Trésors en noir et blanc, Dürer, Rembrandt, Goya, Toulouse-Lautrec …

Albrecht Dürer, Adam et Eve, 1504. Gravure sur bois. Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris.
Crédit : Paris Musées / Petit Palai
s

Au Petit Palais jusqu'au 14 janvier 2024
Commissariat :
Annick Lemoine,
directrice du petit Palais et commissaire générale
Anne-Charlotte Cathelineau,
conservatrice en chef du patrimoine, chargée des collections d’arts graphiques avant 1800 et des sculptures.
Clara Roca,
conservatrice du patrimoine, chargée des collections
d’arts graphiques après 1800 et de photographies.
Joëlle Raineau-Lehuédé,
collaboratrice scientifique au département des arts graphiques.
Prologue

Le Petit Palais met à l’honneur son riche cabinet d’arts graphiques à travers une sélection de près de 200 feuilles des grands maîtres de l’estampe comme Dürer, Rembrandt, Callot, Goya, Toulouse- Lautrec, entre autres… L’estampe tient une place prépondérante dans la collection du Petit Palais. Elle est le reflet du goût de ses illustres donateurs, les frères Auguste et Eugène Dutuit et du conservateur Henry Lapauze, à l’origine d’un musée de l’Estampe moderne créé en 1908 au sein même du Petit Palais. En suivant le fil de l’histoire des collections, l’exposition permet à travers ses plus beaux trésors de découvrir un panorama inédit de l’estampe du XVe au XXe siècle.

L’exposition

La première partie de l’exposition présente une sélection des plus belles feuilles de la collection Dutuit qui en comprend 12 000, toutes signées des plus grands peintres graveurs de leur temps. Ces oeuvres rassemblées sous l’impulsion d’Eugène Dutuit se caractérisent par leur qualité, leur rareté et leur pedigree, en témoigne La Pièce aux cent Florins de Rembrandt, exceptionnelle de par sa taille (près de 50 centimètres de large) et de par son histoire puisqu’elle
appartint à Dominique-Vivant Denon, premier directeur du Louvre.

Parmi les 45 artistes présentés, quatre d’entre eux, aux univers extrêmement puissants, ont donc été choisis pour illustrer ce « goût Dutuit » : Dürer, Rembrandt, Callot et Goya.
Le Petit Palais possède 264 estampes originales d’Albrecht Dürer (1471-1528). La sélection présentée permet de retracer l’ensemble de sa carrière, à la fois sa production religieuse comme Adam et Ève et L’Apocalypse mais également des sujets profanes comme Melencolia et La Grande Fortune ou plus singuliers comme Le Rhinocéros.


En parallèle, deux gravures exceptionnelles sont présentées, l’une d’Antonio Pollaiolo,

la plus grande gravure du Quattrocento, qui nourrit plusieurs
oeuvres de Dürer et l’autre de Marcantonio Raimondi dont la figure principale reprend directement le motif de La Sorcière de l’artiste allemand.


Le parcours s’arrête ensuite sur Jacques Callot (1592-1635), célèbre maître nancéen de l’eau-forte dont le musée détient plus de 700 estampes. Les oeuvres exposées montrent à quel point cet artiste brilla par son imagination débridée et son caractère fantasque mais également par sa capacité à créer dans ses minuscules estampes un véritable microcosme fourmillant d’une multitude de détails et de personnages.


L’exposition se poursuit avec Rembrandt (1606-1669), sans doute l’artiste qui fascina le plus Eugène Dutuit. Ce dernier collecta un fonds exceptionnel de 375 estampes du maître pendant plus de cinquante ans. La collection comprend des pièces majeures et rares qui permettent d’embrasser toute la carrière du peintre-graveur hollandais et de retracer son évolution stylistique, iconographique et technique.

Enfin, le parcours présente un ensemble exceptionnel d’estampes de Goya (1746-1828)

dont des épreuves d’état de la Tauromachie et un remarquable album des Caprices.

La création contemporaine

Grâce aux frères Dutuit, la place de l’estampe au sein des collections du Petit Palais est assurée, mais elle doit encore s’ouvrir à la création contemporaine. Henry Lapauze en sera la cheville ouvrière. En 1908, son travail est consacré par l’inauguration du musée de l’Estampe moderne au sein du Petit Palais. Pour
le constituer, Lapauze sollicite de nombreux dons de marchands et collectionneurs comme Henri Béraldi qui offre au musée 100 portraits d’hommes d’État, de savants ou d’artistes dont plusieurs sont présentés dans l’exposition. Il obtient également des dons d’artistes et de familles d’artistes. Les noms égrainés indiquent bien le succès de cette collecte : Buhot, Bracquemond, Chéret, Steinlen, Toulouse-Lautrec… Tous ont marqué l’histoire de l’estampe et dessinent le visage de la gravure contemporaine, essentiellement parisienne, des premières années du XXe siècle.
Les oeuvres rassemblées offrent un panorama d’un Paris 1900 aussi spectaculaire, effervescent que socialement inégalitaire.


Henri Lapauze accueille également les estampes commandées et éditées par la Ville de Paris dont l’exposition présente un très bel exemple, Le Triomphe de l’Art d’après Bonnat, accompagné de son dessin préparatoire et de sa matrice gravée. En contrepoint de ce parcours en noir et blanc, l’estampe en couleurs vient clore l’exposition, bien représentée notamment par un bel ensemble de portraits et de paysages acquis grâce au soutien du marchand
d’art et éditeur Georges Petit. Enfin, une sélection des dernières acquisitions, dont des estampes d’Auguste Renoir, Anders Zorn et Odilon Redon, montre le dynamisme de la politique d’acquisition du musée.

Plusieurs dispositifs de médiation permettent de se familiariser avec les différentes techniques de l’estampe : la gravure sur bois, l’eau-forte et l’eau-forte en couleurs, le burin et la lithographie. En fin d’exposition, après avoir visionné une démonstration filmée de réalisation d’une eau-forte, le visiteur expérimente lui-même ce processus créatif grâce à une table numérique ludique afin de créer une oeuvre qu’il peut recevoir par e-mail et partager sur les réseaux sociaux.

Informations pratiques

Horaires d’ouverture
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturnes : vendredis et samedis jusqu’à 20h
Fermé les 1er et 11 novembre, 25 décembre, 1er janvier.
Accès
En métro
Lignes 1 et 13 : Champs-Élysées Clemenceau
Ligne 9 : Franklin D. Roosevelt
En RER
Ligne C : Invalides
En bus
Lignes 28, 42, 72, 73, 80, 83, 93

À toi de faire, ma mignonne. – Une exposition de Sophie Calle au Musée Picasso

Jusqu'au 7 JANVIER 2024 au musée Picasso
commissaire : Cécile Godefroy est historienne de l’art, docteure de l’université
Paris IV - Sorbonne, membre de l’Association Internationale des
Critiques d’art, elle est Responsable du Centre d’Etudes Picasso
qui ouvrira en décembre 2023 au Musée national Picasso-Paris.

Si vous pensez voir des Picasso, passez votre chemin. Si vous êtes des inconditionnels de Sophie Calle, cette exposition est pour vous. Invitée pour une Carte blanche au musée Picasso-Paris dans le cadre des évènements autour des 50 ans de la mort du géant de l’art moderne, Sophie Calle investit les quatre niveaux du bâtiment déployant son travail autour de deux grands thèmes : la question du regard et celle de la disparition et de la mort.

