« Je peins la lumière qui vient de tous les corps » Egon Schiele.
Le musée Léopold de Vienne consacre une rétrospective à Egon Schiele, pour commérer le centenaire de son décès.
Naissance le 12 juin 1890 , à Tulln an der Donau près de Vienne,
et mort le 31 octobre 1918 à Vienne. Avec plus de 40 peintures et environ 180 œuvres sur papier,
le musée Léopold montre la plus grande et la plus importante
collection d’œuvres d’Egon Schiele dans le monde.
Lorsque Egon Schiele mourut en 1918, à l’âge de 28 ans seulement,
il fut considéré comme l’un des artistes les plus importants
de son époque. Au cours des années suivantes, il a été de plus
en plus oublié, jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement,
après avoir été jugé comme « art dégénéré« .
Lorsque Rudolf Leopold a vu des œuvres d’Egon Schiele au
début des années 50, il a immédiatement reconnu que leur qualité,
leur émotivité et leur technicité pouvaient absolument être comparées
aux Old Masters. Rudolf Leopold a apporté une contribution
significative à l’estime internationale dans laquelle Schiele se trouve
aujourd’hui. Schiele a connu une carrière aussi prolifique que fulgurante.
C’est une comète dans la Vienne inventive et hypocrite de cette fin
de siècle. Ses compagnons et amis peintres sont Klimt et Kokoschka.
Les quartiers pauvres sont un vivier pour ses modèles,
qu’il fait poser dans des situations lascives et indécentes.
Il a été emprisonné pour avoir peint des modèles à peine pubère.
Il a une aisance inouïe dans le dessin. D’un trait, d’une ligne, sans jamais
lever le crayon, qui semble fait sans repentir, il érige un corps.
Il a à la fois une qualité de synthèse de la forme et une justesse
de la physionomie. Il introduit une nudité essentielle du corps,
un trait qui devient une sorte d’exo-squelette (Philippe Dagen)
Il est assez proche de Rodin pour le dessin et les modèles.
Présence de très jeunes modèles qui s’exhibaient et prêtaient
leurs corps, en montrant leurs attributs sexuels, que l’artiste
reproduisait.
Il y a une point commun autre entre les deux artistes,
c’est l’aquarelle.
La couleur vient se poser sur les pubis, très souvent par taches
de rouge, pour se diffuser et se diluer.
Les corps qu’il représente sont un minimum de chair, maigre
squelettique, cadavérique, parfois inachevé, sans les pieds.
Une saisie de l’instantané, comme dans la photographie.
Il voit les peintres de la Sécession, dont Munch.
Il peint beaucoup d’autoportraits, mais aussi sa soeur,
premier modèle nu.
Un étrange écartement de la main, extrêmement présentes,
noueuses, souvent démesurées par rapport au corps.
De façon récurrente des mains masturbatoires, le corps
contorsionné, chorégraphié, un point de vue en surplomb,
des postures inconfortables, déséquilibrées, comme des insectes
cloués sur le papier.
(L’Hostie rouge, Eros ou Autoportrait se masturbant,
tous de la même année 1911)
Outre les peintures à l’huile et les œuvres graphiques, le musée
Léopold abrite également le centre de documentation Egon Schiele,
dédié à la recherche sur l’œuvre de Schiele, ainsi que de nombreux
autographes. Pour la première fois, l’œuvre lyrique de Schiele
apparaît à un public plus large.
Schiele poète
Alors que Schiele était très populaire pour ses peintures et ses dessins
de son vivant, son travail poétique a longtemps passé inaperçu, bien
que son lyrisme expressionniste soit en effet très important.
Les originaux des poèmes de Schiele appartiennent en grande partie
à la collection Léopold. De nombreuses lettres et poèmes étaient presque
conçus comme des œuvres d’art graphiques d‘Egon Schiele. Les sujets
sont similaires à ceux décrits dans ses peintures: ce sont des visions
personnelles avec la plus grande expressivité, la plus grande couleur
et la plus grande franchise.
Par exemple, Schiele veut « goûter les eaux sombres », « voir l’air sauvage », « construire des nuages blancs » ou créer « une mousse arc-en-ciel », des allées de course à pied « ou un » vent d’hiver « . Son âme acharnée qui s’exprime dans son monde artistique éclate aussi de manière éruptive dans son œuvre lyrique: «L’excès de vie» et «l’agonie de penser» sont tout aussi présents que les forces obscures: «les démons! – freiner la violence! – votre langue, – vos signes, votre pouvoir! « , Proclame Egon Schiele.
La gamme de ses sentiments contradictoires culmine dans la
conclusion paradoxale et finale: « Tout est mort mortellement ».
Enfin, il faut souligner la part allégorique de l’œuvre de Schiele.
Les titres de certains tableaux (Agonie, Résurrection…) et certains
de ses propos abondent dans ce sens. Schiele affirmait le rôle
spirituel de l’art, il disait en 1911 que ses œuvres devraient être
exposées dans des « édifices semblables à des temples », et avait
pour projet, en 1917-1918, la construction d’un mausolée que
l’on croit dédié aux morts de la Grande Guerre.
Le célèbre tableau,La Famille (1918), affirme cette part allégorique :
Schiele se représente avec sa femme et son enfant, alors même qu’il
n’est pas encore père et ne le sera jamais, car lui, comme sa femme
enceinte, peu de temps avant, meurent de la grippe espagnole.
Ce tableau non achevé sera son dernier.
Schiele a fait près d’une centaine d’autoportraits
se représentant parfois nu, avec un visage desséché et
tourmenté, ou affligé d’un strabisme impressionnant, allusion
humoristique à son nom de famille : en effet, le verbe « schielen »
signifie loucher en allemand, et nombre de critiques hostiles
à son art n’hésitaient pas à en faire des jeux de mots.
Ses peintures provoquaient, et provoquent sans doute encore
les spectateurs, suscitant chez eux un certain malaise par leur
rapport à la mort et à l’érotisme, mais aussi par certaines
couleurs verdâtres de la décomposition.
Podcast sur France Culture Alain Fleischer le dernier tableau de Schiele
(2008, éditions du Huitième jour).
L’Europe tient à célébrer l’artiste foudroyé à l’âge de 28 ans,
par la grippe espagnole, en faisant appel à leurs
fonds, aux collections privées etc …
Sa courte vie et l’œuvre sera marquée par le scandale. Schiele a laissé environ trois cents peintures, dix-sept gravures et lithographies, deux gravures sur bois, de nombreuses sculptures et 3 000 dessins, aquarelles ou gouaches.
D’autres expositions lui sont ou seront consacrées
pour la célébration l’une, à la Fondation Vuitton,
des dessins, des gouaches et quelques peintures,(120)
une autre montrera ses dernières oeuvres au Musée des
Beaux Arts de Bruxelles, une autre encore à Londres
la Royal Academy, montrera ses dessins , ses autoportraits, ses nus érotiques, en compagnie des
croquis de Klimt sur le projet de la Sécession.
