Sommaire de juin 2009

11 juin 2009 : Giacometti
12 juin 2009 : Art Basel Public Project 1
16 juin 2009 : Art Basel suite 2
18 juin 2009 : Art Basel Public Project 2 suite 3
22 juin 2009 : Art Basel suite 4
23 juin 2009 : Adieu Christine, Bonjour Frédéric
25 juin 2009 : Katharina Fritsch

Katharina Fritsch

Au Kunsthaus de Zurich (jusqu’au 30 août), vous êtes  accueillis, par un cuisinier jaune, vêtu impeccablement,  présentant un plat de côtellettes, de pommes de terre et de pois sur un  fond en  image d’une auberge noire, une sculpture lumineuse de  Katharina Fritsch, sur une sérigraphie sombre de l’auberge «Schwarzwaldhaus. Dans un angle se trouve un petit Rattenkönig (Le Roi de Rats) qui est le résultat d’une expérience tout-à-fait ordinaire, mi-dégoût, mi-fascination, vécue par l’artiste à la sortie de service d’une institution d’art new-yorkaise. Elle se trouva face à un trou à rats. Cela lui suggéra la légende et les contes parlant d’une pelote trônant au croisement de queues de rats noyés, foyer d’infection et pullulement démoniaque. »
 Un cœur immense formé d’un tapis de pièces de monnaie évoque d’emblée l’idée de commerce.
katharina-fritsch-la-tablee.1245964543.jpg Le musée serait-il devenu auberge où l’on consomme sans mesure, idée confirmée par la
 « Tischgesellschaft, 1988 » ou une tablée de 32 clones, vêtus de noir à la peau blanche, les mains posées sur une nappe à losanges rouges et  blancs vous restitue une curieuse perspective, presque vertigineuse. Le rendu est tellement parfait qu’il me fallut vérifier, à l’insu du gardien j’ai touché, ce sont bien des sculptures en polystyrène et bois, il n’y a que la nappe qui est en coton. La sensation confuse d’un imaginaire mêlant humour et consommation se confirme avec « Warengestell mit Madonnen, » 1987/89, (poussez jusqu’à 3/3) le présentoir des madones en gips peintes en jaune, telle une marchandise en promotion pour lieux de pèlerinage. Joue-t’elle  sur les croyances populaires, les peurs, telle cette Sainte Catherine noire, au cœur très visible, sur fonds de sérigraphie verte.
Dans la salle voisine, Mary Poppins, “Frau mit Hund, Schirme und Paris-Postkarten, 2004 » katharina-fritsch-frau-mit-hund-schirme-und-paris-postkarden.1245964721.jpgconstitué de pétales de roses, d’après le catalogue, qui ressemblent plutôt à des coquilles St Jacques, la forme du visage très connotée, qui  évolue gracieusement dans un paysage de sérigraphies, monochromes, de Tour Eiffel, de Champs Elysées, de café-croissants, de bouteille de vin. Le caniche blanc est à son image,  la queue a la forme d’un escargot, les ombrelles accrochées au plafond semblent flotter dans un passé révolu et donnent un aspect léger et aérien à cet espace.
Puis il y a le géant blanc avec sa massue devant une vallée verdoyante qui évoque la naissance des mythes.
Puis on croise l’éléphant vert sur socle, qui n’a rien a envier par sa taille à ceux que j’ai vu au musée de la nature à New York, à part que celui-ci est unique.
Dans l’un des derniers groupes Katharina Fritsch invite dans une chambre à coucher. Il y a un grand lit blanc décoré avec des confettis, dit «lit français». Comme si un époux, créateur dans l’attente,  avait posé des confettis colorés en forme coeur, à la place des yeux et de la bouche sur le couvre-lit. Au mur des sérigraphies monochromes de playboys, sur la plage d’ Ibiza, à la plastique avantageuse, nus ou à peine vêtus.
La table de nuit, avec un lapin et Donald, un papier peint avec des dynosaures et des tableaux encadrant des oiseaux.
Fantasme de l’artiste ou souvenirs du passé?
Toujours dans la continuité de consommation, le frigo bardé d’autocollants.
Puis la pièce la plus surprenante une superbe pieuvre orange sur son socle, tenant dans une tentacule, un tout petitkatharina-fritsch.1245964893.jpg homme vêtu de son scaphandre, ayant l’air de se débattre en vain, à côté d’un crâne coiffé d’un haut de forme, suprème vanité. Tentation de manipuler l’autre, l’homme ?
 Si l’on se réfère aux sérigraphies environnantes, KF. Se serait inspiré d’un fait divers qui se serait passé au zoo de Londres, un boa avalé par un python, puis passager précipité d’un bateau, un dame dans son lit affublée d’une chauve souris et un autre trio de dames pratiquant la fumette, tout cet assemblage sorti du cerveau blanc sur socle de l’artiste ? Onirique, déroutante, l’exposition des figures et des objets est présentée comme dans la décoration soignée d’une vitrine de grand magasin. Toutes ses sculptures et petits éléments sculpturaux à caractère d’objet ne sont cependant pas des copies de productions de masse glanées dans le commerce, mais des artefacts lissés, purifiés, idéalisés.

