de l’art conceptuel dès les années 1970, notamment par des participations aux grandes manifestations internationales telles que les Biennales de Venise de 1982 et de 2005.
L’exposition « Corpus » présente un ensemble d’œuvres – peinture, photographie, vidéo et dessin – réalisées par l’artiste des années 1960 à nos jours dans lesquelles le corps enregistre, occupe et définit l’espace. Elle a une dimension rétrospective, rassemblant les différentes phases du travail de l’artiste, depuis ses premières œuvres datant du milieu des années 1960 jusqu’à ses productions les plus récentes.
Après ses premières oeuvres tridimensionnelles, Helena Almeida trouve dans la photographie un moyen de combattre l’extériorité de la peinture et de faire coïncider sur un même support l’être et le faire : « comme si je ne cessais d’affirmer constamment : ma peinture est mon corps, mon œuvre est mon corps ». Au-delà des lectures poétiques et métaphoriques que ces œuvres peuvent inspirer, elles sont des tentatives d’atténuation des limites des médiums, telles celles de la photographie, de la performance et de la sculpture.
Ces corps deviennent simultanément forme sculpturale et espace, objet et sujet, signifiant et signifié. Le travail d’Helena Almeida est un condensé, un acte soigneusement scénographié et hautement poétique. Les représentations de ces événements montrent également le contexte dans lequel l’artiste s’inscrit. Lors d’interviews, elle réfute que ses images soient des autoportraits. C’est toujours son corps qu’elle représente, mais c’est un corps universel.
Vêtue de noir, Helena Almeida intègre dans ses photos des éléments de son atelier. Elle prend des positions qu’elle a minutieusement chorégraphiées afin de créer des compositions complexes, souvent organisées en série. En 1969, pour la première fois, Helena Almeida se fait photographier par son mari, l‘architecte Artur Rosa, dorénavant lié à son œuvre en tant qu’auteur du registre photographique sous-jacent à cette forme médiatisée d’auto-représentation, qui devient dès lors une caractéristique de son travail.
Contrairement à d’autres artistes contemporains qui ont recours à l’autoportrait et à l’auto-représentation pour mettre en scène des personnages grâce à des décors et des poses élaborées – comme, par exemple, Cindy Sherman –, ici, le point de départ est toujours le corps de l’artiste. À travers la photographie, Helena Almeida crée une forte relation entre la représentation (l’acte de peindre ou de dessiner) et la présentation (de son propre corps en tant que « support » de cet acte). « Le corps concret et physique de l’artiste sera constamment égaré, défiguré, occulté par la tâche qui tantôt le prolonge, tantôt le recouvre, qui entre ou sort (vers ou depuis) l’intérieur de ce corps. »
Les œuvres présentées par Helena Almeida à la Biennale de Venise (en 2005 pour le Portugal) dans l’exposition « Intus », sont des exemples de ses travaux récents, caractérisés par la relation du corps de l’artiste à l’espace (et non plus désormais au dessin ou à la peinture) et par le recours à la photographie (récurrente dans les œuvres composées de séries) pour retracer une performance de l’artiste au sein de l’espace privé de son atelier.
Pourtant, la même question ne cesse d’habiter l’ensemble du travail d’Helena Almeida : comment un corps et le mouvement d’un corps (toujours celui de l’artiste) parviennent-ils à faire œuvre d’art ? L’intransigeance avec laquelle Helena Almeida traite ce sujet fait de son œuvre, comme le dit Isabel Carlos, « l’une des plus radicalement cohérentes de l’art portugais de la seconde moitié du XXe siècle ».
Commissaires : João Ribas et Marta Moreira de Almeida, Fundação de Serralves – Museu de Arte Contemporânea, Porto.
Exposition organisée par Museu de Arte Contemporânea de Serralves, Porto, en collaboration avec le Jeu de Paume et WIELS, Centre d’art contemporain, Bruxelles. Podcast la dispute sur France Culture
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Près de trois ans et demi après le début des travaux, le nouveau bâtiment conçu par le bureau d’architectes bâlois Christ & Gantenbein et le bâtiment principal partiellement rénové ouvraient leurs portes le 14 avril à la presse et ont été inaugurés le week-end du 17 et 18 avril en présence d’Alain Berset, conseiller fédéral et de Guy Morin, président du canton.
Avec le Kunstmuseum Basel | Gegenwart, le Kunstmuseum Baseldispose désormais de trois espaces d’exposition. Le bureau d’architectes bâlois Christ & Gantenbein élu par voie de concours, parmi 200 architectes dont 5 détenteurs du prestigieux Pritzker Preis dont Zaha Hadid (+) et Jean Nouvel auxquels il faut ajouter le projet de l’artiste chinois Ai WeiWei, est l’auteur de cette réalisation.
La grande exposition Sculpture on the Move 1946-2016 ainsi que l’exposition Barnett Newman – Dessins et gravures ouvraient leurs portes et étaient en accès libre.
Espace d’exposition répondant aux standards les plus exigeants en matière de présentation d’oeuvres d’art, le nouveau bâtiment accueillera des expositions temporaires. Il offre davantage de surface d’exposition à la célèbre collection du Kunstmuseum Basel qui ne cesse de croître. Les trois espaces réunis représentent près de 10 000 mètres carrés de surface d’exposition. Grâce au nouveau bâtiment, la ville de Bâle s’enrichit également d’une nouvelle attraction culturelle et architecturale.
Le bâtiment principal, partiellement rénové après environ 13 mois de travaux, est désormais doté de nouveaux espaces pour la librairie et l’atelier de médiation artistique, ainsi que d’un passage souterrain qui le relie au nouveau bâtiment.
Sa forme est un hommage à Malewitsch, universelle et hors du temps.
Un musée, 2 bâtiments. C’est un seul espace climatique, les portes restant ouvertes dans la journée. Il accueille des oeuvres de l’art européen du XVe siècle jusqu’à Picasso et Gerhard Richter. Au rez-de-chaussée, les salles en rez-de-jardin mettent à l’honneur l’art suisse avec une majorité d’oeuvres d’artistes bâlois.
Parlons un peu chiffres :
Le budget total des travaux de rénovation et d’agrandissement a été de CHF100 millions dont la moitié a été financée par la Fondation Laurenz de Maja Oeri , héritière des Laboratoires Roche , (dont vous pouvez trouver la généalogie sous le lien) en qualité de principale mécène , l’autre moitié par les fonds publics du Canton de Bâle-Ville. En 2001 , Maja Oeri avait déjà acquis puis offert, pour un million de Frcs CH la parcelle Burghof, sans laquelle l’extension du Kunstmuseum aurait été impossible.
Certains trésors du Kunstmuseum restent cachés au public, à 12 m de fond. Les titres des expositions sont affichés sur la façade en briques grises du Danemark à l’aide d’un bandeau de LED, faite de lumière subtile et d’ombre.
Actuellement « Sculptures on the Move 1946-2016. »
Les parquets de chêne font ressortir la solennité grise, industrielle, glacée des matériaux, acier, zingue pour les rampes d’escalier. Les lourdes portes de séparation entre les espaces muséaux, à l’image de celles d’une salle des coffres de banques suisses, béton, marbre, un langage architectural, nouveau, respectueux du passé et tourné vers l’avenir ( évoquant certains musées américains) créent un dialogue hétérogène entre un conteneur pour l’art et un palais baroque. Quatre étages d’exposition, sur 2 bâtiments, une surface totale de 9645 m2. Les immenses fenêtres s’ouvrant des 8 salles des 1er et 2ème étage, donnent sur la ville en contre-bas. La plus grande salle compte pas moins de 400 m2 de quoi accueillir facilement les immenses sculptures de Richard Serra et Henry Moore.
Le nouveau bâtiment est dédié aux expositions temporaires et à des présentations de la collection avec des oeuvres de 1950 à 1990, notamment issues de l’art américain.
Situé au St. Alban-Rheinweg, à 5 minutes à pied du nouveau bâtiment, le Kunstmuseum Basel | Gegenwart présente essentiellement des oeuvres d’art contemporain de 1990 à nos jours.
La grande exposition temporaire Sculpture on the Move 1946–2016 est organisée dans le cadre de l’inauguration du Kunstmuseum Basel agrandi.
Elle en constitue le contrepoint curatorial, centré sur la discipline artistique de la sculpture depuis la fin de la 2e Guerre mondiale jusqu’à nos jours. La grande exposition organisée à l’occasion de l’inauguration du Kunstmuseum Basel agrandi a pour ambition de montrer l’extraordinaire dynamique par laquelle conception et forme classiques de la sculpture s’engagent dans un processus de transformation, deviennent plus abstraites, se rapprochent des objets banals du quotidien et transgressent leurs limites spatiales ou conceptuelles, mais se constituent aussi de nouvelle manière dans un retour à la tradition figurative. Grâce à des œuvres sélectionnées dans les collections du Kunstmuseum Basel et à des prêts importants en provenance de musées internationaux et de collections privées, l’exposition propose un panorama d’une densité et d’une richesse extraordinaire.
L’exposition commence dans les salles à éclairage zénithal conçues par Christ & Gantenbein Architekten, au deuxième étage du nouveau bâtiment, avec des œuvres tardives des artistes emblématiques du 20e siècle que sont Constantin Brancusi et Alberto Giacometti.
Dans une chronologie envisagée au sens large et à partir de points de vue changeants, sont présentées des œuvres importantes à valeur d’exemplarité, issues des années 40 aux années 70, ainsi de Alexander Calder, Hans Arp, Max Bill, Henry Moore, Louise Bourgeois, Pablo Picasso, Eduardo Chillida, David Smith, Jean Tinguely, Claes Oldenburg, Duane Hanson, John Chamberlain, Donald Judd, Carl Andre, Joseph Beuys, Mario Merz, Bruce Nauman, Eva Hesse, Richard Serra et Robert Smithson.