Prologue

Sophie Calle célèbre à sa manière les 50 ans de la mort de Pablo Picasso, en investissant la totalité des quatre étages de l’hôtel Salé avec une proposition d’exposition inédite.
Organisée en quatre temps correspondant aux quatre étages du musée, l’exposition À toi de faire, ma mignonne prend le contre-pied des multiples évènements de la « Célébration Picasso 1973-2023 » qui mettent à l’honneur l’artiste espagnol.
L’exposition de Sophie Calle porte un regard curieux et décalé sur un choix d’oeuvres emblématiques de Picasso dont l’artiste convoque les images ou la mémoire au travers d’un récit personnel qui se déroule au rez-de-chaussée du musée. Avec cette exposition, qui au fil des étages se déploie indépendamment de Picasso et prend un caractère volontiers rétrospectif, Sophie Calle explore certaines des thématiques qui lui sont centrales telles que la privation du regard ou la disparition en ayant recours à l’archive et à l’écriture comme sources et matières premières de sa création. Relevant le défi de l’invitation, l’artiste interroge avec esprit et profondeur la réception critique de son oeuvre et son souci de transmission aux générations futures.

PARCOURS D’EXPOSITION

PICALSO

Niveau 0

Le rez-de-chaussée de l’hôtel Salé marque l’entrée en scène de Sophie Calle
au musée Picasso. À l’exception de trois autoportraits de Picasso qui entourent
l’artiste faisant sa mignonne, ici incarnée par la présentation du polar qui
donna titre à l’exposition, l’étage joue sur une présence en creux du peintre
espagnol. À l’appui d’un récit personnel, Sophie Calle initie le dialogue en usant
d’anecdotes et souvenirs – certains remontant à l’enfance -, de contrepoints
visuels et de détournements. Avec les « Picasso confinés », ce sont les tableaux
accrochés, protégés de la lumière et photographiés pendant le confinement
qui sont donnés à voir.


L’absence rode également sur les « Picasso fantômes »,
soit cinq tableaux majeurs de Picasso que de grands voilages, brodés au
format des oeuvres, couvrent de descriptions récoltées auprès du personnel
du musée à un moment où les oeuvres étaient prêtées à l’extérieur.

Une composition monumentale enfin, au format de la célèbre peinture Guernica, fait oeuvre collective en réunissant près de deux cents photographies, objets et miniatures de la collection personnelle de Sophie Calle, provenant pour la plupart d’échanges avec les artistes, de Christian Boltanski à Tatiana Trouvé en passant par Miquel Barceló, Damien Hirst et Cindy Sherman.

Salle 0.1

2019. Premier rendez-vous et proposition d’investir le musée Picasso en 2023,
à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de l’artiste. Sans LUI, si je
préfère. Les mots de ma mère se frayent un chemin, le syndrome d’imposture
dans leur sillage. Lors d’un vernissage au musée d’Art moderne, à New York,
découvrant mes oeuvres entre celles de Hopper et de Magritte, elle s’était
exclamée : « Tu les as bien eus ! » Cette fois, je l’imagine chuchoter :
« Pourquoi toi ? »

Récapitulons.
Il y a ma toute première oeuvre, du moins celle à laquelle mon père conféra
ce statut en l’encadrant, et dont il recopia la légende crayonnée au dos, qui
s’effaçait. J’avais peut-être six ans, et ce dessin fit dire à ma grand-mère qu’il y
avait un Picasso dans la famille.


Il y a Tête, un Picasso volé à Chicago, dont j’avais fait le portrait-robot à partir
des souvenirs de ceux qui l’avaient côtoyé.
Il y a Prolongation, titre d’une de ses expositions en Avignon, que je me suis
promis d’emprunter un jour.
C’est maigre.

Salle 0.2

Les Picasso Confinés.

Deuxième rendez-vous au musée Picasso, durant le confinement. Pas
de visiteurs. Les Picasso sont protégés, emballés, dissimulés. Dessous.
Une présence fantomatique, moins intimidante, que j’ai immédiatement
photographiée. Avant même de le savoir, je venais d’accepter.

Salle 0.5

Les Picasso fantômes

Lors de mes premières visites, La Mort de Casagemas, Grande baigneuse au
livre, Paul dessinant, Homme à la pipe et La Nageuse manquaient pour cause de
prêt. J’ai demandé aux conservateurs, aux gardiens et à d’autres permanents
du musée de me les décrire. À leur retour, je les ai voilés avec les souvenirs
qu’ils laissent lorsqu’ils s’absentent.

                                        Sophie Calle, Paul jouant

LES YEUX CLOS

Niveau 1

Le premier étage s’amorce sur une anecdote relatée par Cocteau de Picasso
observant en Avignon un peintre à moitié aveugle peignant le château des
Papes à partir des seuls mots de sa femme. En réponse à la crainte bien connue
de Picasso de perdre un jour la vue, Sophie Calle réunit un ensemble d’objets,
de photographies et de vidéos consacrés au thème du regard – regard clos,
inédit (« Voir la mer »), privé (« La dernière image », « Les Aveugles »), etc.

Picasso dit souvent que la peinture est un métier d’aveugle. Il peint, non
ce qu’il voit, mais ce qu’il en éprouve, ce qu’il se raconte de ce qu’il a vu.
Jean Cocteau

LES AVEUGLES

Salle 1.3
J’ai rencontré des gens qui sont nés aveugles. Qui n’ont jamais vu.
Je leur ai demandé quelle est pour eux l’image de la beauté.


VOIR LA MER

Salle 1.4
À Istanbul, une ville entourée par la mer, j’ai rencontré des gens qui ne l’avaient jamais vue.

Dans son journal intime, ma mère avait écrit :
« Sophie est tellement morbide
qu’elle viendra me voir plus souvent sous ma tombe que rue Boulard. »
Moi, pour éloigner la mort, j’ai photographié des cimetières, filmé ma mère mourante, tenté d’organiser la répétition générale de mes funérailles, possédé un caveau à Montparnasse avant d’en déménager pour raisons familiales, disséminé chez moi des enveloppes qui contiennent autant de testaments rédigés dans l’urgence avant chaque voyage. Pour ensuite passer à autre chose.

                                      le Cénotaphe de Sophie Calle

MA MÈRE, MON PÈRE, ET MOI

Niveau 2

Au deuxième étage du musée, Sophie Calle procède à l’inventaire de ses biens
dans une mise en scène spectaculaire. Introduit par un ensemble d’oeuvres
dédiées au thème de la disparition, celle des parents de l’artiste, jusqu’à sa
propre mort simulée, le visiteur traverse plusieurs salles où plus de 500 objets
de Sophie Calle – dessins, tableaux, photographies, objets d’art et de curiosité,
ouvrages rares, vaisselle et mobilier – sont exposés à la manière de l’Hôtel
Drouot.
Dans les archives personnelles de Picasso conservées au musée, Sophie Calle
a trouvé la lettre d’une association d’aide aux artistes aveugles, sollicitant de
Picasso un dessin original, dans le but d’édifier, avec les bénéfices de la vente,
la Maison des yeux clos. N’ayant pas trouvé la réponse, Sophie Calle a fait appel
à la générosité de la Fondation Almine et Bernard Ruiz-Picasso afin d’organiser
durant l’exposition une vente en ligne organisée par Drouot Estimations d’une
céramique de Picasso et de reverser les bénéfices de la vente à une association
de mal-voyants.

Salle 2.4
Pourquoi faudrait-il jeter en l’air ce qui me fit la grâce d’arriver jusqu’à moi ?
Pablo Picasso
Ma mère est morte, mon père est mort, je n’ai pas d’enfants. Quand je ne serai
plus là, que vont devenir les choses de ma vie ? Sans héritiers définis, une vente
judiciaire peut m’arriver ; vendue à l’encan. Si je veux exorciser cette crainte
qu’à ma mort leur histoire commune, ainsi que celle qui me relie à eux, ne
s’efface, c’est par la générale de ma succession que je dois commencer.

