Le voyage est un mode de vie typiquement contemporain. Mais il plonge aussi ses racines dans les profondeurs de l’histoire humaine. C’est au travers du voyage – déplacement, migration et vie nomade, exil même – que les êtres humains ont écrit leur histoire et créé leur identité – l’humanité. La vie est un éternel voyage, entre le point de départ et la destination finale, entre le passé et l’avenir, entre la mémoire et la réalité, entre l’émotion et l’imagination… Certains voyagent sur leur ordinateurs, d’autres dans leur imagination.
Robert Cahende par son œuvre est l’expression vivante de ce processus, résolument contemporaine par l’appel aux techniques les plus modernes (appareils électroniques pour produire sons et images), elle explore et expose aussi les aspects essentiels de notre vie d’aujourd’hui. C’est un mouvement permanent ou « passage », pour reprendre l’expression de l’artiste, entre stabilité, enracinement, voisinage et changement, déplacement, globalisation… et le fait même d’être créé au travers des échanges. Robert Cahen, le monde entier connaît sa haute silhouette vêtue de noir, (ou de bleu) boucles devenues blanches, yeux bleus au regard soutenu, à la démarche virevoltante, voire flottante. RKN est à l’image de certains oiseaux migrateurs qui voguent d’un continent, l’autre, à la rencontre de la beauté et de la poésie du monde, qui sont au cœur de son travail . Mais qu’est-ce qui fait courir RKN ? Il n’est jamais à court d’idées, un projet à Macao juxtapose un autre aux Philippines. Proustien et baudelairien, dans sa recherche du temps, qu’il ne perd jamais, en tentant de l’arrêter, par des effets qui lui sont si personnels, reconnaissables, flous, poétiques.
La vidéo est dans une certaine mesure comparable à une lanterne magique, objet proustien grâce auquel l’enfant qui est en l’homme peut projeter des images sur les murs de sa chambre, se raconter des histoires pour échapper au temps ; mais l’artiste, lui, connaît le secret du monde, et les vidéos de Robert Cahen le révèlent comme les derniers mots de : À la recherche du temps perdu. Stephan Audeguy
Voyager/Rencontrer, titre d’une exposition en Asie, caractérise l’artiste. Les vidéos et installations sont inspirées de ses voyages dans différentes parties du monde. Le spectateur est entraîné dans un véritable monde flottant, voguant entre la réalité et la fiction, dans une expérience quasi physique du voyage.
Cette fois ce voyageur infatigable s’aventure en Patagonie, avant de nous réserver de multiples surprises en Europe et notamment en France pour 2013 et plus. Robert Cahenparticipe au Festival International de documentation Expérimentale de Patagonie« PAFID » avec les oeuvres suivantes :
clic sur les images
Partager la publication "Robert Cahen en Patagonie"
Sous nos yeux est un projet en plusieurs parties fait de rencontres, d’expositions et de publications. La proposition curatoriale explore des démarches artistiques comme autant d’écritures et d’inventions de matériaux. La petite histoire inscrit chaque oeuvre entre un lieu spécifique d’investigation et un espace commun d’intervention. Cette correspondance se révèle, dans le projet Sous nos yeux (partie1), tel un fil rouge, et prend la forme d’un rapprochement entre les montagnes du Rif, comme exemple géographique et La Kunsthalle de Mulhouse, son histoire, ses activités et sa fréquentation. Que le lieu d’investigation retenu par l’artiste soit réel ou virtuel, il nous amène à lire et penser les idées des oeuvres dans la grande histoire. C’est avec cette perspective, certes expérimentale, que le projet Sous nos yeux associe les artistes, les chercheurs et les professionnels de l’art et d’autres sciences humaines, inscrivant la notion d’oeuvre aux côtés des autres productions de la civilisation. Cette première partie se déploie entre divers lieux physiques, investis par les productions artistiques, dont La Kunsthalle est le quartier général.
La R22 radio est associée au projet comme un espace de dialogue, encadré par l’écrivaine et artiste Georgia Kotretsos, en collaboration avec la radio universitaire de Mulhouse (Radio Campus). R22 radio : www.radioapartment22.com
Radio Campus Mulhouse : www.radiocampusmulhouse.fr Abdellah Karroumest chercheur et directeur artistique basé entre Cotonou, Paris et Rabat. Son travail concerne les questions de création d’espaces et le vocabulaire de l’art. Commissaire invité à La Kunsthalle Mulhouse, Abdellah Karroum travaille sur le projet Sous nos yeuxqui se poursuit au MACBA, Musée d’Art Contemporain de Barcelone en 2014.
Adel Abdessemed (voir Decor aux Unterlinden ) étudie tout d’abord à l’École des Beaux-Arts d’Alger. Il quitte l’Algérie en 1995 puis étudie à l’École des Beaux- Arts de Lyon. Il obtient une bourse d’artiste qui lui permet de se rendre à New York et d’y exposer en 2001. Il utilise la vidéo, la sculpture, la photographie et le dessin. Il met à l’épreuve les limites sociales, culturelles et politiques aussi bien dans les sociétés musulmanes qu’occidentales. Son travail aborde le thème de l’exil depuis son départ précipité d’Alger et de l’École des Beaux-Arts, le jour même de l’assassinat de son directeur, lors de la guerre civile des années 1990. La liaison qu’il entretient avec le monde témoigne d’une réalité malade de violences et d’exodes. La référence à Ulysse et à la Méditerranée est une constante dans son oeuvre. L’art est une « porte de sortie ». Son travail propose un langage de la transgression pour briser les tabous liés au corps et aux idéologies. Les Mappemondes
Elles sont réalisées avec le recyclage de métaux, boîtes de conserve et autres produits de consommation de masse. La carte est faite de l’assemblage de ces morceaux imprimés, marqués, pour reconstituer un monde « pris en otage par la publicité ». La Mappemonde proposée pour Sous nos yeux, composée d’océans rouges et de continents rouges, est d’une violence silencieuse. L’artiste invente un vocabulaire, dans lequel le concept d’oeuvre d’art implique celui de responsabilité. A.K. Gabriella CianciminoNée en 1978 à Palerme en Italie, elle y vit et travaille. Après avoir étudié la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Palerme, Gabriella Ciancimino participe en 2003 à la création du collectif d’artistes UAU (United Artists Unknown). A cette occasion s’éveille son intérêt jamais démenti pour l’interaction entre les cultures et qui joue un rôle déterminant dans sa pratique. Elle se concentre sur les relations qui transforment l’oeuvre d’art en un moment de rencontre ou de confrontation. Elle crée ainsi des Zones Franches où des communautés différentes peuvent tisser des liens et explorer de nouvelles possibilités dans la diversité de leurs expressions. Son travail s’articule autour d’actions in situ et d’oeuvres collectives intégrant plusieurs médias (vidéo, musique, installation, dessin, graphisme, photo). Elle a exposé à l’American Academy de Rome (2009), au RISOMuseo d’Arte Contemporanea della Sicilia de Palerme (2010), à L’appartement 22 de Rabat (2010). Elle a contribué au Volume 1 du projet « Sentences on the banks and other activities » à Amman en 2010, ainsi qu’au « Projet pour le pavillon marocain de la 54e biennale de Venise » en 2011, et a participé à la biennale du Bénin en 2012. Plusieurs de ses oeuvres ont été acquises par des collections publiques comme le Museo del Novecento de Milan ou le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur à Marseille. Le Jardin de la Resistance, 2013 Une oeuvre qui se développe depuis la première résidence réalisée par l’artiste dans le Rif, notamment en relation avec la coopérative de femmes Noua’Rif en 2011. À Mulhouse, Gabriella Ciancimino mène une recherche sur l’histoire des résistances et propose des productions collectives, en collaboration avec différents groupes d’étudiants, d’artistes ou de personnes de la vie associative. A.K Badr El Hammami Né en 1979 au Maroc, il vit et travaille à Valence en France. Arrivé en France en 2001, Badr El Hammami est diplômé de l’École des Beaux-Arts de Valence depuis 2009. Badr El Hammami expérimente de façon poétique le concept de frontière autour d’un ensemble d’installations, textes, photographies, vidéos et performances. Il questionne cette notion arbitraire sans laquelle l’étranger ne serait pas. Son statut d’étranger en France lui permet une lecture paradoxale des cartes et des territoires. Lorsque Badr regarde une carte, il ne voit pas « des pays juxtaposés, ni des formes », mais « un réseau de lignes, une forme rhizomique qui connecte tous les territoires ».
