ArtShaker avec la Fondation Beyeler

 
Ça secoue ! L’application ArtShaker de la Fondation Beyeler stimule le sens artistique et la créativité

Mon musée privé préféré se met au goût du jour, avec l’application ArtShaker,
la Fondation Beyeler présente pour la première fois un instrument interactif pour le traitement d’images. Inspirée de courants artistiques comme le cubisme ou le pop art, la vingtaine de filtres de cette application transforme vos propres photos ou les images que vous choisissez en chefs-d’œuvre d’une grande originalité.
Cette application pour iPhone et iPad est disponible dès à présent dans l’AppStore et peut être téléchargée gratuitement. La créativité de chacun est mobilisée pour transformer le quotidien en images fascinantes ou farfelues.

Votre portrait dans le style cubiste? Votre vedette préférée à la manière du pop art ? Votre jardin, comme si les impressionnistes l’avaient dessiné ? Avec l’application ArtShaker, le musée d’art le plus visité de Suisse propose pour la première fois un instrument interactif destiné à tous les esprits imaginatifs et créatifs. Avec plus de 20 filtres que l’on peut ajouter à ses photos personnelles ou à des reproductions photographiques d’œuvres d’art, l’application remixe et arrange les images différemment grâce à des effets de couleur, de forme, de lumière et de composition, à l’aide de petites secousses ou de légers mouvements sur des axes différents. « Secouer » deviendra rapidement un geste typique des utilisateurs d’ArtShaker.
L’application ArtShaker existe en quatre langues : allemand, français, anglais et italien. L’application ArtShaker est disponible dès à présent dans l’AppStore et peut être téléchargée gratuitement.

logo de l’application ArtShaker ; deux possibilités de créations toutes simples à partir de la toile de Vincent van Gogh, Champ de blé aux bleuets, 1890, Huile sur toile, 60 x 81 cm ; Fondation Beyeler, Riehen/Bâle, Collection Beyeler ; (ci-dessus) :Portrait du chien Velimir Miro von Tuxedo aka Smitti par Riba Mann, Portrait de Quinta (Fox Terrier), paysage alpin avec vache
 
Si la chance vous sourit, vous gagnerez un week-end artistique à Berlin, cinq écouteurs « Beats by Dr. Dre » (un par gagnant) ou dix bons d’achats chez H&M d’un montant de 100 CHF (un par gagnant). La date limite de participation au concours a été fixée au 29 novembre 2013 : dépêchez-vous de télécharger l’application !
En combinaison avec vos propres photos, les plus de 20 filtres disponibles, inspirés de styles artistiques rendus célèbres par des peintres comme Picasso, Monet ou Warhol, offrent d’innombrables possibilités créatives et permettent de réaliser des milliers de nouvelles images. L’application livre également d’intéressantes informations sur de nombreux artistes et sur les principaux styles artistiques du XXe siècle.
Une initiation ludique à l’art et à l’histoire de l’art, qui stimule la créativité de chacun d’une manière amusante et interactive. À l’image de l’ouvrage à succès « L’art, c’est quoi ? », publié en quatre langues en 2012 et salué par The Art Newspaper comme l’une des meilleures publications de l’année, l’application ArtShaker a vu le jour en collaboration avec l’équipe de Médiation artistique de la Fondation Beyeler et avec le soutien d’UBS – partenaire de la Médiation artistique pour les familles et les jeunes.
La Fondation Beyeler de Riehen/Bâle organise régulièrement de grandes expositions de représentants majeurs de l’art moderne et contemporain ainsi que des présentations de la légendaire Collection Beyeler, qui comprend environ 250 œuvres de Van Gogh, Monet, Cézanne, Picasso, Rothko, Bacon et de bien d’autres grands noms de l’histoire de l’art.
Pour accompagner ces expositions, le musée propose un programme varié de manifestations avec des visites guidées, des entretiens d’artistes, des concerts et des ateliers.
Le 20 octobre 2013, dans le cadre du Dimanche en famille organisé à l’occasion de la nouvelle exposition « Thomas Schütte », la Fondation Beyeler proposera, en plus d’un jeu dans le musée et d’ateliers pour les enfants et les familles, le premier atelier consacré à l’application ArtShaker.
La page Facebook de la Fondation Beyeler présentera en continu les plus belles images réalisées avec l’application ArtShaker.

Thomas Schütte – FIGUR

La Fondation Beyeler dédie sa grande exposition d’automne à l’oeuvre figurative de Thomas Schütte.
Dès que l’on pénètre dans le parc, près du Belvédère, le Vater Staat (2010) nous accueille. Certains l’ont aperçu devant la Dogana à Venise il y a 2 ans ou au Palazzo Grassi entre autres .

Thomas Schütte, Vater Staat 2007, Stahl

À l’entrée du musée, sur le frontispice se dresse un groupe de ces Fremden – les étrangers- qui avaient apporté dès 1992 la preuve de l’efficacité et de la diversité avec lesquelles Schütte est capable de traiter la figure humaine : absorbées en elles-mêmes, le regard baissé, encombrées de valises et de sacs de voyage, les figures en céramique sont livrées sans protection aux inclémences du ciel. Sont-elles en train d’arriver ou sur le point de partir ? Est-ce que ce sont des visiteurs, des réfugiés ou des gens en voyage ?

L’artiste s’est intéressé à la Guerre froide et à des thématiques plus contemporaines, entre autres dans ses maquettes : les maquettes d’habitations (Maisons de vacances de terroristes), de banque (Placement immobilier), à Art Basel -Ringe, ou la reproduction miniature d’une station-service intitulée – Fais le plein, Allemagne et réalisée pendant la guerre en Irak témoignent ainsi d’un intérêt particulier pour la représentation des modes de vie.
A l’intérieur c’est un peu le repos du guerrier : Thomas Schütte nous montre dans une salle des femmes aux formes généreuses, alanguies, dans les salles voisines de curieux guerriers caricaturaux. Des « femmes » d’acier plus grandes que nature, de monumentaux
« esprits » en bronze, des figurines miniatures et caricaturales en pâte à modeler, des têtes et des statues en céramique de taille naturelle, de délicats portraits à l’aquarelle et des autoportraits dessinés devant le miroir – l’oeuvre de Schütte témoigne d’un goût et d’un plaisir absolus à l’expérimentation et ne se laisse guère enfermer dans des catégories.
La peinture et la sculpture figuratives, et, s’y rattachant, la figure humaine sous ses diverses apparences sont au centre de cette exposition.
vernissage
 
Thomas Schütte Autoportrait

 

Vivant à Düsseldorf, le sculpteur et dessinateur allemand Thomas Schütte (né en 1954) compte parmi les artistes les plus fascinants et les plus novateurs de sa génération. Il a étudié de 1973 à 1981 à l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf, dans la classe de Fritz Schwegler, puis chez Gerhard Richter. Düsseldorf, Cologne et la Rhénanie étaient alors le centre artistique le plus couru et, pour les artistes, le lieu de rencontre sans doute le plus animé d’Europe, l’avant-garde américaine du Minimal Art et de l’art conceptuel y était en outre plus représentée que nulle part ailleurs. Coeur vif de cette constellation, la galerie de Konrad Fischer, où le jeune artiste encore inconnu accrochait dès 1981 sa première exposition personnelle.

