La poésie de la métropole. Les Affichistes

Musée Tinguely, Bâle :  jusqu’au 11 janvier 2015

À partir des années 1950, une des approches les plus radicales, et à la fois les plus poétiques, de la réalité est due aux « Affichistes » : François Dufrêne, Raymond
Hains et Jacques Villeglé qui, comme Jean Tinguely, comptaient parmi les
« Nouveaux Réalistes ». Dans un esprit commun, leur art rejoignait celui de
Mimmo Rotella et Wolf Vostell.

Jacques Villeglé
Jacques Villeglé

 

L’exposition « Poésie de la métropole. Les affichistes », conçue conjointement par
le Musée Tinguely et la Schirn Kunsthalle Francfort, traite un courant artistique qui, à part en France, n’a guère été traité ailleurs, ni en Suisse ni en Allemagne.
En Suisse, c’est la toute première fois que les affichistes sont montrés dans leur ensemble. L’exposition est organisée sous forme de parcours présentant l’espace
urbain comme lieu de flânerie et d’inspiration multiple, comme lieu de rencontre aussi pour les inventions radicales de ces cinq artistes, qu’il s’agisse de leurs
décollages ou de leurs expérimentations filmiques, photographiques et poétiques.

les Affichistes Musée Tinguely
Dufrêne, Hains et Villeglé, rejoints plus tard par Rotella, s’associèrent avec Arman, Yves Klein, Martial Raysse, Daniel Spoerri et Jean Tinguely pour former les « Nouveaux Réalistes » selon le manifeste établi en 1960 par Pierre Restany.
Certes, le champ artistique était ainsi circonscrit autour du plus petit dénominateur commun, autrement dit les « nouvelles approches perceptives du réel ».
Or, dans le cas des affichistes, ce regroupement ne tient pas compte du fait que, vers 1950 déjà, ils furent d’importants précurseurs d’un nouveau mode de pensée qui permit par la suite, vers 1960, d’élargir les champs de création et d’action artistique. Ce n’est pas par hasard que certaines idées majeures du premier manifeste des
« Nouveaux Réalistes » (1960) renvoient à un texte que Jacques Villeglé avait publié en 1958, Des réalités collectives. Les affichistes ne commencèrent toutefois à exposer que plus tard, et en rapport avec les « Nouveaux Réalistes », lors de la Première Biennale de Paris en 1959 puis, toujours à Paris, avec des expositions monographiques à la Galerie J, dont Restany était proche.
En ce sens, la formation des « Nouveaux Réalistes » eut pour la réception et le succès des affichistes une signification qu’il ne faut pas sous-estimer.

Raymond Hains, Cet homme est dangereux, 1957 Affiche lacérée, marouflée sur toile, 94 x 60,5 cm ahlers collection © 2014 ProLitteris, Zurich; Photo: Lisa Rastl
Raymond Hains, Cet homme est dangereux, 1957
Affiche lacérée, marouflée sur toile, 94 x 60,5 cm
ahlers collection
© 2014 ProLitteris, Zurich; Photo: Lisa Rastl

Avant de collaborer, de se dédier mutuellement des oeuvres ou de se produire ensemble en public, les cinq artistes présentés avaient des origines et évolutions des plus différentes. Ils avaient néanmoins un point commun, leur mode de pensée et d’action touchant à toutes les disciplines possibles : performances, poésie, onomatopées, théâtre, happening, photographie, film, autant de domaines qui prirent forme à travers le procédé et médium du décollage. En même temps, leurs oeuvres – allant de toutes petites études aux gigantesques formats – renferment un potentiel pictural dont l’aspect et figuratif et abstrait semble relever aussi bien de l’évidence que du hasard.
François Dufrêne, A Raymond Hains, 1960 Dessous d'affiches marouflées sur toile, 92 x 73 cm Collection G. Dufrêne © 2014 ProLitteris, Zurich; Basel; Photo: Marc Domage
François Dufrêne, A Raymond Hains, 1960
Dessous d’affiches marouflées sur toile, 92 x 73 cm
Collection G. Dufrêne
© 2014 ProLitteris, Zurich; Basel; Photo: Marc Domage


François Dufrêne
était à l’origine créateur de mots et de sons, lettriste et ultra-lettriste, et quand il s’appropriait des affiches, c’était pour jouer sur les formes et les mots, pour en donner une interprétation qui obscurcisse et éclaire à la fois des fragments formels abstraits, mais aussi parce qu’il était fasciné par la temporalité, l’empreinte et le procédé archéologique de la stratification, comme en attestent ses versos d’affiches détachées.
Avec Raymond Hains, il partageait le plaisir de pousser à l’absurde la déformation/reformation du langage et de l’image, même si Hains était davantage tourné vers le ludique, le hasard pur et l’association libre et que, pour lui, la ville était source de perles infinies d’actions poétiques.
Raymond Hains, Jacques Villeglé, Ach Alma Manetro, 1949 Affiches lacérées collées sur papier marouflé sur toile, 76,2 x 273 x 7,5 cm Centre Pompidou, Paris Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle © 2014 ProLitteris, Zurich; Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Photo: Christian Bahier / Philippe Migeat
Raymond Hains, Jacques Villeglé, Ach Alma Manetro, 1949
Affiches lacérées collées sur papier marouflé sur toile, 76,2 x 273 x 7,5 cm
Centre Pompidou, Paris
Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle
© 2014 ProLitteris, Zurich; Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Photo: Christian Bahier / Philippe Migeat

Dès la fin des années 1940, Hains réalisa avec Jacques Villeglé les premiers décollages d’affiches, dont celui sans doute le plus connu, Ach Alma Manetro (1949), marque le début de l’exposition.
À partir de 1950, dans un procédé complexe de transformation au moyen de distorsions optiques et de médias changeants, ils conçurent le film Pénélope, qui illustre, comme les décollages, leur méthode conceptuelle consistant à trouver plus qu’à inventer. Pour Villeglé, quant à lui, l’affiche est un fonds se renouvelant sans fin, une mine du
présent qui conserve au fil du temps son esthétique et temporalité spécifique, mais aussi son « lieu historique ».
Mimmo Rotella
Tout ce matériau met la métropole, dans une « productivité autopoétique », à disposition du promeneur attentif et réceptif – Paris pour Dufrêne, Hains, Villeglé et même Vostell, ou bien Rome pour Mimmo Rotella. Rotella, qui rallia le cercle des « Nouveaux Réalistes » après avoir fait la connaissance de Restany, expérimenta les décollages de son côté dès 1953, indépendamment des autres Affichistes. Après des collages plus anciens encore, apparaissent dans une certaine ressemblance formelle ses premiers décollages et dos d’affiches qui, en tant que véritables images matérielles, traitent également d’archéologie et révèlent la qualité particulière du papier altéré par les intempéries ainsi que du support sur l’envers. Contrairement à Hains et Villeglé, Rotella intervient cependant aussi directement dans la surface pour faire ressortir certaines structures, motifs et
accumulations.
Wolf Vostell, Décollage sur panneau dur, 160 x 200 cm Leihgabe der Bundesrepublik Deutschland – Sammlung Zeitgenössische Kunst / Haus der Geschichte © 2014 ProLitteris, Zurich; Bonn; Photo: Axel Thünker

Wolf Vostell,
Décollage sur panneau dur, 160 x 200 cm
Leihgabe der Bundesrepublik Deutschland – Sammlung Zeitgenössische Kunst / Haus der Geschichte
© 2014 ProLitteris, Zurich; Bonn; Photo: Axel Thünker

Après 1960, ses décollages portent sur d’autres objets et il s’intéresse désormais surtout aux produits bariolés que propage le monde de la consommation et aux affiches de films. Sur ce point, il rejoint Villeglé qui éprouve la même fascination pour les images populaires de la publicité, et ils deviennent ainsi des pionniers du pop art.
Ce n’est pas seulement en rapport avec les affiches arrachées que Wolf Vostell emploie pour sa part la notion de « dé-coll/age » comme terme artistique global pour souligner le principe de déconstruction comme procédé de création. Il a ainsi utilisé des affiches lacérées dans son premier happening de 1958 Le théâtre est dans la rue, au cours duquel le public était appelé à citer des fragments de textes ou à reproduire des gestes fractionnés. Chez Vostell, l’actionnisme et ses éléments de traitement ou de recouvrement (par le public) complètent le processus de la sélection et de l’appropriation.
Jacques Villeglé
L’exposition Poésie de la métropole couvre la période de 1946 à 1968, et porte une attention particulière sur les tout débuts des affichistes, sur leurs expériences et collaborations dans les domaines de la photographie, du film et de la poésie. La présentation de ces cinq artistes par leurs oeuvres majeures n’a été rendue possible que grâce à un grand nombre de prêteurs qui ont très généreusement soutenu notre projet, ce qui, compte tenu de la fragilité des « travaux sur papier », n’allait pas de soi. Cette présentation est conçue à la manière d’un espace-ville dans une organisation chronologique et thématique ; les grands formats abstraits et décollages figuratifs y sont ainsi mis en valeur, tout comme le thème des affiches politiques et la fascination pour le texte, la texture, la structure.
Dans le cadre de cette exposition est proposée à Bâle une riche programmation de concerts, films et manifestations poétiques et littéraires, qui remet dans le présent le caractère accidentel de cette fascinante forme artistique.
Commissaires
L’exposition est curatée par Roland Wetzel, directeur du Musée Tinguely, et Esther Schlicht, conservatrice à la Schirn Kunsthalle de Francfort.
L’exposition est une collaboration entre le Musée Tinguely, Bâle et la Schirn Kunsthalle de Francfort où elle sera exposée du 5 février – 25 mai 2015.
Publication
À l’occasion de l’exposition paraît un catalogue publié par Snoek Verlag, richement illustré et avec des contributions de Bernard Blistène, Fritz Emslander, Esther Schlicht, Didier Semin, Dominique Stella et un entretien entre l’artiste Jacques Villeglé et Roland Wetzel, version allemande/anglaise, 280 pages, prix à la boutique du Musée : 42 CHF, ISBN : ISBN: 978-3-9523990-8-8