Cote a Cote, 2012, série de photographie et d’objets Cette première oeuvre photographique a été réalisée en dialogue avec les vendeurs ambulants, en majorité des Sénégalais en transit, dans les rues de Rabat. Lors de sa résidence à Mulhouse, l’artiste produit une « pièce » en relation avec la monnaie d’échange dans le Rif des années franquistes espagnoles, notamment en circulation dans la zone de Melilla. Cette oeuvre fait écho à la première, dans un devenir figé. A.K. Pedro Gómez-Eg aÑa Né en 1976 en Colombie, il vit et travaille au Danemark et en Norvège. Pedro Gómez-Egaña est un artiste colombien. Il a étudié la composition musicale et les arts plastiques au Goldsmiths College de Londres et à l’Académie Nationale des Arts de Bergen, ainsi que dans le cadre du programme national de recherche norvégien sur les arts. Pedro Gómez-Egaña a recours aussi bien à la sculpture qu’à la vidéo, la photographie ou aux oeuvres in situ qui explorent notamment les liens entre mouvement et temporalité. Certaines de ses oeuvres consistent en des mises en scène complexes où les spectateurs assistent aux transformations de compositions sculpturales. Son travail souligne également l’importance du temps dans les concepts de désastre, d’angoisse ou de catastrophe, si prévalant culturellement, tout en résistant à la logique du choc qui s’impose dans les médias. Il en résulte des oeuvres à la fois ludiques et fantomatiques, qui vont de la vidéo performative à la production théâtrale élaborée, avec ses dispositifs de réception soigneusement mis au point. Anytime Now, 2008, vidéo Réalisée à L’appartement 22, Rabat. Le film, conçu au départ comme une performance pour caméra, est réalisé en extérieur sur le seuil de l’espace d’exposition. Pendant le tournage, le projet est dérouté par un événement extérieur qui rattrape le scénario initial : les cris des manifestants qui se lèvent au milieu de la performance, occupent le champ sonore de l’oeuvre et la ramène à la réalité du lieu de production et de son contexte politique. A.K.
Younès Rahmoun Né en 1975 au Maroc, il vit et travaille à Tétouan. Younès Rahmoun est l’un des artistes les plus actifs de la «génération 00s» au Maroc. Cette génération développe un vocabulaire artistique inspiré des réalités sociales des années d’alternance politique et de transition démocratique dans le Maroc des années 2000, et dans le contexte global de l’art auquel ils participent. Depuis sa sortie d’école en 1999, il expérimente et pratique les interventions dans le paysage pastoral du Rif, comme dans l’oeuvre « Tammoun » ou « Ghorfa », et dans les musées, à l’instar de l’exposition « l’objet désorienté » organisée par Jean-Louis Froment, dans une réflexion sur le passage de l’art « de l’esthétique à l’éthique ». Il développe une oeuvre multiple, mêlant des influences provenant de son univers personnel, de ses origines, croyances et expériences. Déclinant un vocabulaire de chiffres, de couleurs et de formes, l’artiste crée des oeuvres souvent esthétiques, d’où émane une quête d’universalité. Loin de se restreindre à l’utilisation d’un seul et même médium, il explore avec curiosité les possibilités que lui offre son époque. Sa pratique va ainsi de l’installation au dessin en passant par les nouvelles technologies et le multimédia. Younès Rahmoun présente une cartographie de la Ghorfa, et des productions réalisées en amont ou après la réalisation de l’oeuvre comme espace architectural dans les montagnes du Rif. L’artiste propose une intervention pour inscrire les lignes de son parcours dans un aller/retour entre le paysage initial de son oeuvre et l’espace urbain de son exposition. A.K.
LMDP dont l’idée est de n’en avancer aucune, s’est joint par cette disposition naturelle à la proposition Sous nos yeux d’Abdellah Karroum et la Kunsthalle Mulhouse. Espérant ainsi aller voir de plus près encore cette condition des évidences et de leurs contraires, qui interroge aux yeux du groupe le matériau même du travail de l’art. LMDP est une forme de petit poème pour dire aussi que dans cette posture de travail tout se résout dans la possibilité de l’oeuvre. Abdellah voulait qu’on voit Marrakech, finalement tout le monde se verra à Mulhouse !
visites guidées, Kunstapéro, visites d’enfants etc … à voir sous Kunsthalle photos courtoisie Kunsthalle sauf la 2 et la dernière
Partager la publication "Sous nos yeux (partie1) Kunsthalle Mulhouse"
Jusqu’ au 20 mai 2013 à la Fondation de l’Hermitage de Lausanne
Depuis toujours, le thème de la fenêtre fascine les artistes. Avec l’exposition Fenêtres, de la Renaissance à nos jours. Dürer, Monet, Magritte…,
la Fondation de l’Hermitage (vidéo ici) propose de découvrir le rôle primordial tenu par ce motif dans l’iconographie occidentale, du XVe siècle à nos jours. Organisée en partenariat avec le Museo Cantonale d’Arte et le Museo d’Arte de Lugano, cette manifestation réunit plus de 150 oeuvres provenant de nombreuses institutions suisses et européennes, ainsi que de prestigieuses collections privées.
Indissociable des recherches sur la perspective menées à la Renaissance, la fenêtre n’a cessé d’être réinterprétée au gré des époques et des courants artistiques. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les peintres utilisent son cadre pour guider le regard vers des paysages rêvés, des vues réalistes ou, à l’inverse, pour faire pénétrer la lumière au plus profond des intérieurs. Par la suite, de nombreux artistes se servent de la fenêtre et de ses reflets pour brouiller la limite entre le dedans et le dehors. D’un simple élément de décor, la fenêtre devient peu à peu un sujet à part entière. Son ouverture, son cadre, sa lumière, ses carreaux parfois, permettent aux plasticiens d’explorer des voies nouvelles, dont certaines ont abouti à la découverte d’un art abstrait et dépouillé.
Ce parcours thématique à travers 500 ans d’histoire de l’art regroupe des artistes majeurs tels que Dürer, Dou, Constable, Monet, Hammershøi, Munch, Delaunay, de Chirico, Mondrian, Jawlensky, Matisse, Duchamp, Vallotton, Ernst, Bonnard, Vuillard, Klee, Delvaux, Magritte, Picasso, Balthus, Rothko, Scully et bien d’autres encore. Peintures, gravures, photographies et vidéos proposent un panorama complet de ce thème fascinant, qui transcende les styles et les époques. Dans sa première étape à Lugano, l’exposition se déployait sur les deux sites du Museo Cantonale d’Arte et du Museo d’Arte, et pouvait ainsi profiter de lieux permettant une traversée très vaste de la thématique, incluant des pièces et des installations de grandes dimensions. La réalisation de ce projet ambitieux a bénéficié du concours d’un nombre très important d’institutions publiques, de collectionneurs privés, de galeries et d’artistes qui, avec une grande générosité, ont consenti au prêt d’œuvres exceptionnelles et fondamentales pour la construction du propos de l’exposition.
Extrait du texte de Sylvie Wuhrmann, Directrice de la Fondation de l’Hermitage, Lausanne
Une fenêtre ouverte En 1435, le grand humaniste, architecte et ingénieur Leon Battista Alberti publie le De Pictura (De la peinture), ouvrage dans lequel il formule les principes théoriques de la nouvelle expression artistique qui se met en place à la Renaissance. Dans ce manuel à l’usage des peintres, il présente notamment les connaissances scientifiques qui leur sont nécessaires – la géométrie, l’optique –, et il traite de la lumière, des couleurs, et de la perspective. Abordant la question de la construction du tableau, il écrit dans un célèbre passage : « Je trace d’abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, fait d’angles droits, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire.»
Cette définition du tableau comme une « fenêtre ouverte » (Léonard de Vinci parlera lui d’une «paroi de verre»)va connaître une fortune critique et théorique extraordinaire. Jusqu’au XXe siècle, les artistes la revisitent abondamment, parfois de manière ironique. La perspective – du latin perspicere, « voir au travers », science qui apprend à représenter des objets tridimensionnels sur une surface bidimensionnelle, de façon à donner l’illusion de profondeur – occupe une place centrale dans cet ouvrage. La méthode énoncée par Alberti met en jeu tout un système de points (de fuite ou de distance) et de lignes (parallèles, convergentes ou diagonales). Elle sera explicitée par la suite dans de nombreux traités, à l’aide de schémas. Certains théoriciens tel Albrecht Dürer conçoivent des dispositifs (viseurs, vitres, grilles) permettant d’obtenir une perspective approximative par des moyens mécaniques. L’omniprésence de la grille dans ces procédés de construction du tableau annonce de manière troublante l’importance que cette structure assumera dans les arts visuels au XXe siècle. Nature morte et fenêtre Les artistes ont toujours aimé associer la nature morte et la fenêtre. Dans l’Antiquité romaine déjà, de nombreuses peintures murales combinent fruits, mets ou ustensiles avec des ouvertures en trompe-l’oeil. Car la fenêtre joue un rôle prépondérant dans la nature morte, même si sa présence est souvent indirecte. Dans les natures mortes hollandaises du XVIIe siècle, la fenêtre ne s’ouvre pas sur le monde, mais elle le laisse entrer avec discrétion. On la devine par les rais de lumière qu’elle laisse filtrer, qui sculptent les volumes et cisèlent les formes. Elle apparaît aussi par le reflet de ses carreaux sur les surfaces, révélant l’habileté du peintre à créer l’illusion des matières. A la fenêtre A la fenêtre, l’individu est suspendu entre un intérieur familier et le monde extérieur. La vue qui s’offre à ses yeux peut être objet de méditation ou de désir. A moins que ce ne soit le lieu que l’on fuit pour se retirer dans les espaces rassurants de sa demeure et y trouver protection et réconfort. Sous l’impulsion du peintre allemand Caspar David Friedrich (1774-1840), le motif de la figure à la fenêtre devient très populaire à l’époque romantique. Absorbé dans sa vision, ce personnage (le plus souvent une femme) exerce un fort pouvoir d’identification sur le spectateur du tableau, d’autant que l’objet de sa contemplation lui est dérobé. Ces images qui juxtaposent un univers clos, familier, mesurable et un ailleurs lointain, indistinct et infini, sont parfois empreintes de nostalgie (Antoine Duclaux, La reine Hortense à Aix-les-Bains, 1813).
