Suzanne Valadon

Le Centre Pompidou consacre une monographie à Suzanne Valadon (1865-1938), artiste emblématique et audacieuse, l’une des plus importantes de sa génération. Jusqu'au  26 mai 2025
Commissariat
Nathalie Ernoult, attachée de conservation au Musée national d'art moderne ; Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz ;
Xavier Rey, directeur du Musée national d'art moderne

L’exposition « Suzanne Valadon » au Centre Pompidou est reprise et adaptée de l’exposition « Suzanne Valadon. Un monde à soi » conçue par le Centre Pompidou-Metz.
À la marge des courants dominants de son époque – le cubisme et l’art abstrait sont en germe alors qu’elle défend avec ardeur la nécessité de peindre le réel – elle place le nu, féminin comme masculin, au centre de son œuvre, représentant les corps sans artifice ni voyeurisme.
Suzanne Valadon n’a pas bénéficié de monographie, à Paris depuis celle que le Musée national d’art moderne lui avait consacré en 1967. Présenté au Centre Pompidou-Metz, en 2023 (« Suzanne Valadon. Un monde à soi »), puis au Musée des Beaux-arts de Nantes (2024) et au Museu Nacional d’Art de Catalunya (2024), l’hommage à cette artiste ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps, se poursuit donc au Centre Pompidou, en 2025 avec une version enrichie de nouveaux prêts et augmentée d’archives inédites.

« J’ai dessiné follement pour que quand je n’aurais plus d’yeux j’en aie au bout des doigts » Suzanne Valadon

Cette exposition met en lumière cette figure exceptionnelle et souligne son rôle précurseur, souvent sous-estimé, dans la naissance de la modernité artistique. Elle révèle la grande liberté de cette artiste qui n’adhère véritablement à aucun courant, si ce n’est peut-être le sien. Le parcours de près de 200 œuvres s’appuie sur la richesse des collections nationales notamment celle du Centre Pompidou, la plus importante, mais aussi du musée d’Orsay et de l’Orangerie. Des prêts exceptionnels du Metropolitan Museum of Modern Art de New York ou encore de la Fondation de l’Hermitage et d’importantes collections privées le complètent. Il se concentre sur les deux médiums de prédilection de l’artiste, le dessin et la peinture. Particulièrement mise à l’honneur ici, son œuvre graphique fait l’objet d’une analyse approfondie, grâce à la présentation d’un grand nombre de dessins jusqu’alors rarement montrés.

L’exposition « Valadon » retrace cet itinéraire unique, depuis ses débuts de modèle favorite du tout-Montmartre, jusqu’à sa reconnaissance artistique, intervenue très tôt, par ses pairs et la critique. Véritable « passeuse » d’un siècle à l’autre, Suzanne Valadon embrasse la ferveur parisienne
du tournant-de-siècle, ses cafés, bals musettes et cabarets et ses multiples révolutions artistiques, intellectuelles et sociétales. Elle met en évidence le caractère résolument moderne de l’œuvre de Valadon, première femme à peindre en grand format un nu masculin de face. Cette plongée inédite dans son œuvre dévoile aussi bien ses relations amicales et artistiques avec les peintres de la bohème que son influence incontestable sur la scène artistique parisienne grâce au soutien actif de ses amis artistes et galeristes.

vidéo de l’exposition 2
Podcast

Parcours de l’exposition

Introduction

Modèle sous le nom de Maria, peintre sous le nom de Suzanne Valadon, elle apprend à dessiner en observant à l’œuvre les artistes pour qui elle posait. Remarqués par Edgar Degas, ses premiers dessins à la ligne « dure et souple » puisent leurs sujets dans les scènes de la vie quotidienne, celles des femmes de son entourage et de son fils. Dans les autoportraits, qu’elle peint tout au long de sa vie, Valadon s’affiche avec une sévérité assumée :

« Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face. »

En 1892, elle se lance dans la peinture et réalise des portraits sans concession de sa famille, sa mère, son fils, son mari, sa sœur et sa nièce. Puis la notoriété venant dans les années 1920, elle peint sur commande des portraits de ses amis du monde de l’art. Après avoir posé nue, c’est à son tour de peindre des nus masculins et féminins, thème longtemps réservé aux hommes, dans lesquels elle impose une vision en rupture avec les conventions de son époque. C’est probablement la première artiste femme à peindre un nu masculin de face, le sexe apparent.
                                                 Marie Laurencin
Tout au long du parcours, des tableaux d’artistes qui lui sont contemporaines et parfois amies viennent dialoguer avec l’œuvre de Valadon. Cette dernière exposition dans la Galerie 2 du Centre Pompidou avant sa fermeture pour travaux et sa réouverture en 2030, souligne l’étendue et la richesse du parcours de cette véritable « passeuse » d’un siècle à l’autre.

Apprendre par l’observation

Modèle dès l’âge de 14 ans pour subvenir à ses besoins, Valadon pose pour des peintres reconnus comme l’académique Gustave Wertheimer, les symbolistes Jean-Jacques Henner et Pierre Puvis de Chavannes, l’impressionniste Auguste Renoir, le sculpteur Paul-Albert Bartholomé mais aussi pour le jeune peintre Henri de Toulouse-Lautrec avec qui elle a une liaison enflammée. C’est ce dernier qui lui donne le prénom de Suzanne, en référence à la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards. Lors de ces séances de poses, Valadon observe, écoute et apprend les différentes techniques du dessin et de la peinture en regardant peindre les maîtres. À la demande de Bartholomé, elle montre ses dessins à Edgar Degas.Impressionné par son talent, il lui déclare « Vous êtes des nôtres ! » Valadon ne posera jamais pour Degas mais ce dernier lui ouvrira les portes de son atelier, lui apprendra la gravure en taille douce sur sa propre presse et lui achètera de nombreux dessins.

Portraits de famille

L’œuvre peint et dessiné de Suzanne Valadon est marqué dès ses débuts par l’exécution de portraits de ses proches. N’ayant pas les moyens d’avoir recours à des modèles tarifés, elle peint les membres de sa famille. En 1912, elle réalise le Portrait de famille, unique tableau où elle apparaît entourée de sa mère, de son amant André Utter et de son fils Maurice Utrillo. Elle trône au centre de la composition, le regard droit, s’affirmant comme la véritable cheffe de famille.

Les portraits familiaux de Valadon n’ont rien de complaisants. Elle peint les personnes qu’elle côtoie tous les jours comme elle les perçoit. Pas une ride ne manque au visage de sa mère Madeleine. En 1909, son fils apparaît tourmenté, le visage émacié, l’air abattu et le regard vide. Lorsqu’elle peint la famille d’Utter, ses sœurs et sa mère semblent compassées et raides dans leurs fauteuils. Valadon s’exprime avec plus de fraicheur lorsqu’elle peint ses lieux de vie comme le Jardin de la rue Cortot, 1928 et le Château de Saint-Bernard, 1930, que la famille acquiert en 1923 près de Villefranche-sur-Saône.