Ce fut le début d’une étonnante carrière, au développement ininterrompu jusqu’à ce jour. Schütte s’est d’abord fait connaître au début des années 1980 par ses maquettes et ses objets d’essence architecturale, qu’il présente dans des expositions et n’aura que rarement transposés en constructions réelles, à l’exception de Eis (Glace), une sorte de baraque à glaces qui a beaucoup servi lors de la Documenta 8 à Kassel, en 1987. Presque en même temps que ce travail conceptuel, Schütte se met par ailleurs à élaborer une oeuvre figurative qu’inaugurent des figurines et de petites têtes modelées et bricolées avec toutes sortes de matériaux.
Il apparut cependant que l’époque n’était pas encore mûre pour ce type d’art, jusqu’à ce qu’en 1992 les figures en céramique aux éclatantes couleurs des Fremden (Les Étrangers) fassent grande sensation à la Documenta IX.
D’un seul coup, on s’aperçut que parallèlement à ses constructions en forme de maquettes, Schütte avait entrepris de développer une oeuvre de sculpture gravitant autour de la figure humaine. Inattendu à cette époque, ce thème allait prendre de plus en plus d’importance dans son travail et c’est à une oeuvre figurative extrêmement impressionnante que l’artiste donnera ensuite le jour, d’une radicalité et d’une force d’innovation qui ne semblaient plus imaginables dans ce champ. Depuis, c’est avec constance et succès que Thomas Schütte poursuit son travail dans ces deux domaines, se présentant tantôt comme constructeur de maquettes d’architecture à la fois utopiques et réelles, tantôt revenant nous montrer un nouvel ensemble de figures ou de têtes. Entre ces deux pôles, il y a le dessin, qui déroule une sorte de trace assidue traversant l’oeuvre dans son entier.
Conçue en étroite collaboration avec Thomas Schütte, l’exposition de la Fondation Beyeler offre, par son large choix de sculptures déclinées dans 3 matériaux (bronze, verre, céramique), de dessins et d’aquarelles, un aperçu global de sa création figurative des trente dernières années.
Le visiteur peut admirer ses sculptures dans les salles du muséesur leurs socles et parfois sous cloches, mais surtout à l’extérieur, dans le parc, qu’il s’agisse de pièces connues ou d’autres plus rarement montrées, mais aussi de tout nouveaux travaux.
Thomas Schütte, Hase 2013, bronze

Hase, bronze, qui à l’origine était une création de la fille de Thomas Shütte, devait servir pour toutes les occasions festives enfantines : Pâques, Noël, Halloween, etc …. Thomas Schütté l’adapte en taille XXL en 2013, et « Hase » séjourne dans le bassin derrière la Fondation dans un écrin de verdure, en crachant de l’eau par intermittence.
L’exposition présente en outre des dessins et des aquarelles, qui prennent chez Schütte une importance cruciale à chaque fois qu’il est question de la figure humaine. Si quelques dessins ont une existence isolée, ils apparaissent beaucoup plus souvent sous forme de blocs ou de séries qui naissent d’un seul élan ou sont produits sur une durée plus ou moins longue. Une série peut assumer par exemple la fonction d’un journal, comme les Aufzeichungen aus der 2. Reihe (Notes du 2e rang), représenter la tentative de cerner une certaine personne – c’est le cas de Luise –, ou résulter du simple désir d’étudier et de fixer des objets et des fleurs, dans leur beauté tout ordinaire. À travers leur légèreté, les aquarelles, les dessins et les eaux-fortes nous font voir un monde visuel libéré de la pesanteur matérielle de la sculpture. Parmi ses créations figuratives, il en est certaines, comme les United Enemies par exemple, qui peuvent accompagner Thomas Schütte sur plusieurs décennies. Les figures modelées en 1994 en pâte Fimo, une sorte de pâte à modeler, et attachées ensemble dans un second temps, prêtent à celui ou celle qui les contemple une taille de géant et nous étonnent par leur allure de marionnettes et une esthétique relevant du bricolage.
Thomas Schütte – United Enemies, 1993 Fimo, Holz, Glaz und PVC, ©

Vingt ans plus tard, ce sont à l’inverse les doubles sculptures en bronze patiné de près de quatre mètres de hauteur qui transforment le spectateur en figure lilliputienne (dans le foyer). Si l’on a tout d’abord sous les yeux une marionnette certes étrange, mais familière, on lève ensuite son regard sur une gigantesque sculpture en bronze d’origine mystérieuse. Un tel glissement d’échelle est un exemple caractéristique de la démarche de l’artiste. Schütte tient toujours compte du spectateur, il nous prend toujours en considération et nous faisons partie du jeu. Ses sculptures « entrent en scène » ou font leur « apparition », elles ne sont pas autonomes, ne se suffisent pas à elles-mêmes, mais instaurent toujours un rapport avec leur environnement et l’individu qui leur fait face et les regarde. Ce jeu souverain avec la monumentalité et l’intimité conduit depuis de nombreuses années les figures de Schütte à s’installer dans l’espace public, où elles sont visibles pour tous – visiteurs et passants.
Ses sculptures en plein air, par exemple les United Enemies dressés devant le Central Park de New York ou le Vater Staat (Père État) planté sur le parvis de la Neue Nationalgalerie de Berlin, s’inscrivent en quelque sorte naturellement dans la vie quotidienne d’une ville, comme il est apparu cet été de façon particulièrement splendide avec le groupe sculpté des Vier Grosse Geister (Quatre Grands Esprits) qu’on a pu découvrir, avant l’exposition, en trois endroits, à Zurich, à Genève et à Berne.
Cette réalisation aura donc perpétué en 2013 la tradition de la Fondation Beyeler, soucieuse depuis toujours de rendre l’art accessible au plus grand nombre dans l’espace public. Avec ses petits et ses grands ouvrages en bronze, en acier, en aluminium, en céramique, en bois et en cire, Thomas Schütte reprend la longue tradition de la sculpture figurative, ternie par l’histoire du XXe siècle et ses tragédies, et en fait surgir des oeuvres qui, dans leur rayonnement immédiat aussi bien que par les spécificités techniques de leur fabrication, sont irrévocablement de notre temps.
Thomas Schütte
Walser’s Wife, 2011
Laque sur aluminium
65 x 38 x 54 cm
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Luise Heuter

Au spectacle de figures et de têtes portant des titres aussi frappants que Vater Staat, United Enemies, Fratelli (Frères) ou Walser’s Wife (La Femme de Walser), on est facilement tenté de vouloir chercher l’histoire personnelle qui se tient cachée derrière l’oeuvre, de s’interroger sur leurs possibles modèles formels, sur leurs interprétations socio-critiques ou philosophiques. Mais ce n’est là qu’un aspect des choses et l’on reste par ailleurs fasciné par les sculptures elles-mêmes, captif de leur magistrale présence et surpris de les voir apparaître si différentes qu’on croyait ou qu’on attendait : familières et en même temps totalement étrangères, elles ont l’air tantôt bricolées, tantôt monstrueusement enflées, (bibendum) gigantesques et violentes, odieuses et grossières, estropiées(unijambiste ou preque) mais ne tardent pas à nous reparaître extrêmement délicates, belles et sensibles.
Thomas Schütte
Blumen für Konrad
(Fleurs pour Konrad), 1998
Encre de chine sur papier
39 x 29 cm
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Nic Tenwiggenhorn

La présentation des « Krieger, 2007 » encapsulés, à l’image des Krieger miniature, munis de batons dérisoires, dressés sur leurs jambes précaires, entourés par les protraits des « Innocenti, 1994) , révèlent son regard clairvoyant, décalé et ironique (Kriegerdenkmal, 2003 et mini Krieger)sur les horreurs du monde ainsi qu’une sculpture « Memorial for the unknown artist » .
L’ensemble d’aquarelles ( blumen fur Konrad) présentés près du masque mortuaire de son premier galeriste en céramqiue glacée de couleur verte (Konrad (Grüner Kopf) tel un hommage délicat de cet artiste à l’apparence, froide, à l’humour décapant qui manie l’ironie avec maitrise dans son art.
exemple : quel est votre matériau préféré ? (question posée par une journaliste italienne
réponsele bronze, parce que  c’est le matériau le moins cher et le plus pérenne.

Thomas Shütte est collectionné par François Pinault, les Fratelli, Vater Staat, Efficienct men. Une de ces sculptures se trouve devant le MAMC.