Le parcours se poursuit au rez-de-chaussée du nouveau bâtiment avec des œuvres sculpturales des années 1980, entre autres de Peter Fischli et David Weiss, Robert Gober, Charles Ray, Mike Kelley, Jeff Koons, Katharina Fritsch, Franz West, et se termine au Museum für Gegenwartskunst par la présentation de démarches artistiques significatives des années 1990 à nos jours, telles que des sculptures de Gabriel Orozco, Matthew Barney, Absalon, Damien Hirst, Danh Vo, Monika Sosnowska et Oscar Tuazon.
Conçue par Bernhard Mendes Bürgi, elle a pour ambition de montrer la puissante dynamique de l’art sculptural par laquelle conception et forme classiques s’engagent dans un processus de transformation et s’éloignent de la représentation de la réalité visible pour atteindre l’abstraction, tout en se rapprochant de la banalité des objets du quotidien, en transgressant leurs limites spatiales ou conceptuelles et en se renouvelant à travers un retour à la tradition figurative. Cette exposition est installée à la fois dans le nouveau bâtiment et dans le Kunstmuseum Basel | Gegenwart.
Situé au sein du bâtiment principal du Kunstmuseum Basel, le Kupferstichkabinett présente l’exposition Barnett Newman – Dessins et gravures, dont la commissaire est Anita Haldemann.
Les portes du Kunstmuseum Basel agrandi ont ouvert aux visiteurs pour la première fois, au mois d’avril, dans le cadre de l’évènement Open House,( l’entrée était gratuite pour les trois espaces d’exposition.)
Ne manquez pas la très belle exposition « Sculptures in the move » qui selon les salles, est un réel plaisir pour les yeux. Si les escaliers grandioses, vous rebutent, sachez qu’il y a des ascenseurs judicieusement aménagés dans les divers bâtiments.
Depuis mardi 19 avril, les musées appliquent leur règlement habituel avec des horaires d’ouverture et des tarifs identiques pour les trois espaces d’exposition.
Découvrez les publications parues à l’occasion de l’inauguration du Kunstmuseum Basel agrandi :
Ouverture
Mar, mer, ven, sam, dim 10–18h
Jeu 10–20h Lundi fermé Chaque jeudi soir, les visiteurs pourront désormais profiter d’une nocturne jusqu’à 20h.
Dimanche gratuit
Le premier dimanche du mois, l’accès à la collection et aux expositions est libre. Cette gratuité n’est cependant pas valable pour les expositions temporaires.
Seydou Keïta, Grand Palais, 31 mars –11 juillet 2016 « J’avais 14 ans, c’étaient mes premières photos et c’était le moment le plus important de ma vie. Depuis lors, c’est un métier que j’ai essayé de faire le mieux possible. J’ai tellement aimé la photographie. »
Seydou Keïta est né à Bamako vers 1921 et ouvre son studio de photographe portraitiste en 1948. Son oncle, qui lui a offert avant-guerre un appareil Kodak Brownie, a déclenché sa vocation. Autodidacte, il bénéficie des conseils de son voisin Mountaga Dembélé, photographe et instituteur malien de l’entre-deux-guerres, et de la fréquentation du magasin-studio photo de Pierre Garnier.
Situé sur la parcelle familiale, son studio se compose de sa pièce de vie d’une vingtaine de mètres carrés et de la cour, attenante, où il réalise le plus grand nombre de ses photographies à la lumière naturelle. Proche de la gare de Bamako et de nombreux lieux d’attraction de la ville, il sait bénéficier du flux de voyageurs de l’Afrique de l’Ouest et séduit très vite la jeunesse urbaine qui devient sa principale clientèle.
La photographie de Seydou Keïta marque en effet la fin de l’époque coloniale et de ses codes de représentation pour ouvrir l’ère d’une photographie africaine qui affirme son identité. Là où les « indigènes » étaient représentés frontalement, en tant qu’échantillons anthropologiques d’une tribu ou d’une catégorie de population, Keïta privilégie les poses de trois-quarts et la diagonale pour magnifier des personnes et non pas des sujets. Ses clients devenant ainsi les modèles actifs de sa démarche artistique. Keïta, qui a réalisé plusieurs milliers de clichés, a inlassablement cherché à donner d’eux la plus belle image et est aujourd’hui considéré comme l’un des grands portraitistes du XXe siècle.
Cette exposition rétrospective présente pour la première fois un important ensemble de tirages argentiques modernes – réalisés de 1993 à 2011, et signés par Keïta – ainsi que des tirages argentiques d’époque. Le parcours est organisé chronologiquement, de 1949 à 1962, date de la fermeture de son studio, en tenant compte des divers fonds en tissu que Keïta utilisait et grâce auxquels il parvenait à dater ses photographies.
« Quelqu’un qui n’a pas fait sa photo avec Seydou Keïta n’a pas fait de photo ! » ; C’est ce qui se disait à Bamako. » Section «Vintages» Les tirages d’époque, également appelés «vintages», présentés dans cette salle, sont réunis pour la première fois dans le cadre d’une exposition. Keïta a réalisé la plupart de ses portraits à la chambre 13×18 et tirait lui-même ses photographies dans son studio, par contact, à l’aide d’un châssis-presse, sans recourir à un agrandisseur.
Bien qu’autodidacte, Keïta s’était néanmoins perfectionné à la technique du tirage auprès de son aîné, Mountaga Dembélé, instituteur photographe, engagé dans l’armée coloniale, qui ouvrit un studio à Bamako après son retour au Soudan français
en 1945. Dembélé avait lui-même été initié à Paris par le professeur Houppé, inventeur du célèbre agrandisseur Imperator, et auteur de l’ouvrage, Les secrets de la photographie dévoilés.
Keïta exposait aux murs de son studio des modèles de portraits de femmes, hommes, enfants, en buste, debout, assis ou allongés, et mettait à disposition divers accessoires, afin d’aider ses clients à choisir une pose. Ses « cartes », comme il les appelait, rencontraient ainsi beaucoup de succès à l’époque. Il lui arrivait exceptionnellement de réaliser des formats plus grands, à la demande de certains clients fortunés, tel ce vintage présenté ici au format 30×40. Keïta conservait et classait minutieusement ses négatifs, mais n’avait pas gardé de tirages
d’époque dans son studio après sa fermeture. Ils ont été retrouvés pour la plupart, abandonnés ou oubliés par des clients, dans l’atelier de son encadreur, qui colorisait aussi, à la demande, les ongles, bijoux et coiffes sur certains portraits féminins. L’absence de précautions particulières dans la conservation d’un grand nombre de ces photographies, exposées au vent, à la poussière, à la chaleur et à l’humidité, explique l’état de certains portraits.
Exposition organisée par la Réunion des musées
nationaux – Grand Palais avec la participation de la Contemporary African Art Collection (CAAC) – The Pigozzi Collection. les citations sont extraites du livre Seydou Keïta de André Magnin et Youssouf Tata Cissé, pour les textes, et de Seydou Keïta pour les photos. Ed. Scalo, Zürich, 1997 France culture la grande table à l’expo (podcast) France Culture la Dispute (podcast)
Chefs-d’oeuvre de Budapest Dürer, Greco, Tiepolo, Manet, Rippl-Rónai
9 mars – 10 juillet 2016 Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard
75006 Paris
Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, le musée des Beaux- Arts de Budapest et la Galerie nationale hongroise.
Alors que le musée des Beaux-Arts de Budapest, le célèbre Szépmüvészeti Múzeum, se lance dans une vaste campagne de rénovation qui l’oblige à fermer ses portes, les chefs-d’oeuvre les plus remarquables qui fondent sa renommée s’exposent au Musée du Luxembourg.
Budapest se distingue par la richesse de ses collections conservées au musée des Beaux-Arts et à la Galerie nationale hongroise, mais aussi par l’originalité de leur histoire commune qui prend racine au XIXe siècle. Leur genèse témoigne de la volonté des pouvoirs publics d’alors de doter la capitale hongroise d’une institution d’envergure internationale qui puisse offrir le meilleur de l’art national et européen, essentiel à la formation et à l’élévation de la population.
Portée par une politique culturelle dynamique et raisonnée, l’idée d’un musée des Beaux-Arts prend forme avec l’acquisition par l’État en 1871 des quelques six-cents chefs d’oeuvre de la collection des princes Esterhazy. Elle se développe par la suite notamment grâce à la générosité de collectionneurs hongrois, désireux de contribuer à l’entreprise en comblant progressivement les lacunes du noyau initial. 1896 marque un tournant décisif : cette année-là, le Parlement décide de faire construire un vaste bâtiment où réunir tous ces trésors alors présentés en divers endroits de la ville. Dans l’histoire de la Hongrie, la création de ce musée coïncide avec un moment d’essor économique et accompagne un âge d’or artistique. Véritable temple des muses élevé à l’orée du grand parc urbain, le nouvel édifice marqué par la référence à l’architecture antique ouvre ses portes en
1906. lI devient rapidement un rendez-vous obligé des habitants de Budapest et une collection parmi les plus prestigieuses d’Europe centrale.
Au-delà de la possibilité de voir à Paris des oeuvres de Dürer, Cranach, Greco, Tiepolo, Goya, Manet, Gauguin, Kokoschka, il s’agit de raconter la singularité du rapport à l’art de cette capitale européenne. Un certain nombre d’oeuvres les plus spectaculaires promettent d’être une découverte totale pour le public français, depuis les sculptures médiévales jusqu’au symbolisme hongrois, puisqu’aux collections du musée des Beaux-Arts se joignent celles de la Galerie nationale hongroise.
