La déesse du Soleil Amaterasu sortant de la grotte Kazu Huggler (née en 1969) 2019 Installation
Jusqu’au 22 septembre 2019 au musée Rietberg de Zurich commissaire, Albert Lutz, directeur du Musée depuis 1998
« Miroirs, personne, jamais encore, n’a décrit sciemment ce que vous êtes dans votre essence » Rilke, Sonnets à Orphée, II , 3.
Musée Rietberg exposition Miroirs
Intitulée Eternity now, œuvre de la plasticienne helvète Sylvie Fleury, est un immense rétroviseur posé sur la pelouse qui permet une saisissante vision de la Villa Wesendonck et de son parc, où est installé le Museum Rietberg, qui débute l’exposition à l’extérieur.
L’exposition commence à l’intérieur, inévitablement par le mythe antique de Narcisse. L’histoire de ce jeune homme qui tombe amoureux de son reflet dans l’eau, mais qui, prenant conscience que cet amour est vain et dépérissant de jour en jour, finit par mourir de désespoir, a enflammé l’imagination des créateurs pendant des siècles: le mythe de Narcisse est un thème récurrent dans la littérature, la philosophie, l’art et la psychologie, à chaque fois qu’il est question d’un amour immodéré de sa propre personne, de la vie et de la mort et de l’estime de soi. marbre de John Gibson
« De quoi ai-je l’air aujourd’hui? Qu’est-ce que me dit mon visage? »
Jour après jour, le miroir est l’instance qui nous permet de vérifier notre aspect et de capter notre état d’âme. Il nous accompagne durant toute notre vie, et nous entretenons avec lui une relation intime, même si elle est parfois machinale et distanciée, aimée ou haïe. Mais au fait, que savons-nous de lui, de son histoire et de son utilisation, et que raconte le miroir sur nous-même?
Orphée, Tokyo Rumando
Cette exposition est la plus vaste jamais présentée sur l’histoire culturelle du miroir, qui s’étend sur plusieurs millénaires. Que ce soit dans l’Egypte ancienne, chez les Mayas du Mexique, au Japon ou en Italie, plus précisément à Venise, mais aussi dans l’art et les films actuels – d’un bout à l’autre de la planète, des miroirs ont été fabriqués dans toutes sortes de civilisations et se sont vus attribuer des significations et des pouvoirs particuliers.
A l’aide de 220 oeuvres d’art provenant de 95 musées et collections du monde entier, l’exposition met en lumière l’évolution artisanale et technologique mouvementée ainsi que la portée culturelle et sociale de cet intermédiaire qui nous renvoie notre propre reflet. Il est question du miroir en tant qu’artefact, mais aussi de connaissance de soi, d’orgueil et de sagesse, de beauté, de mystique et de magie, ainsi que du miroir de notre époque – le « #selfie ». Florence Henri Sur le net, sous tous les hashtags possibles, on peut voir des millions de selfies pris à bout de bras. Si l’on saisit « miroir et selfie » dans un moteur de recherche, on se retrouve en face de photos de femmes et d’hommes qui prennent la pose dans le lieu le plus intime de leur vie privée, la salle de bains, et divulguent ces images dans le monde entier sous le mot-dièse #bathroomselfie.
Sur la voie de la connaissance de soi Les nouveau-nés et les nourrissons s’intéressent déjà très tôt aux visages. Le visage de la mère, sa première personne de référence, est pour l’enfant son « premier miroir ». Tous deux s’imitent mutuellement, chacun reflétant les traits du visage et les émotions de l’autre. Dans un premier temps, les tout-petits interagissent avec leur reflet comme ils le feraient avec un vis-à-vis « inconnu ». Ce n’est qu’à peu près à l’âge de 18 mois que les enfants se reconnaissent eux-mêmes dans le miroir. Peu à peu, ils développent également la faculté de prise de conscience de soi en tant qu’objet et de réflexion à ce sujet. Le philosophe grec Socrate ne recommandait-il pas à ses élèves de se regarder dans un miroir pour méditer sur la beauté et la fugacité et cultiver leur propre âme…
Michelangelo Pistoletto, L’Etrusco.
CHANGEMENT D’IDENTITÉ Je est un autre Dans la célèbre formule d’Arthur Rimbaud – Je est un autre –, le poète se considère comme un voyant, qui se transcende lui-même et qui, s’affranchissant de sa propre personnalité, devient un autre, et pénètre ainsi dans les domaines inconnus de l’imagination. .Miroir-lièvre (Hasenspiegel) Cette oeuvre de Markus Raetz se réfère à une action de l’artiste allemand Joseph Beuys réalisée en 1965 et intitulée: Wie man dem toten Hasen die Bilder erklärt («Comment expliquer la peinture à un lièvre mort»). La silhouette du lièvre réalisée en fil de fer reflétée dans le miroir devient celle de quelqu’un d’autre – le profil de Joseph Beuys.
Marianne Brandt
L’exposition montre des oeuvres de vingt artistes, dont des photographes, provenant de quatre continents, sur le thème de l’« autoportrait » – des années 1920 à aujourd’hui. Cette série comprend des photographies de Claude Cahun et de Florence Henri, de Cindy Sherman et Nan Goldin, jusqu’à Amalia Ulman et Zanele Muholi, des vidéos de Bill Viola, d’Albert Lutz. Des extraits de films – des monologues d’hommes se parlant devant le miroir ou des cowboys tirant dans un miroir – constituent un programme contrasté à la fois savoureux et qui mérite réflexion.
Zanele Muholi
de Niro
Ce tour du monde à travers l’histoire du miroir auquel nous invite l’exposition commence par un miroir en bronze égyptien du XIXe s. av. J.-C., que, selon l’inscription, un père avait fait fabriquer pour sa fille « afin qu’elle puisse y regarder son visage ». Elle nous conduit en Grèce et en Italie, plus précisément à Rome, chez les Etrusques, les Celtes, puis en Asie, en Iran, en Inde, en Chine et au Japon. Des pièces singulières provenant du Museo Nacional de Antropología de Mexico laissent deviner le pouvoir numineux des miroirs chez les Mayas et les Aztèques. Quant aux miroirs grecs, romains ou étrusques, leur revers est orné de représentations artistiques de femmes se baignant ou se coiffant. L’exposition montre à ce sujet des chefs-d’oeuvre du Louvre, à Paris, et du Metropolitan Museum de New York.
Miroirs Rietberg
Magie et mysticisme Le miroir peut aussi être obscur et mystérieux. Dans de nombreux genres cinématographiques, les metteurs en scène ont recours à des miroirs pour annoncer l’avenir ou dévoiler le passé; parfois, la mort rôde derrière le miroir, il rend visible l’invisible. L’art du surréalisme, de Salvador Dali à Paul Delvaux, utilise le miroir pour suggérer des phénomènes insondables, incompréhensibles ou secrets. L’exposition présente aussi un incroyable costume de chaman, le plus vieil exemple au monde, provenant de Sibérie auquel sont suspendus des miroirs en laiton. Le parcours se termin avec l’histoire d’Alice traversant le miroir, illustrée par une oeuvre majeure de Michelangelo Pistoletto.(ci-dessus)
Paul Delvaux, Femme au Miroir 1936
Interaction Des extraits de certaines des scènes les plus célèbres de l’histoire du cinéma où le miroir joue un rôle sont présentés dans une vaste projection : l’entrée dans le monde des Enfers, tirée du film Orphée de Jean Cocteau, le final grandiose de La Dame de Shanghai d’Orson Welles, la scène du peep-show de Paris Texas de Wim Wenders ou quelques autres tirées de In the Mood for Love; de Wong Kar-Wai.
Le narcisse suisse clôture l’exposition que l’on quitte avec regret, tant elle est intelligente, riche en découvertes.