Portraits de famille. Dessins

C’est avec la pratique du dessin que la
carrière artistique de Valadon a débuté, notamment en 1894 lorsqu’elle présente pour la première fois ses œuvres au public lors du Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Sous la plume des critiques qui remarquent très vite ses dessins, les mots « âpreté » et « dureté » sont les termes les plus récurrents pour les décrire. Edgar Degas, qui la soutient dans cette voie, loue ses « dessins méchants et souples ». Le trait bien appuyé, qui cerne les corps et les objets, est la véritable « signature » de Valadon et influence très fortement sa peinture.

Je peins les gens pour apprendre à les connaître

Forte d’une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les années 1920 une série de portraits bourgeois. Productions de commande, ce sont des portraits de femmes de la « haute société » : Nora Kars, femme du peintre Georges Kars, avec qui elle noue une solide amitié jusqu’à la fin de sa vie ou Germaine Eisenmann, son élève qui la vénère.
Ou encore, celui de Mme Lévy, femme d’affaires, qu’elle considère comme « le mieux peint de tous ses tableaux ». Les portraits d’hommes, s’ils sont plus rares, ne sont pas totalement absents  et représentent des personnages qui ont compté dans sa vie : le Dr Robert Le Masle qui sera auprès d’elle jusqu’à ses derniers jours, le collectionneur Charles Wakefield-Mori, Louis Moysès, fondateur du cabaret Le Bœuf sur le toit, ou encore son marchand et ami Paul Pétridès. Ces portraits où elle affirme sa place d’artiste, suggèrent avant tout la position sociale de leurs sujets.

La vraie théorie, c’est la nature qui l’impose.

« La nature a une emprise totale sur moi, les arbres, le ciel, l’eau et les êtres, me charment »
écrit Valadon. Pourtant, elle ne peint des natures mortes et des paysages que tardivement dans son œuvre. Les premières peintures, marquées encore par Paul Cézanne, apparaissent pendant les années de la Grande Guerre. Par la suite, Valadon affirme un style coloré, construit et à la ligne nerveuse. Les couleurs sourdes et saturées des paysages, les lignes ondoyantes des arbres l’associent à l’esthétique de Paul Gauguin ou d’Émile Bernard, ancien locataire de son atelier rue Cortot. Peintes dans le décor de son atelier, les natures mortes laissent entrevoir son univers. Certains motifs sont récurrents comme ce tissu brodé appelé « suzani » présent dans la Nature morte, 1920 et La Boîte à violon, 1923.

Parfois, on aperçoit en arrière-plan un de ses tableaux entreposé dans l’atelier. Dans les années 1930, lors de séjours au château de Saint-Bernard, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans, canards, perdrix, rapportés de la chasse par André Utter. Les tableaux de fleurs deviennent à la fin de sa vie les cadeaux réguliers que Valadon offre à ses proches.

Le nu : un regard féminin

Valadon s’est très tôt aventurée sur le territoire masculin de la peinture de nus. En 1909, avec Adam et Ève, l’une des premières œuvres de l’histoire de l’art réalisée par une artiste représentant un nu masculin, elle détourne l’iconographie traditionnelle de la Genèse pour célébrer sa relation amoureuse avec André Utter. La position frontale des nus offrant au regard les parties génitales de la femme et de l’homme est particulièrement audacieuse. L’audace est vite réprimée car Valadon doit recouvrir le sexe d’Utter d’une feuille de vigne, sans doute pour pouvoir présenter le tableau au Salon des Indépendants en 1920


Valadon peint désormais des nus féminins en les inscrivant dans une rupture avec le regard masculin sur le corps des femmes. Ces dernières, loin d’être idéalisées, sont peintes pour elles-mêmes et non pour le désir d’un spectateur voyeur. Libérée des carcans sociaux et artistiques, Valadon investit le domaine de la sexualité en peinture, longtemps cantonné à l’antagonisme « artiste mâle / modèle femme nue».

Le nu : un regard féminin. Dessins


Le nu, en particulier féminin, est le sujet central de l’œuvre graphique de Valadon. Dans ses dessins au fusain, à la mine graphite ou à la sanguine ou encore dans ses estampes, ces femmes nues sont la plupart du temps figurées actives, vaquant à des scènes de la vie quotidienne (toilette, bain, ménage…).Ces corps, au travail, fatigués ou contorsionnés, sont traités sans complaisance et cernés d’un trait incisif. Malgré leur apparente spontanéité, ces œuvres sont le fruit d’une lente élaboration, comme le montre son utilisation régulière du papier-calque. Cette technique, apprise auprès de Degas, lui permet de dupliquer et transférer ses personnages d’un support à un autre. C’est également grâce à Degas que Valadon s’initie à la technique du vernis mou, un type de gravure qui donne à l’estampe un aspect très proche d’un dessin au crayon.

A voir et à revoir

Informations Pratiques

Centre Pompidou Paris
Galerie 2, niveau 6
Place Georges-Pompidou
75004 Paris

Métro :
Rambuteau Métro ligne 11
Hôtel de Ville Métro ligne 1 Métro ligne 11

Châtelet Métro ligne 1 Métro ligne 4 Métro ligne 7 Métro ligne 11 Métro ligne 14
RER :
Châtelet Les Halles RER A, Paris - picto RER B, Paris - picto RER D, Paris - picto
Bus :

Bus ligne 29 Bus ligne 38 Bus ligne 47 Bus ligne 75

 

Épiphanies par Augustin Frison-Roche

Le Collège des Bernardins accueille à partir du 9 janvier 2025 « Épiphanies », l’exposition du peintre Augustin Frison-Roche. Dix-neuf toiles de toutes tailles se dévoilent sous les yeux des visiteurs plongés dans un univers onirique. La plupart des œuvres ont été créées dans le cadre d’une résidence aux Bernardins. Le monumental oculus « Assomption » sera visible avant son départ pour la cathédrale de Cambrai.

Depuis deux ans, le Collège des Bernardins et Augustin Frison-Roche travaillent à cette exposition dont la majorité des œuvres a été créée pour l’occasion.

Dès l’entrée dans la nef, le visiteur traverse une forêt de colonnes, qui laisse découvrir un paysage aux connotations rimbaldiennes, de la fin de la nuit à la lumière naissante de l’aube (Série “La forêt était devenue une immense basilique« ). Le visiteur est ensuite accueilli par l’Étoile, dressée à l’entrée de l’ancienne sacristie. Comme cette promesse qui attendait les Rois Mages, le visiteur suit un itinéraire qui saura le guider jusqu’à eux, œuvre phare monumentale de l’exposition, après avoir découvert “Les sept jours de la Création” , “L’Esprit” et “Cana”.  