L’exposition suit un fil chronologique, mettant parfois en avant les spécificités d’une école (le siècle d’or hollandais tant aimé des Esterhazy), mais développe aussi de façon transversale quelques thèmes qui sont illustrés de façon très originale dans la collection : ainsi peut-on réunir portraits et figures de fantaisie ou scènes de genre, en passant de Hoffmann et Rubens à Messerschmidt, Goya, Füssli et Manet.
La grande peinture religieuse est également évoquée au travers des écoles européennes pour créer des face-à-face riches de sens. Quant au tournant du XXe siècle, entre symbolisme et expressionnisme, le visiteur peut s’en faire une idée nouvelle grâce à la rencontre entre des chefs d’oeuvre hongrois et des oeuvres, tout aussi rarement vues en France, de Rodin, Böcklin, ou Puvis de Chavannes.
Quelque 85 peintures, dessins et sculptures relèvent donc le défi de recréer dans la petite enceinte du Musée du Luxembourg toute la splendeur d’un musée qui ne ressemble à aucun autre et offre une perspective inattendue sur l’art européen.
parcours de l’exposition LA FIN DU MOYEN ÂGE
Aucune date précise ne saurait fixer, de manière pertinente pour toute l’Europe, une fin pour le Moyen Âge.
Tout au plus s’accorde-t-on pour identifier le XVe siècle comme une période charnière où, diversement selon les pays, la Chrétienté s’oriente progressivement vers les Temps modernes. D’un point de vue artistique, le passage du dernier style gothique au langage rationnel de la Renaissance peut apparaître comme une rupture plus franche et un repère commode. Mais dans les faits, la révolution reste bien moins radicale que ne
l’énonce la théorie, et cela même au sein de l’école italienne qui en est le laboratoire au XVe siècle. D’ailleurs, si le Moyen Âge s’achevait vraiment là où frémit la Renaissance, ne faudrait-il pas remonter au début du XIVe siècle, à l’époque de Giotto dont les oeuvres portent déjà en elles les prémices de ce renouveau au fondement de l’art occidental des siècles suivants ?
Cette première section invite d’entrée le visiteur à s’interroger sur ce Moyen Âge tardif et sur ses multiples visages en Europe, depuis les émules de Giotto jusqu’aux premières années du XVIe siècle. Au-delà même de la ferveur pour la Vierge et les saints dont témoignent toutes ces oeuvres d’une même voix, des rapports
et des convergences apparaissent. La place prépondérante donnée à l’art hongrois entend rappeler certains moments forts de son histoire, à commencer par le règne de Sigismond de Luxembourg (1387-1437) qui réunit sous une même couronne la Bohême et la Hongrie et voit la floraison d’un style raffiné, plein de douceur. Le métissage entre gothique tardif et influences italiennes dont témoigne La Présentation de Jésus au Temple par le Maître d’Okolicsnó rappelle encore, vers 1500, le rôle actif joué dans la seconde moitié du XVe siècle par le grand roi humaniste Matthias Corvin (1458-1490) dans l’importation en Hongrie des formes nouvelles de la première Renaissance italienne.
RENAISSANCE GERMANIQUE
Au XVIe siècle, l’Europe centrale est en grande partie formée d’une nébuleuse de petits États réunis sous l’autorité d’un empereur élu par un collège de princes. Les Habsbourg d’Autriche dominent toute la période :
leurs territoires et leur influence ne cessent de s’étendre au-delà même des frontières de l’Empire, depuis l’Espagne jusqu’à la Hongrie. De cette famille sont issus sans discontinuité tous les empereurs du XVIe siècle.
L’époque est marquée par la personnalité de Charles Quint, le grand rival de François Ier. Il tente vainement de lutter contre la Réforme qui a germé au sein de l’Empire et y trouve de nombreux soutiens, dont le duc de Saxe, Frédéric le Sage, protecteur de Luther et de Cranach à Wittemberg.
Dans les contrées situées entre le Rhin et le Danube, une Renaissance originale voit le jour, tendant à s’affranchir des modèles italiens pour explorer la voie nouvelle ouverte par Dürer. Des artistes tels que Cranach et Altdorfer scrutent la figure humaine et la nature pour rendre avec une même précision les visages
et la surface des choses. Dans leurs oeuvres, que l’histoire de l’art a regroupées en une « école du Danube», le paysage, minutieux, foisonnant, expressif et presque romantique, prend une importance nouvelle.
L’humanisme et le mécénat des princes favorisent l’éclosion de foyers et de nouvelles formes d’art dont témoigne avec éclat, à la fin du XVIe siècle, la cour de l’empereur Rodolphe II installée à Prague en 1586.
CINQUECENTO
Au XVe siècle, les territoires du nord de l’Italie, disputés entre la République de Venise et le duché de Milan, se laissent progressivement séduire par les formes nouvelles de la Renaissance toscane. Mais le XVIe siècle, que les Italiens désignent sous le nom de Cinquecento, y voit la naissance de deux écoles profondément
originales.
Tandis que Venise est dominée à la fin du XVe siècle par Giovanni Bellini, dont la leçon est perceptible dans Le Christ mort de Marco Basaiti, Milan accueille en 1482 Léonard de Vinci, le grand génie florentin.
Ses recherches marquent de manière indélébile toute une génération de peintres lombards actifs dans les premières décennies du XVIe siècle, au premier rang desquels Giovanni Antonio Boltraffio et Bernardino Luini.
À Venise, la mort de Bellini en 1516 laisse la place à Titien dont le travail sur la couleur définit une nouvelle ère dans l’art vénitien. Véronèse et Tintoret poursuivent dans son sillage. Les commandes religieuses demeurent pour les peintres une source essentielle de revenu, mais un art profane se développe parallèlement. Des tableaux inspirés de la mythologie répondent aux aspirations des humanistes férus d’Antiquité, mais
fournissent aussi d’excellents prétextes à la représentation de scènes à connotation érotique, très prisées de cette élite cultivée.
Loin d’être imperméables l’une à l’autre, les influences lombarde et vénitienne se rejoignent dans la seconde moitié du XVIe siècle dans une ville comme Bergame, géographiquement très proche de Milan mais politiquement rattachée à Venise. En témoigne une personnalité telle que Giovanni Battista Moroni, l’un des
grands maîtres de l’art du portrait. UN NOUVEL ELAN RELIGIEUX
Au XVIe siècle, la Renaissance suit en Italie la voie du maniérisme. Dans un jeu savant de citations mutuelles, les artistes rivalisent de brio au détriment parfois de la clarté du sujet représenté : le sens de l’histoire se brouille sous la prolifération des motifs et les effets de style. À l’heure où les idées nouvelles de la Réforme se diffusent en Europe, l’irruption de motifs profanes dans l’art sacré émeut une partie du clergé et des
fidèles. Les protestants crient à l’idolâtrie. Attaquée de toutes parts, l’Église catholique se réunit en concile dans la ville de Trente. Il y est question en 1563 de l’image religieuse, de rétablir sa lisibilité, sa décence et sa fonction. Est alors réaffirmé son rôle d’instruction collective et de support de la piété individuelle. Le ton est donné aux artistes de la Chrétienté pour les siècles à venir. Pour répondre à cette volonté nouvelle, Véronèse renoue avec un genre de composition classique, claire et équilibrée. Greco,
parmi les premiers, explore une autre voix : susciter l’empathie du fidèle par l’émotion. La vie des saints et des héros bibliques est érigée en modèle. On recherche les épisodes les plus édifiants, mais aussi les plus à même de toucher la corde sensible du fidèle et de créer une familiarité avec les saints. Un militantisme religieux s’affirme au XVIIe
siècle. Les artistes recherchent désormais l’éloquence et, peu à peu, l’art devient théâtral. Cette évolution se poursuit au XVIIIe siècle et culmine dans les grands retables baroques comme le Saint Jacques de Tiepolo, où la grandeur et l’exaltation ont pris la place du sentiment. L’AGE D’OR HOLLANDAIS
Menées par le prince d’Orange, Guillaume le Taciturne, la Hollande et les provinces du nord des Pays-Bas se sont affranchies de la tutelle des Habsbourg pour former en 1581 la République indépendante des Provinces-Unies. Porté par un incroyable essor économique et démographique, le jeune État traverse au XVIIe siècle un siècle d’or, couronné par une production artistique d’une grande originalité. Aux centres déjà
forts d’une tradition picturale comme Haarlem, s’ajoutent de nouveaux pôles de création autour d’artistes influents tels que Rembrandt à Amsterdam ou Pieter de Hooch à Delft.
Dans ce nouveau pays à majorité protestante, l’art religieux a perdu la place qu’il occupait dans les églises.
Ne pouvant plus compter sur la manne que constituait la production de ces images pieuses, les peintres réinventent leur activité et développent les genres profanes en accord avec les besoins d’une société dominée par la bourgeoisie marchande. Dans l’art occidental, ils deviennent les maîtres incontestés des scènes de la vie quotidienne, des paysages et des natures mortes. Depuis les architectures de Bartholomeus van Bassen jusqu’aux portraits de Frans Hals, en passant par les joyeuses compagnies de Jan Steen, leurs oeuvres semblent former comme une photographie de cette nation où l’on vit dans un véritable « embarras de richesses », passant sans heurt de la fête débridée à l’intimité et à la méditation. L’art des Pays-Bas, nord et sud confondus, représentait, avec 263 numéros, près de la moitié de la galerie Esterházy lorsqu’elle fut ouverte au public en 1812 à Vienne. La fabuleuse collection construite essentiellement par Nicolas II Esterházy illustre la fascination qu’exerça paradoxalement, en pleine époque néoclassique, cette peinture de genre, de paysages et de portraits, appréciée comme un contrepoint nécessaire à la grande peinture d’histoire.