Le catalogue de l’exposition Thomas Schütte. Figur est publié en langue allemande par la maison d’éditions Walther König à Cologne (ISBN 978-3-906053-11-0, 193 pages, 250 illustrations en couleur). Il contient une contribution d’Adrian Searle, de nombreux interviews de Theodora Vischer avec l’artiste, ainsi qu’un entretien entre Gerhard Richter, Thomas Schütte et Theodora Vischer.
Il disponible au musée au prix de 59 CHF. Fondation Beyeler,
Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10.00–18.00, jusqu’à 20 h
photos de l’auteur et images et texte courtoisie de la Fondation Beyeler

Le mystère du roi bleu de Max Ernst

 

“The King Playing with the Queen” (plâtre, 1944), “L’habillement de l’épousée” (1940) et “The King Playing with the Queen” (bronze, 1944/2001)
Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Collection Beyeler; Peggy Guggenheim Collection, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York), collection privée
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Serge Hasenböhler

Dans le cadre de l’exposition « Max Ernst. Rétrospective » que la
Fondation Beyeler présente jusqu’au 8 septembre 2013 en collaboration avec l’Albertina de Vienne, on peut découvrir pour la première fois la sculpture en plâtre de Max Ernst The King Playing with the Queen, 1944 , en compagnie d’une de ses versions en bronze. Cette juxtaposition exceptionnelle vient couronner les recherches de grande ampleur que l’équipe de restauration de la Fondation Beyeler dirigée par Markus Gross et Julia Winkler a menée sur cette sculpture dans le cadre du projet réalisé avec la BNP Paribas Suisse au printemps 2013.
La sculpture The King Playing with the Queen est l’une des inventions plastiques les plus marquantes de Max Ernst et constitue un sommet de la collection de sculptures de la Fondation Beyeler. Max Ernst a réalisé cette précieuse version en plâtre de The King Playing with the Queen pendant son exil aux États-Unis, en 1944, année très féconde, et en a fait couler plus tard plusieurs exemplaires en bronze. Cette oeuvre représente une figure cornue, assise devant un échiquier, en train de jouer.
Max Ernst
L’habillement de l’épousée / de la mariée, 1940
Huile sur toile, 129,6 × 96,3 cm
Peggy Guggenheim Collection, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York)
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Peggy Guggenheim Collection, Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York)

Le personnage principal — le roi du jeu — évoque le minotaure de la mythologie grecque, un monstre mi-homme mi-taureau. Max Ernst a ainsi sorti la « figure » de l’échiquier pour la transformer elle-même en joueur. Quant à la reine, elle est protégée par la main droite du roi, à moins qu’il ne l’empêche d’avancer pendant qu’il dissimule une autre figure dans sa main gauche. Le roi démoniaque joue manifestement avec ses sujets en appliquant ses propres règles — le jeu se joue lui-même. Max Ernst avait réalisé dès 1934 une série de sculptures figuratives, qui se présentent comme des oeuvres surréalistes « dotées d’une fonction symbolique ».
Les peintres, les sculpteurs et les créateurs d’objets du mouvement surréaliste avaient pour but de créer librement des images et des objets à partir d’un fonds de mythes et de visions.
 L’état de l’oeuvre
Depuis l’ouverture de la Fondation Beyeler en 1997, cette sculpture n’a été déplacée et présentée dans le bâtiment du musée qu’avec la plus extrême prudence. On a par ailleurs totalement renoncé à la prêter à l’extérieur. Le motif essentiel de cette prudence était la fragilité du matériau utilisé, le plâtre, qui présente déjà une trace de brisure ancienne et des fêlures. Par ailleurs, cette oeuvre de Max Ernst présente une particularité structurelle. D’anciens clichés d’atelier révèlent qu’Ernst composait ses sculptures à partir d’éléments distincts. Aussi peut-on se demander si la même méthode a été appliquée à la présente sculpture. La surface de l’oeuvre présente un aspect coloré dont le manque d’homogénéité est flagrant. Cette version reflète différentes couches colorées historiques, qui portent atteinte à la blancheur du plâtre.
Les objectifs du projet de restauration
Un premier objectif était de pouvoir reconstituer la structure complexe du travail plastique de Max Ernst en plâtre. Une étude différenciée de la structure par couches de la version en couleur devait également permettre de mieux appréhender l’apparence esthétique de l’oeuvre et sa genèse. Il s’agissait par ailleurs de mieux évaluer la fragilité de l’oeuvre afin d’établir ses possibilités de déplacement dans la collection et à l’extérieur, et d’assurer une présentation stable et appropriée. La consultation d’archives et l’observation d’oeuvres comparables doivent livrer de précieuses informations sur la technique et le processus de réalisation de la sculpture de plâtre et plus particulièrement de sa version colorée. Ces recherches fondamentales permettront d’établir s’il est nécessaire d’entreprendre des mesures de conservation ou de restauration plus importantes.
L’analyse de l’oeuvre
Des radiographies à haute résolution ont livré des informations instructives sur la composition structurelle du plâtre. L’intérieur de la sculpture est constitué d’une armature formée de plusieurs fils métalliques solides. Ernst a également utilisé un fin grillage métallique pour renforcer les zones planes. Cette sculpture de plâtre est composée d’un assemblage d’éléments distincts ; pour ce faire, Ernst a réalisé différentes formes, qu’il a coulées en plâtre et armées, avant de les assembler. L’étude radiographique a également fourni des renseignements concrets sur la réalisation de multiples fontes en bronze de la sculpture en plâtre. On observe ainsi à l’intérieur de la sculpture des tiges filetées, des clous et des vis qui n’ont pas été utilisés par l’artiste lui-même. Les agrandissements de détails de la radiographie révèlent que l’armature d’origine a été partiellement découpée. Associées à la découverte de documents d’archives, ces constatations ont permis de reconstituer l’importante intervention du fondeur sur cette sculpture. Pour réaliser le processus complexe de moulage, le fondeur a été obligé de redécouper la sculpture en différents fragments qu’il a réassemblés plus tard pour lui rendre sa forme d’origine. Il s’agit d’une méthode couramment utilisée par les fondeurs. Une illustration historique en témoigne. En effet, les zones claires de la sculpture dépourvues de peinture et où le plâtre
apparaît (par exemple le cou, les épaules, les poignets, etc.) ont été complétées par le fondeur après le processus de coulage. Les surfaces originelles perdues au moment du démontage ont également été reconstituées en plâtre par le fondeur.
 L’aspect esthétique et sa réalisation
L’analyse de la couche de couleur a permis d’établir que la sculpture a été recouverte de deux couches de peinture bleue. La couche bleue est d’origine et a été appliquée par l’artiste lui-même peu après la réalisation de la sculpture. Les pigments et les liants retrouvés coïncident avec les matériaux typiques de Max Ernst qui les utilisait également pour ses oeuvres sur toile. Ces constatations ont été confirmées grâce à une ancienne photographie de mode datant de 1945. On y voit la sculpture de plâtre avec une couverture de peinture colorée homogène, peu après sa création. La couleur bleue d’origine est aujourd’hui difficile à distinguer à l’oeil nu. Différentes couches provenant du processus de fonte ainsi que d’interventions ultérieures sur la sculpture ont été appliquées sur cette couche bleue encore visible. Cette multitude de fragments de couches présente un grand intérêt, car elle révèle au spectateur toute l’histoire de cette sculpture. Elles font partie d’une surface devenue historique. La restitution d’un état authentique n’est plus guère envisageable d’un point de vue technique aussi bien qu’éthique. Les recherches ont confirmé la fragilité de cette sculpture de plâtre. Les zones sensibles (points de découpage du fondeur, reprises) représentent par ailleurs un risque en cas de manipulation et de prêt.
Les projets de restauration soutenus par la Fondation BNP Paribas Suisse Décidée à participer activement à la préservation des fonds des musées afin de permettre leur transmission aux générations futures, la Fondation BNP Paribas s’est engagée depuis plus de 20 ans en faveur de la restauration d’oeuvres d’art en Europe, en Asie et aux États-Unis. En Suisse, la Fondation BNP Paribas Suisse a déjà financé plus d’une douzaine de projets portant sur la conservation d’oeuvres majeures de Max Ernst, Mattia Preti, Auguste Rodin, Bram van Velde et Paolo Véronèse.
La Fondation Beyeler est heureuse d’être en mesure de restaurer trois chefs-d’oeuvre de sa Collection avec le soutien de la Fondation BNP Paribas Suisse. Sur une période de trois ans, l’équipe de restaurateurs et de conservateurs se consacrera aux oeuvres suivantes : Fernand Léger Le passage à niveau (1912), Max Ernst The King playing with the Queen (1944) et Henri Rousseau Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope (1898/1905).
 