                                               Les Rois Mages
« Augustin Frison-Roche voit au-delà. Il représente ce que nous aimerions contempler et qu’il nous rend sensible : un monde où la grâce ne fait qu’un avec le sauvage, où l’amour est à réinventer. »

Christiane Rancé, romancière et essayiste, préface du catalogue de l’exposition Epiphanies (bientôt en vente)

                                                    Les Noces de Cana
L’exposition répond à une programmation artistique qui s’ancre dans le calendrier liturgique. En février/mars 2024, François-Xavier de Boissoudy était venu exposer aux Bernardins sur le thème de la Croix pour la montée vers Pâques, Augustin Frison-Roche nous accompagne après Noël pour annoncer la Bonne Nouvelle. Titrée au pluriel, Épiphanies, Augustin Frison-Roche s’appuie sur la lettre aux artistes de Jean-Paul II :

« À tous ceux qui, avec un dévouement passionné, cherchent de nouvelles épiphanies de la beauté ».

Ce sont toutes ces épiphanies ou « apparitions » que l’artiste a voulu explorer dans cette exposition, celles qui sont visibles dans l’Histoire Sainte, dans la Création, dans la contemplation de la nature, et qui sont un manifeste pour la création artistique.    

Notez les dates dans vos agendas :

Visites-conférences :

Informations pratiques

Épiphanies par Augustin Frison-Roche : La réservation d’un créneau horaire pour visiter l’exposition est obligatoire. L’entrée est gratuite.

COLLÈGE DES BERNARDINS
01 53 10 74 44

Faire un don
Jours et heures d’ouverture
Du lundi au samedi de 10h à 18h. Fermeture les dimanches et les jours fériés.
‍Visite libre de la nef et de l’ancienne sacristie (sauf pendant les montages et les démontages).

Fermeture exceptionnelle de l’exposition Épiphanies d’Augustin Frison-Roche mercredi 12 février 2025 jusqu’à 14h30. La nef, la libraire La Procure et la Table des Bernardins restent accessibles.

Ouvertures nocturnes exceptionnelles de l’exposition Épiphanies d’Augustin Frison-Roche les 12, 13, 14 et 17, 18, 19 février jusqu’à 22h.

Métro : Maubert-Mutualité ou Cardinal Lemoine (ligne 10), Jussieu (ligne 7)
Bus : lignes 24 et 47, arrêt Maubert Mutualité – lignes 63, 86 et 87, arrêt St Germain – Cardinal Lemoine
Parking Maubert – Collège des Bernardins, 37 boulevard Saint Germain, 75005
ParisParking Lagrange – Maubert, 15 rue Lagrange, 75005 Paris

 

Tarsila do Amaral

Peindre le Brésil moderne

Jusqu'au 2 février 2025, au Musée du Luxembourg
Exposition organisée par le GrandPalaisRmn et le Musée Guggenheim Bilbao
Commissariat général : Cecilia Braschi, Docteure en histoire de l’art et
commissaire d’exposition indépendante
Scénographie : Véronique Dollfus
Signalétique : Atelier JBL - Claire Boitel
Lumière : Abraxas Concepts

Figure centrale du modernisme brésilien, Tarsila do Amaral (1886-1973) est l’une des artistes les plus connues et aimées au Brésil. Dès les années 1920, elle a été la créatrice d’une oeuvre originale et évocatrice, puisant dans l’imaginaire indigéniste et les instances modernisatrices d’un pays en pleine transformation.


Évoluant entre São Paulo et Paris, Tarsila do Amaral est une passeuse incontournable entre les avant-gardes de ces deux capitales culturelles. Après avoir forgé, à Paris, un univers iconographique « brésilien», mis à l’épreuve du cubisme et du primitivisme en vogue dans la capitale française,
sa peinture est à l’origine du mouvement 


« anthropophagique », né à São Paulo en 1928. Faisant référence à la pratique indigène du cannibalisme comme « dévoration de l’autre » dans le but d’en assimiler ses qualités, il décrit, métaphoriquement, le mode d’appropriation et
de réélaboration constructive, de la part des Brésiliens, des cultures étrangères et colonisatrices.

Au croisement de plusieurs cultures, dont les identités se définissent les unes par rapport aux autres, etsans échapper au paradoxe de représenter un Brésil populaire et « authentique », pourtant interprété par son regard de femme blanche, aristocrate, érudite et cosmopolite, l’oeuvre de Tarsila do Amaral soulève aussi des questions sociales, identitaires et raciales et nous invite à repenser les clivages entre tradition et avant-garde, centres et périphéries, cultures savantes et populaires. 

Si Tarsila do Amaral a été largement reconnue et exposée dans son pays d’origine, encore rares sont les expositions qui lui ont été consacrées à l’étranger. Cette première rétrospective en France (avec environ 150 oeuvres rassemblées) souhaite combler ce manque, à l’heure où le Brésil occupe
une place de plus en plus importante dans les discours critiques et historiographiques de l’art « mondialisé » et où les artistes femmes commencent à retrouver leur place dans les récits de l’histoire de l’art.
Parcourant sa riche production des années 1920, liée au modernisme brésilien, au mouvement « Pau Brasil » (1924-1925) et à celui de l’« Anthropophagie»

(1928-1929) – où des paysages aux couleurs vives et aux lignes claires alternent avec des visions oniriques, mystérieuses et fascinantes – cette rétrospective est aussi l’occasion de présenter des aspects moins connus, voire inédits, de la carrière de l’artiste. Si sa dimension politique et militante est perceptible dans les oeuvres des années 1930, connotées par un réalisme à forte vocation sociale, le gigantisme onirique des années 1940, la géométrie presque abstraite de certaines compositions tardives, ainsi que la façon dont l’artiste réactualise, jusqu’aux années 1960, sa production antérieure, ne font que confirmer la puissance d’une oeuvre ancrée dans la culture de son temps, toujours originale et prête à se renouveler.