CARACTÈRES
Bien souvent le souvenir que laisse la visite d’un grand musée se cristallise sur quelques visages, sur la rencontre de tel personnage que le génie d’un artiste a rempli de vie et de mystère. Ces figures qui habitent le musée semblent se connaître et se répondre. C’est pourquoi cette section oublie les bornes chronologiques et géographiques pour rassembler une sorte de famille, une façon d’incarner l’atmosphère si particulière qui
se dégage des collections de Budapest. Il ne s’agit pas uniquement de portraits à proprement parler, mais aussi de têtes d’étude ou de scènes de genre qui visent à donner à la figure un degré supplémentaire de vérité.
La confrontation de deux magistrales études d’homme barbu, distantes d’un siècle, éclaire une forme de « recherche fondamentale » et met les méthodes en perspective. Mais ces dialogues, ces regards croisés, créent avant tout un plaisir qui nous rapproche de celui de l’artiste partageant simplement avec ses modèles, présents ou imaginaires, le goût de la vie. On s’amuse de trouver le même regard embué et rêveur dans
le portrait d’Ádám Mányoki par lui-même et celui de la Jeune paysanne à la quenouille de Ceruti ; si l’on rapproche Füssli et Goya, c’est seulement pour imaginer la conversation de ces deux dames dont les portraits sont exactement contemporains, et si intéressants à comparer dans leur mise en page et le jeu graphique de leurs atours sophistiqués.
Goya encore, avec sa Porteuse d’eau, annonce Manet, dont La Maîtresse de Baudelaire, peinte avec la même touche parfaitement libre, présente, outre son air espagnol, le même mélange de fierté et de franchise.
Avec le sourire en moins, qui s’est perdu en chemin entre la jeunesse, la simplicité populaire, et les intrigues parisiennes du Second Empire… LA NOUVELLE PEINTURE
La collection du musée des Beaux-Arts de Budapest comporte une section assez resserrée, mais de très haute qualité, consacrée à l’art français impressionniste et postimpressionniste. Elle a été construite dans l’élan de l’ouverture de 1906, au gré d’une politique volontariste d’acquisitions renforcée par des dons,
comme celui de la nature morte de Cézanne par le baron Hatvany en 1917, juste après l’achat à Berlin, en 1916, du Manet et de L’Estacade de Trouville de Monet. De ce peintre emblématique, un premier tableau
a été acquis en 1912 et un troisième, les Trois bateaux de pêche, suivra en 1945. Cette attention à l’avant garde au début de la vie du nouveau musée est d’autant plus remarquable qu’il poursuit parallèlement une ambition encyclopédique et déploie ses efforts dans tous les domaines. En 1935, le don de la collection de Pál Majovszky fera entrer un ensemble de chefs-d’oeuvre du dessin français du XIXe siècle.
Le modèle français, incontournable pour les artistes de la fin du XIXe siècle, attire de nombreux peintres hongrois dont le plus célèbre, Mihály Munkácsy, réside plusieurs fois à Paris à partir de 1867 et y connaît un grand succès. Rétif à l’impressionnisme, il développe un réalisme expressif qui va d’une dureté spectaculaire,
comme dans le fameux portrait de Liszt, à la plus grande liberté, comme dans l’étude présentée ici, préparatoire à son grand tableau Le Mont-de-piété.
Károly Ferenczy, en revanche, sera considéré comme le « père de l’impressionnisme hongrois ». Il est pourtant lui aussi imprégné de naturalisme, celui de Jules Bastien-Lepage en particulier. Formé à Paris puis à Munich, il incarne la complexité de cette « nouvelle peinture » mêlant diverses expériences, privilégiant les
sujets quotidiens et les jeux de lumière, et préparant la libération totale de la couleur. SYMBOLISME ET MODERNITE
Rattachée à l’Autriche en 1867, la Hongrie traverse une période d’essor économique et artistique qui se poursuit jusqu’au début du XXe siècle. Sa capitale, née de la fusion entre Buda et Pest en 1872, est en pleine expansion. C’est l’époque où les artistes hongrois, dans une soif de renouvellement, s’ouvrent sur l’Europe,
vont se former à Vienne ou à Munich et poussent parfois jusqu’à Paris, attirés par l’effervescence suscitée par la « nouvelle peinture ».
Cette section dédiée au symbolisme et à la modernité témoigne d’une période d’intenses échanges artistiques, durant laquelle l’art hongrois se partage entre le désir de se mesurer au reste de l’Europe et la recherche d’une identité nationale. Elle évoque en filigrane l’admiration de Pál Szinyei Merse pour Arnold Böcklin au début des années 1880, les rapports de János Vaszary avec la Sécession munichoise, l’attirance de József Rippl-Rónai pour les nabis parisiens.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la dislocation de l’Empire austro-hongrois et l’échec du premier gouvernement communiste ouvrent à Budapest une période plus trouble marquée par la diaspora.
Exilés à Vienne ou à Berlin après 1919, les artistes hongrois les plus progressistes poursuivent néanmoins leurs travaux et participent à l’élaboration des grandes avant-gardes du XXe siècle.
commissaires : Laurent Salomé, conservateur en chef du patrimoine et directeur scientifique de la Rmn-Grand Palais ; Cécile Maisonneuve, docteur en histoire de l’art, conseiller scientifique à la Rmn-Grand Palais
scénographe : Jean-Julien Simonot ouverture : tous les jours de
10h à 19h, nocturne le vendredi
jusqu’à 21h30 Fermé le 1er mai
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Oncle Sam, Thomas Nast et Tomi Ungerer.
Une satire politique et sociale de l’Amérique
Du 15 avril à octobre 2016
AuMusée Tomi Ungerer
Centre international de l’Illustration, Strasbourg
Thomas Nast (1840-1902) est considéré comme l’un des pères de la caricature des Etats-Unis. Ce dessinateur allemand, originaire de Landau, s’est rendu célèbre en illustrant pendant de longues années le journal new-yorkais Harper’s Weekly avec des figures qui influencèrent la politique américaine de son époque. Il a entre autres popularisé le personnage de l’Oncle Sam et créé les symboles des partis démocrate et républicain, l’âne et l’éléphant, ainsi que celui de Columbia.
Engagé du côté des unionistes ce qui lui valut l’admiration d’Abraham Lincoln, attentif au sort des minorités, indiens, noirs, Chinois d’Amérique, il devait rapidement trouver son style, d’une grand efficacité visuelle, soutenant la comparaison, du moins en matière de férocité, avec un Gillray ou un Daumier.
Uncle Sam, Personnification des US, plus particulièrement du Gouvernement, l’image de l’Oncle Sam semble remonter à la guerre de 1812, mais continue de faire débat parmi les historiens. En revanche l’apparence qui lui est prêtée dans les images, sous la forme d’un homme grand et mince, à longs cheveux blancs et barbichette, chapeau haut de forme aux couleurs de la bannière étoilée, noeud de papillon rouge, veste queue de pie et pantalon rayé rouge et blanc est entièrement une invention de Thomas Nast, qui a mis au point L’oeuvre pleine d’humour de Thomas Nast a permis de dresser un portrait acerbe de l’Amérique de la seconde moitié du XIXe siècle tant sur le
plan politique que social. Depuis, ces motifs font partie intégrante du répertoire des caricaturistes.
Ses attaques les plus virulentes furent sans doute celles qui visaient le politicien William Tweed dit le Boss, chef corrompu du Tamany hall, parti politique des démocrates new-yorkais. La composition de Nast qui montrait l’intéressé avec à la place de la tête , un simple sac de dollars, eut un effet dévastateur.
Dans les années 1960, ils sont aussi réapparus sous le crayon de Tomi Ungerer pour dresser le portrait critique de la politique et de la société contemporaines de l’Amérique. A peu de 100 ans de distance, Tomi Ungerer se révèle le digne successeur de Thomas Nast.cette typologie au cours des années 1850.
Santa Claus
En l’honneur de l’enfant du pays, la ville de Landau a baptisé son marché de Noël le Thomas-Nast-Nikolausmarkt. Un moyen non seulement de rappeler les origines du dessinateur, né dans cette ville du Palatinat, mais aussi le fait qu’il a contribué à forger l’image de Santa Claus en consacrant au personnage une série de dessins publiés dans le Harper’s Weekly entre 1863 et 1866.
C’est dans cette revue, après l’avoir figuré sous l’aspect d’un colporteur, que Nast a métamorphosé son personnage pour lui donner l’aspect d’une figure paternelle et réconfortante, une homme âgé et débonnaire, joufflu, ventru, chaudement habillé, la pipe aux lèvres, le teint fleuri, les yeux pétillants et la barbe neigeuse au menton.
(texte Martial Guédron, professeur d’histoire de l’art, université de Strasbourg)
Les portraits-charge des présidents côtoient les affiches protestataires contre la guerre du Vietnam et la ségrégation raciale et montrent une liberté de ton rarement atteinte dans le dessin de satire politique. Le personnage de Santa Claus, lui-même, n’a pas été épargné et a fait l’objet d’une série inédite et sulfureuse.
L’exposition présentée au premier étage du musée met en regard 150 exemplaires du Harper’s Weekly provenant d’archives publiques et privées d’Allemagne avec des dessins originaux et des affiches de Tomi Ungerer de la collection du musée.
