Thomas Schütte – FIGUR

La Fondation Beyeler dédie sa grande exposition d’automne à l’oeuvre figurative de Thomas Schütte.
Dès que l’on pénètre dans le parc, près du Belvédère, le Vater Staat (2010) nous accueille. Certains l’ont aperçu devant la Dogana à Venise il y a 2 ans ou au Palazzo Grassi entre autres .

Thomas Schütte, Vater Staat 2007, Stahl

À l’entrée du musée, sur le frontispice se dresse un groupe de ces Fremden – les étrangers- qui avaient apporté dès 1992 la preuve de l’efficacité et de la diversité avec lesquelles Schütte est capable de traiter la figure humaine : absorbées en elles-mêmes, le regard baissé, encombrées de valises et de sacs de voyage, les figures en céramique sont livrées sans protection aux inclémences du ciel. Sont-elles en train d’arriver ou sur le point de partir ? Est-ce que ce sont des visiteurs, des réfugiés ou des gens en voyage ?

L’artiste s’est intéressé à la Guerre froide et à des thématiques plus contemporaines, entre autres dans ses maquettes : les maquettes d’habitations (Maisons de vacances de terroristes), de banque (Placement immobilier), à Art Basel -Ringe, ou la reproduction miniature d’une station-service intitulée – Fais le plein, Allemagne et réalisée pendant la guerre en Irak témoignent ainsi d’un intérêt particulier pour la représentation des modes de vie.
A l’intérieur c’est un peu le repos du guerrier : Thomas Schütte nous montre dans une salle des femmes aux formes généreuses, alanguies, dans les salles voisines de curieux guerriers caricaturaux. Des « femmes » d’acier plus grandes que nature, de monumentaux
« esprits » en bronze, des figurines miniatures et caricaturales en pâte à modeler, des têtes et des statues en céramique de taille naturelle, de délicats portraits à l’aquarelle et des autoportraits dessinés devant le miroir – l’oeuvre de Schütte témoigne d’un goût et d’un plaisir absolus à l’expérimentation et ne se laisse guère enfermer dans des catégories.
La peinture et la sculpture figuratives, et, s’y rattachant, la figure humaine sous ses diverses apparences sont au centre de cette exposition.
vernissage
 
Thomas Schütte Autoportrait

 

Vivant à Düsseldorf, le sculpteur et dessinateur allemand Thomas Schütte (né en 1954) compte parmi les artistes les plus fascinants et les plus novateurs de sa génération. Il a étudié de 1973 à 1981 à l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf, dans la classe de Fritz Schwegler, puis chez Gerhard Richter. Düsseldorf, Cologne et la Rhénanie étaient alors le centre artistique le plus couru et, pour les artistes, le lieu de rencontre sans doute le plus animé d’Europe, l’avant-garde américaine du Minimal Art et de l’art conceptuel y était en outre plus représentée que nulle part ailleurs. Coeur vif de cette constellation, la galerie de Konrad Fischer, où le jeune artiste encore inconnu accrochait dès 1981 sa première exposition personnelle.

Ce fut le début d’une étonnante carrière, au développement ininterrompu jusqu’à ce jour. Schütte s’est d’abord fait connaître au début des années 1980 par ses maquettes et ses objets d’essence architecturale, qu’il présente dans des expositions et n’aura que rarement transposés en constructions réelles, à l’exception de Eis (Glace), une sorte de baraque à glaces qui a beaucoup servi lors de la Documenta 8 à Kassel, en 1987. Presque en même temps que ce travail conceptuel, Schütte se met par ailleurs à élaborer une oeuvre figurative qu’inaugurent des figurines et de petites têtes modelées et bricolées avec toutes sortes de matériaux.
Il apparut cependant que l’époque n’était pas encore mûre pour ce type d’art, jusqu’à ce qu’en 1992 les figures en céramique aux éclatantes couleurs des Fremden (Les Étrangers) fassent grande sensation à la Documenta IX.
D’un seul coup, on s’aperçut que parallèlement à ses constructions en forme de maquettes, Schütte avait entrepris de développer une oeuvre de sculpture gravitant autour de la figure humaine. Inattendu à cette époque, ce thème allait prendre de plus en plus d’importance dans son travail et c’est à une oeuvre figurative extrêmement impressionnante que l’artiste donnera ensuite le jour, d’une radicalité et d’une force d’innovation qui ne semblaient plus imaginables dans ce champ. Depuis, c’est avec constance et succès que Thomas Schütte poursuit son travail dans ces deux domaines, se présentant tantôt comme constructeur de maquettes d’architecture à la fois utopiques et réelles, tantôt revenant nous montrer un nouvel ensemble de figures ou de têtes. Entre ces deux pôles, il y a le dessin, qui déroule une sorte de trace assidue traversant l’oeuvre dans son entier.
Conçue en étroite collaboration avec Thomas Schütte, l’exposition de la Fondation Beyeler offre, par son large choix de sculptures déclinées dans 3 matériaux (bronze, verre, céramique), de dessins et d’aquarelles, un aperçu global de sa création figurative des trente dernières années.
Le visiteur peut admirer ses sculptures dans les salles du muséesur leurs socles et parfois sous cloches, mais surtout à l’extérieur, dans le parc, qu’il s’agisse de pièces connues ou d’autres plus rarement montrées, mais aussi de tout nouveaux travaux.
Thomas Schütte, Hase 2013, bronze

Hase, bronze, qui à l’origine était une création de la fille de Thomas Shütte, devait servir pour toutes les occasions festives enfantines : Pâques, Noël, Halloween, etc …. Thomas Schütté l’adapte en taille XXL en 2013, et « Hase » séjourne dans le bassin derrière la Fondation dans un écrin de verdure, en crachant de l’eau par intermittence.
L’exposition présente en outre des dessins et des aquarelles, qui prennent chez Schütte une importance cruciale à chaque fois qu’il est question de la figure humaine. Si quelques dessins ont une existence isolée, ils apparaissent beaucoup plus souvent sous forme de blocs ou de séries qui naissent d’un seul élan ou sont produits sur une durée plus ou moins longue. Une série peut assumer par exemple la fonction d’un journal, comme les Aufzeichungen aus der 2. Reihe (Notes du 2e rang), représenter la tentative de cerner une certaine personne – c’est le cas de Luise –, ou résulter du simple désir d’étudier et de fixer des objets et des fleurs, dans leur beauté tout ordinaire. À travers leur légèreté, les aquarelles, les dessins et les eaux-fortes nous font voir un monde visuel libéré de la pesanteur matérielle de la sculpture. Parmi ses créations figuratives, il en est certaines, comme les United Enemies par exemple, qui peuvent accompagner Thomas Schütte sur plusieurs décennies. Les figures modelées en 1994 en pâte Fimo, une sorte de pâte à modeler, et attachées ensemble dans un second temps, prêtent à celui ou celle qui les contemple une taille de géant et nous étonnent par leur allure de marionnettes et une esthétique relevant du bricolage.
Thomas Schütte – United Enemies, 1993 Fimo, Holz, Glaz und PVC, ©