J’ai donc proposé aux commissaires-priseurs de l’Hôtel Drouot de mettre en
scène mon cauchemar, d’expertiser les biens de ma maison de Malakoff et de
dresser l’inventaire descriptif mais non estimatif de mon patrimoine mobilier.

Niveau 3

Le troisième et dernier étage propose un bilan des projets de Sophie Calle.
Un inventaire des 61 projets achevés se présente sous la forme de polars dont
les titres font écho aux séries de l’artiste. Un ensemble de projets restés en
suspens fait suite, donnant vie aux incidents de parcours, aux esquisses et
tentatives, aux oeuvres en sursis et en péril. En fin de parcours, Sophie Calle
investit physiquement une salle de l’étage en installant son bureau qu’elle
tiendra ouvert à ses heures pendant toute la durée de l’exposition.
Salle 3.1

INVENTAIRE DES PROJETS ACHEVÉS

J’ai voulu faire le bilan, partir de RIEN ou presque, dresser la liste de tous les
projets réalisés depuis mes débuts. J’en ai comptabilisé soixante et un. Comme
j’avais été tentée un jour d’emprunter un titre à la série noire, j’ai parcouru leur
inventaire et j’ai eu l’impression que leurs titres m’attendaient

INFOS PRATIQUES

Musée Picasso
ACCÈS
5 rue de Thorigny,
75003 Paris
Métro
Ligne 1 Saint-Paul
Ligne 8 Saint-Sébastien-Froissart
Ligne 8 Chemin Vert
Bus
20 – 29 – 65 – 75 – 69 – 96

HORAIRES D’OUVERTURE
10 h 30-18 h
9 h 30-18 h en période de vacances scolaires
et le week-end
Tous les jours sauf le lundi, le 1er janvier,
le 1er mai et le 25 décembre.
RENSEIGNEMENTS
+33 (0)1 85 56 00 36
contact@museepicassoparis.fr

Antony Gormley, Critical Mass

Antony Gormley, Critical Mass
© agence photographique du musée Rodin – Jérome Manoukian

Au musée Rodin jusqu'au 03 MARS 2024
COMMISSARIAT :
SOPHIE BIASS-FABIANI, CONSERVATRICE DU PATRIMOINE AU MUSÉE RODIN
AVEC LE SOUTIEN DE la GALERIE THADDAEUS ROPAC

Une ligne court à travers le jardin, entre l’imposante Porte de l’Enfer (1880-1917) de Rodin et les ordonnancements harmonieux des frontons et des pilastres classiques et des fenêtres rectangulaires ou cintrées de l’hôtel de Biron. Cette ligne relie douze formes corporelles de Critical Mass II (1995) d’Antony Gormley. D’abord accroupies, recroquevillées au sol puis fières sentinelles, les figures de fonte s’élèvent progressivement jusqu’à la station debout. Les transformations que connaît leur posture retracent l’ascension évolutive de l’homme et cartographient les progrès de la sensibilité humaine, depuis la vulnérabilité et l’insécurité jusqu’à ce qu’on pourrait interpréter comme de la confiance, de la fierté ou de la curiosité, le regard tendu vers le haut.

Au musée Rodin, les figures s’éloignent de l’hôtel en direction de la Porte de l’Enfer : la ligne de la croissance et du progrès de l’humanité s’achève, et le corps humain rencontre l’œuvre de Rodin, expression terrible de notre chute finale, avant de sombrer sous le sol.

Le poids de chacune des douze formes corporelles équivaut à dix fois celui de l’artiste ; chacune d’entre elles affirme immédiatement la capacité de la sculpture à créer des lieux et à susciter des perturbations.

En complément de Critical Mass, on trouve également six Insiders dans la galerie des marbres et quatre sculptures qui dialoguent au coeur de l’hôtel Biron avec les chefs d’oeuvres de Rodin. Ce vis-à-vis entre les oeuvres de Rodin et de
Gormley interroge le rapport de la sculpture au corps.

« Tout a dû être dit sur les relations de l’œuvre de Gormley avec le cubisme et avec l’histoire de l’art en général. Il donne l’impression de suivre le conseil de Cézanne :

« Traitez la nature par le cylindre, la sphère, le cône » où il n’est pas question de cube, alors que le mouvement qui lui a succédé dans la quête d’un nouveau territoire en peinture s’appelle « cubisme ».

Au lieu de persévérer à comparer des artefacts appartenant à la même catégorie, que l’Occident désigne comme art, il semble fructueux de l’approcher sur un registre plus direct et plus sensoriel. Les regardeurs qui n’ont pas été lobotomisés par les diktats de l’histoire de l’art orientent leur jugement vers une projection empathique, surtout lorsqu’il s’agit du corps. »

Résonances des corps (extraits)
Jean-Hubert Martin

Cette exposition offre également un aperçu des méthodes de travail de Gormley
ainsi que de son approche du travail avec ses collaborateurs, comparable à celle
de l’atelier de Rodin avec son mode de production collective. Une série d’études
de Gormley sont présentées près des maquettes de Rodin, tandis qu’un moule
en plâtre trouve sa place aux côtés de l’Étude de robe de chambre de Balzac, mettant en évidence l’utilisation de moules par les deux artistes comme une source constante de renouvellement. Plus de deux cents carnets sont aussi exposés, révélant 40 ans d’idées, d’observations et de dessins.

Lartiste dit à propos de cette exposition :
« La raison pour laquelle Rodin reste
une source essentielle d’inspiration et de renouveau pour la sculpture, c’est la manière dont il l’a libérée en associant des techniques et des matériaux à la fois anciens et modernes de façon extraordinairement prémonitoire. Par ses innovations, le père de la sculpture moderne est allé au bout de la liberté d’expérimenter, il a utilisé les nouvelles techniques de reproduction rendues possible à son époque par le développement industriel. Je considère Critical Mass II comme l’exemple le plus abouti de ma tentative de rendre la vie et sa place au corps dans l’art de la sculpture. »

Lorsque les visiteurs entrent dans l’hôtel, les œuvres de Gormley constellent leur vision périphérique, telles des intrus que l’on entraperçoit dans les encoignures à mesure que le regard glisse de salle en salle, perturbant et interrogeant les œuvres de Rodin dont elles partagent l’espace.

Au rez-de-chaussée, la salle 3 illustre d’emblée ce débat silencieux. La figure courbée de Burst (2022) de Gormley ignore L’Âge d’airain (1875-1877) de Rodin. Genoux pliés, le corps de métal s’accroupit, le torse serré contre ses cuisses, la tête rentrée – le corps se ferme à son environnement, se replie sur lui-même. Avec ses membres toniques et musclés, étendus dans un geste d’éveil, L’Âge d’airain transpire au contraire les notions conventionnelles de beauté et de force masculines

Informations pratiques

MUSÉE RODIN
77, RUE DE VARENNE
75007 PARIS
T. +33 (0)1 44 18 61 10
M° VARENNE
FERMÉ LE LUNDI
OUVERT DE 10H À 18H30
MUSEE-RODIN.FR

Sommaire du mois d’octobre 2023

Anthony Gormley au musée Rodin © agence photographique du musée Rodin – Jérome Manoukian

31 octobre 2023 : DÉVOILER – Jean-Christophe Ballot
27 octobre 2023 : Mark Rothko, peintre du vertige intérieur
26 octobre 2023 : PARIS+ PAR ART BASEL
25 octobre 2023 : Gertrude Stein et Pablo Picasso, L’invention du langage
24 octobre 2023 : À l’occasion de son 170e anniversaire, le Musée Unterlinden de Colmar propose une exposition-anniversaire
21 octobre 2023 : Nicolas de Staël, l’intranquille
15 octobre 2023 : Antony Vest, Floating Manurhin
10 octobre 2023 : La BPM – Biennale de la Photographie de Mulhouse
08 octobre 2023 : Identités partagées – Daniel Tiziani
06 octobre 2023 : Les abstractions de Maggy Kaiser au Musée des Beaux-arts

Mark Rothko, peintre du vertige intérieur

La Fondation Vuitton présente la première rétrospective en France consacrée à Mark Rothko (1903-1970), jusqu'au 2 avril 2024
Commissaire de l’exposition : Suzanne Pagé
Co-commissaire de l’exposition : Christopher Rothko 
avec François Michaud et Ludovic Delalande, Claudia Buizza, Magdalena Gemra, Cordélia de Brosses

« C’était seulement l’extase ; l’art est extatique ou il n’est rien ».
Telle était la profession de foi de Mark Rothko (1903-1970). 

