Lucien Clergue, photographe, académicien

Jusqu’au  15 février 2016 au Grand Palais galeries nationales
entrée galerie sud-est

Francis Selier A l’homme du sable et du langage de la lumière Angoulême, 11 avril 2014 tirage moderne argentique ; 170 x 150 cm © Francis Selier
Francis Selier
A l’homme du sable et du langage de la lumière
Angoulême, 11 avril 2014
tirage moderne argentique ; 170 x 150 cm
© Francis Selier

Lucien Clergue (1934-2014) n’a pas encore vingt ans lorsque Pablo Picasso décide de le parrainer après qu’il lui ait présenté ses premières photos à la sortie d’une corrida, à Arles (1953). Il accepte de dessiner pour lui la couverture de plusieurs ouvrages à venir et lui présente Jean Cocteau qui l’aide généreusement à structurer le discours de son oeuvre.
Lucien Clergue
C’est grâce à la découverte d’albums de travail à la mort du photographe, restés jusque-là inconnus, que l’on peut saisir la fulgurance et la poésie mortifère qui habitaient alors Lucien Clergue et qui a séduit ces deux grands artistes. Sept albums, notamment de collections textiles pour couturière, récupérés, dont les échantillons de tissus ont été remplacés par des contacts présentent les thèmes les plus radicaux des
premiers travaux de Lucien Clergue : charognes, ruines, enfants déguisés en saltimbanques, gitans, et très vite, la tauromachie et les premiers nus.
Tout est dit de l’âme de ce jeune adulte, encore enfant pendant les
bombardements de la seconde guerre mondiale, qui soigne sa mère, petite commerçante arlésienne, avant qu’elle ne disparaisse alors qu’il est encore jeune.
Célèbre pour ses photographies de nus féminins qui rencontrent la révolution sexuelle des années 60/70, le coeur de l’oeuvre de Clergue est d’une autre poésie.
Cette exposition le raconte à travers un parcours original
qui propose une lecture de l’oeuvre, réduite, réorganisée et dans une nouvelle hiérarchie.
Lucien ClerguePar exemple : ses magnifiques photographies des gitans d’Arles et des Saintes Maries, prennent une ampleur que l’artiste ne leur avait pas donné de son vivant ne voulant pas être pris pour un reporter à une époque où la photographie
était très clivée. Il était d’ailleurs celui qui avait découvert Manitas de Plata qu’il accompagne dans le monde entier.
Cette mise en place rapide d’une oeuvre trouve son aboutissement dans une thèse qu’il soutient uniquement à l’aide de photographies devant Roland Barthes qui lui reconnait la maitrise d’un langage émergent. C’est l’apogée de la recherche de Lucien Clergue. Il consacre ensuite une grande partie de son énergie à promouvoir
le travail des autres à travers la création des Rencontres Internationales de la Photographie qui deviennent vite le rendez-vous mondial de cet art en plein essor, en parallèle de la gestion de sa propre carrière.
Les premiers albums
Très tôt exposé au Musée d’Art Moderne de New York (1961), la consécration de Lucien Clergue est d’être le premier photographe à entrer à l’Académie des beaux-arts (2006). Son succès vient aussi de sa qualité de conteur. Sa voix, enregistrée à l’occasion d’une exposition fêtant ses 80 ans aux Rencontres d’Arles, accompagne les visiteurs ainsi que quelques enregistrements pour la télévision qui montrent, très tôt, sa
conviction de ce que la photographie va advenir.
Le parcours conçu par les deux commissaires permet de s’immerger, dans les meilleures photographies de cette période féconde, regroupées par thèmes, dans une mise en scène qui rend la visite très dynamique et redonne sa juste place à ce photographe mondialement célèbre.
Le couturier et décorateur de théâtre arlésien Christian Lacroix et le directeur artistique, ancien directeur des Rencontres de la photographie d’Arles, François Hébel, ont été invités par le Grand Palais à réaliser le commissariat et la scénographie de cette exposition pour leur amitié avec Lucien Clergue et leur passion partagée pour Arles, cadre indissociable de l’oeuvre du photographe.
Lucien Clergue
 Ruines, cimetières, saltimbanques, charognes
La mère de Lucien Clergue, qui l’élève seule, rêve d’en faire un artiste. Elle tombe bientôt malade et le jeune Lucien la soigne au quotidien jusqu’à sa mort.
Cette jeunesse difficile aide à comprendre les images sombres des premiers travaux de Lucien Clergue.
Il soumet régulièrement ses recherches à ses amis Jean-Marie Magnan et Jean-Maurice Rouquette. Ce sont ces photos qui séduiront Pablo Picasso à qui Lucien Clergue les présente à l’issue d’une corrida. Ainsi encouragé, il poursuit rapidement avec la série des pierrots et des arlequins, enfants qu’il déguise et fait poser plusieurs après-midis durant dans les vestiges de la ville bombardée, les dirigeant selon des mises en
scène mélancoliques, au coeur desquelles Lucien Clergue dira s’être représenté à travers le petit violoniste.
Lucien Clergue
Picasso, Cocteau, Saint-John Perse
Intuitive au début, la photographie de Lucien Clergue a été encouragée, alors qu’il a à peine vingt ans, par les avis et le soutien déterminants des maîtres qu’il se choisit : en 1953, à la sortie d’une corrida, il présente son travail à Pablo Picasso, qui le considère avec bienveillance et lui conseille de rencontrer Jean Cocteau.
De ces rencontres naît une relation suivie avec les deux hommes, qu’il rencontre très régulièrement à Arles, Paris, Mougins ou Cannes, et auxquels il présente le guitariste gitan Manitas de Plata.
Picasso dessine les couvertures de ses premiers livres ; Jean Cocteau le conseille pour le choix de ses titres et rédige des textes pour accompagner ses photos.
Cocteau invite Lucien Clergue à participer au tournage du Testament d’Orphée dans les carrières des Bauxde-Provence.
Jean-Maurice Rouquette fait remarquer à Lucien Clergue la proximité du poème Amers (1957) de Saint-John Perse avec ses photographies. Un concours de circonstances fait peu après se rencontrer le photographe et le poète diplomate, avec qui il se lie à son tour et pour lequel il illustre une réédition du fameux poème.
Lucien Clergue
Les Gitans
Une importante communauté gitane est implantée à Arles, dont beaucoup de ses membres sont sédentarisés.
Ils sont rejoints chaque année au mois de mai par des nomades de toute l’Europe qui se rendent au pèlerinage de leur patronne, sainte Sara, aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
Cette communauté a longtemps vécu en cercle fermé, maintenant ses traditions, un certain nombre de rituels et possédant un sens de la fête qui n’a pas manqué de séduire Lucien Clergue.
Il constitue un très beau témoignage photographique sur leur quotidien, leurs fêtes, leurs commerces forains, qui contraste avec le travail de recherche plus poétique dont il a fait le coeur de son oeuvre.
Sa fréquentation de la communauté gitane lui permet de rencontrer Manitas de Plata et son ami musicien José Reyes, qu’il aidera à faire connaître mondialement, ainsi que, plus tard, les Gipsy Kings, fils de José Reyes. Avant de devenir célèbres à leur tour, ces derniers joueront régulièrement pour fêter les invités de Lucien Clergue aux Rencontres internationales de la photographie.
Lucien Clergue
Toros
Naître à Arles, c’est, à cette époque en particulier, naître dans l’afición, la tauromachie, les « toros ». Toute sa vie, Lucien Clergue photographiera les corridas depuis le callejón à Arles, Nîmes, Béziers, Séville, Madrid…
L’un de ses tout premiers travaux le distingue : l’agonie du taureau photographiée au ras du sol sous la barrière de protection. Il montre ainsi que l’animal, après le combat, reste le roi de l’arène et a droit d’être célébré au même titre que le torero.
Il réalise sur ce thème son premier film, Le Drame du taureau (1965, prix Louis Lumière 1966), qui est sélectionné pour le Festival de Cannes 1968, hélas interrompu par les événements avant la proclamation du palmarès.
Lucien Clergue
Les premiers nus
Photographiés en plan rapproché sur les plages de Camargue, les corps de femmes aux formes généreuses surgissent des vagues avec une joie et une vitalité infinies, une fraîcheur inédite dans la photographie de nu féminin.
En supprimant les visages du cadre, Lucien Clergue donne à ces corps une dimension universelle. Mais c’est aussi pour pouvoir exposer ses photos, car il lui faut choisir entre les visages ou les corps.
La quête de reconnaissance de ce nouvel art qu’est la photographie, à peine un siècle après son invention, passe alors pour beaucoup par le rapprochement avec le dessin, et le nu féminin reste souvent académique.
Les nus de Lucien Clergue créent une rupture nette avec la manière alors en vigueur.
Ces nus ont un succès immédiat qui doit autant à la publication des ouvrages, où ils accompagnent des poèmes de Paul Éluard ou de Saint-John Perse, qu’à la libération sexuelle du milieu du XXe siècle.
La série Née de la vague acquiert une notoriété qui dépasse les seuls amateurs de photographie et devient aussi célèbre que populaire.
Lucien Clergue
Contrastes
À l’occasion de l’exposition au Grand Palais, il a semblé intéressant de montrer une sélection importante d’images réalisées par Lucien Clergue dans les années 1960 et au début des années 1970.
L’heure est alors au cinétique, au psychédélisme dans l’art. Lucien Clergue poursuit donc son exploration des terres provençales et camarguaises, mais en optant pour des lumières plus radicales. Forts contrejours, reflets, tirages contrastés : il y a là une énergie nouvelle, une intensité très puissante dans ces images graphiques et abstraites qui semblent très loin du jeune Clergue mélancolique.
Lucien Clergue choisit de réaliser pour cette série de grands tirages (50 × 60 cm pour la plupart) dont de nombreux originaux nous sont parvenus. Cent quatre-vingt-dix-huit d’entre eux sont présentés ici.
Cette série, qui représente une étape importante du travail de Lucien Clergue, a été peu montrée récemment et mérite d’être proposée aux regards d’aujourd’hui.
Lucien Clergue
Langage des sables
À la suite de ses échanges avec les photographes américains et de la découverte aux États-Unis des workshops (stages éducatifs) qu’il importe à Arles, Lucien Clergue ressent le besoin de faire valider son intuition créative par une caution universitaire.
Ayant été dans l’obligation de travailler très jeune pour subvenir aux besoins de sa famille et payer les dettes de sa mère, il a quitté l’école trop tôt pour obtenir un quelconque diplôme.
Il revient sur les plages de Camargue où il a effectué ses premières recherches, puis présente une thèse de doctorat en photographie, Langage des sables, qu’il soutient notamment devant Roland Barthes en 1979.
Élaboré à partir de formes et de dessins abstraits et éphémères laissés sur le sable, ce travail au caractère exclusivement graphique séduit les universitaires par sa structure, au point d’être validé en l’absence de tout texte théorique.