Vingt ans plus tard, ce sont à l’inverse les doubles sculptures en bronze patiné de près de quatre mètres de hauteur qui transforment le spectateur en figure lilliputienne (dans le foyer). Si l’on a tout d’abord sous les yeux une marionnette certes étrange, mais familière, on lève ensuite son regard sur une gigantesque sculpture en bronze d’origine mystérieuse. Un tel glissement d’échelle est un exemple caractéristique de la démarche de l’artiste. Schütte tient toujours compte du spectateur, il nous prend toujours en considération et nous faisons partie du jeu. Ses sculptures « entrent en scène » ou font leur « apparition », elles ne sont pas autonomes, ne se suffisent pas à elles-mêmes, mais instaurent toujours un rapport avec leur environnement et l’individu qui leur fait face et les regarde. Ce jeu souverain avec la monumentalité et l’intimité conduit depuis de nombreuses années les figures de Schütte à s’installer dans l’espace public, où elles sont visibles pour tous – visiteurs et passants.
Ses sculptures en plein air, par exemple les United Enemies dressés devant le Central Park de New York ou le Vater Staat (Père État) planté sur le parvis de la Neue Nationalgalerie de Berlin, s’inscrivent en quelque sorte naturellement dans la vie quotidienne d’une ville, comme il est apparu cet été de façon particulièrement splendide avec le groupe sculpté des Vier Grosse Geister (Quatre Grands Esprits) qu’on a pu découvrir, avant l’exposition, en trois endroits, à Zurich, à Genève et à Berne.
Cette réalisation aura donc perpétué en 2013 la tradition de la Fondation Beyeler, soucieuse depuis toujours de rendre l’art accessible au plus grand nombre dans l’espace public. Avec ses petits et ses grands ouvrages en bronze, en acier, en aluminium, en céramique, en bois et en cire, Thomas Schütte reprend la longue tradition de la sculpture figurative, ternie par l’histoire du XXe siècle et ses tragédies, et en fait surgir des oeuvres qui, dans leur rayonnement immédiat aussi bien que par les spécificités techniques de leur fabrication, sont irrévocablement de notre temps.
Thomas Schütte
Walser’s Wife, 2011
Laque sur aluminium
65 x 38 x 54 cm
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Luise Heuter

Au spectacle de figures et de têtes portant des titres aussi frappants que Vater Staat, United Enemies, Fratelli (Frères) ou Walser’s Wife (La Femme de Walser), on est facilement tenté de vouloir chercher l’histoire personnelle qui se tient cachée derrière l’oeuvre, de s’interroger sur leurs possibles modèles formels, sur leurs interprétations socio-critiques ou philosophiques. Mais ce n’est là qu’un aspect des choses et l’on reste par ailleurs fasciné par les sculptures elles-mêmes, captif de leur magistrale présence et surpris de les voir apparaître si différentes qu’on croyait ou qu’on attendait : familières et en même temps totalement étrangères, elles ont l’air tantôt bricolées, tantôt monstrueusement enflées, (bibendum) gigantesques et violentes, odieuses et grossières, estropiées(unijambiste ou preque) mais ne tardent pas à nous reparaître extrêmement délicates, belles et sensibles.
Thomas Schütte
Blumen für Konrad
(Fleurs pour Konrad), 1998
Encre de chine sur papier
39 x 29 cm
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Nic Tenwiggenhorn

La présentation des « Krieger, 2007 » encapsulés, à l’image des Krieger miniature, munis de batons dérisoires, dressés sur leurs jambes précaires, entourés par les protraits des « Innocenti, 1994) , révèlent son regard clairvoyant, décalé et ironique (Kriegerdenkmal, 2003 et mini Krieger)sur les horreurs du monde ainsi qu’une sculpture « Memorial for the unknown artist » .
L’ensemble d’aquarelles ( blumen fur Konrad) présentés près du masque mortuaire de son premier galeriste en céramqiue glacée de couleur verte (Konrad (Grüner Kopf) tel un hommage délicat de cet artiste à l’apparence, froide, à l’humour décapant qui manie l’ironie avec maitrise dans son art.
exemple : quel est votre matériau préféré ? (question posée par une journaliste italienne
réponsele bronze, parce que  c’est le matériau le moins cher et le plus pérenne.

Thomas Shütte est collectionné par François Pinault, les Fratelli, Vater Staat, Efficienct men. Une de ces sculptures se trouve devant le MAMC.

Le catalogue de l’exposition Thomas Schütte. Figur est publié en langue allemande par la maison d’éditions Walther König à Cologne (ISBN 978-3-906053-11-0, 193 pages, 250 illustrations en couleur). Il contient une contribution d’Adrian Searle, de nombreux interviews de Theodora Vischer avec l’artiste, ainsi qu’un entretien entre Gerhard Richter, Thomas Schütte et Theodora Vischer.
Il disponible au musée au prix de 59 CHF. Fondation Beyeler,
Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10.00–18.00, jusqu’à 20 h
photos de l’auteur et images et texte courtoisie de la Fondation Beyeler

L'Atelier contemporain

Lorsque j’ouvris l’enveloppe qui contenait l’envoi promis, avec gourmandise lorsqu’il s’agit d’un livre, je fus interloquée en découvrant la couverture :
« Pourquoi écrivez-vous sur l’art »
la 4ieme de couverture avec ses interrogations :
«  Qui sommes nous ?
Que faisons nous ?
Que se passe t’il, en somme,
Dans l’atelier contemporain ?  »
Francis Ponge


Une question me tarauda très vite : est-ce un cadeau pour m’apprendre à écrire, est-ce une leçon pour moi qui rédige des billets sur un blog ?
La table des matières m’impressionna,  des noms prestigieux ou inconnus.
Je sautais rapidement à la page de l’artiste que je connaissais :
Ann Loubert, des dessins, quelques mots jetés sur le papier, au fil de la pensée, lors d’un voyage en Chine.
Pages après pages on découvre des auteurs brillants, des poètes du verbe et des mots.
Ce livre se déguste comme un plat, que l’on aime retrouver souvent, un livre de chevet qui allie l’art et la littérature.

 
Pourquoi j’écris sur l’art ? je vous renvoie à l’à propos  de mon blog :
De fait étant trop bavarde, j’embrouille mes interlocuteurs, au risque de ne pas les intéresser, ou encore d’oublier l’essentiel, parce que les mots se bousculent dans ma bouche. Ecrire, coucher sur le papier virtuel, permet de mettre en forme, de retenir, ce que l’on a vu, de partager des émotions, de donner envie aux lecteurs. C’est la raison pour laquelle, je ne m’encombre pas de jargon, que je m’exprime en toute simplicité avec les mots de tous les jours, pour parler de ce que j’aime : l’art.
grand merci à François-Marie Deyrolle pour le partage
vous pouvez acquérir l’ouvrage à l’adresse ci-dessous
L’atelier contemporain,
1er numéro été 2013
4, bld de Nancy
67000 Strasbourg
2 n° pan 40 €
 

L'empereur éternel Qin et son armée en terre cuite

Face à face avec des pièces originales de Chine
Pour la première fois, un groupe entier de vraies figures en terre cuite provenant du mausolée de l’empereur Qin Shi Huangdi a voyagé jusqu’en Suisse pour y être présenté au grand public. Ne manquez pas cette occasion unique et rendez-vous à Berne pour rencontrer ces figures réalistes et grandeur nature en face-à-face, que j’ai eu la chance de voir à X’ian, lors d’un voyage en Chine en 2012.

Soldats en terre cuite à X’ian Chine

Le premier Empereur et son armée
L ‘armée de terre cuite de Qin Shi Huangdi (259–210 av. J.-C.) fut découverte par hasard en 1974.  Composée de quelque 8000 guerriers, cette armée fait partie d’un gigantesque complexe funéraire qui n’a jusqu’à présent été que partiellement mis à jour et constitue l’une des découvertes archéologiques les plus célèbres de tous les temps. Inscrite depuis 1987 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, elle est souvent qualifiée de 8e merveille du monde. Sans oublier l’héritage que cette époque a laissé à la Chine.
L’exposition « Qin – L’empereur éternel et ses guerriers de terre cuite » se concentre sur la naissance de l’empire chinois, sur la figure énigmatique du Premier Empereur et sur son mausolée monumental avec la spectaculaire armée de terre cuite. Il était monté sur le trône à l’âge de 13 ans comme roi des Qin. Comme il était mineur, sa mère et les autres mandarins expédiaient les affaires du pays. Il gouverna réellement à l’âge de 22 ans.