Mark Rothko, Self Portrait, 1936
Huile sur toile 81,9 x 65,4 cm
Collection de Christopher Rothko
© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

Première rétrospective en France consacrée à Mark Rothko (1903-1970) depuis
celle du musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1999, l’exposition présentée à la Fondation Louis Vuitton à partir du 18 octobre 2023 réunit quelque 115 oeuvres provenant des plus grandes collections institutionnelles et privées internationales, notamment la National Gallery of Art de Washington, la Tate de Londres, la Phillips Collection ainsi que la famille de l’artiste. Se déployant dans la totalité des espaces de la Fondation, selon un parcours chronologique, elle retrace l’ensemble de la carrière de l’artiste depuis ses premières peintures figuratives jusqu’à l’abstraction
lui définit aujourd’hui son oeuvre.

« Je suis devenu peintre car je voulais élever la peinture pour qu’elle soit aussi poignante que la musique et la poésie. »
Mark Rothko

L’exposition s’ouvre sur des scènes intimistes et des paysages urbains – telles les scènes du métro new-yorkais – qui dominent dans les années 1930, avant de céder la place à un répertoire inspiré des mythes antiques et du surréalisme à travers lesquels s’exprime, pendant la guerre, la dimension tragique de la condition humaine.

Mark Rothko, Untitled (The Subway), 1937
Huile sur toile 61 x 91,4 cm
Collection Elie and Sarah Hirschfeld, New York
© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko -Adagp, Paris, 2023

Mark Rothko, The Omen of the Eagle, 1942
Huile et crayon sur toile 65,4 x 45,1 cm
National Gallery of Art, Washington DC Gift of the Mark Rothko Foundation, Inc., 1986.43.107 © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko –
Adagp, Paris, 2023

À partir de 1946, Rothko opère un tournant décisif vers l’abstraction dont la première phase est celle des Multiformes, où des masses chromatiques en suspension tendent à s’équilibrer. Progressivement, leur nombre diminue et l’organisation spatiale de sa peinture évolue rapidement vers ses oeuvres dites « classiques » des années 1950 où se superposent des formes rectangulaires suivant un rythme binaire ou ternaire, caractérisées par des tons jaunes, rouges, ocre, orange, mais aussi bleus, blancs…


Mark Rothko,
No. 21, 1949
Huile et techniques mixtes sur toile
238,8 x 135,6 cm
The Menil Collection, Houston
Acquired in honor of Alice and George Brown
with support from Nancy Wellin and Louisa Sarofim
© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko –
Adagp, Paris, 2023

En 1958, Rothko reçoit la commande d’un ensemble de peintures murales destinées au restaurant Four Seasons conçu par Philip Johnson pour le Seagram Building – dont Ludwig Mies van der Rohe dirige la construction à New York. Rothko renonce finalement à livrer la commande et conserve l’intégralité de la série. Onze ans plus tard, en 1969, l’artiste fera don à la Tate de neuf de
ces peintures qui se distinguent des précédentes par leurs teintes d’un rouge profond, constituant une salle exclusivement dédiée à son travail au sein des collections.

Mark Rothko,
Black On Maroon, 1958
Huile sur toile
266,7 x 365,7 cm
Tate, Londres
Presented by the artist through American
Foundation of Arts, 1969
© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko –
Adagp, Paris, 2023

Cet ensemble est présenté exceptionnellement dans l’exposition.
En 1960, la Phillips Collection consacre au peintre une salle permanente, la première « Rothko Room », étroitement conçue avec lui, qui est également présentée ici.


Mark Rothko,
The Ochre (Ochre, Red on Red), 1954
Huile sur toile
235,3 x 161,9 cm
The Phillips Collection, Washington DC
Acquired 1960
© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko –
Adagp, Paris, 2023

L’année suivante, le MoMA organisera la première rétrospective de son oeuvre qui voyagera dans plusieurs villes européennes (Londres, Bâle, Amsterdam, Bruxelles, Rome, Paris). Au cours des années 1960, il répond à de nouvelles commandes, dont la principale est la chapelle voulue par Jean et Dominique de Menil à Houston, inaugurée en 1971 sous le nom de Rothko Chapel.
Si depuis la fin des années 1950, Rothko privilégie des tonalités plus sombres, des contrastes sourds, l’artiste n’a pourtant jamais complètement abandonné sa palette de couleurs vives, comme en témoignent plusieurs toiles de 1967 et le tout dernier tableau rouge demeuré inachevé dans son atelier. Même la série des Black and Grey de 1969-1970 ne peut mener à une interprétation simpliste
de l’oeuvre associant le gris et le noir à la dépression et au suicide.


Mark Rothko,
Untitled (Black on Gray), 1969
Acrylique sur toile
236,2 x 193,4 cm
Anderson Collection at Stanford University,
Gift of Harry W. and Mary Margaret Anderson,
and Mary Patricia Anderson Pence, 2014.1.023
© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko –
Adagp, Paris, 2023

Ces oeuvres sont réunies dans la plus haute salle du bâtiment de Frank Gehry aux côtés des grandes figures d’Alberto Giacometti, créant un environnement proche de ce que Rothko avait imaginé pour répondre à une commande de l’UNESCO restée sans lendemain.


La permanence du questionnement de Rothko, sa volonté d’un dialogue sans mots avec le spectateur, son refus d’être vu comme un « coloriste », autorisent à travers cette exposition une lecture renouvelée de son oeuvre – dans sa vraie pluralité.

Suzanne Pagé, Commissaire de l’exposition

Comment dire ce qui ne peut l’être et pourtant s’éprouve si intensément ? Comment introduire par les mots à une oeuvre qui a porté à son incandescence la picturalité, langage irréductible à tout autre ? Que cherche le visiteur captif de ce qui parle si fort à ses yeux, à son coeur, à tout son être? Que cherche sans répit l’artiste lui-même que de rares photos montrent dans l’atelier scrutant
inlassablement les champs colorés auxquels il a peu à peu réduit ses propres toiles ? Pourquoi, aujourd’hui encore, cette oeuvre nous apparaît-elle si nécessaire dans son urgence intemporelle à évoquer la condition humaine, cette poignancy tapie au plus profond de chacun comme Rothko la veut au
coeur de son oeuvre, récurrente aussi dans ses carnets ?

Biographie

Né Marcus Rotkovitch et ayant quitté à l’âge de dix ans sa Russie natale après un passage par l’école talmudique, l’artiste ne cessera de nourrir sa peinture de lectures et de réflexions sur l’art et la philosophie. Après avoir quitté Yale où il avait bénéficié d’une formation intellectuelle plurielle – des mathématiques à l’économie, la biologie, la physique, la philosophie, la psychologie, les langues…
– et avoir déjà manifesté à travers un journal un engagement social permanent et lié à une volonté constante de transmission. C’est à l’École de la vie qu’il s’éprouve ensuite avant d’être brièvement tenté par le théâtre. Découvrant fortuitement la peinture à l’Art Students League en 1923, il y retournera notamment auprès de Max Weber puis en deviendra membre pour la quitter en 1930.
C’est en 1938 qu’il sera naturalisé, adoptant deux ans plus tard le nom de Mark Rothko.

