Entre sculpture et photographie, au musée Rodin – Paris

Suite à la réouverture du musée Rodin, cette exposition propose une autre forme
« d’ouverture » à des approches modernes de la sculpture et de la photographie.
Sur une proposition de Michel Frizot, Entre sculpture et photographie est une invitation à découvrir huit artistes de la fin du XXème siècle ayant pratiqué de front la sculpture et la photographie de manière étroitement imbriquée et même indissociable.
Sans pour cela prétendre au titre de photographe et en se limitant à prendre des clichés de leurs propres oeuvres.

Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie
Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie

C’est autour de 1965, dans le contexte de l’art conceptuel et du land art naissants, que de jeunes artistes ont bouleversé la notion de sculpture par des interventions sur des sites naturels tout en utilisant systématiquement la photographie pour rendre compte de ces actions de « sculpture » éphémères ou vouées à rester dans un lieu peu accessible. Il en est résulté d’étroites connexions entre sculpture et photographie, et un élargissement considérable des attendus formels et esthétiques de « sculpture » et « photographie ».
Les huit artistes présentés ici appartiennent à cette génération et dans la continuité de cette attitude innovante, ils entretiennent une proximité étroite entre sculpture et photographie, au point de ne pouvoir parfois faire la part de chaque pratique. L’exposition explore diverses voies de l’alliance et de la conjonction entre sculpture et photographie et le parcours s’ouvre, avec Richard Long et Gordon Matta-Clark, sur la conjugaison des deux médiums dès l’instant de la conception de l’oeuvre. Pour Dieter Appelt et Giuseppe Penone, il s’agit de mettre en avant la place du corps humain, ses correspondances primordiales avec la nature, ou un imaginaire commun du corps primitif.
Avec Mac Adams et Markus Raetz, on se situe dans une mise en scène de paradoxes visuels et narratifs, et dans une interrogation suspicieuse sur la « réalité » perçue par le regard. John Chamberlain recherche une continuité formelle, colorée, exubérante, entre les deux pratiques, tandis que Cy Twombly, peu connu pour ses sculptures et ses photographies, ferme le parcours avec d’impressionnantes évocations élaborées avec des moyens très frustes.
Entre sculpture et photographie associe dans le même espace trois propositions : une exposition de sculptures saisissantes, une exposition de photographies qui se dérobent aux standards artistiques, complétées d’une exposition qui développe des connexions inattendues entre les deux médiums.
Au final, ces artistes nous invitent à rompre avec les idées reçues et les acquis esthétiques, et à exercer notre vision pour entrevoir ses enjeux imaginaires, bien au-delà des registres habituels de représentation.
Vue de l’hôtel Biron et du Penseur de nuit,
Vue de l’hôtel Biron et du Penseur de nuit,

Une exposition réalisée par le musée Rodin sur une proposition de Michel Frizot.
Commissariat :
Hélène Pinet, responsable des collections de photographies du musée Rodin
Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie
Richard Long
Artiste qui a été formé à la sculpture à Londres dans les années 1960, et l’un des initiateurs du land art, Richard Long organise sa création autour de ses longues marches soigneusement préparées, assorties de textes, de cartes et de photographies. La sculpture naît des circonstances de la marche, elle se fait avec des matériaux du lieu, comme par exemple des branches mortes ramassées et assemblées selon une forme géométrique. Cette sculpture éphémère, qui va rester sur le site, est photographiée et c’est finalement cette photographie qui témoigne de l’action de sculpture.
Richard LONG, Small Alpine Circle, 1998, Pierre,
Richard LONG, Small Alpine Circle, 1998, Pierre,

D’autres photographies montrent des assemblages de pierres in situ, des entassements de branchages, en lignes, bandes ou cercles, des traces d’actions dynamiques, avec de l’eau par exemple ou le tassement de l’herbe laissé par un passage répété. L’image tient lieu véritablement de sculpture, et c’est le regardeur qui réactive le geste de l’artiste.
Lors de ses marches, Richard Long a surtout oeuvré avec des pierres, qu’il écarte pour faire apparaître une ligne uniforme, ou qu’il amasse selon différents arrangements dont on repère immédiatement qu’ils sont faits de main d’homme.
Richard LONG, A line of Sticks in Somerset, 1974, Carré d'art –Musée d'art contemporain, Nîmes
Richard LONG, A line of Sticks in Somerset, 1974, Carré d’art –Musée d’art contemporain, Nîmes

Parallèlement, l’artiste a été amené à créer des assemblages similaires en galerie ou pour des expositions, à partir de matériaux qui ne proviennent pas de ses marches et qui sont souvent retaillés. Avec Small Alpine Circle, 1998, fait de pierres des Alpes, Richard Long recherche la rigueur géométrique, la sensation directe du matériau, l’évocation de lieux naturels :
« Une sculpture satisfait nos sens en un certain lieu alors qu’une oeuvre photographique (provenant d’un autre lieu) satisfait l’imagination »
(Richard Long).
Gordon Matta-Clark
Formé à l’architecture à Cornell University, Gordon Matta-Clark, fils de Roberto Matta, est en contact en 1969 avec les artistes de l’Earth Art ou land art qui voulaient sortir la sculpture de la galerie et agir directement sur le terrain en creusant des fossés ou en constituant des amas de matériaux. Intervenant sur des immeubles abandonnés des environs de New York, Matta-Clark découpe avec une scie à chaîne des sections rectangulaires dans les cloisons ou planchers pour ouvrir des perspectives d’une pièce à l’autre, et faire circuler le regard et la lumière (c’est l’action de « cutting »).
Ce faisant, il crée une sculpture architecturale par le creux, par l’évidement, par le négatif mais dans le même temps la découpe extraite de la cloison constitue aussi une sculpture (positive), un objet trouvé, une mise en forme de matériau.
Gordon Matta-Clark, Sauna Cut, 1971, Kunstmuseum, Lichtenstein
Gordon Matta-Clark, Sauna Cut, 1971, Kunstmuseum, Lichtenstein

Sauna Cut I, 1971, est un prélèvement de sauna dans un appartement de New York, qui a toutes les particularités d’une sculpture, avec ses deux faces différentes et sa trouée transparente.
Matta-Clark réalise systématiquement des photographies (et des films) des étapes de son travail, pour rendre compte de son action in situ. Il fait également des découpes
(cutting) de ses négatifs, en fait des tirages et les assemble parfois pour donner une idée spatiale, tridimensionnelle, des circulations qu’il a créées.

Gordon MATTA-CLARK, Office Baroque – Antwerp, 1977, FRAC Limousin, Limoges,
Gordon MATTA-CLARK, Office Baroque – Antwerp, 1977, FRAC Limousin, Limoges,

Office baroque, Antwerp, 1977, est une de ses dernières interventions qui traverse les étages d’un immeuble par des trouées circulaires qui s’entrecoupent.
Giuseppe Penone
Dès ses débuts (1968), l’artiste s’est singularisé par des « actions » sur les arbres où s’établissent les correspondances physiologiques et vitales entre son propre corps et le végétal, qui fondent sa position de sculpteur. Dans Retourner ses propres yeux (1970), le blocage du regard par des lentilles de contact argentées fait « du corps une sculpture, comme un volume fermé » qui ne vit que dans le regard de l’autre. De cette action dérive du reste Pièges de lumière, 1995,
Giuseppe PENONE, Trappole di luce, 1995, (Piège de lumière), Coll. Penone, Turin
Giuseppe PENONE, Trappole di luce, 1995, (Piège de lumière), Coll. Penone, Turin

oeuvre d’une forte présence et de signification énigmatique, qui traite en fait de la vision. Le moulage en cristal d’un tronçon d’arbre, posé sur un agrandissement photographique d’un oeil, conduit la lumière comme l’arbre conduit la sève. On retrouve cette métaphore du regard qui se propage dans d’autres oeuvres où des branches sortent des yeux de l’artiste (Regard végétal). Penone travaille aussi sur les correspondances entre la photographie et l’empreinte, entre le souffle humain et la respiration de l’arbre par les feuilles.
PenoneL’équivalence entre le positif et le négatif est fondamental en photographie comme il l’est en sculpture pour les opérations de moulage : c’est bien de cela que traite ici Géométrie dans les mains, 2005, qui montre, en photographie négative, cet espace complexe contenu entre deux mains croisées, dont par ailleurs Penone a réalisé des moulages en plâtre, qu’il a agrandis en sculpture monumentale comme on le ferait pour une photo…
John Chamberlain
L’usage systématique de tôles de carrosseries aux couleurs flamboyantes, découpées, déformées et assemblées par soudure, a fait de John Chamberlain un artiste fantasque, sorti de nulle part, qui ne se réfère à aucun lignage de la sculpture dans l’Amérique de l’expressionnisme abstrait et du pop art, des mouvements que l’on voit pourtant comme les équivalents de son esthétique baroque extravagante. Peu soucieux d’harmonie ou d’équilibre, il laisse libre cours au surgissement de formes inédites et de stridences colorées, considérant qu’il « n’y a pas de mauvaises couleurs ». Les titres des oeuvres font preuve d’humour ou dévoilent son goût pour la poésie, à l’instar de Creeley’s Lookout, 1979, (Sentinelle de Creeley) en hommage au poète Robert Creeley et à ses techniques d’écriture spontanée.
John CHAMBERLAIN, Creeley’s Lookout, 1979, Kunstmuseum Winterthur, 2014, © Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, Zürich,
John CHAMBERLAIN, Creeley’s Lookout, 1979, Kunstmuseum Winterthur, 2014, © Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, Zürich,