La première section de l’exposition se focalise sur le développement de la principauté de Qin, qui devient royaume puis empire. Plusieurs siècles de prospérité (du IXe siècle jusqu’à 210 av. J.-C.) favorisent la construction de somptueux palais, l’essor de l’artisanat et une vie de luxe pour la classe dirigeante établie dans la capitale Xianyang. Entre 230 et 221 av. J.-C., Ying Zheng, le roi de Qin, parvient à soumettre six autres royaumes et à créer un nouvel empire. Désormais, il se fait appeler Qin Shi Huangdi, le Premier Empereur de Qin. Pour assurer la cohésion de son immense territoire, il instaure une administration centralisée et gouverne d’une main de fer. Il relie des remparts existants pour en faire une Muraille de Chine continue, il uniformise la monnaie, les mesures et l’écriture. Cette écriture standardisée est restée jusqu’à nos jours un important facteur d’unification pour cet État multiethnique qu’est la Chine.

Les figures en terre cuite sont réunies avec environ 220 autres pièces fascinantes et de grande valeur pour former un ensemble qui évoque divers aspects des débuts de l’empire chinois. En s’intéressant à l’histoire de sa civilisation et à son riche patrimoine culturel, l’exposition présentée en allemand, français ou anglais vous permettra de mieux comprendre « l’Empire du Milieu ».

Le complexe funéraire du Premier Empereur
La deuxième section de l’exposition fait pénétrer le visiteur dans le complexe funéraire duPremier Empereur. On peut s’y faire une idée des dimensions gigantesques du site, dont seule une partie a été dégagée pour le moment. Il abrite non seulement une armée de 8000 soldats chargés de protéger l’empereur, mais aussi des fonctionnaires qui s’occupaient des affaires gouvernementales dans l’au-delà et des musiciens, acrobates et animaux divers qui y assuraient les divertissements. « Les pièces exposées permettent de se transporter dans l’époque du Premier Empereur tout en donnant vie à l’histoire. Le visiteur se retrouvant en face-à-face avec les statues de terre cuite peut presque entamer un dialogue avec elles », se félicite Dr. Maria Khayutina, curatrice de l’exposition. « La chambre funéraire de Qin Shi Huangdi n’a pas encore été ouverte », néanmoins les guides vous en indiquent l’endroit.

Un audioguide dans ces trois langues ainsi qu’en italien est à votre disposition
Au musée d’histoire historique de Berne  jusqu’au 17 novembre 2013

photos de l’auteur sauf la dernière et la 3

Sous nos yeux (partie 2)

Un projet d’exposition proposé par Abdellah Karroum
(vidéo du Furet mulhousien)
jusqu’au 17 novembre 2013  à la Kunsthalle de Mulhouse.
Avec les oeuvres de :

Camille Henrot

Camille Henrot-grosse fatigue9 extrait

Née à Paris en 1978, elle vit et travaille à Paris et New York.
Le travail de Camille Henrot se développe depuis ces dix dernières années grâce à un examen minutieux de la nature et des cultures. Assumant l’héritage croisé des cultures populaires et des pratiques expérimentales, son travail s’empare des objets et des images qui constituent notre environnement immédiat. Ses oeuvres complexes résultent souvent d’une recherche approfondie.

Grosse fatigue

(2013) raconte l’histoire du monde en une succession de fenêtres sur l’écran d’un ordinateur sur un rythme très « slam ». À la fois anthropologue et collectionneuse, elle s’intéresse à l’origine des pyramides égyptiennes, aux pèlerinages en Inde, à la littérature, à la musique africaine. Elle opère ce qu’elle appelle un « dépliement intuitif du savoir» à travers une série de plans dévoilant les trésors renfermés dans les prestigieuses collections du Smithsonian Institute de Washington, plans eux-mêmes travaillés de l’intérieur par des images capturées sur internet et des scènes tournées dans des lieux aussi différents qu’une animalerie ou un intérieur domestique et qui apparaissent comme des pop up à la surface de l’écran.
Camille Henrot a reçu le prix du Lion d’argent pour la meilleure jeune artiste de la 55e Biennale de Venise.
Vidéo installation – 13’
Courtesy the artist and Kamel Mennour, Paris

Mustapha Akrim, Gabriella Ciancimino, Shezad Dawood, Ninar Esber, Patricia Esquivias, Pedro Gomez-Egana, Camille Henrot, Mohamed Larbi Rahali, Younès Rahmoun et Oriol Vilanova.

Ten Dirhams, 2013
Série de 4 peintures – Acrylique sur canevas – 200×110 cm
Courtesy de l‘artiste

Mustapha Akrim
Né en 1981, il vit et travaille à Rabat et Salé au Maroc.
Mustapha Akrim, jeune artiste originaire de Salé, fait partie de la jeune génération « Made in Morocco ». Ses œuvres questionnent la nature du travail. Il s’interroge sur le concept de travail, ses relations avec la jeunesse actuelle, le chômage, le marché de l’emploi et les changements constants de la société.
Comme il l’explique lui-même, son travail “met en place des chantiers de réflexion et de production qui réinventent le rôle de l’artiste comme citoyen”.
Les oeuvres présentées à La Kunsthalle représentent des billetsde banque illustrés par des scènes de travailleurs. Ce sont des images fortes et symboliques d’une certaine idée de la modernité, de la femme et de l’homme en pleine action…
Ces scènes bien connues des marocains sont ici réemployées comme des images de propagandes. Mustapha Akrim projette de re/présenter chaque décennie depuis les années 60 par un billet.
http://mustaphaakrim.blogspot.fr

Gabriella Ciancimino
Née en 1978 en Italie, elle vit et travaille à Palerme.
Gabriella Ciancimino se concentre sur les relations qui transforment l’oeuvre
d’art en un moment de rencontre ou de confrontation. Elle crée des Zones
Franches où des communautés différentes peuvent tisser des liens et explorer de nouvelles possibilités dans la diversité de leurs expressions.

The Flow of Flowers: “Cartographie Directionelle”, 2012
Composition of drawings, mixed media on paper (detail) – 400×320 cm
Courtesy of the artist and L’appartement22, Rabat, Morocco

Shezad Da wood
Né en 1974 à Londres, il y vit et travaille.
Shezad Dawood s’intéresse à la multiplicité des possibles liés à un jeu entre cultures, histoires et fictions. Il utilise le film, la vidéo et la peinture ; son travail est multimédia. Il questionne le processus de l’image, en train de se faire et se défaire, par l’utilisation de différents points de vue ou d’identification.

Ninar Esber
Née en 1971 à Beyrouth,
elle vit et travaille à Paris et Beyrouth.
Ninar Esber est artiste plasticienne et écrivaine.
Son travail propose une vision poétique du monde, avec le corps comme élément symbolique commun. En 2000, elle s’engage dans une démarche impliquant son corps dans des performances ou des films vidéo jouant sur une certaine lenteur, aux limites de l’immobilité. Les idées de suspens et
de teasing se trouvent confrontées à l’architecture (murs, tours, promontoires), aux objets quotidiens (étagères, tables, chaises) ou aux mythologies contemporaines (supers-héros, chanteurs ou acteurs populaires, pin up…). La performance constitue un élément décisif dans ses vidéos (les scènes sont filmées en temps réel, et ne font l’objet d’aucun montage, chaque scène étant constituée d’une performance exécutée en une seule prise).
Ninar Esber

Patricia Esquivias
Née en 1979 à Caracas,
elle vit et travaille à Madrid.
Patricia Esquivias crée des vidéos qui mixent images trouvées et histoires, anecdotes personnelles dans des récits qui véhiculent ses réflexions sur la culture contemporaine. Elle est généralement narratrice de ses films, dans lesquels elle réunit des clips vidéo, des images de magazines, des photos,
des dessins et d’autres petits objets. La caméra de Patricia Esquivias est souvent fixée devant un ordinateur portable et le spectateur ne voit que sa main faisant défiler des images numériques, lançant des vidéos ou insérant des images, tandis qu’elle parle.