Et la fenêtre, qui marque le seuil vers cet ailleurs inatteignable, devient la métaphore d’une aspiration inassouvie, d’un destin inaccompli ; elle est une figure du désir. Les femmes à la fenêtre réapparaissent en force à la fin du XIXe siècle, notamment chez le peintre danois Wilhelm Hammershøi. Ci-dessous le détail de la réverbération de la fenêtre dans une Vanitas de Harmen STEENWIJCK
Intérieur / Extérieur
En architecture, les portes et les fenêtres, qui sont des ouvertures liées à des fonctions spécifiques, matérialisent la relation entre l’espace à l’intérieur d’un édifice et l’extérieur. Mais si elles sont insérées dans un tableau, elles se transforment en un seuil métaphorique de séparation entre deux mondes : le monde privé de l’intimité, et le monde public et social. Dans la peinture occidentale, depuis la construction de la perspective à la Renaissance jusqu’au XIXe siècle, la relation entre ces deux espaces s’exprime dans des compositions où l’oeil passe des objets et des figures présents à l’intérieur du lieu, au paysage extérieur. Nouvelles perspectives La fenêtre est une présence récurrente sur le chemin des avant-gardes qui se succèdent dans l’histoire de l’art du XXe siècle. Confrontés à un monde qui est en train de changer radicalement, les artistes comprennent qu’il est nécessaire de transformer aussi la façon de le regarder. C’est sans doute parce qu’elle est indissolublement liée, au sens concret et métaphorique, à l’histoire de la culture visuelle, que la fenêtre permet d’expérimenter de nouveaux langages pouvant ouvrir de « nouvelles perspectives ».
Décomposition du sujet et intersection des plans sont à la base du cubisme et du futurisme, deux mouvements qui exercent leur force perturbatrice sur la fenêtre, la dépouillant de sa fonction de seuil entre l’intérieur et l’extérieur, pour la fragmenter et la mêler au paysage.
Grilles
Le début du XXe siècle voit l’émergence des avant-gardes historiques comme le constructivisme, le cubisme, le futurisme ou le mouvement Dada, qui produisent les conditions fondamentales pour la naissance d’une nouvelle forme d’expression artistique : l’abstraction. Tandis que pour certains artistes, le monde vu depuis la fenêtre – et subdivisé en rectangles – offre l’occasion de créer des images abstraites à partir d’un module géométrique, d’autres se désintéressent plus ou moins radicalement du monde extérieur pour se concentrer exclusivement sur la composition et sur la construction de l’oeuvre, à commencer par sa surface. Dans les deux cas, c’est par l’utilisation de carrés, de rectangles, de champs colorés, de lignes parallèles et de diagonales qui se croisent pour former des grilles, que les artistes réorganisent l’espace de la composition, donnant naissance à des oeuvres où l’équilibre et la proportion dominent. Cadrages
La photographie est une fenêtre, raison pour laquelle nous trouvons tant de fenêtres dans les photographies. La première image photographique parvenue jusqu’à nous est d’ailleurs prise depuis une fenêtre: en 1825 ou 1826, Nicéphore Niépce réalise depuis la fenêtre du dernier étage de sa maison de Saint-Loup-de-Varennes, un cliché de toits de maisons. Ce point de vue légèrement plongeant sera par la suite adopté et poussé dans ses derniers retranchements par les photographes des avant-gardes, pour subvertir les règles de la perspective. C’est justement l’objectivité particulière de la photographie qui a su indiquer – par exemple dans les vues vertigineuses depuis les fenêtres du Bauhaus de Feininger présentées ici – de nouvelles voies pour un espace qui ne serait plus construit conformément aux règles de la perspective.
Sujet / objet La fenêtre est un élément et un lieu de la maison qui devient un sujet de recherche pour de nombreux artistes dès la période romantique. En tant que structure, avec ses divisions, ses battants et ses croisées, la fenêtre commence à devenir une métaphore privilégiée de la peinture. Elle est d’ailleurs souvent associée spatialement au miroir et au tableau. Des tableaux sur chevalet sont ainsi volontiers disposés près des fenêtres, ou même tournés de sorte que seul leur dos – l’objet tableau avec son châssis et non l’image peinte – est visible.
Au XXe siècle, l’approche de la fenêtre comme objet se développe, tout en se différenciant selon les différents mouvements artistiques et architecturaux qui marquent les avant-gardes. La transformation de la fenêtre, devenue objet spécifique de la peinture plutôt que simple sujet, trouve sa définition formelle dans l’oeuvre d’Ellsworth Kelly. La fenêtre fermée Véritable icône de l’art du XXe siècle, laFresh Widow de Marcel Duchamp (1920/1964) interroge la tradition picturale occidentale, et la conception du tableau comme « fenêtre ouverte sur le monde», issue du théoricien de la Renaissance Leon Battista Alberti. Ici, la fenêtre s’affirme comme objet : n’ouvrant sur aucun paysage, sur aucun espace fictionnel, elle se donne à voir pour elle-même. Comme d’autres ready-made de Duchamp, cette oeuvre est une sorte de contrat entre l’artiste et le spectateur : sans l’attention légitime de ce dernier, l’oeuvre ne s’accomplit pas. La fenêtre fermée n’est toutefois pas une invention moderne : on construisait déjà des fenêtres «aveugles» à la Renaissance, parce que l’on pensait qu’une fenêtre ouverte pouvait constituer un danger pour la stabilité du bâtiment. La fenêtre «aveugle» – autrement dit, non assujettie à une vision traversante – est depuis Duchamp une image récurrente de l’art moderne, que ce soit en tant qu’objet ou en tant que représentation peinte ou constituée de morceaux de fenêtre. Elle est le principal élément de nombreuses oeuvres du XXe siècle (elle joue par exemple un rôle clef chez Ellsworth Kelly) et même contemporaines (comme dans la proposition apparemment littérale d’Ugo Rondinone). D’autres artistes explorent les codes de représentation en travaillant sur des fenêtres bouchées par du papier d’emballage ou du badigeon blanc. Ainsi, dans ses grandes oeuvres abstraites, Bertrand Lavier s’inspire des vitrines des commerces en chantier, passées au blanc d’Espagne.
Ecrans
L’écran est la métaphore authentique, moderne et contemporaine, de la fenêtre. Toutefois, cette fenêtre n’est pas ouverte, elle n’est pas transparente, mais elle projette des images depuis d’autres lieux, d’autres mondes. Qu’il soit cinématographique ou de télévision, l’écran est aussi ce qui, en fin de compte, sépare le spectateur de la réalité. La définition du septième art comme «fenêtre sur le monde» est probablement la plus utilisée depuis sa naissance. La fenêtre apparaît ainsi comme une métaphore générale de l’image cinématographique et de son rapport avec la réalité qu’elle capture, découvre, révèle et organise.Mais elle est également le symbole du dispositif technique capturant la réalité (la lentille de la caméra, le viseur de l’objectif) et de ce qui la reproduit (la fenêtre de la salle de projection, l’écran sur lequel est projeté le film). La fenêtre trouve aujourd’hui sa métaphore la plus puissante dans Windows – un système d’exploitation qui, ce n’est pas un hasard, fait allusion à une fenêtre virtuelle – et dans Google, qui, en inversant le mouvement, ne regarde plus vers le monde, mais l’amène directement dans nos maisons et sur notre lieu de travail. De l’écran de cinéma ou de la télévision, on est passé au moniteur de l’ordinateur, du smartphone, de la tablette tactile, qui ne constitue plus le diaphragme symbolique entre l’individu et la réalité, mais une nouvelle fenêtre sans cesse connectée sur le monde. Vues intérieures
Certains artistes majeurs du XXe siècle ont un rapport émotionnel très fort avec la fenêtre, ce qui transparaît dans la structure ou les titres de leurs oeuvres. C’est le cas de Rothko qui, lors d’un voyage en Italie en 1959, fut bouleversé par le vestibule de la Bibliothèque Laurentienne conçue par Michel-Ange à Florence : un espace sombre, bordé de fenêtres aveugles, prélude à la lumière de la salle de lecture. L’influence de ce voyage fut considérable : les tableaux, dans la production tardive de Rothko, sont comme des murs de couleur. La composition est souvent réduite à deux champs colorés et une division horizontale qui suggèrent une relation avec le paysage. Un cadre étroit souligne la perception de la peinture comme une «fenêtre» s’ouvrant sur une réalité inconnue, une vision intérieure. Le mur de la peinture comme objet de contemplation est égale- ment une caractéristique de l’écriture poétique de Cy Twombly. Chez cet artiste, le motif de la fenêtre devient un des signes élémentaires disposés sur le fond neutre de la toile, aux côtés des graffiti et des signes calligraphiques.