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L’Immobilité n’existe pas Nouvelle présentation de la collection du Musée Tinguely et nouveau guide d’exposition multimédia
Fidèle à la devise deJean Tinguely
«L’immobilité n’existe pas», le Musée Tinguely à Bâle, présente, depuis juin 2018, un nouvel aménagement de
sa collection qui ouvre des perspectives inédites sur l’oeuvre
novatrice de cet artiste suisse. Répartie sur trois niveaux, la présentation élargie de la collection couvre son oeuvre
de 1955 à 1990 au fil d’un parcours jalonné de différentes salles.
Des thèmes majeurs chers à l’artiste occupent une place centrale,
tandis que des aspects de son oeuvre et des ensembles de travaux
méconnus sont mis en lumière, telles ses premières oeuvres
sonores, la série Débri(s)collages(1974) ou les maquettes
du pont Wettstein (1990).
Le Musée Tinguely propose également une nouvelle offre de
médiation multimédia avec le lancement de «Meta-Tinguely», un guide d’exposition numérique
à dimension ludique et interactive en trois langues.
Cet été, le Musée Tinguely dévoile le nouvel aménagement
de son exposition permanente à travers une présentation
élargie de la collection répartie sur une surface
d’environ 1 200 m2
. Cette exposition monographique présente 60 sculptures cinétiques
de la collection du musée ainsi que quatorze prêts d’oeuvres
de collections particulières et de musées suisses. Plusieurs grandes
oeuvres majeures parmi les quelques 140 sculptures provenant de la collection du musée sont à nouveau visibles après une
longue absence : le Relief méta-mecanique sonore II (1955), le Ballet des Pauvres (1961), le Plateau agriculturel (1978) et le Café Kyoto (1987)
.
En outre, l’exposition montre des
dessins de l’artiste ainsi que des photographies, des films et
des documents conservés dans le vaste fonds d’archives du musée.
L’organisation thématique de la présentation selon une chronologie
souple présente les ensembles d’oeuvres marquants de l’artiste
et y apporte un nouvel éclairage.
Ainsi, le parcours aborde également des aspects et des
ensembles d’oeuvres jusqu’ici méconnus. Des prêts ciblés
permettent à plusieurs reprises de comparer des oeuvres et d’avoir
une idée précise de groupements d’oeuvres dans leur entier.
La nouvelle exposition permanente propose également
différents dispositifs de présentation des oeuvres. Jean Tinguely (1925–1991) s’était d’ailleurs lui-même prêté à
une expérience semblable de son vivant. Au fil des salles, un
parcours permet de découvrir des ensembles d’oeuvres et des
thématiques dans différents formats d’exposition
: du «White Cube» classique prétendument neutre à des formats
suggestifs et immersifs. Dans ce cadre, des résultats de recherches
menées récemment sur l’histoire de l’exposition
de ces oeuvres présentées y figurent également.
Le Musée Tinguely s’attache à renouveler régulièrement
la présentation de sa collection afin d’aborder sous un angle
nouveau l’oeuvre novatrice de l’artiste.
Depuis 2017, l’oeuvre Mengele-Totentanz (1986)
occupe ainsi une salle du musée spécialement conçue pour
l’accueillir.
Un an auparavant, en 2016, le musée a présenté pour la
première fois les quatre Méta-Harmonies dans le cadre de
l’exposition temporaire «Machines musicales/Musique machinale». Parcours d’exposition
Le parcours de visite commence aupremier étage avec des
oeuvres de jeunesse de Tinguely réalisées dans la seconde moitié
des années 1950. La salle inaugurale est consacrée aux sculptures
en fil métallique et aux reliefs cinétiques qui ont contribué à
hisser l’artiste au rang de pionnier de l’art cinétique.
L’accrochage des oeuvres–dont plusieurs prêts –
sur l’ensemble des murs s’inspire de photographies de son
atelier de l’impasse Ronsin.
La salle suivante réunit pour la première fois tous les travaux
de ses débuts conçus comme des machines sonores
: les deux Reliefs méta-mécanique sonore I et II réalisés en 1955,
dont le premier est un prêt du Kunsthaus Zürich,
ainsi que Mes étoiles– Concert pour sept peintures (1957–
1959). L’oeuvre interactive Mes étoiles est
présentée sur un mur noir comme le recommandent de récents
travaux scientifiques et tel que les reliefs furent présentés à la
galerie Iris Clert en 1958 et à la galerie Schmela en1959.
L’invention des machines à dessiner Méta-Matics
et, dans leur sillon, les sculptures
Le Transport, ainsi que la collaboration de Tinguely avec
Yves Klein et les activités de l’artiste en Rhénanie constituent
d’autres thématiques de cette époque.
Au deuxième étage, trois espaces d’exposition abordent les
principales périodes de création des années 1960. Le parcours
se poursuit avec trois films consacrés aux actions
destructrices menées par Tinguely au début des années 1960.
Ceux-ci sont projetés sur des écrans suspendus au plafond à
l’intérieur d’un dispositif immersif. Dans la salle suivante, ses
oeuvres en ferraille sont présentées en contraste avec sa série
de sculptures noires exécutées à partir du milieu des années 1960.
La peinture noire qui recouvre chaque élément des sculptures
permet de souligner les mouvements des machines tantôt élégants
et légers, tantôt lourds et martiaux.
La dernière salle est dédiée au grand Plateau agriculturel, une oeuvre majeure réalisée en 1978
à l’aide de machines agricoles, qui n’était plus exposée au Musée Tinguely depuis 2013. Le niveau-1 du musée présente l’oeuvre tardive de l’artiste,
des années 1970 à 1990. Un ensemble de sculptures cinétiques
de la série des Débri(s)collages (1974)–hommage de Tinguely à «l’Homo-do-it-yourself» avec des oeuvres qui
associent perceuses et plumeaux de couleur vive –
est présenté sous un nouveau jour. Deux prêts provenant
de collections particulières ont permis de compléter deux
oeuvres de cette série de la collection du Musée Tinguely.
Les visiteurs ne manqueront pas d’admirer l’oeuvre
Pit-Stop (1984) créée par Tinguely dans une usine Renault,
ainsi que le relief Incitation à la Création (1981) réalisé
sur commande pour ce même constructeur automobile.
Les études réalisées par Tinguely pour la conception du pont Wettstein à Bâle constituent un autre temps fort de la visite.
Au centre de la salle, ses maquettes pour ledit Geisterschiff sont augmentées d’affiches
et de dessins de l’artiste, ainsi que de documents d’archive.
C’est la première fois que les études de Tinguely
–méconnues de la plupart des Bâlois – et le rôle qu’il a joué
dans cet important projet d’urbanisme vers 1990 font
l’objet de recherches et sont présentés à un large public. Café Kyoto (1987), un cabinet de miroirs composé de tables,
de chaises et de lampes colorées et mobiles, clôt admirablement
le parcours.