 Pedro GÓmez-Egaña
Né en 1976 en Colombie,
il vit et travaille au Danemark et en Norvège.
Pedro Gómez-Egaña a recours aussi bien à la sculpture qu’à la vidéo, la photographie ou aux oeuvres in situ qui explorent notamment les liens entre mouvement et temporalité. Certaines de ses oeuvres consistent en des mises en scène complexes où les spectateurs assistent aux transformations de compositions sculpturales.
Son travail souligne également l’importance du temps dans les concepts de désastre, d’angoisse ou de catastrophe, si prévalant culturellement, tout en résistant à la logique du choc qui s’impose dans les médias. Il en résulte des oeuvres à la fois ludiques et fantomatiques, qui vont de la vidéo performative à la production théâtrale élaborée, avec ses dispositifs de réception soigneusement mis au point.
Anytime Now est l’histoire d’une suite d’accidents/de désastres
joués à l’aide de papiers découpés. Les trois films présentés
dans l’exposition rejouent un même scénario dans trois décors différents.

Anytime Now, 2008
Vidéo
Crédit et courtesy : Pedro Gómez-Egaña

 Mohamed La rbi Ra hali
Né en 1956 à Tétouan, il y vit et travaille.
Mohamed Larbi Rahali n’a pas de formation artistique bien qu’ayant fait un passage à l’école des Beaux-Arts de Tétouan au Maroc. Différents métiers lui ont permis de maîtriser plusieurs techniques : menuiserie, mécanique, métiers du bâtiment.
Sa passion est la mer, il a été marin pêcheur pendant une dizaine d’années. Dans sa ville de Tétouan, il récupère des boîtes d’allumettes, souvent jetées par les clients des cafés, qui deviennent le support de ses décors. Le fond des boîtes accueille paysages, portraits, dessins géométriques, collages.
Tous les sujets que lui inspirent la télévision, les discussions glanées, la ville au jour le jour, etc. peuvent devenir source d’inspiration et s’inscrire au fond d’une boîte qu’il a toujours en poche. Il raconte son quotidien, narre des histoires sur ces petites surfaces qui réunies, constituent un journal, un parcours à suivre.

Omri / ma vie, 1984-2009
Boites d’allumettes et objets – Dessin techniques mixtes
Crédit : l’artiste

Younès Ra hmoun
Né en 1975 au Maroc,
il vit et travaille à Tétouan.
Younès Rahmoun développe une oeuvre multiple, mêlant des influences provenant de son univers personnel, de ses origines, croyances et expériences. Déclinant un vocabulaire de chiffres, de couleurs et de formes, l’artiste crée des œuvres souvent esthétiques, d’où émane une quête d’universalité. Loin
de se restreindre à l’utilisation d’un seul et même médium, il explore avec curiosité les possibilités que lui offre son époque.
Sa pratique va ainsi de l’installation au dessin en passant par les nouvelles technologies et le multimédia.
Younès Rahmoun présente à La Kunsthalle, une nouvelle version de
«Zahra-Zoujaj» (fleur-verre), une oeuvre réalisée avec les Maîtres verriers de Meisenthal. Il tente de donner corps à l’immatériel, de donner matière à une philosophie, à un rapport au monde qui formule son être. Pour lui, la fleur est la
chose la plus belle qui soit. Elle naît, prend forme en silence…
Dans Zahra-Zoujaj, le point rouge représente une graine de la fleur, il est une métaphore du coeur qui lui-même est la source de tout acte humain.

Oriol Vilanova Né en 1980 à Barcelone, il vit et travaille à Paris.
Oriol Vilanova est diplômé en Architecture. Artiste et éditeur, sa pratique peut prendre différentes formes, elle se situe à la croisée de la performance, de la documentation et de la publication mais revêt toujours une dimension littéraire et romanesque, s’emparant de thèmes tels que l’immortalité, les relations entre le temps, la mémoire et l’histoire ou l’héroïsme – incarné selon lui, dans sa version moderne, par Donald Trump ou Michael Jackson.
Forjadores de Imperio (bâtisseurs d’empire) est une collection de 30 cartes postales collectées dans des marchés aux puces. Elles ont été publiées après la guerre civile espagnole (1939), sous le nom des bâtisseurs d’empire. Cette série de portraits du dictateur Francisco Franco et de son équipe révèle les personnages et l’image qu’ils ont voulu donner d’eux-mêmes. La liste devainqueurs de la guerre apparaît comme le portrait collectif d’une promotion. Cette galerie de portraits massivement diffusés par ceux qui se présentaient comme les Sauveurs, Libérateurs et Constructeurs d’une nouvelle utopie.
Oriol Vilanova la rattache à la réalité de la guerre civile espagnole et rappelle que l’armée nationale était alors constituée d’une escorte de presque 100000 soldats recrutés en Afrique du Nord et plus précisément dans le Rif marocain.

Sous nos yeux est un projet en plusieurs parties, composé d’expositions, de résidences d’artistes et de rencontres.
À Mulhouse, Abdellah Karroum, commissaire associé à La Kunsthalle en 2013, propose deux expositions, une émission de radio et de nombreuses nouvelles oeuvres. Le projet explore le vocabulaire d’un groupe d’artistes qu’Abdellah Karroum a baptisé, pour la première fois au Maroc, la « Génération 00 », et qui partagent une même approche
artistique en ce début de XXIème siècle. « 00 » renvoie à l’idée de rupture avec une histoire de l’art linéaire et favorise le dialogue entre l’Art et l’Histoire en replaçant chaque production dans son contexte d’une part et chaque artiste en tant que citoyen qui s’interroge sur des questions fondamentales telles que le mouvement, la résistance ou la liberté dans le monde, d’autre part. Issu d’un environnement culturel et social bien précis, le concept de Génération 00 a très vite été repris dans des projets de conférences sur plusieurs continents. Les problèmes soulevés par l’idée de « Génération 00 » dépassent le cadre de l’art et ne se limitent pas à une seule région du monde.
A La Kunsthalle Mulhouse, Sous nos yeux investit pour la seconde fois le même lieu d’exposition, faisant suite au premier volet présenté en début d’année 2013. Le troisième opus sera présenté début 2014 au MACBA, Musée d’Art Contemporain de Barcelone. La majorité des oeuvres de ce projet sont nouvellement produites et commandées par La Kunsthalle et le MACBA.
Sous nos yeux est imaginé comme un chantier exploratoire des formes d’exposition dont l’objet est de relier la production de chaque oeuvre à une proposition artistique comme une réponse qui positionne l’artiste dans le monde.
Le quotidien et l’immédiat interagissent avec l’histoire et le lointain. Le travail est déplacé de son lieu de production comme un geste vers son site d’exposition, comme une image ou la répétition de ce geste.
Sous nos yeux (partie 2) poursuit l’exploration du contexte d’émergence de l’oeuvre et des conditions de son exposition. Par opposition à la première partie dans laquelle les oeuvres définissaient un espace ouvert, dans ce deuxième volet, l’espace est construit, morcelé, et s’apparente à des pages successives et alignées. Dans une « mise en page » originale, associant l’idée d’un livre ouvert à celle d’un labyrinthe architectural, le spectateur a le choix de lire ou naviguer au gré des multiples « entrées » dans l’oeuvre.