Narcisse suisse, Paul Camenisch 1944
Musée Rietberg Les arts du monde à Zurich Gablerstrasse 15 8002 Zurich Suisse
Hans et Monica Furer, collectionneurs et donateurs photo Kunstmuseum Basel
Jusqu’au 1er décembre 2019, au Kunstmuseum Basel | Neubau Sélection : Hans Furer Réalisation : équipe Gegenwartskunst
Hans Furer
Hans et Monika Furer-Brunneront fait donation de 24 oeuvres de Rémy Zaugg (1943–2005) provenant de leur fondation au Kunstmuseum Basel. La plus importante collection privée de l’artiste suisse entre ainsi au sein de la Öffentliche Kunstsammlung Basel. Cette donation comprend également une photographie de Thomas Ruff réalisée d’après 48 esquisses perceptives de Rémy Zaugg.
Conçues entre 1963 et 1968 à partir d’une analyse du tableau de Paul Cézanne La maison du pendu, celles-ci sont en dépôt au Kupferstichkabinett du Kunstmuseum Basel depuis 1992.
À l’occasion de la donation, le Kunstmuseum Basel, avec lequel les collectionneurs sont étroitement liés depuis plusieurs décennies, présente ces oeuvres dans le cadre d’une exposition répartie dans quatre salles du Neubau. Elle réunit des oeuvres de toutes les périodes de création de Rémy Zaugg, parmi lesquelles des travaux provenant des sériesEin Blatt Papier,
Für ein Bild et Schau, ich bin blind, schau, et les place aux côtés d’autres grands artistes internationaux qui caractérisent la collection Furer tels que John Baldessari, Sol LeWitt, Robert Mapplethorpe, Lawrence Weiner, Thomas Ruff et Stephan Balkenhol, On Kawara.
Thomas Ruff et Stephan Balkenhol
La mise en regard de ces oeuvres donne lieu à un dialogue stimulant. Présentée au premier étage du Neubau, l’exposition jouxte les oeuvres d’art américain d’après-guerre de la collection du Kunstmuseum Basel dont Day before one (1951) de Barnett Newman. Source d’inspiration essentielle pour Rémy Zaugg, ce tableau l’a amené à se remettre en question, à poser un regard nouveau sur l’art et à se consacrer au thème de la perception pour le restant de sa vie.
Pour cet artiste natif du Jura suisse francophone et résidant à Bâle et à Mulhouse, la peinture a toujours constitué une sorte de recherche fondamentale pour des projets « appliqués », que ce soit dans le champ de l’architecture, de l’urbanisme ou de la conception d’expositions. Zaugg compte parmi les artistes suisses majeurs du XXe siècle. Il est représenté au sein de nombreux musées nationaux et internationaux ainsi qu’au travers d’oeuvres situées dans l’espace public : auKunsthaus Aarau, dans le bâtiment « Titanic » à Berneou au Staatsarchiv à Bâle.
On Kawara
Hans Furer et sa femme ont constitué une remarquable collection d’oeuvres de Rémy Zaugg ainsi que d’autres artistes. Avocat, Furer est également connu pour son engagement en faveur de la culture. Ainsi, il fut l’un de ceux à l’initiative de l’acquisition de la sculpture de Richard Serra Intersection il y a 25 ans. (devant le théâtre de Bâle) Il a aussi apporté son soutien à de nombreux projets de politique culturelle en tant que parlementaire de Bâle-Campagne.
Robert Mapplethorpe Patti Smith, 1976 Épreuve à la gélatine argentique vintage, 38 × 38 cm Collection Hans et Monika Furer
Kunstmuseum Basel St. Alban-Graben 8, Postfach CH–4010 Basel
Horaires d’ouverture Lundi fermé Ma 10.00–18.00 Me 10.00–20.00 Je–Di 10.00–18.00
Accès ATTENTION ! A partir du 14 mars 2019, le St. Alban-Graben sera fermé à la circulation en direction de la Wettsteinplatz en raison du chantier du « Parking Kunstmuseum ». Le détour peut se faire par l’Aeschenplatz. L’arrêt de tram « Kunstmuseum » est fermé jusqu’à nouvel ordre. Descendre à Bankverein
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Jusqu’au 27 OCTOBRE 2019 à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne Commissariat Victor I. Stoichita, professeur ordinaire en histoire de l’art des temps modernes à l’Université de Fribourg Sylvie Wuhrmann, directrice de la Fondation de l’Hermitage Aurélie Couvreur, conservatrice de la Fondation de l’Hermitage
attribué à Wolfgang Heimbach cp
Après le succès de l’exposition Fenêtres, de la Renaissance à nos jours. Dürer, Monet, Magritte… en 2013, la Fondation de l’Hermitage à Lausanne poursuit son exploration des grands thèmes de l’iconographie occidentale, et propose au public de découvrir les multiples facettes artistiques de l’ombre. Avec une sélection inédite de près de 140 oeuvres, l’exposition Ombres, de la Renaissance à nos jours offre un parcours à travers 500 ans d’histoire de l’art, et convoque des formes artistiques très variées, allant de la peinture à l’installation, en passant par la sculpture, l’estampe, le dessin, le découpage, la photographie ou encore la vidéo.
vue de l’entrée de la Fondation de l’Hermitage, avec les ombres portées.
L’exposition se déploie en 16 thèmes. Pour certaines oeuvres connues ou encore d’autres d’auteurs moins connus, l’exposition rend attentif aux détails, que l’on regarde souvent rapidement sans les voir.
L’ombre naît de la lumière, ou plus précisément de l’absence de lumière, et elle se définit comme suit : « Diminution plus ou moins importante de l’intensité lumineuse dans une zone soustraite au rayonnement direct par l’interposition d’une masse opaque ». En d’autres termes, lorsqu’un objet opaque est mis devant un rayon lumineux, l’ombre proprement dite (ou ombre propre) est la zone de l’objet qui ne reçoit pas de lumière. Mais l’ombre a ses variations. La première d’entre elles est l’ombre portée, c’est-à-dire l’ombre projetée par un corps éclairé sur une surface. La pénombre est la zone partiellement éclairée qui entoure l’ombre propre ou l’ombre portée, lorsque l’objet est éclairé par une source lumineuse étendue.
Sol LeWitt Une sphère éclairée par le haut, les quatre côtés, et toutes leurs combinaisons
Depuis l’Antiquité, il se raconte que l’ombre est au coeur de l’invention de la peinture, du dessin et même du modelage en bas-relief. Ainsi Pline l’Ancien explique-t-il qu’une jeune femme corinthienne, Dibutade, dessina les contours de l’ombre de son bien-aimé qui se projetait sur un mur, pour en garder une image avant qu’ils ne soient séparés (Histoire naturelle, XXXV, 15 et 151). Ce récit mettant en scène une jeune femme inventrice d’un art et un jeune homme lui servant de modèle, montre le rôle central de l’ombre dans la conception artistique occidentale.
Joseph-Benoît Suvée, L’origine du dessin, 1776-1791 huile sur toile, 49 x 34 cm Musée Groeninge, Bruges
Les couleurs de l’ombre Si l’ombre est, dans l’imaginaire occidental, associée à la couleur grise, il n’en va pas de même dans la nature. Comme le note le théoricien de l’art Leon Battista Alberti dès 1435, « les rayons réfléchis s’imprègnent de la couleur qu’ils trouvent sur la surface par laquelle ils sont réfléchis ». En d’autres termes, la couleur de l’ombre offre une infinité de teintes et de nuances, qui dépendent des sources de la lumière et des surfaces que celle-ci atteint, directement ou indirectement.