Museum Tinguely

Paul Sacher-Anlage 2, Case postale 3255, CH-4002 Bâle
Tél.: +41 61 681 93 20, Fax: +41 61 681 93 21
Informations générales :
Horaires d’ouverture :
tous les jours, sauf le lundi, de 11h à 18h
Horaires spéciaux :
Mercredi, 24 décembre 2014, 11–18h
Jeudi, 25 décembre 2014, fermé
Vendredi, 25 décembre 2014,  11–18h
Mercredi, 31 décembre 2014, 11–16h
Jeudi, 1er Janvier 2015, 11–18h
Tarifs :
Adultes : 18 CHF
Tarif réduit (Scolaires, étudiants, apprentis, IV):
12 CHF Groupes (à partir de 12 personnes) : 12 CHF (par personne)
Enfants de moins de 16 ans : gratuit
Photos courtoisie du musée Tinguely

Talents contemporains 2012

Cela s’est passé en 2013, pour le cru 2012, mais présenté en 2014.
la Fondation François Schneider,   qui désire soutenir la création contemporaine, propose un concours international « Talents contemporains » dédié au thème de l’eau et présentées dans son centre d’art à Wattwiller.
Le Concours « Talents contemporains » proposé chaque année,  invite les artistes à porter un regard singulier et sensible sur le thème essentiel de l’eau.
Les oeuvres des artistes primés par ce concours sont acquises par la Fondation et présentées dans le centre d’art à Wattwiller. Chaque année, la dotation globale des Talents contemporains s’élève à 300 000 €.
Nour Awada,et Hicham Berrada,Talents contemporains
Quatre comités d’experts, ont pour mission d’identifier parmi toutes les oeuvres ou projets reçus, les 40 qui seront présentés au Grand Jury International, sous la présidence de Jean-Noël Jeanneney.
L’édition de 2012
Le jour de l’inauguration du centre d’art le 16 mai 2013, Jean-Noël Jeanneney, Président du Grand Jury international, a proclamé les lauréats des
« Talents Contemporains 2012 » : 3176 artistes originaires de 104 pays répartis sur les 5 continents se sont portés candidats. Les 40 finalistes sélectionnés par les 4 comités d’experts ont été présentés au Grand Jury International qui a eu pour mission de choisir les 7 lauréats.
Les oeuvres primées des lauréats 2012 :

Jessie Brennan, née en 1982
The Cut, 2011, crayon sur papier, 29,7 x 504 cm
The Cut fait référence à l’histoire du canal de la rivière Léa dans l’Est de Londres, appelé Hackney Cut. Nourrie par des témoignages de personnes vivant ou travaillant le long du canal, l’oeuvre s’inspire également des bouleversements urbanistiques de ce quartier, liés à la préparation des jeux olympiques de 2012.

Jessie  Brennan
Claire Chesnier, née en 1986
Diptyque CCIX – CCVIII, 2012, encre sur papier, 134 x 120 cm et 137 x 117 cm
Valère Coste, né en 1974
Dark Rain, 2012, aluminium, moteurs, bacs en silicone, eau, 118 x 36 x 86 cm
Dark Rain,  produit l’effet d’une mousson miniaturisée. Cependant, nulle pluie ne tombe du ciel, Valère Costes inversant ici la spatialité habituelle. Apparent, le système mis au point consiste en une structure orthogonale de fines tiges métalliques venant alimenter par le bas de petits moules en silicones remplis d’eau. Du parallélisme rigoureux de leurs trajectoires – sorte de figuration graphique de la pluie – résulte pourtant l’apparition aléatoire des gouttes. Cette pluie est déclenchée à l’approche du spectateur curieux venu chercher son reflet dans l’eau sombre.
Valère Costes
Hicham Berrada, né en 1986
Arche de Miller-Urey, 2012, aquarium, acier, eau, nucléotides, 120 x 70 x 20 cm
D’une double formation artistique et scientifique résultent des paysages éphémères que l’artiste considère comme de véritables créations picturales.
Comme Valère Costes, il interroge la science et la nature, en utilisant des molécules chimiques qui interagissent entre elles, formant des paysages marines abstraits en métamorphose, rapprochement étonnant avec les excroissances peuplant les paysages d’Yves Tanguy ou de Max Ernst.
hicham berrada
Rahshia Linendoll-Sawyer, née en 1976
We are not made of wood, 2012, ensemble de 3 épreuves, série de trois photographies numériques sur dibond, 60 x 40 cm et 40 x 60 cm
Rahshia Linendoll Sawyer, We are not made of wood, 2012 (2)
On ne peut s’empêcher de penser et comparer aux différents personnages de  Bill Viola flottant, s’élevant, dormant.
Évoluant en dispositifs sériels, l’oeuvre de la photographe américaine Rahshia Linendoll-Sawyer questionne la condition humaine et son ambiguïté.
Dans We are not made of wood, l’artiste propose à travers le motif d’une figure flottant dans des environnements liquides, une réflexion sur l’acte de mourir. Le spectateur y est confronté à un corps sans visage dans un lieu abstrait. L’eau et les mouvements souples de ce corps enveloppé dans un drap blanc symbolisent cet état en suspens, entre la vie et la mort.
Nour Awada, née en 1985
Les Ruisselantes, 2012, vidéo HD, 16’47 min
Les Ruisselantes met en scène un corps féminin convulsant dans un champ sous un rideau de pluie glacée. L’eau ruisselle sur une chape de terre noire recouvrant le haut du corps la décomposant progressivement. Ce n’est qu’en s’approchant de l’écran que le spectateur s’aperçoit de la souffrance du corps exposée à cette épreuve physique. Il devient témoin, voyeur et otage d’un tableau vivant d’une étrange brutalité.
Nour Awada, les Ruisselantes
Mehdi Meddaci, né en 1980 – France
Murs, 2011, installation vidéo, 44 min, dimensions variables
les personnages de ces oeuvres sont en errance profonde, exprimant l’expérience de l’exil.
Murs, une installation vidéo-sonore conçus pour cinq écrans, apparaît comme un paysage, un territoire. Les situations et les gestes, saisis dans ce qu’ils ont de plus véridique, à la limite du document, forment le contexte nécessaire à une histoire : à un défilement du temps. Tentant de montrer obsessionnellement l’écroulement de la fiction, l’installation élargit la vision et propose des ellipses de certaines séquences. L’éclatement de la durée se propose alors comme un flux, érigeant la fragilité d’un évènement réel : la trajectoire inversée d’un exil sur l’image d’Alger.
Mehdi Meddaci, Murs 2011

Commissaire d’exposition : Viktoria von der Brüggen
Muséographie : Jean-Claude Goepp

Le Centre d’art contemporain
Fondation François Schneider

27 rue de la Première Armée
68 700 Wattwiller
Tel : + 33 (0)3 89 82 10 10
Mail : info@fondationfrancoisschneider.org
www.fondationfrancoisschneider.org
Tarifs
Tarif normal : 7 €
Tarif réduit : 5 € (enfants de 12 à 18 ans, étudiants, séniors, public handicapé, carte CEZAM, groupe de plus de 10 personnes)
Gratuité : Museums-PASS-Musées et enfants de moins
de 12 ans
Horaires d’ouverture
du mercredi au dimanche : 10h-18h
Photos courtoisie de la Fondation François Schneider

Caspar Wolf et la conquête esthétique de la nature

Jusqu’au 01.02.2015 au Kunstmuseum Basel
 

Caspar Wolf, Les séracs du glacier inférieur de Grindelwald avec la Lütschine et le Mettenberg
Caspar Wolf, Les séracs du glacier inférieur de Grindelwald avec la Lütschine et le Mettenberg