Art Basel suite 4

jake-et-dinos-chapman-no-women-no-cry.1245635495.JPGA Bâle Jake et Dinos Chapman présentent «  No woman, no Cry » 2009« . Un charnier, corps torturés, sanguinolants, l’horreur absolue. Le public se masse autour de l’œuvre, mu par la curiosité, visiblement très peu choqué, j’ai noté un enfant tout sourire, il prenait cela visiblement pour l’illustration d’un jeu virtuel, matérialisé ici dans sa cage de verre. C’est le même attroupement que l’on voit lors d’un accident, la même curiosité avide anime le public,
Les 2 plasticiens britanniques étaient assistants de Gilbert & George. Est-ce par opposition à leur père professeur d’art, qu’ils produisent des œuvres cyniques, qui ne visent qu’à choquer. La guerre le sexe, le capitalisme sont les thèmes récurrents de leur travail. Ils jouent sur le second degré et la controverse.
Ils se font remarquer par la critique en 1991, pour une oeuvre intitulée « Désastres de la guerre », réalisée à partir de figurines en plastique et inspirée directement des gravures de Goya. jake-et-dinos-chapmant-1.1245635814.JPG
On peut dire que leur oeuvre la plus ambitieuse est Hell, qu’ils réalisent en 1999, représentant diverses scènes, notamment l’Holocauste, et qui a été détruite lors d’un incendie. Elle était composée d’un grand nombre de mini-figurines de nazis.
Ils réalisent des sculptures avec des mannequins d’enfants assemblés et pourvus d’organes génitaux placés au hasard.
En octobre 2008, lors de la Foire Internationale d’Art Contemporain de Paris, Jake et Dinos Chapman vendent, après les avoir retouchées, onze aquarelles réalisées par Adolf Hitler, pour la somme de 815 000 euros. Sur ces peintures, représentant des paysages désolés, Jake et Dinos Chapman ajoutent des arcs-en-ciel et des formes de couleur.
L’oeuvre, intitulée « March of the Banal », littéralement « La Marche de l’ordinaire », suscite immédiatement une polémique. Certains n’hésitent pas à parler de « révisionnisme cool ».
En mai 2008, les frères Chapman avaient déjà exposé à la White Cube de Londres une première série de treize aquarelles de Hitler repeintes : If Hitler Had Been a Hippy How Happy Would We Be, littéralement « Si Hitler avait été hippie, comme nous serions heureux ».
Ils étaient dans la liste des nommés au Prix Turner en 2003. Moi aussi j’ai cédé à la curiosité morbide en ayant pris des photos et une vidéo.

