Jusqu’au 26 juin 2011, le musée Marmottan Monet organise pour la première fois en France une exposition consacrée à Raoul (1877-1953) et Jean (1888-1964) Dufy : « Raoul et Jean Dufy, complicité et rupture« .
Contrairement à la célèbre réplique des Tontons flingueurs : « Y connais pas Raoul ce mec, Y va avoir des réveils pénibles » (je plagie Paulin Césari)
Dans le cas des frères Dufy c’est Jean le méconnu. Si l’on connaît bien l’oeuvre de Raoul, celle de son frère Jean, peintre lui aussi, l’est moins. Cadet de 11 ans, Jean se forme à la peinture entre 1906 et 1914, encouragé par son frère qui participe alors aux aventures fauve et cubiste. Le bleu est leur couleur préférée, celui de la mer, du ciel, qu’ils déclinent sur tous les tons, avec des effets de transparence, des couleurs vives reflétant la joie de vivre. À partir de 1920, date de ses premières peintures, Jean produit une oeuvre riche et partage avec Raoul des préoccupations artistiques communes. Les frères sont proches et entretiennent une correspondance régulière.
Raoul et Jean développent des parcours parallèles et collaborent peu, à l’exception notable de La Fée électricité (au musée d’Art Moderne de la ville de Paris). C’est ainsi qu’ à la demande de Raoul, qui pour livrer le travail en temps et en heures, se rendant compte que c’est un si gros morceau, qu’il dispose de moins d’un an, que même son fidèle assistant André Robert, ainsi que les petites mains habituelles ne suffisant pas, que Jean participe à l’aventure. Jean abandonne ses tableaux, Il écume les musées et les bibliothèques pour chercher la documentation et trouver les acteurs, réalise des esquisses, aide son frère à construire la maquette, puis à assembler les 250 panneaux qui constituent le chef d’oeuvre.
Ce sera aussi l’objet de leur rupture en 1937. Oeuvre de la discorde, lorsque elle est exposée, c’est une triomphe, Raoul ne prononcera pas un seul mot, pour remercier publiquement son frère.
Chacun d’eux crée une œuvre abondante (environ 2500 pièces), structurée en séries, traitant de thèmes plaisants, rendus par un sens de la couleur auquel on les identifie l’un et l’autre.
Regroupant une centaine de peintures et d’aquarelles, provenant de musées et de collections particulières du monde entier, l’exposition cherche à mettre en évidence les liens qui unissent l’œuvre de Jean à celle de Raoul, comme ce qui les singularise l’une de l’autre.
Esquissant en préambule les périodes fauve et cubiste de Raoul, le parcours
présente ensuite des grands thèmes communs aux deux frères et propose de comparer leur peinture : mer, fenêtres ouvertes et ateliers constituent la première partie du parcours ; puis les thèmes se singularisent à travers deux sections parallèles : à la palette chaude et à la touche vibrante des cirques – Fratellini – peints par Jean
répond la musique évoquée par Raoul, – Hommage à Bach – ;
aux courses et paddocks de Raoul font ensuite face les allées cavalières de Jean ; enfin, les tableaux ayant pour thème Paris et Nice sont consacrés aux oeuvres tardives des deux frères et soulignent une évolution commune vers un style graphique initié par Raoul et subtilement revisité par Jean.
Cette exposition s’inscrit dans le champ des études dédiées à la filiation dans l’art et des manifestations qui lui sont consacrées depuis dix ans. Elle propose une lecture croisée de l’œuvre des deux frères et permet de mieux situer la peinture de Jean Dufy.
Musée Marmottan Monet
2, rue Louis-Boilly
75016 Paris www.marmottan.com
commissaire de l’exposition Marianne Mathieu
images provenant du catalogue dont l’auteur est Jacques Bailly
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Jusqu’au 17 juillet 2011 « oui j’ aime passionnément la vie de mon époque, si animée, si fiévreuse… Ah la vie, c’est peut-être encore plus beau que la peinture » Kees van Dongen
Le Musée d’Art moderne propose de redécouvrir Kees Van Dongen (1877- 1968), artiste fulgurant et déroutant qui trouva à Paris la reconnaissance artistique dans les années 20.
L’exposition restitue les multiples facettes du personnage : peintre hollandais prompt à la caricature et à la dénonciation sociale, artiste d’avant-garde et figure du fauvisme, devenu une des grandes figures de la scène parisienne des années folles. L’exposition reprend et complète l’exposition du Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam (« All eyes on Kees Van Dongen », 18 septembre 2010- 23 janvier 2011).
20 ans après la rétrospective réalisée en collaboration avec le Musée Boijmans (« Van Dongen, le peintre », en 1990), cette exposition centrée sur sa période parisienne témoigne du succès de l’artiste. Les recherches et les expositions récentes sur le personnage, fulgurant dans ses trouvailles et déroutant par la diversité de ses sujets, ont permis de mieux comprendre l’ampleur des découvertes de l’artiste et sa stratégie artistique.
Le titre de l’exposition évoque moins une succession de périodes qu’une superposition de
postures artistiques : hollandais rebelle proche des milieux anarchistes autour de 1895, prompt à la caricature et la dénonciation sociale, artiste d’avant-garde notamment du fauvisme, dans lequel il occupe une place originale et un rôle décisif quant à sa diffusion à l’étranger (Hollande, Allemagne, Russie). Fauve « urbain », Kees Van Dongen se focalise sur le corps féminin, en particulier le visage fardé jusqu’à la déformation par la lumière électrique empruntée à Degas et Toulouse-Lautrec, devenant en quelque sorte sa griffe. Il a puisé dans ses premières années parisiennes, sur la butte Montmartre dans la fréquentation de la faune de vagabonds, chiffonniers, mais aussi dans l’inspiration des prostituées et matelots du quartier rouge, qu’il arpenta à l’âge de 16 ans, durant 4 ans, pendant ses études à l’Académie Royale des Beaux Arts de Rotterdam. Elie Faure le qualifiera de « poète bestial des bijoux et des fards et de la chair profonde où la mort et la cruauté veillent sous l’ombre chaude des aisselles et les blessures du carmin »
Il s’inspire des fêtes foraines et des coulisses des music-halls de la Butte, où il harangue les passants pour qu’ils lui achètent ses toiles.
En 1905, il est accepté pour la 2e fois par le Salon de l’Automne, en compagnie de Matisse, Vlaminck, Derain, Marquet, Valtat qui montrent également des œuvres multicolores. C’est la « cage aux fauves » se désole Louis Vauxcelles dans le Figaro. Les toiles sont bientôt
montrées et appréciées par Vollard, Druet, puis Bernheim et Kanweiler. K VD s’installera au Bateau- Lavoir.
Il est exposé en Allemagne, en Grande Bretagne, puis en Russie. Il voyage en Espagne, au Maroc, en Egypte.
Partout il peint les femmes, son sujet favori, sensuelles, effrontées, désirables, pétillantes de mille feux.
De retour à Paris, il illustre l’un des contes des Mille et Une nuit et peint des nus tout rouges.
Par la couleur, Van Dongen reste l’artificier du fauvisme. Il la régénère lors de ses voyages au début des années 1910 où il réinvente l’Orient. Mais Paris reste le sujet principal de sa peinture : Montmartre – il y rencontre Picasso et Derain – au début du siècle, qui le séduit par la verve populaire et la vie de bohème ; Montparnasse, avant et après la guerre de 1914 dont il est l’un des principaux animateurs, mettant en scène une nouvelle femme à connotation plus érotique.
Et enfin, le Paris des « années folles » que Van Dongen qualifie de « période cocktail », où il se consacre exclusivement à la nouvelle élite parisienne : hommes et femmes de lettres, stars du cinéma et de la scène, aujourd’hui oubliés, annonçant avec quarante ans d’avance l’univers des « beautiful people » d’Andy Warhol.