Commissariat : Marco Franciolli, Directeur, Museo Cantonale d’Arte e Museo d’Arte, Lugano; Giovanni Iovane, Professeur d’histoire de l’art contemporain, Accademia di Brera, Milano; Sylvie Wuhrmann, Directrice, Fondation de l’Hermitage, Lausanne Catalogue : Reproduisant en couleur toutes les oeuvres exposées, le catalogue réunit des contributions de nombreux spécialistes (Victor Stoichita, Daniela Ferrari, Bruno Reichlin, Elio Grazioli, Alberto Pezzotta, Angelica Jawlensky, Angelica Affentranger-Kirchrath, Brenda Danilowitz et Nicholas Fox Weber). CYCLE DE FILMS Cinéma à la fenêtre de mars à mai_ 2013 à la Cinémathèque suisse, Lausanne Renseignements et réservations au +41(0) 21 315 21 70_ ou sur www.cinematheque.ch En collaboration avec Cinemathèque suisse de Lausanne Conférences à venir :
Jeudi 21 mars à 18h30 La fenêtre dans le cinéma
par Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse
Télévision la puce à l’oreille texte et images courtoisie Fondation de l’Hermitage
Partager la publication "Fenêtres de la Renaissance à nos jours Dürer, Monet, Magritte…"
Il ne reste que jusqu’au 17 févrierpour voir « il était une foi » proposée par MAD ART Créateurs exposés : Rodolphe CINTORINO, Didier FAUSTINO, Joël HUBAUT, Philippe JACQ, Léa LE BRICOMTE, Hervé PECHOUX, Louise PRESSAGER, PUPSAM, SAV, Serge SCHIELIN Commissariat :Anne-Virginie DIEZ & Serge SCHIELIN Dans la société occidentale qui se laïcise, les traces du sacré restent présentes dans notre quotidien. Les musées et les églises regorgent de chefs-d’oeuvre picturaux et sculpturaux, patrimoine ô combien important pour l’histoire de l’art qui nous rappelle que pendant des siècles, l’Eglise a été l’un des principaux commanditaires permettant à de nombreux artistes de s’exprimer. D’autres symboles religieux nous sont familiers tels la croix et le crucifix tombés dans une quasi invisibilité ou banalité. Ces formes perdent de leur sainteté sans pour autant disparaître. Dans tels vide-greniers, des Crucifix pour quelques cents, dans un magazine ou une vitrine, une croix récupérée et accessoirisée par le monde de la mode… Nourris d’images pieuses, d’objets liturgiques, de représentations du divin et de motifs dérivés, les créateurs contemporains ont à leur disposition un répertoire de formes dans lequel ils puisent pour nous parler de l’histoire de l’humanité vu à travers les croyances d’hier et d’aujourd’hui. Aussi, de nombreux artistes et designers s’approprient les codes, objets et rites du divin pour en détourner la forme et le sens, transformer les symboles, déplacer les regards, interroger l’indicible. Il était une foi nous invite à pénétrer dans sa crypte pour y voir la Vierge, éprouver notre foi à la lumière du Christ, cibler le pouvoir de l’irrationnel. S’immiscent aussi des forces plus obscures, des poupées aux yeux rouges, des fourches et des fourchettes, des os, etc. Et dans cet espace souterrain, les représentations du bien et du mal cohabitent religieusement … En prenant comme sujet le sacré, la foi, le divin, les artistes et designers s’emparent et bousculent un thème chargé de mystère et auréolé de spiritualité. A l’image des questions que suscite l’art contemporain sur le réel et toutes ses composantes, il est intéressant d’observer ce que ces oeuvres « disent de nous-mêmes, plutôt que ce qu’elles suggèrent de nos dieux ». Anne-Virginie DIEZ, Historienne de l’art
Dans mon travail, je cherche à mélanger les sources, les iconographies pour créer des liens là où il ne devrait pas en avoir. Toujours avec certains ingrédients tels que l’humour noir et la gravité, l’attraction et le rejet, je crée des objets modifiés et déconstruits qui viennent provoquer nos savoirs, nos cultures. Ce qui m’amuse, au travers d’oeuvres provocatrices et de situations performatives engagées c’est de chercher dans ces mêmes cultures une forme de tension afin de les faire vibrer, bousculer nos certitudes »
Didier FAUSTINO > Né en 1968 > Architecte / Designer / Artiste > Paris et Londres Didier FAUSTINO travaille sur la relation entre le corps et l’espace. Son approche est multiforme, de l’installation à l’expérimentation, de la création d’oeuvres plastiques subversives à celle d’espaces propices à l’exacerbation des sens. A ce titre, il a reçu le « Prix Dejean, Grande Médaille d’Argent » de l’Académie d’Architecture en 2010 pour l’ensemble de son oeuvre. Caractérisés par leur dimension fictionnelle, leur regard critique, leur affranchissement des codes et leur capacité à offrir des expériences inédites au corps individuel et collectif, plusieurs de ses projets sont entrés dans les collections de grandes institutions : MoMA, Fonds National d’Art Contemporain, Centre Georges Pompidou. Il enseigne à Londres depuis 2011 à l’A.A.School. Et il travaille actuellement sur des projets architecturaux prestigieux à la fois en France et à l’étranger, à titre d’exemple, pour la création d’une bibliothèque et d’un centre culturel à Mexico, ou pour la création d’un espace d’exposition et de restauration dans la culée rive gauche du pont Alexandre III à Paris ou bien encore à la création d’une maison expérimentale en Espagne pour l’éditeur de maison Solo House.
Joël HUBAUT > Né en 1947 > Artiste-plasticien / Performeur > Paris et Caen Joël Hubaut est né en 1947 à Amiens. Il vit et travaille entre Caen et Paris. Joël Hubaut est un précurseur du mixage, il développe une oeuvre hybride, fictionnelle et transversale par la multiplicité des supports et la variété des actions. Réalisant surtout des sculptures de détournement et des dessins de contamination, il est paradoxalement d’abord connu pour ses performances/installations plutôt rock’n roll et sa poésie. Depuis 1970, le travail de Joël Hubaut est placé sous le signe de la dérive « épidémik et du « mix ». Fondateur de l’espace alternatif Nouveau Mixage à Caen, (1978 à 1985), créateur des éditions de la CREM en 1987 et de la revue sonore « Fractal Musik » sur cd audio, il a crée et animé durant plusieurs années les rencontres « Hiatus » au Frac Basse-Normandie. Joël Hubaut est auteur de nombreuses actions expérimentales « épidémik ». Il est créateur d’actions expérimentales improbables et organisateur d’évènements multimédia : show, concerts, banquets gastrosophiques, workshops, actions incongrues, etc. Actuellement, il participe toujours à de nombreux festivals de poésie-action, de musique expérimentale, d’art-vidéo et de performance dans le monde entier. (Monographie de Joël Hubaut 1970/2005): « Re-Mix épidémik- Esthétique de la dispersion ». Les presses du réel. Dijon. France
Philippe JACQ > Né en 1971 > Artiste-plasticien / Performeur > Montpellier Philippe JACQ est un artiste qui brouille les pistes, bouscule les mythes, explore des attitudes, des actions et des systèmes qui font éclater les frontières de l’art. Qu’il soit dans une démarche participative, socio-critique, dans un regard à la fois fasciné et humoristique sur l’histoire de l’art et de ses icônes, qu’il réalise des films, des installations, des sculptures, des dessins, des performances ou des concerts, son travail met en question le monde de l’art, l’artiste, l’acteur, le spectateur et les systèmes critiques, idéologiques, économiques qu’il engendre. Artiste activiste dans tous les sens du terme, Philippe JACQ déplace le champ de l’art, le désacralise vers une revendication aussi vitale qu’absurde… Christophe Cesbron / Magazine Pil / Frac Pays de la Loire / mars 2007
Léa LE BRICOMTE Louise PRESSAGER PUPSAM SAV Serge SCHIELIN
Designer et plasticien, les créations de Serge Schielin plongent le regardeur dans une atmosphère particulière en prise directe avec le réel. Dans ses oeuvres, il questionne nos sociétés et joue avec les multiples facettes de la réalité. Il use de subterfuges, il recompose un tout, une homogénéité formelle, faite de diversité. En filigrane de ce bouillonnement de questionnements et de positionnements mis en forme, les créations de Serge Schielin, en conservant leurs parts d’énigmes, jettent un trouble dans un monde fait de réalité et d’illusion tout en apportant de nombreuses pistes de réflexion.