Sommaire de janvier 2016

Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016
Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016

02 janvier 2016 : Le Musée Unterlinden
08 janvier 2016 : Cours Publics 2016
09 janvier 2016 : Prédelles pour Aujourd’hui
11 janvier 2016  : Tristan Tzara, l’homme approximatif
14 janvier 2016 : Yusuf Sevinçli « Dérive »
17 janvier 2016 : Nuit des Musées bâlois 2016
18 janvier 2016 : Les Muses de Didier Paquignon à la Fondation Fernet Branca
20 janvier 2016 : Fragonard amoureux. Galant et libertin
24 janvier 2016 : Marc Chagall : Le Triomphe de la musique
29 janvier 2016 : « Warhol Unlimited »

« Warhol Unlimited »

Jusqu’au 7 février 2016
« Vous allez au musée et ils disent que c’est de l’art et des petits carrés sont accrochés au mur. Mais tout est de l’art et rien n’est de l’art. »
(Andy Warhol, Newsweek, 7 décembre 1964)

Warhol, Shadows
À l’occasion de la première présentation en Europe des Shadows (1978-79)  (vidéo) dans leur totalité, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacre une exposition exceptionnelle à Andy Warhol (1928-1987).
Avec plus de 200 oeuvres, elle met en valeur la dimension sérielle de l’oeuvre de Warhol, aspect incontournable de son travail, et sa capacité à repenser les principes de l’exposition.
C
onservée à la Dia Art Foundation, les Shadows, étonnant ensemble de 102 toiles sérigraphiées de 17 couleurs différentes se déploient sur une longueur de plus de 130 mètres. Elles rappellent de façon magistrale la capacité de Warhol à ébranler les conventions de l’art, depuis la conception des oeuvres jusqu’à leur mise en scène. A la question de savoir si elles étaient de l’art, Warhol répondait non :
« … on passait de la disco durant le vernissage, je suppose que ça en fait un décor disco »
.

Wahrol, Electric ChairL’art de Warhol se présente comme un défi que l’exposition du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris étend à plusieurs séries comme les Electric Chairs (1964-1971), les Jackies (1964), les Flowers (1964-1965), les Maos (1972-1973).
La manière souvent controversée avec laquelle l’artiste mettait en scène son propre travail est au centre de toutes les interrogations qui légitiment cette exposition. On y retrouve le souci constant de l’artiste d’investir l’espace et le temps pour en remodeler notre perception.

Andy Warhol (1928-1987), Self-Portrait, 1966, peinture acrylique et encre sérigraphique sur 9 toiles de 57,2 x 57,2 cm, dimension totale : 171,7 x 171,7 cm , New York, Museum of Modern Art (MoMA), Gift of Philip Johnson. Acc. n.: 513.1998.a-i. © 2015. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2015
Andy Warhol (1928-1987), Self-Portrait, 1966, peinture acrylique et encre sérigraphique sur 9 toiles de 57,2 x 57,2 cm, dimension totale : 171,7 x 171,7 cm , New York, Museum of Modern Art (MoMA), Gift of Philip Johnson. Acc. n.: 513.1998.a-i.
© 2015. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2015

Le visiteur est invité à se laisser submerger par l’accumulation des oeuvres d’Andy Warhol, des Self-portraits (1966-1967, 1981) aux Brillo Boxes (1964), des portraits filmés (les Screen Tests, 1964-1966) aux papiers peints les Cows (1966), des ensembles de Flowers aux frises de Maos, du cinéma expérimental (le célèbre film Empire de huit heures, 1964) aux Silver Clouds (1966), sans oublier les environnements spectaculaires des concerts du Velvet Undergound (l’Exploding Plastic Inevitable, 1966).
Warhol, Brillo box
Aussi encensé que critiqué, l’artiste possède toujours la capacité de bouleverser les attentes du visiteur et cela malgré la surmédiatisation à laquelle il a pratiquement toujours été exposé. Au-delà de son image superficielle de « roi du Pop Art », Warhol n’a eu de cesse de réinventer le rapport du spectateur à l’oeuvre d’art. Débordant sans cesse des cadres qu’on lui assigne, Andy Warhol s’impose comme l’artiste de la démesure. Quelles que soient les formes explorées, son rapport à l’oeuvre tend vers l’abolition des limites.
Les nuages de Warhol
Andy Warhol, par opposition « à ces petits carrés au mur » que représentent les peintures, invente les Silver clouds en 1966, ces petits nuages ou peintures qui flottent au plafond et qui créent un environnement changeant, aléatoire et instable. Une bonne occasion pour les petits et les grands de créer ensuite leur propre peinture flottante à partir de ballons à customiser.

Andy Wahrol Silver Clouds
Sébastien Gokalp, commissaire de Warhol Unlimited.
Une vie une oeuvre Andy Warhol sur France culture
Catalogue de l’exposition
Titre : Warhol Unlimited sous la direction d’Hervé Vanel
Édition : Paris Musées
Version française
Horaires d’ouverture
Mardi au dimanche de 10h à 18h (fermeture des caisses à 17h15)
Nocturne le jeudi de 18h à 22h seulement pour les expositions
(fermeture des caisses à 21h15)
Fermeture le lundi et certains jours fériés

les visiteurs de l’exposition Warhol Unlimited peuvent télécharger gratuitement une application dédiée à la découverte de l’Art de Warhol.
Téléchargeable sur place au musée grâce à une borne de téléchargement ou en ligne sur Apple Store et Play Store, cette application propose une visite guidée de l’exposition par Sébastien Gokalp, commissaire de Warhol Unlimited.
application