Le musée expose également de manière permanente
deux grandes sculptures de l’artiste :
la machine-promenade Grosse Méta-Maxi-Maxi-Utopia(1987)
et Mengele-Totentanz (1986). Le guide d’exposition multimédia Meta-Tinguely
Autre nouveauté, le Musée Tinguely lance «Meta-Tinguely»,
un guide d’exposition multimédia destiné à l’ensemble des visiteurs,
tous âges confondus. Ce guide met à disposition des
informations biographiques sur Jean Tinguely et propose de parcourir la collection du musée à travers une sélection
de neuf oeuvres.
Construit autour de trois questions par oeuvre, «Meta-Tinguely»
fournit des informations dans différents formats : textes
explicatifs et courtes citations, mais aussi photographies, galeries
d’images, animations et vidéos. Des anecdotes et des activités
interactives permettent en outre d’approcher l’art de Tinguely de
manière ludique. Chacun devient acteur de ses découvertes.
Dans cette perspective, le Musée a sciemment choisi un format
qui diffère du traditionnel audioguide accessible sur smartphone et
qui exploite davantage le potentiel avant-gardiste, interactif et
ludique de l’art de Tinguely à travers ce support.
Des vidéos permettent de découvrir les mouvements et les bruits
des oeuvres qui ne sontplus–ou rarement activées dans la salle
d’exposition pour des raisons de conservation.
«Meta-Tinguely» est disponible en trois langues
– allemand, français et anglais
–
et peut être consulté comme une application sur smartphone à
partir du site Internet du Musée Tinguely. Les visiteurs disposent
d’un accès Internet Wifi gratuit dans le musée. Sandra Beate Reimann a assuré le commissariat de la nouvelle
présentation de la collection. Elle est également responsable de
la conception et de la conduite du projet de guide d’exposition
multimédia
«Meta-Tinguely»
. Celui-ci a été conçu en coopération
avec Weisswert, studio de conception visuelle, et Sukoa AG, agence
d’applications web interactives. MuséeTinguely
Paul Sacher-Anlage 1 | 4002 Bâle Horaires:
mardi-dimanche, 11h-18h
Site internet:
www.tinguely.ch
Médias sociaux:
@museumtinguely
|
#museumtinguely
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A voir jusqu’au 23 septembre 2018
Les artistes suisses Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger compose un labyrinthe en trois parties truffé de
cabinets de curiosités. Plus de vingt-cinq années de
pratique artistique se déploient et tournoient dans
l’espace du Musée Tinguely, qui se métamorphose en
laboratoire étrange d’une biodiversité aussi naturelle
qu’artificielle. Le public est invité à prendre part à toutes
ces transformations, et, par endroits, à en devenir un sujet actif.
C’est une exposition ludique, d’où vous ne pouvez sortir
qu’enchanté.
Depuis 1997, date à laquelle ils commencent leur collaboration, Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger créent ensemble des
installations in situ, souvent immersives, sous forme d’univers
luxuriants où se côtoient autant d’éléments naturels que d’objets
manufacturés. Transformation, prolifération et cristallisation
fonctionnent comme des composantes à part entière de l’œuvre,
qui se métamorphose au fur et à mesure des réactions chimiques
ou organiques qui se développent au cœur de leurs créations.
Le spectateur est régulièrement invité à traverser un univers
fantastique formé de paysages bariolés ou encore à participer
à des expériences qui éveillent les sens et l’esprit.
Leurs installations, aussi enchanteresses qu’inquiétantes,
tissent des liens entre des mondes antagonistes et proposent
d’observer l’étrange laboratoire du vivant, sa biodiversité,
désormais aussi naturelle qu’artificielle, et de s’interroger
sur les notions de fertilité et de croissance.
Pour cette première exposition revisitant vingt-cinq années
de pratique et englobant toute leur carrière, le duo d’artistes
a choisi de façonner l’espace d’exposition à la manière d’un labyrinthe spatio-temporel. Dès l’entrée, les visiteurs sont
invités à choisir entre trois portes, celles du passé, du présent
ou du futur. Chaque porte ouvre sur un chapitre différent de
l’univers des artistes, qui, à son tour, s’ouvre sur une
multitude de voyages potentiels, répartis en différentes
stations. C’est ainsi que le public pourra traverser une forêt
de branches, s’arrêter dans un salon de massage, faire un tour
en balançoire, verser une larme pour des besoins
esthético-scientifiques, converser avec des professionnels
de la beauté, exercer ses facultés physiques sur des machines
de fitness ou encore mesurer son endurance psychique face
à la puissance tellurique d’un météorite.
Si le visiteur s’aventure dans le passé, il sera amené à voyager
au cœur des créations les plus anciennes du duo. Cet univers
très ordonné s’apparente à une exposition des plus classiques,
avec une présentation d’objets, de vidéos et d’œuvres bidimensionnelles
qui suit les règles établies de la présentation muséale.
Après avoir traversé une cabane de jardinier remplie d’outils
en tout genre, le spectateur accède aux différentes collections
que les artistes ont accumulées au fil des années et notamment
leurs collections de graines
(Schlafende Samen, 2002, Samensammlung aus Mali, 2003).
La graine, embryon de toutes choses, représente aussi bien la fertilité
– cette énergie première dont découle toute forme de vie –
que les racines, celles qui nous relient à notre propre passé c
omme à l’histoire de l’humanité.
Plus loin, la vidéo The Logic of Beauty (2010) entraîne dans un
flux d’images hypnotiques dont les couleurs et dessins dégagent
une séduction magnétique, comme si les artistes avaient capturé
ici l’essence de la beauté.
La beauté est encore au rendez-vous dans les salles suivantes,
celles qui s’ouvrent derrière la porte du présent.
Chaque espace se présente comme une mini-fiction en trois
dimensions, avec son décor, ses acteurs, ses accessoires et
son atmosphère. Au spectateur revient le rôle principal,
celui d’activer l’ensemble, de lui donner vie. Dans chaque salle,
une expérience interactive autour de la notion de beauté
est proposée, tout à la fois scientifique, humoristique et
philosophique. Ici, il faut laisser sa timidité au vestiaire
et se laisser guider par les différents intervenants –
un-e secrétaire, un-e laborantin-e, un-e collecteur de
larmes et un-e personal trainer. Il s’agira, successivement,
d’observer des sécrétions oculaires au microscope et
s’émerveiller devant leurs minuscules circonvolutions,
de se coucher sous une lourde pierre suspendue, de faire
des exercices de concentration ou encore de se reposer
dans le calme.
Plus loin, c’est le futur, avec ses incertitudes, son chaos, son inachèvement.
Les dernières salles sont présidées par une majestueuse forêt buissonneuse
et foisonnante. Un réseau aérien de ramifications fleuries entremêle le
végétal et le factice pour évoquer le fourmillement du vivant.
Labyrinthes aériens et multicolores, les formes qui dansent dans
l’espace agissent comme des déclencheurs de rêves et d’imaginaire.
Cette forêt suspendue s’ouvre sur une salle de fitness dont les machines
sont malicieusement revisitées par les deux artistes, afin que l’exercice
du corps puisse aussi réjouir l’esprit.
