A Triple Tour à la Conciergerie

Se termine le 6 janvier, hâtez-vous
La Conciergerie détail
L’exposition A Triple Tour, issue de la collection François Pinault, présentée à la Conciergerie, porte sur le thème de l’enfermement. Le lieu historique, résidence et  siège du pouvoir des rois de France, du Xe au XIVe siècle, convertie en prison d’État en 1370, était considérée pendant la Terreur comme l’antichambre de la mort. Les œuvres entrent en parfaite résonance avec le cadre de la Conciergerie, la disposition des cimaises  ajoute au confinement..
« ….La Conciergerie est un lieu exceptionnel, non seulement du point de vue architectural mais aussi et surtout par sa dimension historique….. »
François Pinault.

Organisée par le Centre des Monuments Nationaux, sous la présidence de Philippe Bélaval. la scénographie est confiée aux architectes Caroline Barat et Thomas Dubuisson, le commissariat  à Caroline Bourgeois. L’exposition présente sur 1500 mètres carrés une sélection de près de 50 œuvres de 23 artistes. Ces œuvres, pour la majorité inédites, proposent des points de vue variés et singuliers sur ce sujet omniprésent dans l’histoire de l’Humanité.
L’exposition s’articule autour de deux axes principaux : l’enfermement résultant de la violence sous toutes ses formes, politique, religieuse et judiciaire, ou encore des enfermements intérieurs que la fatalité, le destin, l’atavisme, les malheurs de la vie imposent à beaucoup d’entre nous.
La Ier partie intitulée
« Crise et enfermement », traite de l’enfermement du aux conflits armés, régimes politiques totalitaires, terrorisme, débordements urbains.
La seconde partie intitulée « Enfermement et individu », traite d’un enfermement plus personnel (La folie, l’enfermement physique et psychologique, la maladie).

Michel Angelo Pistoletto la Gabbia
Michel Angelo Pistoletto la Gabbia

Le parcours de l’exposition commence par l’oeuvre de Michelangelo Pistoletto, La Gabbia (La Cage), une installation faite de miroirs grillagés, qui brouille la perception : le visiteur est mis en abîme et a déjà l’impression d’être enfermé. Le ton est donné. L’immersion est immédiate.
On passe dans un couloir, où une autre star de l’art contemporain Bill Viola, nous fait prendre conscience des baillons répressifs (politiques, sociaux, économiques etc..)
Bill Viola Hall of Whispers
Bill Viola Hall of Whispers

Puis la toile de Raphaëlle Ricol, Terrorisme, où bien que masqué ou camouflé, les yeux s’ouvrent sur l’environnement.
Raphaëlle Ricol, Terrorisme
Raphaëlle Ricol, Terrorisme

Puis les prisons dans tous leurs états (Boris Mikhaïlov, Mohammed Bourouissa, Ahmed Alsoudani), la guerre civile (Mona Hatoum),
Triple Tour
le terrorisme (Raphaëlle Ricol), les débordements urbains (Julie Mehretu) et enfin l’idée de résistance (Bertille Bak (vidéo) et Jennifer Allora & Calzadilla).
La deuxième partie se concentre sur l’individu confronté à lui-même et à ses démons : l’angoisse de la vieillesse (Sung Yen et Peng Yu), montrent 13 sculptures de vieillards qui semblent avoir été des notables, pope, militaire, pape, scheik, qui déambulent inlassablement dans leurs fauteuils roulants automatiques, dans un ballet macabre. Ils sont l’illustration du « naufrage de la vieillesse » seuls, abandonnés, une Vanité. vidéo
a triple tour
La phobie de la maladie et de la décadence, la gigantesque et glaçante  armoire à pharmacie de Damien Hirst autre star, la folie Javier Tellez, qui remplace dans le film de Dreyer, la (les) voix par celles de schizophrènes en écho à celles de Jeanne d’Arc.
Maria MarshallTrès poignante, bouleversante, la vidéo de Maria Marshall, où un petit enfant, grimace en gros plan, maintenu par une camisole force, confiné dans une chambre capitonnée, puis la peur de la solitude (Llyn Foulkes).
La culpabilité avec une installation de Kristian Burford, une chambre d’hôtel, la porte entr’ouverte, pourtant l’interdiction d’y entrer est mise, vue sur le room service au premier plan, puis dans le fond, un miroir où se reflète un homme nu. Nous sommes devenus voyeurs, presque malgré nous, témoins d’une scène intime. Parvenus de l’autre côté de la chambre, c’est l’image d’un homme abattu.
Kristian Burford
« Last night you brought a man up to your room after having a late night at the hotel bar. Knowing that you are a HIV positive you had sex which caused him to bleed. After a day of meetings you now return to your room »..
Chen Zhen
le verrouillage mental (Friedrich Kunath, Tetsumi Kudo),
Testsumi Kudoou corporel (Justin Matherly, Alina Szapocznikow). Le parcours se poursuit avec trois œuvres de Chen Zhen qui dans un même élan embrassent toutes les formes d’enfermement : depuis l’exil jusqu’à la maladie, avec la chaise à ou de concentration, à double sens.
Elle se termine sur les White Elements de Jos de Gruyter.
L’exposition n’est pas bling, bling, et fait la part belle à des artistes moins ou peu connus qui ont été choisis par François Pinault. C’est aussi un peu le portrait d’un collectionneur passionné qui se questionne sur le monde actuel.
Photos de l’auteur

Braque les derniers jours de la rétrospective

Le Grand Palais présente la première rétrospective consacrée à
Georges Braque (1882-1963) depuis près de quarante ans. Initiateur du cubisme et inventeur des papiers collés, il fut l’une des figures d’avant-garde du début du XXe siècle, avant de recentrer son œuvre sur l’exploration méthodique de la nature morte et du paysage. L’exposition propose un nouveau regard porté sur l’œuvre de l’artiste et une mise en perspective de son travail avec la peinture, la littérature ou la musique de son temps.
braque
L’expo Braque est encore ouverte jusqu’au 6 janvier.
Retardataires, si vous aviez encore besoin d’être convaincus, jetez un coup d’oeil à la presse !
 