Art Basel Public Art Project 2 (suite 3)

art-basel-inconnue.1245324129.JPGUne concurrence sérieuse pour Eva et  Adèle , artistes omniprésentes dans le monde de l’art contemporain ? Elle avait une telle renvie d’être vue et photographiée, qu’ici elle trouvera sa minute de célébrité
En jouant sur l’ambiguïté du titre “Hard-Pressed Cable” (2008), la contribution de Gabriel Kuri
gabriel-kuri.1245323547.JPG(Galleria Franco Noero, Turin) dévoile en grande partie la dimension du contenu de ce travail. D’une part, le titre évoque la façon dont la langue des initiés de l’industrie de la communication désigne un message instantané urgent, et d’autre part, il joue directement sur la compression physique. La sculpture se compose d’un mur d’affiches grand format vide installé sur le sol, muni de spots de lumière fluorescente contre lesquels une boîte de jus de fruits tropicaux broyée est compressée à l’aide d’une longue poutre de bois. Le contraste entre le poids physique réel de la structure et la légèreté de la boîte de jus de fruits est saisissant. Les fonctions commerciales et publicitaires du mur d’affiches subissent un processus d’appropriation artistique afin que l’image en appelle à une oasis lointaine qui repose à plat sur la ligne de fuite de sa surface. Enfin, c’est ce que j’ai lu dans la description …
La sculpture “Untitled” (2009) de Mathieu Mercier (Mehdi Chouakri, Berlin) ressemble à une ligne monochrome mathieu-mercier.1245323706.JPGmonumentale issue de recherches scientifiques sur notre sens de la vue: en observant l’espace environnant, l’œil saute de point en point, de détail en détail et ne perçoit pas d’un coup l’ensemble de la structure. A la frontière entre architecture et design, les objets-sculptures de Mercier sont profondément reliées à nos schémas de comportement habituels. cela renvoie à la ligne indéterminé de Benoît Venet.
David Zwirner, New York, présente la nouvelle installation “Liftoff” (2009) de John McCracken, une sculpture constituée d’un pilier en angle droit en acier inoxydable. john-mc-cracken.1245323826.JPGMcCracken, qui peut être rattaché aux Minimalistes de la Côte Ouest, appelle ses objets “blocs, plaques, piliers, planches. De belles formes neutres basiques”. Par leur effet de miroir sur la Place de la Foire, mais aussi sur le spectateur, les surfaces lisses et pleines de couleurs confèrent elles aussi à l’œuvre une toute nouvelle dimension.
Les passants ne manquent pas de s’y prendre en photo, peu de gens résistent à cette mise en abîme.
Ken Price (Matthew Marks Gallery, New York) présentera “Bulgogi” (2009), sa première sculpture extérieure de format monumental qui dépasse deux mètres de haut. Cette installation permettra ken-price.1245323949.JPGau spectateur d’avoir une vision complètement différente de l’œuvre de l’artiste. Elle est composée d’éléments en terre cuite recouverts de nombreuses couches de peinture très colorée. Ces couches poncées donnent à la surface des aspects très variés.
Photos de l’auteur

Art Basel suite 2


Fondée par un groupe de galeristes bâlois dont Ernst Beyeler,
Art Basel eut lieu pour la première fois en 1970. Rapidement, ce rendez-vous qui réunit toutes les formes d’expression artistique s’imposa comme un must. Aujourd’hui, pour la 40e édition, plus de 60.000 artistes, collectionneurs (l’aéroport est le rendez-vous des jets privés), galeristes, commissaires d’expositions et amateurs d’art se précipitent à Bâle tous les ans en juin. Pour retenir 280 galeries, ils n’ont que l’embarras du choix dans plus de 1100 dossiers de candidature…
Même si tout cela est très feutré, les galeries du monde entier se battent pour entrer dans ce  saint des saints du marché de l’art. Car Art 40 Basel est tout simplement la plus importante foire d’art au monde. Autrement dit, on ne fait pas mieux sur la planète dans le domaine de l’art moderne et contemporain.
Moins d’oeuvres monumentales délirantes, y compris dans la section baptisée Art Unlimited (art sans limite). Moins de prise de risque, et un retour à des talents plus sûrs, des artistes confirmés plutôt que des jeunes vedettes lancées à grand renfort de bouche-à-oreille.
brad-pitt.1245104138.jpgQuoique invitée au « First Choice » parmis la quantité de collectionneurs, j’ai manqué Brad Pitt, chemise blanche, jeans, casquette et lunettes de star, traqué par les caméras, dévalisant la galerie de la milanaise Rossana Orlandi. Il a rempli son charriot en achetant des pièces d’un tout jeune designer, Nacho Carbonell, pour un total de 84 000 dollars, et trois installations de l’atelier Van Lieshout, dont celle se trouvant à l’entrée de la foire, la Mini Capsule Hotel, qu’il destine, selon The Art Newspaper, à servir de cabine sur sa plage privée de Santa Barbara. Il aurait acquis, pour environs 1 million d’euros, une toile intitulée « Etappe » de l’artiste allemand Neo Rauch.neo-rauch-etappe.1245104648.jpg
Suivait la directrice du Garage de Moscou,  Dasha Zhukova, ayant dans son sillage, un habitué d’Art Basel, le multi-milliardaire Roman Abramovitch,qui souhaitait un Warhol pour sa nouvelle maison. Roman Abramovitch  y  faisait  ses emplettes.
Karl Lagerfeld déambulait tel un monarque tout de noir vêtu, suivi d’une cohorte de jeunes éphèbes tout en blanc .
Pour ma part, j’ai retenu Anish Kapoor, plasticien indien, dans ses oeuvres d’acier scintillantes, étincellant comme un rubis ou comme une émeuraude, présent chez quelques galeristes,  il faisait la joie des invités lors du vernissage, c’était à qui s’y mirait le mieux en une myriade d’exemplaires, comme un ciel étoilé.