Les Alpes comme spectacle grandiose de la nature – cette conception est étonnamment récente. C’est seulement dans le courant du XVIIIe siècle que l’on a commencé à ressentir les abruptes chaînes de montagnes comme « sublimes » et esthétiquement excitantes. Au cours de vastes excursions, le peintre paysagiste suisse Caspar Wolf (1735-1783) a été l’un des premiers à faire du monde encore largement inexploité des Alpes le sujet de sa peinture. Les gigantesques blocs de rochers, les ruisseaux qui grondent, les formations glaciaires bizarres sont autant de motifs qui se dressent dans ses compositions picturales comme pour nous barrer la route. D‘imposants panoramas se déploient, à leurs pieds l’homme émerveillé apparaît minuscule. Grâce à ses formulations radicales qui vont bien au delà de l’idylle baroque, Wolf est l’un des plus importants précurseurs du romantisme européen. En même temps, son œuvre est imprégné de l’esprit des Lumières.
Caspar Wolf, détail
L’exposition rassemble 126 œuvres de Caspar Wolf et de ses contemporains, ainsi qu’une sélection de photographies actuelles des lieux qu’il a peints dans les Alpes. En parallèle de l’exposition, le cabinet des estampes du Kunstmuseum Basel présente les plus belles pièces de son riche fonds de dessins et de gravures de Caspar Wolf.
On doit à un coup de pouce du destin, que Caspar Wolf, né dans des conditions humbles dans le village de Muri (canton d’Argovie), devienne cette figure notable de l’histoire de l’art européen : pionnier de la peinture alpestre et précurseur le plus important du romantisme européen.
C’est la rencontre entre Caspar Wolf et l’influant éditeur bernois Abraham Wagner (1734–1782) qui va changer le destin du peintre au succès jusqu’alors modéré. Wagner nourrit un projet ambitieux : la publication d’un livre de type encyclopédique sur les paysages alpins, avec des illustrations de première qualité artistique, et qui doivent reposer sur l’observation immédiate de la nature. Les motifs qu’a alors en tête Wagner se situent dans des régions très peu explorées et difficile d’accès en haute montagne. Il s’agit de donner au public une nouvelle vision du monde alpin d’une précision et d’un caractère spectaculaire inconnus jusqu’alors. Comme auteur pour les parties rédigées de l’ouvrage, Wagner a choisi le pasteur bernois et scientifique renommé Jacob Samuel Wyttenbach. Wolf doit accompagner ces deux hommes dans leurs longues expéditions en haute montagne et transmettre par l’image cette expérience unique de la nature.
Entre les années 1773 et 1779, Wolf réalise ainsi une vaste série d’œuvres consacrées aux Alpes suisses. Dans son atelier, il compose, à partir des études qu’il a effectuées sur le motif, quelques 200 peintures grandioses qui allient l’observation spontanée avec une mise en forme artistique très savante. Wolf peint avec brio chaines de montagnes et glaciers, cascades et grottes, ponts et torrents, lacs et hauts plateaux, qu’il dispose tantôt en larges panoramas, tantôt en compositions fermées à s’en rendre claustrophobe. De véritables monuments de la nature y figurent, parmi lesquels, en raison de la destruction progressive du paysage, plusieurs ne sont pas parvenus jusqu’à nous : les fameux séracs du glacier inférieur de Grindelwald – qu’on peut admirer dans deux majestueux paysages de Wolf – ont, par exemple, fondu depuis longtemps.
 Caspar Wolf  La Caverne du Dragon près de Stans /  Gouache 31 x 46 cm Aarau, Aargauer Kunsthaus

Caspar Wolf
La Caverne du Dragon près de Stans /
Gouache
31 x 46 cm
Aarau, Aargauer Kunsthaus

Les tableaux de Wolf ne se laissent ranger ni dans la peinture védutiste si populaire à son époque, ni dans une représentation aux seules ambitions documentaires. Ils touchent à des choses plus fondamentales : en définitive, ils thématisent la relation entre l’expérience sensible de la montagne et le concept que ce mot véhicule.
D’où provient donc cette étonnante assurance esthétique avec laquelle l’artiste pénètre dans ce territoire vierge que constitue le projet alpin? La confrontation intensive de l’artiste avec l’art français pendant son séjour à Paris en 1770/1771 semble avoir été déterminante comme le montrent, dans l’exposition, des tableaux de François Boucher, Claude-Joseph Vernet, Philippe-Jacques de Loutherbourg, dit le Jeune et Hubert Robert. Aussi curieux que cela puisse paraître dans ce contexte, la peinture contemporaine de marines, avec ses orages et ses naufrages, est ce qui a particulièrement inspiré Wolf.
  Caspar Wolf    Titel:   Sturm über dem Thunersee / Storm over Lake Thun / Tempête sur le Lac de Thoune    Mat. / Technik:   Öl auf Leinwand / oil on canvas / huile sur toile    Masse:   54.4 x 81.7 cm    Creditline:   Kunstmuseum Basel, Geschenk von Edith Raeber-Züst, Basel, zum Gedenken an ihren Gatten, Dr. Willi Raeber / Kunstmuseum Basel, gift of Edith Raeber-Züst, Basel, in memory of her husband, Dr. Willi Raeber/ Kunstmuseum Basel, legs de Mme Edith Raeber-Züst, Bâle, en mémoire de son époux, Dr. Willi Raeber

Caspar Wolf
 Tempête sur le Lac de Thoune
huile sur toile
54.4 x 81.7 cm
Creditline:
Kunstmuseum Basel, legs de Mme Edith Raeber-Züst, Bâle, en mémoire de son époux, Dr. Willi Raeber

Dans la salle 1 sont présentés ses débuts à Muri, où il peint des oeuvres décoratives pour l’abbaye bénédictine de Muri, puis il abandonne son village et sa femme pour rencontrer des commanditaires à Bâle. Ensuite à Paris, travaillant dans l’atelier de  Loutherbourg il peut se confronter et s’inspirer des artistes parisiens, Loutherbourg et Vernet.
Il est tellement impressionné par les paysages « sublime » de côtes battues par les orages et de bateaux naufragés, qu’il s’attaque à des sujets similaires. Après son retour à Muri
il peint des scènes de chasse dans l’extrême théâtralité qui fait la force des scènes de catastrophes maritimes des peintres français.
Caspar Wolf
Dans la salle 2, c’est l’apparition de compositions par paires de tableaux présentant des vues opposées, une fois à droite, une fois à gauche, en été, en hiver, de manière idyllique,
puis dramatique.
Caspar Wolf 4
Dans la salle 3 on gravit la montagne jusqu’à une certaine hauteur, pour jouir du panorama.
Salle 4, se sont les contraires des panoramas, des paysages bloqués, des tunnels, des glaciers, le temps qui tourne à l’orage, des phénomènes climatiques extrêmes.
Caspar Wolf  Vue panoramique de la vallée de Grindelwald avec le Wetterhorn, le Mettenberg et l’Eiger huile sur toile 82 x 226 cm Creditline: Aargauer Kunsthaus, Aarau  AARGAUER BILD 8 959
Caspar Wolf
Vue panoramique de la vallée de Grindelwald avec le Wetterhorn, le Mettenberg et l’Eiger
huile sur toile 82 x 226 cm
Creditline: Aargauer Kunsthaus, Aarau
AARGAUER BILD 8 959

Salle 5, Wolf a démontré dans ses études de cascades, la fugacité de l’eau, puis des ponts, en pierre ou des passerelles en bois.
Salle 6, les cavernes constituent un motif privilégié dans son oeuvre. Soit très reconnaissable la caverne du Dragon près de Stans, ou celle de l‘Ours dans le Jura
avec laquelle il a pris plus de liberté. Dans la gouache, la Grosse Table de pierre du glacier de Lauteraar, curieux phénomène naturel, on remarque, à l’arrière plan, un homme portant sur le dos les toiles, que Wolf faisait transporter pour pouvoir les corriger sur le site même.
Caspar Wolf  La grosse pierre sur le glacier de Lauteraar /  Crayon et huile sur carton 24 x 38.7 cm Creditline: Kunsthaus, Aarau
Caspar Wolf
La grosse pierre sur le glacier de Lauteraar /
Crayon et huile sur carton
24 x 38.7 cm
Creditline:
Kunsthaus, Aarau