Marc Chagall : Le Triomphe de la musique

jusqu’au dimanche 31 janvier 2016
 

L’exposition de la Philharmonie de Paris intitulée
Marc Chagall : Le Triomphe de la musique  (vidéo)
explore les créations pour la scène de Marc Chagall, les commandes décoratives et architecturales liées à la musique. Une nouvelle approche musicale de l’oeuvre est nourrie par l’écoute des sons et des résonances de la matière. Sont réunies environ 270 oeuvres (peintures, dessins, costumes, sculptures et céramiques), incluant des installations multimédias notamment grâce à un dispositif exceptionnel développé par le Google Lab autour du plafond de l’Opéra et un ensemble de photographies, pour la plupart inédites, dont celles qu’Izis créa dans l’atelier de Marc Chagall dans les années 1960.
home-chagall-triomphe
Les décors que Chagall réalisa pour le Théâtre d’art juif de Moscou en 1920, conservés à la Galerie Tretiakov, constituent un décor universel réunissant les arts (Musique, Danse, Théâtre, Littérature) dans une approche d’art total, faisant rayonner la culture et la langue yiddish par l’association du spectacle populaire, de la musique, du rythme, du son et de la couleur.
Chagall théatre juif
Plus tard, fuyant l’Europe pour les États-Unis, Chagall renouvelle son approche scénique par la découverte de l’espace et de la monumentalité de l’architecture et des paysages américains. En 1942, il crée les décors et les costumes pour Aleko à Mexico, puis pour L’Oiseau de feu à New York en 1945, renouant ainsi avec la musique russe.
Chagall l'oiseau de feu
De retour en France, l’Opéra de Paris lui commande un travail similaire pour Daphnis et Chloé en 1958 (1959 pour la première à l’Opéra de Paris), une collaboration qui culminera en 1962 avec la commande par André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, du célèbre plafond de l’Opéra Garnier, inauguré en 1964. Panthéon musical personnel de l’artiste, il constitue à lui seul un formidable hommage aux compositeurs qui ont marqué l’histoire de la musique. Les nombreuses esquisses inédites de ce projet, également présentées dans ce volet de l’exposition, restituent pas à pas la genèse de la création et les différentes étapes de son processus créatif. Dans toute l’oeuvre de Chagall, la musique se manifeste par un surprenant éventail de résonances à travers lesquelles notre temps se révèle enchanteur.
Chagall rideau de Daphnis et Chloé
Commissariat : Ambre Gauthier est docteure en histoire de l’art. Sa thèse, consacrée aux revues de galeries d’art en France dans l’entre-deux-guerres (1918-1940), propose une nouvelle lecture des liens entre les avant-gardes, l’édition et le marché de l’art moderne en Europe.
Directeur musical : Mikhaïl Rudy. Né en Russie, élève au célèbre Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, il remporte le Premier grand prix du Concours Marguerite Long à Paris en 1975. Peu de temps après, au cours de sa première tournée de concerts il demande l’asile politique en France. À la demande de Rostropovitch, le tout jeune pianiste Mikhaïl Rudy est invité à jouer avec lui et Isaac Stern le triple concerto de Beethoven pour l’anniversaire des 90 ans de Marc Chagall, scellant une amitié bienveillante entre les deux hommes.
Musique diffusée :
• Jean-Philippe Rameau (1683-1764),
Les Indes galantes
• Claude Debussy (1862 -1918),
Pelléas et Mélisande
• Maurice Ravel (1875-1937), Daphnis et Chloé
• Igor Stravinski (1882-1971), L’Oiseau de feu
• Adolphe Adam (1803-1856), Giselle
• Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893),
Le Lac des cygnes
• Modeste Moussorgski (1839-1881), Boris Godounov
• Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791),
La Flûte enchantée
• Hector Berlioz (1803-1869), Roméo et Juliette
• Richard Wagner (1813-1883), Tristan und Iseult
• Christoph Willibald Gluck (1714-1787),
Orphée et Eurydice
• Ludwig van Beethoven (1770-1827), Fidelio
• Georges Bizet (1838-1875), Carmen
• Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata
Philharmonie de Paris
L’exposition Chagall et la musique sera présentée dans une version resserrée à Nice, au Musée national Marc Chagall du 5 mars au 13 juin 2016 et dans une version recomposée à Montréal (Canada), au Musée des beaux-arts du 21 janvier au 14 mai 2017.

Fragonard amoureux. Galant et libertin

Il ne reste  que quelques jours,
l’exposition se termine le 24 janvier 2016
Fragonard amoureux. Galant et libertin au musée du Luxembourg

Musée du Luxembourg
Jean-Honoré Fragonard (1732-18o6) fut sans doute le peintre français le plus emblématique des décennies qui ont précédé la Révolution. Paysage, scène de genre, peinture d’histoire, grand décor voire portrait, il aborda toutes les veines avec bonheur mais, selon son premier biographe, “il s’adonna [surtout] au genre érotique dans lequel il réussit parfaitement”. La thématique amoureuse est en effet centrale dans son oeuvre.
 

Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Paris, musée du Louvre. RF1974-2.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Paris, musée du Louvre. RF1974-2.



De sa vie personnelle, on sait peu de choses.  Naissance à Grasse en 1732,
vers 1738 installation de la famille à Paris, vers 1748-1752 il commence sa formation de peintre auprès de Jean-Baptiste Chardin puis de François Boucher.
En 1752 il remporte le Grand Prix de l’Académie royale de peinture.
De 1756 à 1761 il est  Pensionnaire de l’Académie de France à Rome
De ses liaisons prétendues avec les célèbres courtisanes de son temps telle Marie-Madeleine Guimard (1743-1816), tout semble avoir été inventé au xixe siècle. Bon époux, bon père, tel fut Fragonard d’après les témoignages les plus fondés. Son union avec Marie-Anne Gérard (1745-1823) épousée en 1769, fut heureuse et durable. Elle était, comme lui, artiste, peintre en miniature, et originaire de Grasse dans le sud de la France.
La fougue amoureuse de Frago, ainsi qu’il se dénommait lui-même, est à chercher ailleurs, dans son oeuvre ! Alors que les Lumières accordent une place nouvelle aux sens et à la subjectivité, et que le jeune genre romanesque en plein essor place l’amour au coeur des fictions, Fragonard va décliner sur sa toile ou sous ses crayons les mille variations du sentiment, à l’unisson de son époque. C’est l’exploration de cette thématique amoureuse que l’on va suivre, entre les derniers feux de l’amour galant et le triomphe du libertinage, jusqu’à l’essor d’un amour sincère et sensible, déjà “romantique”.
Jean  Honoré Fragonard le Colin Maillard
Jean Honoré Fragonard le Colin Maillard