Giuseppe Penone très présent aussi, avec ses toiles, aux épines d’acacias, sur cuir, ou soie, ou ses arbres sculptés, dans lesquels il incorpore du bronze. Son œuvre se caractérise par une interrogation sur l’homme et la nature, sur le temps, penone.1245107197.JPGl’être, le devenir, l’infini, le mouvement, et par la beauté affirmée de ses formes et de ses matériaux. Convaincu que le paysage est chargé de signes inscrits dans la mémoire des matières végétales, organiques et minérales, il tend dans ses œuvres à révéler une présence humaine, à l’intérieur de ces sculptures qui rappellent une virginité, une pureté de la nature. Il veut y intégrer cette sensibilité, cette culture humaine comme s’il ne faisait que la découvrir, la révéler, et il tente de la provoquer, de l’extraire, en créant des empreintes liant étroitement humanité et pureté de la nature. (par les moulages, sculptures..). Ainsi, le geste de l’artiste met en évidence dans les espaces sans culture (humaine), des signes profonds de la présence, voire du destin de l’homme. Son œuvre montre aussi la métamorphose que le temps produit sur la matière.
Pipilotti Rist avec son installation vidéo « calme à travers  le mur », l’artiste suisse incorpore dans ses vidéos des effets cinématographiques. Elle met à profit les « défauts » de l’image et utilise le brouillage, le flou, les renversements pipilotti-rist.1245107625.JPG( l’image peut se retrouver inversée ou sur le côté comme dans l’une de ses vidéos où le spectateur est invité à se coucher pour la regarder Art Basel 2008), le rythme, les plans rapides, les couleurs, les sons et la musique.
A la galerie Landau de magnifiques Giacometti homme qui marche, tête, toile, invitation à l’exposition de la Fondation Beyeler.
Un magnifique dessin de 1878 au crayon graphite sur papier, représentant un moine hindou, d’une finesse, propre à Georges Seurat.
Au premier étage The Simple Things (2008), une pièce sous vitrine et facile à trouver : il y a un agent de la Securitas qui ne la lâche pas d’un œil…
Une pièce née de la rencontre de Pharrell Williams, musicien, chanteur, star du rap et… amateur de bijoux ostentatoires et du plasticien japonais Takashi Murakami. L’Américain a choisi sept objets de son quotidien (une boîte de Coca, un paquet de chips, du lait de bébé, un préservatif, une basket…) qui ont été recouverts d’or blanc et de diamants et placés dans la « gueule » d’un murakami-the-simple-thing.1245107930.JPGmonstre coloré qui les défend…
« Beaucoup vont se déchaîner avec un énorme plaisir contre cette pièce, imagine Emmanuel Perrotin, galeriste, mais pour moi c’est de la culture, pas du bling. En ces temps de crise, le cynisme voudrait qu’aujourd’hui, on ne montre que des choses pas chères… »
Et le galeriste d’oser une comparaison :  » Un orchestre symphonique, ce serait bling et un guitariste qui fait du folk tout seul, de la culture …. « 
Photos 3/4/5 et vidéo 2 de l’auteur