Informations pratiques

L’application mobile gratuite du Musée du Luxembourg
Le Musée du Luxembourg met à disposition une
application mobile gratuite qui offre un parcours
thématique intitulé Visages du Brésil autour de
cinq oeuvres de l’exposition (en français et en anglais).
L’application est téléchargeable sur le lien suivant


Musée du Luxembourg
19 rue Vaugirard
75006 Paris
Téléphone
01 40 13 62 00
Ouverture
tous les jours de 10h30 à 19h
nocturne tous les lundis jusqu’à 22h
Accès
Métro St Sulpice ou Mabillon
RER B Luxembourg
Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du Luxembourg / Sénat

« Arte Povera »

Emma Lavigne, conservatrice générale et directrice générale de la Collection PinaultCommissariat : Carolyn Christov-Bakargiev, spécialiste internationalement reconnue du mouvement italien.
L’exposition « Arte Povera » à la Bourse de Commerce — Pinault Collection
vise à retracer la naissance italienne, le développement et l’héritage international du mouvement. Jusqu'au 20 janvier 2025




La commissaire Carolyn Christov-Bakargiev réunit dans l’ensemble du musée plus de 250 oeuvres des treize principaux protagonistes de l’Arte Povera — Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Pier Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Mario Merz, Marisa Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto, Emilio Prini et Gilberto Zorio — auxquelles s’ajoutent de nouvelles commandes, confiées à la fois à des artistes de ce groupe historique et à des artistes internationaux issus des générations suivantes, dont la création résonne étroitement avec la pensée et la pratique de l’Arte Povera.

La Bourse de Commerce — Pinault Collection présente une exposition d’envergure dédiée à l’Arte Povera. Le commissariat est confié à
Carolyn Christov-Bakargiev,
Celle-ci s’appuie sur l’important fonds d’Arte Povera de la Collection Pinault, mis en résonnance avec ceux des Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea (Turin), Fondazione per l’Arte Moderna e Contemporanea CRT (Turin), Kunstmuseum Liechtenstein — Vaduz, Museo e Real Bosco di Capodimonte (Naples), Galleria d’Arte Moderna (Turin), Centre Pompidou (Paris), Tate (Londres). La commissaire ouvre un dialogue inédit avec des oeuvres anciennes et contemporaines, ancrant l’Arte Povera dans une perspective temporelle élarg

PLUS DE 250 OEUVRES EN DIALOGUE

Outre le noyau d’oeuvres des treize artistes associés à l’Arte Povera, l’exposition comprend des pièces et des documents qui retracent les étapes clés de ce que l’on peut considérer comme les prémices du courant. Ces épisodes trouvent leurs racines dans la culture du bassin méditerranéen — des présocratiques à la pensée lucrétienne — et informent du rapport particulier entre modernité et ruralité qui a caractérisé l’Italie jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, en suivant une trajectoire, d’ascendance franciscaine, qui
traduit une volonté d’appauvrir l’oeuvre. Dans l’exposition, chacun des treize artistes est associé à une personnalité, un mouvement, une époque ou un matériau qu’il estime comme une profonde influence, à l’image de Giorgio De Chirico pour Paolini et une peinture d’icône de Sano di Pietro pour Marisa Merz.

SALON

Dans le Salon, l’artiste Pier Paolo Calzolari expose Senza titolo (Materassi)
(1970), une série de six matelas couverts de tubes réfrigérants. L’artiste transforme les objets les plus simples et les plus quotidiens en éléments de composition d’un tableau vivant.
Chacun pourvu de son propre motif fait de tubes, se couvrant progressivement de givre, les matelas deviennent comme des êtres vivants. La mise en évidence de l’énergie qui les parcourt, la blancheur spectrale, le bruit des moteurs autant que la froideur de l’ensemble font de cette installation une expérience totale, où la vue, l’ouïe et le toucher du spectateur sont sollicités.

ROTONDE

Les treize artistes y sont présents, se faisant écho les uns aux autres, recréant l’intense magma collégial et expérimental des premières années de l’Arte Povera. Le premier arbre sculpté de Giuseppe Penone y côtoie le premier
igloo de Mario Merz,

tandis que la première sculpture réfrigérée de Pier Paolo Calzolari dialogue avec la première Direzione (1967) de Giovanni Anselmo, rendant sensible l’essentielle continuité entre l’humain, le végétal et le monde minéral. L’espace de la Rotonde figure aussi un espace extérieur abolissant l’idée même de musée avec la fontaine fumante d’Alighiero Boetti, Autoritratto (Mi Fuma Il Cervello) (1993-1994).

PASSAGE

Pour cette exposition, les 24 vitrines du Passage réactivent la pensée de
Walter Benjamin et des passages parisiens comme une lecture du 19e siècle se transformant en autant de jalons temporels et contextuels, et rappelant le terreau d’où émerge l’Arte Povera. Y figurent les artistes de l’avant-garde italienne de l’après-guerre, tels que Lucio Fontana, dont les toiles trouées donnent aux artistes l’exemple d’un art qui s’affranchit de
l’espace du tableau, ou Piero Manzoni, par la dimension libre et provocatrice de son usage des matériaux. D’autres vitrines exposent la dimension plus internationale des influences de l’Arte Povera, qu’il s’agisse de l’Internationale situationniste ou du groupe japonais Gutai.

Une constellation de protagonistes y apparaît, des artistes aux galeristes, des critiques aux figures de théâtre, tel que le metteur en scène polonais Jerzy Grotowski qui ont participé à l’élargissement de la définition de l’art, l’ouvrant aux nouveaux médias, à la performance, à l’expérimentation.

GALERIES / FOYER / STUDIO

Dédiant à chaque artiste fondateur de l’Arte Povera un espace spécifique,
l’exposition offre un généreux aperçu de leur oeuvre, en mettant l’accent sur des pièces majeures de l’histoire du courant, issues de la Collection Pinault ou prêtées par des institutions de renommée internationale. En correspondance avec chacun d’eux, la commissaire a associé leur pratique à une influence sous-jacente — un matériau, un artiste, un mouvement ou une époque.

Galerie 2 : Jannis Kounellis / Marisa Merz / Mario Mer

Jannis Kounellis, Marisa Merz et Mario Merz ont fortement contribué à
révolutionner le rapport au matériau. Tous les trois peintres de formation, ils se sont progressivement détachés du cadre de la peinture pour embrasser l’immensité des possibilités permise par le monde contemporain, sans jamais céder aux sirènes du progrès technologique :
Mario Merz « troue » des objets communs par des néons pour célébrer la continuité entre naturel et artificiel tandis que Kounellis

se tourne vers le charbon, la laine et le feu pour revenir à une forme de réalité archaïque. Marisa Merz tisse de manière visionnaire aussi bien des souliers que des formes géométriques au moyen de fils de nylon et de cuivre.

Galerie 3 : Michelangelo Pistoletto

Retraçant les différentes dimensions de la pratique de Pistoletto, l’espace
est ici habité par les « objets en moins » et les « tableaux miroirs » de l’artiste, pour lesquels il insère des figures, humaines, objectales ou architecturales, en papier peint et, plus tard, en sérigraphie, sur des surfaces réfléchissantes. Le miroir englobe le spectateur, permet de créer un tableau infini, où les visiteurs deviennent des éléments de composition. Animé par l’idée d’une forme d’utopie collective, Pistoletto conçoit sa pratique comme un engagement
social total, à l’image de Pace (1962-2007) réalisé lors des manifestations contre la guerre en Irak.