Andy Warhol « L’ombre de la lumière »

Présentation de la Collection de la Fondation Beyeler
En coopération avec la Collection Bischofberger et la Collection Daros
8 juin – 22 septembre 2013

Andy Warhol, Joseph Beuys, 1980; Sérigraphie et poussière de diamant sur acrylique sur toile, 101,5 x 101,5 cm; © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / 2013, ProLitteris, Zurich; Photo: Robert Bayer, Basel

Au sein de la nouvelle présentation de la Collection Beyeler, en place à partir du 8 juin, la Fondation Beyeler consacrera trois salles à des œuvres d’Andy Warhol.
« L’ombre de la lumière » s’interroge sur le rôle de ce double concept dans la création tardive de l’artiste américain et expose sur 600 mètres carrés des pièces appartenant à de grandes collections suisses.
Les œuvres de la Collection Beyeler se verront ainsi complétées par des prêts de la Daros Collection (Zurich), de la Collection Bischofberger (Zurich) et d’un autre prêt consenti par une collection particulière, suisse elle aussi. Les deux prêts internationaux du Andy Warhol Museum (USA), le film Empire (1964) et l’installation spatiale Silver Clouds (1966), enrichissent ultérieurement cet ensemble.
Cette réunion d’œuvres électrisantes de Warhol élucide fort bien le concept de clair-obscur encore mis en relief par l’éclairage différencié des trois salles d’exposition. On prend ainsi conscience du caractère de plus en plus sombre de la création tardive d’Andy Warhol, une évolution qui ne touche pas seulement la surface des œuvres mais leur contenu. Ce point apparaît avec une netteté toute particulière dans les deux pièces de grand format que sont Sixtythree White Mona Lisas (1979) et Big Electric Chair Painting (1980), qui captivent immédiatement le spectateur par leur 11 mètres de long environ et font partie de la série intitulée « Retrospectives and Reversals ».
Andy Warhol
Self-Portrait, 1967
Sérigraphie et acrylique sur toile, 200 x 177cm
© The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Robert Bayer, Basel

 
L’idée de départ de « Retrospectives and Reversals » consistait à sélectionner les détails majeurs de dix des plus célèbres travaux de Warhol et à les rassembler dans différentes œuvres. L’artiste a donc réuni les extraits de cette sorte de « Top Ten » de sa création pour réaliser de nouveaux tableaux, créant un effet de distanciation par le procédé d’inversion. D’où une puissante transformation du motif, encore intensifiée par sa multiplication. L’emploi de la lumière et des ombres prête une importance accrue à cette série ; Warhol avait pourtant déjà exploré la lumière « cachée » de pierres précieuses dans sa série « Gems » (pierres précieuses) et la sombre luminosité des négatifs dans sa série
« Shadows » (ombres). Warhol a exploité ces expériences antérieures dans
« Retrospectives and Reversals », une série qui est au cœur de cette exposition et révèle l’orientation mélancolique que prend l’œuvre de l’artiste durant cette période. L’exposition Andy Warhol fait partie de la présentation de la Collection et a pour commissaire Sam Keller, directeur de la Fondation Beyeler, Catherine Iselin en est le commissaire adjoint.

On peut la voir du 8 juin au 22 septembre 2013 dans les salles 20-22 du Souterrain ainsi qu’au Jardin d’hiver de la Fondation Beyeler.
www.fondationbeyeler.ch
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG,
Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
 
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler: tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h00
 
 
 

Alexander Calder – Arbres – Désigner l’abstraction

La Fondation Beyeler présente la deuxième Calder Gallery, aménagée en collaboration avec la Calder Foundation et consacrée à un aspect encore inexploré de la création d’Alexander Calder.
En 1933, quand la situation politique internationale pousse l’artiste à quitter Paris pour regagner l’Amérique du Nord, il s’installe à demeure avec son épouse Louisa à Roxbury, Connecticut, dans une vieille ferme du XVIII
e siècle. Cet environnement exerce un effet immédiat sur lui, ouvrant un nouveau chapitre de son évolution. L’espace extérieur apparaît de plus en plus comme un élément déterminant de son œuvre.
 


Alexander Calder pendant le montage de « Nine Discs » (1936) à Roxbury, CT, 1938
Calder Foundation, New York
© 2013, Calder Foundation, New York / ProLitteris, Zurich
Photo: Herbert Matter

 
 
Les premiers mobiles de la période parisienne étaient d’empreinte géométrique —conformément à l’esprit du mouvement artistique Abstraction-Création —, et leur mouvement était assez souvent d’origine mécanique, produit par de petites manivelles ou des moteurs. À Roxbury, ce sont désormais la nature, le vent et les phénomènes météorologiques qui inspirent à l’artiste de nouvelles possibilités.
 
Parallèlement au côté géométrique, un élément surréaliste accompagné d’un façonnement biomorphique devient de plus en plus perceptible. C’est à cette époque décisive que voient le jour les premières sculptures d’extérieur, qui rappellent vaguement des clochetons ou des girouettes. Explorant ces nouvelles pistes artistiques, elles constituent le point de départ des monumentaux travaux d’extérieur de l’après-guerre.
 
 
Calder Gallery

La présentation de la Fondation Beyeler s’ouvre sur un groupe insolite de Stabiles-Mobiles de 1939, des maquettes de 2 mètres de haut destinées à la transformation avant-gardiste du zoo du Bronx. Exécutées en dur sous forme de sculptures monumentales, elles devaient constituer une sorte d’arbre ornemental pour la cage des félins d’apparence africaine. Le projet, qui n’a finalement pas abouti, offre un témoignage impressionnant du potentiel d’avenir des idées artistiques de Calder.
 
Bien que ces œuvres soient toujours des abstractions dans l’espace, les titres choisis décrivent des éléments particuliers du mouvement, des répétitions de formes échelonnées ou de subtils rapports d’équilibre. L’abstraction est ici désignée sous une forme tangible, comme on peut s’en convaincre avec deux œuvres choisies. Des associations organiques déterminent les structures formelles telles que couronnes de feuillages, cascades de branches, étages des frondaisons. Le libre jeu des œuvres présentées dans l’espace intérieur du Musée densément animé s’assemble pour composer une véritable « forêt Calder ». Le lien qui s’établit ainsi entre espaces intérieur et extérieur reprend un thème majeur de la Fondation Beyeler, intégrant la Collection dans une juxtaposition harmonieuse entre architecture et paysage.
 
Calder Otto’s Mobile, 1952 Stahl, bemalt, Aluminium, 533,4 x 243,8 cm
Foto: Museo Guggenheim Bilbao/Erika Barahona

 
 
Un deuxième ensemble d’œuvres éclaire enfin la genèse de Tree, une œuvre appartenant à la Collection de la Fondation Beyeler, avec la maquette d’origine accompagnée de travaux apparentés et d’étapes intermédiaires. Pendant l’été, Tree, le monumental stabile-mobile de la Collection d’Ernst et Hildy Beyeler retrouvera en outre sa place d’origine dans le Berower Park, sur le terrain de la Fondation Beyeler.
En plus de prêts consentis par la Calder Foundation, on pourra également voir des œuvres prêtées par des collectionneurs privés, ainsi que par la Fundació Joan Miró de Barcelone et le Moderna Museet de Stockholm.
La Fondation Beyeler s’est engagée en 2012 dans une collaboration prévue pour plusieurs années avec la Calder Foundation de New York. Des œuvres appartenant aux collections des deux Fondations sont ainsi rassemblées et exposées dans une série de présentations réalisées par des commissaires d’exposition, la « Calder Gallery ». L’objectif est de permettre une présence permanente, unique en Europe, d’œuvres d’Alexander Calder (1898–1976) à la Fondation Beyeler, et d’apporter ainsi une contribution à l’étude de l’œuvre de ce grand artiste américain. La Fondation Beyeler s’inscrit ainsi dans l’esprit de sa grande exposition « Calder – Miró » (2004) aussi bien que de sa série des « Rothko Rooms ».
 
Alexandre Calder

 
Alexander Calder (1898 – 1976)
Alexander Calder, dont la carrière couvre la quasi intégralité du XXe siècle, est l’un des sculpteurs les plus renommés et les plus influents de notre temps. Né dans une célèbre famille d’artistes de formation essentiellement classique, Calder a mis sa force créatrice au service d’un élargissement durable de l’horizon de l’art moderne. Il a ainsi élaboré une nouvelle méthode de sculpture : en pliant et en tordant du fil de fer, il « dessinait » des figures en trois dimensions dans l’espace. Calder est connu pour l’invention du mobile dont les éléments abstraits, maintenus en équilibre, bougent en formant des combinaisons harmonieuses et toujours nouvelles. Calder s’est également engagé dans la réalisation de grandes sculptures d’extérieur, faites de tôle d’acier boulonnée. Aujourd’hui, ces géants en filigrane ornent de nombreux lieux publics aux quatre coins du monde. 
Calder Foundation
La Calder Foundation dont le siège se trouve à New York est une organisation sans but lucratif fondée en 1987 dans l’objectif de collectionner et de préserver l’art et la succession d’Alexander Calder, tout en les rendant accessibles à un vaste public. Cette Fondation dispose d’une collection incomparable d’œuvres et de documents d’archives. Les activités de la Fondation consistent pour l’essentiel à participer à des expositions et à des publications, à développer et assurer la conservation des archives Calder et à procéder au catalogage de l’ensemble des œuvres de cet artiste.
 