À partir de 1977, Chamberlain commence à prendre des photographies avec un appareil panoramique Widelux à objectif tournant dont l’utilisation sur un mode spontané et intuitif, à contre-emploi, laisse une large place au hasard. Il ne regarde pas dans le viseur, c’est le geste du bras qui joue un rôle primordial et ce mouvement provoque des distorsions, des étirements et des dissolutions de formes, des imbrications de couleurs éclatantes (Studio, 1994) dont on saisit d’emblée les résonances avec ses sculptures.
John CHAMBERLAIN,  La Marié
John CHAMBERLAIN, La Mariée

Mac Adams, venu à la photographie en 1971 pour documenter des essais de sculptures éphémères, se définit malicieusement comme « un sculpteur à qui il arrive d’utiliser la photographie ». Mais il est de fait un adepte de l’art narratif, c’est-à-dire qu’il construit des récits avec des images, dans un univers inspiré par le roman policier et le cinéma.
Il imagine des diptyques photographiques, Mysteries Series (1973-1980)

Mac ADAMS, Mystery, The Whisper, 1976-77 (Mysteries Series
Mac ADAMS, Mystery, The Whisper, 1976-77 (Mysteries Series

qui articulent deux images apparemment indépendantes, représentant deux moments (l’avant et l’après) d’un épisode tragique. Chaque image met en scène des pièces à conviction repérables qui constituent de fait des agencements sculpturaux jouant des effets de statisme, de lumière et d’équilibre. Il revient au regardeur de meubler l’entre-deux des images, au gré de son imagination. La série Still Life (1977) éparpille les indices dans les trois dimensions par de savants jeux de miroir.
Mac ADAMS, Rabbit, Shadow-Sculpture, 2010, Paris, Galerie GB Agency, Nathalie Bouton
Mac ADAMS, Rabbit, Shadow-Sculpture, 2010, Paris, Galerie GB Agency, Nathalie Bouton

Exploitant la part de mystère des ombres, les Shadow-Sculptures (1985) sont des assemblages volontairement hétéroclites d’objets placés dans l’espace ; ils sont conçus pour être éclairés par une source lumineuse à la verticale qui projette de manière inattendue une ombre homogène sur un plan, une ombre qui fait apparaître une forme animale – ici, un lapin – sans lien avec les objets qui en sont la cause. La sculpture entre à son tour dans la fiction narrative et se nourrit des propriétés de la photographie faite d’ombre et de lumière.
Dieter Appelt
Musicien, chanteur d’opéra, dessinateur, photographe, sculpteur, Dieter Appelt se situe volontiers à la croisée indécise de ces pratiques. Il réalise en 1976 des actions avec et sur son propre corps, dénudé, maculé de terre séchée, comme entre vie et mort, ou régressant dans un temps immémorial. Il se met ainsi en situation dans des constructions de branchages assemblés par des bandelettes de lin (La tour-oeil ; Objet-membrane, structure rituelle sur pilotis) déclinées plus tard en sculptures (Transmission). Grand lecteur de Ezra Pound, il cherche des équivalences plastiques de ses expérimentations sur le langage, sur les images mentales.
 Dieter APPELT, Aus Ezra Pound, 1981, Inv. MEP. 1987.13, Passe-partout
Dieter APPELT, Aus Ezra Pound, 1981, Inv. MEP. 1987.13, Passe-partout

La série Ezra Pound est une évocation poétique en même temps qu’une performance en hommage au poète, conduite sur les lieux où il a vécu, à Venise et à Rappalo. La photographie présentée ici est faite dans la chambre de Pound, mais elle est transformée en vue négative, ce qui donne un aspect fantomatique aux choses présentes, moitié-sculptures, moitié-ombres vaguement identifiables.
Dieter Appelt, Der Fleck auf dem Spiegel 1978
Dieter Appelt, Der Fleck auf dem Spiegel 1978

Ses sculptures sont souvent réalisées pour entrer dans un protocole d’action, qui donne lieu à des photographies. Krone n°4 (Couronne) est une forme reprise d’une action antérieure où Appelt, nu, arborait seulement une couronne de feuille de maïs comme dans un rituel de civilisation primitive.
Dieter APPELT, Krone n°4 (Couronne n°4), 2001, Collection de l’artiste, Berlin
Dieter APPELT, Krone n°4 (Couronne n°4), 2001, Collection de l’artiste, Berlin

L’objet est transposé en bois recouvert de bandes de gaze et rappelle quelque chose d’archaïque, destiné à être posé sur un crâne, mais qui serait passé par des étapes technologiques. Les photographies de Appelt sont conçues comme des concrétions de lumière et de temps, des états de conscience indiscernables, « entre perspective visuelle et prise de conscience poétique » et à l’inverse, ses sculptures sont le déploiement de stratifications imaginaires et de souvenirs.
Markus Raetz
Depuis 1970, Markus Raetz nous propose à travers une pratique très personnelle du dessin, de la gravure, de la photographie et de la sculpture, des objets de leurre se jouant de notre perception visuelle, de ses insuffisances ou de ses paradoxes. Il exploite poétiquement les incertitudes du regard et du langage, il cultive l’ambivalence des relations, dans l’espace, entre le regardeur que nous sommes et la figure qu’il saisit photographiquement ou qu’il fabrique. Avec des vues séquentielles d’une figurine de pâte à modeler, Cercle de polaroids, 1981 simule le cheminement d’un marcheur le long d’un cercle, hors de toute échelle. Avec Hecht, 1982, il donne l’impression d’un jeu de miroir sur une photo d’un homme en profil de dos, alors qu’il s’agit de deux photographies.
Markus RAETZ, Hecht, 1982, FRAC Limousin, Limoges
Markus RAETZ, Hecht, 1982, FRAC Limousin, Limoges

Dans ses recherches sur les illusions perspectives et les ambiguïtés de la perception, Markus Raetz conçoit des volumes – des sculptures, de fait – qui ne prennent sens que sous un certain angle faisant apparaître une figure déterminée, par exemple un buste d’homme à chapeau ; mais si vous tournez d’un quart de tour, vous percevez tout à coup une autre forme, celle d’un lièvre. C’est ce qui se produit dans Metamorphose II, 1992,
Markus Raetz, Metamorphose II, 1992,
Markus Raetz, Metamorphose II, 1992,

avec toutefois l’aide d’un miroir qui dévoile d’un seul coup d’oeil les deux figures primaires contenues dans la sculpture (cette pièce est aussi un clin d’oeil à l’artiste allemand Joseph Beuys, l’homme au chapeau, et à son lièvre fétiche qu’il présentait dans des performances). La sculpture, pour Raetz, joue de l’espace et des formes comme on joue avec les mots, en usant du double sens.
Cy Twombly,
Pour quiconque aura suivi le parcours de peintre et dessinateur de Cy Twombly, habité de frêles graffitis et de messages sibyllins, aucun indice ne permettait de l’imaginer préoccupé par la sculpture ou par la photographie, ce qu’il faisait pourtant en toute discrétion. Les termes d’assemblage et d’hybridation conviennent à ses créations composées d’objets trouvés, de bois de rebut, de papier, de tissu, carton et fleurs artificielles.
Cy TWOMBLY, Tulips Ces combinaisons de formes brutes, liées par du plâtre ou neutralisées par un enduit blanc (parfois tirées en bronze ultérieurement), évoquent comme ses peintures des reliques, des mythes, des objets symboliques ou archéologiques : Winter’s Passage, Louxor, 1985 évoque d’une manière très primitive à la fois un jouet fruste et la barque rituelle des morts en Egypte ; Thermopylae, 1992 est un hommage aux morts de la bataille des Thermopyles).
Cy TWOMBLY, Winter’s Passage: Luxor, 1985, Fondation Twombly
Cy TWOMBLY, Winter’s Passage: Luxor, 1985, Fondation Twombly

Cy Twombly n’a d’autre part cessé de photographier, depuis ses débuts à Black Mountain College en 1951, il privilégie le format carré du polaroid couleur, qu’il agrandit ensuite et dont il exploite le léger flou, les couleurs pastel ou parfois saturées. Ses photos rappellent par touches évanescentes les lieux où il habite, son goût pour la sculpture qu’il collectionne, pour les végétaux ou les fleurs rouges (les imposantes pivoines de ses peintures des années 2000).
Cy TWOMBLY, Tulips Ses Tulipes (1985) en plan rapproché, avec leurs couleurs stridentes qui se répandent sont bien éloignées des conventions photographiques ; hors-échelle, elles s’imposent, à l’égal de ses peintures, comme des signes tragiques.
17 juillet 2016 : Entre sculpture et photographie
MUSEE RODIN DE PARIS
77 rue de Varenne
75007 Paris
T. +33 (0)1 44 18 61 10
HORAIRES
ouvert tous les jours de 10h à 17h45, fermé le lundi.
Nocturnes les mercredis jusqu’à 20h45

François Carbonnier – Miroir de l'âme

« En forêt, tous nos sens sont éveillés,
acceptons d’ouvrir notre coeur et d’accueillir nos émotions. »
François Carbonnier  – Miroir de l’âme
François Carbonnier
C’est un moment de pur bonheur que de pénétrer dans le temple
St Etienne, cette église de la place de la Réunion que les touristes
appellent « cathédrale ». Dès l’entrée vous êtes happés par le gazouillis
des oiseaux, une partition, un concert enchanteur. Il vous faut passer lentement
d’une photographie à l’autre, cheminer de sous-bois en forêts plus touffus, parcourir les saisons, en  prenant soin de vous munir du texte qui accompagne l’exposition.
François Carbonnier, nous montre la forêt par toutes les saisons, des verts acidulés, des roux chauds, des roses, des mauves, du noir et blanc, des parterres de feuilles, des champignons.
il accompagne chaque prise de vue d’un texte choisi, soit dans la genèse, l’évangile,
ou encore parmi les auteurs qu’il aime.