Avec Too early to panic, c’est une invitation au voyage que nous
lance Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger. Un voyage qui nous enjoint
à regarder le monde avec un émerveillement renouvelé. Steiner & Lenzlinger vivent et travaillent à Langenbruck, dans le
canton de Bâle-Campagne. Ils ont participé à Expo02 avec une gigantesque Heimatmaschine génératrice de plantes et de cristaux artificiels.
Lors de la Biennale de Venise en 2003, où ils ont représenté la Suisse,
ils créent une installation suspendue, cristalline et légère, flottant
dans l’espace de l’église San Stae. Leurs installations ont également été
montrées au Museum Kunst Palast de Düsseldorf, au Musée du XXIe
siècle à Kanazawa, dans la séculaire Stiftsbibliothek de Saint-Gall
ou encore à la Biennale de Séville, à la Biennale de Moscou,
et plus récemment au Kunsthaus Bregenz.
En 2012, ils reçoivent le Kulturpreis Basel.
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A la veille du XXe s. apparaît partout en Europe le désir
de créer un art de synthèse des différentes disciplines
artistiques. L’érosion des frontières entre arts majeurs
et arts mineurs et la notion d’art total, ou
«Gesamtkunstwerk»,
furent initiées en Autriche par Joseph Hoffmann (1870-1956),
architecte et directeur des ateliers viennois. Son style sobre et
très épuré dans le mobilier et les arts du métal eut une influence
considérable sur les jeunes générations de designers. Oskar Kokoschka (1886-1980), Egon Schiele(1890-1918),
et Le Corbusier se sont formés dans ces fameux ateliers d’art
et d’artisanat, inspirés par le mouvement «Arts and Crafts».
Le palais Stoclet d’Hoffmann à Bruxelles et La frise Beethoven de Klimt présentée dans le pavillon de la Sécession pour l’exposition de 1902 furent de véritables
démonstrations de ce que devait être une œuvre d’art total. Gustave Klimt (1862-1918) fondateur avec Joseph Hoffmann
des «Wiener Werkstätte» fut sans conteste la figure la plus
emblématique de la Sécession viennoise ; provocateur et
iconoclaste, Klimt séduisit toute une génération de jeunes artistes.
Klimt, Kokoschka, Schiele ont refusé de désamorcer
la charge sexuelle de leur peinture montrant parfois les
corps nus dans une crudité radicale. Ils firent comprendre
à leurs contemporains que la peinture avait désormais autre
chose à dire ; qu’elle ne pouvait plus être uniquement une
œuvre décorative destinée à relater l’histoire, ou à orner
les murs des édifices privés ou publics.
C’est à Vienne, avec ces artistes que commence, dans le
dernier quart du XIXe l’art moderne.
En 1897, Gustav Klimt quitta le Künstlerhaus conservateur
avec d’autres artistes et fonda un nouveau groupement
artistique sous le nom de Sécession. 1898 vit l’achèvement
du bâtiment portant de même nom.
Sur le terrain mis à disposition par les autorités municipales
sur la Wienzeile près du Naschmarkt, Joseph Maria Olbrich
érigea pour l’association en 1897/98 un bâtiment d’exposition
moderne de style Art-Nouveau, qui compte aujourd’hui parmi
les édifices les plus connus de Vienne.
La coupole de feuilles dorées (« goldenes Krauthappel »)
est le symbole de la Sécession, et est visible de très loin.
L’architecture créa jadis l’agitation parmi la population.
Le terrain de construction d’origine situé à l’angle
Ringstraße/Wollzeile dut être abandonné suite à
de véhémentes protestations.
(source canal académie)
La Frise Beethoven de Gustav Klimt voir la vidéoest exposée au sous-sol. L’œuvre de 34 m de long est une interprétation virtuose de la 9e symphonie de Beethoven et a été achevée par le peintre d’exception Klimt pour une exposition en 1902.
Aux étages supérieurs, près de 20 expositions temporaires
d’artistes contemporains sont présentées chaque année sur
une surface d’exposition de 1000 m².
La devise du groupement d’artistes trône au-dessus
du portail d’entrée : À chaque âge son art, à chaque art sa liberté
C’est jusqu’au 28 OCTOBRE 2018.
La Fondation de l’Hermitage présente pour l’été 2018
une grande exposition consacrée à Henri Manguin (1874-1949)
retraçant les premières années du parcours artistique de cet
amoureux de la couleur, surnommé le « peintre voluptueux »
par Apollinaire. Manguin un artiste de seconde zone ? Un éblouissement
de couleurs.
Il réunit et devance Matisse, Cézanne, Renoir, van Gogh
et bien d’autres.
Dans la chronologie de sa production, on suit aisément
l’histoire de l’art et sa progression.
Pourquoi cet artiste est quelque peu ignoré ?
Parce que trop de collectionneurs surtout suisses, s’y sont
intéressé et ont acquis et collectionné très vite ses toiles.
Quoique né en France à Paris, décédé à St Tropez,
il a séjourné en Suisse pendant les années de guerre,
l’exposition montre l’évolution de son art à l’abri des événements
tragiques qui frappent l’Europe.
A Lausanne, la ville où, réformé du service militaire, Manguin put abriter sa famille au cours
de la Première Guerre mondiale, au coeur d’un pays
qu’il découvrit dès 1910 et qui, d’emblée, réserva
un accueil particulièrement enthousiaste à son art.
Les oeuvres de Manguin sont peu nombreuses dans
les collections publiques françaises.
En cohérence avec le parcours du peintre, dont les
années suisses sont évoquées ici dans l’essai de Corinne Currat, (catalogue) l’étape lausannoise de
l’exposition est amplifiée d’une section réunissant
des oeuvres réalisées par Manguin pendant son séjour
dans ce pays.
Le peintre a très tôt conquis les amateurs les plus audacieux
de son temps, qui ont souvent choisi
d’acquérir les oeuvres phares de la période fauve.
L’Américain Leo Stein fut l’un des premiers à s’y
intéresser, avec les Russes Sergueï Chtchoukine et
Ivan Morozov.
C’est la Suisse qui a réservé le meilleur accueil à l’oeuvre
de Manguin. Grands défenseurs de l’art français, Arthur et Hedy Hahnloser ont agi en mécènes et
ont constitué une des collections les
plus nombreuses des oeuvres de Manguin, qui fut
aussi le portraitiste attitré et l’ami de la famille.
Ainsi, la villa Flora à Winterthour fut longtemps une
destination de choix pour mieux le connaître. L’exposition
de la collection Hahnloser à la Fondation de l’Hermitage
à Lausanne en 2011 et le somptueux ouvrage
publié sous la direction de Margrit Hahnloser-Ingold ont
certainement contribué à sa redécouverte.
L’accent est mis sur la période
fauve, durant laquelle Manguin accompagne et parfois même
précède les audaces de ses amis peintres, en quête de
nouveaux moyens expressifs par le biais de la couleur.
Offrant de somptueuses harmonies chromatiques,
les toiles de cette époque témoignent d’un talent et
d’une inventivité rares.