Galerie 4 : Alighierio Boetti

Alighiero Boetti pensait l’art comme une activité participative, un jeu basé
sur l’ordre et le désordre. Son attention s’est portée sur les matériaux les plus simples, « pauvres », au travers de manipulations élémentaires : accumulations, répétitions, mises en relation, actions à la portée de chacun. Souhaitant se défaire de l’imagerie de l’artiste vu comme un génie solitaire, Boetti orchestra sa propre disparition au sein d’un duo fictif,

« Alighiero e Boetti », se tournant également vers des formes de créations collectives, à l’image des Mappa et des techniques de tissage. Les multiples itérations de ses planisphères rendent également compte des évolutions géopolitiques.

Galerie 5 : Giuseppe Penone

Giuseppe Penone crée sa première oeuvre, « Alpi Marittime » (1968-1985),
alors qu’il est encore étudiant. Ces six images de manipulation sur quelques arbres et un ruisseau de son bois familial contient la quasi-totalité de la pratique à venir de l’artiste : une attention portée aux processus de croissance et de fabrication du vivant, au sein desquels Penone va s’insérer, sans chercher pour autant à les dominer. Ses Alberi visent à réattribuer à des poutres la forme des arbres qu’elles furent en suivant les cernes du bois. Chez Penone,
l’action artistique se situe au plus près du rythme du vivant.

Il me faudrait encore citer Galerie 6 : Pier Paolo Calzolari / Giovanni Anselmo,


Galerie 7 : Giulio Paolini / Pino Pascali / Luciano Fabro, Foyer : Gilberto Zorio,
Studio : Emilio Prini

C’est une vaste exposition qui demande quelques visites

Informations pratiques

Bourse de Commerce — Pinault Collection
2, rue de Viarmes
75 001 Paris (France)
Tel +33 (0)1 55 04 60 60
www.boursedecommerce.fr
Ouverture tous les jours (sauf le mardi), de 11h à 19h et en nocturne
le vendredi, jusqu’à 21h

Surréalisme

Max Ernst, L'ange du foyer, 1937
© Adagp, Paris, Crédit photographique : Vincent
Everarts Photographie

Didier Ottinger, directeur adjoint du Musée national d’art moderne, et Marie Sarré, attachée de conservation au service des collections modernes, présente le Surréalisme au Centre Pompidou jusqu'au 13 janvier 2025.


Conçue à la façon d’un labyrinthe, retraçant plus de quarante années d’une exceptionnelle effervescence créative, de 1924 à 1969, l’exposition
« Surréalisme » célèbre l’anniversaire du mouvement né en 1924 avec la publication du Manifeste fondateur d’André Breton.

À la fois chronologique et thématique, le parcours est rythmé par 14 chapitres, qui regroupe près de 500 œuvres, évoquant les figures littéraires ayant inspiré le mouvement (Lautréamont, Lewis Carroll, Sade…) et les principes poétiques qui structurent son imaginaire (l’artiste-médium, le rêve, la pierre philosophale, la forêt…

Une traversée magistrale du surréalisme dans les arts.

Entrée des médiums

En 1919, André Breton et Philippe Soupault rédigent à quatre mains Les
Champs magnétiques, un ouvrage dans lequel il se livre à l’expérience d’une
écriture automatique libérée du contrôle de la raison. Cette recherche d’une
expression immédiate associe l’artiste surréaliste à la figure du médium.

Sommaire de décembre 2024

29 décembre 2024 : Giuseppe Penone – Arte Povera Bourse de commerce
24 décembre 2024 : Caillebotte Peindre les hommes
21 décembre 2024 : Geneviève Charras « Pan pan sur le tutu »
20 décembre 2024 : La mémoire des murs
17 décembre 2024 : FIGURES DU FOU DU MOYEN ÂGE AUX ROMANTIQUES
13 décembre 2024 : Nil Yalter
11 décembre 2024 : Chiharu Shiota « Les frémissements de l’âme »
8 décembre  2024 : Fresh Window Art & vitrines
3 décembre  2024 : ST-ART 2024

Caillebotte Peindre les hommes

Gustave Caillebotte
Partie de bateau vers 1877-1878 huile sur toile
sans cadre H. 89,5 ; L. 116,7 cm avec cadre H. 122 ; L. 149 ; EP. 11,5 cm
Achat grâce au mécénat exclusif de LVMH, Grand Mécène de l’établissement, 2022
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy
 

Au musée d’Orsay jusqu’au 19 janvier 2025

L’exposition présentée au musée d’Orsay à l’automne 2024 prend pour sujet la prédilection de Gustave Caillebotte (1848-1894) pour les figures masculines et les portraits d’hommes, et ambitionne d’interroger la modernité si radicale des chefs-d’œuvre de l’artiste au prisme du nouveau regard que l’histoire de l’art porte sur les masculinités du XIXe siècle.

Retrouvez ici la vidéo de la visite de l’exposition par le Scribe accroupi

Dans sa volonté de produire un art vrai et neuf, Caillebotte prend pour sujet son environnement immédiat (le Paris d’Haussmann, les villégiatures des environs de la capitale), les hommes de son entourage (ses frères, les ouvriers travaillant pour sa famille, ses amis régatiers, etc.) et en fin de compte sa propre existence. Répondant au programme « réaliste », il fait entrer dans la peinture des figures nouvelles comme l’ouvrier urbain, l’homme au balcon, le sportif ou encore l’homme nu dans l’intimité de sa toilette.

À l’époque du triomphe de la virilité et de la fraternité républicaine, mais aussi de première crise de la masculinité traditionnelle, la nouveauté et la puissance de ces images  questionnent aussi bien l’ordre social que sexuel. Au-delà de sa propre identité, celle de jeune et riche célibataire parisien, Caillebotte porte au cœur de l’impressionnisme et de la modernité une profonde interrogation sur la condition masculine.

Ce projet est motivé par l’acquisition récente de deux peintures majeures de Caillebotte par le J. Paul Getty Museum (Jeune homme à sa fenêtre) et le musée d’Orsay (Partie de bateau), et s’appuie sur la présence du chef-d’œuvre de l’artiste, Rue de Paris, temps de pluie, prêté par l’Art Institute of Chicago. L’exposition, composée d’environ 70 œuvres, réunit les plus importants tableaux de figures de Caillebotte mais aussi de pastels, dessins, photographies et documents.

Cet évènement est organisé l’année du 130e anniversaire de la mort de l’artiste (1894), qui correspond également à la date du legs de son incroyable collection de peintures impressionnistes à l’État.