Georges Braque le port de l'Estaque
Georges Braque le port de l’Estaque

Il a peint cette oeuvre en 1906. Il y a tout juste un an qu’il a découvert les « Fauves » groupe qui privilégie la couleur pure, loin du romantisme. Il s’agit d’établir un véritable vocabulaire pictural, de mettre en place des stuctures solides.
Le grand nu est un tournant capital dans son oeuvre, une rupture totale avec le fauvisme et sa rencontre avec Picasso pour donner naissance au cubisme. En compagnie de Guillaume Appolinaire ils ont un choc en découvrant les « demoiselles d’Avignon » de Picasso.
L’art africain est présent dans le visage, mais aussi du cézannisme dans la composition et la touche, les couleurs ocres.
Il est le premier à intégrer des lettres dans les pochoirs, dans le désir de s’approcher le plus possible d’une réalité, voir la nature morte aux banderilles.
Une salle d’honneur, lui est consacrée au salon d’automne 1922, à 40 ans, avec 18 oeuvres apparaissent 2 d’entre elles, ou surgissent les Canéphores, consacrées au nu féminin, retour à l’art antique.
Braque Canéphores
Braque Canéphores

L’homme à la guitare traduit sa solitude, pendant la seconde guerre mondiale, des oeuvres sombres, des compositions à figures, à peine éclairées, elles traduisent l’enfermement, malgré un travail construit et maîtrisé.
George Braque, l'Homme à la Guitare
George Braque, l’Homme à la Guitare


La série des Grands Ateliers a donné naissance chez Braque à une sorte d’apothéose, un lieu clos, où la palette est toujours présente, toutes sortes de matières, rapport entre la réalité et l’illusion, sans perspective et avec l’abandon du cubisme. Il ordonne dans une sorte de symphonie, l’espace, la couleur, en miroir, une atmosphère troublante, un espace tactile, palpable.
L’oiseau, présent dans la plupart de ses ateliers, a parfois la forme d’une palette, ou encore il est transparent, ou en forme de miroir, reflétant toutes les figures de la composition, ou éclaté dans l’espace. Braque a toujours nié la charge symbolique de l’oiseau, sa présence est à ses yeux, une nécéssité d’ordre plastique, puisque sa fonction est de briser le bloc compact des formes, son vol anime un espace tactile, cet espace qui permet selon les mots mêmes de Braque de « mesurer la distance de l’objet » un espace qu’il rend palpable, tout en suggérant le mouvement.
George Braque, les Ateliers
George Braque, les Ateliers

Les derniers paysages, vastes panoramiques, seront ses derniers tableaux, où on ne voit plus que le rapport du ciel avec la terre, ou avec l’eau. La composition se réduit à 2 bandes parallèles,  dans son rapport à la matière, face à la création et à l’immensité du vide, à la manière de Courbet.
George Braque, paysage
George Braque, paysage

Le cycle des oiseaux,débute par une commande par André Malraux pour un plafond de la salle des étrusques du Louvre, puis par Aimé Maeght pour une décoration murale à St Paul de Vence. En 1960 Braque excécute ses premières grands peintures sur le thème de l’oiseau.
« les oiseaux m’ont inspiré, je tente d’en extraire le meilleur profit pour mon dessin et ma peinture, il me faut pourtant enfouir dans ma mémoire leur fonction naturelle d’oiseau, ce concept doit s’effacer, s’abolir pour mieux dire, pour me rapprocher de ce qui me préoccupe essentiellement,la construction du fait pictural ».
En 1960 la stylisation du sujet atteint son terme avec l’oiseau blanc et l’oiseau noir, très beau tableau qui a été choisi pour l’affiche de l’exposition. Devenu le motif emblématique de Braque, l’oiseau est en quelque sorte, l’aboutissement de ses recherches, et la réponse à ses questions, il est le lien entre l’espace et la matière, entre le ciel et la terre, entre l’infini et la condition humaine.
George Braque atelier
George Braque atelier

 
 
Braque dans la presse
L’Agora des Arts
Jean-Michel Masqué

« Une rétrospective qui n’avait pas eu lieu depuis quarante ans et qui réhabilite celui qui avec Picasso à inventer le cubisme… » Entrée libre (France 5) vidéo
« Chez Braque, la composition a la rigidité apparente d’une portée musicale, la rigueur d’un énoncé mathématique, la complexité d’un puzzle constructiviste. Mais chaque tableau est de l’atome en fusion. » Paris Match
« Braque est un peintre sans histoire. C’est aussi une sorte de chevalier : héros tranquille des choses et des huiles, sans peur et sans reproche – sans repos. » Libération Next
« L’œuvre de Braque est ‘sous-estimée’ car elle est ‘exigeante’, ‘rétive à toute anecdote’ et ‘pudique’. » Le Huffington Post
« Braque n’a rien à voir avec le Picasso, ­volubile, mondain, jubilatoire et sensible au succès. Il a l’élégance naturelle du flegmatique. C’est un lent, un méditatif » Lefigaro.fr

Voeux 2014

A tous mes lecteurs
 
voeux copie
Photo Robert Cahen « Dernier Adieu »  extraite de la vidéo 1988