Autoportrait mis en regard de ceux de ses parents
Jusqu’au 11 octobre 2021 au Musée Unterlinden, de Colmar
Commissaire de l’exposition :
Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice en chef
« Souvent je fais des formats assez grands car je veux que le spectateur puisse physiquement pénétrer dans la peinture […] il y a un rapport physique entre le spectateur et la peinture ».
Yan Pei-Ming – l’atelier A, Arte vidéo, entretien réalisé en octobre 2012.
Tout à fait exact, surtout lorsque vous pénétrez au 2e étage, que vous vous retrouvez seul, dans cette grande salle, face aux grandes toiles, l’émotion vous saisit. C’est une expérience tout à fait singulière d’être confronté si directement
avec les oeuvres.
C’un parcours qui réunit plus de 60 tableaux et dessins, dont un ensemble d’oeuvres inédit. Le parcours se développe ensuite de façon magistrale par la présentation des peintures monumentales de Yan Pei-Ming déployées sur les deux niveaux de l’Ackerhof. Six sections chrono-thématiques illustrent plusieurs sujets récurrents et emblématiques du travail de l’artiste.
J’avais un peu délaissé Yan Pei Ming, au vue de ses portraits de Mao, qui me semblaient toujours analogues, puis je suis allée à Dijon, voir
L’HOMME QUI PLEURE, puis à Paris au Petit Palais, Courbet Corps-à-corps, l’exposition précédemment exposée à Ornans, puis à Orsay, L’Enterrement à Ornans de Gustave Courbet, au fur et à mesure je devenais « YanPeiMingphile »
Prélude – Galerie, cabinet d’art graphique
En prélude à l’exposition, un portrait inédit de la grand-mère de (1976) marque les débuts de l’histoire du peintre. Alors âgé de 16 ans, il cherche sa voie et interroge ses racines dans le cercle familial. Cette oeuvre est accompagnée de ses premiers autoportraits, réalisés en Chine et peu après son arrivée en France, lorsqu’il était élève à l’école supérieure des Beaux-Arts de Dijon.
L’ensemble présenté à Colmar appartient au fonds privé de l’artiste ; il est présenté pour la première fois dans une exposition en France.
Ackerhof ̶ Niveau 1
Mao
« Mao pour moi c’est une sorte de laboratoire. Je fais tous mes essais, toutes mes expériences sur ses portraits ».
Discussion de M. Nuridsany avec Yan Pei-Ming in L’art contemporain chinois, Paris, Flammarion, 2004, p.50.
L’accrochage débute avec la figure de Mao Zedong, le célèbre fondateur et dirigeant de la République populaire de Chine. Sujet par excellence de la peinture de propagande chinoise au sein d’une tradition artistique qui méprise pourtant le portrait, Mao a été le premier sujet traité par l’artiste en Chine, dès 1974, et celui qui l’a rendu célèbre en France au milieu des années 1980.
La mort s’impose chez Yan Pei-Ming comme un thème incontournable, tant dans son travail que dans sa réflexion existentielle.
Le Père
Le parcours se poursuit avec des portraits du père de l’artiste, où Yan Pei-Ming porte sur lui un regard mêlé d’intransigeance, de tendresse et d’empathie.
La démarche de Yan Pei-Ming donne d’emblée la même importance aux figures d’anonymes qu’à celle de Mao. Le portrait devient celui de l’homme en général, un portrait universel, le prétexte à la représentation d’une forme d’humanité.
«Tous les portraits de mon père que je fais en ce moment s’appellent ‘L’homme le plus… A travers lui, je peux imaginer toute l’humanité ».
« Je ne fais pas trop de différence entre Mao et mon père (…) On nous a toujours dit, en Chine, que Mao était plus important que notre père. Mais, moi, je n’étais pas d’accord (…) Évidemment que Mao, c’est le père ».
Bouddha
« Depuis tout petit, j’étais énormément attiré par tout ce qui touche et concerne le bouddhisme, parce que je suis né dans un temple et que j’ai baigné dans la culture bouddhiste dès le départ. Pour moi, ce n’est pas difficile d’avoir accès à Bouddha. Quand j’étais tout petit, je faisais déjà des Bouddha pour en offrir à la famille autour de moi. Parce qu’à l’époque on n’en trouvait pas. Il faut toujours avoir un côté rebelle ». Entretien de Fabian Stech avec Yan Pei-Ming in Yan Pei-Ming, Fils du dragon, 2e éd., Dijon, Les presses du réel, 2004, p.9.
Paysage international
Il avait été marqué en 1978 à Shanghai par l’une des premières expositions d’art étranger consacrée au paysage français du XIXe siècle.
En France, ce genre entre dans le corpus de son oeuvre sous le titre générique Paysage international au milieu des années 1990, décrivant un environnement géographique non identifié et commun à tous les continents.
Comme l’ensemble de sa peinture, ils sont majoritairement monochromes et peints selon la même technique et avec la même énergie.
Autoportraits
La grande salle d’exposition du Musée Unterlinden est consacrée aux récents autoportraits de l’artiste. Dans la tradition des vanités et des memento mori, Yan Pei-Ming se représente aux différents âges de sa vie. Ses portraits, mis en regard de ceux de ses parents, composent un hommage émouvant et sensible.