Pour célébrer cet évènement, l’ensemble des œuvres du legs est présenté temporairement dans une des salles du parcours permanent du musée, faisant revivre l’ouverture de la « salle Caillebotte » au musée du Luxembourg en 1897. (Pour des raisons de conservation, les pastels de Degas et les dessins de Millet qui font partie du legs Caillebotte ne sont pas présentés).


Cet évènement s’inscrit dans la continuité des nombreuses expositions qui, depuis la grande rétrospective de 1994-1995 (Paris, Chicago), ont permis de redécouvrir la figure Gustave Caillebotte (1848-1894) et de mettre en lumière certaines facettes de son œuvre : la période de Yerres, les liens entre sa peinture et la photographie, sa passion pour l’art des jardins, etc.


Cette exposition sera présentée au J. Paul Getty Museum, Los Angeles du 25 février au 25 mai 2025 et à l’Art Institute of Chicago du 29 juin au 5 octobre 2025.

Informations pratiques
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing 
75007 Paris

  • Métro : ligne 12, station Solférino
  • RER : ligne C, station Musée d’Orsay
  • Bus : 63, 68, 69, 73, 83, 84, 87, 94
    • Mardi au dimanche 9h30 – 18h. Dernier accès au musée à 17h, dernier accès aux expositions à 17h15, fermeture des salles à partir de 17h30.
    • Nocturne le jeudi jusqu’à 21h45. Dernier accès au musée et aux expositions à 21h, fermeture des salles à partir de 21h15.
    • Fermé tous les lundis, les 1er mai et 25 décembre.

FIGURES DU FOU DU MOYEN ÂGE AUX ROMANTIQUES

D’après Jean de Gourmont, O caput elleboro dignum,
vers 1590. Estampe aquarellée; H. 360 mm ; l. 490 mm
(dessin) ; H. 425 mm ; l. 555 mm (feuille). Paris,
Bibliothèque nationale de France, département des Cartes
et plans, GE DD-2987 (64 RES)
© Bibliothèque nationale de France
Au musée du Louvre Paris, jusqu'au 3 FÉVRIER 2025
HALL NAPOLÉON
Les commissaires de l'exposition sont:
Élisabeth Antoine-König et Pierre-Yves Le Pogam,  conservateur général au département des Sculptures, musée du Louvre.
Attributs du fou

Depuis l’expansion formidable de la figure du fou à partir du 14e siècle, la
représentation de ce dernier s’est codifiée. Ce personnage est devenu bien
reconnaissable grâce à son costume bigarré, expression du désordre et à ses
autres attributs : la marotte – parodie de sceptre avec laquelle le fou peut
dialoguer – les grelots de son costume ou encore le bonnet à oreilles d’âne et
crête de coq. (signe de luxure, signe de bêtises), la cornemuse.

C’est dans ce costume qu’il est passé à la postérité, dans des portraits souvent factices où il regarde le spectateur d’un air moqueur, comme s’il tendait un miroir : qui est vraiment fou, lui ou le spectateur ? Rieur et bruyant, il mène la danse pendant ces périodes de fêtes et de carnavals où le monde est à l’envers.

« Infini est le nombre des fous », Ecclésiaste, chapitre I, 15

Étudiée par l’histoire sociale et culturelle, la fascinante figure du fou, qui faisait partie de la culture visuelle des hommes du Moyen Âge, l’a rarement été du point de vue de l’histoire de l’art : pourtant entre le XIIIe et le milieu du XVIe siècle, la notion de folie a inspiré et stimulé la création artistique, aussi bien dans le domaine de la littérature que dans celui des arts visuels.

Cette exposition ambitieuse et stimulante (vidéo de la commissaire) entend aborder la figure typiquement médiévale du fou à travers ses représentations. Elle rassemble au sein d’un parcours chronologique et thématique plus de 300 œuvres : sculptures, objets d’art (ivoires, coffrets, petits bronzes),

médailles, enluminures, dessins, gravures, peintures sur panneau, tapisseries.
Associés à la folie, les troubles du comportement trouvèrent dans la société médiévale des expressions artistiques multiples.
Un prologue introduit le visiteur au monde des marges et de la marginalité.


Dans la seconde moitié du 13e siècle, des créatures étranges, hybrides,
grotesques connues sous le nom de marginalia se multiplient dans les marges
des manuscrits, en regard des textes sacrés ou profanes. Issues du monde
des fables, des proverbes ou de l’imaginaire, ces petites figures dansant dans les marges latérales ou inférieures semblent jouer avec l’espace de la page et
du texte, s’accrochant aux rinceaux végétaux ou se nichant dans les initiales
décorées. Souvent comiques, parodiques, parfois scatologiques ou érotiques,
elles semblent être là pour amuser le lecteur, en contrepoint du caractère
sérieux du texte qu’elles accompagnent.
Mais peu à peu ces créatures, qui paraissent remettre en cause l’ordre de la
Création du monde dans la religion chrétienne, sortent des manuscrits pour
envahir tout l’espace, du sol au plafond, en passant par le mobilier et les murs.
Comme elles, la figure du fou, d’abord en marge de la société, va envahir tout
l’espace visuel de l’homme médiéval aux derniers siècles du Moyen Âge (14e
et 15e siècles).

Le fou et l’amour

Au XIIIe siècle, le fou est inextricablement lié à l’amour et à sa mesure ou sa démesure, dans le domaine spirituel, mais aussi dans le domaine terrestre. Ainsi, le thème de la folie de l’amour hante les romans de chevalerie et leurs nombreuses représentations. La folie de l’amour atteint jeunes et vieux : la scène du philosophe Aristote chevauché, donc ridiculisé, par Phyllis, la maîtresse d’Alexandre, était fort en vogue à la fin du Moyen Âge.

Elle montrait avec humour le pouvoir des femmes renversant l’ordre habituel.
Humour et satire s’emparent du thème de l’amour : bientôt, un personnage s’immisce entre l’amant et sa dame, celui du fou, qui raille les valeurs courtoises et met l’accent sur le caractère lubrique, voire obscène, de l’amour humain. Sa simple présence suffit à symboliser la luxure, qui se déploie partout, dans les maisons publiques, les étuves ou ailleurs. Tantôt acteur, tantôt commentateur de cette folie, le fou met en garde ceux qui se laissent aller à la débauche : la mort les guette, mort qui entraînera le fou
lui-même dans sa danse macabre …

Entre humanisme et Réforme : de La Nef des fous à L’Éloge de la folie

Autour de 1500, la figure du fou est devenue omniprésente dans la société et la culture européennes.

