Jérémie Gindre, Camp Catalogue

Sur une proposition de Sandrine Wymann, directrice de la Kunsthalle de Mulhouse, vous pouvez aller à la découverte de Camp Catalogue imaginé par Jérémie Gindre, jusqu’au 8 mai 2016.
Jérémie Geindre
Jérémie Gindre (*1978) est un artiste et écrivain suisse, vivant à Genève.
Il a publié à ce jour une douzaine d’ouvrages de formes variées — roman, nouvelles, essai, journal, bande-dessinée, roman photos — et réalisé de nombreuses expositions réunissant dessins, sculptures et textes. Ses oeuvres, fortement marquées par son intérêt pour la géographie et l’histoire, s’appuient en particulier sur des questions de géologie, d’archéologie, d’art conceptuel, de neurosciences, d’apiculture ou de tourisme.
Ses oeuvres ont été présentées notamment au Kunsthaus Baselland, au Kunstmuseum Thun, au Museo de Arte Moderno de Buenos Aires, à la Kunsthalle Fri-Art de Fribourg ainsi qu’au Centre d’art contemporain La Criée de Rennes. Il est représenté par la
galerie Chert de Berlin.
Ses publications ont été éditées chez Fink, Boabooks, Rollo Press et Motto. Son dernier recueil de nouvelles «On a eu du mal» est paru en 2013 aux Éditions de l’Olivier.
Jérémie Geindre
Mon premier est un camp, le lieu qui renvoie à une installation ponctuelle, mais très organisée, dans des zones naturelles parfois dédiées, d’autres fois improvisées. Le camp est généralement la base, le lieu où l’on se retrouve, le point de départ d’une aventure ou d’une excursion.
Mon second est un catalogue, conçu comme un inventaire de ce que l’on peut découvrir, sur le camp ou aux alentours. Le catalogue est une énumération poétique mais néanmoins précise de certaines géographies, de genres animaliers ou de variétés comportementales.
Mon tout est Camp Catalogue, une exposition de Jérémie Gindre qui se présente comme le décor d’innombrables histoires écrites ou à écrire. Après s’être établi à La Criée de Rennes pour une première étape estivale, et avant de partir au Kiosk à Gand, le camp se déploiera en hiver à Mulhouse et trouvera dans cette nouvelle saison ses propres
variations.
Jérémie Gindre
C’est souvent au cours de ses lectures que naissent les projets
d’oeuvres de Jérémie Gindre. Les tableaux textes permettent de resserrer le lien intime qu’il entretient entre les textes et les formes.
Chacun des tableaux entre en résonance avec l’exposition, ses
sujets, son ambiance, et parfois plus précisément avec une oeuvre ou une série. Les textes peints sont des réécritures, adaptées plus ou moins fidèlement du récit
original, pour à la fois suggérer un contexte et évoquer une histoire plus large.
Jérémie Gindre
Jérémie Geindre a tracé une ligne continue sinueuse, comme pour délimiter le paysage
à travers toute l’exposition. C’est ainsi que l’on est happé (!) par le bruissement de la fontaine dès l’entrée de l’exposition où s’affichent des dessins à l’encre, la rivière vue des rochers et les oiseaux classés en nuisibles/utiles/indifférents.
Jérémie Geindre Si vous partez sur la gauche deux planches indiquent la direction du parking et du panorama.
Petite pièce où est projeté le logo qui balise les sentiers des marcheurs suisses, nouveaux losanges jaunes, signes indiquant les itinéraires de randonnée de moyenne montagne en Suisse.
Ces losanges, dont il n’a sélectionné que ceux tracés sur pierre,
sont photographiés en tant que peintures rupestres actuelles.
Ils apparaissent alors comme la répétition presque hypnotique
d’un motif géométrique, une oeuvre anonyme et collective
dans un immense musée à ciel ouvert.
Jérémie Geindre
C’est ainsi que vous débouchez dans la prairie avec vue sur le pont en bois, le panneau
indicateur en bois, la série des dessins à l’encre de Chine, sur les thèmes choisis.
CARACTÈRE RÉGIONAL, 2006-2012
48 dessins
Stylo sur papier
C’est une petite encyclopédie du relief que Jérémie Gindre a
entrepris avec cette série dont il nous présente 48 études. Sont
retenues ici toutes les formes caractéristiques de paysages
offerts par la nature. Tantôt prélevés sur cartes ou manuels,
tantôt inspirés par un site particulier, ces dessins couvrent une
grande variété de modes cartographiques. Ce travail, constitué
sur plusieurs années, traduit aussi le besoin de dessiner pour
mieux comprendre.
Jérémie Gindre
C’est ainsi que tout devient familier dans ce parcours géo-bucolique
pierres, herbes, pommes de pins, parcours de ski, logos, coupes géologiques?
aires de repos, fontaine, oiseaux, banc.
Soudain, une ouverture triangulaire attire vers un lieu mystérieux teinté de vert, un sous bois, il faut se pencher pour y pénétrer.
Jérémie Gindre
Comme un cabinet de curiosités TOWN & COUNTRY, 2015
(Bois, ciment, résine, osier, crayon sur impression)
une série, composée de 5 objets et d’une illustration, compare les habitats
pour oiseaux conçus par l’homme à un véritable nid de troglodyte. Ici la
part de l’imaginaire humain déborde sur les objets et les place à la limite
de leur usage. Entre fonction et décoration, l’artiste ne se prononce pas et
donne à voir ce qu’il reste quand l’oiseau n’est pas là.
Jérémie Geindre
En regard de l’exposition
Camp Catalogue, 3 conférences
et une marche sont proposées.
Marathon de conférences
Vendredi 1.04  18:30 — 21:15
–  18:30, durée 45’ : Balisage et signalétique sur
les sentiers de randonnée, de Thierry Schlawick,
Président du Club Vosgien Mulhouse & Crêtes
– 19:45, durée 30’ : P comme pives,
de Jérémie Gindre
– 20:30, durée 30’ : Le milieu naturel introduit
en ville par le biais d’éléments phares,
de Bernard Stephan, Expert Arbre
Conseil® de l’ONF
En partenariat avec le Club Vosgien Mulhouse
& Crêtes et l’Office national des forêts
Petite restauration sur place
Entrée libre
Marche urbaine au sein de l’exposition
Samedi 2.04  14:30 — 17:30
Rdv-départ : 14:30
s
ur le parvis de La Fonderie
Marche urbaine le long des Berges de l’Ill et du Bois des
Philosophes, commentée par Bernard Stephan, expert
Arbre Conseil® de l’ONF et suivie par une lecture de
Jérémie Gindre au coeur de l’espace d’exposition.
En partenariat avec le Club Vosgien Mulhouse & Crêtes
et l’ONF
Goûter tiré du sac, café & thé offerts à l’arrivée

Ainsi que toutes les joyeusetés habituelles :
Conférences, week end art contemporain, kunst apéro
lectures poétiques, films
consultez le programme

Rendez-vous Famille
Dimanche 6.03 R 15:00
La Kunsthalle Mulhouse – Centre d’art contemporain
La Fonderie
16 rue de la Fonderie
68093 Mulhouse Cedex
tél : + 33 (0)3 69 77 66 47
Heures d’ouverture
Du mercredi au vendredi de 12h à 18h
Les samedis et dimanches de 14h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 20h
Fermé les lundis, mardis, 25 et 27 mars et 8 mai 2016
Entrée libre
 
 

Anne-Sophie Tschiegg, "Assez flirté, baisser culotte"

Les éditions Chic Médias inaugurent avec Anne-Sophie Tschiegg, desseins, leur première collection érotico-suggestive.
La collection desseins laisse libre cours aux artistes : photographes, plasticiens ou illustrateurs en publiant leurs carnets. Une adresse au corps, à la nudité, à la sexualité voire à la pornographie.