Photo François Carbonnier time elapses - 4 tirages sur tissus 1,2m x 6,5m ©ADAGP 2016
Photo François Carbonnier
time elapses – 4 tirages sur tissus 1,2m x 6,5m
©ADAGP 2016

A travers son travail de photographe, il exprime les valeurs qui lui sont chères :
la liberté, la tolérance, le respect, la justice, le partage et l’amour.
Dans ses forêts à la fois réelles et imaginaires, il évoque des thèmes tels que l’absence, la solitude, la souffrance, la mémoire, le temps, la vie, la dualité.
Pour François Carbonnier l’écologie n’est pas un vain mot.
Prenez le temps de vous imprégner de ses images, posez-vous,
écouter, une paix incroyable vous pénètrera et vous vous sentirez
apaisé, heureux et léger (comme un oiseau).
La musique qui accompagne l’exposition est choisie spécialement
par le photographe. C’est une oeuvre totale, le lieu, les photographies,
l’accrochage et la conception sonore.
Francois Carbonnier 1
L’exposition du temple est en harmonie avec celle de la Filature
Le Chemin du Retour– Les univers d’Estelle Hanania et Fred Jourda
et deJérémie Gindre, Camp Catalogue à la Kunsthalle, elles se rejoigent
sur le thème de la forêt.
Une chance incroyable, le concert de ce samedi (16/4) avait pour thème,
le chant des oiseaux ! C’est évidemment Roland Kauffmann, le
dynamique pasteur de St Etienne, qui a établi ce programme,
en adéquation parfaite avec le photographe et en compagnie de
Patrick Froesch.
Pour prolonger ces moments agréables
Saint-Étienne Réunion propose :
Un récital de piano avec Augustin Voegelé.
Dans le cadre du colloque international,
« Les Voyageurs du Rhin », organisé par l’Université de Haute-Alsace
à Mulhouse du 21 au 22 avril 2016,
Augustin Voegelé propose un voyage musical au bord de l’eau
avec un programme aussi varié que la Barcarolle de Chopin,
les Jeux d’eaux à la Villa d’Este de Liszt
ou encore l’Île joyeuse de Debussy.
Au temple Saint-Étienne de Mulhouse,
le jeudi 21 avril à 20h30, entrée libre, plateau
Miroir de l’âme – jusqu’au – 01/05/16
Trichromies
Tirages palladium
Montage sonore 25′
©ADAGP 2016…
Tous les jours (sauf lundi) de 13h à 19 h

Le Chemin du Retour

Estelle Hanania – Fred Jourda – Gisèle Vienne
jusqu’au samedi 30 avril
en entrée libre à la Galerie de la Filature, Scène nationale – Mulhouse

Estelle Hanania, Fred Jourda, photo Emmanuelle Walter
Estelle Hanania, Fred Jourda, photo Emmanuelle Walter

Les univers d’Estelle Hanania et de Fred Jourda s’unissent dans une exposition sur le thème de la forêt.
Photographies saisies dans le décor sylvestre d’un spectacle de Gisèle Vienne d’un côté, images de sous-bois du Morvan fixées par la lumière de l’autre. Le seuil des forêts – à la fois réaliste et symbolique chez Estelle Hanania, naturaliste chez Fred Jourda qui représente une frontière que l’on ne franchit pas impunément, qui nous interroge sur ce qui nous anime, sur notre instinct primitif, sur l’ivresse que peuvent générer nos
énergies et notre rapport sensoriel au monde.
Estelle Hanania.JPGAu regard de ces deux séries, on retrouve le court métrage Brando, écrit et réalisé par Gisèle Vienne pour la chanson éponyme de Scott Walker + Sunn O))). On y croise les interprètes de The Pyre dans un chalet au coeur d’une forêt inquiétante qui nous plonge dans un délicieux cauchemar.
Estelle Hanania présente principalement une série d’images prises lors de différentes
répétitions et représentations du spectacle This is how you will disappear de Gisèle Vienne (présenté en 2014 à La Filature). Cette exposition est alimentée de photographies issues d’autres séries que l’artiste aime à réactiver et confronter au fil du temps.
Estelle Hanania
ESTELLE HANANIA

Diplômée de l’École des Beaux-arts de Paris en 2006, lauréate du prix photographie du Festival d’Hyères la même année, Estelle Hanania a d’abord fréquenté la chambre noire de l’École des Beaux-arts, où elle y réalisait ses tirages couleurs grands formats. S’en suivra une expérience de directrice artistique chez Ogilvy avant qu’elle ne se lance complètement dans la photographie. Elle associe rapidement à son travail personnel des commandes pour la presse, y imprimant un style aussi poétique qu’épuré. Ses images, tantôt baignées
d’une lumière chaude, tantôt enveloppées d’un voile bleu et hivernal, oscillent entre douceur et âpreté.
Estelle Hanania
Masques et déguisements sont des motifs récurrents de son iconographie, marionnettes ou hommes des champs, hésitant eux aussi entre figures affables et créatures inquiétantes. Estelle Hanania a publié cinq livres dont trois en collaboration étroite avec la maison d’édition Shelter Press. Le dernier en date, Happy Purim sorti en octobre 2015, sera suivi d’un prochain en 2017 qui retracera la collaboration au long cours
entre la photographe et la metteuse en scène Gisèle Vienne.
Estelle Hanania
FRED JOURDA
« Je suis né à Paris en 1963.
Aujourd’hui je suis tireur couleur.
Je passe le plus clair de mon temps dans l’obscurité de ma cabine.
Je voyage à travers le monde pour trouver d’autres lumières et d’autres horizons.
Je travaille sur le paysage depuis 1996.
J’y trouve une source d’émotion, de contentement, et d’infinie tranquillité intérieure que j’essaye d’exprimer au travers de la lumière, de la couleur et du cadrage.
J’utilise un appareil de type Instamatic, qui du fait du non-contrôle de l’exposition (ouverture et temps de pose), de la mise au point fixe et de la facilité d’emploi, me permet de photographier à tout moment et rapidement, sans autre geste que celui d’appuyer sur le déclencheur.
Fred Jourda
Les pictorialistes de la fin du 19e siècle et du début du 20e comme Edward Steichen, Alfred Stieglitz, Alvin Langdon Coburn, sans oublier les pictorialistes français dont Robert Demachy, m’ont particulièrement influencé dans ma démarche. Mais c’est sans conteste le photographe Bernard Plossu qui est à l’origine de mes débuts.
Ma première exposition intitulée Minimalist s’est tenue au Cap en Afrique du Sud en février 1998, et la deuxième Dépaysage à Paris à la Galerie 213 lors du 1er trimestre 2000. J’ai aussi exposé à la Galerie Chab
Fred Jourda
Touré à Bamako au Mali pendant les 4es rencontres de la Photographie Africaine en octobre 2001. Du 15 au 30 septembre 2002, j’ai participé au 6e Festival International de Photographie d’Alep en Syrie. J’ai également exposé du 20 septembre au 19 octobre 2003 à la Galerie Segeren à Breda aux Pays-Bas dans le cadre du Festival Breda Photo 2003. Puis du 5 février au 27 mars 2004, Land & Urban Scapes, à la Galerie Acte 2, à Paris.
Parallèlement aux photographies de paysages et leurs instantanéités, j’ai travaillé sur la durée en réalisant des portraits de personnes endormies, sans lumière, que j’ai exposées à la Galerie Madé du 2 décembre 2004 au 7 janvier 2005, sous le titre Sombre.
Ces photos de visages et de « paysages intérieurs » ont été réalisées de nuit, sans lumière principale, avec uniquement la réverbération de la lumière de la rue dans la pièce où repose la personne. Personnes endormies, assoupies, en tout cas détendues. Ce qui m’intéresse, outre le fait de faire des photos de nuit, c’est de voir apparaître petit à petit leurs visages au repos, relâchés, voire tranquilles. L’abandon presque
total de la personne dans le sommeil.
Jourda Fred
Puis après plusieurs expositions collectives, j’ai participé aux 150 ans de l’Hôtel Scribe de Paris en montrant une série de paysages sous le titre Dense, du 10 décembre 2010 au 16 janvier 2011. Et dernièrement, en avril 2011, j’ai été invité au Festival Itinéraires des Photographes Voyageurs à Bordeaux, à montrer des paysages
tirés de mon premier livre, Dépaysage, publié fin 2010 aux Éditions Filigranes. »
Gisèle Vienne
GISÈLE VIENNE
Née en 1976, Gisèle Vienne est une artiste, chorégraphe et metteuse en scène franco-autrichienne.
Après des études de philosophie et de musique, elle se forme à l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette où elle rencontre Étienne Bideau-Rey avec qui elle crée ses premières pièces. Elle travaille depuis régulièrement avec, entre autres collaborateurs, les écrivains Dennis Cooper et Catherine Robbe-Grillet, les
musiciens Peter Rehberg et Stephen O’Malley, l’éclairagiste Patrick Riou et le comédien Jonathan Capdevielle.
Créée en 1999, sa compagnie compte aujourd’hui 14 pièces à son répertoire, dont 10 qui tournent régulièrement en Europe et dans le monde.
Depuis 2005, Gisèle Vienne expose régulièrement ses photographies et installations. Elle a publié le livre/CD Jerk / Through Their Tears en collaboration avec Dennis Cooper, Peter Rehberg et Jonathan Capdevielle aux Éditions DISVOIR en 2011. Le livre 40 Portraits 2003-2008, en collaboration avec Dennis Cooper et Pierre
Dourthe, sort aux Éditions P.O.L en 2012.
oeuvre présentée à La Filature
Brando (création 2014 – durée 9’28)
un court métrage écrit et réalisé par Gisèle Vienne pour la
chanson éponyme de Scott Walker + Sunn O)))
à visionner sur  ici
On y croise la mère et le fils de The Pyre dans un chalet au
coeur des montagnes. Grâce à la voix du crooner Scott Walker
et aux sonorités « drone » inquiétantes du groupe de Stephen
O’Malley, on est plongés dans un délicieux cauchemar. Un
océan de mystères entoure ces êtres, bientôt rejoints par
l’écrivaine dominatrice Catherine Robbe-Grillet.
Un clip complètement hypnotique
« Club Sandwich » :
jeudi 24 mars de 12h30 à 13h40
visite guidée le temps de la pause déjeuner avec pique-nique tiré du sac
gratuit sur inscription :
T 03 89 36 28 34 ou heloise.erhard@lafilature.org
LA GALERIE DE LA FILATURE, SCÈNE NATIONALE
20 allée Nathan Katz – 68090 Mulhouse cedex
T +33 (0)3 89 36 28 28 – www.lafilature.org
en entrée libre du mardi au samedi de 11h à 18h30,
les dimanches de 14h à 18h et les soirs de spectacles
La Filature est membre de Versant Est, Réseau art contemporain Alsace.
 