Salle 7, Wolf s’intéresse à la figure humaine, aux activités humaines, l’apparition de son fidèle chien. Puis apparaissent des constructions réalisées par la main de l’homme : cabanes, étables, routes, barrages, soit elles dominent la composition, soit, elles se blottissent dans une vallée ou se perdent à l’intérieur des coulisses montagneuses.
De la réalité, elles passent au paysage idyllique, correspondant au goût de l’époque.
Le paysage de haute montagne, avec un croix au sommet, une cascade, un groupe de sapins et la vue sur la vue forment le « best of » des Alpes, une représentation idéale de la Suisse. Le groupe de 3 lieux qui évoquent l’histoire de la confédération suisse : le Rüttli
(qui comporte en tout petit la scène du serment sur la rive du fleuve), la chapelle de Guillaume Tell dans la Hohle Gasse Caspar Wolf
et la Chapelle de Bruder-Klaus (St Nicolas) avec une figure de moine. Nicolas de Flue, saint patron de la Suisse, lors de la diète de Stans en 1481, fournit un sage conseil qui évita la désintégration de la confédération.
Force symbolique et politique, la réminiscence historique est préservée dans le paysage de l’époque Wolf : l’observation de la nature et la réflexion sur ce qui fait la Suisse y apparaissent de concert.
Caspar Wolf
Commissaires: Bodo Brinkmann et Katharina Georgi
Publication
À l’occasion de l’exposition, le Kunstmuseum Basel publie le catalogue Caspar Wolf et la conquête esthétique de la nature, avec des contributions de Andreas Beyer, Bodo Brinkmann, Viktoria van der Brüggen, Katharina Georgi, Gilles Monney, Regula Suter-Raeber, conception Gabriele Sabolewski. Editions Hatje Cantz, 2014. Editions allemande et anglaise, env. 224 p., env. 180 ill., 22 x 26 cm, relié.
www.kunstmuseumbasel.ch/shop
Horaires
Kunstmuseum Basel
Ma–Di 10–18h
Museum für Gegenwartskunst
Ma–Di 11–18h
Les deux musées sont fermés le 24.12.2014.
Tarifs
Kunstmuseum Basel
Exposition spéciale « Caspar Wolf »
Adultes CHF 21 / EUR 19, réduit CHF 8 / EUR 7,
gratuit jusqu’à 13 ans
Collections permanente et temporaire
Adultes CHF 15 / EUR 13, réduit CHF 8 / EUR 7,
gratuit jusqu’à 13 ans
Museum für Gegenwartskunst
Collections permanente et temporaire
Adultes CHF 12 / EUR 11, réduit CHF 5 / EUR 4,
gratuit jusqu’à 13 ans
Photos courtoisie Kunstmuseum Basel

Prendre le temps à la Fondation Fernet Branca

ANSEL / BEY/ CAHEN / DYMINSKI / LATUNER / NUSSBAUM / ROESZ

vous convient » à prendre le temps » à la Fondation Fernet Branca

à vos agendas
Du 20 septembre 2014 au 8 mars 2015


La Fondation Fernet-Branca à Saint-Louis est heureuse d’accueillir l’œuvre de
7 artistes indépendants (photo, manque Germain Roesz). Associés à une historienne d’art, Fleur Chevalier, les artistes se proposent d’exposer leur évolution en confrontant leur travail et en croisant leurs trajectoires sur la scène contemporaine, de 1970 à aujourd’hui.
4 décennies. 7 visions du monde. 7 parcours singuliers.

              Visite guidée, germain Roesz, Robert Cahen, Denis Ansel

Par tranches de dix ans, « Prendre le temps » veut observer l’ouverture de ces 7 expériences sans en boucler le sens, comme on pourrait l’attendre d’une rétrospective, ainsi que restituer, intact, le foisonnement complexe et les incertitudes de tout itinéraire artistique. Nul apogée dans la carrière d’un artiste sinon une négociation permanente avec le principe de réalité, traversée par l’histoire de l’art et l’influence des courants qui ont marqué la période contemporaine – Figuration narrative, Nouveaux Fauves, Anti-art, art conceptuel, Support-Surface, Colorfield painting, musique concrète et minimaliste… – sans oublier, bien sûr, leurs figures tutélaires.
7 artistes, une histoire.
Germain Roesz, Daniel Dyminski, Robert Cahen, Guido Nussbaum, Bernard Latuner, Denis Ansel, Joseph Bey

Analytique, Germain Roesz désosse la grammaire de la peinture et joue du pinceau comme on frappe des percussions, le rythme dégageant de puissants refuges colorés dans l’espace dense de ses jungles optiques.
Aveuglée par ses soleils polychromes, la rétine trouvera le repos dans les paysages lunaires de Joseph Bey. Ses Plaques accidentées, poncées, érodées comme le sol qu’il aime fouler, inlassable, lorsqu’il marche par monts et par vaux, résonnent avec les horizons détricotés à l’oscilloscope par Robert Cahen dans son installation vidéo Paysages-Passage. Sa formation de compositeur en musique concrète lui a appris à traiter l’image comme des sons : « il aiguise notre regard, et […] nous conduit à mieux voir et à mieux entendre le monde » (Stéphane Audeguy).
C’est l’autodestruction qui, à l’échelle humaine, socio-économique et personnelle, occupe Daniel Dyminski, dont la peinture satirique entretient un dialogue permanent avec ses performances, visant à démystifier le sacro-saint statut de l’artiste.
« Je suis trop vieux pour être punk ! », déclare Guido Nussbaum (vidéo), qui se taille volontiers le costume burlesque d’un prestidigitateur-loser. Et pourtant, son travail polymorphe, entre photo, vidéo, peinture et sculpture ne cesse de discourir sur la fonction et l’image publique de l’artiste dans la société. Il manquait un Chaplin à l’art contemporain.
Loin de la dérision, frontal, Bernard Latuner a trouvé sans détour sa place de lutteur dans la société en optant pour le militantisme. Sa peinture indignée recycle des photos documentaires au cinéma en passant par les news pour mieux haranguer les foules passives de spectateurs. Car c’est bien un mode alternatif de « consommation » des images que proposent ces 7 artistes, à l’instar de Denis Ansel, moine copiste du visible, iconodoule critique dont les toiles interrogent la béance entre la représentation et son sens, un vide qu’il tente de palier dans son travail récent en restaurant l’aura des clichés banals qu’il prend pour modèles.
Pour en arriver là, chacun a pris le temps de se perdre, de se chercher, de se redécouvrir, le plus souvent à l’écart du marché de l’art. C’est cet écart avec le monde et le torrent des mass media qui les rapproche.
texte : Fleur Chevalier


Commissaire associée aux artistes de l’exposition : Fleur Chevalier
Directeur de la Fondation Fernet-Branca : Pierre-Jean Sugier. pjsugier@fondationfernet-branca.org

                Vidéos de Robert Cahen et toiles de Joseph Bey

Conférence
« Une Fondation pour demain »
Vendredi 7 novembre 2014 à 19h30.
Pour débattre, sont invités :
– Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation Maeght
– Marie‐France Bertrand, directrice du Musée Wurth, représentante de la Fondation Wurth située en Allemagne.
– Isabelle Gaudefroy, directrice de la programmation Fondation Cartier
– Pierre‐Jean Sugier, directeur Fondation Fernet‐Branca, médiateur du débat.

Le débat se prolonge autour d’un buffet.
Entrée 7 euros, gratuit pour les membres du Club des Amis de la Fondation Fernet‐Branca

 Ouverture :
Tous les jours,
de 14h00 à 19h00 sauf lundi et mardi
Tarif
8 € 6 €
– Groupes 10 personnes minimum
– Etudiants de moins de 26 ans
– Carte Cezam 0 €
– Enfants de moins de 12 ans,
– MuseeumsPass
 

Il s’en est fallu de peu, Kunsthalle de Mulhouse

Exposition collective
Avec la participation de Martine Feipel & Jean Bechameil, Omar Ba, Hassan Darsi, Vincent Ganivet, Bouchra Khalili, Radenko Milak
Une proposition de Sandrine Wymann, directrice de la Kunsthalle
jusqu’au 16 novembre 2014
Kunsthalle, il s'en est fallu de peu
De l’énoncé d’un projet à son éventuel avènement, la route est longue et les détournements, les accidents souvent de mise. Il s’en est fallu de peu conte des histoires ratées ou détournées. Ce n’est pas une exposition qui se projette mais qui suggère, selon la formule de Georges Didi-Huberman, de prendre l’histoire à rebrousse-poil pour révéler la « peau sous-jacente, la chair cachée des choses ».
À la manière d’un archéologue, il importe de remonter le temps et de trouver l’origine des événements. Il faut se retourner, comprendre ce qui a prévalu à ce que nous sommes en mesure d’observer et de juger. Une grande idée, un ordre naturel, la volonté de trouver mieux ou de maitriser une situation. De l’anecdote à l’Histoire, les fausses routes sont nombreuses mais ne peuvent être comprises sans que l’on se penche sur la mémoire des choses.
L’échec et la vanité se lisent entre les images des oeuvres présentées. Mais si l’histoire entière est faite à la fois de prophéties et de tragédies, il est cependant permis de croire que le temps suit normalement son cours et qu’inévitablement le recommencement est la plus belle issue possible. Il s’en est fallu de peu rassemble des sculptures, des peintures et des vidéos de sept artistes qui travaillent sur le fil de l’Histoire.
Sandrine Wymann