Lieu & adresse d’exposition :
MAD 27 rue Sainte-Madeleine 67000 STRASBOURG | Quartier « Krutenau » |
entrée rue du Fossé des Orphelins | Au fond de la cour …
Dates & horaires d’ouverture > Les jeudis 18/20H. |
Les vendredis 16/20H. | Les samedis 14/20H. |
Les dimanches 12/20H.
Rendez-vous de l’exposition |
Visites commentées tous les samedis et dimanches à 17H. |
MADBRAINWASHING sur inscription : un RDV entre créateurs, commissaires et publics axé sur la relation art et design, le 17 Février 2013 à 19H. Coordonnées MAD
Adresse mail : m.a.d@orange.fr TEL. 06 888 983 51 | 06 81 65 34 07
Adresse d’exposition MAD – 27 rue Sainte Madeleine – 67000 STRASBOURG
Adresse du siège MAD – 6 rue des Roses – 67300 SCHILTIGHEIM
Adresse postale MAD – 9 rue de la Cigogne – 67600 SELESTAT
Images courtoisie MAD ART
Partager la publication "Il était une foi chez MAD ART et DESIGN"
L’œuvre qui a donné son nom à l’exposition provient d’une gravure détenue à la Wallace Collection de Londres, qui ne peut être prêtée à cause de sa fragilité, elle n’est donc pas visible dans l’exposition, mais une eau forte au burin provevant de la BNF.
Première exposition Antoine Watteau (1684-1721), grâce à la collaboration entre les palais des Beaux Arts de Lille et de Bruxelles (BOZAR), direction Paul Dujardin, est un événement qui mêle exposition, concerts, rencontres et conférences.
Né au sein d’une famille modeste, le célèbre peintre du sensible, père des fêtes galantes, fut une étoile filante de la peinture française du XVIIIe siècle, puisqu’il mourut prématurément à l’âge de 37 ans. En dépit de sa courte vie et de sa production limitée, Watteau a marqué de sa grâce et de son génie l’art européen. Peu de choses nous sont parvenues sur ses années d’apprentissage dans sa ville natale de Valenciennes, mais nous connaissons avec certitude l’importance de son maître Claude Gillot (1673-1722). C’est à son contact que Watteau découvre la peinture italienne et la Commedia dell’Arte qui ont tant compté pour celui qui ne fera jamais le voyage d’Italie. L’artiste passe l’essentiel de sa carrière à Paris, à une époque marquée par la fin du règne du Roi-Soleil et la Régence, période durant laquelle la capitale française connaît un bouillonnement esthétique et un engouement commercial renouvelés pour l’art. C’est dans ce cadre que Watteau devient au cours des années 1720 le protégé de Pierre Crozat (1661-1740), l’un de ses grands mécènes. Ce dernier oeuvre à l’émergence d’un foyer musical où musiques italienne et française se partagent les éloges du temps. C’est aussi chez Crozat que Watteau se fait l’oeil : il y copie avec ferveur les dessins des maîtres flamands et vénitiens (Rubens, Van Dyck, Titien et Campagnola). Leur souci pour la couleur, le mouvement et la sensualité fascine Watteau qui, s’appuyant sur ces éléments, élabore un style nouveau, moins grandiloquent et moins formel, empreint d’une fausse légèreté et d’une grâce inouïe.
Antoine Watteau était sans nul doute épris de musique, près d’un tiers de son œuvre montre des musiciens jouant ou s’apprêtant à le faire. Il a su saisir l’instant, le geste, le détail musical, il a su les faire exister et leur créer une histoire, depuis les premières toiles un peu maladroites, jusqu’aux dernières magistrales, la musique occupe une place de choix dans son univers. Pourtant rien n’est prouvé qu’il lisait la musique et qu’il jouait d’un instrument. Comment ce fils de couvreur, a t’il pu traduire avec autant de délicatesse, ses oeuvres virtuoses ?
L’exposition s’articule en 10 chapitres. En une succession des thématiques on rencontre une sélection de toiles, de dessins et gravures, d’instruments de musique d’époque, de partitions, dans une scénographie qui recrée l’ambiance des salons du mécène de Watteau, Pierre Crozat.
L’exposition s’ouvre sur un portrait peint par François de Troy, de Jean de Julienne, collectionneur et ami de Watteau, tenant un double porte-mine et un portrait de Watteau, décédé au moment de l’exécution de la toile (1722), c’est grâce à celui-ci que la peinture de Watteau sera connue par la gravure de son œuvre et la diffusion d’estampes. Puis un 2e portrait de Jean de Julienne, dessinant Watteau peint 30 ans plus tard, par Jean-Joseph Baléchou, puis une eau forte de François Boucher, d’après Antoine Watteau, un portrait de celui-ci. Trois portraits qui s’adressent à la postérité de Watteau. Portrait de Jean de Julienne.
L’Amoureux Timide.
C’est le printemps , bruissement de la nature, le battement des cœurs, le jeune homme, amoureux transi, regarde ses mains et le bouquet qu’elles chiffonnent , joue une partition muette, la belle suit son émoi d’un regard attentif. Baudelaire, Verlaine, Nerval plus tard ont fait référence à Watteau et aux fêtes galantes. Le titre des œuvres est souvent attribué à titre posthume. L’Indiscret
Un jeune berger, aux traits comiques, tenant un flutte traversière, contemple les attraits d’une bergère peu farouche, à l’image d’une gravure de Rembrandt « l’Espiègle » où l’érotisme est encore plus apparent. La partie Carrée,
Dans ce décor de comédie italienne, la scène et la réalité s’entremêle, 4 comédiens portent des costumes italiens francisés, dans un enclos, Pierre nous offre sa silhouette de dos, sa guitare, le murmure des conversations, la moquerie, la rivalité ? Cupidon à droite de la toile n’est pas étranger à la scène. Les Deux cousines
Petit, format intimiste, sujet pictural, trois promeneur font halte, des silhouettes évanescentes, le personnage féminin principal nous offre sa nuque délicate, drapé dans une robe somptueuse, dissimule t’elle le trouble qui l’envahit ? . Observe t’elle le couple assis ? la jeune femme au décolleté généreux, va accepter la rose de vénus, que son admirateur tient dans sa cape rouge L’Enchanteur et l’Aventurière se côtoient Ces pendants rassemblent 8 personnages divisés en 2 groupes de 4, issus de la commedia dell’arte ils se répondent d’une scène à l’autre. L’Enchanteur un homme debout, un guitariste, l’Aventurière,
une femme, une coquette, chacun tenant l’avant de la scène, chacun tentant de prendre à témoins un spectateur. Tapi dans l’ombre un personnage lunaire observe la scène. Un moment suspendu avant l’action ? Le joueur de basson
Un dessin montre un musicien jouant du basson, chapeau, fraise, manchettes, le modèle du basson, est contemporain de Watteau en raison de sa morphologie et du nombre de ses clefs, dessiné à la pierre noire grasse et d’une sanguine brune, ce sont les les hachures du fond et les rehauts de lavis de sanguine qui tapissent l’arrière-plan de la feuille, et projette le musicien à l’avant par contraste. Watteau y détaille la technique du jeu du basson, le travail des lèvres, doigté, la position du corps, l’aplomb des membres inférieurs, la position des pieds, le haut du veston, la précision des mains, l’effort fournit par le visage, les yeux écarquillés montrent l’effort à fournit pour le son du basson. Un gravure de François Boucher montre un savoyard qui tient une marmotte dans une boite, tient un hautbois, désignant un colporteur, comme dans les toiles de Watteau, œuvre à laquelle il faut prêter un sens grivois, dans la littérature libertine du 18 e s. Une œuvre semblable de Watteau – la Marmotte – est conservée au musée de l’Ermitage (vers 1715)
Viosseu ou Musicien Chinois. D’après Antoine Watteau Œuvre de jeunesse , le musicien chinois assis à terre, vêtu d’une longue robe et d’un grand chapeau de paille, tourne la manivelle d’une vielle à roue de sa main droite, de sa main gauche il actionne les taquets du clavier, pour obtenir la mélodie, devant un jeune femme attentive.