De la marquise de Casati à la Baronne d’Oettingen en passant par les comtesses de Noailles et de Castellane, toutes les coquettes veulent être croquées par l’artiste à la mode. La pose est outrée, le costume et l’accessoire théâtralisés révélant le factice de ses personnalités qui n’existent qu’à travers leur rôle. Il les séduit, en les représentant minces, cynique « après cela, il ne reste plus qu’à grossir les bijoux » dit-il. Jasmy, directrice d’une maison de couture, parmi ses modèles devient sa seconde épouse.
Il obtient la nationalité française en 1929, lorsque la seconde guerre mondiale éclate, il vit une retraite dorée avec sa 3e épouse à Monaco, non sans avoir participé à 64 ans, au voyage organisé par Goebbels, organisé pour un groupe d’artistes bienveillants vis à vis de l’envahisseur.
Maurice de Vlaminck « K V D ne fera plus que peindre toute la putasserie féminine de l’après guerre …. »
Le succès de Van Dongen qu’on peut comparer à celui d’un Foujita et sa participation aux avant-gardes en font un artiste singulier, qui fascine encore par sa verve et sa liberté.
Malheureusement, flatté par les sollicitations, inconscience due à l’âge ? sa complaisance envers le Reich, ternit son image.
L’exposition présente environ 90 peintures, dessins et un ensemble de céramiques, de 1895 au début des années trente. Conçue par le Musée Boijmans Van Beuningen et organisée en collaboration avec le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, elle a bénéficié de prêts de grandes institutions nationales et internationales et de grandes collections privées.
commissaires de cette rétrospective (Anita Hopmans et Sophie Krebs, avec la participation de Marianne Sarkari) la vidéo
25 mars – 17 juillet 2011
Musée d’Art moderne
de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson
75116 Paris
Tel. 01 53 67 40 00
Images provenant du catalogue
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La Fondation Gianadda a choisi d’ offrir un plaisir rare : celui de découvrir une large sélection d’œuvres appartenant à un collectionneur privé. Par souci de discrétion, celui-ci tient à garder l’anonymat. Mais, soucieux de pédagogie et conscient de la mission éducative des musées et des expositions, il a toujours généreusement accepté de soutenir les manifestations organisées par Léonard Gianadda et il a souvent participé aux expositions organisées à Martigny. Exceptionnellement, et pour la première fois, il a accepté de partager plus largement encore ses trésors et de présenter sa collection au public, le temps d’une présentation qui durera six mois. Une sélection de cent vingt œuvres environ, peintures et dessins, a été faite, de façon à raconter l’évolution de la peinture depuis Jean-Baptiste Corot et Eugène Boudin, jusqu’à nos jours. Au cours de cette période, les avancées esthétiques se sont bousculées à un rythme tel qu’on ne peut la comparer qu’à la renaissance des arts dans la Florence du XVe siècle. Cette effervescence créative correspond parfaitement au goût de notre collectionneur. Il est très sensible aux charmes de la couleur en général, qu’elle soit le fruit d’une observation attentive de la nature ou d’une spéculation artistique purement abstraite. Le visiteur verra ainsi la peinture se libérer progressivement de la représentation du réel et privilégier l’expression d’une vision individuelle, de plus en plus éloignée du motif qui l’a inspirée. L’impressionnisme et le post-impressionnisme ont joué un rôle fondamental dans cette évolution. Ils sont donc particulièrement présents dans ce panorama qui retrace une brève histoire de la peinture du pré-impressionnnisme à nos jours. Les chefs d’œuvre ne manquent pas dans cette collection : Julie au violon peint en 1893 par Berthe Morisot, ainsi que Julie au chat vert, ou encore un fusain d’Edgar Degas, Les Blanchisseuses (vers 1902). Pratiquement jamais vus, il y a, parmi tant d’autres, un remarquable Maurice Denis, Avril, les anémones (1891), à la provenance particulièrement prestigieuse ou l’éblouissant pastel de Sam Szafran, Imprimerie Bellini (1972). L’intérêt d’une collection particulière se définit par sa cohérence et son exhaustivité, mais aussi par les choix qu’elle reflète et qui relèvent des préférences d’un individu. Les axes qui ont été privilégiés ici sont clairs. Si l’impressionnisme est évoqué par une sélection d’œuvres magistrales signées Monet, Renoir, Sisley ou Morisot, le néo-impressionnisme est quant à lui plus largement représenté encore. Parmi les tableaux, un ensemble remarquable d’œuvres peintes par Signac illustre la passion de notre collectionneur pour cet artiste épris de lumière et de couleur. Depuis les tout premiers tableaux « divisés » comme Les balises, Saint-Briac (1890) ou Saint-Tropez. Après l’orage (1895), jusqu’aux œuvres pré-fauves comme L’Arc-en-ciel. Venise (1905), c’est l’ensemble de l’œuvre de Signac qui est évoqué ici. Dans celle de Camille Pissarro, ce sont deux rares exemples de la période néo-impressionniste qui ont été choisis. Mon coup de cœur va immédiatement au « Troupeau de moutons » de Pissarro, avec un bel effet de poussière dans le soleil et « devant la Briqueterie à Eragny », où l’effet de soleil est filtré par les nuages. Quant à Maximilien Luce, il est lui aussi très présent avec une sélection particulièrement pertinente de toiles, comme Le Café (1892) ou l‘éblouissant Port de Saint-Tropez (1893) qui contraste avec la poésie abstraite de Londres, Canon Street (1893), un des nocturnes chers à l’artiste. Parmi les Nabis, remarquons les audaces chromatiques de la somptueuse Marine à Cannes peinte par Bonnard en 1931. Mais c’est Maurice Denis qui est privilégié. Il est en effet très présent, avec une série de tableaux de premier plan. Citons les trois dernières versions du Mystère catholique (1889 et 1890) qui se trouvent encore en mains privées ou Ils virent des fées débarquer sur la plage (vers 1893). Il y a encore un très beau choix de paysages peints par Emile Othon Friesz au cours des années fauves comme Port d’Anvers (1906) ou Bord de mer, Cassis (1907). Car cette période artistique où la couleur est, plus que jamais, privilégiée se devait d’être bien représentée elle aussi. Citons notamment un séduisant Van Dongen, Thé au casino (Deauville) de 1920 , et une vigoureuse marine de Valtat, Les Rochers rouges (1906). La couleur a souvent déterminé le choix du collectionneur : c’est vrai aussi parmi les dessins où elle est loin d’être absente. Le noir et blanc est évidemment à l’honneur avec, notamment, une remarquable feuille au crayon Conté par Charles Angrand, Maternité. Un éblouissant ensemble d’aquarelles peintes par Signac, ou la série des gouaches de Raoul Dufy. Kees Van Dongen n’est pas oublié, avec une rare aquarelle fauve et un ensemble inédit de gouaches peintes en 1947 pour illustrer une édition d’A la recherche du temps perdu. Emil Nolde est là aussi, avec ses paysages quasi abstraits peints à l’aquarelle… Mais, toujours dans le domaine du dessin, la séduction des pastels retient tout particulièrement. Souvent de grands formats, ils sont signés Morisot, Odilon Redon, Denis ou Szafran qui est représenté ici par une impressionnante sélection. Ces feuilles, souvent de très grand format, montrent que la magie colorée du pastel continue d’opérer de nos jours et de retenir les talents les plus affirmés et, plus particulièrment, celui de cet artiste original, cher à la Fondation Pierre Gianadda. Ils montrent aussi que l’art actuel n’est pas oublié dans cette collection. Car les grands noms de la peinture du XXe siècle sont nombreux dans cette présentation qui compte Amedeo Modigliani, Jules Pascin, Marc Chagall, André Masson, Man Ray ou encore Pablo Picasso. Sans oublier Josef Albers dont l’Hommage au carré apparaît ici comme un clin d’œil au point néo-impresionniste. Enfin, si la peinture française ou celle appartenant plus largement à l’Ecole de Paris sont à l’honneur dans cette présentation, l’Europe du Nord, évoquée jusqu’ici par Nolde uniquement, est loin d’être absente. Car la collection compte encore un important ensemble d’œuvres – peintes, dessinées ou gravées – de Lyonel Feininger, représenté ici par un choix d’œuvres peintes et d’aquarelles.