« à ceux qui pensent que mes peintures sont sereines, j’aimerais dire que j’ai emprisonné la violence la plus
absolue dans chaque centimètre carré de leur surface » Rothko.

Christopher Rothko

extrait …..Aussi justifiée soit sa réputation d’artiste réservé, je pense qu’il y a derrière sa réticence à évoquer sa technique une motivation bien plus forte. À ses yeux, les matériaux, les méthodes et même les titres détournaient le spectateur de l’expérience d’absorption dans l’oeuvre. Il voulait simplement que le visiteur regarde, qu’il soit présent face à l’oeuvre.
Si Rothko était là aujourd’hui, il vous enjoindrait de cesser de lire cet essai, de lire les textes muraux, d’arrêter de vous demander où il achetait ses couleurs, s’il portait ou non ses lunettes pour peindre, ou de vous informer sur l’éclairage dans l’atelier. Regardez la peinture. Regardez dans la peinture.
Mon père ne vous demande pas de vous préoccuper de la façon dont il l’a réalisée, il veut que vous fassiez l’expérience de ce qu’il a lui-même éprouvé en l’exécutant. Il ne veut pas d’un étudiant, ni d’un observateur, il a besoin d’un co-créateur. vidéo
Traduction de l’anglais par Annie Pérez

Conclusion

Pour l’artiste hier comme pour le visiteur aujourd’hui de quel exil cet art serait-il donc le signe ? De quelle quête scellée au plus profond de chacun ?
L’état d’hypersensibilité né à la surface des tableaux et développé par les oeuvres – comme par un excès de beauté – suscite et aiguise simultanément plénitude et incomplétude. En même temps qu’est décuplé un ravissement sensoriel se creuse comme une attente puis viennent des questionnements
de l’ordre de la transcendance dont ces oeuvres autorisent l’accès. Chacun y mettra ses mots, séraphiques ou tragiques. Félicité ou néant lié à la hantise de la condition de mortel, Rothko ne choisit pas. Si les gens veulent des expériences sacrées, ils les trouveront, s’ils veulent des expériences profanes, ils les trouveront.

Cette exposition d’un artiste pour qui la musique était vitale – Mozart, Schubert… – et qui avait la volonté d’élever la peinture au même degré d’intensité que la musique et la poésie, sera l’occasion d’une création
exceptionnelle du compositeur Max Richter inspirée par l’oeuvre de Rothko.

Informations pratiques

Réservations
Sur le site : www.fondationlouisvuitton.fr
Horaires d’ouverture
(hors vacances scolaires)
Lundi, mercredi et jeudi de 11h à 20h
Vendredi de 11h à 21h
Nocturne le 1er vendredi du mois jusqu’à 23h
Samedi et dimanche de 10h à 20h
Fermeture le mardi
Horaires d’ouverture
(vacances scolaires)
Vacances de Pâques : Tous les jours de 10h à 20h
Vacances d’été : lundi, mercredi et jeudi de 11h à
20h – samedi et dimanche de 10h à 20h –
fermeture le mardi
Accès
Adresse : 8, avenue du Mahatma Gandhi,
Bois de Boulogne, 75116 Paris.
Métro : ligne 1, station Les Sablons,
sortie Fondation Louis Vuitton.
Navette de la Fondation : départ toutes les
20 minutes de la place Charles-de-Gaulle – Etoile,
44 avenue de Friedland 75008 Paris (Service
réservé aux personnes munies d’un billet Fondation
et d’un titre de transport – billet aller-retour de 2€ en
vente sur
www.fondationlouisvuitton.fr ou à bord
France culture

PARIS+ PAR ART BASEL

Partenaires institutionnels
Les partenaires institutionnels de Paris+ par Art Basel sont la Ville de Paris, la Réunion des Musées Nationaux — Grand Palais (RMN-GP), le Musée du Louvre, le Centre Pompidou, le Palais d’Iéna / CESE et les Beaux-Arts de Paris.
 Clément Delépine a pris la direction de Paris+ par Art Basel lorsque le groupe Bâlois a remporté l’appel d’offre de la RMN (Réunion des Musées Nationaux) – Grand Palais en 2022.
Du 18 octobre au 22 octobre 2023

Le directeur


C’est l’un des personnages les plus en vue du marché de l’art et paradoxalement l’un des plus discrets. Il a pris la direction de Paris+ par Art Basel lorsque le groupe Bâlois a remporté l’appel d’offre de la RMN (Réunion des Musées Nationaux) – Grand Palais en 2022. Né à Paris, il a grandi en Suisse avant de partir pour les États-Unis où il s’est forgé une expérience solide.

Présentation

Paris+ par Art Basel renforce sa présence à Paris avec une deuxième édition couronnée de succès et un ambitieux programme public à l’échelle de la ville.
La deuxième édition de Paris+ par Art Basel s’est achevée, mettant une fois de plus en évidence le rayonnement culturel exceptionnel de la capitale française et sa montée en puissance en tant que place forte du marché de l’art mondial. Avec 154 galeries prestigieuses, dont 61 possédant un espace en France, la foire a offert un vaste panorama de la scène artistique florissante du pays, à laquelle elle a également contribué par un programme public élargi et accessible gratuitement. Réalisé en collaboration avec des institutions culturelles parisiennes de renommée mondiale, ce programme a attiré des milliers de visiteurs et a pris place dans six lieux emblématiques de la capitale.

De plus, la deuxième édition de Paris+ par Art Basel a bénéficié de la présence de nombreuses galeries internationales d’Europe, des Amériques, d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, dont 15 participaient à la foire pour la première fois. Paris+ par Art Basel s’est tenu au Grand Palais Éphémère  et a attiré près de 38’000 visiteurs sur l’ensemble de ses journées professionnelles et publiques.
La prochaine édition retrouvera le mythique Grand Palais, du 18 au 20 octobre 2024.

Les galeries

Les galeries ont fait état de ventes importantes couvrant tous les segments du marché, dont des oeuvres de maîtres du XXe siècle tels qu’Alexander Calder, Ed Clark, Niki de Saint Phalle, Leonor Fini, Jean Hélion, Aristide Maillol, Robert Rauschenberg et Anna Zemánková ; d’artistes contemporains de premier plan tels que Mark Bradford, Tracey Emin, Camille Henrot, Loie Hollowell, Lee Ufan, Wolfgang Tillmans, Yan Pei-Ming et Flora Yukhnovich ; d’artistes confirmés comme Katinka Bock, Mohamed Bourouissa, Reggie Burrows Hodges, Sayre Gomez, Rachel Jones, Suki Seokyeong Kang, Jean-Luc Moulène et Laure Prouvost ; et d’artistes émergents comme Jenna Bliss, Gaëlle Choisne, Elladj Lincy Deloumeaux, Karol Palczak, Nora Turato, Sophie Varin, Xie Lei et Trevor Yeung.

Clément Delépine, directeur de Paris+ par Art Basel, a déclaré :

« Je suis profondément reconnaissant envers les galeries, les artistes, les collectionneur·euses, les représentant·es des institutions et les partenaires qui nous ont rejoint·e·s pour la deuxième édition de Paris+ par Art Basel et qui en ont fait un tel succès. Ensemble, nous avons déployé une programmation exceptionnelle, du Grand Palais Éphémère au Jardin des Tuileries. L’impact de la foire sur la vie culturelle de la ville est indéniable et ne pourra que s’amplifier avec notre arrivée au Grand Palais en 2024, dont nous nous réjouissons déjà. »

Le programme public

Accessible gratuitement au public et réalisé en collaboration avec la Ville de Paris et les institutions culturelles locales, le programme public élargi de Paris+ par Art Basel comprenait trois expositions, deux installations monumentales en plein air et une série de discussions et de débats, présentées dans six lieux emblématiques de la ville. Certains projets restent exposés au-delà des dates de la foire.

