Shirley Jaffe Forme et expérience

Atelier de Shirley Jaffe, Paris, 13 octobre 2008
Tableau à l’arrière-plan : Shirley Jaffe, Bande Dessinée en Noir et Blanc, 2009
© Bibliothèque Kandinsky, Centre Pompidou, MNAM-CCI / Jean-Christophe Mazur © 2023, ProLitteris, Zurich

Jusqu'au 30.7.2023, le Kunstmuseum Basel | Neubau présente Shirley Jaffe
Commissaires :
Olga Osadtschy (Kunstmuseum Basel),
Frédéric Paul (Musée national d’art moderne Centre Pompidou)
Introduction

Le Kunstmuseum Basel présente Shirley Jaffe. Forme et expérience. Il s’agit de la première rétrospective consacrée à cette peintre américaine obstinée et audacieuse qui devint un modèle pour nombre de jeunes artistes. C’est à Paris, où elle s’installe dans les années 1950, qu’elle élabore son propre langage formel au fil des années. L’exposition conçue en coopération avec le Centre Pompidou de Paris et le Musée Matisse de Nice donne à voir 113 oeuvres allant de ses débuts marqués par l’expressionnisme abstrait jusqu’aux grandes peintures géométriques caractéristiques de son oeuvre.

Biographie

Shirley Jaffe (1923–2016), née Shirley Sternstein dans le New Jersey, étudie à la Cooper Union à New York. En 1949, elle s’installe à Paris en compagnie de son mari, le journaliste Irving Jaffe, grâce au G.I. Bill destiné aux soldats vétérans américains. Son mariage ne tient pas longtemps, mais elle reste en France. Bientôt, elle fréquente de nombreux artistes américains parmi lesquels Al Held, Norman Bluhm, Kimber Smith, Sam Francis, Joan Mitchell et le Canadien Jean-Paul Riopelle installés dans la capitale française après-guerre. Ses tableaux expressionnistes abstraits de l’époque, à l’instar d’Arcueil Yellow (1956), évoquent des formations géologiques. En même temps que l’épanouissement de la gestualité, sa touche et sa palette gagnent en complexité (p. ex. East Meets West, 1962).

Shirley Jaffe Arcueil Yellow, 1956 Huile sur toile, 199 x 197 cmCentre Pompidou, Musée nationale d’art moderne, Paris © 2023, ProLitteris, Zurich
Photo: Centre Pompidou, RMN-Grand Palais / Audrey Laurans

La période baloise

En 1958, Darthea Speyer organise une exposition des oeuvres de Shirley Jaffe avec celles de Sam Francis et de Kimber Smith au Centre culturel américain de Paris. Par l’entremise de Sam Francis, Shirley Jaffe fait la connaissance du commissaire Arnold Rüdlinger. Directeur de la Kunsthalle Bern (1946–1955) et de la Kunsthalle Basel (1955–1967), celui-ci transforme et modernise durablement le paysage artistique suisse. Arnold Rüdlinger présente les tableaux de Shirley Jaffe dans plusieurs expositions collectives et fait l’acquisition de deux de ses oeuvres pour la légendaire collection privée
« La Peau de l’Ours » créée à Bâle en 1955 par sept amateurs d’art et pour laquelle il assure la fonction de conservateur. En 1964, l’ensemble des oeuvres de cette collection sont exposées à la Kunsthalle Basel.

Dans le même temps, Shirley Jaffe présente son travail dans différentes galeries suisses : chez Handschin à Bâle et chez Klipstein & Kornfeld à Berne. En 1969, une de ses peintures entre pour la première fois dans une collection française publique. À partir de 1985, le Musée national d’art moderne acquiert des oeuvres de l’artiste. Suite à une importante dation posthume d’oeuvres de Shirley Jaffe en 2019, le Centre Pompidou possède le plus riche ensemble institutionnel de son oeuvre. La majeure partie des archives de l’artiste sont, quant à elles, conservées à la bibliothèque Kandinsky.

Rupture avec l’expressionnisme abstrait …

Dans les années 1960, Shirley Jaffe se détourne de l’expressionnisme abstrait de ses débuts. Ce tournant dans son oeuvre commence en 1963 lors d’un séjour à Berlin-Ouest où elle passe un an et demi, grâce à une bourse de la Fondation Ford, avant de revenir à Paris. Dans ses peintures, elle introduit des formes simples, bien distinctes, dont la géométrie contraste avec une gestualité puissante. Le recours à une palette très vive comme dans The Big Square (1965) met en évidence la structure de ses tableaux.