Y contribuent le succès de deux ouvrages, très différents mais complémentaires, La Nef des fous de Sébastien Brant, puis L’Éloge de la folie d’Erasme. En 1494, le premier fait paraître son livre en allemand. Il est traduit en latin et dans de nombreuses langues européennes dès 1497. L’ouvrage, illustré de gravures, connaît un succès fulgurant et fait même l’objet de détournements ou d’éditions pirates. Erasme publie son Moriae Encomium (L’Eloge de la folie) en 1511. Il est donc publié en latin et destiné à
priori à une élite savante. Pourtant son livre est aujourd’hui bien plus célèbre que celui de Brant, car ses critiques annoncent les thèses de la réforme protestante. D’autre part, comme la figure du fou sert à dénoncer « l’autre », catholiques et protestants se livrent à une guerre d’images sur ce thème, qui redouble et renforce les conflits armés.

De Bosch à Bruegel : triomphe du fou à la Renaissance

La multiplication des fous donne lieu à différents mythes qui prétendent expliquer leur genèse, (notamment avec le thème de l’oeuf), et leur expansion sur toute la terre, en particulier avec l’idée de la Nef des fous. Le tableau de Jérôme Bosch intitulé par la critique moderne La Nef des fous comme le livre de
Brant, n’est en réalité que le fragment d’un triptyque démembré.

Le message général du tableau renvoyait à l’univers de la folie, mais aussi à d’autres motifs : la peinture des vices, des fins dernières et l’incertitude du destin humain. Pieter Bruegel l’Ancien, comme Bosch, continue parfois d’user de la figure du fou de manière traditionnelle. Mais le plus souvent, il lui donne lui aussi une valeur nouvelle :
le fou passe au second plan, il souligne, en tant que témoin, la folie des hommes.
Le sujet est vaste et bien traité, il mérite amplement le déplacement

Informations pratiques

Horaires d’ouverture
de 9 h à 18 h, sauf le mardi,
Jusqu’à 21h le mercredi et le vendredi.
Réservation d’un créneau horaire recommandée
en ligne sur louvre.fr
y compris pour les bénéficiaires de la gratuité.
Gratuit pour les moins de 26 ans résidents de
l’Espace économique européen.
Préparation de votre visite sur louvre.fr
Métro 1 sortie Palais Royal musée du Louvre

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Conférence

Nil Yalter

Nil Yalter, Artiste, Paris
Coline Milliard, Executive Editor, Art Basel
conversation au Petit Palais

Premiere artist talk: Nil Yalter, octobre 2024

Lauréate du Lion d’or 2024 à la Biennale de Venise pour l’ensemble de sa carrière, Nil Yalter est une artiste engagée. De sa participation à mai 68 – puis à la seconde vague féministe et au combat pour la libération sexuelle – à sa dénonciation du traitement des immigré∙e∙s en Occident, son œuvre se fait le porte-voix de ceux∙celles qui n’ont pas droit de cité. Cette conversation retrace la carrière d’une artiste dont la pratique polymorphe reçoit enfin l’attention qu’elle mérite.

Pionnière de l’art vidéo féministe, Nil Yalter sa pratique, s’appuyant sur un travail de recherche, offre une plateforme aux groupes socialement marginalisés et remet en question les grands récits historiques à travers des photographies, vidéos, dessins et textes. Depuis sa participation à la première exposition internationale d’art video en France, au Musée d’Art Moderne de Paris (1974), jusqu’à ses récentes rétrospectives au MAC Val (2019), au Museum Ludwig (2019), et au Hessel Museum of Art (2019), elle a été à l’avant-garde d’une pratique artistique socialement engagée.

Coline Milliard est rédactrice en chef d’Art Basel, où elle supervise la stratégie éditoriale et la mise en œuvre, ainsi que le programme Conversation dans le monde entier. Au cours des 15 dernières années, elle a occupé plusieurs postes éditoriaux de haut niveau, notamment chez artnet News et Garage Magazine, et a beaucoup écrit sur l’art dans tous les secteurs du marché. Coline a enseigné au Royal College of Art et au Chelsea College of Arts de Londres et est titulaire de diplômes de troisième cycle du Royal College of Art et de la Sorbonne à Paris.

Le programme de Conversations d’Art Basel Paris 2024 est commissionné par Pierre-Alexandre Mateos et Charles Teyssou.

C’est un dur métier que l’exil

Malgré les sollicitations incessantes depuis cette reconnaissance à Venise, les rendez-vous, et une certaine lassitude, l’artiste de 86 ans reste extrêmement précise et conserve une mémoire phénoménale des détails de ses installations passées. Elle a bien conscience d’avoir inventé un nouveau langage dans les années 1970 parisiennes, lorsque le féminisme faisait irruption sur la scène artistique, proposant des œuvres hétéroclites, décloisonnant les arts, introduisant la réalité du corps féminin. Une façon de s’exprimer arrivée tout droit des États-Unis, où s’affirmait depuis un moment une avant-garde féministe rebelle et agressive.

Chantre des femmes d’Anatolie

Cette œuvre en particulier avait séduit Susanne Pagé lorsque celle-ci dirigeait cette structure créée à la fin des années 1960 au sein du musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Fabriquée à l’aide de métal, de peaux de mouton et de feutre, c’est un hommage de l’artiste franco-turque aux femmes des communautés nomades d’Anatolie centrale. Elle est placée à Venise au centre d’une pièce en forme de dôme, dont les parois sont revêtues d’affiches volantes, de dessins, de vidéos, etc. L’œuvre commente, documente, fait revivre la migration, l’exil.

Du Caire à Paris

Nil Yalter fait elle-même partie de ces migrants, même si ses voyages et son exil furent, dans son cas, mûrement choisis. Née en 1938 au Caire, mais de nationalité turque, elle rejoint Istanbul, puis passe sa jeunesse à arpenter l’Iran, l’Inde, les régions les plus reculées de la Turquie… Et après des années d’errances curieuses et studieuses, elle se consacre à la peinture. Une peinture abstraite occidentalisée, qui permet à cette autodidacte d’exposer dans des galeries stambouliotes.

La danse du ventre

Le rendez-vous a lieu à la galerie Berthet-Aittouarès, puisque l’artiste n’a pas à proprement parler d’atelier, mais plutôt des pièces encombrées de panoplies d’appareils, d’ordinateurs de toutes générations, de bandes, de carrousels de diapositives ancienne manière, de moniteurs, de magnétoscopes, de caméras, d’écrans et de nombreux dessins… Nil Yalter préfère nous raconter son travail en commentant quelques œuvres qu’Odile Berthet-Aittouarès a raccrochées aux murs pour l’occasion, quelques photographies qui avaient fait partie de son exposition organisée ici même en 2023, La Femme sans tête ou La Danse du ventre. La photographie représente le ventre d’une femme dont le nombril est recouvert de manière circulaire d’un fragment de texte du poète René Nelly, auteur du livre Érotique et civilisations. Cette photo est tirée d’une performance filmée en 1974 dans laquelle elle faisait la danse du ventre, en ayant gravé sur sa peau la phrase « La femme véritable est à la fois convexe et concave ».