Pèle mêle

A l’année prochaine

Gertrude Stein et Pablo Picasso, L’invention du langage

Cécile Debray et Assia Quesnel, les commissaires de l’exposition "Gertrude Stein et Pablo Picasso. L'invention du langage", vous guident dans le Musée du Luxembourg à travers un siècle d’art, de poésie, de musique et de théâtre.. Une exposition à découvrir jusqu'au 28 janvier 2024
scénographie : Studio Matters
mise en lumière : Aura Studio

Un écrivain devrait écrire avec ses yeux et un peintre peindre avec ses oreilles.
Gertrude Stein, 1940

Les 2 artistes

L’amitié entre l’artiste Pablo Picasso et l’écrivaine Gertrude Stein s’est cristallisée autour de leur travail respectif, fondateur du cubisme, à partir de ce qui constitue leur pratique littéraire et picturale : décomposition
analytique des objets du quotidien, du langage et de la peinture, sérialité, circularité et répétition – autant de formulations et de trouvailles fondatrices des avant-gardes picturales et littéraires du XXe siècle.

Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musÈe national Picasso – Paris. MP16.

Gertrude Stein est une immigrée américaine, juive, homosexuelle, installée à Paris, rue de Fleurus, peu après l’arrivée en 1901 de Pablo Picasso, jeune artiste espagnol. Leur position d’étrangers, maîtrisant approximativement le français, leur marginalité fondent leur appartenance à la bohème parisienne et leur
liberté artistique.

                 Gertrude Stein dans les jardins du Luxembourg
Leur postérité est immense. Examiner leur complicité, leur inventivité et suivre le parcours de Gertrude Stein entre Paris et les États-Unis, permet d’esquisser une traversée des approches conceptuelles, performatives et critiques de l’art, de la poésie, de la musique et du théâtre à travers de grandes figures de l’art américain :
John Cage, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Merce Cunningham, Nam June Paik, Yvonne Rainer, Lucinda Childs, Trisha Brown, Ray Johnson, Bruce Nauman, Carl Andre, James Lee Byars, Joseph Kosuth, Hanne Darboven, Andy Warhol, Glenn Ligon, Ellen Gallagher, Gary Hill, Deborah Kass, Felix Gonzalez-
Torres…

Ainsi l’exposition entend porter un éclairage inédit et documenté sur l’oeuvre poétique mal connue de Gertrude Stein, en regard des peintures et des sculptures de Picasso, le « Paris Moment » (rue de Fleurus et rue Christine, à deux pas du musée du Luxembourg qu’elle fréquente assidument).

La postérité américaine de ce dialogue forme la seconde partie du parcours, l’« American Moment », avec des oeuvres emblématiques issues de l’écriture steinienne, des années 1950 à nos jours : depuis le Living Theater et les expérimentations musicales, plastiques et théâtrales néo-dada et fluxus, en passant par l’art minimal autour du langage et du cercle, jusqu’aux oeuvres néo-conceptuelles et critiques.

Une série de portraits et d’oeuvres hommages, comme le fameux polyptique Ten Portraits of Jews of the Twentieth Century d’Andy Warhol ou des photographies de Cecil Beaton, évoque l’icône Gertrude Stein.


Cette exposition est programmée dans le cadre de la Célébration Picasso 1973-2023, coordonnée par le Musée national Picasso-Paris, qui à cette occasion partage sa collection par le prêt exceptionnel de 26 oeuvres de sa collection essentiellement centrées autour des années héroïques des Demoiselles d’Avignon et du cubisme, ainsi qu’un ensemble d’archives remarquable. La Célébration Picasso et l’exposition sont placées sous le haut patronage de la Présidence de la République.


Un programme de performances conçues par le metteur en scène Ludovic Lagarde accompagne l’exposition pour faire entendre l’écriture cubiste de Gertrude Stein. Ces performances de 30 à 40 minutes auront lieu à
l’occasion des nocturnes du lundi à 19h ou à 20h (programme détaillé) , pendant toute la durée d’ouverture au public de l’exposition (hors vacances scolaires et 2 octobre) dans la salle Tivoli adjacente aux espaces
d’exposition (sur simple présentation du billet de l’exposition).

France culture podcast

Informations pratiques

Rmn – Grand Palais
254-256 rue de Bercy
75 577 Paris cedex 12
horaires d’ouverture :
tous les jours de 10h30 à 19h
nocturne les lundis jusqu’à 22h sauf le 2
octobre
les 17 octobre, 24 et 31 décembre de
10h30 à 18h
fermeture exceptionnelle le 25 décembre
accès :
M° St Sulpice ou Mabillon
Rer B Luxembourg
Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du
Luxembourg / Sénat
informations et réservations:
museeduluxembourg.fr

Nicolas de Staël, l’intranquille

Nicolas de Staël, Agrigente (détail), 1954, huile sur toile, 60 x 81 cm, collection particulière © ADAGP, Paris, 2023

Le Musée d'Art moderne de Paris accueille, jusqu'au 24 janvier 2024, une rétrospective magistrale de l'œuvre de Nicolas de Staël. 
Charlotte Barat-Mabille et Pierre Wat, sont les commissaires de l’exposition.

Le Musée d’Art Moderne de Paris consacre une grande rétrospective à Nicolas de Staël (1914-1955), figure incontournable de la scène artistique française d’après-guerre. Vingt ans après celle organisée par le Centre Pompidou en 2003,l’exposition propose un nouveau regard sur le travail de l’artiste, en tirant parti d’expositions thématiques plus récentes ayant mis en lumière certains aspects méconnus de sa carrière (Antibes en 2014, Le Havre en 2014, Aix-en-Provence en 2018).
La rétrospective rassemble une sélection d’environ 200 tableaux, dessins, gravures et carnets venus de nombreuses collections publiques et privées, en Europe et aux Etats-Unis. À côté de chefs-d’oeuvre emblématiques tels que le Parc des Princes, elle présente un ensemble important d’oeuvres rarement, sinon jamais, exposées, dont une cinquantaine montrées pour la première fois dans un  musée français.

                                          Le Soleil 1963, CP
Organisée de manière chronologique, l’exposition retrace les évolutions successives de l’artiste, depuis ses premiers pas figuratifs et ses toiles sombres et matiérées des années 1940, jusqu’à ses tableaux peints à la veille de sa mort prématurée en 1955. Si l’essentiel de son travail tient en une douzaine d’années, Staël ne cesse de se renouveler et d’explorer de nouvelles voies : son
« inévitable besoin de tout casser quand la machine semble tourner trop rond »
le conduit à produire une oeuvre remarquablement riche et complexe,
« sans esthétique a priori ».
Insensible aux modes comme aux querelles de son temps, son travail bouleverse délibérément la distinction entre abstraction et figuration, et apparaît comme la poursuite, menée dans l’urgence, d’un art toujours plus dense et concis :
« c’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux »,
écrivait-il.

                                                Eau de vie 1948
La rétrospective permet de suivre pas à pas cette quête picturale d’une rare intensité, en commençant par ses voyages de jeunesse et ses premières années parisiennes, puis en évoquant son installation dans le Vaucluse, son fameux voyage en Sicile en 1953, et enfin ses derniers mois à Antibes, dans un atelier face à la mer.

Les poissons Antibes 1955

« Je sais que ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine » : Nicolas de Staël, l’urgence de la peinture
Biographie

La vie de Staël a d’emblée créé un mythe autour de son art : de son exil après la révolution russe jusqu’à son suicide tragique à l’âge de 41 ans, la vie du peintre n’a cessé d’influer sur la compréhension de son oeuvre. Sans négliger cette dimension mythique, la rétrospective entend rester au plus près des recherches graphiques et picturales de Staël, afin de montrer avant tout un peintre au travail, que ce soit face au paysage ou dans le silence de l’atelier.