Le commissariat de l’exposition est assuré par Mme Marina Ferretti-Bocquillon. L’exposition est visible jusqu’au 13 juin. Les photos – courtoisie de la Fondation Gianadda
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Derniers jours pour voir à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne une importante exposition consacrée à l’art espagnol à l’aube du XXe siècle. Centrée autour des peintres de la «génération de 1898» issue des turbulences extrêmes traversées par l’Espagne tout
au long du XIXe siècle, l’exposition montre l’évolution que connaissent ces artistes.
Oscillant entre respect des traditions hispaniques et modernité, leurs oeuvres s’inscrivent dans l’élan d’ouverture que connaît alors l’avant-garde espagnole.
Extraordinairement riche et diverse, la production artistique en Espagne à l’aube du XXe siècle reste encore mal connue en dehors de son pays d’origine. Entre la mort de Goya et la période cubiste de Picasso s’étendent pourtant quelques décennies fascinantes, qui voient se former les
prémices de l’art moderne espagnol. Grâce à cette exposition, la Fondation de l’Hermitage propose à ses visiteurs la découverte d’une partie des trésors cachés de l’Espagne, dont beaucoup sont présentés pour la première fois en Suisse.
L’exposition, qui compte une centaine de tableaux, réunit les artistes les plus significatifs de
cette époque (Anglada, Beruete, Casas, Mir, Picasso, Pinazo, Regoyos, Rusiñol, Sorolla, Zuloaga).
Quelques toiles, liste non exhaustives de loin :
Ramon Casas i Carbo est l’un des membres fondateurs du café Els Qautre Gats.
Il s’installe avec Utrillo et Rusinol sur la butte Montmartre, en 1890. Il peint des scènes de la vie nocturne parisienne dont on peut voir son autoportrait dans un miroir. Il a créé également des affiches, participent à de nombreuses expositions, apporte un soutien matériel aux jeunes artistes comme Mir et Nonell, ainsi qu’au jeune Picasso. Il acquiert une grand réputation aux US grâce à l’attention d’un mécène Charles Deering, provoquant une affluence de commande de portraits mondains. Ce qui l’éloigne complètement du modernisme espagnol dès les années 1920.
Joaquin Sorolla y Bastida
Considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands peintres espagnols, il peint plus de 4000 œuvres. Sa correspondance quotidienne avec son épouse, lors des éloignements, témoigne d’un réel épanouissement personnel, pour lequel la peinture était toute sa vie.
Faut-il attribuer au fait qu’il perd ses parents à l’âge de 2 ans, l’importance que prit pour lui sa femme et ses enfants, dans sa peinture et dans sa vie artistique. Les oeuvres où apparaissent ses plus proches sont foule et l’on peut les voir dans cette exposition, émouvantes, touchantes, splendides, dans diverses occupations et attitudes. Les tenues qu’il faisait parvenir à son épouse sont dépeintes dans les diverses toiles, avec une affection tout à fait particulière pour Maria, pour la maternité.
Eliseo Meifren y Roy, après des débuts en médecine, rejoint Rusinol et Casas, Il peint des chanteuses de cabaret et des danseuses des ballets espagnols, tout en se rapprochant des peintres de Barbizon. Il peint des paysages évoluant vers un semi-impressionnisme où la lumière et la couleur priment sur le dessin et les contours.
Picasso peint le Paris du Moulin Rouge et du French Cancan.
Ignacio Zuloaga y Zabaleta, ami de Rodin et de Rilke, il s’inspire du Greco pour ses protraits.
Le relais des Rois d’Arragon à Tarassone est un prêt du Centre Georges Pompidou.
La grande majorité des oeuvres provient de musées publics espagnols (le Prado, le
Musée Sorolla, le Musée Thyssen-Bornemisza, ou encore le Musée des beaux-arts de Valence
et le Musée National d’Art de Catalogne de Barcelone), de même que de collections privées
espagnoles. Quelques tableaux-phares du Musée d’Orsay et du Musée Rodin viennent
compléter cette sélection rigoureuse et de haut niveau.
L’exposition est placée sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi d’Espagne Juan Carlos 1er
et de Madame Micheline Calmy-Rey, Présidente de la Confédération suisse.
Commissariat général : Juliane Cosandier, directrice de la Fondation de l’Hermitage
Très belle exposition qui se termine le 28 mai 2011
images courtoisie Fondation de l’Hermitage Lausanne
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« Je dois peut-être aux fleurs d’avoir été peintre. » Claude Monet
Claude Monet a vécu de 1883 à 1926, soit près de quarante-trois ans, dans sa maison de Giverny. Passionné par le jardinage autant que par les couleurs, il a conçu son jardin de fleurs et son jardin d’eau comme de véritables œuvres. En se promenant dans son jardin et dans sa maison, les visiteurs ressentent toujours l’atmosphère qui régnait chez le maître de l’impressionnisme et s’émerveillent devant les compositions de fleurs et devant les nymphéas qui ont été ses sources d’inspiration les plus fécondes. le peintre-jardinier n’aura de cesse de perfectionner le Clos Normand pour en faire le jardin de ses rêves colorés. « Les travaux de restauration menés par Gérald et Florence Van der Kemp grâce notamment aux mécènes américains ont permis à la maison et aux jardins de Claude Monet de redevenir un lieu d’exception, d’une profonde quiétude et d’un perpétuel enchantement. Chaque année, plus de 400 000 visiteurs viennent du monde entier ressentir cette atmosphère unique. La Fondation Claude Monet, propriété de l’Académie des Beaux Arts, doit rester un lieu vivant. Nos jardiniers travaillent toute l’année pour mettre en valeur les jardins, les « reconstruire » en permanence, en préserver et en renouveler le patrimoine végétal, tout en restant fidèle à la vision du grand peintre. » Hugues R. Gall Membre de l’Institut
Depuis le 26 mars 2008, Hugues R. Gall, membre de l’Académie des Beaux Arts et ancien conseiller d’Etat, est le directeur de la Fondation Claude Monet. Hugues Le Gall était le scénographe de l’exposition Monet au Grand Palais (2010-2011) Initiée par Hugues R. Gall, membre de l’Institut, directeur de la Fondation Claude Monet à Giverny, la reconstitution du salon-atelier dans la maison du peintre a bénéficié du très généreux mécénat de la Versailles Foundation, présidée par Barbara de Portago. Placée sous la direction scientifique de Sylvie Patin, correspondante de l’Académie des Beaux-Arts et auteur de nombreux travaux sur l’impressionnisme, la disposition du salon-atelier se rapproche de celle du temps de Claude Monet. Plusieurs photographies prises en 1920 ont guidé ce travail de reconstitution. L’analyse des clichés et l’étude minutieuse de l’historique des toiles du maître ont permis d’identifier avec précision celles qui étaient présentes alors à Giverny. Une soixantaine de tableaux ont été sélectionnés pour être répliqués (un grand soin a été pris pour mentionner aux visiteurs leur localisation actuelle afin de les inciter à aller voir et revoir les toiles originales de Monet) : ces répliques sont désormais présentées aux cimaises du salon-atelier selon un accrochage dense afin de retrouver l’atmosphère d’antan, dans le souci du grand respect de la vérité historique. Plutôt que d’utiliser des reproductions photographiques de ces œuvres et de perdre ainsi la matière même de la peinture, il a été décidé de confier à la Galerie Troubetzkoyla réalisation de répliques à l’identique de ces tableaux. Chacune d’elles est obtenue selon une technique spécifique. Les pigments photographiques de l’œuvre originale sont imprégnés sur une toile, laquelle est ensuite peinte selon cette empreinte.Ma visite:
Guidée par l’ancien jardinierGilbert Vahé, à la tête d’une équipe de 10 jardiniers, dans le jardin, j’étais subjuguée par son discours et ses explications. A partir du 1er juin, il sera remplacé par le nouveau jardinier, un britannique, James Priest, formé au collège du Lancashire. Pendant 30 ans, son travail a consisté a pénétré l’œuvre du peintre, à comprendre les raisons qui l’ont poussé à choisir, les plantes et fleurs, leurs couleurs, leur disposition, afin d’y apporter la lumière, comme dans les toiles du maître de l’impressionnisme. Sylvie Patin, qui a été la commissaire de l’exposition Monet au Grand Palais, auteur d’ouvrages sur Monet, nous a guidé dans la maison et dans l’atelier de Claude Monet. J’ai mitraillé avec mon appareil photos, la lumière voulue par Monet est tout à fait fabuleuse, selon les endroits où l’on se trouve. D’un côté la palette du peintre pour le clos normand, de l’autre côté le jardin d’eau
avec ses côtés japonisants. La salle à manger de la maison a été reconstituée dans ses moindres détails. Sur les murs jaunes, on peut admirer la collection exceptionnelle d’estampes japonaises. Les meubles peints en jaune étaient alors très modernes pour l’époque. Dans les vitrines, on peut voir la vaisselle en faïence bleue, le service jaune et bleu, que Monet avait fait faire pour les jours de fête. Dans la cuisine aux carreaux bleus de Rouen, l’immense cuisinière aux multiples fourneaux et les ustensiles de cuivre semblent attendre le retour de leurs propriétaires. L’atelier salon a été reconstitué, avec des copies des toiles de l’époque et les estampes japonaises dans les autres pièces. La reconstitution du salon-atelier réutilise quatre-vingt pour cent du mobilier déjà sur place. Sur les photographies prises en 1920, le mobilier est recouvert par un tissu d’ameublement fleuri, tissu très proche du modèle « Nouvelle France » toujours édité par la maison Georges Le Manach . Chaque objet et élément de mobilier figurant sur les photographies ayant été minutieusement scannés, Hubert Le Gall a pu redessiner une méridienne et faire réaliser une lampe en bronze, à l’identique de celle utilisée en 1920. Afin que l’accrochage des « tableaux » soit le plus fidèle à celui du temps de Monet, des cadres de cette époque – au cuivre terni – ont été l’objet de recherches assidues chez les antiquaires. Aussi « peu intrusif » que possible, Hubert Le Gall parle volontiers de son intervention comme d’un « coup d’éclat et de fraîcheur » apporté à ce salon-atelier – lieu d’une intimité retrouvée avec Claude Monet. En fait ce sont des photos, sur lesquelles la peinture avec les bons pigments ont été apposés, disposées d’après ce qu’elle a pu identifier d’après les photos d’archives. Lesplanches explicatives, indiquent les lieux où l’on peut voir les originaux. Sylvie Patin a bien insisté sur la rigueur et la conformité des copies. Un travail d’historienne, car à la base, ce projet de copie même conforme, était contraire à son éthique d’historienne. Des planches sont à la disposition des visiteurs, qui permettent de voir l’accrochage des toiles, telles qu’elles l’étaient à l’époque où Claude Monet y vivait en compagnie d’Alice Hoschede et de leurs enfants. Il y est précisé la dimension, le lieu où l’on peut admirer l’original. Un travail de décryptage, sur la base de photos d’archives a permis à Sylvie Patin de reconstituer, parfois par recoupement l’emplacement, le cadrage ou non des toiles qui garnissaient l’atelier, dont Monet s’entourait et qu’il tenait à la disposition de ses éventuels acheteurs. Camille dans son voile de deuil, Blanche, ses enfants Michel et Jean. les amateurs d’art sont heureux de découvrir la collection d’estampes japonaises de l’artiste. La collection de Claude Monet recense quarante-six estampes de Kitagawa Utamaro (1753-1806), vingt-trois de Katsushika Hokusai (1760-1849) et quarante-huit d’Utagawa Hiroshige (1797-1858), soit cent dix-sept sur les deux cent onze exposées auxquelles s’ajoutent trente-deux numéros en réserve. Au premier étage : les appartements privés, la chambre de Monet, la chambre d’Alice Hoschede, le cabinet de toilette, une minuscule pièce destinée aux travaux de couture.
Un site Internet de la Fondation, très bien documenté, permet de préparer sa visite, avec des billets coupe-fil, ainsi qu’une documentation précise et complète sur les lieux. A ne manquer sous aucun prétexte, du 1 avril 2011 au Mardi 1 novembre 2011. que les lecteurs veuillent m’excuser le logiciel du Monde est trop capricieux depuis quelques temps, pour que les billets aient un aspect correct.
photos de l’auteur grâce à la courtoisie de la Fondation Giverny
photos de Cécile Debise
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au musée des Beaux Arts de Strasbourg, Palais des Rohan
Tous deux membres du FRAME, les musées d’Hartford et de Strasbourg possèdent chacun un élément d’une paire de pendants, c’est-à-dire conçus pour être vus ensemble. Si Ève est conservée à Strasbourg depuis 1936, c’est récemment qu’Hartford s’est enrichi d’Adam. Après une réunion à Hartford dans le cadre de l’exposition Reunited Masterpieces (14 février au 30 mai 2010), c’est au tour de Strasbourg de présenter ces chefs-d’œuvre du maniérisme nordique. Goltzius a représenté Ève juste avant qu’elle ne mange le fruit interdit présent dans sa main droite. Cette œuvre formait sans doute une paire avec une représentation d’Adam. Un panneau sur ce sujet, de mêmes dimensions et montrant également au verso les deux lettres « NN » incisées, apparu le 28 mai 2003 dans une vente aux enchères à Lorient, a été acquis par le Wadsworth Atheneum de Hartford à la fin de l’année 2004. Didier Rykner est le premier à avoir publié ensemble les deux tableaux en 2005 et d’en avoir suggéré une interprétation. Adam et Ève représentés en buste, occupent toute la surface du tableau. Ce cadrage insolite trahit un artiste qui s’est tout particulièrement distingué en tant que graveur et illustrateur. L’Adam de Hartford porte contre son cœur une branche d’aubépine (ou une rose des champs ?). Ses épines et fruits rouges font allusion à la passion du Christ qui est interprété comme le nouvel Adam. L’aubépine, symbole de la Rédemption est confronté à la pomme, symbole du pêché originel. Quelques branches de l’arbre de la connaissance relient les deux pendants à la partie supérieure.
Goltzius se forma à la gravure auprès de Dirck Volckertsz. Coornhert (1522-1590), célèbre artiste et humaniste. Il acquit, dès son installation à Haarlem en 1577, une grande réputation en tant que virtuose du dessin et de la gravure. C’est seulement vers 1600 qu’il commença à peindre des sujets religieux et mythologiques dans un style puissant et monumental, inspiré par la sculpture antique et préfigurant le classicisme de la peinture hollandaise. Goltzius semble aussi s’être inspiré de l’art de la cour de Prague et notamment de Bartholomeus Spranger, en simplifiant toutefois les poses compliquées de ce dernier et en adoucissant ses couleurs acidulées. Goltzius a abordé la figure humaine comme les artistes de la Renaissance, envers lesquels il manifestait une grande admiration. Il fut plus tard également sensible au style clair et vigoureux de Rubens, établi à Anvers après son retour d’Italie en 1608. Dans un premier temps, Goltzius travaille d’après nature, dessinant des nus très audacieux ou encore des paysages réalistes, puis il idéalise et simplifie ses personnages, bien que leurs visages et leurs expressions trahissent toujours cette fidélité au réel.
Goltzius traita à plusieurs reprises le sujet d’Adam et Ève. S’inspirant de la célèbre gravure d’Albrecht Dürer, il réalisa un grand tableau sur ce thème monogrammé et daté de 1608 (aujourd’hui au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg). Cette œuvre offre dans le traitement des visages d’Adam et Ève des similitudes frappantes avec les tableaux de Hartford et de Strasbourg. Citons également un Adam et Ève, signé et daté de 1616, et acquis par la National Gallery de Washington en 1996.