Art Basel Public Project 1

Public Art Project 1
Dans l’ensemble, j’ai trouvé les installations un peu faibles par rapport aux années précédentes.
valentin-caron.1244807951.JPGLa Galerie Eva Presenhuber,  de Zurich, présente l’installation “Fosbury Flop” (2009) de l’artiste suisse Valentin Carron, une gigantesque croix en bois qui soulève des questions quant à la sublimation des objets symboliques que l’artiste trouve dans son environnement immédiat. Cette croix est une sculpture publique à laquelle se mêlent des connotations religieuses universelles, mais elle représente aussi, avec ses deux lignes entrecroisées, un relief abstrait qui renvoie à des valentin-caron-2.1244808057.JPGstratégies artistiques abstraites. Pointant vers le ciel rougeoyant à la sortie du vernissage, on peut y trouver un côté romantico-nostalgique.
A la fois objet d’art et oeuvre d’art, l’installation “AIDS sculpture” (1989) évoque la fin des années
80 et le début des années 90, qui ont vu l’épidémie de sida faire partout la manchette des journaux.La sculpture en métal laqué atteint presque deux mètres de haut. Elle a été réalisée en 1989 par AA Bronson, Felix Partz et Jorge Zontal, des artistes qui appartenaient au groupe General Idea (présenté par Esther Schipper, Berlin; Galerie Mai 36, Zurich; Galerie d’Art Contemporain Frédéric Giroux, Paris) – à une époque où peu d’œuvres d’art avaient spécifiquement pour objet le sida. Inspiré par l’oeuvre célèbre de l’artiste américain genral-idea-aids.1244809983.JPGRobert Indiana, General Idea a remplacé le mot LOVE traduit sculpturalement, par le mot AIDS, en comprimant les lettres sur deux rangées, à l’intérieur de contours formant un carré parfait. Exposée dans divers lieux depuis 1989, la sculpture a été recouverte au fil de ses pérégrinations d’une épaisse couche de graffitis qui sont devenues partie intégrante de l’œuvre, et que l’on rencontrerait plus facilement dans une banlieue que sur la sélecte place de la Foire.
Mark Handforth (Galerie Eva Presenhuber, Zurich) a intégré dans son installation “Platz” (2007)mark-hardforth.1244808183.JPG
des maillons de chaîne de taille gigantesque qui s’entrelacent et composent une forme quasiment organique. Dans son installation sculpturale, Handforth déplace des objets familiers dans un environnement inconnu pour montrer d’une nouvelle façon comment ces objets existent et fonctionnent dans notre vie quotidienne. Il les représente ainsi métamorphosés dans une nouvelle forme d’allégorie physique. Pour moi gourmande cela me fait penser à un gigantesque sorbet mangue-framboise.
“Loop Bench” (2006) de l’artiste danois Jeppe Hein (Johann König, Berlin) est une oeuvre inspirée d’un simple banc public dans sa forme initiale. De taille absurdement surdimensionnée, le banc forme une longue boucle constituée de bancs avec des lignes croisées et courbes sur lesquelles
jeppe-hein.1244808450.JPGle visiteur peut s’asseoir. Ce banc possède en même temps sa propre qualité sculpturale. Son trait caractéristique repose sur la réaction ou l’interaction qu’il suscite de la part du spectateur, et sur la manière dont cette réaction se propage et place ainsi l’installation au centre de rencontres inopinées. Selon l’heure il est tristement vide, mais surtout dès que le soleil pointe et que le public afflue il prend toute sa fonction de possibilité de communication. jeppe-hein-2.1244808862.jpgJe m’y suis posée en observatrice, je constate que les contacts entre les personnes se font plus facilement en virtuel qu’en live. Brassens était dans le vrai pour les amoureux, mais pour les solitaires point de salut, dans la vie réelle.
photos de l’auteur
à suivre

Giacometti


 « Je commence toujours des sculptures bien rondes et elles finissent filiformes ; je peins avec des couleurs intenses et elles finissent grises ». confidence d’Alberto Giacometti à  Ernst Beyeler.