Avec les prêts de :
Archiv und Museum Landau in der Pfalz Landesbibliothekzentrum Rheinland-Pfalz in Speyer Thomas-Nast-Verein Landau e.V. et le soutien du Goethe-Institut Strasbourg
INFORMATIONS PRATIQUES
Horaires :
du lundi au dimanche de 10h à 18h Fermé le mardi
Tarifs :
6,5 euros / 3,5 euros (réduit)
Lieu : Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration
2, av. de la Marseillaise / tél. 03 68 98 51 53
Tram C depuis la gare centrale visite virtuelle
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Suite à la réouverture du musée Rodin,cette exposition propose une autre forme « d’ouverture » à des approches modernes de la sculpture et de la photographie.
Sur une proposition de Michel Frizot, Entre sculpture et photographie est une invitation à découvrir huit artistes de la fin du XXème siècle ayant pratiqué de front la sculpture et la photographie de manière étroitement imbriquée et même indissociable.
Sans pour cela prétendre au titre de photographe et en se limitant à prendre des clichés de leurs propres oeuvres.
C’est autour de 1965, dans le contexte de l’art conceptuel et du land art naissants, que de jeunes artistes ont bouleversé la notion de sculpture par des interventions sur des sites naturels tout en utilisant systématiquement la photographie pour rendre compte de ces actions de « sculpture » éphémères ou vouées à rester dans un lieu peu accessible. Il en est résulté d’étroites connexions entre sculpture et photographie, et un élargissement considérable des attendus formels et esthétiques de « sculpture » et « photographie ».
Les huit artistes présentés ici appartiennent à cette génération et dans la continuité de cette attitude innovante, ils entretiennent une proximité étroite entre sculpture et photographie, au point de ne pouvoir parfois faire la part de chaque pratique. L’exposition explore diverses voies de l’alliance et de la conjonction entre sculpture et photographie et le parcours s’ouvre, avec Richard Long et Gordon Matta-Clark, sur la conjugaison des deux médiums dès l’instant de la conception de l’oeuvre. Pour Dieter Appelt et Giuseppe Penone, il s’agit de mettre en avant la place du corps humain, ses correspondances primordiales avec la nature, ou un imaginaire commun du corps primitif.
Avec Mac Adams et Markus Raetz, on se situe dans une mise en scène de paradoxes visuels et narratifs, et dans une interrogation suspicieuse sur la « réalité » perçue par le regard. John Chamberlain recherche une continuité formelle, colorée, exubérante, entre les deux pratiques, tandis que Cy Twombly, peu connu pour ses sculptures et ses photographies, ferme le parcours avec d’impressionnantes évocations élaborées avec des moyens très frustes.
Entre sculpture et photographie associe dans le même espace trois propositions : une exposition de sculptures saisissantes, une exposition de photographies qui se dérobent aux standards artistiques, complétées d’une exposition qui développe des connexions inattendues entre les deux médiums.
Au final, ces artistes nous invitent à rompre avec les idées reçues et les acquis esthétiques, et à exercer notre vision pour entrevoir ses enjeux imaginaires, bien au-delà des registres habituels de représentation.
Une exposition réalisée par le musée Rodin sur une proposition de Michel Frizot.
Commissariat : Hélène Pinet, responsable des collections de photographies du musée Rodin Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie Richard Long
Artiste qui a été formé à la sculpture à Londres dans les années 1960, et l’un des initiateurs du land art, Richard Long organise sa création autour de ses longues marches soigneusement préparées, assorties de textes, de cartes et de photographies. La sculpture naît des circonstances de la marche, elle se fait avec des matériaux du lieu, comme par exemple des branches mortes ramassées et assemblées selon une forme géométrique. Cette sculpture éphémère, qui va rester sur le site, est photographiée et c’est finalement cette photographie qui témoigne de l’action de sculpture.
D’autres photographies montrent des assemblages de pierres in situ, des entassements de branchages, en lignes, bandes ou cercles, des traces d’actions dynamiques, avec de l’eau par exemple ou le tassement de l’herbe laissé par un passage répété. L’image tient lieu véritablement de sculpture, et c’est le regardeur qui réactive le geste de l’artiste.
Lors de ses marches, Richard Long a surtout oeuvré avec des pierres, qu’il écarte pour faire apparaître une ligne uniforme, ou qu’il amasse selon différents arrangements dont on repère immédiatement qu’ils sont faits de main d’homme.
Parallèlement, l’artiste a été amené à créer des assemblages similaires en galerie ou pour des expositions, à partir de matériaux qui ne proviennent pas de ses marches et qui sont souvent retaillés. Avec Small Alpine Circle, 1998, fait de pierres des Alpes, Richard Long recherche la rigueur géométrique, la sensation directe du matériau, l’évocation de lieux naturels : « Une sculpture satisfait nos sens en un certain lieu alors qu’une oeuvre photographique (provenant d’un autre lieu) satisfait l’imagination » (Richard Long). Gordon Matta-Clark
Formé à l’architecture à Cornell University, Gordon Matta-Clark, fils de Roberto Matta, est en contact en 1969 avec les artistes de l’Earth Art ou land art qui voulaient sortir la sculpture de la galerie et agir directement sur le terrain en creusant des fossés ou en constituant des amas de matériaux. Intervenant sur des immeubles abandonnés des environs de New York, Matta-Clark découpe avec une scie à chaîne des sections rectangulaires dans les cloisons ou planchers pour ouvrir des perspectives d’une pièce à l’autre, et faire circuler le regard et la lumière (c’est l’action de « cutting »).
Ce faisant, il crée une sculpture architecturale par le creux, par l’évidement, par le négatif mais dans le même temps la découpe extraite de la cloison constitue aussi une sculpture (positive), un objet trouvé, une mise en forme de matériau.
Sauna Cut I, 1971, est un prélèvement de sauna dans un appartement de New York, qui a toutes les particularités d’une sculpture, avec ses deux faces différentes et sa trouée transparente. Matta-Clark réalise systématiquement des photographies (et des films) des étapes de son travail, pour rendre compte de son action in situ. Il fait également des découpes (cutting) de ses négatifs, en fait des tirages et les assemble parfois pour donner une idée spatiale, tridimensionnelle, des circulations qu’il a créées.
Office baroque, Antwerp, 1977, est une de ses dernières interventions qui traverse les étages d’un immeuble par des trouées circulaires qui s’entrecoupent. Giuseppe Penone
Dès ses débuts (1968), l’artiste s’est singularisé par des « actions » sur les arbres où s’établissent les correspondances physiologiques et vitales entre son propre corps et le végétal, qui fondent sa position de sculpteur. Dans Retourner ses propres yeux (1970), le blocage du regard par des lentilles de contact argentées fait « du corps une sculpture, comme un volume fermé » qui ne vit que dans le regard de l’autre. De cette action dérive du reste Pièges de lumière, 1995,
oeuvre d’une forte présence et de signification énigmatique, qui traite en fait de la vision. Le moulage en cristal d’un tronçon d’arbre, posé sur un agrandissement photographique d’un oeil, conduit la lumière comme l’arbre conduit la sève. On retrouve cette métaphore du regard qui se propage dans d’autres oeuvres où des branches sortent des yeux de l’artiste (Regard végétal). Penone travaille aussi sur les correspondances entre la photographie et l’empreinte, entre le souffle humain et la respiration de l’arbre par les feuilles.
L’équivalence entre le positif et le négatif est fondamental en photographie comme il l’est en sculpture pour les opérations de moulage : c’est bien de cela que traite ici Géométrie dans les mains, 2005, qui montre, en photographie négative, cet espace complexe contenu entre deux mains croisées, dont par ailleurs Penone a réalisé des moulages en plâtre, qu’il a agrandis en sculpture monumentale comme on le ferait pour une photo… John Chamberlain
L’usage systématique de tôles de carrosseries aux couleurs flamboyantes, découpées, déformées et assemblées par soudure, a fait de John Chamberlain un artiste fantasque, sorti de nulle part, qui ne se réfère à aucun lignage de la sculpture dans l’Amérique de l’expressionnisme abstrait et du pop art, des mouvements que l’on voit pourtant comme les équivalents de son esthétique baroque extravagante. Peu soucieux d’harmonie ou d’équilibre, il laisse libre cours au surgissement de formes inédites et de stridences colorées, considérant qu’il « n’y a pas de mauvaises couleurs ». Les titres des oeuvres font preuve d’humour ou dévoilent son goût pour la poésie, à l’instar de Creeley’s Lookout, 1979, (Sentinelle de Creeley) en hommage au poète Robert Creeley et à ses techniques d’écriture spontanée.
À partir de 1977, Chamberlain commence à prendre des photographies avec un appareil panoramique Widelux à objectif tournant dont l’utilisation sur un mode spontané et intuitif, à contre-emploi, laisse une large place au hasard. Il ne regarde pas dans le viseur, c’est le geste du bras qui joue un rôle primordial et ce mouvement provoque des distorsions, des étirements et des dissolutions de formes, des imbrications de couleurs éclatantes (Studio, 1994) dont on saisit d’emblée les résonances avec ses sculptures.
Mac Adams, venu à la photographie en 1971 pour documenter des essais de sculptures éphémères, se définit malicieusement comme « un sculpteur à qui il arrive d’utiliser la photographie ». Mais il est de fait un adepte de l’art narratif, c’est-à-dire qu’il construit des récits avec des images, dans un univers inspiré par le roman policier et le cinéma.