Dans la dernière section de l’exposition, face au chaos du monumental paysage Ruines du temps réel, émerge l’imposant triptyque Nom d’un chien ! Un jour parfait (2012), première représentation en pied de Yan Pei-Ming, frontal, vertical, jaillissant de l’espace abstrait de la toile, comme un symbole de rédemption.
Nom d’un chien ! Un jour parfait 2012,
triptyque, huile sur toile, 400 x 280 cm/toile
Collection particulière, France
« C’est une peinture un peu particulière dans mon oeuvre car c’était la première fois que je me représentais en entier depuis le nu à la gouache de 1982. Cette fois-ci, avec un jeans déchiré pour montrer que je suis à la mode. Le petit détail qui tue ! Une fois la peinture finie, je me suis dit qu’elle irait très bien dans la chapelle (chapelle de l’oratoire de Nantes) et que le titre pourrait être « Un jour parfait ». Xavier Douroux est passé me voir à l’atelier et a crié « Nom d’un chien ! » en voyant la peinture. Je lui ai demandé : « Qu’est-ce que ça veut dire ? » et il m’a répondu : « Que je suis choqué. » Je ne comprenais pas vraiment la signification, mais j’ai trouvé l’expression très belle. Alors j’ai combiné les deux idées, ce qui a donné
Nom d’un chien ! Un jour parfait. C’est surtout la réaction de Xavier que j’avais en tête, parce que « Un jour parfait » c’est un peu trop lisse, ça ne choque personne ».
La position christique, en lévitation, comme les sculptures d‘Adel Abdessemed sont en écho au célèbre Retable d’Issenheim.
Pandémie
Le tableau Pandémie a été peint à l’initiative de Yan Pei-Ming pour l’exposition « Au nom du père » Dès sa conception, l’oeuvre a été envisagée comme une confrontation avec le Retable d’Issenheim destinée à faire écho aux panneaux de la Crucifixion peints par Grünewald.
Tout au long de l’histoire de l’art, les famines et les épidémies, les massacres et les catastrophes, les guerres et les révolutions ont suscité des oeuvres marquantes permettant à leurs auteurs d’exorciser leurs angoisses et celles de leurs contemporains dans un processus d’identification avec les sujets représentés. Il reprend la composition monumentale du retable, il invite le spectateur à s’identifier aux personnages de son oeuvre confrontés à l’épidémie de Covid-19 dans une transposition contemporaine du Golgotha médiéval.
Il rappelle l’oeuvre qui était montrée aux malades du feu de St Antoine, pour leur rémission.
A gauche, la silhouette lumineuse de la basilique Saint-Pierre à Rome, substitut moderne à la ville antique de Jérusalem, sur la droite, une cité HLM : l’espoir de salut, l’univers sacré et protégé du Saint-Siège. Ming observe à ses pieds la forme imposante du cadavre dans sa housse, comme le reflet de sa propre finitude. Dans Pandémie, le temps est suspendu à l’interruption de l’action et au recueillement. Par son réalisme et son absence d’idéalisation, l’oeuvre s’inscrit dans la tradition des peintures de scènes de genre
Biographie
Né à Shanghai en 1960, Yan Pei-Ming a grandi dans le culte de Mao en pleine Révolution culturelle. En 1978, deux ans après le décès du Grand Timonier, la Chine connaît une vaste entreprise de démaoïsation et une libéralisation relative du régime communiste. À la fin du Printemps de Pékin, Yan Pei-Ming, qui voulait étudier à l’École des Arts appliqués de Shanghai, voit sa candidature rejetée. Grâce à la réforme de l’éducation initiée en 1977 par Deng Xiaoping, permettant ainsi aux étudiants chinois d’étudier à l’étranger, il décide de quitter la Chine en 1980, à l’âge de dix-neuf ans, pour poursuivre sa formation en France.d. Il rencontre très vite le succès grâce à ses portraits monochromes, notamment ceux de Mao Zedong qui mêlent la tradition occidentale aux références culturelles chinoises.
Catalogue
Un catalogue bilingue (français-anglais) est édité à l’occasion de l’exposition.
Il est illustré de l’ensemble des oeuvres exposées et inclut des textes de Christian Besson et Éric de Chassey, ainsi qu’un entretien de Frédérique Goerig-Hergott avec Yan Pei-Ming.
Éditions Hazan
Format 230 x 280 mm, 192 pages
Prix : 30€
Informations pratiques
Musée Unterlinden
Place Unterlinden – 68000 Colmar
Tél. +33 (0)3 89 20 15 50
info@musee-unterlinden.com
www.musee-unterlinden.com
Horaires d’ouverture
Lundi, Mercredi 9-18 h
Jeudi – Dimanche 9-18 h
Premier jeudi du mois 9-20 h
Mardi : fermé
A voir la vidéo de la télé locale de Colmar un reportage sur l’exposition
Sur France culture affaires culturelles l‘invité Yan Pei Ming (podcast)
Conférences
Le texte de Luc Maechel
« Tigres et vautours » de Yan Pei-Ming est annoncée du 1er juin 2021 au 31 janvier 2022 à la Grande Chapelle du Palais des Papes et du 25 juin au 26 septembre 2021 et dans les salles du rez-de-chaussée des Hôtels de Caumont et de Montfaucon, à la Collection Lambert.
Partager la publication "Yan Pei-Ming – Au nom du père"