Maximilien Luce
Le parcours traverse les siècles et les thèmes, associant de manière inédite des chefs-d’oeuvre de l’art occidental qui témoignent de l’intérêt continu des artistes pour ce thème, que ce soit dans l’autoportrait (Rembrandt, Eugène Delacroix), les recherches sur la perspective (Baccio Bandinelli, Pieter de Hooch), le travail sur le clair-obscur (Luca Cambiaso, Jacob Jordaens, Joseph Wright of Derby) ou la dramatisation des paysages chez les romantiques (Caspar David Friedrich, Carl Gustav Carus, Wilhelm Bendz). L’exposition fait également la part belle aux ombres impressionnistes (Claude Monet) et post-impressionnistes (Henri-Edmond Cross, Joaquín Sorolla y Bastida), qui témoignent de l’apparition de la lumière artificielle et des recherches sur la théorie des couleurs au XIXe siècle.
Claude Monet Londres, le Parlement, reflets sur la Tamise, 1905 huile sur toile, 81,5 x 92 cm Musée Marmottan Monet, Paris
Au tournant du XXe siècle, contre-jours tranchants et ombres puissantes jouent un rôle déterminant dans la quête d’un langage formel synthétique et novateur (Félix Vallotton, Hans Emmenegger). Parmi les points forts de l’exposition figure une section confrontant les ombres inquiétantes et paradoxales des artistes symbolistes (William Degouve de Nuncques, Léon Spilliaert), expressionnistes (Edvard Munch), surréalistes (Salvador Dalí, René Magritte, Max Ernst) et de la Nouvelle Objectivité (Christian Schad, Niklaus Stoecklin).
Hans Emmenegger
Les usages de l’ombre dans la création moderne et contemporaine sont, quant à eux, déclinés à travers des oeuvres emblématiques de Pablo Picasso, Andy Warhol, Christian Boltanski ou encore Joseph Kosuth, tandis que les artistes vidéo (Vito Acconci, Jean Otth, Thomas Maisonnasse) réinterprètent les grands mythes des origines qui, de Platon à Pline, relient l’ombre, l’art et la connaissance.
Boltanski, le théâtre d’ombres
En contrepoint, une importante section photographique rassemblant notamment des images saisissantes d’Edward Steichen, Man Ray, Lee Friedlander et Wolfgang Tillmans, montre que ce thème suit la photographie comme son ombre…
Thomas Ruff
Fondation de l’Hermitage Route du Signal 2 Lise Schaeren Decollogny CH – 1018 Lausanne Responsable Communication www.fondation-hermitage.ch +41 (0)21 320 50 01
Catalogue L’exposition est accompagnée d’un ouvrage richement illustré, contenant un avant-propos de Sylvie Wuhrmann et Aurélie Couvreur et des essais de Marco Costantini, Corinne Currat, Michel Hilaire, Dominique Hoeltschi, Patrizia Lombardo, Dominique Païni, Michel Pastoureau, Didier Semin, Victor Stoichita, publié en co-édition avec La Bibliothèque des Arts, Lausanne.
Horaires Mardi à dimanche de 10h à 18h Jeudi de 10h à 21h Lundi fermé
Accès Depuis la gare •Prendre le M2 direction « Croisettes », descendre à l’arrêt « Bessières » puis prendre le bus no 16, direction « Grand-Vennes ». Descendre à l’arrêt « Hermitage »
Depuis le centre ville (Place Saint-François) •Prendre le bus no 16, direction « Grand-Vennes ». Descendre à l’arrêt « Hermitage » Info trafic des Transports publics de la région lausannoise TL
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Jusqu’au 23 SEPTEMBRE 2019 au MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE DIJON Entrée gratuite pour tous Commissaires de l’exposition FRANCK GAUTHEROT, directeur du Consortium Museum de Dijon DAVID LIOT, directeur des musées de Dijon
YAN PEI-MING
Composée d’une trentaine d’oeuvres, cette exposition se déploie dans l’ensemble du musée et met en lumière un peintre contemporain majeur. Tel un journal intime l’exposition explore les vicissitudes de l’artiste face à la brutalité du monde. Elle rend hommage à sa mère et à ses amis récemment disparus. L’Homme qui pleure met en lumière la vision très personnelle d’un homme meurtri par la violence de la vie et qui continue à se battre.
YAN PEI-MINGSeptember 11th 2001 (2011)
Entre drames intimes et planétaires Dans la première salle, l’oeuvre September 11th 2001 (2011) campe les Twin Towers comme deux personnages en péril. Artiste à genoux (2012) accueille le visiteur. Yan Pei-Ming se recueille, tête baissée, demande le pardon du monde qui s’écroule, le pardon de ses proches.
Yan Pei-Ming,Fukushima, 11 mars 2011 (2011)
Yan Pei-Ming Le chien qui crie
Dans la seconde salle, les chiens hurlent de toute la puissance de leur mâchoire devant Fukushima, 11 mars 2011 (2011). Face à l’explosion de la centrale, résumée par Yan Pei-Ming au moment d’après, il ne reste que le panache énorme d’une fumée de tous les dangers radioactifs. Dans la troisième salle, les oiseaux noirs tournoient ou se posent autour de portraits de femmes voilées sous les yeux ouverts mais morts de l’Oncle aveugle (2019). Ils interrogent l’enfermement, sociétal ou physique, la liberté d’action et de mouvement.
Yan Pei-Ming
Invisible Women
Yan Pei-Ming
La dernière salle annonce l’effroi devant le tragique. Le Selfportrait at Four Ages (2006) fabrique un temps en quatre saisons : la jeunesse, l’âge adulte, le gisant mort et la vanité (le crâne) tandis que ses fleurs noires portent les messages des vivants aux morts.
Yan Pei-Ming
Fabian Stech,
Xavier Douroux
À travers Fabian Stech, portrait d’un ami (11/2015) et Xavier Douroux, portrait d’un ami (2019), Yan Pei-Ming rend hommage à ses amis décédés qui ont tant compté dans sa vie. Fabian Stech (1964-2015), fauché au Bataclan, le 13 novembre 2015 et Xavier Douroux (1956-2017), un des fondateurs et directeurs du Consortium, vaincu par la maladie, à l’aube de la soixantaine. Dans un entretien en 2005, Yan Pei-Ming, apaisé, confirme à Fabian Stech que le thème de la mort traversera toujours son oeuvre et ajoute : Plus j’avance, plus je me sens libre, plus j’ai envie d’exprimer un sentiment général d’humanité » Cette année, au coeur d’un musée rénové des Lumières, le peintre exprime sa liberté, son humanisme et sa générosité. Témoin engagé d’un monde qui vacille, l’Homme qui pleure garde intacte son énergie plastique et sa « folie créatrice ». Lueurs d’espoirs, ses morts le sont assurément.
Yan Pei-Ming
« L’aquarelle à l’eau des larmes », une salle spécifique Dans l’espace d’exposition temporaire, les Pleurants, suite d’aquarelles d’après les 82 pleurants des cénotaphes des ducs de Bourgogne s’adjoignent une peinture et une autre série d’aquarelles : Ma mère (2018), cinq feuilles d’aquarelles qui réitèrent dans l’encre lavée l’image de sa défunte mère. Dans la même salle une série d’autoportraits et les funérailles du Pape.vidéo
Yan Pei-Ming
Un peintre contemporain au musée des Beaux-Arts Dans la salle des Tombeaux le triptyque Ma mère – Souffrance • Espoir • Effroi (2018), portraits de la mère de l’artiste au tournant fatal de sa vie, se dévoile avec à ses pieds les cénotaphes des ducs entourés des Pleurants.
Yan Pei-Ming, Ma mère – Souffrance • Espoir • Effroi (2018)
Loin des mouvements artistiques des années 80, autour de l’art conceptuel et de l’installation, Yan Pei-Ming défend la peinture avec énergie et, au fil de sa carrière, va revisiter la peinture européenne du XVIIe siècle à nos jours. Il n’hésite pas à l’interpréter par un jeu infini de détournements, une écriture plastique spontanée et un sens de la polysémie
Yan Pei-Ming d’après Goya (Tres de Mayo)
Sans oublier,Game of Power, avec le portrait des dictateurs actuels.