Il imagine des diptyques photographiques, Mysteries Series (1973-1980)
qui articulent deux images apparemment indépendantes, représentant deux moments (l’avant et l’après) d’un épisode tragique. Chaque image met en scène des pièces à conviction repérables qui constituent de fait des agencements sculpturaux jouant des effets de statisme, de lumière et d’équilibre. Il revient au regardeur de meubler l’entre-deux des images, au gré de son imagination. La série Still Life (1977) éparpille les indices dans les trois dimensions par de savants jeux de miroir.
Exploitant la part de mystère des ombres, les Shadow-Sculptures (1985) sont des assemblages volontairement hétéroclites d’objets placés dans l’espace ; ils sont conçus pour être éclairés par une source lumineuse à la verticale qui projette de manière inattendue une ombre homogène sur un plan, une ombre qui fait apparaître une forme animale – ici, un lapin – sans lien avec les objets qui en sont la cause. La sculpture entre à son tour dans la fiction narrative et se nourrit des propriétés de la photographie faite d’ombre et de lumière. Dieter Appelt
Musicien, chanteur d’opéra, dessinateur, photographe, sculpteur, Dieter Appelt se situe volontiers à la croisée indécise de ces pratiques. Il réalise en 1976 des actions avec et sur son propre corps, dénudé, maculé de terre séchée, comme entre vie et mort, ou régressant dans un temps immémorial. Il se met ainsi en situation dans des constructions de branchages assemblés par des bandelettes de lin (La tour-oeil ; Objet-membrane, structure rituelle sur pilotis) déclinées plus tard en sculptures (Transmission). Grand lecteur de Ezra Pound, il cherche des équivalences plastiques de ses expérimentations sur le langage, sur les images mentales.
La série Ezra Pound est une évocation poétique en même temps qu’une performance en hommage au poète, conduite sur les lieux où il a vécu, à Venise et à Rappalo. La photographie présentée ici est faite dans la chambre de Pound, mais elle est transformée en vue négative, ce qui donne un aspect fantomatique aux choses présentes, moitié-sculptures, moitié-ombres vaguement identifiables.
Ses sculptures sont souvent réalisées pour entrer dans un protocole d’action, qui donne lieu à des photographies. Krone n°4 (Couronne) est une forme reprise d’une action antérieure où Appelt, nu, arborait seulement une couronne de feuille de maïs comme dans un rituel de civilisation primitive.
L’objet est transposé en bois recouvert de bandes de gaze et rappelle quelque chose d’archaïque, destiné à être posé sur un crâne, mais qui serait passé par des étapes technologiques. Les photographies de Appelt sont conçues comme des concrétions de lumière et de temps, des états de conscience indiscernables, « entre perspective visuelle et prise de conscience poétique » et à l’inverse, ses sculptures sont le déploiement de stratifications imaginaires et de souvenirs. Markus Raetz
Depuis 1970, Markus Raetz nous propose à travers une pratique très personnelle du dessin, de la gravure, de la photographie et de la sculpture, des objets de leurre se jouant de notre perception visuelle, de ses insuffisances ou de ses paradoxes. Il exploite poétiquement les incertitudes du regard et du langage, il cultive l’ambivalence des relations, dans l’espace, entre le regardeur que nous sommes et la figure qu’il saisit photographiquement ou qu’il fabrique. Avec des vues séquentielles d’une figurine de pâte à modeler, Cercle de polaroids, 1981 simule le cheminement d’un marcheur le long d’un cercle, hors de toute échelle. Avec Hecht, 1982, il donne l’impression d’un jeu de miroir sur une photo d’un homme en profil de dos, alors qu’il s’agit de deux photographies.
Dans ses recherches sur les illusions perspectives et les ambiguïtés de la perception, Markus Raetz conçoit des volumes – des sculptures, de fait – qui ne prennent sens que sous un certain angle faisant apparaître une figure déterminée, par exemple un buste d’homme à chapeau ; mais si vous tournez d’un quart de tour, vous percevez tout à coup une autre forme, celle d’un lièvre. C’est ce qui se produit dans Metamorphose II, 1992,
avec toutefois l’aide d’un miroir qui dévoile d’un seul coup d’oeil les deux figures primaires contenues dans la sculpture (cette pièce est aussi un clin d’oeil à l’artiste allemand Joseph Beuys, l’homme au chapeau, et à son lièvre fétiche qu’il présentait dans des performances). La sculpture, pour Raetz, joue de l’espace et des formes comme on joue avec les mots, en usant du double sens. Cy Twombly,
Pour quiconque aura suivi le parcours de peintre et dessinateur de Cy Twombly, habité de frêles graffitis et de messages sibyllins, aucun indice ne permettait de l’imaginer préoccupé par la sculpture ou par la photographie, ce qu’il faisait pourtant en toute discrétion. Les termes d’assemblage et d’hybridation conviennent à ses créations composées d’objets trouvés, de bois de rebut, de papier, de tissu, carton et fleurs artificielles.
Ces combinaisons de formes brutes, liées par du plâtre ou neutralisées par un enduit blanc (parfois tirées en bronze ultérieurement), évoquent comme ses peintures des reliques, des mythes, des objets symboliques ou archéologiques : Winter’s Passage, Louxor, 1985 évoque d’une manière très primitive à la fois un jouet fruste et la barque rituelle des morts en Egypte ; Thermopylae, 1992 est un hommage aux morts de la bataille des Thermopyles).
Cy Twombly n’a d’autre part cessé de photographier, depuis ses débuts à Black Mountain College en 1951, il privilégie le format carré du polaroid couleur, qu’il agrandit ensuite et dont il exploite le léger flou, les couleurs pastel ou parfois saturées. Ses photos rappellent par touches évanescentes les lieux où il habite, son goût pour la sculpture qu’il collectionne, pour les végétaux ou les fleurs rouges (les imposantes pivoines de ses peintures des années 2000).
Ses Tulipes (1985) en plan rapproché, avec leurs couleurs stridentes qui se répandent sont bien éloignées des conventions photographiques ; hors-échelle, elles s’imposent, à l’égal de ses peintures, comme des signes tragiques. 17 juillet 2016 : Entre sculpture et photographie
MUSEE RODIN DE PARIS
77 rue de Varenne
75007 Paris
T. +33 (0)1 44 18 61 10 HORAIRES
ouvert tous les jours de 10h à 17h45, fermé le lundi.
Nocturnes les mercredis jusqu’à 20h45
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« En forêt, tous nos sens sont éveillés, acceptons d’ouvrir notre coeur et d’accueillir nos émotions. » François Carbonnier – Miroir de l’âme
C’est un moment de pur bonheur que de pénétrer dans letemple St Etienne, cette église de la place de la Réunion que les touristes
appellent « cathédrale ». Dès l’entrée vous êtes happés par le gazouillis
des oiseaux, une partition, un concert enchanteur. Il vous faut passer lentement
d’une photographie à l’autre, cheminer de sous-bois en forêts plus touffus, parcourir les saisons, en prenant soin de vous munir du texte qui accompagne l’exposition. François Carbonnier, nous montre la forêt par toutes les saisons, des verts acidulés, des roux chauds, des roses, des mauves, du noir et blanc, des parterres de feuilles, des champignons.
il accompagne chaque prise de vue d’un texte choisi, soit dans la genèse, l’évangile,
ou encore parmi les auteurs qu’il aime.
A travers son travail de photographe, il exprime les valeurs qui lui sont chères :
la liberté, la tolérance, le respect, la justice, le partage et l’amour.
Dans ses forêts à la fois réelles et imaginaires, il évoque des thèmes tels que l’absence, la solitude, la souffrance, la mémoire, le temps, la vie, la dualité.
Pour François Carbonnier l’écologie n’est pas un vain mot.
Prenez le temps de vous imprégner de ses images, posez-vous,
écouter, une paix incroyable vous pénètrera et vous vous sentirez
apaisé, heureux et léger (comme un oiseau).
La musique qui accompagne l’exposition est choisie spécialement
par le photographe. C’est une oeuvre totale, le lieu, les photographies,
l’accrochage et la conception sonore.
L’exposition se termine le 18 avril
Le Centre Pompidou propose une traversée inédite de l’œuvre de l’artiste allemand Anselm Kiefer.Cette rétrospective, la première en France depuis trente ans, invite le visiteur à parcourir toute la carrière de Kiefer, de la fin des années 1960 à aujourd’hui, avec cent cinquante œuvres dont une soixantaine de peintures choisies parmi les chefs-d’œuvre incontournables. L’œuvre de Kiefer invite avec intensité le visiteur à découvrir des univers denses et variés, de la poésie de Celan à la philosophie de Heidegger, des traités scientifiques à l’ésotérisme. Installations et peintures monumentales voisinent avec des œuvres sur papier et des objets à la résonance plus intime.
Jean-Michel Bouhours – Votre dernière exposition rétrospective à Paris remonte à 1984, une exposition conçue en Allemagne et présentée au musée d’art moderne de la Ville de Paris… Anselm Kiefer – Il ne s’agissait pas d’une « rétrospective » parce que j’étais encore trop jeune pour cela.
JMB – L’exposition duCentre Pompidou invite pour la première fois en France à découvrir l’ensemble de votre œuvre. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de cette exposition ?