Art Karlsruhe 2016

L’édition 2016 du salon art KARLSRUHE vient d’ouvrir ses portes
Ce sont 218 galeries qui occupent les 35 000 m2 environs,
dont 31 galeries supplémentaires , de nouveaux visages dans les
4 halls d’exposition.
Du 18 au 21 Février c’est l’art en 3 D, à la « Messe », un dialogue entre
peintures, photos et sculptures.
C’est la 13e édition, regroupant 13 pays et tout ceci à l’initiative
depuis 2003, du commissaire Ewald Karl Schrade

Ewald Karl Schrade
Ewald Karl Schrade

C’est un « paysage artistique » clairement structuré, à l’architecture expressive, qui voit le jour, ceci afin de favoriser la confrontation intensive avec les œuvres d’art et leur plus forte perception, tout en invitant à l’achat plaisir en toute détente.
Beaucoup One-Artist-Shows, généreux espaces d’art sculptural et de nombreuses oasis de repos  procurent un meilleur aperçu pour flâner agréablement dans les halls. Visiteurs et collectionneurs savourent le plaisir de partir à la découverte. Les organisateurs
Compte sur à peu près 50 000 visiteurs
Les créations plastiques déjà établies sont délibérément mises en balance avec des expériences artistiques récentes. C’est ce qui fait la séduction particulière du salon.
vue d'art Karlsruhe
La structure thématique des halls apporte aussi une plus grande clarté.
Dans le hall 1, vous trouverez essentiellement les éditions originales et la photographie,
les halls 2 ( Classique moderne (après 1945) + Art contemporain)
et 3 étant entièrement consacrés à la peinture et aux sculptures ( L’art moderne classique (avant 1945) » + Art contemporain )
.
Pour mieux l’apprécier, la «Contemporary art 21» est regroupées dans un hall qui leur est réservé:
le hall 4 (dm Arena).

Parmi les moments les plus attendus de l’édition 2016, l’exposition exceptionnelle de la fondation messmer (kunsthalle messmer, RIEGEL AM KAISERSTUHL), présente les oeuvres d’André Evard, un des peintres les plus importants de l’art moderne suisse (« André Evard – Pionnier de l’art concret et constructif », dm-arena).
Kirchner
Tout comme l’exposition exceptionnelle du Musée Kirchner de Davos, qui montre des peintures et des gravures du peintre et graphiste Ernst Ludwig Kirchner mais met l’accent également sur les créations photographiques de l’artiste peu connues aujourd’hui et jamais exposées par le passé (« Le peintre en photographe », hall 1).
J’ai retenu celle-là, un dessin et la photo ci-dessus, où Kirchner pratique le nudisme entre amis.
Le baiser de Kirschner
 
la Galerie van der Koelen, Jens J. Meyer et son installation/sculpture
Jens. J. Meyer
Jens. J. Meyer

Radial Art Contemporain, Frédéric Croiser, avec Ewerdt Hilgemann et sa sculpture momumentale
fait partie de la section One-Artit-Show
Radial Hilgemann
Autre strasbourgeois et ses artistes baroques
Ritsch-Fisch galerie
Ritsch-Fish
L’Estampe de Strasbourg, ses aquatintes et peintures, gravures, dessins
galerie l'estampe
Les Editions Remy Bucciali de Colmar
ici une oeuvre de Michel Cornu présentée par Rémy Bucciali
Bucciali - Cornuun coup de coeur pour Yann Faisant et Opus Magnum, horticulteur, alchimiste, artiste
séduit avec sa pomme  bronze et or, appuyée sur la théorie du nombre d’or, garnie d’une  feuille de Gingko Biloba aux propriétés de résistance (Fukushima)
présentée par la galerie Laurence Guerrieri,
Yann FaisantA la galerie Valentien, de Stuttgart quelques belles signatures où tout un mur
extérieur est consacrée à Anne-Sophie Tschiegg
Tschiegg Anne-Sophie
anOTHER art gallery ltd.
un anglais Paul Critchley a peint des trompe l’oeil
vous pouvez vous promener à travers sa maison tout en achetant ses peintures
Paul Critchley
Il faut bénéficier d’une santé solide pour arpenter tous les 4 Halls de  12 500 m² chacun, sans colonnes, de plain-pied, avec éclairage naturel, climatisés, avec des coins pause
pour des drinck et des  en-cas.

Lucien Clergue, photographe, académicien

Jusqu’au  15 février 2016 au Grand Palais galeries nationales
entrée galerie sud-est

Francis Selier A l’homme du sable et du langage de la lumière Angoulême, 11 avril 2014 tirage moderne argentique ; 170 x 150 cm © Francis Selier
Francis Selier
A l’homme du sable et du langage de la lumière
Angoulême, 11 avril 2014
tirage moderne argentique ; 170 x 150 cm
© Francis Selier