Au sein du parcours permanent La Vocation de saint Matthieu ; Le Martyre de saint Matthieu, d’après Caravage (2015) et L’Exécution, après Goya (2012) confirment ce dialogue entre art contemporain et peinture d’histoire.
Palais des États et des ducs de Bourgogne Place de la Sainte-Chapelle – DIJON dmp@ville-dijon.fr Tél. : (+33) 3 80 74 52 09 / musees.dijon.fr Entrée gratuite pour tous Les horaires d’ouverture de l’exposition sont ceux du musée des Beaux-Arts Ouvert tous les jours sauf le mardi, du 17 mai au 31 mai : de 9h30 à 18h du 1er juin au 23 septembre : de 10h à 18h30 Navette Divia City gratuite depuis l’arrêt Foch Gare SNCF (Boulevard de Sévigné en dessous de la Gare) qui vous dépose à l’arrêt théâtre, juste à côté du musée
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Jusqu’au 30 septembre 2019, le Centre Pompidou-Metz présente une exposition monographique consacrée à Lee Ufan (vidéo)
Ma première rencontre avec les oeuvres de Lee Ufan date de 2004, présentées à la Fondation Fernet Branca, grâce à Jean-Michel Wilmotte, architecte de renommée internationale et grand connaisseur de la culture coréenne, qui a réussi la rénovation et transformation des anciennes usines, en centre d’art contemporain. Dans l’intimité du lieu, elles dégageaient une sérénité contagieuse. A Versailles, c’est « l’Eloge du peu » qui tient toutes ses promesses »
« Je suis hostile à l’industrialisation illimitée, au consumérisme de masse résultant d’un productivisme effréné. Je suis opposé à ce que les hommes veuillent former le monde selon l’image qu’ils s’en font. Par conséquent, si contradictoire que cela puisse paraître, je crée dans le but de ne pas créer. » (Lee Ufan, Tension précaire, op.cit., p.197)
Le parcours a été conçu par l’artiste et le commissaire de l’exposition comme un cheminement d’expérience en expérience, à la manière d’une initiation à un nouveau langage, en dehors des codes et des références traditionnelles de l’art contemporain. À chaque « station » du chemin, une sélection d’œuvres révèle un concept, une façon d’envisager l’art. Certaines salles sont aussi la déclinaison de ce concept à partir d’un matériau en particulier.
Lee UfanRelatum
Jean-Marie Gallais, commissaire de l’exposition, explique : « Ce n’est pas une rétrospective au sens classique du terme, il s’agit plutôt d’une traversée de l’œuvre dans sa quête de redéfinition de l’art. Nous n’avons pas cherché à montrer « tout » Lee Ufan, ni à suivre un parcours chronologique, mais plutôt à montrer comment l’artiste a élaboré des concepts et des principes. On retrouve dans l’exposition la plupart des typologies d’œuvres et de matériaux déployés par Lee Ufan, mais aussi des moments de transition, des pièces charnières qui dévoilent comment une réflexion mène à une autre. Le lien entre une idée, une pensée et une forme ou une expérience, est particulièrement rendu sensible. Ce choix d’œuvres a été fait en concertation et en dialogue constant avec l’artiste, qui a veillé à un équilibre entre peintures, sculptures et installations, œuvres anciennes et récentes. »
Lee Ufan, Relatum
La notion de doute, fondamentale pour Lee Ufan, lui permet d’interroger le principe même de la peinture et de la sculpture, et de dépasser la question de l’ego de l’artiste. Les œuvres présentées au Centre Pompidou-Metz révèlent aussi cet aspect du travail, répondant à la volonté d’atteindre le « non-peint », le « non-sculpté », comme le dit Lee Ufan, afin de créer une relation la plus pure possible entre l’intérieur et l’extérieur de l’œuvre, entre l’énergie et l’immobilité, suggérant différentes façons d’ « habiter le temps. »
Lee Ufan naît en 1936 au sud de la Corée, dans une famille imprégnée d’une morale stricte aux idéaux confucéens. « Lorsque j’essaie de vivre en tant que Coréen, ma vie créatrice s’appauvrit et, si je tente de vivre en tant qu’artiste, je m’éloigne des Coréens » (Lee Ufan, Tension précaire) Face à ce dilemme, il cherchera à trouver un équilibre en prenant à rebours la pratique artistique, afin d’atteindre un langage universel non auto-référencé, un « au-delà » de l’art, une pratique de l’humilité où l’artiste disparaît derrière son œuvre.
Le départ de Lee Ufan pour le Japon, après sa première année à l’université, est une étape importante dans la construction de son identité. Il rejoint son oncle et va y apprendre le japonais et suivre des cours de philosophie contemporaine à partir de 1957. Lee Ufan cherche alors refuge dans la pratique artistique, mêlée à une lecture phénoménologique de l’existence inspirée de ses lectures de philosophes occidentaux, notamment de l’analyse de la perception par Maurice Merleau-Ponty, mais aussi les écrits d’Heidegger ou Foucault.
Traditionnellement, la perception est définie comme l’activité de l’esprit par laquelle un sujet prend conscience d’objets et de propriétés présents dans son environnement, sur le fondement d’informations délivrées par les sens.
La phénoménologie est en effet fondatrice dans la naissance du mouvement Mono-ha au Japon en 1968, dont Lee Ufan est l’un des principaux théoriciens et représentants. Cette « Ecole des choses » sonde les relations qui naissent de la rencontre entre des éléments naturels et industriels, sur lesquels les artistes n’interviennent presque pas, dans des installations éphémères au vocabulaire ascétique. Mono-ha établit des connexions entre l’art et la philosophie, dans un esprit anticonsumériste. On trouve dans le travail de Lee Ufan, jusqu’aux œuvres les plus récentes, ce parti pris d’économiser le geste pour critiquer l’hyper productivité et la saturation des images de la société et du monde de l’art contemporains.
Lee Ufan développe ensuite sa pensée au fil des expositions, faisant évoluer ses gestes d’une série à l’autre, glissant toujours aussi allègrement entre la peinture, la sculpture ou l’installation. L’exposition du Centre Pompidou-Metz dresse un portrait par les œuvres de cet artiste qui s’efforce à travers ses créations, de considérer l’art comme un moyen d’appréhender notre rapport au monde. L’œuvre de Lee Ufan est une invitation à ralentir, à quitter le monde du déferlement des images et de la représentation, pour se recentrer sur la perception. Un chemin de méditation qui peut autant partir d’un détail insignifiant comme de l’infini : « Ce n’est pas l’univers qui est infini, c’est l’infini qui est l’univers. » rappelle l’artiste.
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Jusqu’au 26 août 2019, la Fondation Vuitton présente un ensemble d’œuvres de Gilbert & George, « There Were Two Young Men, April 1971 », (vidéo) une « sculpture-au-fusain-sur-papier » en six volets faisant partie de la Collection de la Fondation. Exposée uniquement en 1971 à la galerie Sperone de Turin, cette œuvre s’inscrit dans une série de 13 corpus d’oeuvres tous différents, créés entre 1970 et 1974 puis dispersés. Cette exposition est une occasion unique de réunir ces œuvres rares de Gilbert & George.
Par sa dimension même, « There Were Two Young Men » implique une relation immersive pour le spectateur. Cette « sculpture » représente deux protagonistes -les artistes- dans un environnement champêtre dont l’hédonisme est teinté de mélancolie. Ils semblent deviser tranquillement, adossés à un arbre, dans l’esprit des représentations néoromantiques de la peinture de paysage britannique. L’intrusion graphique, dans chaque élément de la « sculpture », du titre en majuscules qui assied l’image et d’un texte poétique en majuscules et en minuscules, écrit à la main ajoute une complexité supplémentaire, renvoyant à l’univers de la poésie populaire et des comptines.