                                         Le Bateau 1956
Enfant exilé devenu voyageur infatigable, l’artiste est fasciné par les spectacles du monde et leurs différentes lumières, qu’il se confronte à la mer, à un match de football, ou à un fruit posé sur une table. Variant inlassablement les outils, les techniques et les formats (du tableautin à la composition monumentale), Staël aime « mettre en chantier » plusieurs toiles en parallèle, les travaillant par superpositions et altérations successives. Le dessin joue, dans cette exploration, un rôle prépondérant dont une riche sélection d’oeuvres sur papier souligne le caractère expérimental.

Le film

Un extrait du documentaire : Nicolas de Staël, la peinture à vif
de François Lévy-Kuentz, co-écrit avec Stéphane Lambert et Stephan Lévy-Kuentz et produit par Martin Laurent, Temps Noir, en coproduction avec ARTE France, est présenté en permanence dans les salles de l’exposition et diffusé dans son intégralité sur ARTE le 24 septembre 2023 et en replay.

Le catalogue

Le catalogue de l’exposition permet d’approfondir encore la connaissance du travail du peintre, grâce à des textes sur sa relation aux maîtres du passé et à son contemporain Georges Braque,ou encore son rapport au paysage et à la nature morte. L’ouvrage contient également un entretien des commissaires avec Anne de Staël, fille aînée de l’artiste, ainsi que le texte intégral et inédit du « Journal des années Staël » de Pierre Lecuire, écrivain, éditeur et ami proche      de Staël.

Informations Pratiques
HORAIRES

Mardi au dimanche de 10h à 18h (fermeture des caisses à 17h15)
Nocturne les jeudis jusqu’à 21h30 uniquement pour les expositions temporaires.

Fermeture le lundi et les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre.
Fermeture exceptionnelle à 17h les 24 et 31 décembre. 

TRANSPORTS

Métro : ligne 9 – Arrêt Alma-Marceau ou Iéna
Station Vélib’ : 4 rue de Longchamp ; 4 avenue Marceau ; place de la reine Astrid ou 45 avenue Marceau

Sommaire de septembre 2023

Giuseppe Penone à l’Académie des Beaux Arts
 

26 septembre 2023 : Corps à corps. Histoire(s) de la photographie
23 septembre 2023 : Icônes de lumière, Elisabeth Bourdon
19 septembre 2023 : QUI NE DIT MOT…(Une victoire sur le silence)
18 septembre 2023 : Soirée des 30 ans de La Filature, Scène nationale de Mulhouse
18 septembre 2023 : Aglaé Bory, Ici Ailleurs
16 septembre 2023 : Niko Pirosmani
13 septembre 2023 : Les lauréats du prix Praemium Imperiale 2023
08 septembre 2023 : Concert – Clavecin Ruckers
04 septembre 2023 : Matisse, Derain et leurs amis, L’avant-garde parisienne des années 1904–1908

Corps à corps. Histoire(s) de la photographie

Man Ray – Dora Maar 1936

L’exposition « Corps à Corps » (6 septembre 2023 – 25 mars 2024) propose un nouveau regard sur les représentations de la figure humaine en photographie, en faisant dialoguer la collection du Centre Pompidou et celle de Marin Karmitz.
Dans ce podcast/texte, la commissaire Julie Jones aborde les thèmes de l’exposition et présente plusieurs oeuvres du parcours. Scénographie : Camille Excoffon

Julie Jones  vous accompagne dans l’exposition, podcast à écouter
Télécharger la transcription du podcast / PDF  – 435.9 Ko

Avec la rencontre de deux collections photographiques exceptionnelles – celle, publique, du Centre Pompidou – Musée national d’art moderne et celle, privée, du collectionneur français Marin Karmitz – l’exposition « Corps à corps » offre un regard inédit sur les représentations photographiques de la figure humaine, aux 20e et 21e siècles


L’exposition

Rassemblant plus de 500 photographies et documents, réalises par quelque 120 photographes historiques et contemporains, l’exposition dépasse les catégories d’étude classiques telles que le portrait, l’autoportrait, le nu ou encore la photographie dite humaniste.
Elle dévoile des particularités, des manières de voir photographiques et rend visibles des correspondances entre artistes. On leur découvre des obsessions communes, dans leur façon d’appréhender le sujet, comme dans leur approche stylistique.
Ces rapprochements peuvent éclairer une certaine pratique, à un moment précis de l’histoire, ou au contraire montrer la proximité de visions éloignées dans le temps. Les images exposées nourrissent aussi des questionnements sur la responsabilité du photographe : comment la photographie participe-t-elle à la naissance des identités et a leur visibilité ? Comment raconte-t-elle les individualités, le rapport a l’autre ?

La collection du Centre Pompidou – Musée national d’art moderne et la collection Marin Karmitz, distinctes par leur origine, leur nature, et leur fin, apparaissent ici complémentaires.
Regard public et regard privé dialoguent et construisent de nouveaux récits.
Ensemble, ils proposent une réflexion sur l’idée même de collection.
Comment une collection se construit-elle, et quelle est la part de la subjectivité dans sa constitution ?
Comment la transmettre au public ?
La collection de photographies du Centre Pompidou est devenue en près de cinquante ans l’une des plus importantes au monde. Riche de plus de 40 000 tirages et de 60 000 négatifs, elle est constituée de grands fonds historiques (Man Ray, Brassai, Constantin Brancusi ou Dora Maar), et compte de nombreux ensembles de figures incontournables du 20e siècle, comme des corpus importants de la création contemporaine. Forme aux métiers du cinéma
et de la photographie dans les années d’après-guerre et figure majeure du cinéma français, Marin Karmitz se fascine, depuis plusieurs décennies, pour la création, sous toutes ses formes.
Sa collection photographique révèle un intérêt immuable pour la représentation du monde et de celles et ceux qui l’habitent. Qu’il s’agisse des grandes figures de l’avant-garde, telles Stanisław Ignacy Witkiewicz, dont Marin Karmitz à récemment fait don d’un ensemble d’oeuvres important au Centre Pompidou, jusqu’à des figures contemporaines, comme l’artiste SMITH.

Photographes exposés (non exhaustif)

Berenice Abbott, Laia Abril, Michael Ackerman, Laure Albin-Guillot, Dieter Appelt, Richard Avedon, Alain Baczynsky, Hans Bellmer, Jacques-Andre Boiffard, Christian Boltanski, Agnes Bonnot, Constantin Brancusi, Bill Brandt, Brassai, Johannes Brus, Gilles Caron, Henri Cartier-Bresson, Mark Cohen,
Joan Colom, Antoine d’Agata, Roy DeCarava, Raymond Depardon,
Pierre Dubreuil, Hans Eijkelboom, Walker Evans, Patrick Faigenbaum,
Louis Faurer, Fernell Franco, Robert Frank, Douglas Gordon, Sid Grossmann, Raoul Hausmann, Dave Heath, Michal Heiman, Lewis Hine, Lukas Hoffmann, Francoise Janicot, Michel Journiac, Valerie Jouve, Birgit Jurgenssen,
James Karales, Chris Killip, William Klein, Josef, Koudelka, Tarrah Krajnak, Hiroji Kubota, Dorothea Lange, Sergio Larrain, Saul Leiter, Helmar Lerski,
Leon Levinstein, Helen Levitt, Eli Lotar, Dora Maar, Vivian Maier, Man Ray, Chris Marker, Daniel Masclet, Susan Meiselas, Annette Messager, Lisette Model, Zanele Muholi, Joshua Neustein, Janine Niepce, J.D. ‘Okhai Ojeikere, Homer Page, Trevor Paglen, Helga Paris, Gordon Parks, Mathieu Pernot, Anders Petersen, Friederike Pezold, Bernard Plossu, Barbara Probst, Gerhard Richter, Alix Cleo Roubaud, Albert Rudomine, Ilse Salberg, Lise Sarfati, Gotthard Schuh, Claude Simon, Lorna Simpson, SMITH, W. Eugene Smith, Stephanie Solinas,
Annegret Soltau, Jo Spence, Louis Stettner, Paul Strand , Christer Stromholm, Josef Sudek, Val Telberg, Shōmei Tōmatsu, Jakob Tuggener, Ulay, Johan van der Keuken, Leonora Vicuna, Roman Vishniac, Andy Warhol, Hitomi Watanabe, Weegee, William Wegman, Koen Wessing, Nancy Wilson-Pajic, Stanisław Ignacy Witkiewicz…

Ensemble(s) : collections et regards croisés.