Notice issue de : David Mandrella in Collection du musée des Beaux-Arts. Peinture flamande et hollandaise XVe-XVIIe siècle, Strasbourg, 2009, n°136 (page 204).
Les gravures de Goltzius
Bien avant de se consacrer à la peinture, Hendrick Goltzius s’était spécialisé dans les arts graphiques et tout particulièrement la gravure. Le Cabinet des Estampes et des Dessins de Strasbourg conserve un bel ensemble de ses réalisations, représentatif des différents cycles exécutés par l’artiste au cours de sa carrière, aux Pays-Bas ou durant son séjour en Italie. Cet ensemble est présenté en regard aux deux peintures exceptionnellement réunies à Strasbourg.
Caractéristique de son travail à Haarlem, il faut tout d’abord signaler l’ensemble complet des quatre disgraciés, dits les « culbuteurs », figurant de manière audacieuse quatre personnages précipités dans le vide pour avoir osé défier les dieux (Tantale, Icare, Phaéton et Ixion). Cette série fut réalisée autour de 1588 d’après des peintures de son collaborateur Cornelis van Haarlem (1562-1638). Le traitement hypertrophié des corps nus des malheureux constitue un des traits distinctifs du Maniérisme européen. La profondeur du modelé imprimé aux corps par Goltzius est un véritable tour de force, et cette série participera à l’établissement de la fortune critique de l’artiste.
L’année suivante, et dans une veine toujours aussi dynamique, il réalise un massif et impressionnant Hercule dans son combat contre le fleuve Achéloos. Sous les traits d’un taureau, celui-ci est terrassé par le demi-dieu, et la corne qu’il perd dans sa lutte deviendra selon certaines sources la fameuse corne d’abondance.
Le Cabinet des Estampes et des Dessins compte également deux belles gravures polychromes sur bois ou camaïeux, réalisées entre 1588 et 1590 : Pluton, debout devant son royaume, et Démogorgon, être symbolique créateur du ciel et de la terre, personnifié comme un vieil homme.
Le voyage en Italie à partir de l’automne 1590 est l’occasion pour Goltzius de se confronter aux chefs-d’œuvre de l’Antiquité. La représentation de la sculpture canonique de l’Apollon du Belvédère témoigne ainsi du respect de l’artiste pour l’art de la Rome antique. Deux œuvres illustrent par ailleurs l’importance que le Néerlandais accordait aux artistes de la Renaissance italienne. Goltzius représente ainsi Saint Jérôme en 1596, d’après un tableau du vénitien Jacopo Palma le Vieux (v. 1480-1528).
Enfin, une belle épreuve gravée de La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste est visible dans les collections strasbourgeoises. Cette gravure imitant son contemporain italien Federico Barocci (1533-1612) appartient au cycle dit des « Chefs-d’œuvre », entrepris au retour d’Italie. Ces œuvres pastichent la manière de graveurs tels que Dürer ou Lucas de Leyde avec une telle virtuosité qu’ils ont été pris pour des originaux, et constituent selon tous les spécialistes la quintessence de l’art de Goltzius.
Contrepoint : Adam et Ève au Cabinet des Estampes et des Dessins
Le Cabinet des Estampes et des Dessins, en parallèle à la présentation des deux pendants au Musée des Beaux-Arts, propose dans ses locaux, 5 place du Château, une sélection d’environ vingt œuvres traitant d’Adam et d’Ève selon trois axes, notamment la naissance d’Ève, la tentation et l’expulsion du Paradis (Genèse, chapitres 2 et 3).
Dans les diverses représentations de la naissance d’Ève, la première femme formée à partir d’une côte d’Adam reflète par sa taille la place que lui accorde l’artiste au sein du couple : miniaturisée chez Hans Brosamer (1506 ? – vers 1554), à égalité chez Cranach le Jeune (1515 – 1586) et Étienne Delaune (ca. 1518 – 1583), ou imposante chez Jost Amman (1539 – 1591). Dieu le père, en revanche, est signifié d’autant plus proche de la femme que celle-ci, petite et fragile, appelle la protection du Créateur, tandis que l’homme est plongé dans un profond sommeil, mettant ainsi en évidence la tendre complicité existant entre Dieu et sa créature.
De la magistrale interprétation du couple Adam et Ève que donne Albrecht Dürer en 1504, la collection d’art graphique conserve une belle copie datée de 1566 et due à Johann Wiericx, actif dans la deuxième moitié du XVIe siècle.
Les figures d’Adam et Ève de Dürer, d’autorité, s’imposent comme un homme et une femme dans l’expression la plus parfaite de la beauté humaine. La nudité élégamment assumée, la maîtrise des proportions qui renvoient à l’art classique, d’abord révélé au maître par les gravures d’Andrea Mantegna (ca. 1431 – 1506) et d’Antonio Pollaiuolo (1431/1433 – 1498), puis lors du premier voyage en Italie (automne 1494 –printemps 1495), offrent l’éblouissant résultat de la quête du Nurembergeois à recréer les formes plastiques idéales de l’homme et de la femme. Dürer, contrairement à ses prédécesseurs ou contemporains tels Hans Baldung Grien (1484/85 – 1545), Lucas Cranach… illustre moins « la Chute de l’Homme », dans le registre traditionnel du péché originel, de la tentation charnelle, que deux êtres de liberté qui au seuil de la transgression de l’interdit, se sentent irréversiblement immortels et loin d’une éventuelle altération physique.
Cette proposition époustouflante instaure immédiatement un « avant » et un « après » Dürer. De manière inattendue, deux autres œuvres du maître, La Chute de l’Homme et L’Expulsion du Paradis, issues de la Petite Passion sur bois, suite de trente-sept xylographies que Dürer réalise entre 1509 et 1510, mettent à nouveau l’accent sur la faute originelle ; la complicité charnelle, toutefois, y est assumée par un couple uni, enlacé, et non plus séparé par l’arbre de la Connaissance.
Dans la présente sélection, la gravure de Sebald Beham (1500 – 1550), Adam et Eve chassés du Paradis (1543), révélant une liberté d’interprétation très moderne, est seule susceptible d’offrir un contrepoint à l’impact puissant que dégage le burin de 1504 de Dürer.
Eclairage contemporain : Incarnation, Bill Viola
Bill Viola est né en 1951 à New-York. En 1974, il part pour Florence où il devient technicien dans un grand studio européen de vidéo contemporaine : Art/Tapes/22, situé à deux pas de l’Academia. Ce séjour lui permet de découvrir les œuvres de la Renaissance et de constater la puissance de ces productions passées qui, selon ses propres mots, « imprègnent le corps et l’esprit ». Cette expérience de l’éblouissement sensible invite peu à peu Bill Viola à explorer le médium vidéo dans son lien avec les autres expressions plastiques et notamment la peinture. Si dans ses productions des années 90, il interprète souvent des tableaux précis – en 1995 The Greeting prenait appui sur la Visitation (1528) de Pontormo -, peu à peu, l’artiste approfondit de façon plus subtile les liens entre la peinture et la vidéo, et invite le spectateur à une revisitation des codes symboliques et esthétiques ayant traversé l’histoire de l’art.
Ainsi, dans Incarnation (2008), présentée en regard du diptyque d’Adam et Eve du peintre flamand Hendrick Goltzius, Bill Viola met en scène un homme et une femme aux contours indéfinis, progressivement submergés par une chute d’eau d’où ils émergent lentement à mesure que le flou grisé qui les caractérisait jusqu’alors, laisse place à leur silhouette contrastée et colorée. Bien que la vidéo de Bill Viola n’ait pas été expressément réalisée pour être confrontée aux panneaux de Goltzius, le dialogue qui se crée entre ces œuvres est riche de sens et le thème latent de l’incarnation peut s’interpréter à différents niveaux.