Nés en 1943 et en 1942, dans les Dolomites (Italie) et dans le Devon (Angleterre), ils vivent et travaillent à Londres (Royaume-Uni). Dès leur sortie de la Saint Martin’s School of Art où ils se rencontrent en 1967, Gilbert & George se font connaître en s’autoproclamant deux « sculptures vivantes » formant un seul artiste. Ainsi vêtus de costumes ordinaires, le visage impassible et recouvert de poudre multicolore métallisée, ils interprètent dans The Singing Sculptureune chanson des années 1930, Underneath the Arches, renvoyant au monde des déclassés. Les artistes choisissent d’emblée de se démarquer du contexte artistique de l’époque, formaliste et conceptuel, en choisissant le langage figuratif. De la mise en scène du quotidien (marcher, chanter, lire, boire), ils tirent une matière visuelle qu’ils exploitent dès le début des années 1970 dans des assemblages de photographies, d’abord en noir et blanc puis en couleurs. Dès l’origine leurs oeuvres témoignent de la permanence de leur position privilégiant la figuration alors décriée, avec un objectif déclaré d’un Art pour Tous. Permanent également chez Gilbert & George, le choix d’un art qui communique directement et dans un esprit de dialogue avec le spectateur et où l’émotion individuelle, ressentie au plus vrai, atteint à l’universel.
Réalisée après leurs études à la St Martins School of Art de Londres, There Were Two Young Men implique une relation immersive pour le spectateur. Elle est présentée aux côtés d’autres œuvres de Gilbert & George d’inspiration proche comme « Limericks » (1971), également dans la Collection de la Fondation, une sculpture postale en huit parties. S’y ajoutent selon le souhait des artistes «Nature Photo Piece » (1971), composition de photographies en noir et blanc ainsi que deux vidéos sculptures contemporaines.
Commissariat général : Suzanne Pagé Commissaire : Claire Staebler
Architecte en charge de la scénographie : Marco Pal
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Jusqu’au15 mars 2020 au Musée Würth France Erstein
« L’art est la réalité du rêve. » José de Guimarães
José de Guimarães photo Valérie Cardi
Par cette canicule, la visite au musée Würth, climatisé, s’impose, plongé dans l’art brut, dans des couleurs resplendissantes, vous pouvez voyager et vivre un dépaysement total avec José de Guimarães, gratuitement
Né en 1939 sous le nom de José Maria Fernandes Marques, il a passé sa jeunesse dans la petite ville de Guimarães, doté d’un musée d’archéologie et d’un musée d’art sacré, dont il a pris le nom à vingt-deux ans pour enraciner son identité dans un terroir.
La démarche artistique de José de Guimarães, dont la vie et l’œuvre sont rythmés de trois manifestes et de séries enchaînées au fil de son exploration des continents, est indissociable de celle de l’anthropologue. « Nous avons souhaité montrer ce double visage, explique Marie-France Bertrand, directrice du Musée Würth, c’est pourquoi nous présentons à la fois une sélection de ses œuvres – qui appartiennent en grande partie à la collection Würth – et des pièces d’art africain (Angola mais aussi Nigéria, Mali, Bénin…) tirées de son immense collection personnelle – que nous lui avons empruntées. »
José de Guimarães, Alphabet africain
Si une belle partie de l’exposition est consacrée aux années d’inspiration africaine de l’artiste, le Musée Würth s’attache à retracer l’ensemble de son parcours, et à montrer les œuvres les plus significatives de ses différentes périodes créatrices – chronologiquement dans les premières salles, de façon à mettre en lumière les étapes fondatrices de son style, puis de façon thématique, sans se limiter aux zones géographiques explorées par José de Guimarães. Cette rétrospective témoigne ainsi de son évolution graphique à travers le temps, de la fragmentation de la forme et de l’élabo ration de l’Alphabet africain jusqu’aux combinaisons les plus émancipées. Elle illustre son profond attachement à la couleur en même temps qu’une fidélité à un aspect naïf et figuratif. Elle atteste aussi la diversité des matériaux et supports utilisés, typique de l’art brut : peinture sur toile ou sur bois, acrylique ou gouache, mais aussi collages de papier (papier qu’il fabrique lui-même), de pigments ou de sable, assemblage d’objets, néons, bronze…
José de Guimarães, Bagdad
Une œuvre de 7 mètres de long accueille les visiteurs : Bagdag, réalisée en 2003 en référence au scandale d’Abou Ghraib, l’une des cinq pièces d’une série, mais la seule conservée dans la Collection Würth. « José de Guimarães se positionne vraiment avec cette œuvre en réaction à un événement politique, explique Claire Hirner, commissaire de l’exposition, ce qui est assez rare chez lui. Cette œuvre pourrait évoquer Guernica, avec cette immédiateté qu’avait eue aussi Picasso par rapport à l’actualité. »
AU REZ-DE CHAUSSÉE : L’AFRIQUE Le fameux Alphabet africain (1971-1974), témoignant de l’aboutissement de ces années de recherche et de la naissance d’un langage singulier, clôt cette première partie. « C’est l’une des œuvres phare de l’exposition, confie Claire Hirner. Elle est présentée pour la première fois dans son intégralité. Ce sont cent trente-deux petits panneaux de bois peint que l’on présente sans ordre prédéfini. La seule contrainte est que l’ensemble forme un bloc rectangulaire ou carré. Il s’agit d’un alphabet libre. Nous avons vraiment là la notion du morphème si chère à José de Guimarães. »
Totem
La Joconde Noire
José de Guimarães
Suit une grande section intitulée « Totems et fétiches » (1989-2003), rassemblant des œuvres de grand format nées à la suite de la période angolaise et reflets d’une certaine spiritualité. Le serpent y occupe une place particulière – dans tout l’œuvre de l’artiste, d’ailleurs –, aux côtés de rituels, de danses cérémonielles. « On trouve aussi la Femme automobile et Automobile verte et rouge, précise Claire Hirner, que l’artiste considère comme des fétiches de la société de consommation. Et nous avons aussi adjoint deux reliquaires, qui gardent une trace imagée d’un rituel ou d’une cérémonie. » En regard de ces œuvres exposées au rez-de-chaussée sont proposées vingt-six pièces sélectionnées dans l’immense collection personnelle de José de Guimarães : à travers masques, sculptures et objets rituels, différentes ethnies du Congo, de l’Angola, du Mali, du Nigéria et du Gabon sont représentées.