LE BERGER GALANT
Hérité des précieuses, des poètes et des moralistes du “Grand Siècle”, l’idéal de “galanterie” constitue au XIIIe siècle une valeur identitaire pour les Français.
“L’amour galant”, sans taire l’inclination des sens, prône la tendresse, la sincérité, le respect mutuel et la fidélité dans une absolue discrétion. À la fin des années 1730, le peintre François Boucher (1703-1770) se fait l’inventeur d’une iconographie nouvelle qui mêle thématique amoureuse et galanterie pastorale en s’inspirant de d’Urfé notamment. C’est à cette école que Fragonard, élève de Boucher au début des années 1750, fera son premier apprentissage de l’iconographie amoureuse. Avec lui cependant, un souffle plus franc et charnel vient faire frissonner l’Arcadie.
Fragonard les amours des dieux
LES AMOURS DES DIEUX
Au cours des années 1740-1750, les fables mythologiques de l’Antiquité mises en scènes par François Boucher et ses émules deviennent l’emblème d’une peinture frivole, voire licencieuse.
C’est que depuis la Régence (1715-1723), le “libertinage” triomphe parmi les élites en adoptant les formes et le vernis policé de la galanterie, pour mener en fait une quête hédoniste du plaisir charnel complètement découplé du sentiment amoureux. Les espaces de plaisirs, mais aussi les salons d’apparat et jusqu’au décor pour la chambre à coucher de Louis XV au château de Marly, sont alors recouverts de peintures mythologiques amoureuses.
Fragonard est formé à cette école. Il produit, à des fins décoratives, ses premières peintures sensuelles dans la mouvance de Boucher. Lors de son séjour à Rome comme pensionnaire de l’Académie de France de 1756 à 1761, il étudie de première main les chefs-d’oeuvre de l’Antiquité. À son retour, il exécute lui-même une magnifique suite gravée, les Jeux de satyres, où l’art antique reprend vie de la plus robuste manière. En 1765 enfin, il devient un peintre éminent grâce au succès de Corésus et Callirhoé, une sombre histoire d’amour mythologique, où s’associent le frémissement des sens et la tragédie de la passion. La leçon de Boucher est désormais dépassée…
Fragonard
ÉROS RUSTIQUE ET POPULAIRE
Au moment de son premier séjour romain (1756-1761) et surtout après son retour, Fragonard renouvelle son traitement des amours pastorales et populaires. Deux veines s’illustrent alors.
Tout d’abord, une veine roturière assume ostensiblement la part des pulsions charnelles avec une franchise voire une grossièreté délibérée. Elle dérive du genre littéraire “poissard” qui fait florès dès les années 1740-1750. Instauré par les récits du comte de Caylus (1692-1765) ainsi que par les opéras-comiques de Jean-Joseph Vadé (1720-1757), le genre poissard revendique ses références picturales, à savoir essentiellement les scènes rustiques des peintres flamands du XVIIe siècle David Teniers (1610-1690) et Rubens (1577-1640). Fragonard va puiser à ces mêmes sources. Amusé, grivois sans doute, Frago se distingue de ses devanciers en ce que le mépris ne se dégage pas de ses représentations des amours villageoises.
Une autre veine, plus recueillie et sentimentale, porte la marque du culte de la nature instauré par Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Le Pâtre jouant de la flûte, sans doute exposé au Salon de 1765, relève de cette poétique inspiration.
Fragonard, la laitière et le pot au lait
FRAGONARD ILLUSTRATEUR DES CONTES LIBERTINS
Le XVIIIe siècle a été un siècle d’or pour le livre illustré. Le milieu du siècle correspond justement à une période de plein épanouissement esthétique et commercial de cette sphère. Au cours des années 1750 ce sont les ouvrages lestes voire licencieux qui rencontrent le plus grand succès. Ainsi l’édition des Contes de Jean de la Fontaine (1621-1695) illustré par Charles Eisen (1720-1778) en 1762 qui connait un véritable triomphe. Ces contes licencieux ne relèvent pas du tout de la même inspiration moraliste que les célèbres Fables, et l’on considère qu’ils sont une des sources de toute la littérature libertine du XVIIIe siècle.
Fragonard s’intéresse à l’illustration des Contes sans doute dès la fin de son séjour romain et au cours des années 1760. L’artiste lui consacra plusieurs séries de dessins. La plus complète, constituée de cinquante-sept feuilles, est celle qui fut rassemblée dans les deux albums conservés au Petit-Palais ici présentés.
PIERRE-ANTOINE BAUDOUIN, UN MAÎTRE EN LIBERTINAGE
Durant les années 1760 Fragonard apparaît très proche du peintre en miniature Pierre-Antoine Baudouin (1723-1769). Élève de Boucher, celui-ci se fait connaître en produisant des dessins à la gouache dont les sujets recoupent ceux de la littérature libertine.
Le succès foudroyant de ses gouaches exposées publiquement est conforté par le scandale qu’elles suscitent parfois. Ses participations aux Salons sont attendues, abondamment commentées par la critique. Des compositions plus libres encore, exécutées pour des amateurs fortunés, sont parfois divulguées – souvent édulcorées – par le biais de la gravure.
Baudouin a sans doute été pour Fragonard un mentor en iconographie libertine. À partir de 1765, ils se partagent l’atelier du défunt peintre Deshays au Louvre. En 1767, ils font la demande d’aller copier ensemble les tableaux de Rubens au palais du Luxembourg – l’actuel Sénat ! Au moment du décès précoce de Baudouin en 1769, les dessins et tableaux de Fragonard abondent dans son atelier. Leurs oeuvres enfin se répondent au point que certaines compositions libertines de Fragonard semblent un hommage à son aîné.
Jean-Honoré Fragonard: Den vackra tjänsteflickan ("La résistance inutile"). NM 5415
Jean-Honoré Fragonard: Den vackra tjänsteflickan (« La résistance inutile »).
NM 5415

FRAGONARD ET L’IMAGERIE LICENCIEUSE
À partir de la Régence (1715-1723), une grande partie des élites françaises adoptent le “libertinage”. Les sphères littéraires et artistiques en sont profondément affectées. Les livres lascifs illustrés et les gravures licencieuses, diffusés sous le manteau, connaissent un succès sans précédent. Apparaissent aussi des espaces privés dévolus à la consommation du plaisir : “boudoir” au sein de la demeure et “petite maison”, résidence construite à la périphérie de la capitale où selon les mots de Crébillon, le “libertin veut cacher sa faiblesse ou ses sottises”. Les peintres participent au décor de tels espaces, en 176o-177o, Frago s’impose comme le ténor incontesté de cette veine.
Fragonard
“Je peindrais avec mon cul”.
Selon un témoignage rapporté seulement au XIXe siècle, Fragonard aurait déclaré
“je peindrais avec mon cul”. Et en effet, par sa technique si démonstrative et comme effusive, le peintre parvient à confondre l’enthousiasme de l’inspiration artistique et celui de la fusion érotique. Par la fluidité du lavis ou la vigueur des coups de pinceau largement empâtés, qualifié de “tartouillis” par ses détracteurs, Frago suggère la confusion paroxystique des émotions. Il use ainsi de tous les pouvoirs suggestifs de son art, capable de tromper les sens et d’exalter l’imaginaire.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 49.7.49.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 49.7.49.

LA LECTURE DANGEREUSE
“Jamais fille chaste n’a lu de romans”, Rousseau, préface de La Nouvelle Héloïse, 1761
Au XVIIIe siècle, la pratique de la lecture se diffuse. De nombreuses catégories sociales accèdent ainsi à des modes de connaissance qui peuvent remettre en cause l’ordre établi. Parmi les productions littéraires qui inspirent la méfiance des autorités, le roman suscite régulièrement anathèmes et réprobations morales. C’est avec ce type de littérature que fraye volontiers Fragonard. Les représentations de lecteurs, et de lectrices plus
encore, abondent dans son oeuvre. La correspondance se développe considérablement au XVIIIe siècle. Un type de littérature privilégié, le roman par lettres, témoigne de cet essor sans précédent manifesté par les plus grands succès littéraires du siècle, de La Nouvelle Héloïse de Rousseau en 1761 jusqu’aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos en 1782. Les échanges de correspondances se retrouvent dans l’oeuvre de Fragonard avec sans doute une même signification amoureuse et délicieusement prohibée.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 56.100.1.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 56.100.1.

LE RENOUVEAU DE LA FÊTE GALANTE
Les années 1760-1780 voient une progressive dévaluation des valeurs du libertinage. Le succès considérable de La Nouvelle Héloïse (1761) de Rousseau scelle le triomphe d’une forme de sentimentalisme moraliste. En 1770, un émule de Rousseau, Claude-Joseph Dorat (1734-1780), livre une violente diatribe contre le libertinage. Il lui oppose l’amour sincère et tendre. Cet amour qui “se développe par l’estime” se nourrit, selon lui, d’un regard rétrospectif vers l’amour galant du Grand Siècle : “Ce commerce de sentiments tendres, de soins délicats et de plaisirs voilés que l’autre siècle connaissait encore.”
Fragonard va puiser à cette même source galante pour dépeindre son intrigante Leçon de musique, dans laquelle les costumes de fantaisie évoquent le “Grand Siècle”. Mais c’est à la rencontre d’Antoine Watteau (1684-1721) que son art va s’infléchir. Fragonard renouvelle le genre des “fêtes galantes”, dont Watteau fut l’inventeur, au point de renouer avec son esprit unique combiné de distance amusée et d’érotisme suggéré. Cette entreprise de réactualisation semble atteindre une forme de sommet de raffinement et de sophistication avec le cycle des Progrès de l’amour, peint en 1771-1772 pour la comtesse Du Barry (1743-1793), favorite du roi Louis xv.
À cette réminiscence des fêtes galantes, Fragonard mêle des fragrances plus modernes : le jardin pittoresque et la vogue des contes de fées. Chef-d’oeuvre de cette veine, L’Île d’amour mêle indissolublement ces deux notions dans un jardin irréel, espace d’un éros enchanté.
L’AMOUR MORALISÉ
Les Liaisons dangereuses, triomphe de 1782, vont sonner le glas littéraire du libertinage. À rebours, une nouvelle morale plus convenable socialement s’impose alors, prônant les valeurs neuves de l’amour conjugal.
La mise en récit du Verrou apparaît à cet égard comme une magnifique réécriture de l’imaginaire érotique au tournant des années 177o. D’abord conçue comme une piquante scène de séduction libertine, dans la lignée des gouaches de Baudouin, la peinture a été commandée vers 1777 par un mécène distingué, le marquis de Véri (1722-1785). L’amateur propose l’association problématique du Verrou à une toile religieuse, l’Adoration des bergers, que Fragonard vient d’exécuter pour lui. L’irrespect religieux transparaît sans doute dans cette association qui met en regard offrande sacrée et consommation sexuelle.
Fragonard
Le Verrou est transcrit en gravure par Maurice Blot en 1784. Un peu plus tard, celui-ci produit une autre gravure en pendant, d’après une composition de Fragonard sans doute exécutée en collaboration avec Marguerite Gérard, Le Contrat. L’oeuvre représente un couple attendri, sans doute le même que celui du Verrou, qui s’apprête à signer sa promesse de mariage. Sur la gravure apparaissent très distinctement, accrochées au mur, les deux compositions encadrées de L’Armoire – que Fragonard avait gravée lui-même en 1778 – et du Verrou. Les trois oeuvres se trouvent ainsi reliées à la fois formellement et thématiquement. Une narration est induite et trouve sa conclusion – moralisante – sur Le Contrat, à la manière de “trois chapitres d’un roman : la ‘faute’ – Le Verrou – , les amants surpris – L’Armoire – , la régularisation – Le Contrat”.