Portrait d’Antoine de la Roque
Portrait allégorique, indiqué par le quatrain sous la gravure. Il désigne sa jambe fracturée. Une armure, une partition, , une lyre, une flutte traversière évoquent son passé de militaire, devenu protecteur des arts. Dans le fond un personnage masculin nu accompagne les 3 muses, désigne de la Roque. Il semble que les 4 personnages du fonds ne sont pas de la facture de Watteau, mais de Nicolas Lancret. Antoine de la Roque est le premier à parler dans le Mercure des œuvres de Watteau.
Des toiles de Nicolas de Lancret conçues comme des pendants des années 1720, montrent le salon ovale de l’hôtel parisien de Pierre de Crozat, où étaient donnés les concerts, réservés à un public d’amateurs choisis, avec des formations musicales restreintes. Il privilégiait la musique italienne, témoignages des pratiques sous la Régence.
Le chef d’orchestre, claveciniste, William Christie, fondateurs des Arts Florissants, pionnier de la redécouverte de la musique de la musique française du 18e s, chef en résidence au Palais des Beaux Arts de Bruxelles est le commissaire général de cette exposition. L’inventeur des Fêtes Galantes est en écho avec le célèbre chef, grâce au travail de Florence Raymond, commissaire scientifique de l’exposition. Des alcôves musicales ponctuent le parcours, avec des extraits du concert prestigieux donné le 28 janvier dernier consacré à la vision musicale du peintre, en compagnie des solistes des Arts Florissants, autour de compositeurs, tels que Couperin, Charpentier, quintessence de l’esprit français. Et pour coller au plus près de l’expérience esthétique, le spectateur est immergé dans la musique de l’époque grâce à des points d’écoute mises à la disposition du public tout au long du parcours de l’exposition. Au moyen d’un casque audio, le visiteur est invité à découvrir une sélection de morceaux de musique en connexion avec l’oeuvre de Watteau.
Une salle est réservée aux concerts gratuits interprétés par les étudiants de plusieurs conservatoires supérieurs de Belgique et de France, durant les nocturnes du jeudi soir.
L’artiste contemporain belge, Dirk Braeckman, interviendra dans l’expo avec de nouvelles créations photographiques, inspirées d’oeuvres de Watteau. Celles-ci seront présentées en regard d’autres toiles du maître dans l’espace de l’exposition. Cette intervention du grand photographe belge à la réputation internationale permet de mettre en lien l’oeuvre de Watteau et l’art contemporain.
BOZAR produit avec harmonia mundi un livre-disque intitulé « La musique de Watteau ». La compilation, qui paraîtra en France et au Benelux le 7 février, comprend deux CD et un livret original en trois langues (français-néerlandais-anglais). Le disque 1 est une galerie sonore. Chacun des titres sélectionnés est mis en relation avec un tableau ou un dessin de Watteau. Un texte circonstancié établit le lien dans le livret. Le disque 2 évoque la programmation musicale du salon de Pierre Crozat, chez qui Watteau eut la possibilité de dessiner instruments et musiciens.
Né en 1951 à Saverne, Frank Morzuchvit et travaille à Faucogney et La Mer (70). IL explore des questions liées à la nature et à ses représentations dans notre société ultra-médiatisée où tout est transformé en message univoque. Ses propositions présentent une intrication subtile de la matière et de la lumière, associant des matériaux naturels tels que le bois, les cailloux, à des dispositifs électriques et magnétiques.
Pour Frank Morzuch, l’esthétique n’est pas suffisante. Dans son travail s’opère une forme de processus d’investigation du paysage, qu’il soit réel ou figuré. Depuis de nombreuses années, il mène une recherche importante autour de l’oeuvre gravée de Dürer, principalement les quatre gravures « Melencolia », recherche qui l’a rendu célèbre à travers plusieurs expositions et ouvrages s’y attenant. Lors de ces interventions, Frank Morzuch n’est pas un géomètre ordinaire. Sa démarche tient en partie du baroque par l’emploi du trompe l’oeil. Conscient de ce qu’il produit, il précise qu’il tente de « rapprocher le virtuel du réel jusqu’à se qu’il se superpose effectivement à la réalité du lieu ».
Parce qu’elles convoquent l’inattendu et qu’elles choisissent délibérément le parti pris de la précarité, les installations de Frank Morzuch sont en soi un événement. Une extrême économie de moyens doublée d’une précision quasi numérique confère à ces dispositifs une grande efficacité qui les situent à la confluence des arts technologiques et d’une pratique cinétique singulièrement archaïque.
C’est dans l’approche physique et mentale d’un espace soustrait au temps profane (tant par la surprise qu’entraîne cette irruption, que par le choc qu’elle suscite) que se situe ce projet. Il invite le visiteur à traverser l’oeuvre et l’incite à un retour sur lui-même par une sorte d’accélération temporelle où une ampoule électrique se substitue à la mécanique céleste. Toute l’installation s’appuie sur un principe numérique où quatre carrés chiffrés dessinent un diagramme que nous révèle le balayage lumineux d’une ampoule en rotation au dessus d’un réseau dense de petits cailloux gris et blancs. L’ombre mouvante agit comme un pinceau de calligraphe. Ce constant va et vient, fait de furtives disparitions et de non moins furtives apparitions, finit par matérialiser une grille sur laquelle s’imprime une rose des vents. Tout réside entre le dit et le non dit, à l’image de cette porte-tambour qui fait sas entre le visible et l’invisible en proposant au visiteur une halte méditative autour du chiffre quatre et de ses prolongements symboliques sur lesquels se fondent la « Melencolia » de Dürer. » (conférence donnée le 23 janvier 2013)
texte Frank Morzuch.
En gestation depuis plus de 10 ans, l’exposition D.I.C.I.A.L.A est polymorphe et s’adapte aux différents lieux qu’elle habite. Cela s’explique par le fait qu’elle retrace un parcours passant d’une pratique cinétique, singulière et primitive, souvent apparentée au Land Art et qui rejoint une pratique artistique plus conceptuelle qui fait d’un vol de tourterelles un crible apte à décoder la grille du sudoku. Cet extrait rétrospectif du travail de Frank Morzuch est composée d’expositions, mais également d’une sorte de « récit/catalogue » illustré, où images et textes, loin de se soutenir l’un ou l’autre, se complètent, dans un processus logique, D.I.C.I.A.L.A. L’ouvrage n’est pas un simple catalogue qui présenterait les oeuvres de l’artiste. C’est à vrai dire un récit, le récit de sa démarche, de son questionnement personnel, une visite de cet univers intérieur vertigineux que Frank Morzuch ne cesse d’explorer. On y apprend comment il
« rencontra »
Dürer, comment il en vint à s’intéresser à sa « Melencolia » et aux nombres qui régentent l’espace. Ce livre vient en introduction à « l’affaire Dürer » à paraître chez Flammarion en 2013. Souvent apparenté au Land Art pour son usage du paysage et des matériaux naturels tels que des branches ou des cailloux, l’art de Frank Morzuch y mèle également nombres de nouvelles technologies et de matières bien moins terre-à-terre, afin de passer indifféremment des mathématiques à la poésie et de l’art aux sciences :
L’exposition présentée (<voir la vidéo – allez directement sous Frank Morzuch)
à l’Espace Lézardjusqu’au 23 février 2013 propose au public des photographies – qu’il nomme plus spontanément « sculptures » – de ses travaux in situ. Cette exposition propose également une installation vidéo, pour laquelle notre lieu d’exposition devient une oeuvre d’art.
autres photos de Frank Morzuch
1/3/4 de l’auteur
Partager la publication "Frank Morzuch D.I.C.I.A.L.A"
Ferdinand Hodler exposition 27 janvier – 26 mai 2013
La Fondation Beyeler consacre à l’oeuvre tardive de Ferdinand Hodler une vaste exposition. Parmi les 80 objets on peut voir de majestueux paysages alpins, quelques uns de ses autoportraits, sa fascination pour les femmes, la mort, l’éternité. Eros, Chronos, Thanatos.
C’est précisément au cours de ces années 1913 à 1918, les dernières de son existence, que son importance pour l’art moderne apparaît véritablement. Ses oeuvres se font alors plus radicales et plus abstraites. Un rebelle et un artiste d’une grande sensibilité qui aimait se mettre en scène et entretenait un important réseau de relations à Munich, Vienne et Paris : Ferdinand Hodler a marqué comme aucun autre l’image que la Suisse se fait d’elle-même, et ses créations font indissolublement partie du patrimoine culturel de ce pays. Cette exposition s’attache notamment à mettre en évidence le rôle international de Hodler comme précurseur d’une peinture moderne. L’exposition d’oeuvres tardives de Ferdinand Hodler intitulée « Ferdinand Hodler – View to Infinity », montée par la Neue Galerie de New York en 2012 en collaboration avec la Fondation Beyeler de Riehen/Bâle et que l’on pouvait voir à New York jusqu’au 7 janvier, a été la plus grande jamais consacrée à ce peintre suisse aux États-Unis : Hodler, grand modèle des Sécessionnistes viennois, y est apparu comme un pionnier et précurseur de l’art moderne. Les paysages de Hodler, ses séries de vues du lac Léman, des sommets, des massifs et des torrents alpins, le rythme presque chorégraphique de ses portraits émanaient de sa conviction que le monde réel aussi bien que sa représentation artistique sont soumis aux lois du parallélisme : « le parallélisme est une loi qui dépasse l’art, car il domine la vie » — tels sont les propos que C.A. Loosli attribue à son ami artiste.