José de Guimarães
À L’ÉTAGE : UNE FORMIDABLE ODE À LA VIE
Changement de continent à l’étage avec la série des œuvres inspirées par Mexico, élargie aux rituels et aux symboles d’Amérique – cette section présente également laFavela (Brésil) et la Cérémonie du serpent (2014, inspirée des travaux et voyages de l’historien d’art et anthropologue Aby Warburg dans les villages des indiens Hopis). « Nous avons ici, explique la commissaire, des références au dieu de la pluie aztèque, aux traditions mexicaines avec des papiers découpés utilisés pour des rites funéraires mais aussi des baptêmes ou des mariages, la symbolique du crâne. C’est une formidable ode à la vie, même si l’on évoque la mort. »
José de Guimarães, Favela
La dernière salle, notamment avec ses œuvres liées à Hong Kong et aux traditions d’Asie, s’attache à cette notion de « nomadisme transculturel» que José de Guimarães porte en lui, dont il a fait son propre langage créant une synthèse de formes, en absorbant les cultures, en apprivoisant les rites. « Nous terminerons, dans le couloir, avec la série inspirée de la Madone de Darmstadt (2012-2013), conclut Claire Hirner. Cette série, qui reprend des détails du portrait de Holbein le Jeune, nous ramène au lien fort qui unit José de Guimarãesà la Collection Würth. » L’original (1526-1528) est l’un des tableaux les plus chers acquis en Allemagne depuis la seconde guerre mondiale, acheté par Reinhold Würth en 2011 et exposé depuis dans l’église des chevaliers de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem de Schwäbisch Hall. José de Guimarães s’explique lui-même sur ces œuvres peintes suite à cette acquisition : « J’ai été si impressionné par la Madone que j’ai voulu exprimer cette fascination. J’ai fait une sorte de “démontage” du chef- d’œuvre de Holbein en six œuvres séparées. Ce sont tous des morceaux du tableau originel, traduits dans mon propre univers. »
La Madone
HORAIRES • Du mardi au samedi de 10h à 17h • Le dimanche de 10h à 18h • Fermé tous les lundis, ainsi que les 25 et 26 décembre, 1er janvier, 1er mai, 14 juillet et 15 août. TARIFS D’ENTRÉE AU MUSÉE • L’ENTRÉE AU MUSÉE EST LIBRE
la Cérémonie du serpent (2014) José de Guimarães
INFORMATIONS ET RÉSERVATIONS 03 88 64 74 84 / mwfe.info@wurth.fr ADRESSE Musée Würth France Erstein Zi ouest – rue Georges Besse 67150 Erstein PETITE RESTAURATION AU CAFÉ DES ARTS Programme culturelle à consulter sur le site du musée
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« Avec Frieder Burda, le monde de l’art perd l’un de ses grands collectionneurs, qui a toujours voulu partager son amour et son enthousiasme pour les arts avec un nombre particulièrement élevé de personnes », a annoncé le musée Frieder Burda. Il était un exemple de modestie et d’humanité pour ses employés. Frieder Burda était né le 29 avril 1936, fils du couple Verleger Franz et Aenne Burda à Gengenbach. Tout d’abord, il a suivi une formation en impression et en publication, puis une formation en tant qu’homme d’affaires dans le groupe. Son jeune frère, Hubert Burda, a repris le secteur de l’imprimerie et de l’édition. À la fin des années soixante, il a commencé à collectionner des œuvres d’art.
À l’âge de 30 ans, Burda achète une image du peintre Lucio Fontana à la Documenta de Kassel, jetant ainsi les bases de sa collection. Aujourd’hui, il possède environ 1 000 œuvres, notamment celles de Pablo Picasso, Max Beckmann et Ernst Ludwig Kirchner, Jackson Pollock, Gerhard Richter, Georg Baselitz et Sigmar Polke.
Grand merci à lui pour sa générosité. Il nous a permis à nous frontaliers de connaître les très grands artistes allemands, comme Gerhard Richter, Georg Baselitz et Sigmar Polke, Katharina Grosse, William N. Copley, Andreas Gursky et James Turrell, avant qu’ils ne soient célèbres, connus et collectionnés pas les grands. En tant que donateur et fondateur du musée, il a généreusement fait don à sa ville natale d’une maison qui attire les visiteurs du monde entier à Baden-Baden
Il était aussi ouvert à l’art contemporain pour preuve : A l’occasion du 15e anniversaire de cette année, l’exposition « Ensemble », qui célèbre l’amitié germano-française basée sur l’interaction avec des chefs-d’œuvre de la collection du Centre Pompidou à Paris, est actuellement présentée. Au début de l’année, la maison avait fait fureur avec une exposition àBanksy. Avec le Salon Berlin, dirigé par sa belle-fille Patricia Kamp, le musée comble aujourd’hui le fossé avec l’art contemporain, on peut se souvenir aussi de l’exposition JR.
Le Musée Frieder Burda, oeuvre d’une vie En 1998, et après des efforts inaboutis pour l’établir à Mougins dans le sud de la France, la Fondation Frieder Burda est créée pour conserver la collection et la rendre accessible au public. Elle servira de base au musée conçu par le célèbre architecte Richard Meier, édifice abritant depuis 2004 la Collection Frieder Burda à Baden-Baden aux côtés d’autres chefs d’oeuvre internationaux : un ouvrage solitaire immaculé et radieux se dressant dans la Lichtentaler Allee, avenue historique, souvent appelé aujourd’hui le « Joyau dans le parc. » La Kunsthalle de Baden Baden jouste le musée.
Museum Frieder Burda · Lichtentaler Allee 8b · 76530 Baden-Baden Telefon +49 (0)7221 39898-0 · www.museum-frieder-burda.de Öffnungszeiten Dienstag bis Sonntag, 10 – 18 Uhr an allen Feiertagen geöffnet
Jean-Léon Gérôme (1824-1904) Etude d’après un modèle féminin pour « A vendre, esclaves au Caire » Vers 1872
Au Musée d’Orsay jusqu’au 21 juillet 2019
L’exposition présente un peu plus de 300 oeuvres dont 73 peintures, 81 photos, 17 sculptures, 60 oeuvres arts graphiques, 70 documents (livres, revues, affiches, documents, lettres…) et 1 photographie d’artiste projetée sur cimaise, avec incrustations de feuilles d’or.
De la Révolution française à l’abolition de l’esclavage en 1848, de la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791 à l’apparition de la négritude dans les années 1930, ce presque siècle et demi est le témoin privilégié des tensions, luttes et débats qu’occasionne la naissance de la modernité démocratique, et dont le monde des images s’est chargé, et nourri. Lentement il voit s’affirmer, en dépit de toutes sortes de réticences et d’obstacles, une iconographie, et même une identité noires.
Manet, Jeanne Duval
Portée par trois moments forts – le temps de l’abolition de l’esclavage (1794-1848), le temps de la Nouvelle peinture (Manet, Bazille, Degas, Cézanne) et le temps des premières avant-gardes du XXe siècle – cette exposition propose un nouveau regard sur un sujet trop longtemps négligé : la contribution importante de personnes et de personnalités noires à l’histoire des arts. Répartie en 12 sections.
Frédéric Bazille, Femme aux pivoines
Le choix d’un titre au singulier, malgré la diversité des représentations, cherche à souligner les différentes significations du terme « modèle« , qui peut aussi bien se comprendre comme « modèle d’artiste » que comme figure exemplaire. Femmes et hommes dits de couleur, ils sont nombreux à avoir croisé la trajectoire des artistes et à avoir tissé des relations avec eux. Qui sont-ils, ces grands oubliés du récit de la modernité ? Autant de personnes auxquelles les commissaires ont tenté de redonner un nom, une histoire, et une visibilité.
Du stéréotype à l’individu, de la méconnaissance à la reconnaissance, cette exposition essaie de retracer ce long processus, et tente de mettre en lumière l’un des plus grands non-vus et non-dits de l’histoire de l’art, révélant à nouveau cette discipline comme miroir des idées et des sensibilités, et affirmant ainsi les liens de continuité profonds qui unissent le XIXe siècle au XXe siècle, jusqu’à notre époque.
Nouveaux regards
Plus de cinquante ans séparent la première abolition de l’esclavage dans les colonies françaises de la seconde, proclamée en avril 1848 par la Deuxième République naissante.
Le 4 février 1794, un premier décret d’abolition, doublement révolutionnaire, accorde aux affranchis sans distinction de couleur la pleine citoyenneté française. Pour la France de l’an II, il s’agit d’acter la révolte victorieuse des esclaves de l’île de Saint-Domingue en 1791, menés par Toussaint Louverture, et de rallier à la République l’île menacée par les flottes étrangères.
Dès 1802 cependant, Napoléon Ier rétablit l’esclavage. Mais les troupes qu’il envoie à Saint-Domingue se heurtent à une résistance tenace : le 1er janvier 1804, l’île indépendante devient la République d’Haïti, « première nation noire » dira Aimé Césaire.