LA PASSION HÉROÏQUE
Le Roland furieux et La Jérusalem délivrée comptent parmi les oeuvres littéraires les plus célèbres de la Renaissance.
Fragonard s’est littéralement pris de passion pour l’épopée, au point de tenter de l’illustrer quasiment scène après scène. Bien qu’interrompu au bout du seizième chant, ce projet donna naissance à quelque cent quatre-vingts dessins. On ne sait ni pour qui ni dans quel but cette série fut exécutée. Tout juste peut-on la situer, par comparaisons stylistiques, à la fin des années 1770. Cette suite éblouissante de virtuosité témoigne de la capacité de l’artiste à traduire une oeuvre aussi riche et complexe que le Roland furieux. La série marque un point d’acmé dans la carrière de Frago qui illustre ici magistralement la passion et les dérèglements amoureux poussés à leur paroxysme.
Fragonard les Curieuses
LES ALLÉGORIES AMOUREUSES
En 1773, le graveur Jean Massard offre à Fragonard un exemplaire du recueil de poésies amoureuses de l’Antiquité dues notamment au poète Anacréon (v∫e av. J.-C.), dont il vient de graver les illustrations d’après Charles Eisen. Cet ouvrage ainsi qu’un autre, Les Baisers (1770), rassemblant les poèmes de Claude-Joseph Dorat et également
illustré par Eisen, semblent avoir profondément influencé Fragonard durant la dernière décennie de sa carrière picturale. À partir de la fin des années 1770, Frago produit un ensemble de compositions allégoriques
amoureuses, dans un style antiquisant dont les thématiques recoupent celles de la poésie amoureuse antique dite “anacréontique” : la fusion amoureuse et la consommation sensuelle au sein d’une nature complice. Le peintre y utilise les mêmes métaphores que le poète : celles du flambeau de l’amour et de la rose, fleur de Vénus.
Il s’agit d’une des productions ultimes de Fragonard, car on considère que le peintre abandonne les pinceaux vers le début des années 179o. Frago rejette la lisibilité solaire de ses contemporains “néoclassiques” pour plonger ses images dans les pénombres vaporeuses de la nuit et du songe.
Fragonard, aux portes du Romantisme, y interroge d’une manière subtile la sincérité, la réciprocité et la durée du sentiment amoureux. Ainsi Le Serment d’amour, La Fontaine d’amour, Le Voeu à l’Amour.
Horaires de l’exposition (16 septembre 2015 – 24 janvier 2016)
Ouverture tous les jours de 10h à 19h.
Nocturnes les lundis et vendredis jusqu’à 21h30.
Ouvert de 10h à 18h les jeudis 24 et 31 décembre et vendredi 1er janvier.
Fermeture exceptionnelle le vendredi 25 décembre.
Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais en collaboration avec le musée du Louvre.
Commissariat : Guillaume Faroult, conservateur en chef au département des Peintures, musée du Louvre,
en charge des peintures françaises du XVIIIe siècle et des peintures britanniques et américaines.
Scénographie : Jean-Julien Simonot

Les Muses de Didier Paquignon à la Fondation Fernet Branca

Jusqu’au 27 mars 2016
A la Fondation Fernet Branca, c’est à l’instar de la synagogue, mais
dans un mode inversé. Ce sont les femmes qui sont au rez-de-chaussée
et les hommes à l’étage. Ce contre point des propositions artistiques fonctionne très bien en regard  de celles des trois artistes du rez de chaussée.

Didier Paquignon
Lorsque l’on pénètre au premier étage c’est un spectacle surprenant,
réjouissant, Didier Paquignon a accroché aux cimaises, à touche touche, 138 corps d’hommes à moitié dévêtus, topless, pas plus bas que la ceinture.
Ce sont des monotypes, un concept particulier de Didier Paquignon, un travail artisanal
dans son atelier, qu’il a entamé depuis 5 ans, les Muses.
D’abord il photographie ses modèles consentants, tous cadrés de la même
manière, de face, de profil, voire de dos, sur 1 m, 20 de hauteur, en gommant tous les attributs sociaux, puis il peint sur plexiglass, les imprime à la presse sur de grandes feuilles, avec des rectangles de la taille des plexiglass, en essayant d’être au plus près de la photo, puisque c’est de la peinture, en noir et blanc, avec ses ombres portées.
Un sorte d’homme de Vitruve de Léonard de Vinci, revu par l’art contemporain
Au cours de sa carrière, Didier Paquignon n’a cessé de revisiter des thèmes classiques : des natures mortes, des vues d’intérieur, des paysages urbains… Ancien élève des Beaux-Arts de Paris et ancien prof des Beaux-arts de Reims,  il s’intéresse  et s’interroge sur les nus masculins.
Didier Paquignon
Pour cette série initiée depuis 2010 et intitulée Muses, Didier Paquignon a pioché dans le cercle des artistes et des médias pour réaliser une centaine de portraits d’hommes : des journalistes, graphistes, photographes, écrivains, peintres, scénographes, danseurs.
Michel Houellebecq, François Morel, Denis Lavant, Sylvain Tesson,
(avant son accident) ou encore Robert Ménard, Jean-Claude Dreyfus , Olivier Roller , mais aussi des anonymes, ont accepté son invitation et ont posé torse nu, sans fard. Didier Paquignon ne fait que retirer la chemise à ses muses, il leur laisse libre court dans leurs mouvements.
Didier Paquignon
Ces monotypes sont alignés les uns à côté des autres sur un grand mur, nous interrogeant sur la nudité masculine, inversant pour une fois les rôles entre hommes et femmes :
« Puisque le corps masculin en tant que monument, est à bout de souffle, dans nos sociétés occidentales, pourquoi pas en reparler et le réinterroger pour poser la question : c’est quoi ? »
Didier Paquignon
Des gros, des maigres, des grands, des petits, des poilus, des imberbes, des tatoués, des musclés, des ridés, des vieux,  pas trop de jeunes, des chevelus, des chauves, les bras ballants, croisés, derrière le dos ont pris la pose face au peintre. A l’évidence, ce n’est plus l’Apollon de l’Antiquité ! Sa préférence va aux yeux, qui le fascinent.
Denis Lavant hoche la tête, de face de dos, de 3/4 déclame du Céline (non l’exposition n’est pas sonore) ont croit l’entendre. François Morel tel un enfant, qui cache une bêtise, rejoue un de ses rôle dans les Deschiens. Olivier Roller, pudique, comme on ne l’imagine pas, avec un regard de voyou, Jean Claude Dreyfus dans toute la splendeur de
son abdomen, se pince les tétons avec son aplomb de comédien.
Didier Paquinon
Ce n’est pas une histoire de plaisir, ni de désir, mais une interrogation sur le corps de l’homme, dans les époques que nous traversons, avec ses modification physiques,
son interrogation sur la virilité, sur son vécu, sur son devenir. Didier Paquignon s’interroge sur lui-même, qu’est-ce qu’un homme de son âge ? Traversé par le doute, troublé par la disparition du patriarcat de son enfance italienne, son projet est
d’interroger les femmes, des écrivains, des sociologues, de leur demander d’écrire des textes.
Didier Paquignon
Cette masse d’hommes, posant en toute humilité, joue un jeu difficile que peu de femmes
accepteraient mais ne sont-elles pas conditionnées par « l’obligation » de séduction qu’on leur demande de jouer, et qu’on les relègue très vite au passé, dès l’apparition des premières rides ?
Didier Paquignon, traite avec bienveillance et douceur, presque avec tendresse, dans cette pièce monumentale, sous une lumière crue, dans un effet de masse, les hommes qui ont du mal à trouver leur place. Cela nous fait dire aussi à nous les femmes, les hommes se sentent le mieux, entre copains, entre eux.
Commissaire de l’exposition : Pierre Jean Sugier, directeur de la Fondation Fernet Branca
La Fondation Fernet Branca est ouverte pour la nuit des musées de Bâle, avec un buffet et une possibilité d’appendre le tango, en présence de l’artiste le 22 janvier 2016.
voir les détails ci-dessous.
Un catalogue est édité par l’Imprimerie de St Louis, avec les photos de Laurent Troendle.
préfacé par un texte succulent d’Eric Chevillard, écrivain, journaliste au Monde, intitulé :
Du bon usage des Muses