Peintre depuis une trentaine d’années, Anne-Sophie Tschiegg travaille les associations de couleur comme on assemblerait un parfum. Du petit au grand format, du collage au dessin, les couleurs se répandent, se confondent, jusqu’à provoquer l’émotion première. Pour
Assez flirté, baisser culotte
, la plasticienne a réalisé
ses dessins sur iPad, ponctué les dessins de quelques textes, et convoqué quelques auteurs.
A commander sur Zut ! magazine – La Boutique

 Trois  autres possibilités :
– vous venez demain 12 février à 18h30 avec la foule de tous les copains qui se tiendront chaud
– vous venez tranquillement samedi 13/2 ou dimanche 14/2 de 14h à 19h et Frédéric Croiser vous accueillera
– vous venez samedi ou dimanche pour le 5 à 7 et je vous y embrasse.
(et la quatrième possibilité : vous venez au Séchoir à Mulhouse le 19/2 à partir de 18h30…)
Il y aura des dessins vrais, des tirages numérotés, des petites catins sur toile, le livre dédicacé et comme c’est chez le grand puriste de l’art abstrait il y aura aussi mes toiles les plus abstraites et les plus roses. Peu mais varié. Nous serons de bonne humeur et pimpants
Anne-Sophie Tschiegg

Radial art contemporain
11b, Quai Turckheim F 67000 Strasbourg
+33 950 71 08 34 +33 661 14 53 26
contact@radial-gallery.eu

 et

Le Séchoir Mulhouse
Galerie d’art ·
25 rue Josué Hofer
68200 Mulhouse
· 03 89 46 06 37

la belle équipe se déplace pour vous présenter notre petit livre caliente 
« assez flirté, baisser culotte ! »
Ça se passera ce vendredi 19 au Séchoir à partir de 18h30 dans le cadre de l’exposition AD LIBIDO qui rassemblera une quinzaine d’artistes..
Il y aura des tirages numérotés, des dessins, des bouquins, des copains et du vin. (Et même une effeuilleuse en cerise.)
Merci de faire suivre si vous connaissez quelques sacripants qui peuvent être intéressés, nous voulons que le plus grand nombre puisse profiter de ces splendeurs....
Je vous embrasse tous
Anne-sophie
à vendredi !
(et pour rappel, le livre peut AUSSI se commander ici

 C’est un joli petit livre polymorphe et joyeux, à ne pas mettre entre toutes les mains

Gerhard Richter. Birkenau

Le Musée Frieder Burda présente des œuvres abstraites de
Gerhard Richter.

(vidéo du vernissage en allemand) jusqu’au – 29 mai 2016 
Le point d’orgue de cette exposition est un travail majeur de l’artiste, une œuvre non figurative profondément poignante en quatre éléments intitulée « Birkenau » (WZ 937 1-4), qui a été réalisée en 2014. Gerhard Richter y fait référence à des photos qui furent prises en 1944 au camp de concentration de Birkenau par des membres du Sonderkommando juif (une des unités spéciales de déportés forcés de participer au processus d’extermination).
Gerhard Richter
Ces documents photographiques constituent le point de départ, la première couche du tableau, repris et retravaillé par le peintre en de nombreuses étapes ultérieures.
On trouve des photos des victimes de l’holocauste et de la terreur nazie à plusieurs reprises depuis le milieu des années 1960 dans l’ « Atlas » de Gerhard Richter, un recueil de photos, de coupures de journaux et de croquis rassemblés par l’artiste de 1962 jusqu’à aujourd’hui. Des panneaux correspondants provenant de l’ « Atlas » sont mis en perspective à Baden-Baden avec les travaux de grandes dimensions sur Birkenau.

Gerhard Richter Altlas 1966 Edition n° 169/2015
Gerhard Richter Altlas 1966 Edition n° 169/2015

Pour le seul hall d’entrée du Bundestag à Berlin, Richter a rassemblé un grand nombre de photos et a tenté de peindre des tableaux d’après ce matériel. Toutes les premières tentatives échouèrent cependant et c’est seulement dans les « tableaux de Birkenau » que l’artiste est parvenu pour la première fois à trouver une solution picturale. L’artiste est loin d’avoir mis un point final à son travail sur ce grand thème, comme le montre une autre adaptation des tableaux, transposés en photographies de même taille, ainsi que 93 détails photographiques tirés de l’œuvre.
 
Gerhard Richter, éxtrait  93  détails Birkenau 2015
Gerhard Richter, éxtrait 93 détails Birkenau 2015

Richter a eu recours à cette méthode d’observation de détails à plusieurs reprises. Un travail exposé, « Halifax », datant de 1978, permet de comprendre ce processus ; il y réinterprète 128 détails de son grand tableau en noir et blanc intitulé « Tableau abstrait » (titre antérieur « Halifax », WVZ 432-5) pour en faire la représentation d’une structure. Une série montrée également ici est particulièrement impressionnante :
« War Cut » est un travail sur les informations diffusées au début de la guerre en Irak. Gerhard Richter a associé 216 détails en couleur tirés de son « Tableau abstrait », 1987 (WVZ 648-2) à des textes qui avaient été publiés dans ce contexte par le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung les 20 et 21 mars 2003, les premiers jours de la guerre en Irak. Il a procédé ici de manière strictement formelle et a cependant établi avec ses tableaux non figuratifs des références étonnantes au contenu des textes.
Gerhard Richter, Birkenau 937 -1-2-3-4
Gerhard Richter, Birkenau 937 -1-2-3-4

Le point de départ de la stratégie picturale de Gerhard Richter, où la référence au modèle est toujours présente, même dans les travaux abstraits, est particulièrement évident lorsqu’on la replace dans le contexte d’œuvres réalisées par d’autres artistes connus. Ces derniers sont issus pour la plupart du milieu proche de la Galerie Konrad Fischer, avec laquelle Richter était en étroit contact dans les années 1960.
 Clifford Still
Clifford Still

On pourra voir des chefs d’œuvre abstraits de Carl Andre, Sol LeWitt, Blinky Palermo, Imi Knoebel ou Sigmar Polke. Mais Andy Warhol et les expressionnistes abstraits Clyfford Still, Adolph Gottlieb et Willem de Kooning témoignent eux aussi de la capacité des artistes contemporains à saisir l’indescriptible et représenter l’irreprésentable précisément à l’aide de l’abstraction.
Baden Baden expo RichterLeurs travaux, parmi lesquels les impressionnantes sculptures de Sol LeWitt et de Carl Andre, montrent les différentes approches des artistes et révèlent le fort potentiel dont dispose l’abstraction pour représenter la réalité ou refuser tout caractère réaliste. L’exposition se penche également sur le thème de la perception et des émotions que des formes et des couleurs – au-delà de la représentation d’objets réels- sont à elles seules en mesure de provoquer en nous.
Gerhard Richter Halifax 1978 128 fotos von einem bild
Gerhard Richter Halifax 1978
128 fotos von einem bild

Les nombreuses pièces exposées provenant de la Collection Frieder Burda sont complétées par des prêts d’œuvres prestigieuses issues de collections et musées internationaux ou appartenant à des particuliers.
C’est une exposition qui vous plonge dans la réflexion, tant sur le passé que sur l’actualité.
Commissaire de l’exposition le directeur du musée Frieder Burda, Helmut Friedel
 
Gerhard Richter d'après le livre de Georges Didi-Hubermann, "Bilder trotz Allem"
Gerhard Richter d’après le livre de Georges Didi-Hubermann, « Bilder trotz Allem »

 
Catalogue Helmut Friedel et Georges Didi-Huberman.
Il contient, entre autres, la lettre détaillée de Georges Didi-Huberman à Gerhard Richter « La peinture dans son moment aporétique » – souvenirs du philosophe à la visite de l’atelier de l’artiste.

SPEED ART, Fondation Beyeler

Vous avez envie de « buzzer » ?
La dernière et nouvelle initiative éducative de la Fondation Beyeler
vous permettra de buzzer

« l’art enrichit le quotidien et ouvre de nouvelles perspectives. Il rend visible ce que nous sentons, pensons, redoutons ou souhaitons. Il existe bien des manière de découvrir toute la diversité de l’art. Avec SPEED ART, l’accès ludique occupe évidemment le premier plan ».
beyeler-SpeedArt_couv_boite-575x383
Dans le cadre de son engagement artistique en faveur des enfants et des jeunes, la Fondation Beyeler lance SPEED ART, un jeu de cartes qui se joue au rythme de la visite des galeries. Ce jeu « de réaction », conçu autour de l’art et des artistes de la Collection Beyeler, s’attache également à transmettre des informations intéressantes et invite les amateurs d’art, jeunes et moins jeunes, à observer attentivement les œuvres.
Les joueurs (jeunes et moins jeunes) sont invités à découvrir des points communs entre les œuvres d’artistes célèbres comme Van Gogh, Cézanne, Klee, Mondrian et bien d’autres encore. SPEED ART est disponible dès à présent à l’Art Shop de la Fondation Beyeler, au musée ou en ligne sur le site web de la boutique du musée. Un joli cadeau artistique et culturel pour toute la famille.
Ce jeu propose une introduction simple et compréhensible aux célèbres œuvres de la collection de la Fondation Beyeler consacrée à l’art moderne et contemporain. Il s’agit de porter un regard neuf sur certains des chefs-d’œuvre les plus connus de la Collection Beyeler et de relever des similitudes, par ex. dans les œuvres de Van Gogh ou Cézanne ; il peut s’agir de motifs comparables, comme des nus ou des représentations d’animaux, ou d’un style, figuratif ou abstrait. SPEED ART invite à repérer immédiatement les différences et les points communs.
beyeler-Speed-Art-620x388-575x359En famille ou avec des amis, au domicile, dans le musée ou en voyage, le jeu cherche également à susciter des « discussions animées et de nombreux éclats de rire ».
SPEED ART est le fruit d’une collaboration entre l’éditeur de jeux Carlitt plus Ravensburger, des concepteurs de jeux et l’équipe de la Médiation artistique de la Fondation Beyeler.
La réalisation de ce jeu d’art a été rendue possible grâce au soutien d’UBS, mécène de longue date et partenaire engagé de la Médiation artistique pour les enfants et pour les jeunes de la Fondation Beyeler.
l,art c'est quoi
SPEED ART prolonge d’autres initiatives ludo-éducatives du musée qui avaient déjà rencontré un grand succès: l’ouvrage « L’art, c’est quoi ? » et l’application pour Smartphone ArtShaker. (Lire article CLIC France: L’application ArtShaker de la Fondation Beyeler stimule le sens artistique et la créativité)
Photo Olivier Roller
Comme les initiatives précédentes, le jeu SPEED ART a pour objectif « d’éveiller la passion du plus grand nombre, et surtout des jeunes, pour l’art.
SPEED ART est également en vente dans les magasins de jouets.
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00,
le mercredi jusqu’à 20h00
 

Paul Signac au fil de l'eau

Jusqu’au  22 MAI 2016
C’est une collection très prestigieuse d’oeuvres de Paul Signac (1863-1935) qui est
présentée du 29 janvier au 22 mai à la Fondation de l’Hermitage de Lausanne : près de 140 peintures, aquarelles et dessins illustrent la carrière foisonnante du maître néo-impressionniste.