Le point de rupture historique que constitue la Révolution française permet ainsi l’émergence de portraits d’individus noirs émancipés, parmi lesquels les célèbres Jean-Baptiste Belley par Anne-Louis Girodet et Madeleine par Marie-Guillemine Benoist. Si ces oeuvres occupent l’espace artistique créé par la révolution politique et sociale contemporaine, elles témoignent néanmoins des ambiguïtés propres à leur temps : ainsi le livret du Salon de 1800 qui accompagne le Portrait de Madeleine ne dévoile-t-il ni l’état domestique, ni le prénom du modèle, ni clairement les intentions de l’artiste, qui font encore débat aujourd’hui.
Théodore Géricault (1791-1824) est adolescent lorsque Napoléon Ier, qui souhaite reconstruire un puissant empire français aux Amériques, fait rétablir l’esclavage dans les Caraïbes. La législation particulièrement restrictive qui accompagne ce rétablissement (interdiction des mariages interraciaux, interdiction d’accès à la métropole pour les Noirs des colonies…) explique le regain du mouvement abolitionniste, auquel participe Géricault. Ce dernier met sa fougue romantique au service de cette cause, multipliant les représentations énergiques ou doloristes des Noirs.
Sa correspondance ne dit rien des femmes et hommes de couleur qu’il fit poser, mais nous savons qu’il eut recours au célèbre modèle Joseph, originaire d’Haïti, aussi représenté par Théodore Chassériau. Pour son oeuvre iconique, Le Radeau de la Méduse, Joseph incarne le marin torse nu, agitant au sommet du tonneau le foulard du dernier espoir collectif.
Le tableau, qui relate la funeste expédition coloniale de la frégate La Méduse à l’été 1816, au large des côtes de l’actuelle Mauritanie, a connu plusieurs étapes. Si la première esquisse frappe par l’absence de tout Noir, la composition finale en compte trois, soit deux de plus que ce que l’Histoire nous rapporte. En multipliant les figures noires dans son tableau, Géricault résume ainsi son combat fraternitaire, et dote la cause abolitionniste d’un symbole décisif.
Jean Baptiste Carpeaux
L’art contre l’esclavage
Le 29 mars 1815, Napoléon Ier abolit la traite négrière, décision qui sera confirmée par Louis XVIII, quelques années plus tard. Malgré la pression accrue des abolitionnistes, le système esclavagiste, lui, perdure ; les gouvernements successifs de la Restauration et de la monarchie de Juillet se contentant de le réformer.
Du côté des peintres, le ton se durcit. La Traite des noirs de François-Auguste Biard fait sensation au Salon de 1835. D’autres osent dénoncer ce qu’endurent les victimes d’un système inhumain. C’est le cas de Marcel Verdier, élève d’Ingres, qui, en 1843, se voit refuser au Salon son Châtiment des quatre piquets.
François-Auguste Biard
Il faut attendre le 27 avril 1848 pour que la Deuxième République naissante abolisse l’esclavage dans les colonies françaises. Biard est chargé de célébrer cette mesure symbolique : Noirs et Blancs sont rassemblés dans un tableau où la liesse des affranchis, les chaînes brisées et le drapeau tricolore célèbrent avec emphase l’unité fraternelle du nouvel ordre républicain. L’immense toile de Biard fait ainsi écho aux thèses antiesclavagistes de Victor Schoelcher. C’est aussi à partir du Salon de 1848 que le sculpteur Charles Cordier inventorie la famille humaine dans son unité et sa singulière diversité.
Métissages littéraires Le métissage, thème central du Romantisme français, s’incarne dans deux figures clés de l’époque : Alexandre Dumas et Jeanne Duval. L’auteur du Comte de Monte-Cristo, petit-fils de Marie-Césette Dumas, esclave affranchie de Saint-Domingue, est l’objet de très nombreuses caricatures plus ou moins bienveillantes sur ses origines. Le romancier lui-même aborde franchement le thème de l’esclavage dans Le Capitaine Pamphile (1839).
Baudelaire, Jeanne Duval
Henri Matisse
Probablement née en Haïti vers 1827, l’actrice Jeanne Duval devient, à 15 ans, la maîtresse et la muse de Baudelaire. Figure idéale de la dualité des êtres et des amours, elle traverse l’oeuvre dessinée du poète, et s’est glissée très tôt parmi les poèmes exotiques des Fleurs du mal, les préférés probablement de Manet, et certainement de Matisse.
Le photographe Nadar rapprochera, après 1850, les mondes de Dumas et Baudelaire. S’il n’a pas photographié Jeanne Duval, il l’a décrite, de même que Théodore de Banville qui évoque, dans ses Souvenirs, « une fille de couleur, d’une très haute taille, qui portait bien sa brune tête ingénue et superbe, couronnée d’une chevelure violemment crespelée, et dont la démarche de reine, pleine d’une grâce farouche, avait quelque chose a` la fois de divin et de bestial ».
Dans l’atelier C’est au sein de la petite population noire installée en France au XIXe siècle que les artistes ont vraisemblablement recruté des modèles qui pouvaient poser occasionnellement pour eux. Les études d’atelier constituent des témoignages incomparables de la présence des Noirs à Paris, dont l’activité est alors essentiellement concentrée dans les secteurs de la domesticité et de l’artisanat. Faute de recensement, les chercheurs ne disposent que de quelques sources permettant d’associer un prénom ou un surnom à un visage. Rares sont les moyens permettant de rendre leur identité aux différents modèles qui posaient pour les artistes. De précieuses archives provenant de l’Ecole des beaux-arts révèlent pour certains d’entre eux leur âge, leur adresse, et parfois leur pays d’origine. Les études peintes montrant ces femmes et ces hommes dans des ateliers d’artistes, à la manière de portraits intimistes et individualisés, contrastent avec les tableaux de Salon dans lesquels perdure l’ambivalence des stéréotypes associés aux personnages noirs. Si ces représentations sont autant de traces des relations qui pouvaient exister entre des artistes et des modèles, elles témoignent également de recherches plastiques qui contribuent à l’élaboration d’un nouvel univers esthétique.
Autour d’Olympia A l’exception de quelques caricatures violentes, la figure de la servante noire est passée relativement inaperçue dans le scandale provoqué par la présentation d’Olympia de Manet au Salon de 1865, les critiques se concentrant essentiellement sur le sujet du tableau, jugé vulgaire, et sur l’absence d’idéalisation du nu féminin.
Cette « invisibilité » de la femme noire révèle la part conventionnelle de la représentation (attitude déférente, bouquet de fleurs à la main) qui s’inscrit également dans une longue tradition orientaliste, laquelle joue sur les contrastes et la tension érotique provoquée par les rapprochements des corps noirs et des corps blancs. Cependant, Manet effectue un déplacement radical en choisissant de représenter non pas une scène de toilette fantasmée dans un ailleurs exotique mais une scène de prostitution dans le Paris contemporain. La présence d’une domestique noire – qui renvoie à un imaginaire aristocratique et colonial – peut être lue comme un indicateur du statut social élevé de la courtisane et vient renforcer le pouvoir subversif du tableau.
Edouard Manet, Olympia
Admirateur de Manet, Bazille opère un singulier mélange entre le Paris moderne et un Orient lointain dans La Toilette qui est refusée au Salon de 1870. Dans sa Moderne Olympia qu’il présente à la première exposition impressionniste, Cézanne montre quant à lui l’envers du décor du tableau de Manet en introduisant la présence du client et en donnant un rôle actif et théâtral à la servante.
En scène
La présence de personnalités noires dans les milieux du spectacle et du cirque est notable dès le début du XIXe siècle. Parmi eux, on compte un certain nombre d’artistes originaires des Etats-Unis ou de la Caraïbe. C’est ainsi que Joseph, natif de Saint-Domingue a été repéré par Géricault au sein d’une troupe d’acrobates à Paris, ou que la musicienne havanaise Maria Martinez, le comédien shakespearien Ira Aldridge et le pianiste virtuose Blind Tom, tous deux américains, ont cherché en France et ailleurs en Europe la possibilité de faire carrière.