Lucien Clergue (1934-2014) n’a pas encore vingt ans lorsque Pablo Picasso décide de le parrainer après qu’il lui ait présenté ses premières photos à la sortie d’une corrida, à Arles (1953). Il accepte de dessiner pour lui la couverture de plusieurs ouvrages à venir et lui présente Jean Cocteau qui l’aide généreusement à structurer le discours de son oeuvre.
Lucien Clergue
C’est grâce à la découverte d’albums de travail à la mort du photographe, restés jusque-là inconnus, que l’on peut saisir la fulgurance et la poésie mortifère qui habitaient alors Lucien Clergue et qui a séduit ces deux grands artistes. Sept albums, notamment de collections textiles pour couturière, récupérés, dont les échantillons de tissus ont été remplacés par des contacts présentent les thèmes les plus radicaux des
premiers travaux de Lucien Clergue : charognes, ruines, enfants déguisés en saltimbanques, gitans, et très vite, la tauromachie et les premiers nus.
Tout est dit de l’âme de ce jeune adulte, encore enfant pendant les
bombardements de la seconde guerre mondiale, qui soigne sa mère, petite commerçante arlésienne, avant qu’elle ne disparaisse alors qu’il est encore jeune.
Célèbre pour ses photographies de nus féminins qui rencontrent la révolution sexuelle des années 60/70, le coeur de l’oeuvre de Clergue est d’une autre poésie.
Cette exposition le raconte à travers un parcours original
qui propose une lecture de l’oeuvre, réduite, réorganisée et dans une nouvelle hiérarchie.
Lucien ClerguePar exemple : ses magnifiques photographies des gitans d’Arles et des Saintes Maries, prennent une ampleur que l’artiste ne leur avait pas donné de son vivant ne voulant pas être pris pour un reporter à une époque où la photographie
était très clivée. Il était d’ailleurs celui qui avait découvert Manitas de Plata qu’il accompagne dans le monde entier.
Cette mise en place rapide d’une oeuvre trouve son aboutissement dans une thèse qu’il soutient uniquement à l’aide de photographies devant Roland Barthes qui lui reconnait la maitrise d’un langage émergent. C’est l’apogée de la recherche de Lucien Clergue. Il consacre ensuite une grande partie de son énergie à promouvoir
le travail des autres à travers la création des Rencontres Internationales de la Photographie qui deviennent vite le rendez-vous mondial de cet art en plein essor, en parallèle de la gestion de sa propre carrière.
Les premiers albums
Très tôt exposé au Musée d’Art Moderne de New York (1961), la consécration de Lucien Clergue est d’être le premier photographe à entrer à l’Académie des beaux-arts (2006). Son succès vient aussi de sa qualité de conteur. Sa voix, enregistrée à l’occasion d’une exposition fêtant ses 80 ans aux Rencontres d’Arles, accompagne les visiteurs ainsi que quelques enregistrements pour la télévision qui montrent, très tôt, sa
conviction de ce que la photographie va advenir.
Le parcours conçu par les deux commissaires permet de s’immerger, dans les meilleures photographies de cette période féconde, regroupées par thèmes, dans une mise en scène qui rend la visite très dynamique et redonne sa juste place à ce photographe mondialement célèbre.
Le couturier et décorateur de théâtre arlésien Christian Lacroix et le directeur artistique, ancien directeur des Rencontres de la photographie d’Arles, François Hébel, ont été invités par le Grand Palais à réaliser le commissariat et la scénographie de cette exposition pour leur amitié avec Lucien Clergue et leur passion partagée pour Arles, cadre indissociable de l’oeuvre du photographe.
Lucien Clergue
 Ruines, cimetières, saltimbanques, charognes
La mère de Lucien Clergue, qui l’élève seule, rêve d’en faire un artiste. Elle tombe bientôt malade et le jeune Lucien la soigne au quotidien jusqu’à sa mort.
Cette jeunesse difficile aide à comprendre les images sombres des premiers travaux de Lucien Clergue.
Il soumet régulièrement ses recherches à ses amis Jean-Marie Magnan et Jean-Maurice Rouquette. Ce sont ces photos qui séduiront Pablo Picasso à qui Lucien Clergue les présente à l’issue d’une corrida. Ainsi encouragé, il poursuit rapidement avec la série des pierrots et des arlequins, enfants qu’il déguise et fait poser plusieurs après-midis durant dans les vestiges de la ville bombardée, les dirigeant selon des mises en
scène mélancoliques, au coeur desquelles Lucien Clergue dira s’être représenté à travers le petit violoniste.
Lucien Clergue
Picasso, Cocteau, Saint-John Perse
Intuitive au début, la photographie de Lucien Clergue a été encouragée, alors qu’il a à peine vingt ans, par les avis et le soutien déterminants des maîtres qu’il se choisit : en 1953, à la sortie d’une corrida, il présente son travail à Pablo Picasso, qui le considère avec bienveillance et lui conseille de rencontrer Jean Cocteau.
De ces rencontres naît une relation suivie avec les deux hommes, qu’il rencontre très régulièrement à Arles, Paris, Mougins ou Cannes, et auxquels il présente le guitariste gitan Manitas de Plata.
Picasso dessine les couvertures de ses premiers livres ; Jean Cocteau le conseille pour le choix de ses titres et rédige des textes pour accompagner ses photos.
Cocteau invite Lucien Clergue à participer au tournage du Testament d’Orphée dans les carrières des Bauxde-Provence.
Jean-Maurice Rouquette fait remarquer à Lucien Clergue la proximité du poème Amers (1957) de Saint-John Perse avec ses photographies. Un concours de circonstances fait peu après se rencontrer le photographe et le poète diplomate, avec qui il se lie à son tour et pour lequel il illustre une réédition du fameux poème.
Lucien Clergue
Les Gitans
Une importante communauté gitane est implantée à Arles, dont beaucoup de ses membres sont sédentarisés.
Ils sont rejoints chaque année au mois de mai par des nomades de toute l’Europe qui se rendent au pèlerinage de leur patronne, sainte Sara, aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
Cette communauté a longtemps vécu en cercle fermé, maintenant ses traditions, un certain nombre de rituels et possédant un sens de la fête qui n’a pas manqué de séduire Lucien Clergue.
Il constitue un très beau témoignage photographique sur leur quotidien, leurs fêtes, leurs commerces forains, qui contraste avec le travail de recherche plus poétique dont il a fait le coeur de son oeuvre.
Sa fréquentation de la communauté gitane lui permet de rencontrer Manitas de Plata et son ami musicien José Reyes, qu’il aidera à faire connaître mondialement, ainsi que, plus tard, les Gipsy Kings, fils de José Reyes. Avant de devenir célèbres à leur tour, ces derniers joueront régulièrement pour fêter les invités de Lucien Clergue aux Rencontres internationales de la photographie.
Lucien Clergue
Toros
Naître à Arles, c’est, à cette époque en particulier, naître dans l’afición, la tauromachie, les « toros ». Toute sa vie, Lucien Clergue photographiera les corridas depuis le callejón à Arles, Nîmes, Béziers, Séville, Madrid…
L’un de ses tout premiers travaux le distingue : l’agonie du taureau photographiée au ras du sol sous la barrière de protection. Il montre ainsi que l’animal, après le combat, reste le roi de l’arène et a droit d’être célébré au même titre que le torero.
Il réalise sur ce thème son premier film, Le Drame du taureau (1965, prix Louis Lumière 1966), qui est sélectionné pour le Festival de Cannes 1968, hélas interrompu par les événements avant la proclamation du palmarès.
Lucien Clergue
Les premiers nus
Photographiés en plan rapproché sur les plages de Camargue, les corps de femmes aux formes généreuses surgissent des vagues avec une joie et une vitalité infinies, une fraîcheur inédite dans la photographie de nu féminin.
En supprimant les visages du cadre, Lucien Clergue donne à ces corps une dimension universelle. Mais c’est aussi pour pouvoir exposer ses photos, car il lui faut choisir entre les visages ou les corps.
La quête de reconnaissance de ce nouvel art qu’est la photographie, à peine un siècle après son invention, passe alors pour beaucoup par le rapprochement avec le dessin, et le nu féminin reste souvent académique.
Les nus de Lucien Clergue créent une rupture nette avec la manière alors en vigueur.
Ces nus ont un succès immédiat qui doit autant à la publication des ouvrages, où ils accompagnent des poèmes de Paul Éluard ou de Saint-John Perse, qu’à la libération sexuelle du milieu du XXe siècle.
La série Née de la vague acquiert une notoriété qui dépasse les seuls amateurs de photographie et devient aussi célèbre que populaire.
Lucien Clergue
Contrastes
À l’occasion de l’exposition au Grand Palais, il a semblé intéressant de montrer une sélection importante d’images réalisées par Lucien Clergue dans les années 1960 et au début des années 1970.
L’heure est alors au cinétique, au psychédélisme dans l’art. Lucien Clergue poursuit donc son exploration des terres provençales et camarguaises, mais en optant pour des lumières plus radicales. Forts contrejours, reflets, tirages contrastés : il y a là une énergie nouvelle, une intensité très puissante dans ces images graphiques et abstraites qui semblent très loin du jeune Clergue mélancolique.
Lucien Clergue choisit de réaliser pour cette série de grands tirages (50 × 60 cm pour la plupart) dont de nombreux originaux nous sont parvenus. Cent quatre-vingt-dix-huit d’entre eux sont présentés ici.
Cette série, qui représente une étape importante du travail de Lucien Clergue, a été peu montrée récemment et mérite d’être proposée aux regards d’aujourd’hui.
Lucien Clergue
Langage des sables
À la suite de ses échanges avec les photographes américains et de la découverte aux États-Unis des workshops (stages éducatifs) qu’il importe à Arles, Lucien Clergue ressent le besoin de faire valider son intuition créative par une caution universitaire.
Ayant été dans l’obligation de travailler très jeune pour subvenir aux besoins de sa famille et payer les dettes de sa mère, il a quitté l’école trop tôt pour obtenir un quelconque diplôme.
Il revient sur les plages de Camargue où il a effectué ses premières recherches, puis présente une thèse de doctorat en photographie, Langage des sables, qu’il soutient notamment devant Roland Barthes en 1979.
Élaboré à partir de formes et de dessins abstraits et éphémères laissés sur le sable, ce travail au caractère exclusivement graphique séduit les universitaires par sa structure, au point d’être validé en l’absence de tout texte théorique.

Les Muses de Didier Paquignon à la Fondation Fernet Branca

Jusqu’au 27 mars 2016
A la Fondation Fernet Branca, c’est à l’instar de la synagogue, mais
dans un mode inversé. Ce sont les femmes qui sont au rez-de-chaussée
et les hommes à l’étage. Ce contre point des propositions artistiques fonctionne très bien en regard  de celles des trois artistes du rez de chaussée.