Martine Feipel & Jean Bechameil
Le travail de Martine Feipel & Jean Bechameil traite des questions d’espace. Leur travail tente, de manière destructive, de montrer la complexité d’idées cachées dans la façon traditionnelle de construire l’espace et en même temps essaie d’ouvrir une perception pour une réflexion alternative. Dans leurs oeuvres, l’art et la société vont de pair.
Martine Feipel et Jean Bechameil proposent trois bas-reliefs représentant un immeuble, logement typique des grands ensembles des années 60. La construction est représentée vue du Sud, du Nord puis distordue, prête à s’effondrer. Ces sculptures, entre réalisme et fiction, renvoient aux grands ensembles qui ont émergé dans les années 60, telles des solutions évidentes aux besoins de logements en périphérie des villes. De la solution aux problèmes, ils ont incarné une évolution sociale et urbaine des villes occidentales.
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Les oeuvres d’Omar Ba racontent une histoire qui cherche à éliminer les frontières entre l’Afrique et l’Europe, le passé et le présent, le bon ou le mauvais. Peintes le plus souvent sur du carton ondulé, matériau brut que l’artiste affectionne particulièrement, les compositions se déclinent en détails précisément peints : des médailles, des paysages, des feuilles, d’autres végétaux qui constituent le répertoire foisonnant de l’artiste, offrant alors différents niveaux de lecture. Dans Il s’en est fallu de peu, Omar Ba expose deux peintures et une installation. Entre allégories et représentations d’une histoire contemporaine, ses oeuvres laissent transparaître ses origines et son regard critique sur les relations entre l’Afrique et le monde occidental. Chacune de ses oeuvres rassemble une quantité de personnages, objets, symboles, édifices, lieux, végétaux qu’il réunit dans une même composition pour raconter une histoire à la fois fictionnelle et universelle marquée par les détails, le tout dans un florilège de couleurs.
 

Vincent Ganivet C.3.1.3, 2012 Parpaings, in studio © Vincent Ganivet Courtesy de la galerie Yvon Lambert, Paris
Vincent Ganivet
C.3.1.3, 2012
Parpaings, in studio
© Vincent Ganivet
Courtesy de la galerie Yvon Lambert, Paris


Vincent Ganivet développe une démarche artistique de l’absurde et de l’éphémère, de l’accident et de l’équilibre, et crée des oeuvres à partir de matériaux bruts, d’objets et de phénomènes quotidiens détournés de leur fonction initiale. Il reprend des formes élémentaires et des principes architecturaux pour les mener à une sorte de construction incertaine, mais qui impressionne par le savoir-faire avec lequel elle gère le contre-emploi. L’artiste construit dans Il s’en est fallu de peu, une sculpture en brique qui incarne le point d’équilibre à partir duquel on peut toujours observer l’édifice mais aussi s’imaginer le pire et son effondrement. D’un moment à l’autre tout peut basculer. La rupture n’est jamais loin du défi mais son éventualité est ici source de motivation et de grandeur.

Radenko MilakRadenko Milak s’intéresse à la place de l’image dans la mémoire individuelle et collective. Ses aquarelles à l’encre de chine et ses peintures à l’huile transforment films, reportages ou images de presse en petites icônes. Elles sont la trace de faits politiques et historiques, chacune se réfère à un cliché que l’artiste a soigneusement choisi, souvent sur internet. En s’appropriant les images des autres puis en les reproduisant, il rend hommage à l’Histoire telle qu’elle nous est transmise mais ne nie pas pour autant la potentialité narrative autonome de chaque récit individuel. Pour Il s’en est fallu de peu, Radenko Milak a peint une série d’événements, de personnages ou d’idées qui ont traversé le 20e siècle. Tous ont marqué leur époque, ses désirs de progrès, de tolérance ou d’égalité mais tous aussi ont connu une triste chute ou une fin décalée. Dans un désir d’accumulation et de surenchère, l’artiste retrace un siècle trépident et incroyablement engagé.

Venez découvrir tous les artistes, lors des différents RDV proposés par  la Kunsthalle

@ vos agendas :
Visites guidées : tous les dimanches à 15h00
Conférence
Jeudi 16 octobre
— 18:30 à La Kunsthalle
Les grands ensembles en France : du rêve au cauchemar de Maurice Blanc suivie d’une rencontre avec les artistes Martine Feipel et Jean Bechameil Pour Le Corbusier, les grands ensembles devaient être des «cités radieuses» et le creuset dans lequel s’invente la civilisation urbaine de demain. Ils sont devenus des espaces de relégation et la conférence analyse pourquoi et comment. Maurice Blanc est professeur émérite de sociologie à l’Université de Strasbourg. Il a dirigé l’école doctorale des Humanités, le Centre de Recherche en Sciences Sociales (CRESS) et a mis en place le Master interdisciplinaire: «Aménagement et urbanisme». Il est aujourd’hui rédacteur en chef de la revue interdisciplinaire «Espaces et Sociétés» et membre du réseau euroméditerranéen: «Développement durable et lien social»(2DL iS). Martine Feipel et Jean Bechameil, duo d’artistes luxembourgeois. Leurs dernières oeuvres portent sur l’architecture moderniste et utopiste des années 50-70, et plus spécialement sur les habitations sociales de cette époque- les Grands Ensembles- dont la démolition ou la rénovation sont aujourd’hui l’enjeu de débats et de polémiques. En partenariat avec les Journées de l’architecture. Entrée libre
KUNSTDÉJEUNER
Vendredi 17 octobre — 12:15
Visite à thème « Questions obliques » suivie d’un déjeuner* Sous la forme d’un jeu, les cartes de Questions obliques interrogent, de manière parfois surprenante et décalée, le visiteur sur sa perception de l’exposition. En partenariat avec l’Université Populaire. Gratuit, sur inscription au 03 69 77 66 47
kunsthalle@mulhouse.fr
*repas tiré du sac
MÉDITATION
Jeudi 30 octobre à partir de 17:30 jusqu’à 21:00
Une séance de méditation ouverte à tous, d’après une oeuvre des gens d’Uterpan
Ouvert à tous, entrée libre
KUNSTAPÉRO
13 novembre — 18:00
Des oeuvres et des vins à découvrir : visite guidée suivie d’une dégustation de vins, en
partenariat avec l’association Mulhouse Art Contemporain et la Fédération Culturelle
des Vins de France.
Participation de 5€ / personne, inscription au 03 69 77 66 47
kunsthalle@mulhouse.fr
ÉCRIRE L’ART
Dimanche 16 novembre — 15:00
Lecture performance de Cécile Mainardi, poète
Sous la forme d’une mini-résidence de quatre jours, Cécile Mainardi, poète, s’immerge dans l’univers de Il s’en est fallu de peu et compose autour des oeuvres exposées. Dialogues, créations, collaborations, poésies visuelles et sonores, textes et expressions permettent de visiter, voir, concevoir et revoir les oeuvres au travers du langage spécifique de l’écrivain.
Cécile Mainardi est une poète française. Elle vit entre Nice et Paris. Elle a été pensionnaire de la Villa Médicis en 1998 et en résidence à la Villa Arson en 2005. Son travail a fait l’objet de performances, interventions, lectures publiques et de créations radiophoniques, dont un Atelier de Création Radiophonique de France Culture : l’Eau super-liquide. Parmi ses dernières oeuvres : La Blondeur (les Petits Matins, 2006), Je suis une grande Actriste (l’Attente, 2007), L’Immaculé Conceptuel (Les Petits Matins, 2010), Rose Activité Mortelle (Flammarion, 2012).
 
 

Nuit Américaine à la Filature de Mulhouse

Laure Vasconi « Villes de Cinéma »
Julien Magre « Magic Land »
+ une création sonore de Valéry Faidherbe
exposition coproduite par La Filature, Scène nationale – Mulhouse
jusqu’au dimanche 26 octobre 2014
LAURE VASCONI, JULIEN MAGRE, Serge Kaganski
Serge Kaganski
« D’un côté la nuit, ses ombres, sa pénombre. Dans les interstices de ces ténèbres, un rai de lumière révélant de fugaces apparitions : pan de mur, ligne de palmiers, porte, corridor, costumes, chaussures, accessoires, effigie, masques, mannequins, tréteaux, cintres, machineries… Laure Vasconi a baladé ses objectifs dans les grands studios de cinéma à travers le monde, mais en dehors de l’action, des heures de travail, du bourdonnement humain, flashant ces ruches en période de sommeil, ces usines à rêves en pleine léthargie. Saisissant ainsi des fantômes et des spectres, du vide, de la béance apte à être emplie par les fantasmes du spectateur, elle a capté par la photo une dimension essentielle du cinéma, art spectral, jeux d’ombres et de lumières projetées. Ses images immobiles mais tremblées, comme prêtes à se mettre en mouvement, déclenchent d’emblée des films imaginaires dans l’esprit de celui ou celle qui regarde.