C’est à l’Ecole des arts décoratifs que Manguin fait
en 1892 la connaissance d’Albert Marquet et
d’Henri Matisse. Ils entrent à l’Ecole des beaux-arts en
novembre 1894, dans l’atelier de Gustave Moreau,
et forment alors un groupe de jeunes peintres qui,
avec André Derain et Maurice de Vlaminck,
seront baptisés « fauves » au Salon d’automne de 1905.
Fidèle à l’expression d’une sensualité
heureuse, Manguin a pour sujets de prédilection les nus,
les paysages méditerranéens, les scènes de
la vie de famille et les natures mortes, qui sont autant
d’hommages au bonheur de vivre.
Les oeuvres peintes par Manguin au tournant du siècle
témoignent d’un talent et d’une originalité rares dans
l’organisation chromatique du tableau ainsi que d’un
hédonisme précoce. Doué pour le bonheur, doté d’une
sensibilité particulière aux promesses de la nature, Manguin est un fauve ardent. Son instinct le porte à
privilégier d’éclatantes harmonies, sans mettre en péril
la cohésion des formes. Bien connue, la comparaison des
deux oeuvres peintes côte à côte par Manguin (La gitane à l’atelier) et par Matisse
(La gitane, 1906, Saint-Tropez, musée de l’Annonciade,
dépôt du Centre Pompidou, musée national d’Art moderne) est suffisamment parlante à cet égard.
Dès 1904, Manguin use de tonalités particulièrement intenses,
souvent indépendantes de la réalité observée (Devant la fenêtre, rue Boursault, collection privée ; Saint-Tropez,
le coucher de soleil).
Il innove en privilégiant un traitement original de l’espace
où la géométrie des plans colorés brise très tôt
les conventions de la perspective linéaire traditionnelle
et compose un fond abstrait sur lequel se détache la figure
principale (La petite Italienne).
La liberté avec laquelle Manguin décrit le port de Saint-Tropez et ses barques de
pêche pavoisées le 14 juillet 1905
(Le 14 juillet à Saint-Tropez, côté gauche,
collection privée et Le 14 juillet
à Saint-Tropez,côté droit, collection privée), précède à l’évidenceles rues pavoisées du Havre peintes
par Dufy et Marquet lors de la fête nationale de 1906
(Raoul Dufy, La rue pavoisée, 1906, Paris, Centre Pompidou,
musée national d’Art moderne, et Albert Marquet,
Le 14 juillet au Havre, 1906, Paris,
Centre Pompidou, musée national d’Art moderne).
Et que dire de l’organisation colorée magistrale dont le peintre
fait preuve dès 1905 avec Les gravures acquises par la baronne
Carmen Thyssen-Bornemisza.
Au centre de la composition, il oppose un nu en pleine
lumière et une robe noire aux reflets bleutés, en un somptueux
contraste qui s’épanouit au coeur du cercle chromatique composé
par les motifs du décor, du papier peint et des tissus chamarrés.
L’exposition compte une centaine d’oeuvres (peintures,
aquarelles et dessins) et s’ouvre avec une
section dédiée à la formation du peintre qui, très tôt,
se distingue dans l’organisation colorée de ses
compositions. La période fauve est ensuite à l’honneur
avec des oeuvres réalisées à Saint-Tropez,
dont les couleurs intenses reflètent l’éblouissement
méditerranéen. Flamboyants, ces tableaux
– essentiellement des nus et des paysages arcadiens –
disent l’exaltation de Manguin et son épanouissement
artistique au sein d’une nature édénique. Un ensemble de
dessins et d’aquarelles illustre sa pratique précoce de ces
techniques, décisives dans la recherche d’équilibre de la
composition et de la libération de la couleur à l’aube du
XXe siècle. Les années de guerre passées en
Suisse sont également évoquées, montrant l’évolution
de son art à l’abri des événements tragiques
qui frappent l’Europe.
Cette manifestation est le fruit d’un partenariat avec
le musée des impressionnismes Giverny, qui a
accueilli la première étape de l’exposition du 14 juillet
au 5 novembre 2017.
Un catalogue richement illustré est édité à cette occasion,
avec les contributions de spécialistes de Manguin et du fauvisme : Corinne Currat, Charlotte Hellman, Dominique Lobstein et Jean-Pierre Manguin.
Commissariat scientifique : Marina Ferretti, directrice
scientifique du musée des impressionnismes Giverny CONFÉRENCES Jeudi 6 septembre à 18h30
Manguin et la Suisse
par Corinne Currat, chargée de projets d’exposition à
la Fondation de l’Hermitage Jeudi 20 septembre à 18h30
Les peintres face à la couleur (1860 – 1914)
par Michel Pastoureau, historien des couleurs,
voir et écouter sur youtube des images et des symboles Jeudi 11 octobre à 18h30
Manguin, la volupté de la couleur
par Marina Ferretti, directrice scientifique du musée
des impressionnismes Giverny, commissaire de l’exposition
Audioguides pour adulte
Jean-Pierre Manguin, petit-fils de l’artiste et conservateur
des archives Manguin, prend la parole au micro de la
journaliste culturelle Florence Grivel.
En français et en anglais, gratuit
L’exposition et son catalogue bénéficient du généreux soutien de :
La Fondation de l’Hermitage est généreusement soutenue par : Fondation de l’Hermitage
direction Sylvie Wuhrmann
Route du Signal 2 tél. +41 (0)21 320 50 01
CH – 1018 LAUSANNE fax +41 (0)21 320 50 71
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e-mail info@fondation-hermitage.ch
Partager la publication "MANGUIN La volupté de la couleur"
Du 30 juin au 29 juillet 2018, la Fondation Beyeler
présente dans la gare centrale de Zurich un projet de
l’artiste brésilien Ernesto Neto, né en 1964 à Rio de Janeiro.
« Il est important de ralentir, de respirer et d’aller en nous. Dans notre quotidien fiévreux et compétitif, nous avons rarement cette possibilité. Je veux permettre aux visiteurs de se départir de leur peur et de se concentrer sur eux-mêmes dans ce moment précis. Je veux qu’ils prennent conscience de leur existence, qu’ils sentent avec leurs mains, leur cerveau et leur coeur – et qu’à partir de là, ils ressentent les autres et la poésie d’être vivant! »
L’oeuvre monumentale GaiaMotherTree est
une sculpture arborescente polychrome, faite de bandes
de coton multicolores crochetées à la main, qui
s’étire jusqu’au plafond du hall de gare à 20 mètres
de hauteur. GaiaMotherTree, que les visiteurs
peuvent pénétrer et découvrir depuis l’intérieur,
constitue un lieu de rencontre, d’échange et de
méditation, qui accueille une programmation riche
et variée pour adultes et pour enfants comprenant
musique, méditations, ateliers, visites guidées de
l’oeuvre et conférences.
Ernesto Neto compte parmi les artistes contemporains
les plus éminents du Brésil. Son travail jouit d’une
grande reconnaissance, notamment suite à plusieurs
participations à la Biennale de Venise et expositions
dans des musées de premier plan à travers le monde.