Entretien de Julie Jones avec Marin Karmitz

Marin Karmitz et Julie Jones au Centre Pompidou, commissaires de l’exposition Photo c Didier Plowy

Extrait du catalogue de l’exposition :

J.J. Nous commencons l’exposition par un face-a-face entre les portraits en plan très rapproché que Stanisław Witkiewicz réalise dans les annees 1910 et les photographies que Constantin Brancusi prend de ses premières ≪ têtes ≫ sculptées a la même époque.
Ils introduisent un ensemble de visages photographies par d’autres, comme Lewis Hine, Helmar Lerski, Dora Maar, Roman Vishniac, Johan van der Keuken, Paul Strand ou Daniel Masclet, parfaitement modelés par la lumière et l’ombre, par le cadrage, grâce auxquels des identités particulières émergent. Nous concluons l’exposition par la présentation de ≪ fantômes ≫, soit des individualités indéfinies, dissolues.
Qu’évoque pour vous ce passage ?

M.K. Le poids des évènements historiques traumatiques que nous avons traversés et traversons aujourd’hui influe inexorablement sur notre conception du corps, sur notre vision de l’autre et de nous-mêmes. La dissolution de l’individu, avec toute sa complexité, toutes ses particularités, tout ce qui le rend unique me semble être d’une terrible actualité. Comment redonner vie a cet individu ? Si l’on veut sortir de la nuit, et aller vers le jour, il faut résister, essayer de se libérer. Il faut créer. C’est une forme de responsabilité. Il faut réapprendre à voir.

Les premiers visages

Par la photographie, nous appréhendons le corps et entrons dans son intimité. L’image du visage, en particulier, éclaire le rapport à l’autre. Comme le disait le philosophe Emmanuel Levinas :
« […] il y a dans le visage une pauvreté essentielle ; la preuve en est qu’on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. En même temps, le visage est ce qui nous interdit de tuer ».
Au début du 20e siècle, le visage pris en plan rapproché devient un motif récurrent dans l’œuvre photographique des avant-gardes. Le cadrage comme le jeu dramatique des lumières et des ombres renforcent l’impression de présence du sujet. Traité hors de tout contexte (individuel ou social), le visage anonyme devient prétexte à des études formelles. Pour d’autres photographes, dont la démarche relève davantage du documentaire social, photographier le visage est un acte d’engagement, une manière de rendre visible la personne. Pour tous, l’émergence de ces visages impose un face-à-face qui assure au sujet son identité autant qu’il la questionne.

Automatisme ?

Les photomatons apparaissent dans les années 1920, d’abord aux États-Unis, puis en Europe. Cette photographie pauvre, automatique et sans auteur fascine très tôt les artistes surréalistes. La cabine de prises de vues, espace restreint devenu petit théâtre, est prétexte à de multiples grimaces, à des portraits extatiques, les yeux fermés, têtes décoiffées ou à des portraits de groupe indisciplinés. Ainsi, dès ses origines, cette photographie populaire, alors au service des méthodes modernes de contrôles administratif et policier, est détournée en un nouvel espace de liberté et de révolte. De nouveau dans les années 1960, période marquée par le développement des arts performatifs, et jusqu’à aujourd’hui, de nombreux artistes s’emparent de cette esthétique, voire du dispositif même. Ils dénoncent ainsi les carcans imposés par la société contemporaine via la bienséance et la persistance des stéréotypes culturels comme identitaires. Jouant, parfois non sans humour, avec ses codes (frontalité, anonymat, sérialité…), tous renversent les rapports de pouvoir en soulignant la multiplicité et la complexité des subjectivités.

Fulgurances

Intermédiaire entre le photographe et le photographié, l’appareil de prises de vue transforme la manière de percevoir l’autre. À l’affût, le photographe attend l’apparition de l’image :

sa vision, humaine, devient photographique ; il pense le réel par son cadre, puis il le met « en boîte ». L’appareil lui permet de saisir un instant, de capter l’autre, de le posséder par son image. Cette présence au monde si particulière a souvent été comparée aux pratiques de la chasse ou de la collection. Mais cette traque agit aussi parfois comme un révélateur. Visionnaire plus que voyeur, le photographe perçoit et isole des individualités, il met en lumière des anonymes perdus dans la foule. Par une attention aux atmosphères et à l’intimité des regards et des gestes, il donne à voir des rapports humains.
« La photo, affirmait Chris Marker en 1966, c’est l’instinct de chasse sans l’envie de tuer. C’est la chasse des anges… On traque, on vise, on tire et – clac ! au lieu d’un mort, on fait un éternel. »

Fragment
En soi

Absorbées dans leurs pensées, rêveuses, contemplatives ou soucieuses, conscientes ou non d’être saisies par l’appareil, ces personnes existent au-delà de leur image. Effacé, le photographe semble n’être qu’un témoin impassible, extérieur aux instants et aux intériorités qu’il enregistre. Si ces prises de vue peuvent être spontanées, l’observation (celle du photographe et celle du regardeur) y paraît plus longue, plus posée, plus « picturale ». Certains photographes peuvent mettre en scène leur invisibilité par un dépouillement stylistique (frontalité, neutralité des tons, dispositif sériel…) ; d’autres, confessant une empathie absolue envers le sujet, privilégient un usage dramatique du cadrage Bernard Plossu
et des jeux de clair-obscur. Ces images sont souvent celles de solitudes, d’états mélancoliques ou de corps en transe. Elles appellent un hors-champ inaccessible tant, chez le regardeur, le sentiment d’être étranger à la scène domine la lecture.

Intérieurs
Spectres

Dissimulation des corps, enregistrements de reflets, utilisation du flou, recours au photomontage…, ces procédés, aussi divers soient-ils, mettent tous en scène une forme de disparition. Si l’image enregistre, fixe et donne à voir des identités, celles-ci paraissent dissolues et indéterminées, telles des fantômes. Les particularités individuelles s’effacent au profit d’une anatomie collective indéfinie et d’un « fluide » intangible : le corps devient matière anonyme. Faire une image de ces mutations implique un rapport au réel et au photographique plus incertain. Ce qui importe n’est plus de capter l’instant, mais de donner à voir l’expérience d’une transition : la lumière, l’ombre et le cadre perdent leurs fonctions traditionnelles ; ils sont utilisés ici pour souligner un passage. Chacune à leur manière, ces photographies montrent comment la conception de la figure humaine se transforme au contact des autres,des événements historiques et contemporains, parfois traumatiques. Si elles témoignent souvent d’une violence à l’égard du corps, elles peuvent aussi accompagner sa possible renaissance.

Informations pratiques

Le Centre Pompidou
75191 Paris cedex 04

+ 33 (0)1 44 78 12 33

Métro :
Hôtel de Ville, Rambuteau RER Châtelet-Les-Halles

Horaires
Exposition ouverte tous les jours de 11h à 21h,
sauf le mardi.