Abdellah Karroum est chercheur et directeur artistique basé entre Paris, Rabat et Doha. Son travail concerne les questions de création d’espaces et le vocabulaire de l’art. En 2002, il fonde L’appartement 22, lieu de rencontre et d’exposition dont les premières expositions JF_JH interrogent la société. Ce lieu devient progressivement coopératif
dès 2004, associant des commissaires internationaux en
« Délégation Artistique » (Curatorial Delegation). En 2007,
L’appartement 22 étend ses activités vers la R22-radio. Abdellah Karroum a été commissaire associé aux biennales de Dakar en 2006, Gwangju en 2008. En 2009, il a organisé une proposition pour l’articulation d’oeuvres et de lieux pour la
3e Biennale de Marrakech. Il est Directeur artistique du Prix International d’Art Contemporain de la Fondation Prince Pierre de Monaco depuis 2012, et commissaire associé pour La Triennale au Palais de Tokyo de Paris et directeur
artistique du projet « Inventer le monde-l’artiste citoyen », de la Biennale du Bénin 2012. Il est, depuis juin 2013,
Directeur du Mathaf : Arab Museum of Modern Art, Doha (Qatar).
Heures d’ouverture Coordonnées
Du mercredi au vendredi de 12h à 18h La Kunsthalle Mulhouse / La Fonderie
Samedi et dimanche de 14h à 18h Centre d’art contemporain
Nocturne le jeudi jusqu’à 20h 16 rue de la Fonderie
Fermé lundis, mardis et le 1er novembre 2013 68093 Mulhouse Cedex
Entrée libre tél : + 33 (0)3 69 77 66 47
kunsthalle@mulhouse.fr
Kunstapéro
Jeudis 3 octobre et 7 novembre à 18h00
Concert de l’OSM • Électron Libre
Vendredi 4 octobre à 20h00 à La Kunsthalle
Plus loin que la misère, il nous faut regarder
Sous les yeux d’un architecte
Conférence de Philippe Rahm
Jeudi 10 octobre à 19h00
Kunstdéjeuner
Vendredi 11 octobre à 12h15
Kunstprojection
Jeudi 14 novembre à 18h30
Écrire l’art
Lecture-performance de Michaël Batalla
Dimanche 17 novembre à 15h00
Sous la forme d’une mini-résidence de quatre jours, Michaël Batalla, poète,
s’immerge dans l’univers de Sous nos yeux et compose autour des oeuvres
exposées. Dialogues, créations, collaborations, poésies visuelles et sonores,
textes et expressions permettent de visiter, voir, concevoir et revoir les
oeuvres au travers du langage spécifique de l’écrivain

Sommaire de septembre 2013

 
Festival Musica : Robert Cahen – vidéos et installations

04 septembre 2013 : Le mystère du roi bleu de Max Ernst
07 septembre 2013 :  les aventures de la vérité
10 septembre 2013 :  Photographes en Alsace 2013
19 septembre 2013 :  Figures du pouvoir – Olivier Roller
26 septembre 2013 :  Roux et rousses – photographies de Geneviève BOUTRY

Roux et rousses – photographies de Geneviève BOUTRY

Le musée des Beaux Arts de Mulhouse expose  jusqu’au 3 novembre 2013
Roux et rousses – photographies de Geneviève BOUTRY

Roux et Rousses – Geneviève Boutry BA Mulhouse

Après une carrière de comédienne et de violoncelliste, Geneviève Boutry se consacre depuis 1986 à la photographie. Mais son passé théâtral marque son travail artistique puisque beaucoup de ses photographies sont « mises en scène » ou suggèrent un univers onirique, comme sa série des « Métamorphoses ».
Roux et Rousses Geneviève Boutry

En 1988 elle avait déjà proposé une exposition sur la thématique des roux et des rousses mais avec des œuvres qui suggéraient un monde baroque, presque surréaliste. Plus de vingt ans après, elle revient sur ce sujet pour rendre encore hommage aux roux et rousses car selon elle les mentalités n’ont pas évolué. Ses portraits proposent d’ouvrir le débat sur la différence et le « racisme » qui peut en découler.
Roux et Rousses Geneviève Boutry

« Ce thème de la rousseur est un thème universel et fédérateur car il parle de la minorité et de la différence. ( 2 % dans le monde) Il traite également de l’exclusion. Les roux se sentent bien ensemble mais souvent sont appréhendés comme une caste à part. Ils exercent à la fois fascination et répulsion ». Geneviève Boutry
Geneviève Boutry a une  vraie peau de rousse et en arbore la chevelure …
Une cinquantaine de photographies argentiques sont exposées. Des portraits « sérrés » qui captent l’intériorité de chaque personne côtoient des portraits « mis en scène » en fonction de l’histoire personnelle de chacun et de la magie de l’instant présent. Le décor est souvent la nature, thème cher à Geneviève Boutry qui révèle fort bien la couleur rousse.

Le choix du cadrage s’effectue à la suite d’échanges entre l’artiste et ses modèles (qu’elle aborde dans la rue ou les bistrots) qui deviennent pour beaucoup « presque de la famille » tant les rencontres ont été riches. C’est aussi  pour cela qu’un film témoignage participe à l’exposition, où certains parlent de leur rapport à la rousseur.
Geneviève Boutry raconte avec bonheur son démarrage dans les arts plastiques et la photo en particulier avec les :
Dames-pipi
C’est une aventure qui a commencé à Bruxelles en 1986 et qui s’est poursuivie jusqu’en 1988 “ Je suis descendue dans les coulisses du monde. Je suis allée voir celles qu’on ne voit généralement pas, celles sur qui on ne s’attarde pas, à qui on veut échapper surtout ”. Je me suis retrouvée actrice et observatrice de ces femmes qui me faisaient découvrir leurs passions et leurs fantasmes.
Genevive Boutry avait invité  au vernissage ses modèles, qu’elle avait rencontré un peu au hasard, par le bouche à oreille, et les DNA, essentiellement de notre région l’Alsace, mais aussi dans les Vosges. Cela a occasionné un spectacle d’une multitude de dégradés de roux et de rousses, de tous âges
Un livre sera publié sur le sujet en 2014.
Elle est passé des photos couleurs, au noir et blanc, puis retour à la couleur craquelée, qui va jusqu’à l’abstraction, en 3 ans.
Xavier Fauche et Maryelle Kolopp – exposition les Roux et les Rousses de Geneviève Boutry, musée des BA de Muljouse

On pouvait y cotoyer des personnalités telles que Xavier Fauche, auteur de :
Roux et rousses : Un éclat très particulier ainsi que Rouquins, Rouquines.
et Maryelle Kolopp,
qui a écrit une thèse : les Roux : Mythes et Réalités.
Cette exposition fait partie de l’édition 2013 de « Photographes en Alsace ».
En écho à cette exposition, le Musée des Beaux-Arts propose un accrochage spécifique d’œuvres de ses collections représentant des roux et des rousses, dont de magnifiques portraits de Jean-Jacques Henner, mais aussi des toiles de Luminais, Benner etc.

 

Jean Jacques Henner

                                                              La Frileuse 1904
Jean Jacques Henner était le peintre des rousses et roux par excellence, voir l’exposition de Francis Alÿs des Fabiola à Bâle par le Schaulager.
 
Jeudi 17 octobre 18 h 30 –  Conférence
« De la rousseur dans l’art »
par Joël Delaine, conservateur du Musée des Beaux-Arts de Mulhouse
 
 
20 octobre
14 h prises de vue
Geneviève Boutry invite toutes personnes rousses de Mulhouse et d’ailleurs à se faire photographier. Seule nécessité posséder une adresse mail pour recevoir le cliché.

15 h lecture vivante « les rouquins » de Jean laude Grumberg
15 h 30 points de vue
l’artiste invite les blonds, bruns et roux à débattre du sujet : être roux aujourd’hui ?

 
Photos de l’auteur

Figures du pouvoir – Olivier Roller

Pour ses 20 ans, la Filature de Mulhouse a organisé une grande fête.
Dans la galerie, l’invité est le photographe Olivier Roller  jusqu’au 27 octobre 2013.

Olivier Roller et Robert Cahen

Après des études de droit et de sciences politiques, Olivier Roller devient le photographe spécialisé dans le portrait d’hommes et de femmes de pouvoir.

Le pouvoir est ce vieux rêve de défier le temps,
sachant que le temps sera plus fort *

Il propose une fresque photographique, décrivant le pouvoir en ce début du 21e siècle, par les individus qui l’incarnent. Une série de portraits où se mêlent politiques, financiers, publicitaires, intellectuels, acteurs ou encore empereurs romains ; mais aussi sa mère, symbole du pouvoir familial, et lui-même, dans des autoportraits qui explorent la relation du photographe à son modèle. Un travail sur l’incarnation du pouvoir, sa pérennité, sa décadence, sa transmission, sa finalité dérisoire et vaine.