AK – D’abord, c’est très contraignant de faire une rétrospective parce qu’il faut revoir les anciens tableaux, revenir sur le passé. Je préfère regarder le futur. Mais il y a des surprises : on voit les œuvres différemment après toutes ces années, la vision change, le public aussi. Je deviens moi-même spectateur de tableaux que j’ai peints il y a plus de quarante ans. Mon idée du temps est que plus on retourne vers le passé, plus on va vers le futur. C’est un double mouvement contradictoire qui étire le temps…
JMB – Le principe de l’exposition est, me semble-t-il, un exercice difficile pour vous : sortir les œuvres de l’atelier alors que votre mode opératoire consiste plutôt à les retenir, voire à les enfouir temporairement pour que le temps fasse aussi son travail…
AK – Au contraire, ça m’aide beaucoup. J’aime exposer mes œuvres. Par exemple, à Barjac, j’ai même construit des bâtiments pour exposer mes tableaux. Je trouve absolument nécessaire qu’ils sortent de l’atelier. On peut alors voir ce qui est faux, ce qui est bien.
JMB – Nécessité de la séparation avec l’œuvre, du regard des autres ?
AK – Je dirais même de la collaboration avec les autres.
JMB – Miró avait utilisé l’expression « assassiner la peinture » à un moment où il cherchait à introduire le réel dans sa peinture, sous la forme de minéraux et notamment de sable. Voyez-vous une filiation entre votre travail et ces avant-gardes historiques ?
AK – L’anti-art… À la fin des années 1960, quand j’étudiais à l’académie des beaux-arts de Karlsruhe, j’avais arpenté tous les ateliers pour les inciter à arrêter de peindre ! Parfois, il faut savoir adopter une posture radicale pour pouvoir recommencer.
JMB – Les systèmes hermétiques, l’alchimie ou la Kabbale, leur symbolique des matériaux ont enrichi votre peinture, en introduisant de nouveaux matériaux : le plomb, la cendre, la chimie électrolytique…
AK – Lorsque j’étais étudiant à Fribourg, j’ai utilisé de la nourriture, des pâtes, j’ai collé les pâtes sur la toile avec du vernis à ongles. C’était un peu pervers, n’est-ce pas ? Mais c’était pas mal. J’ai aussi utilisé des lentilles, des œufs… Cela fait très longtemps. J’ai travaillé avec des matériaux non conventionnels bien avant les années 1980. Je ne suis pas un peintre de l’art pour l’art. Je ne fais pas de la peinture pour faire un tableau. La peinture, pour moi, c’est une réflexion, une recherche […] et pas une recherche sur la peinture. J’étais très heureux, par exemple, quand j’ai découvert la mythologie juive à Jérusalem, et en même temps l’alchimie, parce que la Kabbale et l’alchimie se rejoignent… Je voyais enfin une raison de peindre. L’une de mes motivations pour peindre, c’était aussi l’histoire allemande. C’était une recherche sur moi-même, sur ce que je suis, où je suis né, etc. Et puis après j’ai cherché une autre raison parce qu’il me fallait toujours une raison. Je ne peux pas faire une peinture pour que ce soit une peinture. Matisse n’a pas fait de la peinture pour la peinture.
JMB – L’autoportrait est une question qui surgit à deux moments dans votre œuvre. Fin des années 1960, avec la série des « Occupations » et des « Symboles héroïques », vous endossez, vous incarnez ce que vous considérez être votre responsabilité vis-à-vis de l’histoire. Dans les années 1980, non plus « droit dans vos bottes », vous êtes couché dans une posture de yoga dite « du cadavre ». De l’un à l’autre de ces moments, n’est-ce pas toujours le travail du deuil ?
AK – En effet, c’est un travail de deuil mais c’est aussi un travail « dada »… Parce que quand j’ai la main levée, c’est un peu comme Chaplin… Ce n’est pas seulement sérieux, c’est aussi… comment dit-on ?
JMB – De la dérision ?
AK – Oui, une parodie, une satire… En revanche, lorsque je suis allongé dans cette posture de yoga, c’est en lien avec le bouddhisme, avec le sentiment d’être englouti dans la nature qui se reforme. Tu meurs, ton cadavre se dégrade dans la nature et nourrit l’arbre. C’est plus lié à la question des cycles biologiques, de l’histoire du cosmos, oui c’est ça, l’histoire du cosmos.
JMB – Vous êtes récemment revenu à l’histoire allemande avec « Morgenthau Plan », travaux que l’on a vus voilà trois ans à la galerie Gagosian…
AK – C’était une sorte de désespoir parce que j’avais peint des tableaux de fleurs, j’aime tellement les fleurs, des fleurs partout… Mais j’avais des remords et la combinaison avec le « Morgenthau Plan » a donné à l’ensemble une autre tournure, plus cynique. Morgenthau [NDLR : secrétaire d’État américain au Trésor sous la présidence de Franklin Roosevelt, concepteur d’un plan visant à empêcher l’Allemagne de redevenir une puissance militaire après la guerre] voulait que l’Allemagne devienne un État agricole et rien d’autre. C’est un peu le rêve des Verts aujourd’hui : les fleurs, le blé… Il y a du cynisme chez moi à vouloir traiter un épisode effrayant de l’histoire de la fin de la Seconde Guerre mondiale sous la forme d’un hymne à la beauté de la nature.
JMB – Il y a effectivement un fort contraste…
AK – Contraste ? C’est trop…
JMB – …faible ?
AK – Professionnel ! Non, c’est plutôt que j’ai ainsi redonné une raison d’être à des tableaux.
JMB – La question du cycle et du cosmos est fondamentale dans votre œuvre. Vous associez le processus de la création artistique à celui de la destruction et de la ruine…
AK – Oui, le cycle. Pas comme dans le catholicisme ou dans le communisme : il ne s’agit pas d’une ligne qui monte vers le paradis comme ça [geste vers le haut]. Ça c’est une idée eschatologique. Les catholiques ont un paradis, le communisme ça mène au paradis, c’est la fin de l’histoire. Pour moi c’est impossible. Pourquoi la fin quand on ne connaît pas le commencement ? Qu’y avait-il avant le Big Bang ? Plusieurs Big Bang ? On n’en sait rien.
JMB – Dans l’exposition, une salle est consacrée à des vitrines. Vous aviez réalisé certaines d’entre elles à la fin des années 1980 en Allemagne, un ensemble installé aujourd’hui à Höpfingen, l’un de vos anciens ateliers. Sont-elles comme une installation définitive et permanente ?
AK – Oui pour toujours, elles resteront là.
JMB – On ne pouvait donc pas les exposer à Paris ; par conséquent, vous avez décidé de relancer un cycle de création ?
AK – D’abord, je voulais faire un grand corridor avec l’Arsenal [NDLR : l’Arsenal regroupe les éléments, les matériaux stockés par Anselm Kiefer, susceptibles d’être ultérieurement utilisés dans ses œuvres], j’ai mis de l’ordre dans ma collection de choses, d’aquarelles, de toutes sortes de trucs. Cet ordre a mené aux vitrines. J’ai pensé que ce n’était pas bien de montrer l’Arsenal, je ne voulais pas montrer mes outils de cette façon. J’ai préféré utiliser l’ordre de ces collections pour réaliser des vitrines, en sélectionnant des objets qui réagissent l’un avec ou contre l’autre et me donnent des idées.
JMB – La vitrine vient du cabinet d’amateur, la modernité en a beaucoup joué, des surréalistes à Joseph Beuys… Que représente la vitrine dans votre œuvre ? Pourquoi une vitrine plutôt qu’un tableau ?
AK – La vitrine, c’est comme un aperçu.
JMB – Un trait d’esprit, une fulgurance ?
AK – Un court-circuit. Lorsque je me promène dans mon atelier le soir, un peu fatigué, au moment où je ne travaille plus, je ne suis plus dans une logique, mais dans un autre monde : je vois mon atelier, je me promène dans mes cerveaux. Je vois les synapses… La vitrine, c’est un détail ou un Ausschnitt…
JMB – … un prélèvement, un extrait…
AK – … et les synapses se rencontrent. C’est ça, oui.
JMB – Vous avez parlé de l’Arsenal comme d’un enfer, une relégation de rebuts de la société, d’objets éliminés et qui attendent une rédemption…
AK – La rédemption, c’est la découverte. Je découvre une chose, je découvre une autre chose, je les mets ensemble et parfois c’est une réussite parce que ça fonctionne.
JMB – Est-ce à dire qu’elles se chargent de sens ?
AK – Voilà. On a cherché longtemps l’entrée de l’enfer. Certains l’ont cherchée à Naples, au Vésuve, etc. Ils cherchaient vraiment et étaient déçus de ne pas la situer géographiquement. Puis, la science, Newton, tout cela est arrivé, et maintenant on ne cherche plus…
JMB – Dans le Forum, le hall d’entrée du Centre Pompidou, nous montrons une installation proche de ce qui a été édifié à Barjac. Cette œuvre fait penser au cinéma, à une sorte de grande cabine de projection avec ses bandes, ses rubans d’images…
AK – « Steigend, steigend, sinke nieder. » [« En montant, en montant vers les hauteurs, enfonce-toi dans l’abîme »]. Ce titre vient d’une citation de Goethe dans Faust, lorsqu’il descend chez les mères [NDLR : mystérieuses divinités souterraines]. J’ai collé toutes les photos que j’ai faites depuis que je fais des photos sur des rubans de plomb. Comme des films, mais c’est paradoxal parce que la raison d’être d’un film c’est d’être transparent, de laisser passer la lumière pour être projeté. Collées sur le plomb, ces images ne sont plus visionnables, visibles. C’est l’exposition de ma vie parce que ce sont des photos que j’ai prises tout au long de ma vie, des milliers de photos. Et pourtant je les cache, c’est un cache.
JMB – La pièce n’est pas visible de l’extérieur, contrairement au cinéma où justement la transparence du ruban fait que l’image s’échappe, se projette à l’extérieur…
AK – Ce n’est pas une projection, c’est une introspection pourrait-on dire.