La grande exposition d’été de la Fondation Beyeler promet d’être un des temps forts du calendrier culturel européen. Elle est consacrée à l’artiste suisse Alberto Giacometti (1901-1966), qui est devenu à Paris un des représentants les plus influents de l’art moderne. Ses figures d’aspect fragile, réduisant l’être humain à l’essentiel, ses peintures plastiques et ses dessins concentrés nous émeuvent encore aujourd’hui. Giacometti se considérait lui-même comme l’élément d’un cosmos d’espace et de temps, dont les membres de sa famille constituaient des points de référence essentiels. L’exposition se concentrera tout particulièrement sur l’intérêt de Giacometti pour le phénomène des figures dans l’espace ainsi que pour la perception et la représentation de corps en mouvement.
Cette exposition présente 150 œuvres majeures représentatives de toutes les périodes de création de l’artiste appartenant à sa famille ou à des collections renommées du monde entier. Ils sont complétés par quelques œuvres de giovanni-giacometti-alberto-enfant.1244472098.jpgson père Giovanni (1868-1933), de son frère Diego (1902-1985) et de son oncle Augusto (1877-1947). La mère d’Alberto Giacometti, Annetta, ainsi que sa femme Annette, dont il a souvent fait le portrait, sont présentes, elles aussi.
Ernst Beyeler a défendu énergiquement l’œuvre de son ami Alberto Giacometti, notamment en participant activement, au début des années 1960, à la création de la Giacometti-Stiftung à Zurich. Par ailleurs, l’artiste est représenté dans la collection d’Ernst et Hildy Beyeler par des travaux exemplaires de son œuvre tardive visionnaire. On connaît tout particulièrement l’ensemble créé pour la Chase Manhattan Plaza, dont la célèbre sculpture Homme qui marche de 1960 est devenu, ou peu s’en faut, un symbole de la Fondation Beyeler, sinon d’Ernst Beyeler lui-même.
Cette exposition est réalisée en collaboration avec l’Alberto-Giacometti Stiftung de Zurich et avec la Fondation Alberto et Annette Giacometti de Paris. Le commissaire de l’exposition est Ulf Küster.beyeler-nympheas.1244471181.JPG
Les expositions de la Fondation Beyeler sont toujours un enchantement, grâce à la structure du bâtiment conçue par Renzo Piano, à sa lumière zénitale et au génie des commissaires. L’on passe d’une salle à l’autre , ce qui fait dire à Pierre Louis Cereja journaliste : Giacometti comme chez lui. En temps normal, je passe toujours un moment dans la salle des Giacometti, en face des Nymphéas, avec un pose sur le canapé blanc, rêvassant  en contemplant le paysage. Depuis les 10 ans de l’ouverture, de la Fondation, j’ai un quasi sentiment de propriétaire des œuvres et du lieu. beyeler-salle-giacometti.1244471736.JPGCette fois la grande salle ouvre sur l’étang aux canards et le jardin, ouverte sur l’extérieur, alors qu’à l’intérieur véritable agora, se croisent hommes et femmes, des femmes au chariot, la  famille Giacometti.
L’exposition débute par les toiles du père Giovanni, roses et bleues, une série de portraits d’Alberto à des âges divers, essentiellement à l’adolescence.  Le sculpteur Alberto, où le modèle et la sculpture se confondent. Une pièce est réservés au mobilier de Diego le frère.