Laure Vasconi
oeuvres présentées à La Filature
35 tirages Fresson au format 30 x 40 cm
5 tirages Fresson au format 60 x 80 cm
4 tirages dos bleu
De l’autre côté le jour, sa lumière solaire, d’une clarté presque aveuglante, qui découpe les ombres avec netteté. Sous cette chaleur brûlée, des terrasses vides, du linge qui sèche, un chapiteau endormi, une piscine déserte, un toboggan aquatique, des flamands roses en stuc, un manège à l’arrêt, des tables et sièges qui attendent leurs occupants comme s’ils attendaient Godot…
Julien Magre a promené ses appareils dans un parc d’attraction de Dakar, un jour de fermeture. À quoi ça ressemble, un Disneyland africain en dehors des jours ouvrables ? Précisément à ça… une ville à l’abandon, un studio de cinéma en « vacance », un lieu vidé par la guerre, un décor de film après tournage, une scène de blockbuster-catastrophe après passage des aliens, une ghost town américaine, Miami un jour de Superbowl, une case muette de Loustal… Cet « ici et maintenant » de Dakar, Sénégal, suscite dans le cerveau de celui ou celle qui regarde tous les films vus ou rêvés, toutes les images de « là-bas, hier, demain ». L’Afrique diurne de Julien Magre et la planète studio nocturne de Laure Vasconi se parlent, se répondent, se télescopent, s’alternent comme la lumière et l’obscurité 24 fois par seconde dans le processus désormais ancien du cinéma. Les deux séries parlent la même langue d’un film virtuel, prêt à jaillir entre les images, creusent l’imaginaire par les mêmes moyens : la désertification humaine, l’absence de vie, mais aussi la trace, le vestige, la ruine de ce que l’on devine avoir été, hier ou il y a cinquante ans. S’il y a du cinéma dans ces photos, c’est parce que le cinéma hollywoodien fut et reste le plus puissant et universel pourvoyeur d’inconscient collectif. La nuit hollywoodienne diffuse partout, infuse toutes les images, aussi bien à Hollywood qu’à Dakar, Le Caire, Rome ou Babelsberg.
Julien Magre
La nuit américaine, c’est aussi ce procédé du cinéma qui crée l’illusion de la nuit en plein jour. La nuit de Laure Vasconi appelle en creux le jour qui finira bien par se lever alors que le plein soleil de Julien Magre invite au « day for night » (« nuit américaine » en vo). La nuit de Laure aurait-elle pu être créée en plein jour de Julien ? Cette exposition suggère cette fiction, révélant les liens qui unissent ces deux travaux par-delà leurs irréductibles singularités… La photo, comme le cinéma, c’est toujours du temps suspendu, du passé, le beau et poignant linceul de ce qui a été, mais qui n’attend que de revivre sous le regard du spectateur. À charge pour le visiteur de redonner du mouvement à ces images, de les monter comme un film, de combler leurs points de suspension, de les habiter avec son propre présent ou ses propres souvenirs. »
oeuvres présentées à La Filature
7 tirages couleur au format 60 x 90 cm
14 tirages couleur au format 24 x 30 cm
1 tirage dos bleu
On peut aussi les relier avec le travail de Sylvain Couzinet-Jacques,
Zero Rankine,
paysages désertés, sans personnages, images aux contours flous.
VISITE GUIDÉE
jeudi 2 octobre de 12h30 à 13h40 sur inscription au T 03 89 36 28 34
Club Sandwich : visite gratuite de l’exposition le temps d’un pique-nique tiré du sac
LA GALERIE DE LA FILATURE, SCÈNE NATIONALE
20 allée Nathan Katz – 68090 Mulhouse cedex T
+33 (0)3 89 36 28 28
– www.lafilature.org
en entrée libre
du mardi au samedi de 11h à 18h30,
dimanche de 14h à 18h et les soirs de spectacles
La Filature est membre de Versant Est,
Réseau art contemporain Alsace.
 

L'art en ville: parcours de découverte

Mulhouse
L’art dans la ville
dans le cadre des journées de l’architecture 2014.

Deux propositions de parcours de découverte d’œuvres d’art contemporain dans l’espace public à Mulhouse, à expérimenter à pieds, à vélo ou en transports en commun.
Samedi 11 octobre : départ à 10h00
– Gare centrale Avenue du Général Leclerc –
Samedi 18 octobre: départ à 14h30
– Fonderie 16 rue de la Fonderie – Mulhouse

Yves Carrey, Schweissdissi
Yves Carrey, Schweissdissi

À l’occasion des Journées de l’architecture (www.ja-at.eu) qui se déroulent du
24 septembre au 26 octobre 2014,
l’association Mulhouse Art Contemporain
propose au public deux parcours de découverte des œuvres de l’espace urbain.
Mulhouse Art Contemporain souhaite, par le biais de ces deux propositions, mettre en lumière les œuvres qui sont installées dans l’espace public et qui appartiennent au quotidien de la ville et de ses habitants.
Parcours
Deux objectifs dans cette démarche : faire connaître ces œuvres et les artistes qui les ont produites mais aussi permettre aux habitants de se les approprier, comme un élément de leur vie de citoyen.
Cette double volonté rejoint le but de l’association : ouvrir l’art contemporain à tous les publics en empruntant tous les chemins possibles…
Les deux parcours donneront lieu à l’édition d’une carte qui sera diffusée gratuitement, à l’office de tourisme de Mulhouse notamment, et qui permettra au public de s’approprier ces parcours en toute autonomie.
Jean Pierre Raynaud, La Roue de Mulhouse vue du ciel
Jean Pierre Raynaud,
La Roue de Mulhouse

Mulhouse Art Contemporain
– Cour des Chaînes – 15 rue des Franciscains –
68100 Mulhouse
www.mulhouse-art-contemporain.fr
– contact: mulhouseartcontemporain@yahoo.fr

Recommandé à lire ci-dessous

Yves Carrey ma visite
Zoom sur Mulhouse (billet, la vidéo de TF1 a été supprimée à sa demande expresse
photos de l’auteur

Hokusai le « fou de dessin » au Grand Palais

Hokusai Katsushika (1760-1849)
Hokusai, autoportrait
« Depuis l’âge de 6 ans, j’avais la manie de dessiner la forme des objets.
vers l’âge de 50 ans, j’avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j’ai produit avant l’âge de 70 ans ne vaut pas la peine d’être compté.
C’est à l’âge de 73 ans que j’ai compris à peu près, la structure de la nature vraie des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes.
Par conséquent à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait encore plus de progrès ; à quatre-vingt dix ans, je pénètrerai le mystère des choses ; à cent ans je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et quand j’aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant ».
Mort à l’âge de 90 ans, il est enterré dans le temple bouddhique de Saïkiodji à Tokyo. Il sera resté toute sa vie un artiste du peuple, ignoré et même souvent honni par la classe aristocratique.
Né dans un faubourg d’Edo, sur la rive orientale du fleuve Sumida, sous le nom de Tokitar, Hokusai est adopté à l’âge de trois ans par un artisan d’art, fabricant de miroirs à la cour du shogun. Ayant développé très tôt un don pour le dessin, il travaille d’abord chez un libraire puis entre en apprentissage chez un xylographe de 1773 à 1778. Il devient ensuite l’élève de l’illustre chef d’atelier populaire Katsukawa Shounshô, spécialisé dans les estampes – jusqu’en 1790. Il étudie aussi les oeuvres des grands artistes anciens, et en particulier celles d’Itshio.
L’exposition
hokusai, vue de l'expo
Le parcours suit la chronologie de la longue vie de Hokusai, ponctuée de multiples changements de noms. La densité des salles d’exposition et des différents types d’oeuvres qui y sont présentées est relative à celle de la production de l’artiste aux différentes périodes de sa vie.
Hokusai et la France
La première salle de l’exposition aborde l’oeuvre de Hokusai par le biais de la réception qui en fut faite en France dans la seconde moitié du XIXe siècle, elle constitue en cela une introduction au parcours monographique qui se déroule ensuite, revenant sur le profond choc culturel que constitua pour les Occidentaux la découverte de l’art japonais à partir de la fin des années 1850. En 1856, C’est la découverte d’un volume des Manga de Hokusai par Félix Bracquemond qui marque le début de l’engouement pour Hokusai. Il est séduit par ce thème qui fera de lui l’initiateur de la vogue du japonisme en France à la fin du XIXe siècle. Thème repris par Monet qui couvrit sa cuisine d’estampes et aménagea son jardin, ou encore Cézanne qui peignit sa Montagne St Victoire
comme les multiples du Mont Fuji de Hokusai. L’œuvre orchestrale du compositeur français Claude Debussy : la Mer, dont la Couverture de l’édition originale de 1905 reproduisait La Grande Vague de Hokusai.