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler: tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h00
exposition jusqu’au 12 janvier 2014
 
Photos courtoisie Fondation Beyeler 3
4e photo de l’auteur 

Kaputt – Maurizio Cattelan

Samuel Keller, ancien directeur de la foire de Bâle « Art Basel » et directeur de la Fondation Beyeler, avait promis une surprise avec la venue de Maurizio Cattelan.

Alléchée par l’affiche, où le petit homme avec son air de Roberto Benigni, teinté de Pinocchio, pointait son nez, avec son air ahuri, je me demandais où la Fondation Beyeler avait creusé le plancher pour faire surgir la tête hors du sol. Pour une surprise cela en était une vraie. Une œuvre unique, selon l’habitude du facétieux artiste, à la retraite, 5 chevaux taxidermisés, allignés
« Kaputt, » la tête plantée dans le mur.

Kaputt Maurizio Cattelan

A la Dogano, chez François Pinault, le cheval était  unique. Pourquoi 5, pour dépasser
Adel abdessemed et ses quatre Christ de Décor ?
Toujours est-il que l’artiste jouait à l’Arlésienne et que ce sont deux avocats qui prirent sa défense. D’abord Sam keller pour expliquer l’aventure et les tractations pour préparer l’exposition, puis le florentin Francesco Bonami, historien d’art, parla de l’installation.
Kaputt de Maurizio Cattelan – Francesco Bonami

« Maurizio préfère les ânes, (Warning, Enter at your own risk. Do not touch, Do not feed, No Smoking, no photographs, No Dogs, New York) »
Il évoqua Kounellis et son cheval bien vivant, puis Malaparte avec ses chevaux enflammés qui se jetèrent dans l’eau glacée et pourrirent à la retraite de Russie. Il évoqua Lucio Fontana et ses tableaux découpés dans la même veine que Cattelan. Il nous renvoya au magazine Toilet Paper de MC, racontant que Bellow et Salinger aux aussi avaient coutume de disparaître dans le décor.
Dans la salle attenante quelques toiles et une sculpture de Willem De Kooning, préparent au quintette.
Jusqu’au 6 octobre 2013
photo 1 courtoisie de la Fondation Beyeler
Autre photos de l’auteur
Né en 1960 à Padoue, dans le nord de l’Italie, Maurizio Cattelan se consacre tout d’abord, sans avoir suivi de formation particulière, à la production d’objets de design qui n’ont guère d’autre fonction qu’esthétique. C’est à partir de la fin des années 1980 qu’il se tourne ensuite vers les arts plastiques. Il se forge très rapidement une réputation de provocateur sur la scène artistique internationale. Faisant exploser le cadre à la fois conceptuel et spatial de la galerie et du musée, ses mises en scène suscitent l’enthousiasme du public, en même temps qu’elles le laissent souvent déconcerté. Ses sculptures et ses installations font fi des conventions, subvertissent les images et les règles tacites de la publicité. Le remarquable succès international de Cattelan témoigne de l’originalité de son langage visuel, qui sait traiter de manière subtile et choquante certains thèmes actuels, en leur donnant une dimension amusante et grotesque, et révéler un monde de faillite et de désespoir, de finesse d’esprit et de sentimentalité que les hommes et les animaux partagent étrangement. Aussi à l’aise avec le vocabulaire visuel de notre univers voué aux plaisirs de la consommation qu’avec la mélancolie d’un monde ancien, l’artiste surprend son public : devant ses oeuvres, le rire nous reste souvent en travers de la gorge. Des expositions personnelles de son oeuvre ont eu lieu à la Wiener Secession, au musée d’Art moderne de Francfort, à la Kunsthalle de Bâle et au MoMA de New York. Cattelan a participé à de nombreuses expositions collectives dans des institutions aussi prestigieuses que le Museum Fridericianum de Kassel, le MoMA PS1 de New York, le Castello di Rivoli près de Turin, l’Institute of Contemporary Arts et la Tate Gallery de Londres, le Moderna Museet de Stockholm. Il a pris part plusieurs fois à la Biennale de Venise. À l’occasion de sa rétrospective All présentée en 2011/12 au Guggenheim Museum de New York, Cattelan a annoncé son retrait de la scène artistique. Cattelan a fondé avec les critiques d’art et curateurs Massimiliano Gioni et Ali Subotnick la revue Charley. Le trio a également assuré ensemble le commissariat de la Biennale de Berlin 2006, intitulée Des souris et des hommes. C’est une relation de longue amitié qui unit Cattelan et les curateurs Francesco Bonami et Massimiliano Gioni. Avec Gioni et Subotnick, l’artiste a ouvert en 2002 à New York la Wrong Gallery, un minuscule espace qu’on découvrait une fois franchie la porte d’entrée, avant de la déménager à la Tate Modern. Avec Gioni toujours, Cattelan a de nouveau ouvert en 2012 à New York une galerie, Family Business, située à proximité immédiate de l’immense galerie Gagosian et consacrée à l’expérimentation libre. La fascination éprouvée par Cattelan pour les images se manifeste également dans ses projets de revues. Fondée en 1995 avec Dominique Gonzalez-Foerster et développée ensuite en collaboration avec Paola Manfrin, Permanent Food se compose entièrement d’images trouvées, qui oscillent entre l’esthétique de séduction de la photo de mode et le voyeurisme éhonté de la presse à scandale. C’est dans le cadre de l’exposition de la Fondation Beyeler que paraît le huitième numéro de la revue Toiletpaper, que Cattelan produit depuis 2010 avec le photographe de mode Pierpaolo Ferrari. Toutes les photos sont spécialement conçues, mises en scène et réalisées pour ce magazine publié à intervalles irréguliers. Qu’ils soient traités en noir et blanc ou dans des couleurs intenses et saturées, leurs motifs rappellent l’univers des images surréalistes, avec des scènes de grand style où comme dans les rêves, l’absurdité se mêle aux perversions ou à la violence. Maurizio Cattelan vit à Milan et à New York.
 
 

Max Ernst – rétrospective à la Fondation Beyeler

Jusqu’au 8 septembre 2013

L’ange du foyer (Le triomphe du surréalisme), 1937
Huile sur toile, 114 × 146 cm
Collection privée
© 2013, ProLitteris, Zurich