Tout d’abord, au niveau de l’iconographie. Si dans la religion chrétienne, le dogme de l’incarnation recouvre stricto sensu le mystère de Dieu fait homme en Jésus-Christ, la Chute d’Adam et Eve aboutit aussi à une forme d’incarnation : chassés du Paradis, ils perdent leurs corps céleste et sont alors enveloppés par Dieu dans des « vêtements de peau ». Bill Viola porte quant à lui progressivement au visible la figure humaine qui témoigne de sa présence passante dans une transfiguration des spectres gris en des êtres de chair et de sang, clairement définis.
En outre, cette vidéo implique une incarnation esthétique particulière dans le processus de revisitation de la peinture. Elle pose alors les fondements d’une réflexion sur les modalités de ré-incarnation d’une image dans une autre, et permet de créer des images qui auront elles-mêmes sans doute une pérennité et un ascendant sur d’autres créations.
Par ailleurs, la question de l’incarnation touche de façon plus globale celle du rapport au corps et au sensible – question qui ne cesse d’irriguer le travail de Bill Viola dans les liens tissés notamment entre contemplation et émotion. Pour l’artiste, « C’est dans le sensible que réside le mode ultime de connaissance : aujourd’hui, il est nécessaire de réveiller le corps avant l’esprit.» Cette vidéo en travaillant la figuration de façon originale cherche à dépasser le côté illustratif et narratif et tend par là-même à produire, ce que Deleuze nomme la figure c’est-à-dire : « la forme sensible rapportée à la sensation étant donné que c’est le même corps qui la donne et qui la reçoit.» L’amplification sonore de la chute d’eau et le déroulé temporel cyclique d’Incarnation contribuent à immerger le spectateur dans une expérience multi-sensorielle. Chez Bill Viola, qui fait dans ses œuvres le lien poétique entre le physique et le métaphysique, l’humanité et la spiritualité, l’expérience esthétique inclut le spectateur dont il s’agit de déployer les sens, afin qu’il s’engage le plus possible dans l’œuvre présentée.
C’est ainsi que l’on aborde l’ultime stade de l’incarnation telle qu’elle se donne à lire dans le travail de Bill Viola et qui rejoint l’expérience décrite par l’historien de l’art Aby Warburg sous le nom de Nachfühlung. Warburg, en s’intéressant, au début du XXe siècle, aux représentations des nymphes dans l’art, a découvert que cette forme si particulière d’image ne sollicitait pas seulement son regard mais la totalité de son être. Cette implication directe, empathique du corps du spectateur dans le mode d’expression propre de l’œuvre, est le Nachfühlung, l’incorporation.
La relation sublime entre le sensible et le spirituel dans l’œuvre de Bill Viola renouvelle ainsi notre approche de l’histoire de l’art et de son héritage.
« L’art c’est l’amour enveloppé de beauté »
A la Fondation Beyeler, nous pouvons admirer les toiles et dessins de GiovanniSegantini (1858 –1899) né à Arco, au bord du lac de Garde, rattaché à l’Autriche à l’époque, il vécut d’abord à Milan, après le décès de sa mère, chez sa demi-sœur Irène.
Au décès du père Agostino Segatini, cette dernière demande l’annulation de la nationalité autrichienne de Giovanni, sans demander toutefois sa naturalisation italienne. Il restera un sans papier toute sa vie. Il passe un temps dans un établissement d’éducation surveillée de Marchiondi. Puis il regagne Milan où il travaille comme peintre de décoration, tout en prenant des cours du soir, pour réaliser son rêve : être peintre. Appelé Segante par tous il ajouté le n à son patronyme et s’appelle désormais Segantini.
Très vite un critique et marchand d’art Grubicy s’intéresse à lui et sera son principal agent toute sa vie. Il peint un portrait de Léopolidina Grubicy, à la collerette blanche, portrait charmant de grande bourgeoise qui assied immédiatement sa réputation.
Il fait la connaissance de Luigia Bugatti, dit Bice. Il s’installe avec elle à Pusiano dans la Brianza.
Des problèmes financiers, mais surtout le charme bucolique des montagnes de Savognin, incitent le couple à s’installer en 1886 en Suisse, dans les Grisons. Il élabore des motifs à partir de la vie villageoise et alpine de grandes toiles qui représentent les habitants, des paysans de montagne, vaquant à leurs activités, comme dans « Vacche aggiogate » qui lui a valu une médaille d’or à l’exposition universelle de Paris. La haute montagne couverte de neige, mais encore éloignée, ferme l’horizon, par son dos la vache est parfaitement intégrée dans l’horizon. Avec les montagnes les sources sont un des motifs favoris de Segantini : elles jaillissent des Aples comme « une sève vitale » symbolique.
Segantini finit par s’établir avec sa famille dans le village de Maloja, dans l’Engadine, et passe les hivers rigoureux dans le Bergell. Il peint ses immenses tableaux en plein air, à des altitudes de plus en plus élevées. Le légendaire Triptyque des Alpes, que préparent des études de grand format, constitue un sommet de son art. Cette ascension croissante fait accéder Segantini à un domaine où les montagnes lui font l’effet d’un paradis terrestre. Ses derniers mots ont été « voglio vedere le mie montagne » ( je veux voir mes montagnes ).
Giovanni Segantini s’est fait connaître par ses tableaux de montagne et ses représentations de la vie, si proche de la nature, des paysans au milieu de leurs bêtes. Il a découvert dans le divisionnisme une forme d’expression artistique moderne qui lui permettait de rendre le rayonnement particulier des Alpes dans une lumière et des coloris nouveaux.
Son oeuvre inspire la nostalgie d’une expérience de la nature intacte. Cette exposition célèbre en lui un précurseur de la peinture moderne,
La famille ayant négligé de le déclarer à l’état civil, vivant en Italie, cela l’empêcha de voyager pour défaut de passeport, l’exonéra de s’acquitter des impôts sur le revenu, n’ayant pas d’identité reconnue. La nationalité suisse lui a été accordée après à titre posthume.
Papier crayon, papier carton. Son médium justement, c’est le papier, avec le crayon, la craie, le crayon conté, la mine de plomb, de charbon, la craie blanche, noire, de couleurs, le pastel, puis l’huile.
La première salle montre ce que l’on pourrait appeler Segantini avant Segantini, soit des tableaux peints à Milan, au début de sa carrière, avant qu’il ne commence à travailler dans une manière divisionniste, non par points de couleurs pures mais par traits fins juxtaposés. On y voit déjà plusieurs chefs-d’œuvre, comme Effet de lune, fortement inspiré par Millet mais dans une tonalité bien distincte, ou encore cette Oie blanche, qui renvoie à une toile de Soutine, memento mori, une peinture pleine de liberté et d’élan ou à la Pie de Monet pour le quasi monochrome.
Une toile intrigante « La première messe » on y voit un prêtre debout sur un escalier baroque, semblant méditer, éloge de la dévotion ? Son oreille est curieusement aussi torturée que la moulure de la rampe.
L’exposition regroupe environ soixante-dix toiles et de magnifiques dessins datant de toutes les périodes de la création de cet artiste. Son parcours artistique s’ouvre sur des scènes de la vie urbaine et se poursuit par des paysages de lacs de la Brianza, au nord de l’Italie, parmi lesquels la célèbre toile « Ave Maria a trasbordo. » peinte ou dessiné au crayon, avec une voile, ou dans un format différent, rectangle sur papier à la craie. Un famille silencieuse, assoupie même, traverse le lago di Pusiano, seuls les moutons s’inclinent vers l’eau, tout le reste répand une paix divine, l’harmonie avec la nature. La barque semble symboliser le parcours de la vie, entre naissance et mort, eau et ciel, tandis que le cercle de couleur
concentrique qui s’élargit autour du soleil prête à l’action une sublimité cosmique. Le tableau impressionne autant par son audace formelle : la frontalité, la simplicité chromatique, l’éclat lumineux du soleil couchant, le reflet du principal motif dans l ‘eau. La même virtuosité somptueuse se retrouve dans les dessins au crayon.