Nuit des Musées bâlois 2016

A vos agendas
Le vendredi 22 janvier, les musées à Bâle ouvrent jusque tard dans la nuit. Les visiteurs peuvent non seulement découvrir les expositions en cours mais participer à un tas d’animations. La soirée va être longue…
Beyeler
Le succès de la Nuit des musées bâlois ne se dément pas : l’an dernier, la manifestation culturelle a attiré près de 28 000 visiteurs, et parmi eux, beaucoup de jeunes. Il faut dire qu’en une soirée, de 18h à 2h, ils peuvent vivre un véritable marathon culturel, se rendre dans l’un  ou plusieurs des 40 musées participants et assister à l’une des 180 animations programmées.
Des animations décalées
Des formats courts et détonants qui ont pour but de faire voir l’art autrement : projection 3D, concerts, lectures, workshop, ateliers, conférences, jeux…

Cette année encore, la programmation est riche. Vous pourrez jouer au jeu des questions-réponses avec un professeur au musée anatomique de Bâle pour voir s’il est incollable, vous faire tirer le portrait au Musée de la caricature et du dessin par des professionnels.
Vous pourrez aussi vous initier à bien des disciplines, comme à l’escrime au Musée du sport suisse, ou au charleston au Musée de la musique qui inaugure justement une exposition sur la mode et la musique des années 20.
Des visites guidées en français
Pour ceux qui préfèrent les visites plus classiques, de nombreuses visites guidées sont proposées, notamment dans la langue de Molière, pour faire découvrir les expositions en cours : une plongée dans l’univers de Ben au Musée Tinguely à Bâle (19h45, 21h45), introduction à l’exposition sur l’épave d’Anticythère au Musée des Antiquités (20h30), ou encore exploration des œuvres du Kuntsmusem de Cézanne à Richter (21h45).
Vitra
La Nuit des Musées ne se concentre pas qu’à Bâle mais a aussi étendu le concept aux musées frontaliers, comme le Vitra Design Museum à Weil am Rhein qui proposera une visite guidée du Schaudepot, le nouveau bâtiment d’Herzog&De Meuron (19h30 et 20h30).
Du tango à Fernet-Branca TangoLa Fondation Fernet-Branca à Saint-Louis participe aussi à l’événement et vous propulsera dans une ambiance sud-américaine. Au menu : chili con carne et tango avec la compagnie Estro qui vous initiera à cette danse de séduction.
Nuit des musées, Fernet Branca
Les bus de la ligne Distribus 604 circuleront en direction de St. Louis tous les quarts d’heure jusqu’à 20h30 et puis après jusqu’à 1h30 une fois par heure.
La dernière course depuis Bâle (Schifflände) directions St. Louis départ à 00h30.
Vous pourrez participer à des workshops et visiter les expositions en cours : Métamorphoses de Véronique Arnold, Gabriele Chiari, Frédérique Lucien au rez-de-chaussée, et Les Muses de Didier Paquignon à l’étage
Côté pratique, l’achat d’un pass à 24 francs suisse donne accès à tous les musées et au réseau de transport (bus-navettes, bateaux et tram)
Avec le Museums-PASS-Musées: CHF 19.– / € 17,50
Prévente dans tous les musées participants et divers points de vente,
également en Alsace.

En soulignant l’organisation suisse impeccable pour cette manifestation.
Programme
Transport

Yusuf Sevinçli "Dérive"

Yusuf Sevinçli expose du jeudi 14 janvier au dimanche 28 février 2016
en entrée libre à La Filature, Scène nationale – Mulhouse

Le festival les Vagamondes a démarré avec le vernissage de l’exposition
« Dérive » de Yusuf Sevinçli, dans la galerie.
Feuilletez ici le programme du Festival les Vagamondes du 13 janvier au 23 janvier 2016

Sans titre, série POST II (015), 2013
Sans titre, série POST II (015), 2013

Le noir et blanc contrasté du jeune photographe turc Yusuf Sevinçli
oscille entre geste artistique et approche documentaire.
Gert Petrus Fieret et Miroslac Tichy, sont des références pour lui parmi
« Ils sont trop nombreux, tout au long de l’histoire de la photographie, pour les énumérer tous. August Sander, pour l’approche particulière de ses sujets, Eugène Atget pour son incroyable atmosphère. Robert Frank est très important pour moi, et continue de m’inspirer. Il y a aussi nombre de photographes japonais des années 70,
comme Moriyama et Kitajima. William Klein et Nan Goldin figurent parmi mes photographes favoris, et Anders Petersen aussi, qui a une grande influence sur mes
débuts. D’un point de vue plus contemporain, je trouve les travaux

de Rinko Kawauchi et Antoine D’Agata extrêmement intéressants.
Yusuf Sevinçli
Né en 1980 à Zonguldak en Turquie, Yusuf Sevinçli vit et travaille à Istanbul.
Il est représenté par la Galerie Les filles du calvaire à Paris et Elipsis Gallery à Istanbul.
Yusuf Sevincli, Good Dog
Diplômé de la section Communication de l’Université Marmara d’Istanbul en 2003, Yusuf Sevinçli intègre l’année suivante une Masterclass consacrée à la photographie documentaire en Suède, avant de suivre la Reflexions Masterclass de Venise. Il construit alors son travail personnel à travers plusieurs séries, dont Good Dog, qui ont fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives en Turquie et à travers le monde (Mois de la Photo de Moscou, PhotoBiennale de Thessalonique, Festival de photographie Fotografia Europa Reggio Emilia en Italie, Fotografie Noorderlicht aux Pays-Bas, FotoFreo en Australie…). Yusuf Sevinçli présente également ses oeuvres en France, notamment au festival Circulation(s) à Paris en 2012, au Festival Voies Off à Arles en 2013 et au festival Portrait(s) de Vichy en 2015.
 
Yusuf Sevincli, selfportrait
Yusuf Sevincli, selfportrait

 
Depuis 2008, son travail fait souvent l’objet de publications dans des ouvrages collectifs consacrés à la photographie (Image Makers, Image Takers: The Essential Guide to Photography chez Thames&Hudson) ainsi que dans différents magazines internationaux.
« J’ai démarré vers l’âge de 20 ans, pendant mes années universitaires. J’étais étudiant en journalisme et mon premier contact avec la photographie s’est fait lors des cours d’histoire du photojournalisme. Plus que par sa pratique, j’ai donc tout d’abord été attiré par l’histoire de la photographie et par ses figures iconiques, par le sens de ses messages et par l’effort de compréhension de la puissance de l’image. Je reste aujourd’hui persuadé qu’au-delà du style de chacun, un photographe ou un artiste usant de la photographie se doit de connaître l’histoire de cette dernière, afin de pouvoir appréhender à leur juste valeur les capacités du médium. »
Yusuf Sevinçli