Maximilien Luce, Portrait de Paul Signac
Maximilien Luce, Portrait de Paul Signac

Réunie par une famille passionnée par l’artiste, cette collection unique constitue l’un des plus grands ensembles d’oeuvres de Signac conservé en mains privées. Elle offre un éventail exhaustif de l’évolution artistique du peintre, depuis les premiers tableaux impressionnistes jusqu’aux dernières aquarelles de la série des Ports de France, en passant par les années héroïques du néo-impressionnisme, l’éblouissement tropézien, les images flamboyantes de Venise, de Rotterdam et de Constantinople. Cette collection est également exceptionnelle par la diversité des techniques qu’elle embrasse : la fougue impressionniste des études peintes sur le motif s’y oppose aux polychromies sereines des tableaux divisés ; le japonisme audacieux des aquarelles y contraste avec la liberté des feuilles peintes en plein air. Quant aux grands lavis préparatoires
dessinés à l’encre de Chine, ils nous livrent les secrets de compositions sereines, longuement méditées à l’atelier. C’est donc une initiation aux harmonies chromatiques de Signac, doublée d’une invitation au voyage, que propose cette exposition.
Paul Signac Saint-Tropez. La jetée vue du chantier naval, 1892 crayon Conté, 23,7 x 30,5 cm collection privée © photo Maurice Aeschimann
Paul Signac
Saint-Tropez. La jetée vue du chantier naval, 1892
crayon Conté, 23,7 x 30,5 cm
collection privée
© photo Maurice Aeschimann

Au fil d’un parcours chronologique et thématique, le visiteur découvrira les multiples facettes d’un homme de convictions, épris de mer et de bateaux, mais surtout du peintre, amoureux de la couleur. Une riche section documentaire permet de s’initier aux théories de la couleur des néoimpressionnistes, et une salle réunissant des tableaux des principaux acteurs de ce mouvement (Pissarro, Luce, Van Rysselberghe, Cross) vient compléter la présentation.
Un ouvrage amplement illustré, publié en co-édition avec les éditions Skira, accompagne la manifestation.
Le commissariat de l’exposition est assuré par Marina Ferretti, directeur scientifique du Musée des impressionnismes à Giverny et coresponsable des Archives Signac.
Paul Signac Saint-Tropez. Fontaine des Lices, 1895 huile sur toile, 65 x 81 cm collection privée © photo Maurice Aeschimann
Paul Signac
Saint-Tropez. Fontaine des Lices, 1895
huile sur toile, 65 x 81 cm
collection privée
© photo Maurice Aeschimann

IVe exposition impressionniste. Elle compte des oeuvres de Gustave Caillebotte, Mary Cassatt, Edgar Degas, Claude Monet et Camille Pissarro. Signac a quinze ans et fait un croquis d’après Degas. Il se fait mettre à la porte de l’exposition par Paul Gauguin :
« On ne copie pas ici, Monsieur ».

1880 Juin : Exposition Claude Monet à La Vie moderne : « Qu’est-ce qui m’a poussé à faire de la peinture ? – C’est Monet ou plutôt la vue de quelques reproductions de tableaux dans La Vie moderne. Ce qui m’attirait chez cet artiste, c’était l’aspect révolutionnaire de son oeuvre. Il est vrai que la peinture de Detaille me paraissait alors d’une perfection difficile à atteindre ! Tandis que celle de Monet, rien ne me paraissait plus facile. Je ne me rendais pas compte à cette époque-là… J’avais dix-huit ans tout au plus », rappellera Signac.
Paul Signac, un homme de convictions
Surnommé par Thadée Natanson le « saint Paul du néo-impressionnisme », Paul Signac est l’apôtre des théories néoimpressionnistes.
Avec Camille Pissarro, il est un des tout premiers artistes à adopter la technique de la division des tons mise au point par Georges Seurat au cours de l’hiver 1885-1886.
Signac est aussi l’auteur du manuel théorique D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme, qui situe la théorie de la division des tons dans une perspective historique.
Des premières marines peintes avec une vigueur et une liberté impressionnistes aux amples architectures portuaires d’après-guerre, la description de l’eau et du ciel offre à Paul Signac un inépuisable prétexte à multiplier ses harmonies chromatiques. Ardent défenseur de la couleur pure, il y trouve une illustration naturelle de ses théories artistiques, car la réflexion de la lumière à la surface du fleuve et de la mer fragmente le réel en une myriade de taches colorées.
Paul Signac Soleil couchant sur la ville (étude), 1892 huile sur bois, 15,5 x 25 cm collection privée © photo Maurice Aeschimann
Paul Signac
Soleil couchant sur la ville (étude), 1892
huile sur bois, 15,5 x 25 cm
collection privée
© photo Maurice Aeschimann

Pour la couleur, de l’impressionnisme au néo-impressionnisme
C’est la visite de la première exposition monographique de Claude Monet en juin 1880 dans les locaux de la revue La Vie moderne qui décide de la vocation de peintre du jeune Signac. D’emblée, il choisit d’évoquer l’eau et ses reflets, et dès 1882, il s’essaye en autodidacte au genre de la marine à Port-en-Bessin. Proches de l’art de Monet, les paysages de jeunesse se distinguent par le choix de couleurs fortes et de compositions frontales. Le tempérament énergique de Signac, son amour du plein air et de la couleur le portent naturellement à une approche de type impressionniste qui
persistera jusqu’à la fin dans sa carrière, par le biais de la pratique de l’aquarelle ou dans le traitement très libre de ses études peintes sur le motif.
En mai 1884, Signac rencontre Georges Seurat à l’occasion de la première exposition du Groupe des artistes indépendants. Les deux peintres se lient d’amitié et Signac, qui reste fidèle à l’impressionnisme, participe dès lors aux
recherches de Seurat sur l’harmonie des lignes et la perception des couleurs.
Paul Signac Saint-Briac, Les balises, opus 210, 1890 huile sur toile, 65 x 81 cm collection privée © photo Maurice Aeschimann
Paul Signac
Saint-Briac, Les balises, opus 210, 1890
huile sur toile, 65 x 81 cm
collection privée
© photo Maurice Aeschimann

En 1885, ils visitent ensemble la rétrospective consacrée à Eugène Delacroix à l’Ecole des Beaux-Arts. Ils se rendent aussi à la manufacture des Gobelins pour assister à quelques expériences en application des théories d’Eugène Chevreul. Au cours de l’hiver
1885-1886, Seurat reprend entièrement une grande toile commencée l’année précédente, Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte (1884-1886, Chicago, The Art Institute), en appliquant pour la première fois la théorie du
mélange optique. Pour éviter de ternir l’harmonie chromatique du tableau en mélangeant les tons sur la palette, il pose des petites touches de couleur pure côte à côte sur la toile, en laissant à l’oeil du spectateur le soin de recomposer les
tons. Signac adopte rapidement cette technique à laquelle il sera définitivement fidèle. La touche divisée confère aux toiles néo-impressionnistes un effet de vibration délicate qui se prête à l’analyse des variations de la lumière. Les paysages d’eau peints alors expriment une poésie quasi abstraite, que Signac souligne en leur attribuant des titres
d’inspiration musicale. (Opus)
Paul Signac La Baie (Saint-Tropez), vers 1908 aquarelle et encre de Chine, 20,8 x 25,7 cm collection privée © photo Maurice Aeschimann
Paul Signac
La Baie (Saint-Tropez), vers 1908
aquarelle et encre de Chine, 20,8 x 25,7 cm
collection privée
© photo Maurice Aeschimann