Ses oeuvres sont présentes dans les collections du
Museum of Modern Art (MoMA) et du musée Solomon
R. Guggenheim à New York, de la Tate à Londres,
du Centre Pompidou à Paris et du Musée d’art
contemporain de Hara à Tokyo.
L’art de Neto est marqué à la fois par le néo-concrétisme
brésilien des années 1960, le minimalisme, l’art
conceptuel et l’arte povera.
Spiritualité, humanisme et écologie sont des aspects
déterminants de son travail. Depuis les années 1990,
ses oeuvres se distinguent par leurs matériaux et leurs
techniques artistiquement atypiques. Matières organiques
et formes biomorphes sont caractéristiques de ses
sculptures. La sensualité, la transparence et l’esprit de
communauté y jouent souvent un rôle majeur. Les
oeuvres peuvent être touchées, foulées, traversées
ou mises en mouvement, et mobilisent volontiers le sens
olfactif. Les visiteurs sont invités à se concentrer sur
leurs perceptions et à interagir avec l’oeuvre et leur
environnement.
Depuis 2013, Ernesto Neto collabore étroitement
avec les Huni Kuin,une communauté indigène de l’Amazonie brésilienne proche de la frontière
péruvienne.
Leur culture, leurs coutumes, leur langue, leur
savoir, leur artisanat, leur esthétique, leurs valeurs,
leur vision du monde et leur lien spirituel à la nature
ont bouleversé la conception artistique de Neto et sont
devenus des composantes essentielles de son art.
Les oeuvres qui résultent de cet échange artistique
et spirituel invitent à un temps d’arrêt et à la
contemplation intérieure, mais aussi à la discussion et
à l’affrontement collectif de thèmes tels la relation
de l’homme à la nature, les questions de durabilité ou
la sauvegarde et la diffusion des savoirs d’autres
cultures. GaiaMotherTree est une oeuvre entièrement faite
main.
Des bandes de coton ont été crochetées avec les
doigts et nouées en une gigantesque sculpture diaphane.
Sa forme rappelle celle d’un arbre dont la cime
touche le plafond du hall de la gare. Au pied de l’arbre
se trouve un grand espace où les visiteurs
peuvent s’attarder et s’installer sur des sièges disposés
en cercle. Des éléments en forme de gouttes
pendant du plafond sont remplis d’épices odorantes et
de semences.
A l’occasion de ce projet réalisé dans l’espace public,
des oeuvres de Netosont également visibles à la Fondation Beyeler. La salle centrale du musée présente
des sculptures historiques majeures des années
1980 et 1990, tandis que le parc accueille Altar for a Plant de 2017.
Michiko Kono, Associate Curator à la Fondation Beyeler Parmi les projets réalisés dans l’espace public par la Fondation Beyelerdepuis sa création en 1997 avec
des oeuvres d’artistes tels Christo et Jeanne-Claude,
Louise Bourgeois, Jeff Koons et Jenny Holzer, GaiaMotherTree d’Ernesto Neto occupe une place
particulièrement marquante. Il s’agit tant pour Ernesto Neto que pour la Fondation Beyeler d’un projet ambitieux
et exigeant, dont la mise en oeuvre aura requis quatre ans au total. La réalisation de GaiaMotherTree, arbre gigantesque de 20 mètres de haut dont la couronne occupe une surface de 40 x 28 mètres, a nécessité 10 220 mètres linéaires d’étoffe de coton. Cette étoffe a été découpée en bandes, qui ont ensuite été teintées. Au cours de plusieurs semaines de travail, 10 collaborateurs d’Ernesto Neto et 17 assistants auxiliaires instruits par l’artiste ont crocheté ces bandes avec les doigts et les ont nouées en une gigantesque sculpture. Au total, la confection de GaiaMotherTree a duré trois mois, et son transport par
bateau traversant l’Atlantique vers l’Europe quatre semaines. Des contrepoids en forme de gouttes pendant
de l’arbre, qui donnent sa forme à l’oeuvre et la stabilisent, sont remplis avec un total de 420 600 klgr
d’épices moulues : 140 kilogrammes de curcuma, 140 kilogrammes de clous de girofle, 70
kilogrammes de cumin et 70 kilogrammes de poivre noir. Le contrepoids central contient 70 kilogrammes
de semences. La mise en place de l’installation dans son lieu d’exposition, le somptueux hall de la gare centrale
de Zurich réalisé il y a presque 150 ans, n’a nécessité ni trou ni clou. Les contrepoids sont accrochés
aux poutres métalliques du plafond du hall de gare. Au sol, 840 kilogrammes de terre lestent et ancrent l’oeuvre. Ce jeu avec les lois physiques de la pesanteur et cette quête d’équilibre sont caractéristiques
du travail artistique d’Ernesto Neto depuis ses débuts dans les années 1980. Avec GaiaMotherTree, Neto établit un lien avec l’histoire
de la création. D’une part, le titre de l’oeuvre convoque la mythologie grecque. Gaia, la Terre personnifiée,
émerge du chaos, du début de toutes choses. Elle est à la fois la déesse-mère qui donne la vie et
la déesse de la mort qui accueille les défunts. Neto place la «Terre mère» au coeur même de sa sculpture :
sur le tapis qui se trouve à l’intérieur de GaiaMotherTree figure une carte du monde dont
l’océan Atlantique forme le centre. D’autre part, l’image de l’arbre se réfère au récit biblique du jardin d’Éden
et à l’arbre de la connaissance. Les bancs de forme serpentine répartis à l’intérieur de la sculpture et son tunnel
d’entrée évoquant une tête de serpent font allusion à Adam et Ève et à la Chute. Ces références parallèles
à la cosmogonie mythologique et à la Genèse de l’Ancien Testament témoignent de la conception
qu’a Ernesto Neto d’une universalité sous-tendant toutes les traditions spirituelles.
Ernesto Neto s’engage contre la perte générale de
spiritualité qui gagne les civilisations dans lesquelles triomphe la richesse matérielle. Il trouve un encouragement
dans le lien spirituel à la nature entretenu par les Huni Kuin, communauté indigène de l’Amazonie brésilienne
qui a fortement influé sur sa pratique artistique. Neto collabore étroitement avec eux depuis 2013
et leur culture, leurs coutumes, leur langue,
leur savoir, leur artisanat, leur esthétique, leurs valeurs et
leur vision du monde sont devenus des
composantes essentielles de son art. Pour les Huni Kuin,
la collectivité et le souci du bien commun jouent
un rôle décisif. De manière comparable, l’esprit de
communauté forme un trait distinctif de l’art d’Ernesto Neto. Avec ses oeuvres qui mobilisent la vue, le toucher, l’ouïe et l’odorat, il invite le spectateur à devenir participant. L’oeuvre peut être touchée, foulée ou mise en mouvement. Le spectateur est invité à se concentrer sur ses perceptions et à interagir avec l’oeuvre et son environnement. GaiaMotherTree propose un lieu de rencontre, de rassemblement, de discussion, de méditation et de répit. Neto a par ailleurs invité le public à s’impliquer en amont en collectant des noyaux de fruits : ajoutés à des semences de légumineuses telles les fèves et les pois chiches, ils lestent la goutte tombante centrale et servent de contrepoids, avant d’être distribués au public et aux passants à la fin de l’exposition. Par l’utilisation de ces semences en tant que symbole supplémentaire du cycle de la vie, Neto pointe aussi la diffusion fulgurante de semences transgéniques et ses conséquences inquiétantes telles les répercussions sur l’environnement et la santé, le danger d’une perte irréversible de semences non génétiquement modifiées, la position de monopole de grands groupes de l’industrie alimentaire ou la menace de la biodiversité.