Le célèbre Triptyque des Alpes représente sans conteste le sommet de la création de Segantini. Comme en témoignent ses titres programmatiques « La Vie – La Nature – La Mort », il prend pour thème l’intégration harmonieuse des hommes et des bêtes dans le cycle de la nature. On verra dans cette exposition de spectaculaires versions dessinées de ce triptyque. Vers la fin de sa vie, Segantini connaît également une notoriété internationale grâce à ses oeuvres symbolistes, dont La Vanità (La Vanité, 1897).
Ses autoportraits, à vingt jeune homme plein d’assurance, puis l’autoportrait délirant que la présence du sabre transforme en fantasmagorie, reflet des années difficiles ? Puis celui de 1893, l’artiste apaisé, sentimental. Puis celui de 1895, , avec un regard perçant, lecteur de Nietzsche il se considère comme l’annonciateur de vérités éternelles, d’où la poussière d’or qui orne son portrait.
Puis le dernier de 1898/99, pressentiment d’adieu, de mort , il est célèbre et lance le projet d’un panorama de l’Engadine pour l’exposition universelle de Paris, qui échoue. Il en reste le Tryptique des Alpes, représentation de la divinité de la nature et du cycle de la vie.
On ne peut manquer le retour de la forêt, tableau inoubliable, emblématique, où il s’approche de la monochromie coloriste. Il représente un paysage enneigé, que traverse une femme qui tire son traîneau, chargé de bois mort. Symbole de la solitude ou même allégorie de la mort, le bois mort apparaît constamment au premier plan dans les toiles de Segantini, dont l’univers pictural est déterminé par le thème du cycle des saisons et de l’existence. C’est la couverture du catalogue de l’exposition.
Ne pas oublier l’Ore mesta, en 2 taille, puis au crayon.
Dans « mes modèles » Baba incarnait avant tout pour l’artiste un idealtype de toutes les figures féminines, bergères et jeunes paysannes.
Les deux mères, Segantini n’a pu terminer sa toile, il est mort d’une péritonite, c’est Alberto Giacometti son ami, qui y ajouta la bergère et son enfant sur le dos, ainsi que le mouton et son agneau. Mezzogiorno Alpi 1891
Une image de Paradis, qui rassemble les éléments essentiels de l’art Segantini. Le soleil embrase la lisière des arbres, une brise légère souffle, D’une main Baba, la gouvernante de l’artiste retient le chapeau, les yeux tournés vers l’avenir, le firmament. Les moutons broutent en nous tournant le dos, tout ce concentre sur le regard, tout pénétré de divisionnisme, l’artiste décompose la matière en lumière et en couleur et atteint ainsi une force lumineuse proprement surnaturelle, c’est la toile de l’affiche, qui au premier coup d’œil semble naïve de simplicité.
Les vastes salles baignées de lumière du bâtiment conçu par Renzo Piano, avec leurs échappées sur le paysage réel, mettent particulièrement bien en valeur la vénération de Segantini pour la nature, qui coïncide à maints égards avec la quête actuelle d’espaces naturels intacts.
Photos de l’auteur et courtoisie de la Fondation Beyler jusqu’au 25 avril 2011
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« Que les Médicis dorment en paix dans leurs tombeaux de marbre et porphyre, ils ont fait plus pour la gloire du monde que n’avaient jamais fait avant eux et que ne feront jamais depuis, ni princes, ni rois, ni empereurs. «
C’est sur cette citation élogieuse d’Alexandre Dumas que débute l’exposition consacrée à l’illustre famille florentine et à leurs richissimes collections d’art au musée Maillol Princes et mécènes, les Médicis n’ont pas seulement marqué l’histoire de leur cité florissante, ils ont aussi présidé à la destinée de l’Italie et de l’Europe, puisque de leur lignée sont issus deux papes (Léon X et Clément VII) et deux reines de France (Catherine et Marie de Médicis), dont l’influence a largement contribué au prestige du royaume.
Le parcours commence de manière spectaculaire dans la grande salle du rez de
chaussée! avec l’évocation d’un palais de la Renaissance. Un rappel subtil des fastes de
l’époque avec un tracé géométrique au sol créant un jeu de perspectives, un grand miroir
au fond de la pièce pour décupler l’espace, des arches grises pour évoquer l’architecture du
XVème siècle. Au centre de la pièce, les trésors (bijoux, sculptures, objets précieux…) sont
exposés sous des cloches en verre, comme des reliques, sur une grande table de salle à
manger. Diverses ambiances de couleur caractérisent cette magistrale entrée en matière,
vitrines tapissées de satin rouge, voile doré…
J’ai été émue par le Berceau d’un Orfèvre hollandais (Amsterdam)
Vers 1695, en
Filigranes d’or, émaux, diamants, perles et soie, 4,9 x 5,5 cm
Inscriptions sur le revers, à côté des deux bascules : « AVGVROR EVENIET »
Florence, Palazzo Pitti, Museo degli Argenti, inv. Gemme 1921, n. 2566
Ultime survivante de la lignée, la soeur de Jean-Gaston, Anne-Marie
Louise, princesse Palatine – dont le bijou en forme de berceau offert par son mari à la nouvelle de sa maternité tant attendue, ne suffira pas à lui donner un héritier vivant – cède toutes les collections Médicis à la ville de Florence, pour qu’elles restent « à la disposition de toutes les nations ». Un testament d’or et de feu, fantastique spectacle d’oeuvres et de chefs-d’oeuvre qui racontent la beauté du monde, un monde réorganisé pour l’esprit et les sens de la famille Médicis.
La salle des deux reines ensuite, Marie et Catherine de Médicis! : moquette rouge et satin
blanc, tissu noir qui évoque la vie de deuil de Catherine de Médicis.
La salle des jardins aux murs habillés d’un treillis rappelle là aussi la vision avant-gardiste
des Médicis dans ce domaine avec la création des jardins de Boboli. Ici, des tableaux de
l’époque sont présentés avec deux sublimes tables en marqueterie de pierre.
La salle de musique décorée de tableaux et dévoilant une rareté, un violoncelle d’Amati (dont
Stradivarius fut l’élève)!; ici le décor est plus joyeux, usant de rubans de satin, comme les
rubans d’une fête…
Suivent ensuite la salle des pierres dures, la salle des sciences avec son ambiance
cosmique, noire et bleu nuit, la salle des princes exposant des sculptures, des reliquaires,
des ex voto… dont l’écorché en bronze.
La scénographie est remarquable. L’exposition du Musée Maillol se termine le 13 février 2011 on ne peut que relire Dominique Fernandez et son dictionnaire amoureux de l’Italie et aller à la chasse du trésor dispersé.
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C’est d’abord une impressionnante statue en bois, de Madeleine pénitente, dépeinte comme une vieille femme édentée couverte de longs cheveux, dont les mains tremblantes s’efforcent de s’unir pour la prière, c’est incontestablement une des œuvres les plus poignantes de Donatello, sculptée vers 1454 (Comme dirait Marie-jo, c’est puissant ….), pour le Baptistère, de Florence, présence attestée une première fois vers la fin du XVe siècle. Après les dommages causés par l’inondation de l’Arno de 1966, une restauration s’impose. Il apparut qu’elle était dorée à l’origine. On peut la voir au musée du Duomo.
Si l’on lit Daniel Arasse, Madeleine est une figure « composite », le fruit d’une condensation, accessoirement une fausse blonde ( voir la toison de Madeleine !) Pour DA, sa chevelure est un attribut féminin. Ses cheveux sont son image de femme, la manifestation de son corps femelle, tellement exubérante qu’ils nous empêchent de rien voir. C’est à cause d’eux que Madeleine existe, pour eux, grâce à eux, rien d’autre. Sans ses cheveux Madeleine n’existerait pas. A son avis elle n’a jamais existé.