Grâce à Pissarro, séduit lui aussi par la théorie de la division, Signac et Seurat participent en 1886 à la huitième et dernière exposition du groupe impressionniste.
Signac au temps d’harmonie
Signac, conscient que l’avenir du mouvement repose désormais uniquement sur ses épaules, continue à défendre la théorie de la division des tons et ne tardera pas à faire évoluer le néo-impressionnisme.
A Saint-Tropez, il s’essaye à l’aquarelle, qui devient dès lors une de ses techniques de prédilection. Si certaines de ses aquarelles exécutées sur le motif lui permettent de mettre en place une toile peinte à l’huile, nombreuses sont traitées
de façon indépendante, datées, signées et exposées dès 1892. Au cours des trois années qui suivent, Signac peint exclusivement les paysages du petit port varois et, progressivement, use plus librement de la division des tons. La touche s’élargit et, dans ses oeuvres toujours plus colorées, il privilégie les effets de contraste pour donner davantage
d’impact à la couleur. Cessant aussi d’attribuer un numéro d’opus à ses tableaux, il entreprend la rédaction de son journal. C’est le début d’une réflexion théorique et d’une mise en perspective du néo-impressionnisme qui aboutira à la
publication en 1899 du traité D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme.
Paul Signac Constantinople. Yeni Djami, vers 1909 aquarelle, plume et encre de Chine, 20,8 x 25,7 cm collection privée © photo Maurice Aeschimann
Paul Signac
Constantinople. Yeni Djami, vers 1909
aquarelle, plume et encre de Chine, 20,8 x 25,7 cm
collection privée
© photo Maurice Aeschimann

 Le temps des voyages
Dès 1896, Signac voyage en Hollande et ne tarde pas à retrouver ensuite les sites qui ont inspiré ses oeuvres de jeunesse, notamment les plages de la Manche au Mont-Saint-Michel et les bords de la Seine près de Paris. Signac visite les grands ports européens : Venise en 1904 et 1908, Rotterdam en 1906, Istanbul en 1907. Sans oublier les ports français, notamment Marseille et La Rochelle. Au cours de ses voyages, il note ses
impressions à l’aquarelle avant d’élaborer ses tableaux à l’atelier. A partir de 1900, il interprète de plus en plus librement la couleur des paysages observés, tandis que ses compositions équilibrées et rythmées par d’amples arabesques prennent des accents classiques. Elles sont précédées par un nombre croissant de travaux préparatoires.
Aux études peintes sur le motif s’ajoute une importante production, de dessins et d’aquarelles.
Paul Signac L’arc-en-ciel (Venise), 1905 huile sur toile, 73 x 92 cm collection privée  © photo Maurice Aeschimann
Paul Signac
L’arc-en-ciel (Venise), 1905
huile sur toile, 73 x 92 cm
collection privée
© photo Maurice Aeschimann

 
Signac aquarelliste et nomade
Après-guerre, en 1921, Signac quitte Antibes pour Saint-Paul-de-Vence et sillonne les routes de France. Le néoimpressionnisme est depuis longtemps entré dans l’histoire, ce qui signifie qu’il n’appartient plus à l’avant-garde artistique.
S’il peint toujours avec passion les quais de la Seine à Paris, on le trouve souvent dans la vallée du Rhône où il recherche les sites évoqués par Stendhal et rêve d’illustrer Mémoires d’un touriste, « le plus beau livre du monde ».
Mais c’est en Bretagne, à Lézardrieux, sur les bords du Trieux, qu’il s’installe en 1924. Il se rend souvent à Saint-Malo où l’attirent les terre-neuvas et assiste à la partance des
« Islandais » qu’il observe inlassablement.
Signac la série des ports
Son dernier projet artistique est la série consacrée aux ports de France dans la lignée des grands peintres et graveurs
de marines tels que Joseph Vernet, Nicolas Marie Ozanne et Louis Garneray. De 1929 à 1931, grâce au soutien financier de l’homme d’affaires Gaston Lévy, Signac alors largement sexagénaire entreprend de parcourir la France de
port en port et d’en rapporter des vues à l’aquarelle. Il décrit avec un plaisir toujours renouvelé la diversité des ciels, des gréements et des architectures portuaires, sans savoir que ces séduisants paysages ne tarderont pas à connaître de sévères destructions.
(M. F. B.)
VISITES COMMENTÉES PUBLIQUES
Les jeudis à 18h30 et les dimanches à 15h
Prix : CHF 5.- (en plus du billet d’entrée) / gratuit pour les Amis de l’Hermitage
Sans réservation, nombre de participants limité
VISITES COMMENTÉES POUR GROUPES PRIVÉS
Des visites peuvent être organisées sur demande, en français, allemand ou anglais.
Prix : CHF 130.- (en plus des billets d’entrée). Maximum 25 personnes par groupe
Renseignements et réservations : +41 (0)21 320 50 01
CONFÉRENCES
Jeudi 17 mars à 18h30
Les relations entre art et science des couleurs, de Paul Signac à la neurophysiologie contemporaine par Libero Zuppiroli, professeur émerite à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et coauteur d’un Traité des couleurs (2012)
Jeudi 21 avril à 18h30
Signac et la découverte de Saint-Tropez
par Marina Ferretti, commissaire de l’exposition, directeur scientifique du Musée des impressionnismes à Giverny et coresponsable des Archives Signac
Prix des conférences : CHF 12.- / CHF 10.- tarif réduit / gratuit pour les Amis de l’Hermitage
Billet combiné (conférence + exposition) : CHF 25.- / CHF 23.- retraités / CHF 15.- étudiants
Renseignements et réservations : +41 (0)21 320 50 01
CONCERT
Jeudi 28 avril à 19h
La musique au temps de Signac
Claude Debussy, La Mer (1905), Petite Suite (1889)
Gabriel Fauré, Suite Dolly (1906)
Maurice Ravel, Ma Mère L’Oye (1908)
par « The Françoise-Green Piano Duo », Londres
Prix : 28.- / 25.- prix réduit
Billet combiné (concert + exposition) : 36.- / 32.- retraité / 20.- étudiant
Sur réservation au +41 (0)21 320 50 01
SOIRÉES ART & GASTRONOMIE
Débutant à 18h45 par une visite commentée de l’exposition, la soirée est suivie à 20h d’un repas gourmand
inspiré par l’oeuvre de Paul Signac, au café-restaurant L’esquisse.
Sur réservation au +41 (0)21 320 50 01
 

Lucien Clergue, photographe, académicien

Jusqu’au  15 février 2016 au Grand Palais galeries nationales
entrée galerie sud-est

Francis Selier A l’homme du sable et du langage de la lumière Angoulême, 11 avril 2014 tirage moderne argentique ; 170 x 150 cm © Francis Selier
Francis Selier
A l’homme du sable et du langage de la lumière
Angoulême, 11 avril 2014
tirage moderne argentique ; 170 x 150 cm
© Francis Selier