Tout visage est un théâtre des apparences
Et le pouvoir est par excellence la représentation *

 Il est fasciné par les gens de pouvoir, qu’il peut observer lorsqu’il les photographie. Il pense qu’ils imaginent inconsciemment qu’à travers leur action, ils marqueront l’histoire, qu’ils ont la peur de la mort, plus développée que chez le commun des mortels. Il trouve cela profondément humain.
Lui même avoue qu’il prend le pouvoir sur ses modèles, puisqu’il se place sur ses photos, à côté de son modèle, avec son crâne rasé et son regard halluciné, comme une signature.
 

L’homme de pouvoir sait qu’il a perdu

2 vidéos permettent de voir de quelle manière l’artiste approche et apprivoise ses modèles afin d’en révéler le meilleur et le plus vrai d’eux-même, lorsqu’ils ont grimpé jusqu’à son studio. Il les dépouille de leurs oripeaux, pour les rendre au naturel.

Photo de la photo d’Olivier Roller avec Bernard Henri Levy

Une vidéo de  de François Hollande, (autorisation d’Olivier Roller) montre en 2 minutes 30, comment il maîtrise son modèle, homme de pouvoir par excellence, dont le temps est minuté, qu’il magnifie. Il montre aussi, ceci en 30 mn la confection, telle une parade de séduction, en paroles, par gestes, pour aboutir au portrait de Mercedes, femme de pouvoir.
Tous les hommes lorsque vous les avez en face de vous, sont  soumis à mon cadre humain, je leur parle (beaucoup), je les touche, ainsi il montre un autre aspect de la personne publique.*
photo de la photo d’Olivier Roller

 
Robert Cahen égrène  sur un écran rose « des mots doux pour la Filature »
 * texte d’Olivier Roller
photos de l’auteur

Photographes en Alsace 2013

Photographes d’Alsace 2013.

Ils sont 7, symbole d’esprit, de connaissance, d’analyse, de recherche, les photographes de l’Atelier Nomade, exposent sous le commissariat de Paul Kanitzer, qu’on ne présente plus. C’est la galerie Hors Champs, rue Schlumberger à Mulhouse qui leur permet ce déploiement, jusqu’au 29 septembre.

C’est une association informelle d’amis, amateurs passionnés par le même « objectif » cela va de soi, l’appareil photo. Ils se réunissent de temps en temps pour confronter leurs recherches, leurs expériences, chacun ayant une particularité bien personnelle.

La plupart proposent le noir et blanc, témoignage social, humaniste et questionnement citoyen. Ce qui donne une belle cohérence entre les différents sujets présentés.

Bernard Bay « quiet people in towns »


Pour ce tirage en numérique le Mulhousien n’est pas allé, très loin, à la recherche des lieux de vacances et de loisirs en milieu urbain, il a immortalisé des personnages calmes, sans violence, selon son goût.

 

Pascal Bichain “photophone”


Une photo par jour avec son téléphone
sous le titre « Photophone ». 112 photos dont 366 ont été tirées, pour une année bissextile,  au rythme d’une photo par jour pendant un an, il a construit une manière de journal intime en noir et blanc. C’est une lassitude de la complexité des appareils photos qui l’a amené à utiliser son téléphone, un challenge intéressant.

François Carbonnier « Sténopés-0613 »


Technique photographique ultra simple,  un boîtier, un trou, pas de pile, pas de viseur, il retourne aux origines de la photographie et propose notamment des paysages vus sous des angles inattendus. Maniéré mais passionnant,
il a photographié des endroits de Mulhouse, avec des effets très particuliers, qu’il nous propose de reconnaître.

Jean-Jacques Delattre « Moi, jeux »


Une série sur le jeu, des joueurs dans leur distractions quotidiennes, leur addiction. Pendant quelques heures dans un café proche d’une gare à Lyon, il a observé des joueurs. Unité de temps et d’action, où la couleur rouge souligne l’intensité.

Luc Georges « l’attente »

 

Longtemps il a donné son regard à la pub.
Son reportage sur la vie des gens, est un travail de mémoire. Aujourd’hui, c’est le social qui le passionne. « L’attente » ou des portraits d’habitants dans un immeuble promis à la démolition.

Sylvain Scubi « Strasbourg mai 2012 »

Il fut de la première édition de «PenA». Traversant la vie comme un baroudeur, il aime être «dans les gens» ainsi dans «Strasbourg, mai 2012», une manifestation de gauche.
En noir et blanc, surgit du hasard, dans la bonne tradition française, sur le vif, spontané, à la Cartier Bresson.

Renaud Spitz « Cambodge S21 »


Une série Sortie de sa photothèque, de 76/79, un musée de la prison.
Le Cambodge est un pays superbe mais c’est aussi une terre marquée par les terrifiants Khmers rouges. « Cambodge S21 » ou le retour dans une ex-prison de sinistre mémoire, cela nous ramène aussi à Ai WeiWei.
Ils seront tous  au Lézard de Colmar à partir du 14 septembre.

 

Jusqu’au 29 septembre

Galerie Hors Champs, 14 rue Schlumberger
68200 Mulhouse
du mercredi au samedi de 13 h 30 à 18 h 30
que les photographes me pardonnent mes photos d’amateur

 

 

 

les aventures de la vérité

La Fondation Maeght a donné carte blanche au philosophe et écrivain Bernard-Henri Lévy. Sur le thème « Peinture et philosophie », Bernard-Henri Lévy, commissaire artistique, propose un itinéraire en sept « séquences » pour comprendre le corps à corps millénaire, entre la philosophie et la peinture, parfois rivales, parfois alliées. Une centaine d’œuvres anciennes et contemporaines, issues de collections publiques et privées, françaises et internationales, sont réunies pour cette exposition événement.

Jean Michel Basquiat – Sans titre (Prophète) 1981-1982 acrylique, craie et collage sur toile -collection privée ©

« Très vite, j’ai été conquis par l’idée de constituer une collection, moi qui ne suis pas collectionneur, de saisir cette occasion extraordinaire de faire l’une des plus belles collections du monde, mais éphémère et qui corresponde à mes rêves », extrait du  Journal intime BHL qui constitue la préface du catalogue qui est plus un livre, édité par la Fondation Maeght et Grasset, pour l’occasion. Les reproductions de la centaine d’oeuvres choisies sont accompagnées de notices rédigées par Bernard-Henri Lévy, dans lesquelles le narrateur ne fait pas mystère ni de la subjectivité de ses choix, ni de ses éblouissements. Rencontres, réflexions, difficultés, étonnements et satisfactions : de larges extraits du journal tenu par Bernard-Henri Lévy tout au long du travail constituent un chapitre inédit de l’ouvrage. Ces textes aident à la compréhension de sa pensée, du choix et de son cheminement.
« Cette exposition raconte une histoire, l’histoire de la vérité à travers ses deux grandes vestales que sont la philosophie et la peinture », résume le commissaire Lévy.
Son titre, qui est aussi celui du livre, est « Les Aventures de la vérité », sous-titré « récit », car les quelque 140 oeuvres réunies par BHL sont là pour raconter le bras de fer que se sont livré à travers les siècles l’art pictural et la pensée philosophique.
« Si j’ai avec tous ces tableaux et ces dessins une relation intense et personnelle, explique-t-il, aucun de mes choix ne déroge à l’objectif poursuivi. »
 Sauf un : un portrait d’André Breton par Nadja, qu’il a découvert chez un collectionneur, et pour lequel il a éprouvé un coup de foudre immédiat. Le seul portrait du pape du surréalisme, écrit-il dans le commentaire « où on ne le sente pas statufié, poseur ».
Une exposition, pour celui qui l’organise, c’est un autoportrai. Le sous-titre de l’exposition résume bien le propos, « récit » Ce n’est pas une expo, c’est un parcours, une déambulation.