Tout au long de l’exposition de nombreux bustes et têtes essaiment le lieu, la mère  Anna, en portrait et en sculpture, les 9 femmes de Venise trônent dans le foyer à proximité des Nymphéas. Dans la salle 12 reflet d’une crise artistique d’Alberto Giacometti (1940) le petit homme, 2,05 cm de hauteur sur un petit socle en bronze, domine toute la salle, sur un immense socle, et arrache un sourire, voire un éclat de rire spontané aux visiteurs.
giacometti-le-nez.1244471545.jpgLa cage déploiement de la sculpture dans l’espace est un des thèmes majeur de l’art de Giacometti, le nez en cage.
Les femmes sans tête sont anguleuses, il y a celle qui tient l’objet invisible, le visage aux yeux douloureusement écarquillés, les mains se referment sur le vide.giacometti-femme-tenant-un-objet-invisible.1244471913.jpg
Toutes ces sculptures sont soit en gips soit en bronze.
Annette son épouse est le principal modèle féminin d’Alberto, jambes longues, formes généreuses, cheveux tantôt en chignon, tantôt déployés, elle est omniprésente dans l’œuvre, en tête, en buste, en grand femme, en plusieurs exemplaires, sur La Place, la Forêt,  évoquant des maquette, ou encore des figurines sur un piédestal.
Femmes cuiller, ou femme couchée, ou celle dans une boîte entre 2 boîtes qui font maisons.
Les toiles à l’huile, dans les pigments gris et blancs où les visages tous reconnaissables sont couverts de griffures dues au pinceau d’Alberto..
La femme égorgée évoque un insecte, avec ses yeux globuleux, ses pattes entrelacées, l’une repliée sous le corps, l’autre croisant au-dessus, avec des terminaisons e forme de feuilles.giacometti-le-femme-ecorchee.1244471604.jpg
On ne joue plus, marqué par la pensée, du mouvement surréaliste, sorte de jeu de damier, qui présente la fin de tout jeu : la mort. Des figures inquiétantes, indéfinissables, pions ou fous se déplacent sur un cratère ou dans un cimetière, le spectateur étant directement intégré à l’action en tant que joueur fictif.
Trois versions du cube, deux en plâtre une en bronze, créations dont Alberto déclara un jour que c’était ses seules oeuvres abstraites. Par sa forme elle évoque un cristal de roche, mais aussi le polyèdre de la célèbre gravure d’Albrecht Dürer vu dans Melencolia au Grand palais. Egalement intitulé Tête, il faut observer les incusions, qui révèlent à la fois un autoportrait et de vagues esquisses d’atelier.
L’autoportrait à l’huile d’Alberto,  , le col ouvert, costume foncé, un genou touchant terre, alors qu’il est assis sur un tabouret, il vous regarde avec beaucoup d’assurance comme si nous étions le modèle, qu’il prend notre mesure afin de nous peindre, le bras tendu vers le chevalet. Même si l’oeuvre de Giacometti n’est plus une inconuue pour la plupart d’entre nous, à la Fondation Beyeler, elle est lumineuse et prend un éclat particulier, contrairement à l’exposition du Centre Beaubourg, où l’atelier me paraissait fouilli, répétitif et sombre.