Lucien Clergue (1934-2014) n’a pas encore vingt ans lorsque Pablo Picasso décide de le parrainer après qu’il lui ait présenté ses premières photos à la sortie d’une corrida, à Arles (1953). Il accepte de dessiner pour lui la couverture de plusieurs ouvrages à venir et lui présente Jean Cocteau qui l’aide généreusement à structurer le discours de son oeuvre.
Lucien Clergue
C’est grâce à la découverte d’albums de travail à la mort du photographe, restés jusque-là inconnus, que l’on peut saisir la fulgurance et la poésie mortifère qui habitaient alors Lucien Clergue et qui a séduit ces deux grands artistes. Sept albums, notamment de collections textiles pour couturière, récupérés, dont les échantillons de tissus ont été remplacés par des contacts présentent les thèmes les plus radicaux des
premiers travaux de Lucien Clergue : charognes, ruines, enfants déguisés en saltimbanques, gitans, et très vite, la tauromachie et les premiers nus.
Tout est dit de l’âme de ce jeune adulte, encore enfant pendant les
bombardements de la seconde guerre mondiale, qui soigne sa mère, petite commerçante arlésienne, avant qu’elle ne disparaisse alors qu’il est encore jeune.
Célèbre pour ses photographies de nus féminins qui rencontrent la révolution sexuelle des années 60/70, le coeur de l’oeuvre de Clergue est d’une autre poésie.
Cette exposition le raconte à travers un parcours original
qui propose une lecture de l’oeuvre, réduite, réorganisée et dans une nouvelle hiérarchie.
Lucien ClerguePar exemple : ses magnifiques photographies des gitans d’Arles et des Saintes Maries, prennent une ampleur que l’artiste ne leur avait pas donné de son vivant ne voulant pas être pris pour un reporter à une époque où la photographie
était très clivée. Il était d’ailleurs celui qui avait découvert Manitas de Plata qu’il accompagne dans le monde entier.
Cette mise en place rapide d’une oeuvre trouve son aboutissement dans une thèse qu’il soutient uniquement à l’aide de photographies devant Roland Barthes qui lui reconnait la maitrise d’un langage émergent. C’est l’apogée de la recherche de Lucien Clergue. Il consacre ensuite une grande partie de son énergie à promouvoir
le travail des autres à travers la création des Rencontres Internationales de la Photographie qui deviennent vite le rendez-vous mondial de cet art en plein essor, en parallèle de la gestion de sa propre carrière.
Les premiers albums
Très tôt exposé au Musée d’Art Moderne de New York (1961), la consécration de Lucien Clergue est d’être le premier photographe à entrer à l’Académie des beaux-arts (2006). Son succès vient aussi de sa qualité de conteur. Sa voix, enregistrée à l’occasion d’une exposition fêtant ses 80 ans aux Rencontres d’Arles, accompagne les visiteurs ainsi que quelques enregistrements pour la télévision qui montrent, très tôt, sa
conviction de ce que la photographie va advenir.
Le parcours conçu par les deux commissaires permet de s’immerger, dans les meilleures photographies de cette période féconde, regroupées par thèmes, dans une mise en scène qui rend la visite très dynamique et redonne sa juste place à ce photographe mondialement célèbre.
Le couturier et décorateur de théâtre arlésien Christian Lacroix et le directeur artistique, ancien directeur des Rencontres de la photographie d’Arles, François Hébel, ont été invités par le Grand Palais à réaliser le commissariat et la scénographie de cette exposition pour leur amitié avec Lucien Clergue et leur passion partagée pour Arles, cadre indissociable de l’oeuvre du photographe.
Lucien Clergue
 Ruines, cimetières, saltimbanques, charognes
La mère de Lucien Clergue, qui l’élève seule, rêve d’en faire un artiste. Elle tombe bientôt malade et le jeune Lucien la soigne au quotidien jusqu’à sa mort.
Cette jeunesse difficile aide à comprendre les images sombres des premiers travaux de Lucien Clergue.
Il soumet régulièrement ses recherches à ses amis Jean-Marie Magnan et Jean-Maurice Rouquette. Ce sont ces photos qui séduiront Pablo Picasso à qui Lucien Clergue les présente à l’issue d’une corrida. Ainsi encouragé, il poursuit rapidement avec la série des pierrots et des arlequins, enfants qu’il déguise et fait poser plusieurs après-midis durant dans les vestiges de la ville bombardée, les dirigeant selon des mises en
scène mélancoliques, au coeur desquelles Lucien Clergue dira s’être représenté à travers le petit violoniste.
Lucien Clergue
Picasso, Cocteau, Saint-John Perse
Intuitive au début, la photographie de Lucien Clergue a été encouragée, alors qu’il a à peine vingt ans, par les avis et le soutien déterminants des maîtres qu’il se choisit : en 1953, à la sortie d’une corrida, il présente son travail à Pablo Picasso, qui le considère avec bienveillance et lui conseille de rencontrer Jean Cocteau.
De ces rencontres naît une relation suivie avec les deux hommes, qu’il rencontre très régulièrement à Arles, Paris, Mougins ou Cannes, et auxquels il présente le guitariste gitan Manitas de Plata.
Picasso dessine les couvertures de ses premiers livres ; Jean Cocteau le conseille pour le choix de ses titres et rédige des textes pour accompagner ses photos.
Cocteau invite Lucien Clergue à participer au tournage du Testament d’Orphée dans les carrières des Bauxde-Provence.
Jean-Maurice Rouquette fait remarquer à Lucien Clergue la proximité du poème Amers (1957) de Saint-John Perse avec ses photographies. Un concours de circonstances fait peu après se rencontrer le photographe et le poète diplomate, avec qui il se lie à son tour et pour lequel il illustre une réédition du fameux poème.
Lucien Clergue
Les Gitans
Une importante communauté gitane est implantée à Arles, dont beaucoup de ses membres sont sédentarisés.
Ils sont rejoints chaque année au mois de mai par des nomades de toute l’Europe qui se rendent au pèlerinage de leur patronne, sainte Sara, aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
Cette communauté a longtemps vécu en cercle fermé, maintenant ses traditions, un certain nombre de rituels et possédant un sens de la fête qui n’a pas manqué de séduire Lucien Clergue.
Il constitue un très beau témoignage photographique sur leur quotidien, leurs fêtes, leurs commerces forains, qui contraste avec le travail de recherche plus poétique dont il a fait le coeur de son oeuvre.
Sa fréquentation de la communauté gitane lui permet de rencontrer Manitas de Plata et son ami musicien José Reyes, qu’il aidera à faire connaître mondialement, ainsi que, plus tard, les Gipsy Kings, fils de José Reyes. Avant de devenir célèbres à leur tour, ces derniers joueront régulièrement pour fêter les invités de Lucien Clergue aux Rencontres internationales de la photographie.
Lucien Clergue
Toros
Naître à Arles, c’est, à cette époque en particulier, naître dans l’afición, la tauromachie, les « toros ». Toute sa vie, Lucien Clergue photographiera les corridas depuis le callejón à Arles, Nîmes, Béziers, Séville, Madrid…
L’un de ses tout premiers travaux le distingue : l’agonie du taureau photographiée au ras du sol sous la barrière de protection. Il montre ainsi que l’animal, après le combat, reste le roi de l’arène et a droit d’être célébré au même titre que le torero.
Il réalise sur ce thème son premier film, Le Drame du taureau (1965, prix Louis Lumière 1966), qui est sélectionné pour le Festival de Cannes 1968, hélas interrompu par les événements avant la proclamation du palmarès.
Lucien Clergue
Les premiers nus
Photographiés en plan rapproché sur les plages de Camargue, les corps de femmes aux formes généreuses surgissent des vagues avec une joie et une vitalité infinies, une fraîcheur inédite dans la photographie de nu féminin.
En supprimant les visages du cadre, Lucien Clergue donne à ces corps une dimension universelle. Mais c’est aussi pour pouvoir exposer ses photos, car il lui faut choisir entre les visages ou les corps.
La quête de reconnaissance de ce nouvel art qu’est la photographie, à peine un siècle après son invention, passe alors pour beaucoup par le rapprochement avec le dessin, et le nu féminin reste souvent académique.
Les nus de Lucien Clergue créent une rupture nette avec la manière alors en vigueur.
Ces nus ont un succès immédiat qui doit autant à la publication des ouvrages, où ils accompagnent des poèmes de Paul Éluard ou de Saint-John Perse, qu’à la libération sexuelle du milieu du XXe siècle.
La série Née de la vague acquiert une notoriété qui dépasse les seuls amateurs de photographie et devient aussi célèbre que populaire.
Lucien Clergue
Contrastes
À l’occasion de l’exposition au Grand Palais, il a semblé intéressant de montrer une sélection importante d’images réalisées par Lucien Clergue dans les années 1960 et au début des années 1970.
L’heure est alors au cinétique, au psychédélisme dans l’art. Lucien Clergue poursuit donc son exploration des terres provençales et camarguaises, mais en optant pour des lumières plus radicales. Forts contrejours, reflets, tirages contrastés : il y a là une énergie nouvelle, une intensité très puissante dans ces images graphiques et abstraites qui semblent très loin du jeune Clergue mélancolique.
Lucien Clergue choisit de réaliser pour cette série de grands tirages (50 × 60 cm pour la plupart) dont de nombreux originaux nous sont parvenus. Cent quatre-vingt-dix-huit d’entre eux sont présentés ici.
Cette série, qui représente une étape importante du travail de Lucien Clergue, a été peu montrée récemment et mérite d’être proposée aux regards d’aujourd’hui.
Lucien Clergue
Langage des sables
À la suite de ses échanges avec les photographes américains et de la découverte aux États-Unis des workshops (stages éducatifs) qu’il importe à Arles, Lucien Clergue ressent le besoin de faire valider son intuition créative par une caution universitaire.
Ayant été dans l’obligation de travailler très jeune pour subvenir aux besoins de sa famille et payer les dettes de sa mère, il a quitté l’école trop tôt pour obtenir un quelconque diplôme.
Il revient sur les plages de Camargue où il a effectué ses premières recherches, puis présente une thèse de doctorat en photographie, Langage des sables, qu’il soutient notamment devant Roland Barthes en 1979.
Élaboré à partir de formes et de dessins abstraits et éphémères laissés sur le sable, ce travail au caractère exclusivement graphique séduit les universitaires par sa structure, au point d’être validé en l’absence de tout texte théorique.