En rendant accessible au public l’intérieur de GaiaMotherTree, Ernesto Neto crée un espace de communauté qui permet un échange sur ces sujets. Pendant le week-end d’ouverture se tiendra l’Assembleia MotherTree, forum ouvert au public d’échange interdisciplinaire et interculturel entre les représentants des familles indigènes Huni Kuin, Yawanawa et Tukano et des scientifiques, des chercheurs, des activistes et des artistes du monde entier. Le format de l’assembleia (terme portugais pour «assemblée générale») puise ses racines dans la tradition des Huni Kuin, mais fait aussi écho à la coutume suisse de la Landsgemeinde. Pendant deux jours, les participants se pencheront sur des thèmes touchant au développement et à l’avenir de la planète Terre qui occupent également une place centrale dans l’oeuvre d’Ernesto Neto. Il s’agit d’éveiller une prise de conscience collective des menaces auxquelles est exposé l’environnement et de la manière d’y faire face. Avec GaiaMotherTree, Neto s’empare de l’important motif culturel de l’arbre. Symbole de grandeur, de puissance, de longévité, de stabilité ou de fertilité, emblème de sécurité ou de menace, l’arbre apparaît dans toutes les cultures, dans les croyances populaires, les contes, les mythes, la poésie, les écrits religieux et philosophiques et la pensée mystique. Il a été représenté dans d’innombrables oeuvres artistiques, que ce soit en tant que quintessence du monde naturel ou en tant qu’image symbolique. En 1911, Gustav Klimt a réalisé dans la salle à manger du Palais Stoclet à Bruxelles une frise en mosaïque dont le motif principal est un arbre de vie. La représentation stylisée de l’arbre a marqué une étape importante de l’évolution de Piet Mondrian vers la peinture non figurative et le constructivisme. En 1982, dans le cadre de la Documenta à Kassel, Joseph Beuys a planté le premier de ses 7000 chênes, lançant ainsi son action d’inspiration écologique S tadtverwaldung statt Stadtverwaltung
(«Reboiser les villes au lieude les administrer»).
Quant à Giuseppe Penone, il est connu pour ses oeuvres dans lesquelles l’arbre, qu’il qualifie de sculpture parfaite, forme la base de ses
réflexions sur la sculpture.
Dans GaiaMotherTree se déploient des liens intéressants
entre la version artistique d’un arbre que propose Ernesto Neto et son pendant botanique. Colonia, oeuvre créée par Neto peu de temps après sa première
exposition personnelle en 1988 et exposée à la Fondation Beyeler
à Bâle en parallèle à la présentation de GaiaMotherTree, est composée de bas de nylon fins et fragiles,
remplis de lourdes et dures billes de plomb
disponibles en tant que projectiles pour armes à feu.
Dans cette oeuvre, le féminin et le masculin se
rencontrent. Soulevé, le collant fait penser à un organe masculin;
au sol, son ouverture prend la forme d’une vulve. Ces principes formels
féminin-masculin et la fusion des deux sexes apparaissent dans
plusieurs oeuvres de Neto – une correspondance frappante
avec certains arbres tels les arbres fruitiers et
les magnolias, hermaphrodites dont les fleurs portent
des étamines mâles et des carpelles femelles.
La communication entre les arbres est un autre aspect
qui établit un lien entre GaiaMotherTree et le
monde des plantes. Cette communication fait l’objet de
recherches scientifiques, entre autres à la
University of British Columbia à Vancouver.
Il a été mis en évidence que le système racinaire des arbres
formait un réseau servant à échanger du carbone,
des nutriments et des informations. Ainsi, lorsqu’un
arbre est attaqué par des parasites, il utilise le système
racinaire pour envoyer des signaux aux autres
arbres afin que ceux-ci puissent se préparer à la menace
avec des anticorps adaptés. Lorsqu’un arbre est
affaibli, les autres lui transmettent des nutriments par
leurs racines. Les arbres les plus massifs et les plus
anciens sont les plus fortement interconnectés et
portent une attention toute particulière au bien-être de la
communauté des arbres. Les scientifiques leur ont donné
un nom éloquent : mother tree (arbre mère).
Notre civilisation n’accorde pas d’action intentionnelle
aux plantes, alors qu’il s’agit là pour les Huni Kuin
d’une évidence. Leurs chamanes se définissent entre autres
par leur capacité à communiquer avec les plantes.
L’utilisation de matériaux textiles est un aspect caractéristique
de l’oeuvre d’Ernesto Neto. Utilisant des
tissus initialement synthétiques, puis de plus en plus naturels,
il crée depuis ses débuts des sculptures aux
formes biomorphes dont les surfaces se démarquent par
leur fragilité, leur élasticité et leur transparence.
Au milieu des années 1990, il introduit dans son langage
formel des épices moulues odorantes et colorées.
Les épices – tout comme les textiles – évoquent une certaine
fragilité et une notion d’éphémère. Leurs arômes s’estompent
avec le temps et elles sont facilement emportées par les flux d’air.
Malgré la vulnérabilité de ses matériaux, pour Neto l’approche
tactile et corporelle à ses oeuvres est essentielle. Il
accorde ainsi au spectateur sa confiance et une grande part
de responsabilité. Avec des espaces immersifs
comme GaiaMotherTree, il lui offre par ailleurs un moment
de bien-être. Comme le dit l’artiste: «Take off your shoes and feel free to walk in, lie down, take a
nap, dream. »
Biographie
Ernesto Neto
Ernesto Neto est né en 1964 à Rio de Janeiro.
De 1994 à 1997, il y fréquente l’Escola de Artes Visuais do
Parque Lage et suit des cours au Museu de Arte Moderna
do Rio de Janeiro. Dès 1988, une première
exposition personnelle lui est consacrée dans sa ville
natale à la Petite Galerie. En 1996, ses oeuvres sont
présentées pour la première fois à l’étranger. Aujourd’hui, Ernesto Neto compte parmi les artistes
contemporains les plus éminents du Brésil.
Il a participé plusieurs fois à la Biennale de Venise et
fait l’objet de nombreuses expositions dans des musées
majeurs du monde entier.