Il nous livre les vestiges d’une culture encore vivace dans un pays en pleine mutation, comme par exemple l’image d’une des dernières maisons stambouliotes, bâtie en bois, livrée au feu, ou celle d’oiseaux s’envolant du fond d’une ruelle pentue et ruisselante. Ou bien encore, il capte cette vision hallucinatoire d’un réparateur qui ne descendra probablement plus de son lampadaire tant il semble y être accroché pour toujours. La nostalgie est au coin de l’énième impasse du quartier Beyoglù où Sevinçli se promène à longueur de jour et de nuit, mais la vivacité photographique de ses captations rappelle leur contemporanéité.
Yusuf Sevincli1
À l’occasion, il nous parle d’amour, s’arrête sur le charme d’un corps en livrant au regard un morceau de peau d’où affleure une sensuelle fragrance. Quelques visages enfantins frappent par leur innocence illuminée, rappelant l’imagerie des frères Lumière ou de Chaplin. Des bambins masqués jouent dans les ruelles et les terrains vagues, tandis que des petites filles surgissent dans des images, telles des merveilles, anges éternels, emblèmes du désir d’enfance. Leurs minois, au regard malin, fixent avec candeur le spectateur, comme ceux de ces jeunes filles que l’on dirait siamoises tant leurs
frimousses se serrent l’une contre l’autre.
Yusuf Sevincli
Yusuf Sevinçli sait aussi saisir les errants et autres noctambules qui colorent Istanbul de mixité et de fantaisie, à la croisée des cultures. Il tire de leurs corps des volumes et des aplats contrastés, tel ce dos d’homme où s’étale un liquide blanchâtre qui rappelle un
« dripping » abstrait. Il capte souvent un détail, un fragment, comme les jolies jambes au collant percé d’une punkette, des chardons plantés dans un vase, l’ampoule pendant d’un plafond écaillé (…) pour lui accorder un autre destin visuel. Les formes surgissent de l’ombre, traversant des rais de lumière et les rayures subies par le négatif, pour créer des prismes et des illuminations. Les images sont généralement structurées par l’éclairage mais peuvent contenir une géométrie de par leur sujet : pans d’immeubles abstraits, ossature de barnum laissé à l’abandon sur une plage lunaire, architectures au futurisme vieillot issues des vestiges d’un palais de la découverte décati.

Yusuf Sevinçli, 5
Il n’y a pas nécessairement de message dans l’oeuvre de Yusuf Sevinçli, ou alors, il est allusif, comme s’il désirait s’abstraire des remous politiques, pour se soucier de ce qu’il reste de l’humanité, à la manière d’un Sergio Larrain dont les images éclairent le futur douloureux du Chili de leur pureté éblouissante4. Ce photographe est en effet un fabricant de rêves en image. Dans les derniers travaux, son errance visuelle s’est élargie à l’Europe où il voyage. De Naples à Paris en passant par Marseille5, il poursuit sa quête d’un monde silencieux où seul le bruissement fugace de la vie le maintient en éveil.

SÉRIES EXPOSÉES À LA FILATURE
« MARSEILLE » : 15 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
Suite à une résidence en 2013 au Percolateur, plateforme pour la création photographique en Méditerranée, Yusuf Sevinçli a livré sa vision de Marseille dessinant le portrait d’une ville multiculturelle.
Les photos réalisées ont été publiées sous forme de livre en 2014 aux Éditions Le Bec en L’Air.

Yusuf Sevincli, série Marseille 2013
« GOOD DOG » : 17 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
Yusuf Sevinçli développe un concept picaresque, une approche photographique faite d’instabilité et d’errance. Il se contente de photographier son environnement, ses angoisses et ses questionnements au quotidien, et voit en la photographie le moyen de rester connecté aux choses et aux êtres, une réponse – sa réponse – à l’environnement qui l’entoure et aux mouvements qui l’habitent, une réflexion à la fois profonde et naïve. Sa série Good Dog a donné lieu à un ouvrage publié en 2012 aux Éditions Filigranes.
Yusuf Sevinçli2
« L’aspect émotionnel des photographies de Good Dog est physiquement instable.
Yusuf Sevinçli ne s’attarde pas. Il marche, il explore, il observe et il repart. Il prélève presque compulsivement des morceaux de réalité qui sont toujours différents, mais qui peuvent finalement trouver des similitudes et devenir une série d’images. C’est un concept picaresque de la photographie, presque sans-abri, errant, qui rejette la stabilité et la sérénité d’un foyer, même visuel, et qui rendent vivant. Les sujets deviennent des pièces qui s’assemblent et révèlent la matière qu’est la représentation de la réalité à travers l’oeil de l’artiste. L’émotion s’éloigne des sentiers battus et réinvestit la rue, nous montrant sa vraie nature. »

Christine Ollier, 2012
Yusuf Sevinçli
« VICHY, 2015 » : 11 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
En résidence à Vichy pendant un mois, Yusuf Sevinçli a arpenté la ville et posé un regard plein d’humanité sur ses habitants, leur rapport à la ville, à l’autre, au monde. Son travail a fait l’objet d’un focus lors du festival Portrait(s) 2015, ainsi que de la publication de Walking aux Éditions Filigranes.
« À quoi tient l’âme d’une ville ? À la rectitude des trottoirs étroits, lissés par le temps ? Aux taches de rousseur d’enfants saisis par les frimas ? Aux noctambules qui errent sous la fusion des lampadaires ? Une ville livre ses secrets à ceux qui l’arpentent sans fin, poussent la porte des bars, déjeunent sur le coin d’un comptoir et dînent au coin d’un autre, croisent les gavroches le matin sur le chemin de l’école et les retraités l’après-midi, qui siestent sur les bancs. En acceptant de conduire au printemps dernier une résidence à Vichy, Yusuf Sevinçli a endossé la figure du photographe marcheur, du flâneur indocile qui guette les offrandes du jour et les blêmissements du couchant : ici un croupier à la pâleur lunaire, là un chien mouillé convoquant les derniers fantômes de la nuit. Bien malin qui serait capable de reconnaître dans les images funambulesques de ce jeune
Yusuf Sevinçli, 6photographe turc les coquetteries de Vichy la française, Vichy la bourgeoise, arc-boutée sur ses façades art nouveau, ses villas néoclassiques et les splendeurs de l’Allier. La ville thermale, qui vit naître l’écrivain voyageur Albert Londres, devient une terre de rencontres et d’aventures, une projection mentale, un poème visuel né des chimères d’un artiste stambouliote qui pratique les déplacements dans tous les sens du terme, physiques et psychiques. Vichy, grâce à lui, s’éveille d’un drôle de rêve où passent des guirlandes de lumières et des gamins aux poings serrés. […]Sous la griffe du regard nomade de Yusuf Sevinçli, Vichy est dessaisie de son histoire et de sa géographie, elle flotte dans un espace-temps qui est celui du rêve éveillé, elle chaloupe et chavire, traversée de fulgurances, filochée de brouillard, sertie de noirs charbon et de blancs incandescents qui la rendent à la fois plus ardente, plus nerveuse et plus insaisissable. »
Natacha Wolinski, Walking, Éditions Filigranes / festival Portrait(s) 2015
« POST I » : 17 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
« POST II » : 8 tirages en noir et blanc et en argentique
aux formats 80 x 120 cm, 50 x 75 cm et 30 x 45 cm
« PARIS » : 4 tirages en noir et blanc et en argentique

 2 Michel Poivert, La Photographie contemporaine, Paris, Flammarion, 2002.
3 Christian Caujolle accorda une place importante à leurs images dans les colonnes de Libération dont il fut le directeur photo pendant des années, il collabora par la suite avec nombre d’entre eux dans la cadre de l’agence et de la galerie VU’.
4 Cf. expositions Sergio Larrain, commissariat Agnès Sire, église Sainte-Anne, RIP d’Arles et Fondation Henri Cartier-Bresson Paris, 2013.
5 Yusuf Sevinçli a été invité en résidence par l’association Le percolateur, exposition à l’Atelier de Visu, Marseille, octobre 2013.