Didier Paquignon
Lorsque l’on pénètre au premier étage c’est un spectacle surprenant,
réjouissant, Didier Paquignon a accroché aux cimaises, à touche touche, 138 corps d’hommes à moitié dévêtus, topless, pas plus bas que la ceinture.
Ce sont des monotypes, un concept particulier de Didier Paquignon, un travail artisanal
dans son atelier, qu’il a entamé depuis 5 ans, les Muses.
D’abord il photographie ses modèles consentants, tous cadrés de la même
manière, de face, de profil, voire de dos, sur 1 m, 20 de hauteur, en gommant tous les attributs sociaux, puis il peint sur plexiglass, les imprime à la presse sur de grandes feuilles, avec des rectangles de la taille des plexiglass, en essayant d’être au plus près de la photo, puisque c’est de la peinture, en noir et blanc, avec ses ombres portées.
Un sorte d’homme de Vitruve de Léonard de Vinci, revu par l’art contemporain
Au cours de sa carrière, Didier Paquignon n’a cessé de revisiter des thèmes classiques : des natures mortes, des vues d’intérieur, des paysages urbains… Ancien élève des Beaux-Arts de Paris et ancien prof des Beaux-arts de Reims,  il s’intéresse  et s’interroge sur les nus masculins.
Didier Paquignon
Pour cette série initiée depuis 2010 et intitulée Muses, Didier Paquignon a pioché dans le cercle des artistes et des médias pour réaliser une centaine de portraits d’hommes : des journalistes, graphistes, photographes, écrivains, peintres, scénographes, danseurs.
Michel Houellebecq, François Morel, Denis Lavant, Sylvain Tesson,
(avant son accident) ou encore Robert Ménard, Jean-Claude Dreyfus , Olivier Roller , mais aussi des anonymes, ont accepté son invitation et ont posé torse nu, sans fard. Didier Paquignon ne fait que retirer la chemise à ses muses, il leur laisse libre court dans leurs mouvements.
Didier Paquignon
Ces monotypes sont alignés les uns à côté des autres sur un grand mur, nous interrogeant sur la nudité masculine, inversant pour une fois les rôles entre hommes et femmes :
« Puisque le corps masculin en tant que monument, est à bout de souffle, dans nos sociétés occidentales, pourquoi pas en reparler et le réinterroger pour poser la question : c’est quoi ? »
Didier Paquignon
Des gros, des maigres, des grands, des petits, des poilus, des imberbes, des tatoués, des musclés, des ridés, des vieux,  pas trop de jeunes, des chevelus, des chauves, les bras ballants, croisés, derrière le dos ont pris la pose face au peintre. A l’évidence, ce n’est plus l’Apollon de l’Antiquité ! Sa préférence va aux yeux, qui le fascinent.
Denis Lavant hoche la tête, de face de dos, de 3/4 déclame du Céline (non l’exposition n’est pas sonore) ont croit l’entendre. François Morel tel un enfant, qui cache une bêtise, rejoue un de ses rôle dans les Deschiens. Olivier Roller, pudique, comme on ne l’imagine pas, avec un regard de voyou, Jean Claude Dreyfus dans toute la splendeur de
son abdomen, se pince les tétons avec son aplomb de comédien.
Didier Paquinon
Ce n’est pas une histoire de plaisir, ni de désir, mais une interrogation sur le corps de l’homme, dans les époques que nous traversons, avec ses modification physiques,
son interrogation sur la virilité, sur son vécu, sur son devenir. Didier Paquignon s’interroge sur lui-même, qu’est-ce qu’un homme de son âge ? Traversé par le doute, troublé par la disparition du patriarcat de son enfance italienne, son projet est
d’interroger les femmes, des écrivains, des sociologues, de leur demander d’écrire des textes.
Didier Paquignon
Cette masse d’hommes, posant en toute humilité, joue un jeu difficile que peu de femmes
accepteraient mais ne sont-elles pas conditionnées par « l’obligation » de séduction qu’on leur demande de jouer, et qu’on les relègue très vite au passé, dès l’apparition des premières rides ?
Didier Paquignon, traite avec bienveillance et douceur, presque avec tendresse, dans cette pièce monumentale, sous une lumière crue, dans un effet de masse, les hommes qui ont du mal à trouver leur place. Cela nous fait dire aussi à nous les femmes, les hommes se sentent le mieux, entre copains, entre eux.
Commissaire de l’exposition : Pierre Jean Sugier, directeur de la Fondation Fernet Branca
La Fondation Fernet Branca est ouverte pour la nuit des musées de Bâle, avec un buffet et une possibilité d’appendre le tango, en présence de l’artiste le 22 janvier 2016.
voir les détails ci-dessous.
Un catalogue est édité par l’Imprimerie de St Louis, avec les photos de Laurent Troendle.
préfacé par un texte succulent d’Eric Chevillard, écrivain, journaliste au Monde, intitulé :
Du bon usage des Muses

Yusuf Sevinçli "Dérive"

Yusuf Sevinçli expose du jeudi 14 janvier au dimanche 28 février 2016
en entrée libre à La Filature, Scène nationale – Mulhouse

Le festival les Vagamondes a démarré avec le vernissage de l’exposition
« Dérive » de Yusuf Sevinçli, dans la galerie.
Feuilletez ici le programme du Festival les Vagamondes du 13 janvier au 23 janvier 2016

Sans titre, série POST II (015), 2013
Sans titre, série POST II (015), 2013

Le noir et blanc contrasté du jeune photographe turc Yusuf Sevinçli
oscille entre geste artistique et approche documentaire.
Gert Petrus Fieret et Miroslac Tichy, sont des références pour lui parmi
« Ils sont trop nombreux, tout au long de l’histoire de la photographie, pour les énumérer tous. August Sander, pour l’approche particulière de ses sujets, Eugène Atget pour son incroyable atmosphère. Robert Frank est très important pour moi, et continue de m’inspirer. Il y a aussi nombre de photographes japonais des années 70,
comme Moriyama et Kitajima. William Klein et Nan Goldin figurent parmi mes photographes favoris, et Anders Petersen aussi, qui a une grande influence sur mes
débuts. D’un point de vue plus contemporain, je trouve les travaux

de Rinko Kawauchi et Antoine D’Agata extrêmement intéressants.
Yusuf Sevinçli
Né en 1980 à Zonguldak en Turquie, Yusuf Sevinçli vit et travaille à Istanbul.
Il est représenté par la Galerie Les filles du calvaire à Paris et Elipsis Gallery à Istanbul.
Yusuf Sevincli, Good Dog
Diplômé de la section Communication de l’Université Marmara d’Istanbul en 2003, Yusuf Sevinçli intègre l’année suivante une Masterclass consacrée à la photographie documentaire en Suède, avant de suivre la Reflexions Masterclass de Venise. Il construit alors son travail personnel à travers plusieurs séries, dont Good Dog, qui ont fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives en Turquie et à travers le monde (Mois de la Photo de Moscou, PhotoBiennale de Thessalonique, Festival de photographie Fotografia Europa Reggio Emilia en Italie, Fotografie Noorderlicht aux Pays-Bas, FotoFreo en Australie…). Yusuf Sevinçli présente également ses oeuvres en France, notamment au festival Circulation(s) à Paris en 2012, au Festival Voies Off à Arles en 2013 et au festival Portrait(s) de Vichy en 2015.
 
Yusuf Sevincli, selfportrait
Yusuf Sevincli, selfportrait

 
Depuis 2008, son travail fait souvent l’objet de publications dans des ouvrages collectifs consacrés à la photographie (Image Makers, Image Takers: The Essential Guide to Photography chez Thames&Hudson) ainsi que dans différents magazines internationaux.
« J’ai démarré vers l’âge de 20 ans, pendant mes années universitaires. J’étais étudiant en journalisme et mon premier contact avec la photographie s’est fait lors des cours d’histoire du photojournalisme. Plus que par sa pratique, j’ai donc tout d’abord été attiré par l’histoire de la photographie et par ses figures iconiques, par le sens de ses messages et par l’effort de compréhension de la puissance de l’image. Je reste aujourd’hui persuadé qu’au-delà du style de chacun, un photographe ou un artiste usant de la photographie se doit de connaître l’histoire de cette dernière, afin de pouvoir appréhender à leur juste valeur les capacités du médium. »
Yusuf Sevinçli

Il nous livre les vestiges d’une culture encore vivace dans un pays en pleine mutation, comme par exemple l’image d’une des dernières maisons stambouliotes, bâtie en bois, livrée au feu, ou celle d’oiseaux s’envolant du fond d’une ruelle pentue et ruisselante. Ou bien encore, il capte cette vision hallucinatoire d’un réparateur qui ne descendra probablement plus de son lampadaire tant il semble y être accroché pour toujours. La nostalgie est au coin de l’énième impasse du quartier Beyoglù où Sevinçli se promène à longueur de jour et de nuit, mais la vivacité photographique de ses captations rappelle leur contemporanéité.
Yusuf Sevincli1
À l’occasion, il nous parle d’amour, s’arrête sur le charme d’un corps en livrant au regard un morceau de peau d’où affleure une sensuelle fragrance. Quelques visages enfantins frappent par leur innocence illuminée, rappelant l’imagerie des frères Lumière ou de Chaplin. Des bambins masqués jouent dans les ruelles et les terrains vagues, tandis que des petites filles surgissent dans des images, telles des merveilles, anges éternels, emblèmes du désir d’enfance. Leurs minois, au regard malin, fixent avec candeur le spectateur, comme ceux de ces jeunes filles que l’on dirait siamoises tant leurs
frimousses se serrent l’une contre l’autre.
Yusuf Sevincli
Yusuf Sevinçli sait aussi saisir les errants et autres noctambules qui colorent Istanbul de mixité et de fantaisie, à la croisée des cultures. Il tire de leurs corps des volumes et des aplats contrastés, tel ce dos d’homme où s’étale un liquide blanchâtre qui rappelle un
« dripping » abstrait. Il capte souvent un détail, un fragment, comme les jolies jambes au collant percé d’une punkette, des chardons plantés dans un vase, l’ampoule pendant d’un plafond écaillé (…) pour lui accorder un autre destin visuel. Les formes surgissent de l’ombre, traversant des rais de lumière et les rayures subies par le négatif, pour créer des prismes et des illuminations. Les images sont généralement structurées par l’éclairage mais peuvent contenir une géométrie de par leur sujet : pans d’immeubles abstraits, ossature de barnum laissé à l’abandon sur une plage lunaire, architectures au futurisme vieillot issues des vestiges d’un palais de la découverte décati.

Yusuf Sevinçli, 5
Il n’y a pas nécessairement de message dans l’oeuvre de Yusuf Sevinçli, ou alors, il est allusif, comme s’il désirait s’abstraire des remous politiques, pour se soucier de ce qu’il reste de l’humanité, à la manière d’un Sergio Larrain dont les images éclairent le futur douloureux du Chili de leur pureté éblouissante4. Ce photographe est en effet un fabricant de rêves en image. Dans les derniers travaux, son errance visuelle s’est élargie à l’Europe où il voyage. De Naples à Paris en passant par Marseille5, il poursuit sa quête d’un monde silencieux où seul le bruissement fugace de la vie le maintient en éveil.