Sommaire de janvier 2016

Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016
Robert Cahen, Retable du XXIe s, Tombe 2016

02 janvier 2016 : Le Musée Unterlinden
08 janvier 2016 : Cours Publics 2016
09 janvier 2016 : Prédelles pour Aujourd’hui
11 janvier 2016  : Tristan Tzara, l’homme approximatif
14 janvier 2016 : Yusuf Sevinçli « Dérive »
17 janvier 2016 : Nuit des Musées bâlois 2016
18 janvier 2016 : Les Muses de Didier Paquignon à la Fondation Fernet Branca
20 janvier 2016 : Fragonard amoureux. Galant et libertin
24 janvier 2016 : Marc Chagall : Le Triomphe de la musique
29 janvier 2016 : « Warhol Unlimited »

« Warhol Unlimited »

Jusqu’au 7 février 2016
« Vous allez au musée et ils disent que c’est de l’art et des petits carrés sont accrochés au mur. Mais tout est de l’art et rien n’est de l’art. »
(Andy Warhol, Newsweek, 7 décembre 1964)

Warhol, Shadows
À l’occasion de la première présentation en Europe des Shadows (1978-79)  (vidéo) dans leur totalité, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacre une exposition exceptionnelle à Andy Warhol (1928-1987).
Avec plus de 200 oeuvres, elle met en valeur la dimension sérielle de l’oeuvre de Warhol, aspect incontournable de son travail, et sa capacité à repenser les principes de l’exposition.
C
onservée à la Dia Art Foundation, les Shadows, étonnant ensemble de 102 toiles sérigraphiées de 17 couleurs différentes se déploient sur une longueur de plus de 130 mètres. Elles rappellent de façon magistrale la capacité de Warhol à ébranler les conventions de l’art, depuis la conception des oeuvres jusqu’à leur mise en scène. A la question de savoir si elles étaient de l’art, Warhol répondait non :
« … on passait de la disco durant le vernissage, je suppose que ça en fait un décor disco »
.

Wahrol, Electric ChairL’art de Warhol se présente comme un défi que l’exposition du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris étend à plusieurs séries comme les Electric Chairs (1964-1971), les Jackies (1964), les Flowers (1964-1965), les Maos (1972-1973).
La manière souvent controversée avec laquelle l’artiste mettait en scène son propre travail est au centre de toutes les interrogations qui légitiment cette exposition. On y retrouve le souci constant de l’artiste d’investir l’espace et le temps pour en remodeler notre perception.

Andy Warhol (1928-1987), Self-Portrait, 1966, peinture acrylique et encre sérigraphique sur 9 toiles de 57,2 x 57,2 cm, dimension totale : 171,7 x 171,7 cm , New York, Museum of Modern Art (MoMA), Gift of Philip Johnson. Acc. n.: 513.1998.a-i. © 2015. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2015
Andy Warhol (1928-1987), Self-Portrait, 1966, peinture acrylique et encre sérigraphique sur 9 toiles de 57,2 x 57,2 cm, dimension totale : 171,7 x 171,7 cm , New York, Museum of Modern Art (MoMA), Gift of Philip Johnson. Acc. n.: 513.1998.a-i.
© 2015. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2015

Le visiteur est invité à se laisser submerger par l’accumulation des oeuvres d’Andy Warhol, des Self-portraits (1966-1967, 1981) aux Brillo Boxes (1964), des portraits filmés (les Screen Tests, 1964-1966) aux papiers peints les Cows (1966), des ensembles de Flowers aux frises de Maos, du cinéma expérimental (le célèbre film Empire de huit heures, 1964) aux Silver Clouds (1966), sans oublier les environnements spectaculaires des concerts du Velvet Undergound (l’Exploding Plastic Inevitable, 1966).
Warhol, Brillo box
Aussi encensé que critiqué, l’artiste possède toujours la capacité de bouleverser les attentes du visiteur et cela malgré la surmédiatisation à laquelle il a pratiquement toujours été exposé. Au-delà de son image superficielle de « roi du Pop Art », Warhol n’a eu de cesse de réinventer le rapport du spectateur à l’oeuvre d’art. Débordant sans cesse des cadres qu’on lui assigne, Andy Warhol s’impose comme l’artiste de la démesure. Quelles que soient les formes explorées, son rapport à l’oeuvre tend vers l’abolition des limites.
Les nuages de Warhol
Andy Warhol, par opposition « à ces petits carrés au mur » que représentent les peintures, invente les Silver clouds en 1966, ces petits nuages ou peintures qui flottent au plafond et qui créent un environnement changeant, aléatoire et instable. Une bonne occasion pour les petits et les grands de créer ensuite leur propre peinture flottante à partir de ballons à customiser.

Andy Wahrol Silver Clouds
Sébastien Gokalp, commissaire de Warhol Unlimited.
Une vie une oeuvre Andy Warhol sur France culture
Catalogue de l’exposition
Titre : Warhol Unlimited sous la direction d’Hervé Vanel
Édition : Paris Musées
Version française
Horaires d’ouverture
Mardi au dimanche de 10h à 18h (fermeture des caisses à 17h15)
Nocturne le jeudi de 18h à 22h seulement pour les expositions
(fermeture des caisses à 21h15)
Fermeture le lundi et certains jours fériés

les visiteurs de l’exposition Warhol Unlimited peuvent télécharger gratuitement une application dédiée à la découverte de l’Art de Warhol.
Téléchargeable sur place au musée grâce à une borne de téléchargement ou en ligne sur Apple Store et Play Store, cette application propose une visite guidée de l’exposition par Sébastien Gokalp, commissaire de Warhol Unlimited.
application

Marc Chagall : Le Triomphe de la musique

jusqu’au dimanche 31 janvier 2016
 

L’exposition de la Philharmonie de Paris intitulée
Marc Chagall : Le Triomphe de la musique  (vidéo)
explore les créations pour la scène de Marc Chagall, les commandes décoratives et architecturales liées à la musique. Une nouvelle approche musicale de l’oeuvre est nourrie par l’écoute des sons et des résonances de la matière. Sont réunies environ 270 oeuvres (peintures, dessins, costumes, sculptures et céramiques), incluant des installations multimédias notamment grâce à un dispositif exceptionnel développé par le Google Lab autour du plafond de l’Opéra et un ensemble de photographies, pour la plupart inédites, dont celles qu’Izis créa dans l’atelier de Marc Chagall dans les années 1960.
home-chagall-triomphe
Les décors que Chagall réalisa pour le Théâtre d’art juif de Moscou en 1920, conservés à la Galerie Tretiakov, constituent un décor universel réunissant les arts (Musique, Danse, Théâtre, Littérature) dans une approche d’art total, faisant rayonner la culture et la langue yiddish par l’association du spectacle populaire, de la musique, du rythme, du son et de la couleur.
Chagall théatre juif
Plus tard, fuyant l’Europe pour les États-Unis, Chagall renouvelle son approche scénique par la découverte de l’espace et de la monumentalité de l’architecture et des paysages américains. En 1942, il crée les décors et les costumes pour Aleko à Mexico, puis pour L’Oiseau de feu à New York en 1945, renouant ainsi avec la musique russe.
Chagall l'oiseau de feu
De retour en France, l’Opéra de Paris lui commande un travail similaire pour Daphnis et Chloé en 1958 (1959 pour la première à l’Opéra de Paris), une collaboration qui culminera en 1962 avec la commande par André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, du célèbre plafond de l’Opéra Garnier, inauguré en 1964. Panthéon musical personnel de l’artiste, il constitue à lui seul un formidable hommage aux compositeurs qui ont marqué l’histoire de la musique. Les nombreuses esquisses inédites de ce projet, également présentées dans ce volet de l’exposition, restituent pas à pas la genèse de la création et les différentes étapes de son processus créatif. Dans toute l’oeuvre de Chagall, la musique se manifeste par un surprenant éventail de résonances à travers lesquelles notre temps se révèle enchanteur.
Chagall rideau de Daphnis et Chloé
Commissariat : Ambre Gauthier est docteure en histoire de l’art. Sa thèse, consacrée aux revues de galeries d’art en France dans l’entre-deux-guerres (1918-1940), propose une nouvelle lecture des liens entre les avant-gardes, l’édition et le marché de l’art moderne en Europe.
Directeur musical : Mikhaïl Rudy. Né en Russie, élève au célèbre Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, il remporte le Premier grand prix du Concours Marguerite Long à Paris en 1975. Peu de temps après, au cours de sa première tournée de concerts il demande l’asile politique en France. À la demande de Rostropovitch, le tout jeune pianiste Mikhaïl Rudy est invité à jouer avec lui et Isaac Stern le triple concerto de Beethoven pour l’anniversaire des 90 ans de Marc Chagall, scellant une amitié bienveillante entre les deux hommes.
Musique diffusée :
• Jean-Philippe Rameau (1683-1764),
Les Indes galantes
• Claude Debussy (1862 -1918),
Pelléas et Mélisande
• Maurice Ravel (1875-1937), Daphnis et Chloé
• Igor Stravinski (1882-1971), L’Oiseau de feu
• Adolphe Adam (1803-1856), Giselle
• Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893),
Le Lac des cygnes
• Modeste Moussorgski (1839-1881), Boris Godounov
• Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791),
La Flûte enchantée
• Hector Berlioz (1803-1869), Roméo et Juliette
• Richard Wagner (1813-1883), Tristan und Iseult
• Christoph Willibald Gluck (1714-1787),
Orphée et Eurydice
• Ludwig van Beethoven (1770-1827), Fidelio
• Georges Bizet (1838-1875), Carmen
• Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata
Philharmonie de Paris
L’exposition Chagall et la musique sera présentée dans une version resserrée à Nice, au Musée national Marc Chagall du 5 mars au 13 juin 2016 et dans une version recomposée à Montréal (Canada), au Musée des beaux-arts du 21 janvier au 14 mai 2017.