Tristan Tzara, l'homme approximatif

Attention derniers jours – jusqu’au 17 janvier 2016
« Au-delà de la ville, sur la colline
Comme des vers se trainent les tombeaux »
Viens à la campagne avec moi, dans premiers poèmes
Tristan Tzara

Picabia, Tristan Tzara
Le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg (MAMCS) présente la première grande exposition consacrée à Tristan Tzara (1895-1963). Le nom de ce poète, également écrivain d’art et collectionneur, est connu et prononcé dès qu’il est question de Dada. Cependant, son œuvre immense, et d’une influence majeure pour des générations, reste encore insuffisamment mise en lumière. Cette exposition en propose une lecture chronologique à travers un ensemble de 450 œuvres d’artistes que Tzara a côtoyés, d’une sélection de pièces d’art extra-occidental (Afrique, Océanie, méso-Amérique) et d’art brut et d’une importante sélection documentaire sur Tristan Tzara.
« Regardez-moi bien !
Je suis idiot, je suis un farceur, je suis un fumiste,
Regardez-moi bien !
Je suis laid, mon visage n’a pas d’expression, je suis petit,
Je suis comme nous tous »
Tristan Tzara dans sept manifestes dada
Tristan Tzara, Marcel Janco
Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication/Direction générale des patrimoines/Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État.
Tristan Tzara fut le grand témoin de son temps. Il fut également un acteur de son siècle qu’il marqua de ses éclats de voix, de rire et de plume. L’homme au monocle, décrit comme « un génie sans scrupules » par le poète Huelsenbeck, n’aura eu de cesse de développer un engagement poétique et politique.
De ses jeunes années passées en Roumanie, où il est né, l’exposition retient un paysage artistique encore marqué par le symbolisme ainsi que l’énergie brute d’un jeune homme qui a choisi l’écriture pour aller contre les formes périmées de la création et l’absurdité d’un monde au bord du chaos. Lorsqu’il arrive à Zurich en 1916, Tzara poursuit cette entreprise d’exaltation de la parole et du geste spontanés aux côtés de son compatriote Marcel Janco, de Hugo Ball et de celui qui restera son ami de toujours, Hans Arp.
Tristan Tzara 1L’arrivée en France, quatre ans plus tard, lui ouvre un autre cercle, celui de Picabia et des jeunes gens qui ne s’appellent pas encore Surréalistes – Aragon, Breton et Soupault – avec lesquels le compagnonnage sera ponctué de ruptures et réconciliations.
Tout au long de sa vie, Tzara fera preuve d’engagements fervents. Il sera notamment membre de l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires dès 1934, puis se rangera aux côtés des Républicains durant la Guerre d’Espagne. Il rejoindra le parti communiste au sortir du conflit, pour ensuite dénoncer l’intervention soviétique en Hongrie et signer le Manifeste des 121 au moment de la guerre d’Algérie. Au fil des années, Tzara poursuivra avec intensité l’écriture d’une œuvre dense faite de poèmes, d’essais et d’écrits critiques sur l’art. Les plus grands artistes de son époque, qui furent aussi ses amis, illustrèrent ses écrits.
Dada
Un petit journal accompagne le visiteur
Artistes présentés : Arp, Brancusi, Brauner, Calder, Chirico, Dalí, Delaunay, Max Ernst, Le Douanier Rousseau, Duchamp, Auguste Forestier, Giacometti, Juan Gris, Gruber, Janco, Klee, Kertész, Greta Knutson, Germaine Krull, Laurens, Man Ray, Marcoussis, Masson, Matisse, Maxy, Michaelescu, Miró, les Barbus Müller, Perahim, Picabia, Picasso, Ribemont-Dessaigne, Hans Richter, Arthur Segal, Schwitters, Sophie Taeuber, Tanguy, Tatzlisky, Zadkine…
 

Brancusi, la muse endormie
Brancusi, la muse endormie

 
Commissariat : commissaire général : Serge Fauchereau, historien d’art et de la littérature, commissaire : Estelle Pietrzyk, directrice du MAMCS, conseil scientifique : Henri Béhar, professeur émérite de littérature française et éditeur des œuvres complètes de Tristan Tzara
Catalogue
TRISTAN TZARA. L’HOMME APPROXIMATIF
ISBN : 9782351251362
Ouvrage broché en langue française
300 illustrations environ, 304 pages
39 euros
Format : 18 x 24 cm
Ouvrage disponible en librairie
Auteurs : Henri Béhar, Yaëlle Biro, Clément Chéroux, Serge Fauchereau, Savine Faupin, Fabrice
Flahutez, Franck Knoery, Hélène Lévy-Bruhl, Marie-Dominique Nobécourt, Ion Pop, Eugen Simion
Venez profiter des derniers jours des expositions
« Tristan Tzara, l’Homme approximatif »
et  « Strasbourg 1200-1230, La révolution gothique »
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attention ; en raison du plan vigie pirate, le vestiaire est clos et aucun vêtement, sac ou parapluie, ne peut y être déposé.

Prédelles pour Aujourd'hui

La prédelle est la partie inférieure d’un retable polyptyque, développée horizontalement, qui sert de support aux panneaux principaux. Elle peut être composée d’une seule planche en longueur, ou de plusieurs éléments.

Joseph Bey, Obscur chemin dans les confins, 2015
Joseph Bey, Obscur chemin dans les confins, 2015

Composées généralement de plusieurs scènes complétant le ou les panneaux principaux du retable polyptyque, elles ont été souvent vouées à la dispersion première de leurs éléments après le démembrement ou démantèlement fréquent de la totalité de l’œuvre.
Le retable  est une construction verticale qui porte des décors sculptés et/ou peints en arrière de la table d’autel d’un édifice religieux (église, chapelle).
Tom POELMANS, the Birth of Robin Hood 2014
Tom POELMANS, the Birth of Robin Hood 2014

Orné de représentations historiées ou figurées, le retable peut être en différents matériaux (métal, ivoire, bois, émail, pierre) et ses décors sont souvent dorés. Il a l’avantage sur l’antependium (devant) de l’autel d’être largement visible. Il est fréquent qu’un retable se compose de plusieurs volets, deux pour un diptyque, trois pour un triptyque voire davantage pour un polyptyque.
Voilà ce qu’en dit Wikipedia
En Alsace nous sommes attachés au Retable d’Issenheim, ainsi qu’à d’autres que l’on peut
contempler dans nos églises régionales et au musée Unterlinden. Chez notre cousin voisin, les cathédrales, églises et musées, nous permettent d’en contempler de beaux spécimens. Est-il besoin de rappeler celui de Gand (Belgique)
Jean François Kaiser, dans sa galerie
du 6 rue des Charpentiers à Strasbourg, qui jouxte
la Galerie Ritsch -Fisch dont il était l’assistant,
a fédéré une douzaine d’artistes autour du thème de la prédelle.
Laure André – Tami Amit – Antoine Bernhart – Joseph Bey –
Peter Bond – Robert Cahen – Aurélie de Heinzelin –  Thibault Honoré
Laurent Impeduglia – Tom Poelmans – Germain Roesz – Joris Tissot
vidéo ici
La plupart d’entre eux se sont concentrés
sur le retable, en diptyque, triptyque, ou polyptyque.
Le livret de présentation comporte un texte de la verve de
Germain Roesz
,
artiste, poète, éditeur et professeur émérite de l’Université de Strasbourg, érudite et poétique. C’est un parcours de l’histoire de l’art sur le retable.
Nous avons pu voir son retable dans l’exposition Prendre le temps à la Fondation Fernet Branca, de 2014 à 2015.
 
Germain Roesz, retable La Paix
Germain Roesz,  Das Gluck und die Liebe 1985

Le retablier est un sculpteur ou un architecte qui réalise des retables. Il s’associe les compétences de nombreux artisans-artistes (sculpteurs, peintres, doreur, polychromeur, huchier) pour les réaliser.
Pour l’exposition de Strasbourg, Robert Cahen, reprend 2 de ses installations vidéo,
Tombe  avec les mots, + une version des mots en allemand, qui encadrent Tombe avec les objets, ce qui compose un triptyque dans le bleu de la lenteur, qui incite à la contemplation et donne le ton pour l’ensemble du thème.
Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016
Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016

Avec le retable de Joseph Bey, en tête du billet, toute la mystique de l’artiste est présente, le promeneur de Compostelle sera présent dans la galerie de JF Kaiser à partir du 4 février (vernissage), avec « Traversée Céleste » et jusqu’au 24 février 2016.
D’autres se rapprochent des anciens comme Brueghel, non pas dans la facture, mais
par l’ironie du thème comme Aurélie de Heinzelin

Certains sont bluffants d’adresse, avec leurs dessins au stylo à bille comme Joris Tissot
et Tom Poelmans (image 2)The Birth of Robin Hood et le Painter Paradise
Joris Tissot
Joris Tissot

Véritable autel portatif est l’étude pour la Cabane Gaspésienne  de Thibault Honoré, avec vidéo intégrée
Thibault Honoré
Thibault Honoré

Il me faut encore citer Laurent Impeduglia, qui expose actuellement à la Halle St Pierre à Paris, le polytyque  Judith 2002 de Tami Amit, une sérigraphie
d’Antoine Bernhart, le double diptyque de l’australien Peter Bond, et je termine
par la saisissante installation de Laure André, Laure,  autoportrait ? Papier découpé avec 332 épingles
 
Laure André , Laure 2009, détail
Laure André , Laure 2009, détail

La scénographie harmonieuse de Jean François Kaiser, permet de croiser de nouveaux regards, avec les anciens sur un thème renouvelé.
Jusqu’au 23 Janvier 2016