SÉRIES EXPOSÉES À LA FILATURE
« MARSEILLE » : 15 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
Suite à une résidence en 2013 au Percolateur, plateforme pour la création photographique en Méditerranée, Yusuf Sevinçli a livré sa vision de Marseille dessinant le portrait d’une ville multiculturelle.
Les photos réalisées ont été publiées sous forme de livre en 2014 aux Éditions Le Bec en L’Air.

Yusuf Sevincli, série Marseille 2013
« GOOD DOG » : 17 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
Yusuf Sevinçli développe un concept picaresque, une approche photographique faite d’instabilité et d’errance. Il se contente de photographier son environnement, ses angoisses et ses questionnements au quotidien, et voit en la photographie le moyen de rester connecté aux choses et aux êtres, une réponse – sa réponse – à l’environnement qui l’entoure et aux mouvements qui l’habitent, une réflexion à la fois profonde et naïve. Sa série Good Dog a donné lieu à un ouvrage publié en 2012 aux Éditions Filigranes.
Yusuf Sevinçli2
« L’aspect émotionnel des photographies de Good Dog est physiquement instable.
Yusuf Sevinçli ne s’attarde pas. Il marche, il explore, il observe et il repart. Il prélève presque compulsivement des morceaux de réalité qui sont toujours différents, mais qui peuvent finalement trouver des similitudes et devenir une série d’images. C’est un concept picaresque de la photographie, presque sans-abri, errant, qui rejette la stabilité et la sérénité d’un foyer, même visuel, et qui rendent vivant. Les sujets deviennent des pièces qui s’assemblent et révèlent la matière qu’est la représentation de la réalité à travers l’oeil de l’artiste. L’émotion s’éloigne des sentiers battus et réinvestit la rue, nous montrant sa vraie nature. »

Christine Ollier, 2012
Yusuf Sevinçli
« VICHY, 2015 » : 11 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
En résidence à Vichy pendant un mois, Yusuf Sevinçli a arpenté la ville et posé un regard plein d’humanité sur ses habitants, leur rapport à la ville, à l’autre, au monde. Son travail a fait l’objet d’un focus lors du festival Portrait(s) 2015, ainsi que de la publication de Walking aux Éditions Filigranes.
« À quoi tient l’âme d’une ville ? À la rectitude des trottoirs étroits, lissés par le temps ? Aux taches de rousseur d’enfants saisis par les frimas ? Aux noctambules qui errent sous la fusion des lampadaires ? Une ville livre ses secrets à ceux qui l’arpentent sans fin, poussent la porte des bars, déjeunent sur le coin d’un comptoir et dînent au coin d’un autre, croisent les gavroches le matin sur le chemin de l’école et les retraités l’après-midi, qui siestent sur les bancs. En acceptant de conduire au printemps dernier une résidence à Vichy, Yusuf Sevinçli a endossé la figure du photographe marcheur, du flâneur indocile qui guette les offrandes du jour et les blêmissements du couchant : ici un croupier à la pâleur lunaire, là un chien mouillé convoquant les derniers fantômes de la nuit. Bien malin qui serait capable de reconnaître dans les images funambulesques de ce jeune
Yusuf Sevinçli, 6photographe turc les coquetteries de Vichy la française, Vichy la bourgeoise, arc-boutée sur ses façades art nouveau, ses villas néoclassiques et les splendeurs de l’Allier. La ville thermale, qui vit naître l’écrivain voyageur Albert Londres, devient une terre de rencontres et d’aventures, une projection mentale, un poème visuel né des chimères d’un artiste stambouliote qui pratique les déplacements dans tous les sens du terme, physiques et psychiques. Vichy, grâce à lui, s’éveille d’un drôle de rêve où passent des guirlandes de lumières et des gamins aux poings serrés. […]Sous la griffe du regard nomade de Yusuf Sevinçli, Vichy est dessaisie de son histoire et de sa géographie, elle flotte dans un espace-temps qui est celui du rêve éveillé, elle chaloupe et chavire, traversée de fulgurances, filochée de brouillard, sertie de noirs charbon et de blancs incandescents qui la rendent à la fois plus ardente, plus nerveuse et plus insaisissable. »
Natacha Wolinski, Walking, Éditions Filigranes / festival Portrait(s) 2015
« POST I » : 17 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
« POST II » : 8 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
« PARIS » : 4 tirages en noir et blanc et en argentique

 2 Michel Poivert, La Photographie contemporaine, Paris, Flammarion, 2002.
3 Christian Caujolle accorda une place importante à leurs images dans les colonnes de Libération dont il fut le directeur photo pendant des années, il collabora par la suite avec nombre d’entre eux dans la cadre de l’agence et de la galerie VU’.
4 Cf. expositions Sergio Larrain, commissariat Agnès Sire, église Sainte-Anne, RIP d’Arles et Fondation Henri Cartier-Bresson Paris, 2013.
5 Yusuf Sevinçli a été invité en résidence par l’association Le percolateur, exposition à l’Atelier de Visu, Marseille, octobre 2013.

Cours Publics 2016

Cours Publics est un cycle de conférences proposé conjointement par le Service Universitaire de l’Action Culturelle de l’Université de Haute-Alsace, la Haute école des arts du Rhin et La Kunsthalle.
C’est la 6e année que les cours reprennent, au vue de leur succès.

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Autour d’une thématique, trois intervenants présentent un courant artistique, un pan de l’histoire de l’art permettant de recontextualiser la création contemporaine.
Les cours, assurés par des personnalités universitaires ou du monde de l’art,
sont ouverts à tous, sur inscription.

Thème 2016 : ART ET ESPACE(S) PUBLIC(S)
Si l’on considère l’espace public comme l’ensemble des espaces de passage et de rassemblement à l’usage de tous, il semble alors évident que son devenir est une affaire partagée.
Comment les artistes s’y inscrivent-ils ? La pluralité des réponses est à l’image de la richesse du sujet. Certains créent dans la ville, d’autres avec la ville. Il y en a qui composent avec l’architecture et d’autres qui privilégient les expériences sensibles et sociales. Quelques-uns se rangent du côté de la ville minérale quand d’autres lui préfèrent
ses terrains vagues et indéfinis.
Entre gestes affirmés et micro-actions, entre objet monumental et interpellation participative, les enjeux de l’art dans l’espace public ne cessent d’évoluer et de se réinventer.
Ce cycle a pour objet de donner la parole à différents acteurs de ce jeu urbain qui dépasse largement la sphère artistique et s’inscrit en profondeur dans la métamorphose de notre société.
Cycle thématique de 3 séances
de 1h30 de 18:30 à 20:00
La Fonderie / Amphithéâtre
Jeudi 25 février – Conférence d’Yvan Detraz
Jeudi 3 mars – Conférence d’Alain Bernardini
Jeudi 10 mars – Conférence de Jérôme Poggi
 

Bruit du Frigo, LE RING-Bordeaux - 2013
Bruit du Frigo, LE RING-Bordeaux – 2013

Jeudi 25 février 2016 – Yvan Detraz
Peut-on imaginer un urbanisme laboratoire, complémentaire à l’urbanisme planifié et
« fait pour durer » ?
Un urbanisme de préfiguration qui défriche et teste des possibles, un urbanisme qui mise sur l’imagination et la capacité d’action des habitants, un urbanisme permissif, reposant sur des interventions légères et éphémères et offrant une place réelle à l’appropriation, un urbanisme qui révèle et augmente le potentiel poétique et d’usage
des lieux… Un urbanisme qui contribue à lutter contre l’appauvrissement de l’espace public et le repli sur soi, en réinventant des espaces communs désirables…
Yvan Detraz est architecte, directeur et cofondateur du Bruit du frigo, collectif pluridisciplinaire de création et d’intervention urbaine, créé en 1997. Il y développe notamment un travail exploratoire sur la réappropriation des
périphéries urbaines, à travers les projets Refuges périurbains et Randonnées périurbaines. Bruit du frigo initie des démarches artistiques, contextuelles et participatives mêlant installations temporaires ou pérennes, microarchitectures
et actions collectives.
Alain Bernardini, les Appuyées, Toulouse
Alain Bernardini, les Appuyées, Toulouse

Jeudi 3 mars 2016 – Alain Bernardini
En s’appuyant sur une sélection de ses images et installations photographiques, Alain Bernardini questionnera la notion de « pouvoir » de l’image, qu’il rattache à la connaissance de l’iconographie, au contexte de l’élaboration, à la
forme de présentation, et au lieu de l’exposition. Dans sa recherche artistique, non seulement le contexte social du territoire et /ou de l’individu, mais aussi les espaces publics sont des éléments déterminants qui influencent ce qu’il
qualifie de puissance active de l’image et de sa réception.
Tout passant est amené un jour à être spectateur, mais
aussi usager, voire acteur, de l’espace public et les enjeux de cette puissance varient ainsi selon les rôles tenus tour à tour.
Alain Bernardini est artiste, professeur associé et directeur du Master Département Photographie et Art contemporain à l’Université Paris 8. Il participe à de nombreuses expositions et répond depuis 2014 à une commande publique du Cnap et du BBB de Toulouse sur le thème de la photographie dans l’espace public avec le projet Recadrée. Porte-Image. Borderouge Nord.
Mathieu Lehanneur
Mathieu Lehanneur