Poddcast : Franck Ferrand , Madame de Staël
JMB – D’une manière générale, y a-t-il un dessein, un but eschatologique, une représentation de la fin des temps dans votre œuvre ?
AK – On en trouve des citations : Ragnarök par exemple. Dans les mythes nordiques, Ragnarök c’est la fin du monde. Mais pour moi, il ne s’agit pas de la fin, mais plutôt de cycle. Aujourd’hui, on est inquiet des changements, des animaux qui disparaissent, des bouleversements de la nature. Pourtant, il y a trente millions d’années, une météorite a fait périr les trois quarts des espèces existantes. C’était une perte de presque tout le vivant et cependant une autre évolution commençait, dont nous ignorons encore tant de choses… Un poète autrichien, Adalbert Stifter, décrit les pierres comme si c’était des hommes et les hommes comme si c’était des pierres*. Les pierres peuvent avoir une conscience que nous ne comprenons pas. Un biologiste m’a raconté un jour ses expériences sur les plantes et la musique : dans une serre, à l’aide de haut-parleurs, d’un côté il a fait jouer la musique de Mozart, de l’autre du disco. Les plantes se sont tournées vers Mozart… Cela ne veut pas dire qu’il faut préférer Mozart mais plutôt que les plantes entendent et discernent.
JMB – Le Centre Pompidou a consacré récemment une exposition à l’œuvre de Le Corbusier. Au moment clé où vous vous êtes construit comme artiste, vous avez visité Ronchamp puis passé trois semaines méditatives au monastère de la Tourette…
AK – J’ai vu la chapelle de Ronchamp en Franche-Comté quand j’avais 17 ou 18 ans. Trois ans plus tard, j’ai fait un séjour à la Tourette. Le père du monastère, un dominicain, un intellectuel, était devenu l’ami de Le Corbusier. Il n’était pas un fondamentaliste, il était ouvert et discutait avec Le Corbusier, pourtant athée. Beaucoup de détails dans ce monastère m’ont inspiré. Il y a notamment une terrasse avec un mur si haut que les moines ne voient pas le paysage, ils ne voient que le ciel. […] C’est à la fois spirituel et cynique. Un bâtiment comme Ronchamp est tellement inspirant, beau et radical, jusqu’à l’autoritarisme, une idée presque fasciste. […] Un artiste peut avoir ce type d’idées, comme Le Corbusier qui voulait niveler Paris, mais si ça devient réel, c’est idiot, monstrueux.
JMB – Et vous-même, une fois installé à Barjac, en 1993, introduisez dans votre œuvre ce béton auquel vous a « initié » Le Corbusier ?
AK – Oui. À Barjac, j’ai utilisé le béton pur, brut de décoffrage. Comme pour une sculpture : on fait une âme, un coffrage, on coule le béton là-dedans, puis on le découvre, le processus reste apparent, c’est intéressant. J’ai aussi utilisé des containers comme coffrages, pour créer un mur. J’ai travaillé sans ingénieur, sans architecte, j’ai élevé des bâtiments très hauts. Comme enfant, lorsque je jouais avec les briques des ruines voisines de notre maison. Par exemple, l’amphithéâtre de Barjac, qui est très grand, je voulais même que ça penche un peu… Il n’y avait pas beaucoup de fondations et donc j’anticipais ce mouvement, mais finalement ça se tient très bien. J’ai mis les containers et j’ai commencé, sans fondations, avec un assistant ou deux, d’une manière très primitive.
JMB – Vous faites peu référence aux sciences exactes. Sont-elles trop peu poétiques à vos yeux ?
AK – L’exactitude de la science, c’est toujours une exactitude préliminaire. Les sciences ne sont exactes qu’un certain temps, et à un certain degré de connaissance. Puis, une autre théorie dément la précédente. Mes tableaux, que je laisse exposés là, j’y cherche aussi l’exactitude finale. La science m’inspire beaucoup, même si les sciences sont aujourd’hui très séparées les unes des autres et les scientifiques aussi. Ils ne parviennent pas à articuler les deux systèmes, le macrocosme et le microcosme. Einstein n’y est pas parvenu et a cherché toute sa vie. Nous cherchons une vision complète du monde. Pour cela, il faut une prescience, une grande image.
Note * Adalbert Stifter, Cristal de roche, Pierres multicolores I, 1995 pour la version française, traduit de l’allemand par Bernard Kreiss, éditions Jacqueline Chambon
Commissaire : Mnam/Cci, Jean-Michel Bouhours
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Carambolage (Le Littré) : (ka-ran-bo-la-j’) s. m. : terme du jeu de billard. Coup dans lequel la bille du joueur va toucher deux autres billes. fig. : coup double, ricochet.
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais.
2 mars – 4 juillet 2016
N’avez vous jamais dit ou penser qu’une oeuvre en évoque une autre, sans qu’elle présente un rapport évident à première vue, ou qu’elle soit une incongruité
avec nos réminiscences en histoire de l’art.
Bien que décriée par les imminents connaisseurs en art, j’y ai trouvé, au fur et à mesure
du parcours, beaucoup de plaisir à découvrir les juxtapositions et les liens qui existent entre elles.
Le seul inconvénient c’est que les cartels se trouvent en bout d’allée, et que les visiteurs
y font la queue pour découvrir les auteurs des oeuvres présentées, moins connues, voire inconnues.
Le commissaire, Jean-Hubert Martin souhaitait sortir des sentiers battus de la présentation muséale et permettre au public, de découvrit et de trouver, le « carambolage »entre les oeuvres, leur point d’achoppement.
Il propose une exposition inédite au concept novateur : décloisonner notre approche
traditionnelle de l’art, dépasser les frontières des genres, des époques ou des cultures et parler à l’imaginaire de chacun.
L’exposition offre une traversée de l’art universel à partir d’un point de vue délibérément actuel. Plus de centquatre-vingts oeuvres, toutes époques et toutes cultures confondues, sont regroupées selon leurs affinités formelles ou mentales. Les oeuvres présentées, souvent atypiques, choisies pour leur fort impact visuel, correspondent à des interrogations ou à des choix contemporains, sans tenir compte du contexte d’origine.
Elles sont ordonnées selon une séquence continue, comme dans un film narratif, où chaque oeuvre dépend de la précédente et annonce la suivante.
Dans un parcours laissant place à la pensée visuelle, la pédagogie du sensible et les surprises de l’art, le visiteur déambule parmi les oeuvres de Boucher, Giacometti, Rembrandt, Dürer, Man Ray ou encore Annette Messager.
Les artistes se constituent un bagage de références visuelles puisées dans l’histoire de l’art. Leur choix est libre et ne suit pas les logiques et les catégories de la connaissance. Leurs références peuvent être aussi bien formelles que sémantiques.
Pour Ingres, Picasso et bien d’autres, ce n’est pas tant l’authenticité de
l’oeuvre qui compte que son souvenir, sa présence obsessive et son impact. Beaucoup d’artistes constituent des collections, à l’instar d’André Breton et du rassemblement d’objets hétéroclites qui prennent sens sur le Mur de l’Atelier.
L’oeuvre tire alors une part de sa signification de ce qui l’entoure. D’autres ont donné
corps à des musées imaginaires. Daniel Spoerri a organisé une série d’expositions intitulées, « Musées sentimentaux », dont la première version fut présentée au Centre Pompidou à Paris en 1977. Les objets sont réunis pour leur capacité d’évocation et de suggestion. L’affect l’emporte sur l’esthétique. L’objet devient souvenir vivant pour l’imaginaire collectif.
La question d’un nouvel ordre à trouver, qui ne soit pas celui de l’histoire de l’art et de son inévitable chronologie, préoccupe de plus en plus de conservateurs. Le courant de l’histoire de l’art incarné par Warburg, Gombrich et Baltrusaïtis trouve aujourd’hui un regain d’intérêt et stimule des études et des expositions. La conception transculturelle qu’ils ont de l’art -leur approche large ne s’arrêtant pas à l’art savant et leur usage du comparatisme- sert, autant que l’exemple des artistes, de fondement à la réflexion pour ce projet.
Cette conception décloisonnée de l’assemblage des oeuvres, obéissant à des critères non exclusivement historiques, se retrouve très fréquemment dans les collections privées d’hier et d’aujourd’hui. Le musée y a opposé son ordre spatio-temporel, sauf dans quelques cas où des donateurs ont exigé que leur présentation
soit intégralement préservée, par exemple le Soane Museum à Londres, le Pitt Rivers Museum à Oxford, le musée Condé à Chantilly ou encore le Gardner Museum à Boston. Ces musées connaissent un regain d’intérêt aussi bien auprès du public que des experts. Tous sont sous le charme des surprises que réserve leur présentation à base d’affinités formelles ou mentales.
Cette exposition, affranchie du principe thématique, aborde toutes sortes de sujets qui s’enchaînent selon une logique associative. Il s’agit de la mise en forme et de l’expression d’une pensée visuelle qui constitue le fondement de la création artistique.
Les oeuvres présentées proviennent de prestigieux établissements tels que la Bibliothèque nationale de France, le Centre Pompidou, le musée du Louvre, le musée national des Arts asiatiques – Guimet, le musée du quai Branly ou encore le musée Barbier-Mueller de Genève. Leur rassemblement n’a pas pour but de plonger le spectateur dans l’histoire mais plutôt de lui donner un aperçu des désirs, peurs ou espoirs de l’humanité qui font écho aux siens. Si quelques trouvailles devraient ravir les initiés, l’exposition ambitionne de s’adresser au public le plus large, en particulier à ceux qui n’ont aucune connaissance en histoire de l’art, en suscitant choc, rire et émotion.