Je fais court, reportez-vous à la page 97 du livre de DA, « on n’y voit rien » vous ne le regretterez pas…
Frère Jacques a tout inventé : elle voit Jésus, elle a honte de son passé, se repent, pleure, renonce à ses plaisirs en lui lavant les pieds, les essuie avec sa longue chevelure, les parfume et n’arrête plus de pleurer… en fait elle est Marie, la sœur de Marthe qui passe son temps à la cuisine, et de Lazare que Jésus ressuscite ; Luc parle d’une autre Madeleine, la vraie selon DA. Jésus l’avait ramassée à Magdala, sur le lac de Tibériade, juste une hystérique que Jésus a exorcisé de ses 7 démons, pas moins… Une putain de la ville, à Naïn, quand Jésus déjeunait chez Simon vient lui laver les pieds, les parfumer et les baiser.
Ceci donne lieu à une belle histoire, un cocktail de Marie la sœur de Marthe, Marie la putain, à cause du lavement des pieds, et de Madeleine, l’hystérique aux 7 démons, une parabole, Marie-Madeleine, avec Jean, favorite de Jésus.
Il lui apparaît après la résurrection, sous la forme d’un jardinier, lorsqu’elle reconnaît Jésus il prononce le « Noli me tangere » (ne me touche pas) non je n’ajouterai pas comme DA, » des fois qu’avec ses larmes, son parfum et ses cheveux, elle lui aurait trop bien lavé les pieds et lui aurait cicatrisé les stigmates !… »
Quand ils ont inventé Madeleine, (DA) ils ont construit un triangle sémiotique dans lequel les femmes trouvent leur destin. Entre Marie, la pure, la vierge, un dogme, Eve la pécheresse et Madeleine la prostitué repentie, il permet aux filles d’Eve de devenir des filles de Marie, puisque repenties. C’est la sainte des femmes par excellence. Da continue, les femmes sont toutes des filles d’Eve, bien comme leur mère, tentatrices, séductrices, menteuses, bavardes, il en passe et non des moindres, que pouvaient-elles faire les femmes ? D’Eve à Marie, pas de passage, pas de transformation possible. Il n’y a rien à faire, Eve et Marie sont contraires. La preuve, quand Gabriel s’adresse à Marie, il lui dit « Ave » vous croyez que c’est le hasard ? Ave c’est le contraire de Eva, dès le premier mot on a tout compris, Marie renverse Eve, elle annule la malédiction. Mais que peuvent faire les filles d’Eve ? Rien. Rien jusqu’à ce qu’on invente Madeleine, parce qu’avec elle c’est le passage de l’une à l’autre, ou plutôt de l’une vers l’autre, parce qu’aucune femme ne pourra jamais être Marie, alors qu’elles peuvent devenir Madeleine …. Sa chevelure exhibe sa pénitence actuelle et son impudeur passée. En fait la seule qui a une grande chevelure c’est Madeleine l’Egyptienne, qui expie ses turpitudes dans le désert, vieille, hagarde, amaigrie, édentée. Commentaires
1. Le 17 décembre 2*** à 09h, par une enfant de Marie
instructif en effet, bonne lecture …..
2. Le 17 décembre 2*** à 13h, par lobita
DA dit vrai, il n’y a aucune trace dans les Evangiles de la Madeleine qui a inspiré cette sculpture en bois. La sculpture n’est pas moins magnifique, bouleversante et courageuse. Et j’ajoute fr.youtube.com/watch?v=EC…
P.S. je n’ignore pas le message et la question que tu m’as envoyé; je prends un peu de temps pour répondre, car la fille d’Eve que je suis est prise dans la tempête de ses émotions…
J’avais entraîné mes amis à San Francesco a Ripa dans le Trastevere, quartier de Rome, contre vents et marées, sous un ciel menaçant suivi d’un semi-déluge, pour contempler Ludovicina Albertoni en pamoison, la présence de la Chapelle Altieri n’est pas facilement révélée par les paroissiens, car lorsque je les ai interrogés, ils en ont nié l’existence, or mon entêtement m’a permis de la dénicher malgré tout.
En 1669, préoccupé par la descendance de sa famille, le vieux cardinal Emilio Altieri voulut que sa seule nièce, épouse Gaspare Paluzzi Albertoni, auquel il imposa de prendre le nom Altieri. L’année suivante, Emilio devint pape sous le nom de Clément X, et l’oncle de Gaspare, le cardinal Paluzzo Paluzzi Albertoni devint rapidement le personnage le plus puissant de la cour pontificale. Sans hésiter, il s’activa pour qu’une de ses ancêtres, Ludovica Albertoni (1473 – 1533) déjà objet de vénération à San Francesci à Ripa, soit officiellement déclarée bienheureuse.
Pour la “bienheureuse Louise Albertoni”, comme à Santa Maria della Vittoria, le Bernin a ménagé à la Chapelle Altieri, divers effets lumineux. Ainsi une lumière indirecte tombe sur la statue, au drapé mouvementé, de la bienheureuse agonisante. Le corps repose sur un matelas de marbres polychromes ourlé de franges de bronze doré. Au-dessus, un tableau de Gaulli représentant la Vierge à l’enfant avec Ste Anne, révèle la vision de la bienheureuse.
Dans la 1° chapelle il y a une naissance de la Vierge du français Simon Vouet.
Les nombreux monuments funéraires font penser à cette chronique italienne rapportée par Stendhal :
A minuit, dans cette même église éclairée par un millier de cierges, une princesse romaine fit célébrer un office funèbre pour l’amant qu’elle allait faire assassiner…
J’avais lu une description sur un blog, ce qui une nouvelle fois me fit entraîner mes amies dans l’aventure pour contempler cet autre chef d’oeuvre du Bernin.
« La bienheureuse Ludovica Albertoni, dont la statue immortalisée par Bernin en 1674 gît à Rome dans l’église San Francesco a Ripa, ne lasse de me séduire et de m’intriguer.
D’un côté, l’explication officielle mettra abondamment en valeur la vie exemplaire de cette femme qui consacra sa vie au secours des pauvres du Trastevere. Toujours selon l’hagiographie officielle, c’est alors qu’elle allait être terrassée par la fièvre qui devait l’emporter en 1533, que Ludovica trouva réconfort dans l’Eucharistie, en attendant impatiemment la mort pour s’unir au Christ.
Les convulsions du corps alangui de la sainte sont, toujours selon ces sources, les signes de l’extase qui la gagne au fur et à mesure que s’approche le moment de sa délivrance dans la mort. Ludovica se laisse emporter par la vague de plaisir qui submerge sa douleur. Quant à l’artiste, le Bernin, les critiques mettront sur le compte de l’âge (c’est sa dernière oeuvre), l’expression jugée excessive de pathos.
La bouche entrouverte, les yeux clos, plaquant le drapé au bas des côtes avec sa main gauche alors qu’elle se caresse le sein de sa destre, les genoux légèrement desserrés, tout dans sa posture n’est qu’abandon et jouissance. Et comment croire, sous le soleil de Rome, que les traits transfigurés de la sainte désignent l’extase mystique qui illumine, et non pas, plus trivialement, le plaisir qui inonde ? Equivoque sublime où le Très-Haut scelle une alliance inattendue avec sa créature, où le plaisir devient trait d’union entre l’esprit qui reçoit et le corps qui se donne… à moins que ce ne soit l’Esprit qui se donne et le corps qui reçoit.
Pour ceux qui aimeraient fréquenter d’autres figures de l’ambiguïté :
1. L’extase de Sainte Thérèse d’Avila, à la chapelle Cornaro, Sainte-Marie de la Victoire, Rome, 1645, entourée des membres de sa famille de part et d’autre.
Pour une interprétation sensible et sensuelle, je vous renvoie au très beau texte de Katrine Alexandre — alias Mademoiselle K — intitulé « Jouissance et Sainteté » et paru dans la « Vénus Littéraire ». »
photos 2 et 3 de l’auteur
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