Hokusai, rôle de la courtisane kashiku, cp
Dans son sillage, peintres et dessinateurs trouvent dans ces dessins saisissants de vie, comme dans les Trente-six vues du mont Fuji, un vocabulaire nouveau à étudier, à copier, à transposer dans leurs propres réalisations.
Cinq noms pour un même artiste
Son nom sonne comme la promesse d’un voyage, dans le temps, dont nous occidentaux, malgré la séduction immédiate, n’avons pas les codes.
L’exposition suit les différentes périodes d’Hokusai, et s’intéresse à son œuvre par un biais chronologique. Logique, quand on sait que l’artiste s’est maintes fois réinventé, jusqu’à modifier son nom. Lorsqu’il change de patronyme, il transmet l’ancien à l’un de ses élèves. Il est d’abord Katsukawa Shunrō, dessinateur d’estampes commerciales qui représentent des acteurs de kabuki ou des scènes de la vie quotidienne.
Hokusai vue
Il devient ensuite Sōri, créateur de calendriers raffinés et de gravures. En 1805, le nouveau siècle lui apporte une nouvelle identité, celle de Katsushika Hokusai, peintre et illustrateur. C’est sous le nom de Taito qu’il élabore l’une de ses pièces maîtresses, le Hokusai Manga, manuel d’apprentissage qui montrent aussi bien les hommes que la nature et les animaux. En 1820, il change de nouveau de nom et devient Iitsu. C’est pendant les quatorze années durant lesquelles il porte ce nom qu’il réalise ses plus célèbres estampes : les Trente-six vues du mont Fuji et les superbes Voyages au fil des cascades des différentes provinces, allégories du temps qui passe à travers la nature changeante, se consacrant essentiellement à la conception de ces fameuses
« estampes du monde flottant » (ukiyo-e)
. Naissent alors les grandes séries qui feront ensuite sa célébrité, au premier rang desquelles les Trente-six vues du mont Fuji.

Katsushika_Hokusai-The_Thirty-Six_Views_of_Mt_Fuji-
Katsushika_Hokusai-The_Thirty-Six_Views_of_Mt_Fuji-

C’est surtout la manière dont Hokusai se dégage des contraintes du genre qui fait la modernité de ses grands ensembles : contrairement aux usages, les estampes de paysage conçues par Hokusai ne s’appuient pas sur des sites clairement identifiables, illustrant davantage les métamorphoses du motif choisi. La période Iitsu se caractérise aussi par un regain d’activité dans le genre du surimono, ainsi que par l’originalité et la force de ses peintures. Que ce soit dans ses premières estampes ou dans ses œuvres les plus célèbres couleurs bleu de Prusse, Hokusai s’intéresse avant tout à la nature. Si ses premiers modèles ont été les courtisanes ou les acteurs de Kabuki, très vite ce sont les paysages et les animaux qui imprègnent ses travaux.
Hortensias et hirondelles - Début de l'ère Tempō (vers 1830-1834) - estampe.  Crédits : THIERRY OLLIVIER/ RMN-GRAND PALAIS/MUSEE GUIMET PARIS
Hortensias et hirondelles – Début de l’ère Tempō (vers 1830-1834) – estampe.
Crédits : THIERRY OLLIVIER/ RMN-GRAND PALAIS/MUSEE GUIMET PARIS

Du mont Fuji, montagne sacrée et symbole de beauté par excellence, aux cascades japonaises, immenses face aux êtres humains, en passant par les tigres, les pivoines, les bouvreuils et les canaris qui hantent ses estampes, celui qui voulait vivre plus de cent ans a réussi à signer une oeuvre éternelle, délicate et poétique, quelquefois caricaturale aussi. Dans les célèbres Trente-Six vues du mont Fuji, il réussit à fixer de manière extrêmement intense l’aspect à la fois éternel et fragile de la vie.
Katsushika Hokusai (1760 -1849), « Dans le creux d’une vague au large de Kanagawa », Série : Trente-six vues du mont Fuji, Début de l’ère Tempō, vers l’an II (vers 1830-1834), Estampe nishiki-e, format ōban, 25,6 x 37,2 cm, Signature : Hokusai aratame Iitsu hitsu, Éditeur : Nishimura-ya Yohachi, Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire © Musées royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles.
Katsushika Hokusai (1760 -1849), « Dans le creux d’une vague au large de Kanagawa », Série : Trente-six vues du mont Fuji, Début de l’ère Tempō, vers l’an II (vers 1830-1834), Estampe nishiki-e, format ōban, 25,6 x 37,2 cm, Signature : Hokusai aratame Iitsu hitsu, Éditeur : Nishimura-ya Yohachi, Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire © Musées royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles.

La Grande Vague de Kanagawa (1831). Elle exprime de façon parfaitement harmonieuse, l’opposition entre le yin – le ciel lumineux, calme et limpide – et le yang – la mer, brutale et obscure, qui reflète l’impuissance humaine. Les pêcheurs, petits visages blancs, répartis dans trois barges, ballotés par les flots, s’apprêtent à être engloutis par la gigantesque vague, certainement un typhon, révélant une condition humaine éphémère face à la nature capricieuse. N’a-t-elle pas l’aspect d’un dragon griffu qui menace sa proie ? Hokusai aime à exprimer ce rapport ambivalent de l’homme à la nature.
Hokusai, cascades
À la fin de sa vie, il prend le nom de Gakyō Rōjin Manjin. Au crépuscule de son existence, il rêve de vivre encore des années pour terminer sa production.
Entre les 2 parcours, une vidéo montre la technique de l’estampe.
01 Octobre 2014 – 18 Janvier 2015 Grand Palais, Galeries nationales
Relâche du 21 au 30 novembre 2014 Katsushika Hokusai (1760-1849) est aujourd’hui l’artiste japonais le plus célèbre à travers le monde. Son oeuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement ses estampes de paysages, synthèse remarquable entre les principes traditionnels de l’art japonais et les influences occidentales. Conçue en deux volets, l’exposition présente 500 oeuvres exceptionnelles, dont une grande partie ne quittera plus le Japon à compter de l’ouverture du musée Hokusai, à Tokyo en 2016.
commissaires : Seiji Nagata, spécialiste de Hokusai, Directeur du Katsushika Hokusai Museum of Art, en collaboration avec Laure Dalon, conservateur du patrimoine, adjointe du directeur scientifique de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais. scénographie: agence DGT Dorell.Ghotmeh.Tane / Architects

Sommaire de septembre 2014

Prendre le temps, fernet Branca
Prendre le temps, Fernet Branca

01 septembre 2014 : Tatiana Trouvé au MAMCO
06 septembre 2014 : Céleste Boursier-Mougenot, persistances
08 septembre 2014 : Gustave Courbet à la Fondation Beyeler
11 septembre 2014 : La Fondation Marguerite et Aimé Maeght, 50 ans
13 septembre 2014 : Prendre le temps à la Fondation Fernet Branca
19 septembre 2014 : Zero Rankine, Sylvain Couzinet-Jacques
22 septembre 2014 : For Your Eyes Only
25 septembre 2014 : Revoir Renoir à la Fondation Pierre Gianadda, Martigny, Suisse

Revoir Renoir à la Fondation Pierre Gianadda, Martigny, Suisse

Après les différentes rétrospectives historiques sur les maîtres de
l’impressionnisme organisées depuis une vingtaine d’années à la
Fondation Pierre Gianadda : Degas (1993), Manet (1996), Gauguin (1998),
Van Gogh (2000), et celles consacrée à Berthe Morisot (2002) et Monet
(2011), le Fondation rend hommage au plus célèbre
portraitiste du temps : Pierre-Auguste Renoir (1841-1919).

Autoportrait en chapeau blanc 1910 Huile sur toile 42 x 33 cm Collection particulière
Autoportrait en chapeau blanc
1910
Huile sur toile
42 x 33 cm
Collection particulière

Cézanne disait de lui, c’est un « porcelainier » Renoir disait il faut embellir, je fais l’amour avec mon pinceau. Comme c’est difficile de trouver exactement le point où doit s’arrêter dans un tableau, l’imitation de la nature. Il ne faut pas que la peinture pue le modèle et il faut cependant qu’on sente la nature.
Sociable et jovial,  il campe des scènes de bals et de théâtre, des sorties au bois de Boulogne, des bords de Seine, parfois accompagné de son ami Monet, des paysages de campagne lumineux, des portraits.  Ses  grands thèmes sont : le paysage, la famille, son entourage, la sculpture, les femmes.
Ce sont ses portraits qui feront sa gloire, l’univers de Renoir est peuplé de grandes bourgeoises et de paysannes, de filles de la rue, d’hommes du monde, d’artistes, d’enfants.
Il les immortalise avec brio en quelques coups de pinceau, irisés nacrés. C’est la femme épanouie et sensuelle qui lui inspire ses toiles les plus inoubliables, auprès d’elles il goûte un bonheur sans nuage, qui durera jusqu’à son dernier souffle.
Renoir, paysage aux enirons d'Essoyes aux deux figures, 1892 Kunsmuseum de Bâle
Renoir, paysage aux environs d’Essoyes aux deux figures, 1892 Kunsmuseum de Bâle

L’exposition propose cet été et jusqu’ l’automne, une lecture nouvelle de l’oeuvre de Renoir (Revoir Renoir), avec plus de cent oeuvres témoignant de toute sa
carrière – soixante ans de création – comme de la diversité sensible de
son inspiration. Ce lumineux panorama chronologique reflète au mieux
dans ses grandes ponctuations sérielles, le tempérament volontiers
intimiste du peintre, qui a aussi bien maîtrisé le paysage que l’éternel
féminin, les scènes familiales que les natures-mortes. Une majorité
d’oeuvres inédites provenant des collections particulières très rarement
prêtées ainsi que de nombreux prêts des plus grands musées
internationaux (Musée Pouchkine, Musée de São Paulo, Musée Thyssen-Bornemisza, Palais Princier de Monaco), des musées français (Musée d’Orsay, Orangerie, Petit Palais et Marmottan, Paris – Le Havre, Rouen, Fondation Ephrussi de Rothschild / Académie des Beaux-Arts, Saint-Jean Cap Ferrat) comme des institutions suisses (Genève, Bâle, Berne, Lausanne, Winterthur, Fondation Bührle et Kunsthaus, Zurich…),
permettent de donner une vision renouvelée de son oeuvre séminale au coeur de l’impressionnisme français.