Jeudi 10 mars 2016 – Jérôme Poggi
Les Nouveaux commanditaires est un dispositif initié et soutenu par la Fondation de France. Cette action permet à tout groupe de personnes qui en exprime le désir et en justifie le besoin dans un but d’intérêt général de passer commande d’une oeuvre d’art à un artiste. Un réseau de huit médiateurs agréés par la Fondation de France, et
réunis au sein de la Société des Nouveaux commanditaires, met en oeuvre cette action à travers la France. Le modèle des Nouveaux commanditaires a été repris dans plusieurs pays européens, dont la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède…
Jérôme Poggi est médiateur pour l’action des Nouveaux Commanditaires qu’il met en oeuvre en Ile-de-France à travers la structure « not-for-profit » SOCIETIES (anciennement Objet de production) qu’il a fondée en 2004. Historien
et critique d’art, spécialisé dans l’histoire du commerce de l’art, il est l’auteur de nombreux articles, ouvrages et films documentaires. Jérôme Poggi a fondé sa galerie en 2009 après avoir exercé pendant plusieurs années dans le milieu institutionnel de l’art.
Modalités d’inscription
Inscription uniquement par courrier auprès du
Service Universitaire de l’Action Culturelle de l’Université de Haute-
Alsace – Maison de l’Etudiant – Campus Illberg – 1, rue Werner 68100 Mulhouse
Tarif plein : 20 euros / tarif réduit 10 euros pour l’ensemble des conférences. Gratuit pour les étudiants de la HEAR
et de l’UHA.
Bulletin téléchargeable sur : www.kunsthallemulhouse.com
Pour tout renseignement concernant l’inscription
s’adresser au Service Universitaire de l’Action Culturelle de l’Université de Haute-Alsace : 03 89 33 64 76 / isabelle.lefevre@uha.fr
 

Sommaire décembre 2015

31 décembre 2015 :

08 décembre 2015 : Andreas Gursky au Museum Frieder Burda
10 décembre 2015 : Régionale 16 en 2015
11 décembre 2015 : LES VAGAMONDES
14 décembre 2015 : Valérie Favre, « La première nuit du monde »
21 décembre 2015 : À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux
23 décembre 2015 : Elisabeth Louise Vigée Le Brun
25 décembre 2015 : Joyeux Noël 2015

Valérie Favre, "La première nuit du monde"

Valérie Favre au MAMCS, musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg
propose, « la première nuit du monde » jusqu’au 27 MARS 2016
Son attirance pour le théâtre et le cinéma,  explique la mise en scène de l’exposition.

Valérie Favre, Balls and Tunnels, 2015
Valérie Favre, Balls and Tunnels, 2015


En levée de rideau
, elle propose d’ouvrir l’exposition sur une oeuvre abstraite, le dernier Balls and Tunnels réalisé en 2015.
Il s’agit du nouvel opus de la série éponyme débutée il y a vingt ans pour
laquelle Valérie Favre ne réalise qu’un tableau par an et ce, jusqu’à la fin de sa vie, comme elle
l’a déjà énoncé. OEuvres rares, les Balls and Tunnels série de cosmogonies colorées sont tous réalisées selon le même
protocole, celui d’une peinture voulue
« avec le moins de décisions possibles » ; l’artiste travaille
la toile libre en laissant le hasard induire des rencontres de couleurs, sous forme de taches et de dégoulinures.
Le résultat doit à la fois au hasard et aux reprises minutieuses de l’artiste qui travaille ensuite glacis et empâtements pour réaliser une oeuvre « qui n’a plus de sens ».
Placé au tout début de l’exposition, véritable « morceau de peinture », il permet d’évacuer l’image restrictive parfois associée à l’artiste connue pour sa peinture figurative.

 
Valérie Favre, Lady Bird 2010
Valérie Favre, Lady Bird 2010

 
Les Théâtres
Vastes polyptiques s’étirant sur près de 400 cm, les Grands Théâtres ici réunis sont pour une majeure partie des travaux très récents. Décrits par l’artiste comme des grandes
« scèneries »,
les cinq formats monumentaux auxquels vient s’adjoindre un inattendu petit format, accueillent le visiteur dans une salle écarlate qui rappelle le théâtre ou le cirque. Traitant de la « folie du monde » sur le mode de la parade, ces grandes compositions entrecroisent nombre de références visuelles et allégoriques (références à l’Histoire de l’Art, au cinéma, à la mythologie,…). La figure de la Mort y est fréquente, elle côtoie un catalogue de personnages, d’animaux et de créatures hybrides réunis pour jouer la comédie ou le drame sous les feux de la rampe. Les oeuvres – toutes baptisées d’un titre qui évoque les circonstances de leur éclosion – sont porteuses de signes qui renvoient d’un tableau à l’autre.
Valérie Favre
Accrochées volontairement assez bas, ces Théâtres invitent le regardeur à entrer dans le spectacle qui se joue sous ses yeux et à rejoindre le cortège de Madame Rêve, à se pavaner aux côtés de Laby Bird, à gagner la foule qui se presse autour de La Voyante/Die Hellseherin, à se faufiler parmi les acteurs du Cristal Palace
ou encore à « perdre oeil », comme on perd pied, dans le paysage infini de Play-Back.
Odilon Redon, James Ensor, ou encore Brueghel se cotoyant.
Valérie Favre, Thomas l'Obscur
Thomas l’Obscur
Au sortir de la salle rouge, le visiteur soulève un rideau de velours qui ouvre sur une salle aux murs blancs. Là, il se trouve nimbé d’un ensemble dense de dessins accrochés selon un rythme très particulier, entrecoupé par endroits de tableaux : les dessins, comme une portée musicale, sont disposés sur plusieurs lignes et créent un vaste environnement où les tableaux surgissent comme des taches de couleurs. L’oeuvre présentée ici relève d’une démarche nouvelle de l’artiste : Valérie Favre a, en effet, opéré un copiage minutieux et intégral du roman de Maurice Blanchot, Thomas l’Obscur. Ce travail réalisé sur un grand carnet démantelé contient le texte in extenso ainsi que plusieurs dessins à l’encre et à l’aquarelle qui entrent littéralement dans les mots de Blanchot. Roman en forme de voyage intérieur, Thomas l’Obscur inspire aussi à l’artiste
plusieurs peintures où le thème de la noyade est récurrent. Férue de littérature, Valérie Favre qui se présente elle-même comme une « fausse écrivaine », s’est passionnée pour les textes de l’auteur de L’Écriture du Désastre. Elle livre ici une oeuvre d’art totale qui rencontre et prolonge le texte de Blanchot dans un déploiement, certes, monumental, mais néanmoins intime pour qui sait s’approcher tout près de ces pages manuscrites où affleure la sensibilité de leur copiste.
Valerie Favre, Thomas l'obscur détail
Les Fragments
Puis c’est un nouveau choc, on pénètre dans une salle obscurcie.
Série débutée en 2010 et close en 2012, Les Fragments, sortes de maelströms sombres qui ne sont pas sans rappeler les dessins de Victor Hugo, voient ici leur épilogue. Valérie Favre conçoit ces tableaux abstraits de dimensions différentes comme
« des morceaux d’univers ». Galaxies, constellations, trous noirs ou voie lactée, Les Fragments renvoient à ce qui nous dépasse, à ce qui se place au-delà : l’infini est malaisé, sinon impossible, à concevoir, plus encore à peindre.
Valérie Favre
L’artiste s’attaque à cette impossibilité et retient du grand tout quelques fragments. De ses tableaux, elle a fait réaliser de minuscules photographies qu’elle a fait imprimer en grande
quantité. Ces minuscules Fragments ont été soigneusement assemblés les uns avec les autres, cousus ensemble pour former un tapis aux motifs ornementaux, façon de transformer les questionnements qui nous taraudent en un élément domestique – ou magique – un tapis.
Valerie FavreLes Ghosts
Les Ghosts de Valérie Favre, série entreprise depuis 2012 et toujours en cours, revêtent plusieurs formes. Ceux qu’elle a choisi de réunir ici s’inspirent du tableau de Goya, Le Vol des Sorcières (1797/1798). Dans le tableau du Prado, trois créatures portant des chapeaux pointus portent à bout de bras le corps d’un homme nu et s’envolent dans un ciel noir, tandis qu’au sol un personnage erre à l’aveugle et qu’un autre se désole. Valérie Favre retient cette ascension du corps pour une série de tableaux de petits formats où elle opère diverses variations. Le gisant change d’apparence, de genre, d’état, les « sorcières » se font danseuses, secouristes bienveillantes ou facétieuses. Toutes ensemble, ces petites peintures forment une nuée qui décline tous les tons possibles pour jouer la même scène, telle une multitude de prises enchaînées par un acteur qui seraient vues simultanément.
Valérie Favre, les Gohsts
Les Petits Théâtres de la vie
Pratique autonome et rare de l’artiste, le dessin constitue ici un ensemble
« à portée de main » ; l’artiste a, en effet, souhaité les présenter différemment des autres oeuvres de l’exposition.
Posés sur des lutrins, les dessins invitent à une contemplation rapprochée, nécessaire tant leurs multiples détails sollicitent l’attention. Combinant écritures, collages, photocopies, dessins dans les marges, les oeuvres graphiques de Valérie Favre se présentent comme une cartographie moult fois retravaillée.
Valérie FavreOn y lit le nom de Kleist, on relève des marques d’antidépresseurs, on rencontre des animaux et des formes géométriques, agencés sur ce qui ressemble à une scène ou une piste de cirque. Une fois encore, Valérie organise à la façon d’un metteur en scène de théâtre de petites scènes peuplées de personnages et de situations improbables, coeur d’un récit qui emprunte, ça et là, des éléments de la réalité et de sa vie personnelle, tout en restant une création résolument fictive.
Un travail original, qui nécessite l’attention du regardeur, où l’ingéniosité côtoie
la diversité, l’éclat et la profondeur des couleurs, un regard aigu et ironique sur le monde.