Pour moi, novice, la philosophie vue du point de vue de l’art, commentée, juxtaposée, rivale est une aventure. Curieuse de l’art (dilettante), gourmande de nouvelles expressions et de manières d’exposer, je me suis régalée, tout en tentant de saisir l’essentiel du propos.
Venir à la Fondation Maeght est déjà un grand bonheur.
Les  connaissances de BHL sont impressionnantes. Il nous montre des œuvres inconnues comme Dibutabe, entre autres, pour illustrer ses propos.
L’exposition propose un itinéraire à travers ces œuvres de l’esprit qui se déploie en sept « séquences » :
 
Première séquence : La Fatalité des ombres.
Platon et les platoniciens chassent hors de la république les faiseurs d’illusions et montreurs d’ombres. Se référant au mythe de la caverne et à la fable de la Dibutade qui trace au charbon l’ombre de son amoureux avant qu’il ne disparaisse,  démonstration de BHL “l’art porte, comme un fardeau imaginaire, le poids de ce platonisme.
La formule fait allusion à l’interdit porté par le platonisme sur les images en  général et la peinture en particulier, mais aussi aux iconoclastes.
Il est difficile de choisir entre les oeuvres proposées par BHL pour illustrer ses stations.Je propose Le Saut de Pierre Tal Coat.
Pierre Tal Coat – Le Saut 1955-56 huile sur toile 146 x 146 Collection Adrien Maeght ©

 
Un homme bleu, sur un fond d’or, courant après un objet perdu que l’on sent qu’il n’atteindra jamais.
Deuxième séquence : Technique du coup d’état.
C’est la réhabilitation de l’image dans le christianisme par les philosophes et les théologiens, qui lève la malédiction platonicienne. BHL nous présente quelques Sainte Véronique, icône acheiropoieta, dont celle de Pierre et Gilles, créée spécialement pour l’exposition. Il en a assemblé une profusion (oeuvres religieuses et profanes)

Troisième séquence : la Voie Royale.
La peinture a pris sa revanche sur la philosophie à laquelle elle passe le relais.
La vérité de l’être est présentée par la peinture, l’art est la vraie philosophie.
Des textes de philosophie voisinent avec les masques de James Ensor et le Communicator n° 4 de Marina Abramovic, ou encore les libraires aveugles de Gérard Garouste, les Cène, les crucifixions, qui avec bonheur sont raisonnablement éloignées l’une de l’autre pour donner à chacune son importance.
Marina Abramovic – The Communicator (n° 4) 2012 tête en cire avec des pierres de cristal de quartz piédestal en verre, Gallery Lia Rumma

Quatrième séquence : Contre-Être.
Une oeuvre d’Anselm Kiefer, « Alkahest », elle aussi spécialement créée pour l’exposition pour illustrer ce propos. Oeuvre géologique autant que philosophique, ou les éléments font allusion aux alchimistes, avec la balance du dosent le sel et le sulfure. BHL fait allusion dans son texte à Faust et devine la silhouette de Nietzsche, dans la partie gauche de la toile. Faust qui transforme le plomb en or, ou l’or en argent, il transmue tous les éléments. C’est une toile sublime, devant laquelle les visiteurs passent dans la regarder. (du moins lors de ma visite)
Portraits et sculptures de quelques philosophes, (De Chirico, les philosophes grecs, André Masson le portrait de Goethe, Genetic Moment de Barnet Newman.
Que fait-on avec le temps , Roman Opalka en a dénombré l’écoulement, jusqu’au dernier nombre 5607249, jour de son dernier soupir.
Anselm Kiefer, Alkahest 2013, huile, émulsion, acrylique, gomme-laque, charbon, sel et métal sur toile, galerie Thaddeus Ropac

 
Cinquième séquence : Tombeau de la philosophie.
La place laissée vacante par la philosophie, c’est l’art qui l’occupe. La peinture par les artistes met en scène le cadavre de la philosophie.
Magritte “les vacances de Hegel” Une suite  de toiles et sculptures avec des cadavres : Efficiency Men de Thomas Schütte, Walking for the Liberation de Paul Delvaux,  l’enfer des frères Chapman, puis dans la cour Giacometti, incongrue :  Merci Dream, la Pièta de Jan Fabre, impressionnante à Venise, dans la Nuova Scuola Grande di Santa Maria de la Misericordia. Les chaussures d’Abdel Andessemend : les Chemins qui ne mènent nulle part. La Datcha, propriété d’Edouardo Arroyo, où Louis Althusser est présenté sur le seuil, Levy Strauss assis, Lacan debout en noeud papillon, Foucault, caressant son crâne chauve, Roland Barthes (attention Nagui et Sarko) présentant les petits fours à ses invités, que l’on devine en grande discussion et réflexion. BHL nous apprend que le tableau est une charge contre les cinq, de leur pensée coupée du monde, frileuse. Colère contre les penseurs, fureur contre l’intelligence et son emphatique inutilité.
La Datcha collection particulière

Sixième séquence : La revanche de Platon.
La situation s’inverse, la contre-offensive, sinon, de la philosophie, du moins du discours et du concept répondant à l’agression, tentant de reprendre le terrain perdu, en repartant à l’assaut de l’art.
En premier lieu, la contre-attaque de Duchamp avec tous ses suiveurs,  puis le monochrome, certaines oeuvres se réduisent  à un simple énoncé.
Les directives de Guy Debord.

Septième séquence : Plastèmes et philosophèmes.
Termes inconnus que j’ai tenté de trouver dans un dictionnaire (google)
Aussi je résume ce que j’ai lu et tenté de comprendre.
Les artistes n’ont attendu personne pour se libérer et surtout pas un philosophe, ni inversement, pour les philosophes.
Car il reste, une dernière configuration, ancienne et moderne, archaïque et contemporaine, qui voit art et philosophie, dans leurs positions respectives, se complétant parfois et travailler ensemble.
Les sacs en plastique de Kader Attia, vides, qui furent pleins, fantomatiques et portant l’empreinte de ce dont les a vidé, témoin de la misère du monde.
Kader Attia

 
En résumé c’est un va et vient entre art ancien, moderne et contemporain ; entre une crucifixion de Bronzino et de Basquiat ; une Sainte Véronique du XV° siècle et sa réinterprétation par Picabia ou Jim Dine ; entre un tableau de Paul Chenavard prétendant illustrer Hegel et une autre de Joseph Kosuth prétendant, lui, dépasser et prolonger l’hégélianisme, tel est le principe d’une exposition qui pourra se lire comme un grand récit de l’âme et dont le narrateur ne fera mystère ni de la subjectivité de ses choix, ni de ses éblouissements., une exposition qui demande à ce que l’on s’y attarde.

Dans une série de courtes vidéos, filmées par Bernard-Henri Lévy, on devrait voir des artistes contemporains (entre autres : Marina Abramovic, Miquel Barceló, Olafur Eliasson, Alexandre Singh, Huang Yong Ping, Jacques Monory, Anselm Kiefer, Gérard Garouste, Kehinde Wiley, Maurizio Cattelan, Zeng Fanzhi ou Enrico Castellani) lire une page de philosophie (Platon, Hegel, Schelling, un fragment du Talmud, etc.). Noir et blanc. Artiste face caméra. Lieu de son choix. Ces films, à la fois pierres de soutènement et mouvement de l’esprit, portent par leur parole une autre forme de souffle aux côtés de celui des oeuvres.
Elles ne fonctionnaient pas lors de mon passage, dommage.
 