Renoir
Deux sculptures monumentales rarement exposées (Vénus Victrix du
Petit Palais, Paris et La grande Laveuse accroupie de la Fondation Pierre
Gianadda) terminent le parcours de l’exposition.
Accompagnant l’exposition, un catalogue de référence, faisant appel à
une dizaine de spécialistes, historiens d’art et témoins familiaux, traite de
sujets aussi variés – et nouveaux – que les amitiés du peintre avec les
écrivains (par Sylvie Patry, conservatrice en chef, Musée d’Orsay), son
frère Edmond Renoir (par Marc Le Coeur), le peintre Caillebotte (par
Pierre Wittmer), le marchand Paul Durand-Ruel (par Caroline Godfroy
Durand-Ruel), le peintre Albert André (par Flavie Mouraux Durand-Ruel),
ou de l’admiration de Pablo Picasso (par Augustin de Butler)…
Sous un angle plus muséal, Daniel Marchesseau propose une analyse thématique
complétant ses notices, tandis que Lukas Gloor précise la réception de
l’oeuvre du maître dans les collections suisses au XXe siècle, et Cécile
Bertran, conservatrice du musée Renoir, révèle, grâce à de nombreuses
photographies acquises à l’automne 2013 par la ville de Cagnes-sur-Mer,
la vie familiale de l’artiste dans sa propriété des Collettes.

Renoir
Cette sélection ne manque pas de séduire un large public qui retrouve
certaines de ses références les plus célèbres, mais découvre surtout nombre
de toiles peu – sinon totalement inconnues – provenant de collections privées
européennes. Le visiteur perçoit sans doute l’émotion toute proustienne de
tant d’images aimées que la mémoire collective conserve du plus charnel des
impressionnistes, l’amoureux de l’éternel féminin – grâce et volupté.
Renoir, femme nue
Car le talentueux élève du peintre d’origine suisse Charles Gleyre, dans
l’atelier duquel il se lie à l’Ecole de Beaux-Arts de Paris avec ses camarades
Claude Monet et Frédéric Bazille, cerne bientôt son champ d’inspiration
féminine : Lisa (1872) puis la voluptueuse Suzanne Valadon qui posera rue
Cortot avant de suivre les conseils de Degas et devenir le peintre reconnu que
la Fondation Pierre Gianadda avait exposé en 1996.

Renoir, au jardin sous la tonnelle du Moulin de la Galette,  1875/6 musée d'état  des BA de Moscou, Pouchkine
Renoir, au jardin sous la tonnelle du Moulin de la Galette, 1875/6 musée d’état des BA de Moscou, Pouchkine

C’est d’ailleurs rue Cortot que Renoir peint Le Jardin du moulin de la galette
où ce chantre de la beauté féminine – comme Monet l’est des variations les
plus éphémères de la lumière – s’impose doublement comme portraitiste et
paysagiste avant de répondre à maintes commandes pour la bourgeoisie fortunée parisienne (La Comtesse Edmond de Pourtalès, Elisabeth et Alice Cahen d’Anvers).
Renoir, Cahen d'AnversA ce propos je rappelle un autre billet sur la petite fille au ruban bleu,
vu à la Fondation Bürhle de Zurich
.
Sa rencontre avec Aline Charigot, la mère de ses trois fils, Pierre, Jean et Claude (dit « Coco »), qu’il épouse en 1890, est déterminante pour son inspiration. Au fil des années, elle se recentre autour d’une voluptueuse évocation de la Maternité. Mais c’est naturellement dans les nombreuses variations autour des Nus qu’il
s’impose au public le plus averti. Renoir, dont on apprécie également les natures mortes, les bouquets et les paysages, maîtrise avec un art consommé tout l’éventail de sa palette au profit de sa technique picturale qui sert dans sa lumière propre un moment de bonheur à l’acmé de son génie.
Renoir
Renoir travaille, avec des « pinceaux de martre et des brosses plates en soie », et emploie surtout, dit-il, « Blanc d’argent, Jaune de chrôme (sic), Jaune
de Naples, Ocre jaune, terre de Sienne naturelle, vermillon, laque de Garance, vert Véronèse, vert Emeraude, Bleu de Cobalt, Bleu Outremer – l’ocre jaune, le jaune de Naples et la terre de Sienne n’étant que des tons intermédiaires, dont on peut se passer puisque vous pouvez les faire avec les autres couleurs », sans oublier
« le noir, la reine des couleurs ».
Paul Durand-Ruel (très bientôt au musée du Luxembourg) est le premier à le défendre et l’exposer, à Paris, Londres et aux Etats-Unis. Plus de mille oeuvres passent par ses galeries. Plus jeune, Ambroise Vollard édite ses gravures et ses bronzes, avant d’acquérir, à sa mort, tout le fond de l’atelier. Renoir en brosse trois célèbres portraits dont celui donné par Vollard au Petit Palais de Paris.
Ambroise Vollard au foulard rouge 1899 (1906) Huile sur toile Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Ambroise Vollard au foulard rouge
1899 (1906)
Huile sur toile
Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de
Paris

Avec la consécration, vient la réussite financière au tournant du siècle. Renoir, également soutenu désormais par les frères Bernheim-Jeune, découvre Cagnes-sur-Mer en 1903 et s’installe peu après dans le vaste Domaine des Collettes où il peindra jusqu’à son dernier jour avec la passion irréductible du « beau métier ».
Au sommet de la consécration, et malgré certaines critiques acides, des collectionneurs aussi avertis que Paul Gallimard, Gaston Lévy, Henri Bernstein ou les américains Leo et Gertrude Stein ne s’y trompent pas et s’entoureront de ses oeuvres – avant que le fameux Dr Alfred Barnes ne réunisse dans sa propriété de Merion au
sud de Philadelphie, sur les conseils en particulier de jeunes marchands,
Paul Guillaume et René Gimpel avant Paul Rosenberg, plus de cent quatrevingts
tableaux (la Barnes Foundation est installée depuis 2012 à Philadelphie).
Dans sa maturité, de jeunes artistes comme Aristide Maillol et
Maurice Denis rendent visite au maître dont ils font le portrait.
Quelques mois avant sa disparition, ce sont Amedeo Modigliani et Henri Matisse,
également encouragés par Paul Guillaume, qui vont aux Collettes…
Si Pablo Picasso n’eut pas l’occasion de faire sa connaissance, il n’en acquit
pas moins pour sa collection personnelle sept de ses oeuvres (aujourd’hui,
musée Picasso, Paris). C’est dire quelle valeur novatrice il attachait à son
art dans sa pleine maturité.
Cette exposition riche d’une centaine d’oeuvres permet de redécouvrir
dans le cadre majestueux de la Fondation Pierre Gianadda un Renoir
résolument de son époque.
Renoir, Jean Renoir cousant
Commissaire de l’exposition : Daniel Marchesseau, Conservateur général honoraire du Patrimoine.
Catalogue de l’exposition : reproduit en couleurs toutes les oeuvres exposées avec des textes de Cécile Bertran, Augustin de Butler, Caroline Durand-Ruel Godfroy, Flavie Durand-Ruel, Lukas Gloor, Marc Le Coeur, Daniel Marchesseau, Sylvie Patry, Pierre Wittmer, complétés d’une riche iconographie
complémentaire.
Prix de vente : CHF 45.- (37,50 €)
Exposition jusqu’ au 23 novembre 2014
Tous les jours de 9 heures à 19 heures
FONDATION PIERRE GIANADDA
Rue du Forum 59, 1920 Martigny, Suisse
+ 41 27 722 39 78
www.gianadda.ch
Ouvert tous les jours de 9 h à 19 h
Y compris, la collection Franck, le parc de sculptures,
le musée gallo-romain et le musée de l’automobile.
photos courtoisie de la Fondation Gianadda