Kunstmuseum Basel, © 2023, ProLitteris, Zurich Photo: Jonas Hänggi
Shirley Jaffe Big Square, um 1965 Huile sur toile, 204 x 190 cm

Changement radical

Un changement encore plus radical survient à partir de 1968 : Shirley Jaffe renonce dorénavant à toute gestualité pour faire place à une géométrie ordonnée et à des couleurs mates. Des compositions frontales formées d’aplats voient le jour. Boulevard Montparnasse (1968) illustre bien cette évolution.

En 1969, Shirley Jaffe s’installe dans un petit atelier de la rue Saint-Victor dans le 5e arrondissement (le Quartier Latin) où elle vivra et peindra jusqu’à son dernier souffle en 2016. De nombreux artistes lui rendent visite au fil des ans, dont Polly Apfelbaum, Beatriz Milhazes et Sarah Morris. En osant se détourner radicalement de l’expressionnisme abstrait et s’engager dans une nouvelle voie, elle devient un modèle et une référence pour les générations suivantes qui découvrent son oeuvre à la galerie parisienne Nathalie Obadia notamment.

Shirley Jaff Untitled, 1968 Huile sur toile, 162 x 114 cm
Galerie Nathalie Obadia, Pairs / Brussels © 2023, ProLitteris, Zurich Photo: © Bernard Huet / tutti image

Vers un style personnel

À partir des années 1970, Shirley Jaffe commence à développer une écriture personnelle aux contours ciselés. Cette phase de création se caractérise par des formes libres dérivant de la géométrie classique et formant chacune leur propre plan coloré. Si des lignes se trouvent sur une surface colorée, elles ne débordent ni sur la couleur, ni ne se recoupent. Vers la fin de cette période, Shirley Jaffe tente en outre de se libérer du cadre rectangulaire.

Introduction du blanc

À partir de 1983, son oeuvre est entièrement placée sous le signe du blanc qui isole d’abord les formes les unes des autres pour leur conférer davantage d’indépendance (p. ex. Sailing, 1985). Durant cette phase de création, l’artiste explore également la manière dont le blanc contribue à la répartition dynamique des aplats sur la toile. Des formes auparavant disjointes se rencontrent désormais dans des constellations géométriques osées.
Le blanc ne se veut pas une couleur de fond, ses nuances variant au fil des tableaux : jamais cette couleur n’est composée à l’identique.
Shirley Jaffe complète ses oeuvres de longues lignes courbées ou anguleuses parcourant plusieurs plans colorés qui renforcent ainsi une impression de superposition (p. ex. All Together, 1995).
Enfin, à partir de 1995 puis 2001 en particulier, des variations de densité chromatique apparaissent à l’intérieur des formes. Des traces de pinceaux ou des éléments colorés diffus fracturent désormais le chaos ordonné des tableaux de même que les aplats parfaitement homogènes.

Shirley Jaffe All together, 1995 Huile sur toile, 240 x 254 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris
© 2023, ProLitteris, Zurich
Photo: © Centre Pompidou, RMN Grand-Palais, Philipp Migeat

Notes d’atelier

L’exposition s’accompagne de notes d’atelier de l’artiste, qui a scrupuleusement consigné la lente exécution de ses oeuvres, ainsi que des documents d’archives provenant de sa succession privée.

Ces deux dernières années, le Kunstmuseum Basel a fait l’acquisition de deux peintures de Shirley Jaffe : Medrano (1958) et Big Square (1965). Le musée dispose ainsi d’une oeuvre de jeunesse et d’un travail exécuté au début du tournant vers l’élaboration de son écriture personnelle. Le Kunstmuseum possède en outre quatre travaux sur papier de la fin des années 1950.

Shirley Jaffe Medrano, 1958 Huile sur toile, 207.5 x 194 cm
Kunstmuseum Basel, © 2023, ProLitteris, Zurich Photo: Jonas Hänggi

Shirley Jaffe Oral (Art) History

Le projet Shirley Jaffe Oral (Art) History a invité des témoins de l’époque, amis et collègues de Jaffe, à jeter un regard sur la vie et l’oeuvre de l’artiste sous différentes perspectives. Une sélection du matériel ainsi obtenu est intégrée à l’exposition du Kunstmuseum Basel sous forme d’installation audio. L’ensemble du matériel de ce projet d’histoire orale est accessible sur le site web du musée.

Information pratiques

Kunstmuseum Basel
St. Alban-Graben 8
Postfach, CH-4010 Basel
T +41 61 206 62 62
kunstmuseumbasel.ch


Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.