Fragonard amoureux. Galant et libertin

Il ne reste  que quelques jours,
l’exposition se termine le 24 janvier 2016
Fragonard amoureux. Galant et libertin au musée du Luxembourg

Musée du Luxembourg
Jean-Honoré Fragonard (1732-18o6) fut sans doute le peintre français le plus emblématique des décennies qui ont précédé la Révolution. Paysage, scène de genre, peinture d’histoire, grand décor voire portrait, il aborda toutes les veines avec bonheur mais, selon son premier biographe, “il s’adonna [surtout] au genre érotique dans lequel il réussit parfaitement”. La thématique amoureuse est en effet centrale dans son oeuvre.
 

Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Paris, musée du Louvre. RF1974-2.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Paris, musée du Louvre. RF1974-2.



De sa vie personnelle, on sait peu de choses.  Naissance à Grasse en 1732,
vers 1738 installation de la famille à Paris, vers 1748-1752 il commence sa formation de peintre auprès de Jean-Baptiste Chardin puis de François Boucher.
En 1752 il remporte le Grand Prix de l’Académie royale de peinture.
De 1756 à 1761 il est  Pensionnaire de l’Académie de France à Rome
De ses liaisons prétendues avec les célèbres courtisanes de son temps telle Marie-Madeleine Guimard (1743-1816), tout semble avoir été inventé au xixe siècle. Bon époux, bon père, tel fut Fragonard d’après les témoignages les plus fondés. Son union avec Marie-Anne Gérard (1745-1823) épousée en 1769, fut heureuse et durable. Elle était, comme lui, artiste, peintre en miniature, et originaire de Grasse dans le sud de la France.
La fougue amoureuse de Frago, ainsi qu’il se dénommait lui-même, est à chercher ailleurs, dans son oeuvre ! Alors que les Lumières accordent une place nouvelle aux sens et à la subjectivité, et que le jeune genre romanesque en plein essor place l’amour au coeur des fictions, Fragonard va décliner sur sa toile ou sous ses crayons les mille variations du sentiment, à l’unisson de son époque. C’est l’exploration de cette thématique amoureuse que l’on va suivre, entre les derniers feux de l’amour galant et le triomphe du libertinage, jusqu’à l’essor d’un amour sincère et sensible, déjà “romantique”.
Jean  Honoré Fragonard le Colin Maillard
Jean Honoré Fragonard le Colin Maillard

LE BERGER GALANT
Hérité des précieuses, des poètes et des moralistes du “Grand Siècle”, l’idéal de “galanterie” constitue au XIIIe siècle une valeur identitaire pour les Français.
“L’amour galant”, sans taire l’inclination des sens, prône la tendresse, la sincérité, le respect mutuel et la fidélité dans une absolue discrétion. À la fin des années 1730, le peintre François Boucher (1703-1770) se fait l’inventeur d’une iconographie nouvelle qui mêle thématique amoureuse et galanterie pastorale en s’inspirant de d’Urfé notamment. C’est à cette école que Fragonard, élève de Boucher au début des années 1750, fera son premier apprentissage de l’iconographie amoureuse. Avec lui cependant, un souffle plus franc et charnel vient faire frissonner l’Arcadie.
Fragonard les amours des dieux
LES AMOURS DES DIEUX
Au cours des années 1740-1750, les fables mythologiques de l’Antiquité mises en scènes par François Boucher et ses émules deviennent l’emblème d’une peinture frivole, voire licencieuse.
C’est que depuis la Régence (1715-1723), le “libertinage” triomphe parmi les élites en adoptant les formes et le vernis policé de la galanterie, pour mener en fait une quête hédoniste du plaisir charnel complètement découplé du sentiment amoureux. Les espaces de plaisirs, mais aussi les salons d’apparat et jusqu’au décor pour la chambre à coucher de Louis XV au château de Marly, sont alors recouverts de peintures mythologiques amoureuses.
Fragonard est formé à cette école. Il produit, à des fins décoratives, ses premières peintures sensuelles dans la mouvance de Boucher. Lors de son séjour à Rome comme pensionnaire de l’Académie de France de 1756 à 1761, il étudie de première main les chefs-d’oeuvre de l’Antiquité. À son retour, il exécute lui-même une magnifique suite gravée, les Jeux de satyres, où l’art antique reprend vie de la plus robuste manière. En 1765 enfin, il devient un peintre éminent grâce au succès de Corésus et Callirhoé, une sombre histoire d’amour mythologique, où s’associent le frémissement des sens et la tragédie de la passion. La leçon de Boucher est désormais dépassée…
Fragonard
ÉROS RUSTIQUE ET POPULAIRE
Au moment de son premier séjour romain (1756-1761) et surtout après son retour, Fragonard renouvelle son traitement des amours pastorales et populaires. Deux veines s’illustrent alors.
Tout d’abord, une veine roturière assume ostensiblement la part des pulsions charnelles avec une franchise voire une grossièreté délibérée. Elle dérive du genre littéraire “poissard” qui fait florès dès les années 1740-1750. Instauré par les récits du comte de Caylus (1692-1765) ainsi que par les opéras-comiques de Jean-Joseph Vadé (1720-1757), le genre poissard revendique ses références picturales, à savoir essentiellement les scènes rustiques des peintres flamands du XVIIe siècle David Teniers (1610-1690) et Rubens (1577-1640). Fragonard va puiser à ces mêmes sources. Amusé, grivois sans doute, Frago se distingue de ses devanciers en ce que le mépris ne se dégage pas de ses représentations des amours villageoises.
Une autre veine, plus recueillie et sentimentale, porte la marque du culte de la nature instauré par Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Le Pâtre jouant de la flûte, sans doute exposé au Salon de 1765, relève de cette poétique inspiration.
Fragonard, la laitière et le pot au lait
FRAGONARD ILLUSTRATEUR DES CONTES LIBERTINS
Le XVIIIe siècle a été un siècle d’or pour le livre illustré. Le milieu du siècle correspond justement à une période de plein épanouissement esthétique et commercial de cette sphère. Au cours des années 1750 ce sont les ouvrages lestes voire licencieux qui rencontrent le plus grand succès. Ainsi l’édition des Contes de Jean de la Fontaine (1621-1695) illustré par Charles Eisen (1720-1778) en 1762 qui connait un véritable triomphe. Ces contes licencieux ne relèvent pas du tout de la même inspiration moraliste que les célèbres Fables, et l’on considère qu’ils sont une des sources de toute la littérature libertine du XVIIIe siècle.
Fragonard s’intéresse à l’illustration des Contes sans doute dès la fin de son séjour romain et au cours des années 1760. L’artiste lui consacra plusieurs séries de dessins. La plus complète, constituée de cinquante-sept feuilles, est celle qui fut rassemblée dans les deux albums conservés au Petit-Palais ici présentés.
PIERRE-ANTOINE BAUDOUIN, UN MAÎTRE EN LIBERTINAGE
Durant les années 1760 Fragonard apparaît très proche du peintre en miniature Pierre-Antoine Baudouin (1723-1769). Élève de Boucher, celui-ci se fait connaître en produisant des dessins à la gouache dont les sujets recoupent ceux de la littérature libertine.
Le succès foudroyant de ses gouaches exposées publiquement est conforté par le scandale qu’elles suscitent parfois. Ses participations aux Salons sont attendues, abondamment commentées par la critique. Des compositions plus libres encore, exécutées pour des amateurs fortunés, sont parfois divulguées – souvent édulcorées – par le biais de la gravure.
Baudouin a sans doute été pour Fragonard un mentor en iconographie libertine. À partir de 1765, ils se partagent l’atelier du défunt peintre Deshays au Louvre. En 1767, ils font la demande d’aller copier ensemble les tableaux de Rubens au palais du Luxembourg – l’actuel Sénat ! Au moment du décès précoce de Baudouin en 1769, les dessins et tableaux de Fragonard abondent dans son atelier. Leurs oeuvres enfin se répondent au point que certaines compositions libertines de Fragonard semblent un hommage à son aîné.
Jean-Honoré Fragonard: Den vackra tjänsteflickan ("La résistance inutile"). NM 5415
Jean-Honoré Fragonard: Den vackra tjänsteflickan (« La résistance inutile »).
NM 5415

FRAGONARD ET L’IMAGERIE LICENCIEUSE
À partir de la Régence (1715-1723), une grande partie des élites françaises adoptent le “libertinage”. Les sphères littéraires et artistiques en sont profondément affectées. Les livres lascifs illustrés et les gravures licencieuses, diffusés sous le manteau, connaissent un succès sans précédent. Apparaissent aussi des espaces privés dévolus à la consommation du plaisir : “boudoir” au sein de la demeure et “petite maison”, résidence construite à la périphérie de la capitale où selon les mots de Crébillon, le “libertin veut cacher sa faiblesse ou ses sottises”. Les peintres participent au décor de tels espaces, en 176o-177o, Frago s’impose comme le ténor incontesté de cette veine.
Fragonard
“Je peindrais avec mon cul”.
Selon un témoignage rapporté seulement au XIXe siècle, Fragonard aurait déclaré
“je peindrais avec mon cul”. Et en effet, par sa technique si démonstrative et comme effusive, le peintre parvient à confondre l’enthousiasme de l’inspiration artistique et celui de la fusion érotique. Par la fluidité du lavis ou la vigueur des coups de pinceau largement empâtés, qualifié de “tartouillis” par ses détracteurs, Frago suggère la confusion paroxystique des émotions. Il use ainsi de tous les pouvoirs suggestifs de son art, capable de tromper les sens et d’exalter l’imaginaire.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 49.7.49.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 49.7.49.