Rassemblant plus de 160 œuvres, la vaste exposition montée par la Fondation Beyeler en collaboration avec l’Albertina de Vienne, constitue la première grande rétrospective consacrée à Max Ernst (1891–1976), l’un des plus grands peintres du Xxe siècle, présentée en Suisse depuis sa mort, et dans tout l’espace germanophone depuis 1999. Bien que ces deux manifestations aient l’une comme l’autre pour vocation d’attirer le regard du public actuel sur la création de Max Ernst et de lui permettre de découvrir celle-ci dans toute son envergure, les expositions de l’Albertina et de la Fondation Beyeler se distinguent par leur optique et par leur accrochage.
Ajoutons que 21 de ces œuvres seront présentées aux seuls visiteurs de Riehen . Un certain nombre d’entre elles, comme « L’ange du foyer (Le Triomphe du Surréalisme)», «L’habillement de l’épousée», «La Vierge corrigeant l’enfant Jésus (…) et «Oedipus Rex » comptent parmi les plus célèbres de l’opus de cet artiste. Ernst Beyeler avait été tellement impressionné par Max Ernst que ce dernier réalisa dès 1953 le portfolio lithographique « Das Schnabelpaar » pour le galeriste bâlois. La Collection Beyeler comprend sept œuvres de Max Ernst : quatre peintures et trois sculptures. Le travail le plus ancien , « Fleurs de neige», remonte aux années 1920, le plus récent , « Naissance d’une galaxie», a vu le jour en 1969.
Max Ernst est l’un des artistes les plus éclectiques de l’art moderne. En 1922, après avoir brandi l’étendard de la révolte dadaïste à Cologne, il partit s’installer à Paris où il s’imposa rapidement parmi les pionniers du surréalisme. Interné à deux reprises pendant la Seconde Guerre mondiale en tant que ressortissant d’une puissance ennemie, il fut libéré grâce à l’intervention de son ami, le poète Paul Éluard. En 1941, Max Ernst s’exila aux État-Unis où il trouva de nouvelles sources d’inspiration tout en donnant lui-même de nouvelles impulsions à la génération des jeunes artistes américains. Dix ans plus tard, Max Ernst regagna une Europe ravagée par la guerre, dans laquelle cet artiste, jadis très apprécié, sembla d’abord bien oublié, avant que l’on ne redécouvre en lui l’un des Créateurs les plus polymorphes du Xxe siècle. Max Ernst qui avait renoncé en 1948 à sa citoyenneté allemande au profit de la nationalité américaine est devenu citoyen français en 1958.
Ernst a été véritablement un artiste du siècle — non seulement par la qualité et la portée de son œuvre, mais également d’un point de vue objectif, par la simple durée de sa carrière de créateur qui a englobé toute la période allant de 1915 à 1975, soit soixante années. Contemporain de puissants bouleversements artistiques, sociaux, politiques et techniques, il a su intégrer ces ruptures dans une œuvre qui retrace des traits marquants du XXe siècle. Le plaisir avec lequel il expérimentait les techniques les plus diverses a également fait d’Ernst un précurseur de l’expression multimédia. Sans difficulté apparente, il a su rassembler dans son œuvre les thèmes, les styles et les techniques majeurs des différentes générations. Sa recherche inlassable de nouvelles formes d’expression, de nouvelles interrogations et de nouveaux sujets peut être considérée comme emblématique de l’homme moderne. Max Ernst nous apparaît comme l’artiste qui «n’a jamais voulu se trouver» (on se souvient de sa citation : «Un peintre est perdu quand il se trouve». Avec ses débuts de dadaïste, sa position centrale dans le cercle des surréalistes et l’anticipation de l’Action Painting, cet artiste qui s’est toujours mu entre les mondes et les cultures a relié Paris à Cologne, New York à la France. En un temps d’instabilité politique, il a toujours conservé son regard critique et créateur.
 Réfugié dans un pays, les États-Unis, qu’il ne connaissait guère, il a abordé cette nouvelle patrie avec curiosité et a su y trouver d’importantes impulsions pour sa création ultérieure. À travers des expositions à New York, des projets en Arizona ou enTouraine, ses participations à la Biennale de Venise ou à la Documenta, Max Ernst a incarné dès le début du XX e siècle une image promise à un bel avenir, celle du «nomade de la culture et de l’art». Ernst a également su gérer les contradictions de sa vie privée, passant sans heurt de la condition de réfugié de guerre à une vie nettement plus mondaine aux côtés de sa mécène Peggy Guggenheim, qui fut brièvement son épouse. Il renonça brutalement à cette existence pour se retirer dans le désert de l’Arizona, en compagnie de l’artiste Dorothea Tanning. Qu’il s’agisse de Luise Straus (morte à Auschwitz, sa première épouse, mère de son fils Jimmy, de Gala Eluard, Leonora Carrington, Peggy Guggenheim et Dorothea Tanning, Max Ernst s’est souvent entouré de femmes artistes, dotées d’une forte personnalité. Intellectuel tout aussi à l’aise en littérature que dans les beau-arts.
Max Ernst éprouvait également une vive curiosité pour la technique et pour la science, et plus particulièrement pour la biologie et pour la psychanalyse, une discipline qui a joué un rôle majeur pourle surréalisme. La diversité des techniques dont Max Ernst a été l’initiateur et le promoteur est aussi impressionnante que surprenante, comme le révèle la liste suivante :
Collage
Dès 1919, Max Ernst a commencé à utiliser la technique du collage qui lui permettait d’élaborer ou de simuler de nouvelles réalités picturales. Il réalisait ses collages à partir d’illustrations empruntées à des romans, des catalogues de matériel pédagogique et des brochures de mode du XIX e siècle. Pour obtenir un résultat parfait, avec des bords sans la moindre irrégularité ni aspérité, il découpait ces gravures sur bois à l’aide d’un scalpel Max Ernst a réalisé vers 1929/1930 ses romans collages les plus célèbres : La femme 100 têtes et Rêve d’une petite fille qui voulut entrer au Carmel comptent parmi les œuvres les plus fascinantes et les plus énigmatiques du surréalisme.
Frottage
Max Ernst a entrepris vers 1925 sa série intitulée Histoire Naturelle, dans laquelle il a utilisé pour la première fois la technique du «frottage», un procédé semi-automatique : il posait des objets ramassés dans la nature, des feuilles et du bois par exemple, sous une feuille de papier, sur laquelle il passait alorsune mine de plomb. L’artiste complétait ensuite les structures qui apparaissaient sur le papier pour créer des images fantastiques. Ses frottages prêtent une vie nouvelle aux objets inanimés et leur apportent une signification différente, souvent insolite. Max Ernst a élaboré cette technique pendant un séjour en Bretagne. Dans son essai intitulé «Au-delà de la peinture » il décrit une sorte de vision qui le conduisit à exécuter un frottage sur papier du plancher et d’autres objets de sa chambre d’hôtel.
Grattage
La technique du « grattage», inventée vers 1927,constitue en quelque sorte la traduction picturale de la technique du «frottage». Max Ernst commençait par superposer plusieurs couches de peinture sur une toile. Sous le fond pictural ainsi préparé, il posait ensuite des objets tels que des grilles métalliques, des planches ou des ficelles dont le relief se dessinait à travers la toile. Pour faire apparaître ces structures sur son tableau, il grattait les couches picturales supérieures. Dans une étape ultérieure, l’artiste retravaillait les motifs qui avaient surgi sur la toile et les interprétait pour faire naître des forêts, des fleur – coquillages, des oiseaux ou des villes pétrifiées.
Décalcomanie
La décalcomanie est une technique de transfert qui consiste à reporter à plat sur une toile la couleur encore humide appliquée sur une plaque de verre ou une feuille de papier. Son retrait fait naître des dessins subtils, tracés, bulles et marbrures de couleur. L’artiste retravaille ensuite la structure superficielle complexe ainsi créée . Ce procédé artistique connu dès le XVIII e siècle a été utilisé par d’autres Représentants du surréalisme. Max Ernst a adopté cette technique vers la fin des années 1930 et s’en est servi pour représenter des paysages énigmatiques, peuplés de visages, de silhouettes et d’animaux inquiétants, dissimulés dans les profondeurs de la nature.
Oscillation
Exilé aux États-Unis, Max Ernst a commencé à mettre au point la technique de l’oscillation vers 1942. Il remplissait de peinture une boîte percée de trous qu’il suspendait ensuite au-dessus d’une toile au bout d’une longue ficelle, lui imprimant de vastes gestes de balancement. La peinture gouttait par le trou au gré de ses oscillations. Ce processus largement incontrôlable et lui aussi semi-automatique fait apparaître à la surface de la toile des réseaux de cercles, de lignes et de points évoquant des orbites planétaires. Le recours à l’oscillation ajoutait une facette de plus aux procédés et techniques artistiques du surréalisme tout en anticipant le drip-painting de Jackson Pollock.
Cette exposition présente dans un ordre chronologique toutes les phases de création et tous les ensembles thématiques majeurs de Max Ernst .
Dorothea Tanning et Max Ernst avec la sculpture en ciment « Capricorne », Sedona, Arizona, 1948
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Documentation Max Ernst, Deutsches Forum für Kunstgeschichte, Paris / John Kasnetzis