Jusqu’au 11 novembre 2013
photos de l’auteur courtoisie de la Fondation Maeght

Le mystère du roi bleu de Max Ernst

 

“The King Playing with the Queen” (plâtre, 1944), “L’habillement de l’épousée” (1940) et “The King Playing with the Queen” (bronze, 1944/2001)
Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Collection Beyeler; Peggy Guggenheim Collection, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York), collection privée
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Serge Hasenböhler

Dans le cadre de l’exposition « Max Ernst. Rétrospective » que la
Fondation Beyeler présente jusqu’au 8 septembre 2013 en collaboration avec l’Albertina de Vienne, on peut découvrir pour la première fois la sculpture en plâtre de Max Ernst The King Playing with the Queen, 1944 , en compagnie d’une de ses versions en bronze. Cette juxtaposition exceptionnelle vient couronner les recherches de grande ampleur que l’équipe de restauration de la Fondation Beyeler dirigée par Markus Gross et Julia Winkler a menée sur cette sculpture dans le cadre du projet réalisé avec la BNP Paribas Suisse au printemps 2013.
La sculpture The King Playing with the Queen est l’une des inventions plastiques les plus marquantes de Max Ernst et constitue un sommet de la collection de sculptures de la Fondation Beyeler. Max Ernst a réalisé cette précieuse version en plâtre de The King Playing with the Queen pendant son exil aux États-Unis, en 1944, année très féconde, et en a fait couler plus tard plusieurs exemplaires en bronze. Cette oeuvre représente une figure cornue, assise devant un échiquier, en train de jouer.
Max Ernst
L’habillement de l’épousée / de la mariée, 1940
Huile sur toile, 129,6 × 96,3 cm
Peggy Guggenheim Collection, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York)
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Peggy Guggenheim Collection, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York)

Le personnage principal — le roi du jeu — évoque le minotaure de la mythologie grecque, un monstre mi-homme mi-taureau. Max Ernst a ainsi sorti la « figure » de l’échiquier pour la transformer elle-même en joueur. Quant à la reine, elle est protégée par la main droite du roi, à moins qu’il ne l’empêche d’avancer pendant qu’il dissimule une autre figure dans sa main gauche. Le roi démoniaque joue manifestement avec ses sujets en appliquant ses propres règles — le jeu se joue lui-même. Max Ernst avait réalisé dès 1934 une série de sculptures figuratives, qui se présentent comme des oeuvres surréalistes « dotées d’une fonction symbolique ».
Les peintres, les sculpteurs et les créateurs d’objets du mouvement surréaliste avaient pour but de créer librement des images et des objets à partir d’un fonds de mythes et de visions.
 L’état de l’oeuvre
Depuis l’ouverture de la Fondation Beyeler en 1997, cette sculpture n’a été déplacée et présentée dans le bâtiment du musée qu’avec la plus extrême prudence. On a par ailleurs totalement renoncé à la prêter à l’extérieur. Le motif essentiel de cette prudence était la fragilité du matériau utilisé, le plâtre, qui présente déjà une trace de brisure ancienne et des fêlures. Par ailleurs, cette oeuvre de Max Ernst présente une particularité structurelle. D’anciens clichés d’atelier révèlent qu’Ernst composait ses sculptures à partir d’éléments distincts. Aussi peut-on se demander si la même méthode a été appliquée à la présente sculpture. La surface de l’oeuvre présente un aspect coloré dont le manque d’homogénéité est flagrant. Cette version reflète différentes couches colorées historiques, qui portent atteinte à la blancheur du plâtre.
Les objectifs du projet de restauration
Un premier objectif était de pouvoir reconstituer la structure complexe du travail plastique de Max Ernst en plâtre. Une étude différenciée de la structure par couches de la version en couleur devait également permettre de mieux appréhender l’apparence esthétique de l’oeuvre et sa genèse. Il s’agissait par ailleurs de mieux évaluer la fragilité de l’oeuvre afin d’établir ses possibilités de déplacement dans la collection et à l’extérieur, et d’assurer une présentation stable et appropriée. La consultation d’archives et l’observation d’oeuvres comparables doivent livrer de précieuses informations sur la technique et le processus de réalisation de la sculpture de plâtre et plus particulièrement de sa version colorée. Ces recherches fondamentales permettront d’établir s’il est nécessaire d’entreprendre des mesures de conservation ou de restauration plus importantes.
L’analyse de l’oeuvre
Des radiographies à haute résolution ont livré des informations instructives sur la composition structurelle du plâtre. L’intérieur de la sculpture est constitué d’une armature formée de plusieurs fils métalliques solides. Ernst a également utilisé un fin grillage métallique pour renforcer les zones planes. Cette sculpture de plâtre est composée d’un assemblage d’éléments distincts ; pour ce faire, Ernst a réalisé différentes formes, qu’il a coulées en plâtre et armées, avant de les assembler. L’étude radiographique a également fourni des renseignements concrets sur la réalisation de multiples fontes en bronze de la sculpture en plâtre. On observe ainsi à l’intérieur de la sculpture des tiges filetées, des clous et des vis qui n’ont pas été utilisés par l’artiste lui-même. Les agrandissements de détails de la radiographie révèlent que l’armature d’origine a été partiellement découpée. Associées à la découverte de documents d’archives, ces constatations ont permis de reconstituer l’importante intervention du fondeur sur cette sculpture. Pour réaliser le processus complexe de moulage, le fondeur a été obligé de redécouper la sculpture en différents fragments qu’il a réassemblés plus tard pour lui rendre sa forme d’origine. Il s’agit d’une méthode couramment utilisée par les fondeurs. Une illustration historique en témoigne. En effet, les zones claires de la sculpture dépourvues de peinture et où le plâtre
apparaît (par exemple le cou, les épaules, les poignets, etc.) ont été complétées par le fondeur après le processus de coulage. Les surfaces originelles perdues au moment du démontage ont également été reconstituées en plâtre par le fondeur.
 L’aspect esthétique et sa réalisation
L’analyse de la couche de couleur a permis d’établir que la sculpture a été recouverte de deux couches de peinture bleue. La couche bleue est d’origine et a été appliquée par l’artiste lui-même peu après la réalisation de la sculpture. Les pigments et les liants retrouvés coïncident avec les matériaux typiques de Max Ernst qui les utilisait également pour ses oeuvres sur toile. Ces constatations ont été confirmées grâce à une ancienne photographie de mode datant de 1945. On y voit la sculpture de plâtre avec une couverture de peinture colorée homogène, peu après sa création. La couleur bleue d’origine est aujourd’hui difficile à distinguer à l’oeil nu. Différentes couches provenant du processus de fonte ainsi que d’interventions ultérieures sur la sculpture ont été appliquées sur cette couche bleue encore visible. Cette multitude de fragments de couches présente un grand intérêt, car elle révèle au spectateur toute l’histoire de cette sculpture. Elles font partie d’une surface devenue historique. La restitution d’un état authentique n’est plus guère envisageable d’un point de vue technique aussi bien qu’éthique. Les recherches ont confirmé la fragilité de cette sculpture de plâtre. Les zones sensibles (points de découpage du fondeur, reprises) représentent par ailleurs un risque en cas de manipulation et de prêt.
Les projets de restauration soutenus par la Fondation BNP Paribas Suisse Décidée à participer activement à la préservation des fonds des musées afin de permettre leur transmission aux générations futures, la Fondation BNP Paribas s’est engagée depuis plus de 20 ans en faveur de la restauration d’oeuvres d’art en Europe, en Asie et aux États-Unis. En Suisse, la Fondation BNP Paribas Suisse a déjà financé plus d’une douzaine de projets portant sur la conservation d’oeuvres majeures de Max Ernst, Mattia Preti, Auguste Rodin, Bram van Velde et Paolo Véronèse.
La Fondation Beyeler est heureuse d’être en mesure de restaurer trois chefs-d’oeuvre de sa Collection avec le soutien de la Fondation BNP Paribas Suisse. Sur une période de trois ans, l’équipe de restaurateurs et de conservateurs se consacrera aux oeuvres suivantes : Fernand Léger Le passage à niveau (1912), Max Ernst The King playing with the Queen (1944) et Henri Rousseau Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope (1898/1905).