LA LECTURE DANGEREUSE
“Jamais fille chaste n’a lu de romans”, Rousseau, préface de La Nouvelle Héloïse, 1761
Au XVIIIe siècle, la pratique de la lecture se diffuse. De nombreuses catégories sociales accèdent ainsi à des modes de connaissance qui peuvent remettre en cause l’ordre établi. Parmi les productions littéraires qui inspirent la méfiance des autorités, le roman suscite régulièrement anathèmes et réprobations morales. C’est avec ce type de littérature que fraye volontiers Fragonard. Les représentations de lecteurs, et de lectrices plus
encore, abondent dans son oeuvre. La correspondance se développe considérablement au XVIIIe siècle. Un type de littérature privilégié, le roman par lettres, témoigne de cet essor sans précédent manifesté par les plus grands succès littéraires du siècle, de La Nouvelle Héloïse de Rousseau en 1761 jusqu’aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos en 1782. Les échanges de correspondances se retrouvent dans l’oeuvre de Fragonard avec sans doute une même signification amoureuse et délicieusement prohibée.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 56.100.1.
Fragonard Jean-HonorÈ (1732-1806). Etats-Unis, New-York, The Metropolitan Museum of Art. 56.100.1.

LE RENOUVEAU DE LA FÊTE GALANTE
Les années 1760-1780 voient une progressive dévaluation des valeurs du libertinage. Le succès considérable de La Nouvelle Héloïse (1761) de Rousseau scelle le triomphe d’une forme de sentimentalisme moraliste. En 1770, un émule de Rousseau, Claude-Joseph Dorat (1734-1780), livre une violente diatribe contre le libertinage. Il lui oppose l’amour sincère et tendre. Cet amour qui “se développe par l’estime” se nourrit, selon lui, d’un regard rétrospectif vers l’amour galant du Grand Siècle : “Ce commerce de sentiments tendres, de soins délicats et de plaisirs voilés que l’autre siècle connaissait encore.”
Fragonard va puiser à cette même source galante pour dépeindre son intrigante Leçon de musique, dans laquelle les costumes de fantaisie évoquent le “Grand Siècle”. Mais c’est à la rencontre d’Antoine Watteau (1684-1721) que son art va s’infléchir. Fragonard renouvelle le genre des “fêtes galantes”, dont Watteau fut l’inventeur, au point de renouer avec son esprit unique combiné de distance amusée et d’érotisme suggéré. Cette entreprise de réactualisation semble atteindre une forme de sommet de raffinement et de sophistication avec le cycle des Progrès de l’amour, peint en 1771-1772 pour la comtesse Du Barry (1743-1793), favorite du roi Louis xv.
À cette réminiscence des fêtes galantes, Fragonard mêle des fragrances plus modernes : le jardin pittoresque et la vogue des contes de fées. Chef-d’oeuvre de cette veine, L’Île d’amour mêle indissolublement ces deux notions dans un jardin irréel, espace d’un éros enchanté.
L’AMOUR MORALISÉ
Les Liaisons dangereuses, triomphe de 1782, vont sonner le glas littéraire du libertinage. À rebours, une nouvelle morale plus convenable socialement s’impose alors, prônant les valeurs neuves de l’amour conjugal.
La mise en récit du Verrou apparaît à cet égard comme une magnifique réécriture de l’imaginaire érotique au tournant des années 177o. D’abord conçue comme une piquante scène de séduction libertine, dans la lignée des gouaches de Baudouin, la peinture a été commandée vers 1777 par un mécène distingué, le marquis de Véri (1722-1785). L’amateur propose l’association problématique du Verrou à une toile religieuse, l’Adoration des bergers, que Fragonard vient d’exécuter pour lui. L’irrespect religieux transparaît sans doute dans cette association qui met en regard offrande sacrée et consommation sexuelle.
Fragonard
Le Verrou est transcrit en gravure par Maurice Blot en 1784. Un peu plus tard, celui-ci produit une autre gravure en pendant, d’après une composition de Fragonard sans doute exécutée en collaboration avec Marguerite Gérard, Le Contrat. L’oeuvre représente un couple attendri, sans doute le même que celui du Verrou, qui s’apprête à signer sa promesse de mariage. Sur la gravure apparaissent très distinctement, accrochées au mur, les deux compositions encadrées de L’Armoire – que Fragonard avait gravée lui-même en 1778 – et du Verrou. Les trois oeuvres se trouvent ainsi reliées à la fois formellement et thématiquement. Une narration est induite et trouve sa conclusion – moralisante – sur Le Contrat, à la manière de “trois chapitres d’un roman : la ‘faute’ – Le Verrou – , les amants surpris – L’Armoire – , la régularisation – Le Contrat”.

LA PASSION HÉROÏQUE
Le Roland furieux et La Jérusalem délivrée comptent parmi les oeuvres littéraires les plus célèbres de la Renaissance.
Fragonard s’est littéralement pris de passion pour l’épopée, au point de tenter de l’illustrer quasiment scène après scène. Bien qu’interrompu au bout du seizième chant, ce projet donna naissance à quelque cent quatre-vingts dessins. On ne sait ni pour qui ni dans quel but cette série fut exécutée. Tout juste peut-on la situer, par comparaisons stylistiques, à la fin des années 1770. Cette suite éblouissante de virtuosité témoigne de la capacité de l’artiste à traduire une oeuvre aussi riche et complexe que le Roland furieux. La série marque un point d’acmé dans la carrière de Frago qui illustre ici magistralement la passion et les dérèglements amoureux poussés à leur paroxysme.
Fragonard les Curieuses
LES ALLÉGORIES AMOUREUSES
En 1773, le graveur Jean Massard offre à Fragonard un exemplaire du recueil de poésies amoureuses de l’Antiquité dues notamment au poète Anacréon (v∫e av. J.-C.), dont il vient de graver les illustrations d’après Charles Eisen. Cet ouvrage ainsi qu’un autre, Les Baisers (1770), rassemblant les poèmes de Claude-Joseph Dorat et également
illustré par Eisen, semblent avoir profondément influencé Fragonard durant la dernière décennie de sa carrière picturale. À partir de la fin des années 1770, Frago produit un ensemble de compositions allégoriques
amoureuses, dans un style antiquisant dont les thématiques recoupent celles de la poésie amoureuse antique dite “anacréontique” : la fusion amoureuse et la consommation sensuelle au sein d’une nature complice. Le peintre y utilise les mêmes métaphores que le poète : celles du flambeau de l’amour et de la rose, fleur de Vénus.
Il s’agit d’une des productions ultimes de Fragonard, car on considère que le peintre abandonne les pinceaux vers le début des années 179o. Frago rejette la lisibilité solaire de ses contemporains “néoclassiques” pour plonger ses images dans les pénombres vaporeuses de la nuit et du songe.
Fragonard, aux portes du Romantisme, y interroge d’une manière subtile la sincérité, la réciprocité et la durée du sentiment amoureux. Ainsi Le Serment d’amour, La Fontaine d’amour, Le Voeu à l’Amour.
Horaires de l’exposition (16 septembre 2015 – 24 janvier 2016)
Ouverture tous les jours de 10h à 19h.
Nocturnes les lundis et vendredis jusqu’à 21h30.
Ouvert de 10h à 18h les jeudis 24 et 31 décembre et vendredi 1er janvier.
Fermeture exceptionnelle le vendredi 25 décembre.
Exposition organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais en collaboration avec le musée du Louvre.
Commissariat : Guillaume Faroult, conservateur en chef au département des Peintures, musée du Louvre,
en charge des peintures françaises du XVIIIe siècle et des peintures britanniques et américaines.
Scénographie : Jean-Julien Simonot