Elle s’ouvre sur « Capricorne», la plus importante de ses sculptures.
Né le 2 avril 1891 à Brühl, en Allemagne, Max Ernst apprend la peinture avec son père, peintre amateur. Il reçoit une éducation conservatrice et bourgeoise très stricte, contre laquelle il se révolte rapidement. À partir de 1910, il entreprend des études d’histoire de l’art, mais aussi de psychologie, De langue et de littérature romanes et dephilosophie. Influencé d’abord par l’expressionnisme et le futurisme, il entre rapidement en contact avec d’autres artistes et mouvements artistiques. L’œuvre de jeunesse «Stadt mit Tieren» (La ville avec des animaux) témoigne de cette association singulière entre différents styles et présente des traits cubistes aussi bien que futuristes. La rencontre avec Hans Arp (lui aussi représenté dans la Collection Beyeler, comme les Surréalistes Dalí,Giacometti et Miró) coïncide avec cette période riche en contradictions. Dada est né et les années qui suivent la Première Guerre mondiale sont une phase de bouleversements, de protestations et d’expériences. Max Ernst découvre les artistes surréalistes par le biais du dadaïsme . Il quitte alors son statut d’artiste allemand pour devenir une figure de proue du mouvement surréaliste parisien. Ses tableaux se parent de traits énigmatiques, le surréalisme faisant en effet la part belle aux éléments déterminants de la psychanalyse que sont l’inconscient et le rêve .
Max Ernst reste un innovateur, qui se livre à partir du milieu des années 1920 à ses premières expériences de frottage. Ce moyen d’expression donne naissance à des créatures hybrides associant différents genres, l’intérêt de l’artiste pour les sciences naturelles apparaissant clairement dans ses œuvres. « Au premier mot limpide», sorte de rébus monumental, faisait initialement partie du décor de la maison que Max Ernst partageait avec Paul Éluard et son épouse Gala (la future muse de Dalí). On n’a retrouvé cette peinture murale, recouverte au cours de travaux ultérieurs, que dans les années 1960. « La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins: André Breton, Paul Éluard et le peintre», une œuvre scandaleuse aux éléments blasphématoires, n’est guère moins spectaculaire. Geste radical d’affranchissement de l’éducation bourgeoise reçue par Ernst, elle déconstruit l’image sainte habituelle et la représentation traditionnelle de la maternité.
Max Ernst
La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins: André Breton, Paul Éluard et le peintre, 1926
Huile sur toile, 196 × 130 cm
Museum Ludwig, Cologne
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Willi / ARTOTHEK

Le thème de la «forêt» occupe toute une salle de l’exposition qui regroupe des œuvres majeures de cette série. Les tableaux de «hordes» de la fin des années 1920 se voient également attribuer un rôle important : ces figures métamorphiques illustrent clairement le motif de la transformation. Les «fleurs» et les «villes» (opposition entre «nature» et «culture») constituent d’autres groupes thématiques essentiels .
La salle 11 présente une accumulation d’œuvres clés avec les tableaux de jungle de la deuxième moitié des années 1930, dont la toile «La nature à l’aurore» au caractère sombre et inquiétant. On voit confluer ici différentes traditions, depuis des emprunts à Henri Rousseau jusqu’au romantisme d’un Caspar David Friedrich .
« L’habillement de l’épousée» extrait audio-guide fait référence à l’art de la Renaissance tout en évoquant, peut-être, la diversité des images de la femme. La transformation de la femme en animal et d’un animal en femme est un motif érotique, qui encadre également la toile d’une multitude de détails. «L’ange du foyer» de 1937 en revanche prend pour thème la guerre civile espagnole de la fin des années 1930, qui passionna de nombreux artistes et intellectuels. Dans la dimension colorée, insondable, effrayante comme un masque de la figure représentée qui semble se précipiter vers le spectateur sous forme d’un tourbillon inexorable entre agression et persiflage, Max Ernst anticipe la catastrophe politique qui était sur le point de s’abattre sur l’Europe.
L’œuvre tardive d’Ernst se caractérise par des ruptures thématiques — on relève d’une part la réflexion poétique et sensuelle recourant à la technique du recouvrement pictural du «Jardin de la France», de l’autre « Naissance d’une galaxie», une œuvre somptueuse de la phase tardive qui fait s’épanouir l’air, l’eau, la terre et la lumière dans un astre céleste.
Max Ernst
Au premier mot limpide, 1923
Huile sur plâtre, reporté sur toile, 232 × 167 cm
Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Walter Klein, Düsseldorf

Max Ernst était à maints égards un esprit fort ironique, élégant et rebelle — et il apparaît aujourd’hui encore comme un artiste dont la création est tout à la fois accessible et complexe. Ses œuvres s’adressent à nous, elles font surgir des abîmes et des secrets cachés , elles provoquent la réflexion Insaisissable comme du mercure — présentant inlassablement des formes d’un renouvellement fascinant —, Max Ernst reste près de quarante après sa mort un phénomène singulier, exemplaire dans son autonomie artistique, dont la liberté irréductible et le courage qui lui a fait accueillir un changement constant dans son œuvre comme dans sa vie préservent l’œuvre de tout opportunisme stylistique et de toute paralysie.
Cette exposition a été conçue par Werner Spies et Julia Drost, commissaires invités, et a vu le jour en collaboration avec l’Albertina de Vienne. La commissaire d’exposition pour l’Albertina est Gisela Fischer. Le commissaire de l’exposition de la Fondation Beyeler est Raphaël Bouvier. la Fondation Beyeler remercie Dr. Christoph M. et Sibylla M. Müller pour leur engagement tout particulier en faveur de l’exposition.
À l’occasion de cette exposition, la Fondation Beyeler publie un catalogue en allemand et en anglais. L’édition destinée au commerce est éditée par Hatje Cantz Verlag, Ostfildern. Ce volume édité par Werner Spies et Julia Drost contient une préface de Klaus Albrecht Schröder et Sam Keller, avec des essais de Werner Spies, Julia Drost, Adrian Sudhalter, Raphaël Bouvier, Jürgen Pech, Ralph Ubl, Gabriele Wix et autres.
Il  est disponible au musée au prix de 62.50CHF
Le catalogue est aussi disponible auprès de l’ Art Shop de la Fondation Beyeler : www.fondationbeyeler.ch
Fondation Beyeler,
Beyeler Museum AG,
Baselstrasse 77, CH –
4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler:
tous les jours 10h00 – 18h00, le mercredi jusqu’à 20 h
texte presse
Images courtoisie de la Fondation Beyeler

Les Picasso sont là

Par conséquent il ne faudrait surtout pas les rater.
C’est une exposition unique qui couvre toute la période artistique de Picasso.
C’est à Bâle au KUNSTMUSEUM jusqu’au 21 juillet 2013.

Pablo Picasso
Arlequin assis, 1923
Öl auf Leinwand
130.2 x 97.1 cm
Kunstmuseum Basel
Depositum der Einwohnergemeinde der Stadt Basel 1967
Foto: Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler
© Succession Picasso / ProLitteris, Zürich

 
Cette histoire singulière débute par une catastrophe. Le 20 avril 1967, un avion de la compagnie charter bâloise Globe Air s’écrase sur l’île de Chypre, provoquant la mort de 126 personnes et la faillite de Peter Staechelin, propriétaire de la compagnie. Pour payer ses dettes, il vend quatre oeuvres d’art achetées par son père, dont un van Gogh. Mais quand il annonce vouloir aussi vendre les deux tableaux de Pablo Picasso,
« Les Deux frères » et « Arlequin assis » ,
Pablo Picasso
Les deux frères, 1906
Öl auf Leinwand
141.4 x 97.1 cm
Kunstmuseum Basel
Depositum der Einwohnergemeinde der Stadt Basel 1967
Foto: Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler
© Succession Picasso / ProLitteris, Zürich

que son père avait donné en prêt à long terme au Kunstmuseum, les évènements prennent une tournure exceptionnelle. La valeur marchande des deux toiles était alors estimée à 8,4 MF (millions de francs suisses) de l’époque. Pour sauver ces deux pièces maîtresses du musée des Beaux-arts, le gouvernement cantonal vote un prêt de 6 MF et lance un appel au mécénat pour financer les 2,4 MF restant. Un comité de citoyens, mobilisé par un garagiste peu sensible à l’art moderne, lance alors un référendum, qualifiant d’« insensé » ce prêt pour des oeuvres d’un peintre vivant qui incarne à leurs yeux le « déclin de l’art ». C’est le premier référendum pour des oeuvres d’art. Une campagne digne d’enjeux politiques se déroule alors à Bâle et dans tout le canton, les pro-Picasso organisent des rassemblements avec badges et banderolles « We like Picasso » . C’est dans une ambiance survoltée que se déroule le 17 décembre 1967, pour la première fois en Europe, un référendum pour ou contre l’achat d’oeuvres d’art. Le « oui » l’emporte avec 5 000 voix d’avance (32 118 contre 27 190).
Foto Kurt Wyss
20.12.1967: In seinem Atelier in Notre Dame de Vie bei Mougins stellt Picasso zwei Gemälde aus der aktuellen Produktion nebeneinander. Kurz darauf wird er sie Basel schenken und ihnen die Titel „Vénus et l‘Amour“ und „Le couple“ geben.