Par ce terme de « parallélisme », Hodler désignait une succession réitérée, mais jamais identique, de lignes, de mouvements, ou aussi de sommets, de nuages par exemple, qui définissent le caractère d’un paysage, en même temps que les sensations que celui-ci fait naître chez le spectateur. Le parallélisme devient une impression stylisée, sans nier pour autant l’individualité : à l’image d’un chant polyphonique, d’une sorte de pendant rythmique de la vie, les lignes et les mouvements parviennent à une union harmonieuse, comme en témoigne la version bâloise en grand format de Regard dans l’Infini (Blick in die Unendlichkeit).
Kandinsky lui-même prétendait reconnaître dans ce type de « composition mélodique » de Hodler un moyen d’éloigner le figuratif, afin de mieux dégager les lignes et les formes. Regard dans l’infini révèle également l’intérêt de Hodler pour les réformes de l’art de la danse, incarnées notamment par Isadora Duncan et Emile Jaques-Dalcroze avec la danse d’expression moderne. Dans ces mouvements répétés et fluides, dans le rythme infini de figures changeantes, Hodler retrouvait le parallélisme en même temps que le beau va-et-vient de la vie et de la mort, un des éléments qui unit tous les êtres humains. La technique du peintre oscille entre représentation figurative et abstraite. Grand amateur d’auxiliaires techniques (il utilisait notamment le compas), Hodler n’hésitait pas à recourir au calque et au portillon de Dürer, sur la vitre duquel il dessinait les contours de ses modèles qu’il reportait ensuite sur son support après un travail de mesure presque pointilleux. Il lui arrivait aussi de recopier partiellement les silhouettes des chaînes alpines de ses paysages, ce qui explique que de nombreuses oeuvres existent en différentes versions, réalisées parfois plusieurs années après la création initiale. Ce procédé présentait également l’avantage de permettre au peintre de satisfaire la demande de ses très nombreux acheteurs. L’idée de parallélisme se transforme en série, un aspect marquant de l’oeuvre de Hodler. On remarque, surtout dans ses monumentaux tableaux de figures, qu’ils ont été réalisés à partir de différents éléments, constamment variés et re-combinés. Sa théorie du parallélisme, qui ne lui valut pas l’admiration unanime de ses collègues artistes — certains raillaient en effet sa méthode de composition presque tatillonne —, trouvait son expression dans la recherche d’un ordre et d’une symétrie formels, ainsi que dans la répétition, avec ou sans variations, du semblable. En même temps, Hodler s’est passionné pour la photographie, il en collectionnait et s’en servait également pour la préparation et l’exécution de ses oeuvres. C’est en partie à son intérêt pour ce moyen d’expression encore relativement récent que nous devons les impressionnantes photographies de son amie, la collectionneuse Gertrude Dübi-Müller, des clichés qui nous font découvrir les méthodes de travail de Hodler ainsi que sa nature même et nous permettent également d’être témoins de son dernier jour.
Cette exposition s’ouvre sur une salle de documentation qui ne rend pas seulement hommage à la vie et à l’oeuvre de Hodler, mais présente de nombreuses photographies de Gertrude Dübi-Müller qui rappellent comme par un sinistre effet de miroir les adieux de Hodler à Valentine Godé-Darel. « L’art pour la vie » et non « l’art pour l’art »— voilà ce que Hodler prenait à coeur. Le spectateur ne peut qu’être troublé par les portraits qu’il a réalisés de sa compagne, Valentine Godé-Darel, atteinte d’une maladie incurable à quarante ans et dont Hodler accompagna par le dessin et la peinture le chemin de croix, jusqu’à sa mort en 1915.
Hodler démontre ici que sa théorie du parallélisme s’appuie effectivement sur une observation pénétrante de la vie, car son regard, lorsqu’il retrace la déchéance physique de Valentine et de La splendeur de ses lignes (Linienherrlichkeit) est lucide et pourtant aimant, et profondément humain.
Cette exposition consacre une salle entière à 14 oeuvres de cette période de sa création. Les images de Valentine mourante paraissent, dans leurs contours, dessiner les paysages de la souffrance. Elles nous renvoient par sa facture au Christ mort de Holbein (Kunstmuseum Basel), ou à celui de Jean Jacques Henner (musée des Beaux Arts de Lille.
La toile de Claude Monet peignant Camille sur son lit de mort, ne sera révélée que 80 ans plus tard, seul Clemenceau sera dans la confidence, sans que le nom de la morte soit révélé. Est-ce la pudeur, la mauvaise conscience de s’être laissé aller à son instinct de peintre, ou était-ce la seule manière de surmonter son chagrin et de conserver l’image de l’être aimé. Une autre toile d’Edward Munch « L’enfant malade », l’artiste peint sa sœur malade, il y exprime toute la tristesse et la douleur ressenties.
En revanche, les petites vues du Mont Blanc et du lac Léman que Hodler esquisse après la mort de Valentine marquent le passage à un traitement libéré de la couleur.
Le point fort de cette exposition est consacré aux paysages aussi renommés que populaires de Hodler qui célèbrent la splendeur et la monumentalité des montagnes suisses. Hodler met en scène en vue lointaine ou rapprochée les paysages alpins, donnant l’impression de « zoomer » littéralement sur les sommets, tout en les laissant planer comme des apparitions, détachés de la réalité.
Hodler, qui jusqu’alors avait toujours accentué les contours de ses toiles et pensé à partir de ceux-ci, se transforme dans ces tableaux de paysages en peintre de surfaces chromatiques. La peinture abstraite de champs colorés d’un Mark Rothko ou d’un Barnett Newman s’annonce déjà. Ses « gros plans » de torrents et de formations rocheuses dévoilent leur matérialité dans une lumière d’une clarté éblouissante. Les vues de paysages d’une grande sobriété renoncent aux détails à quelques exceptions près — vaches qui paissent au loin, limite des arbres ou cygnes sur les rives du lac, aussi stylisés que mystérieux. Le spectateur est séparé des sommets par une grande distance, marquée par des plans d’eau, de la brume ou des nuages, qui transforment les Alpes en tableau abstrait méditatif. Le cadrage a une importance primordiale pour Hodler : il détermine l’ordre, la symétrie et apparaît comme une « abréviation de l’infini ». Ses expériences de répétition de formations nuageuses font pressentir les ovales des tableaux d’arbres et d’embarcadères de Mondrian. Cette synthèse entre vue rapprochée et vue lointaine est un aspect que l’on retrouve dans les autoportraits de Hodler.
Le regard que le peintre porte sur le spectateur est interrogateur, sceptique ; son attitude est pleine d’assurance. Contradictoire de nature — artiste, séducteur, théoricien et praticien passionné du parallélisme —, tout à la fois sensible, pragmatique et sanguin, Hodler possédait en tant qu’artiste une personnalité très extravertie, parfaitement en mesure de faire face aux critiques occasionnelles suscitées par son oeuvre et qui, dans sa jeunesse, cherchait de façon presque agressive à participer à des concours et à des expositions publiques. Artiste du contour affirmé dans ses jeunes années, Hodler a évolué pour devenir un peintre qui dessinait à l’aide de la couleur. Si dans ses propres « Dix Commandements », il évoquait la surface comme unique point de départ géométriquement divisible permettant de parvenir finalement à la ligne en passant par le contour ainsi obtenu, il formula vers la fin de sa vie des idées très nuancées sur le rôle de la couleur dans son oeuvre. Il est parvenu à la conclusion que la forme vit à travers la couleur. Le bleu, qui revient dans les paysages de lacs et de montagnes comme dans les vêtements fluides des figures féminines du Regard dans l’infini, était sa « couleur préférée ». Le bleu typique de Hodler domine du reste cette exposition.