Anselm Kiefer

On a appris mi-mai le départ de l’artiste allemand Anselm Kiefer, installé depuis 1993 dans le Gard, qu’ aujourd’hui il est contraint de poursuivre l’aventure au Portugal.
Les raisons qui poussent aujourd’hui Anselm Kiefer à quitter l’ancienne filature de soie de Barjac qu’il avait transformée en un gigantesque atelier-musée de 35 hectares, devenu mythique, sont d’une tout autre nature. En janvier 2008, son atelier est cambriolé, l’une de ses sculptures volée (le préjudice est estimé à près d’un million d’euros), et l’artiste est régulièrement victime des aigreurs d’une partie de la population locale.
Comment peut-on laisser s’échapper, un artiste majeur comme Kiefer, qui faisait pourtant l’objet d’une rétrospective monumentale en 2007 au Grand Palais ? Un artiste vivant, dont les oeuvres ont pénétré dans le Louvre. Pire, la France, contrairement à d’autres scènes comme Londres ou Berlin qui attirent sans cesse des artistes venus du monde entier, peine à fournir à une nouvelle génération d’artistes français et étrangers les conditions nécessaires à leur maintien sur le territoire (ateliers, bourses, visibilité).
Heureusement qu’en Alsace, le collectionneur et industriel allemand Reinhold Würth lui fait la part belle. En 2004, il lui a consacré une exposition dans sa Kunsthalle Schwäbishe Halle.
Elève de Joseph Beuys son œuvre est défini par la volonté de définir une identité d’après guerre. Kiefer, donne l’impression d’un formidable iconographe et régisseur des mythes, en leur donnant une visibilité et une lecture. Né en 1945, à Donaueschingen, il s’emploie à scruter l’histoire allemande et par certains sujets fait le parallèle avec l’histoire des religions. Kiefer travaille concrètement sur les archétypes. Il y introduit la plus-value du débris, la fascination pour le désastre. Quiconque s’y trouve confronté sait que la peur dont il est question est plus qu’une peur existentielle subjective, c’est une peur fondée sur un plan politique et en dernière instance, anthropologique.
Dans l’exposition inaugurale d’ouverture, intitulée un monde à part, le musée Würth d’Estein, nous a présenté Querelle iconoclaste (1977/1988) et les Erinyes (1995/1998).
Dans l’exposition actuelle  Coups de cœur  il présente :
anselm-kiefer-berenice.1244464083.JPGBérénice, (2003) dans la tragédie de Racine, une photo retouchée avec des collages des cheveux et du plomb, le plomb de Saturne, où il exprime cette tristesse majestueuse de celle-ci, lorsque Titus lui annonce, qu’il ne peut l’épouser et doit la renvoyer, et qu’elle refuse son sort, ou encore dans les histoires extraordinaires d’Edgar Poe, il évoque le mystère d’Iris ou encore Véronique ou Bérénice, personnage de la tradition chrétienne, femme pieuse qui a donné son voile pour que le Christ y essuie son visage, dans le fondu enchaîné de l’image.
Tannhauser, (1991) sculpture avec livres et branche d’aubépine.anselm-kiefer-tannhauser.1244464264.JPG
Sa fascination pour les livres, non seulement fait référence à sa grande culture de l’histoire et de l’histoire de l’art, mais évidemment aux autodafés, où il exprime son jugement implacable sur la guerre et l’art d’après guerre. Aucun autre artiste de sa génération a entretenu un rapport aussi permanent aux livres, jusqu’à considérer le livre égal à la toile. Et pourtant lorsque nous ouvrons ces grands formats, nous nous heurtons à l’énigme des pages illisibles, à l’effacement de ce que les livres contiennent ordinairement. De son propre aveu s’il n’avait été peintre, il aurait été écrivain. La littérature est d’ailleurs un territoire inépuisable pour l’artiste qui trouve dans ses lectures de divers auteurs (Rainer Maria Rilke –prononcez ce nom juste pour le plaisir- Jean Genet, Paul Ceylan très présent dans Monumenta sous la voûte du Grand Palais, Velimir Khlebnikov, Louis Ferdinand Céline, entre autres) le choc émotionnel et spirituel nécessaire à la production de ses créations plastiques, à la frontière entre objet sculptural et peinture. Ce qui distingue les sculptures, des livres souvent réalisées à base du plomb qu’il racheta à la cathédrale de Cologne, c’est que le poids et la matière les rendent impropres à toute manipulation. Des bibliothèques entières sont à l’occasion composées de ces sculptures massives dont dépassent des plaques de verre qui viennent de manière aléatoire se briser au sol. Le végétal en étant le complément indispensable pour illustrer le côté éphémère de toute chose. Le livres est pour Anselm Kiefer à la fois, source de savoirs, objet plastique et symbole culturel.
anselm-kiefer-claudia-quinta.1244464440.JPGPuis il y a Claudine (2004), toile qui présente Claudia Quinta, jeune vestale romaine injustement accusée d’avoir trahi son obligation de chasteté, et dont la vertu fut miraculeusement prouvée, selon le récit de Aurelius Victor . A la fin du voyage de la pierre sacrée de Cybèle de Pessinonte (Phrygie) à Rome (205-204 av. J.-C.), le navire la transportant s’enfonce dans la vase du Tibre. Les hommes essayent de le remorquer avec une corde mais il ne bouge pas. La consultation des Livres Sibyllins indiqua que seule une femme très chaste pourrait le déplacer. Claudia Quinta prie alors la déesse de la suivre, si elle est bien chaste : elle attache sa ceinture au navire et le remorque à elle seule. La déesse prouve ainsi la pureté de la jeune femme. Tacite rapporte que la statue représentant Claudia Quinta échappa par deux fois à la fureur des flammes et fut consacrée dans le temple de la déesse Cybèle.
photos de l’auteur prise au musée Würth d’Erstein (67)