Chiharu Shiota « Les frémissements de l’âme »

Chiharu Shiota, Uncertain Journey, 2021, metal frame, red wool,
Taipei Fine Arts Museum, photo elisabeth itti #blogunedilettante

Au Grand Palais jusqu'au 19 mars 2025
Entrée Porte H - Galeries 9 et 10.2
Exposition co-organisée par le GrandPalaisRmn, Paris et le Mori Art Museum, Tokyo.
Commissariat
Mami Kataoka
Directrice, Mori Art Museum, Tokyo
Scénographie
Atelier Jodar
Prologue

Le sous-titre « The Soul Trembles (“Les frémissements de l’âme”) » proposé par Shiota pour cette exposition est une description exacte de son moi intérieur,
confronté à une anxiété insondable qui perturbe sa sensibilité. Elle espère que ces sentiments transcenderont les mots et se transmettront directement au moi intérieur des visiteurs qui feront l’expérience de l’exposition, dans une sorte de
sympathie ou de résonance entre les âmes.

Uncertain Journey
2016/2024
Les fils s’emmêlent, s’entrelacent, se cassent, se
défont. D’une certaine façon, ils symbolisent mon
état mental vis-à-vis de la complexité des relations
humaines.

Dans la première salle, cette oeuvre en bronze,
présente deux mains ouvertes desquelles s’échappent
des fils métalliques, comme de fragiles aiguilles.
La sculpture permet de donner une forme durable
à ce que l’artiste recherche dans ses installations
éphémères de fil : une émotion rendue visible… un
frémissement de l’âme.

Chiharu Shiota
In the Hand
(« Dans la main »)
2017
Bronze, laiton, clé, fil, laque
38 × 31 × 42 cm
Citations autres

Out of My Body
2019/2024
L’esprit et le corps se détachent l’un de l’autre, et
je n’ai plus le pouvoir de mettre fin à ces émotions
incontrôlables.
J’étale mon propre corps en morceaux épars et j’entre
en conversation avec lui dans mon esprit.
D’une certaine manière, c’est le sens que je donne au fait de relier mon corps à ces fils rouges. Exprimer ces émotions et leur donner une forme implique toujours la destruction de l’âme.
Cell
2020
Quand une vie humaine atteint la limite qui lui a été prescrite, elle se dissout peut-être dans l’univers.
La mort n’implique pas forcément une transformation en néant et en oubli ; elle n’est peut-être qu’un phénomène de dissolution.
Le passage de la vie à la mort n’est pas une extinction, mais un processus de dissolution dans quelque chose de plus vaste.
Dans ce cas, il n’y a plus lieu d’avoir peur de la mort.
La mort et la vie appartiennent à la même dimension.

Les oeuvres exposées

Les 167 oeuvres et projets (dont certains ensembles) apparaissent dans l’ordre du parcours de l’exposition :
– 9 installations
– 7 objets/ sculptures
– 80 photos
– 49 dessins
– 9 documents (magazine)
– 1 maquette
– 11 vidéo
– 1 peinture

Rebirth and Passing

Le noir évoque toute l’étendue de cet univers profond, et le rouge, les fils qui relient une personne à une autre, mais aussi la couleur du sang.
Ces fils s’enchevêtrent ; parfois, ils se hérissent et se tendent comme pour relier mon univers mental au cosmos extérieur.
C’est une relation qui ne se défera jamais.

2019
Technique mixte
Dimensions variables

Biographie

Née à Osaka au Japon en 1972, Chiharu Shiota vit et travaille à Berlin. Elle combine performances, art corporel et installations dans un processus centré
sur le corps. Chiharu Shiota a été exposée à travers le monde, notamment au Nakanoshima Museum of Art, Osaka, Japon (2024), au Hammer Museum, Los
Angeles, États-Unis (2023), au P.S.1 Contemporary Art Center, New York (2003), au K21 Kunstsammlung NRW, Düsseldorf (2014), au Smithsonian, Washington DC (2014). En 2015, Chiharu Shiota a représenté le Japon à la Biennale de Venise.

Depuis le milieu des années 90, l’artiste produit des installations de fils de laine entrelacés, créant des réseaux graphiques spectaculaires, au travers
desquels le visiteur doit trouver son chemin et sa place. Ces toiles gigantesques enveloppent très souvent des objets de son quotidien (chaises, lits, pianos, vêtements, etc.) et invitent à un voyage onirique majestueux. Si l’art de l’enchevêtrement a fait sa renommée, la pratique de l’artiste s’étend
également à la sculpture, la photographie, la vidéo et au dessin, dont l’exposition présente un corpus.


Ses créations protéiformes explorent les notions de temporalité, de mouvement, de mémoire et de rêve, qui requièrent l’implication à la fois mentale et corporelle du spectateur.
L’exposition co-organisée avec le Mori Art Museum, Tokyo, la plus importante jamais consacrée à l’artiste en France et qui embrasse plus de 20 ans de sa
carrière, offrira au public une expérience sensible à travers plusieurs installations monumentales déployées sur plus de 1200 mètres carrés.
Ayant fait l’expérience directe, et à de multiples occasions, de la vulnérabilité de la vie qui lui a été accordée,

Shiota espère que cette exposition pourra transmettre aux autres, avec l’ensemble de son corps, les tremblements de sa propre âme.
Avec sept installations à grande échelle, des sculptures, des photographies, des dessins, des vidéos de performance et des documents d’archives liés à son projet de mise en scène, l’exposition représente l’occasion de se familiariser avec la carrière de Shiota, qui s’étend sur plus de vingt ans.
Sept étapes successives ont déjà eu lieu au Japon, en Corée du Sud, à Taiwan, en Australie, en Indonésie et en Chine.
Une étape est prévue à Turin au musée d’Art Oriental,
d’octobre 2025 à l’été 2026.

Informations pratiques

du mardi au dimanche de 10h‐ à
19h30, nocturne le vendredi
jusqu’à 22h
Fermeture hebdomadaire le lundi
Fermé le 25 décembre, le 28
janvier et le 11 mars
Fermeture anticipée à 18h30 le
19 décembre, et à 18h les 24 et 31
décembre 2024
Accès
Porte H
Avenue Winston Churchill
75008 Paris
Métro ligne 1 et 13 :
Champs-Élysées – Clemenceau
ou ligne 9 : Franklin D. Roosevelt
Informations et réservation
www.grandpalais.fr