L’art d’Ernesto Neto est marqué à la fois par le néo-concrétisme
brésilien des années 1960, le minimalisme,
l’art conceptuel et l’arte povera. Spiritualité, humanisme
et écologie sont des aspects déterminants de son
travail. Depuis les années 1990, ses oeuvres se distinguent
par leurs matériaux et leurs techniques
artistiquement atypiques. Les formes biomorphes et
les matières organiques sont caractéristiques de ses
sculptures. La sensualité, la transparence et l’esprit de
communauté y jouent souvent un rôle majeur. Les
oeuvres peuvent être touchées, foulées, traversées ou mises
en mouvement, et impliquent volontiers plusieurs
sens à la fois. Outre la vue et le toucher, l’utilisation
d’épices odorantes permet à l’artiste de mobiliser aussi le
sens olfactif. Les visiteurs sont invités à se concentrer
sur leurs perceptions et à entrer pleinement en contact
avec l’oeuvre et leur environnement. Il se crée ainsi une
nouvelle forme d’interaction qui sonde et redéfinit les
frontières entre l’oeuvre et le spectateur, l’organique et
l’artificiel, mais aussi entre les sphères naturelles,
spirituelles et sociales.
Depuis 2013, Ernesto Neto collabore étroitement avec
les Huni Kuin, une communauté indigène de l’Amazonie
brésilienne proche de la frontière péruvienne. Leur culture
et leurs coutumes, leur savoir et leur lien à la nature
ont bouleversé la conception artistique de Neto et en sont
devenus des composantes essentielles. Les oeuvres
qui résultent de cet échange artistique et spirituel invitent
à un temps d’arrêt et à la contemplation intérieure,
mais aussi à la discussion et à l’affrontement collectif
de thèmes tels la relation de l’homme à la nature, les
questions de durabilité ou la sauvegarde et la diffusion
des savoirs d’autres cultures.
Manifestations, évènements ouverture à
trouver ici sous Fondation Beyeler
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Si vous n’avez pas la possibilité d’entreprendre un long
voyage, d’aller dans les Andes en Argentine, à Colomé,
à 2 200 mètres d’altitude, où un collectionneur suisse Donald Hess, lui a consacré un écrin de solitude,
au coeur des vignes, baignées de soleil 350 jours par an,
(le musée est logé dans la bodega Colomé, loin des
capitales de l’art et autres centres artistiques, un
lieu désert et paradisiaque,
pour s’y rendre le périple est un vrai pèlerinage.)
Vous pouvez, plus près de chez nous, vous délecter et pénétrer dans
les oeuvres de James Turrell, au musée Frieder Burda de
Baden Baden
où une exposition lui est consacrée jusqu’au 28 octobre 2018.
L’artiste James Turrel, travaille avec un seul et unique média d’expression, la lumière. Son art vous enveloppe, il n’est jamais figuratif, et ne représente rien de concret, il met juste en avant la force immatérielle de la
lumière et l’effet qu’elle peut avoir. Une sensation de paix, de claustrophobie, toutes sortes d’émotions, mais
aussi le silence s’installe.
James Turrel a étudié les mathématiques, dans son art
pas d’objet, rien de figuratif, rien que de la lumière.
Ses installations ont pour but de nous faire vivre des expériences
sensorielles, la lumière remplit l’espace et le transforme,
ses installations se vivent, elles provoquent des émotions
qui vont bien au-delà de la simple observation.
Une expérience magique attend celui qui s’immerge
dans les espaces lumineux de James Turrell :
la lumière colorée et changeante y rend l’espace infini.
Né en 1943 à Los Angeles, Turrell se passionna très tôt
pour le vol et il nomme le ciel son atelier, son matériau
et sa toile. Dans les années 1960, marqué par l’Art minimal
et le Land Art, il utilise diverses techniques qui donnent
une présence physique à la lumière immatérielle. L’exposition « The Substance of Light » du Musée Frieder Burda a été conçue en étroite collaboration
avec lui. Depuis plus de cinq décennies, Turrell réunit dans
son travail la pensée conceptuelle à la science, la technologie
et la spiritualité en une forme d’art unique.
L’oeuvre se créée dans la perception du spectateur,
laquelle se trouve aiguisée au point qu’il puisse,
comme le dit Turrell, « voir sa propre vision ».
C’est ce que l’on réalise dès le début de l’exposition en entrant
dans l’immense espace lumineux Apani ; une oeuvre qui fit
fureur dès 2011 à la Biennale de Venise. Turrell donne
le nom de Ganzfeld à ces installations qui font pénétrer le
visiteur dans un espace à la fréquence lumineuse composée
spécifiquement, et qui semble dénué de frontières.
Un phénomène paradoxal se déclenche alors : l’attention se
déplace de l’extérieur vers l’intérieur, et engendre une
observation méditative. « D’une certaine manière »,
explique l’artiste, la lumière réunit l’univers spirituel et le monde physique éphémère ». La proximité de Turrell avec
la peinture se manifeste dans l’une de ses installations
intitulée Wedgework dans laquelle des projections donnent
naissance à des murs et barrières de lumière colorée.
Si elles suggèrent la profondeur, elles rappellent aussi les
toiles monochromes du Colorfield Painting.
Le projet le plus ambitieux de Turrell, Roden Crater,
est présenté ici également : lors d’un vol en avion, l’artiste
découvre dans les années 1970 un volcan éteint dans
le désert de l’Arizona et il le transformera désormais
en une sorte d’observatoire astronomique. Le système de
salles souterraines, puits de mine et galeries ressemble à
un temple uniquement consacré à la lumière.
Une sélection de maquettes et de photographies ainsi
qu’un film documentaire permettent de donner une idée
de la plus grande oeuvre d’art existante sur notre planète.
La mezzanine abrite des maquettes des installations de Turrell : cette partie de l’exposition est consacrée aux Skyspaces – des pièces aux proportions spécifiques dont
les plafonds présentent des ouvertures par lesquelles
on peut regarder le ciel comme s’il s’agissait d’un tableau
vivant. À l’étage supérieur, c’est une série de travaux
sur la lumière de dimensions plus modestes que l’on peut
voir, comme les Shallow Spaces Constructions,
qui font apparaître des cadres lumineux devant un mur ou
dans un espace de lumière, ainsi que l’une ses Projection Pieces. Un projecteur fait flotter dans un coin
de la pièce un cube phosphorescent. Dans le cabinet, on peut
découvrir des travaux de la Hologram Serie, montrés au
public pour la première fois.
Au sous-sol enfin, une oeuvre nouvelle créée pour le Musée Frieder Burda attend le visiteur : Accretion Disk fait partie des Curved Wide Glass Series,
dont les objets voient leur couleur se transformer au fil
des heures. L’aspect cosmique de l’art de James Turrell est ici perceptible : en astrophysique, un disque d’accrétion
est un disque composé de gaz ou de poussière interstellaire
évoluant autour d’une étoile nouvellement née. Museum Frieder Burda
• Lichtentaler Allee 8b • 76530 Baden-Baden
Telefon +49 (0)7221 39898-0
• www.museum-frieder-burda.de
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