Cet attrait exercé par la scène parisienne pour les Noirs nés de l’autre côté de l’Atlantique est vif à la fin du XIXe siècle, notamment dans le domaine du cirque. Des affiches et des articles de presse témoignent de la célébrité des Américains Delmonico, intrépide dompteur de fauves, et Miss La La, acrobate aérienne dont la puissance extraordinaire des exercices de force inspire à Degas un tableau au cadrage non moins stupéfiant. C’est un registre autre que celui de la performance physique sensationnelle qu’explore le clown Rafael, originaire de La Havane. Sous le surnom de Chocolat, il joue le rôle de l’auguste aux côtés de Footit, clown blanc et tyrannique. Le duo inspire plusieurs oeuvres à Toulouse-Lautrec, mais aussi des publicités, des jouets, des marionnettes… Il est filmé par les frères Lumière en vue de l’Exposition Universelle de 1900.
Miss Lala, Henri de Toulouse Lautrec
Cézanne, une moderne Olympia
La « Force noire »
La Première Guerre mondiale mobilise de nombreux soldats noirs. Dès l’automne 1914, les tirailleurs sénégalais, corps d’armée issu des troupes coloniales, prennent part au conflit. Après une période d’adaptation, ils participent à la plupart des grandes offensives, dont la bataille de Verdun et celle du Chemin des Dames.
A l’inverse de l’Allemagne qui les figure en combattants cannibales employés de façon déloyale par l’ennemi, la France s’éloigne de l’iconographie coloniale du Sauvage et s’efforce d’en diffuser une image de soldat loyal et courageux, qui donne lieu au célèbre personnage rieur des publicités Banania, dénoncé dans les années 1930 par les militants de la Négritude.
A partir de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917, des contingents de soldats noirs-américains rejoignent les tranchées apportant avec eux une musique nouvelle, le jazz. En 1918, le fameux orchestre du régiment des « Harlem Hellfighters » dirigé par James Reese Europe électrise les foules. Cette présence nouvelle d’une communauté noire transforme le Paris des années 1920, perçu comme un refuge cosmopolite pour ceux qui fuient la ségrégation raciale. Le monde du spectacle est revivifié par des artistes venant des Etats-Unis ou des Antilles – la danseuse Joséphine Baker étant la plus célèbre. Plusieurs lieux, films ou revues célèbrent les performances des artistes noirs.
Joséphine Baker
Voix et contre-voix de l’Empire colonial
Alors que la conquête coloniale est célébrée à travers les expositions universelles et les décors de villages indigènes reconstitués, le rapport au « modèle noir » se transforme pourtant sensiblement au tournant du siècle. Un imaginaire de l’ailleurs se constitue à partir notamment du premier voyage de Gauguin en Martinique (1887) et des forêts tropicales oniriques du Douanier Rousseau. Ces visions idylliques d’un paradis perdu, associées à la découverte par Derain, Picasso et Matisse de la statuaire africaine, dès les années 1906/07, donnent lieu à une stylisation nouvelle qui remet en cause le simple rapport mimétique au modèle.
Picasso remplace le visage d’une des cinq figures de ses Demoiselles d’Avignon par un masque Baoulé quand Matisse peint un Nu bleu radical. Cette altérité plastique acquiert, avec la génération suivante, une dimension politique. Le mouvement dada et surréaliste érige en modèle anti-occidental et anti-bourgeois un fantasme de l’Afrique, celui que livre la pièce loufoque et poétique de Raymond Roussel, Impressions d’Afrique ou qui se joue à travers des performances comme le combat entre Arthur Cravan et le champion de boxe noir américain, Jack Johnson.
La Négritude à Paris Le Paris des années 1920 connaît une véritable vogue pour le jazz et les artistes noirs, dont les corps érotisés figurent dans nombre d’oeuvres Art Déco. Des égéries fugaces de la bohème parisienne – Aïcha Goblet ou Adrienne Fidelin – sont portraiturées. En 1919, la première Conférence panafricaine y est organisée par l’un des acteurs majeurs de la Harlem Renaissance, W.E.B. du Bois, posant les premiers jalons d’une revendication d’autodétermination des Noirs. A partir des années 30, en pleine hégémonie coloniale et montée des périls fascistes, l’affirmation à Paris de la négritude est portée par la création en 1931 de la Revue du Monde noir et par les poètes Léon Gontran Damas, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor qui fondent en 1935 la revue L’Etudiant noir. Michel Leiris et la revue Document de Bataille revendiquent, quant à eux, une approche ethnographique et sociologique des objets africains ; les surréalistes s’associent au Parti communiste pour organiser une contre-exposition face à la gigantesque Exposition coloniale de 1931. Lors de sa traversée de l’Atlantique qui le mènera à New York, fuyant le régime de Vichy en 1941, André Breton, accompagné des peintres Wifredo Lam et André Masson, découvre, fasciné, à Fort-de-France, le poème de Césaire, Cahier d’un retour au pays natal ; il écrit avec Masson un double hommage syncrétique, à la Martinique et au Douanier Rousseau : Martinique, la charmeuse de serpents (1948).
Douanier Rousseau
Matisse à Harlem Matisse entreprend en 1930 un long voyage à destination de Tahiti, en passant par les États-Unis. Il découvre pour la première fois New York, il est fasciné par les gratte-ciels, la lumière et les « musicals » de Harlem. Il découvre le quartier noir en pleine « Renaissance » alors que des intellectuels tels que Du Bois ou Alain Locke, des musiciens comme Louis Amstrong ou Billie Holiday, des photographes comme James Van Der Zee, défendent une culture noire moderne et urbaine. Nourri de jazz grâce aux disques que son fils, Pierre, galeriste newyorkais, lui rapporte, Matisse fréquente les clubs de Harlem, notamment le célèbre Connie’s Inn. Il rentre en France habité par la rythmique du jazz mêlée aux sensations colorées et végétales de Tahiti. Cette expérience forme le creuset de ses dernières oeuvres. Il travaille alors, à partir de plusieurs modèles métisses : Elvire Van Hyfte, belgo-congolaise, qui personnifie l’Asie dans un très beau tableau de 1946, Carmen Lahens, haïtienne, qui pose pour les dessins des Fleurs du mal de Baudelaire, évocation lointaine de la maîtresse du poète, Jeanne Duval ; ou encore Katherine Dunham, la fondatrice des Ballets caraïbes à la fin des années 1940 et qui inspire au peintre un de ses derniers grands papiers découpés, Danseuse créole (1951). Autant de figures concises et graphiques – le dessin de Matisse s’apparentant à la ligne mélodique improvisée du jazz.
Henri Matisse
« J’aime Olympia en noire » Olympia de Manet par sa complexité et sa puissance formelle est un jalon de l’art moderne, inspirant et déconstruit à l’envi – depuis les relectures de Cézanne ou la copie de Gauguin dès 1891, en passant par les Odalisques de Matisse, jusqu’aux multiples réinterprétations de la Harlem Renaissance, du pop art et d’aujourd’hui. La coprésence de la figure blanche et de la figure noire est au centre des relectures du tableau. Les jeux formels de la dualité chromatique, du contraste entre la position couchée et la position debout interrogent les identités raciales, sociales et sexuelles des deux femmes, les rapports entre Occident et Afrique, et forgent de véritables dispositifs plastiques pour les artistes futurs.
Larry Rivers (1923-2002) I Like Olympia in Black Face, 1970 Huile sur bois, toile plastifiée, plastique et plexiglas,
Musée d’Orsay 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris Téléphone : 01 40 49 48 14 www.musee-orsay.fr Transports Bus : 24, 63, 68, 69, 73,83, 84, 94 Métro : ligne 12, station Solférino RER : ligne C, station Musée d’Orsay Jours et heures d’ouverture Mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 9h30 à 18h Jeudi de 9h30 à 21h45 Lundi : jour de fermeture
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