Les Bâlois ont sauvé leurs deux Picasso. Picasso, âgé de 86 ans à l’époque, fut si touché par cette marque d’amour de la population bâloise qu’il invita, dès le lendemain, le directeur du Kunstmuseum, Franz Meyer, dans sa maison à Mougins. « Picasso lui a dit de choisir une des toiles de l’année 1967 qui remplissaient son atelier », raconte Kurt Wyss, ancien photographe du journal bâlois National Zeitung , témoin de la scène. Franz Meyer a demandé au maître espagnol de poser deux toiles « Vénus et l’Amour » et « Le Couple » côte à côte. « Je ne sais pas laquelle des deux choisir. » Face à l’indécision du Bâlois, Jacqueline Picasso suggère à son mari : « Pourquoi pas les deux ? Ils doivent rester ensemble… » Picasso acquiesce. Puis, dans la salle à manger où ils allèrent boire un thé, était posée en évidence contre un mur une toile  » Homme, Femme et Enfant » de la période rose comme les deux tableaux sauvés par les Bâlois. Picasso rajouta cette toile, qu’il avait gardée 61 ans, au « cadeau » pour les Bâlois, ainsi qu’une grande esquisse des Demoiselles d’Avignon.
Foto Kurt Wyss
Banner an der Fassade des Kunstmuseums Basel, 6. Januar 1968

Et le Kunstmuseum hérita, cette année-là, d’un cinquième Picasso, Le Poète , un portait offert par Maja Sacher, l’une des héritières du fondateur du groupe chimique Hoffmann-La Roche.
Mais les relations privilégiées entre des Bâlois et Picasso remontent encore plus loin. Déjà avant la seconde guerre mondiale des collectionneurs comme Raoul La Roche, Rudolf Staechelin, Karl Im Obersteg et Maja Sacher-Stehlin ont constitué des collections significatives, au sein desquelles Picasso occupait une place centrale. Les tableaux de premier ordre qui furent achetés par ces amateurs ont pour la plupart enrichi, depuis lors, le fonds du Kunstmuseum Basel où ils y sont présentés en tant que prêts à long terme. Le musée lui-même a procédé à ses premiers achats de Picasso dans les années 1920 pour le cabinet des estampes, par la suite, dès les années 1950, il n’a cessé de développer ce fond par l’achat de toiles importantes.
Pablo Picasso
Le repas frugal, 1904
Radierung
65.6 x 50.9 cm
Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett
Foto: Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler
© Succession Picasso / ProLitteris, Zürich

Après la guerre, Ernst Beyeler a fait mieux connaître l’œuvre de l’artiste espagnol aux amateurs bâlois en organisant des expositions dans sa galerie, tandis qu’il constituait sa propre et imposante collection. C’est ainsi que se trouve aujourd’hui en mains bâloises une étonnante concentration d’œuvres, aussi bien en termes qualitatifs que quantitatifs.
La réunion de tous ces fonds donne lieu à une exposition exhaustive qui traite toutes les phases importantes de la carrière de Picasso à travers l’exemple d’œuvres de première qualité. Pour la première fois depuis l’exposition van Gogh en 2009, c’est l’intégralité du 2e étage du musée qui est consacré à cette exposition. On y découvre des peintures, des dessins, des gravures, tout comme des sculptures de l’artiste. Cela permet au visiteur de jouir d’une vue d’ensemble de toutes ses périodes les plus fascinantes, des périodes bleue et rose, en passant par le cubisme, le néoclassicisme et les tableaux surréalistes des années 1930, jusqu’aux travaux des années 1940-50, sans oublier l’œuvre tardive.
La collection de la Fondation Jean et Suzanne Planque est déposée au musée Granet à Aix-en-Provence pour quinze ans. Chapelle des Pénitents blanc – ouverture le 24 mai 2013.
Jean Planque rencontre le marchand bâlois Ernst Beyeler dont il restera le collaborateur jusqu’en 1972. Envoyé par la Galerie Beyeler de Bâle, il apporte une peinture de Cézanne
« Portrait de Mme Cézanne » que Picasso souhaitait acheter. La vente n’aura pas lieu, le tableau ayant été fortement restauré mais cette réunion sera la première de beaucoup d’autres.  C’est en découvrant cette collection à la Fondation Fernet Branca de St Louis (anciennement Centre d’art) que nous avons découvert l’étroite collaboration entre Ernst Beyeler et Jean Planque, mais surtout le lien qu’il établit avec Picasso.
L’exposition du Kunstmuseum réunit environ 60 toiles, 100 travaux sur papier, ainsi que des sculptures. Des photographies et un film de la télévision suisse documentent la fameuse « Année Picasso »
Un catalogue richement documenté illustré chez Hatje Cantz Verlag, paraît. Un programme de médiation culturelle variée est proposé.
photos courtoisie du Kunstmuseum
texte presse

Sommaire de mars 2013

Week end de l’art contemporain – performance au FRAC Alsace

04 mars 2013 : Week-end de l’art contemporain en Alsace
08 mars 2013 : Art Kalsruhe 2013 10e salon
13 mars 2013  : Des vitraux de Hans Erni dans le temple de Martigny
21 mars 2013 : Sam Szafran, 50 ans de peinture
22 mars 2013 : Collection Renard à la Fondation Beyeler
29 mars 2013 : « Interférences / Interferenzen. Architecture. Allemagne – France, 1800-2000 »

Collection Renard à la Fondation Beyeler

Sam Francis

La Fondation Beyeler est la bénéficiaire d’une généreuse donation de trente-trois œuvres de la collection d’art du couple français Claude et Micheline Renard. En raison de la grande estime qu’ils éprouvaient pour Ernst Beyeler et pour son musée, les Renard ont exprimé le vœu explicite de transmettre à la Fondation Beyeler les œuvres clés de leur collection. Cadre chez Renault, Claude Renard (1928–2005) a été en 1967 l’initiateur de la création de la division « Recherches, art et industrie », fondant ainsi la première grande collection d’entreprise d’art contemporain en France. Avec sa femme Micheline, il a conçu et organisé, toujours dans le cadre de l’association
« L’incitation à la création », de nombreuses expositions d’art contemporain à l’abbaye de Sénanque. Cet engagement durable et cette passion pour l’art se sont concrétisés à travers une remarquable collection de toiles, de sculptures et de travaux sur papier d’artistes internationalement reconnus comme Jean Fautrier, Jean Dubuffet, Sam Francis, Jean Tinguely, Antoni Tàpies, Sigmar Polke et Jean-Michel Basquiat – des artistes qui sont souvent devenus des amis du couple Renard. La transmission des pièces de la donation de la Collection Renard à la Fondation Beyeler est à l’origine de la rencontre entre deux collections, largement différentes certes par leur profil et leur portée, mais qui se caractérisent par des parallèles et des points de contact tout à fait opportuns.

Alors que la Collection Beyeler illustre de manière exemplaire l’art moderne de la fin du XIXe jusqu’au début du XXIe siècles à travers de nombreux chefs-d’œuvre, la Collection Renard se concentre sur un petit nombre d’œuvres d’artistes internationaux de l’après-guerre. On ne peut manquer d’être frappé par d’étroites correspondances entre ces deux collections, qui ne portent pas seulement sur le choix des artistes, mais concernent également les critères artistiques et la prédilection pour certaines positions esthétiques. Ces correspondances s’expriment de façon particulièrement significative dans les œuvres de Jean Dubuffet, Sam Francis et Antoni Tàpies – trois artistes représentés aussi bien dans la Collection Beyeler que dans la Collection Renard. Avec les œuvres de ces représentants majeurs de l’art d’après-guerre principalement, la Collection Renard apporte une contribution substantielle qui vient renforcer et compléter le fonds de la Fondation Beyeler.

La donation Renard permet en outre à certains artistes encore absents de la Fondation Beyeler d’y faire leur entrée, une présence qui élargit la collection de façon cohérente par des apports de toute première importance. On peut citer ainsi Jean Fautrier, Jean Tinguely, Sigmar Polke et Jean-Michel Basquiat, dont les œuvres permettent de prolonger de façon dynamique certains fils conducteurs déjà existants de la Collection Beyeler. L’intégralité des œuvres données — dont certaines n’ont encore jamais été montrées en public — est présentée dans le cadre de cette exposition, ce qui permet à de nombreux visiteurs de les découvrir pour la toute première fois.
Le commissaire de cette exposition est Raphaël Bouvier.
Fondation Beyeler, Beyeler Museum
AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h00
Images courtoisie de la Fondation Beyeler