L’exposition s’accompagne d’une série de manifestations, parmi lesquelles une représentation de « Trois Anges », spectacle du célèbre artiste de cabaret Emil Steinberger. Le professeur Oskar Bätschmann présente le deuxième volume du catalogue raisonné de l’oeuvre de Hodler réalisé en collaboration avec le S.I.K. de Zürich. Gian Domenico Borasio, médecin et auteur à succès, tient une conférence sur son livre intitulé « Über das Sterben », tandis que le commissaire de l’exposition, Ulf Küster, présente la nouvelle biographie « Ferdinand Hodler ». Un débat organisé en collaboration avec « Das Magazin », animé par le rédacteur en chef Finn Canonica met un point final à tous ces événements. Les commissaires de l’exposition sont Ulf Küster (Fondation Beyeler) et Jill Lloyd (Neue Galerie). Les tableaux prêtés pour cette exposition font partie des oeuvres clés de l’artiste et proviennent de célèbres collections particulières suisses et américaines, ainsi que de musées nationaux et internationaux de renom, comme le Musée d’art et d’histoire de Genève, le Kunstmuseum Basel, le Kunsthaus Zürich, le Musée d’Orsay de Paris et le Kunstmuseum Solothurn. La Fondation Beyeler remercie: Artephila Stiftung ; Ernst Göhner Stiftung ; Max Kohler Stiftung ; Novartis ; Walter Haefner Stiftung pour les généreuses subventions liées au projet et leur contributions exceptionnelles. À l’occasion de cette exposition, la Fondation Beyeler publie un catalogue en allemand et en anglais. L’édition destinée au commerce est éditée par Hatje Cantz Verlag, Ostfildern. Ce volume contient une préface de Sam Keller et Ulf Küster, des contributions d’Oskar Bätschmann, Sharon Hirsh, Ulf Küster, Jill Lloyd et Paul Müller ainsi qu’une digression de Peter Pfrunder. Il comprend 212 pages, env. 200 illustrations et est disponible au musée au tarif de 68 CHF (ISBN 978-3- 906053-05-9, allemand ; ISBN 978-3-906053-06-6, anglais).
extrait du texte de la Fondation Beyeler Images courtoisie de la Fondation Beyeler
Partager la publication "Ferdinand Hodler à la Fondation Beyeler"
« Né en 2043, je suis tombé dans la peinture rapidement pour n’en jamais ressortir. Mon travail est porté par une interrogation constante sur le langage, sur son utilisation comme outil de relecture du monde dans lequel je vis et j’évolue. Sans pour autant être figuratif, la figure est présente dans mes dessins et toiles: comment je m’inscris dans l’espace urbain, comment je l’appréhende physiquement ? Ces questions, je tente d’y répondre par la construction d’images à partir d’éléments simples ( lignes brisées, traces, traits, fragments de phrases ) combinés et recombinés à l’infini. Une Poésie urbaine’ » Matthieu Stahl.
Ce préambule Matthieu Stahl l’illustre au Musée des Beaux Arts de Mulhouse en reprenant la Carte de Tendre de Madeleine de Scudery, du XVII e siècle, le roman Clélie, carte de Tendre, dessinant les chemins et les étapes de l’amour idéal.
Ce licencié en lettres modernes, plasticien et musicien, fils de l’auteure Hélène Sturm (PFF) nous invite en ce mois des amoureux à parcourir de manière minimaliste, très peu conventionnelle, un peu trash même, se rapprochant de Basquiat et du Street Art, à revisiter l’amour et son cheminement au Musée des Beaux Arts de Mulhouse.
Amour sentiment si voisin de la haine, qu’ils se côtoient sur certains cartons avec force.
Il redéfinit au goût de XXIe siècle le cadre des relations hommes/femmes, à l’aide d’une cartographie, où les rôles égaux sont clairement définis, par des plaques métalliques signalétiques ou encore des symboles, sur des panneaux de papier accolés ou des tableaux assemblés.
Scud, fuck, kiss, god (Da vinci) noice, sexe, light, love, death, qu’il scande, sur papier, sur carton, en noir, rouge, bleu, en lignes brisées, ratures, fragments de mots, motifs appuyés, clairs et crus, jusqu’à l’ obscénité… . Eros et Thanatos.
Il indique les clés du parcours aventureux et tortueux de l’amour.
Ce poète rêveur s’interroge et nous interpelle sur les relations qui se trament entre les individus d’un même ensemble urbain, embarqués dans cette aventure infernale et vitale..
Les 7 salles sont reliées entre elles par un chemin matérialisé, par une bande noire, symbolique pour nous conduire par étapes au 7e ciel. Panneau où les personnages sont nombreux.
MS : « Nombreux ? Parce qu’on se sait pas à l’avance, qui va vous emmener au 7e ciel, ni qui vous avez envie d’y emmener, il vaut mieux avoir le choix… »
Dans la grande salle, les panneaux montrent les villes que Matthieu a parcouru avec sa compagne, les enfants, un couple d’amis, ville d’amour et de bonheur, où ils s’étaient fixé un quartier précis à explorer, dont il restitue le trop plein de souvenirs sur les toiles.
Un espace plus intime est spécifiquement réservé aux adultes, dont il faut souligner la qualité graphique entre autres.
Musée des beaux-arts, 4 place Guillaume-Tell à Mulhouse jusqu’au 24 mars. Entrée libre.
En écho aux œuvres plastiques présentées, un programme de RDV autour de l’exposition, concert et performances musicales, avec le groupe PJ@MelloR sont prévues.
Oui j’ai le don d’ubiquité, car j’ai assisté le même jour au vernissage de l’exposition de François Bruetschy 13 mars film de Bigas Luna
15 février live @ Le K-fée à Valdoie – 22h
22 février Petite Chapelle by PJ@MelloR au Musée des Beaux Arts de Mulhouse – 19H
13 mars live @ Maison de l’Etudiant Campus UHA Mulhouse à 18H (vernissage -apéro de l’exposition ONETWOTHREEFOUR
22 mars Performance Sonic Love Musée des Beaux Arts Mulhouse …
3 mai Festival Les Mains Nues Mulhouse Concert Performance dans le Temple Saint Etienne 25 mai (ss réserve) Bar L’Aventure – soirée dans le cadre des Ateliers Ouverts (prog en cours). photos de l’auteur
Partager la publication "Matthieu Stahl – Love Maps 21"
Sur les murs blancs de l’Espace Malraux de Colmar, les dessins blancs sur papier noir, de François Bruetschy, sont comme des inscriptions sur des stèles, comme si l’artiste avait graphité sur des sculptures de Richard Serra. Ses formes sont issues de ses promenades, d’une mémoire visuelle, qu’il essaie d’intérioriser et tente d’exprimer dans son travail quotidien. Dans les formes, qu’il voit dans les trous noirs des arbres, lui sont apparues d’autres formes, comme des constellations, d’où le titre de l’exposition « Poussière des Astres »
La matière du fusain (produit par la calcination des branches de saule) espèce de scintillement intérieur qui lui rappelle de la même manière, le scintillement du ciel. L’artiste procède par plusieurs couches, en partant du fusain le plus dur, pour lever la surface du papier, pour arriver à du fusain de plus en plus tendre, qui permet de créer ce velours avec le plat de la main par l’effacement, l’estompage et la préservation de la réserve, puis les formes s’imposent. Non les formes des arbres, mais celles qui se laissent voir entre les branches qui évoquent des paysages, comme des passages de nuages dans lesquels chacun se plait à trouver des formes. Ce sont comme des illustrations d’haïku ou encore des idéogrammes chinois ou japonais, de fines broderies sur coussins de velours, que l’on aime examiner attentivement.
Dans les éléments construits, c’est l’architecte qui se manifeste. Ils sont fait pour être en tension, ou en critique, une recherche entre construction et circulation à l’intérieur d’un espace. En dehors des grandes stèles noires, il y a des œuvres plus architecturales, plus monumentales, là encore on se trouve presque dans l’ornement, car elles peuvent se lire comme une tapisserie, ou un tapis suspendu.
François Brueschy
Exposées dans l’annexe de l’Espace Malraux, des travaux concomitants (toujours 2012), ici les formes se promènent à l’intérieur du format, indiquent la liberté du geste, la précision du pinceau, avec une ligne directrice, autour de laquelle tout s’enveloppe comme en contrepoint, comme dans un dessin entre l’abstrait et le figuratif. Cela lui évoque les coups de bulldozers dans les camps de roms qui laissent des tissus et des bouts de ficelles éparpillés sur le sol, d’où encore le titre « des astres et désastre » Puis il conclut avec malice, « que la peinture est aussi une sorte de désastre, parce qu’on aboutit jamais là où on voulait aboutir ».
Le catalogue est accompagné par un texte lumineux du philosophe Jean Clec Martin, correspondance secrète avec les œuvres.
François Bruetschy est architecte de formation, ancien professeur de la Haute Ecole des Arts du Rhin, il est l’époux de l’auteure de PFF, Hélène Sturm, livre toujours en librairie.
Il travaille dans son atelier de la Garde Adhémar (Drôme) non loin de Montélimar, où il réalise ses oeuvres issues de ses promenades quotidiennes de grand marcheur dans la nature. Exposition ouverte du 02 février au 31 mars 2013 :
du mardi au samedi de 14h à 19h
le dimanche de 14h à 18h
Entrée libre – Pour les groupes, possibilité de visites libres ou guidées sur rendez-vous. Renseignements au 03 89 20 67 59
photos de l’auteur
Partager la publication "François Bruetschy "Poussière des Astres""