Henri Matisse « Acanthes »

matisse-les-acanthes.1297903763.jpg Le restaurateur dans l’atelier de restauration devant Acanthes, 1953, d’Henri Matisse, fusain, papiers découpés recouverts de gouache, sur papier, sur toile, 311 x 350,5 cm, Fondation Beyeler, Riehen / Bâle © 2011 Succession Henri Matisse / ProLitteris, Zurich
Fondation Beyeler – Nationale Suisse Conservation Project 2009–2012 : Henri Matisse « Acanthes »
La Fondation Beyeler s’est engagée avec le soutien de la société Nationale Suisse dans un vaste projet de restauration d’une durée de trois ans (2009-2012). Il a pour objectif l’analyse scientifique, la conservation et la restauration d’Acanthes d’Henri Matisse (1953, 311 x 350,5 cm), une œuvre majeure de la série de ses « Papiers découpés » de grand format.
Le programme de conservation d’Acanthes repose sur les résultats des recherches préliminaires entreprises pendant la première année de travail sur ce projet. Une des plus grandes difficultés est due à la structure complexe de l’œuvre, faite de plusieurs couches, qu’il convient de stabiliser. S’y ajoute l’énigme entourant les différentes étapes de sa genèse.
L’atelier de restauration inauguré au printemps 2010 dans le Souterrain de la Fondation Beyeler et ouvert aux regards du public suscite un vif intérêt de la part des spectateurs.
Le site internet conçu spécialement pour ce projet informe les internautes des progrès en cours et leur propose des informations complémentaires grâce à des mises à jour, des interviews, des photographies et des documentaires.
Bilan de la première année
Analyses technologiques
Au cours de cette première année de travail, les restaurateurs de la Fondation Beyeler, Markus Gross et Stephan Lohrengel, ont soumis Acanthes d’Henri Matisse à des analyses technologiques approfondies. Trois autres papiers découpés de la Collection Beyeler datant de la même période Algue blanche sur fond rouge et vert, 1947, Nu bleu I, 1952, et Nu bleu, la grenouille, 1952 – ont été inclus dans cette étude.
Une première étape a consisté à réaliser des clichés d’ensemble et de détails à haute résolution sous différents éclairages : lumière plongeante, lumière rasante, lumière traversante et rayons ultraviolets. Ceux-ci ont servi de base à l’analyse de l’état des papiers découpés. L’association de différents modes d’éclairage permet en effet de mieux mettre en évidence certains phénomènes affectant la surface. Sous une puissante lumière rasante, par exemple, les ondulations et les déformations du papier apparaissent clairement, autorisant des conclusions sur les différentes tensions auxquelles est soumise la structure picturale.matisse-algue-blanche_m.1297905814.jpg
Toutes ces observations sont soigneusement consignées grâce à un programme de traitement d’image et à un logiciel spécial. Le programme permet d’enregistrer sur un document graphique des éléments comme les déchirures, les plis et les altérations de la couleur ainsi que d’innombrables détails techniques, tels que les filigranes, les traits de pinceau et les traces de fixation. Cette méthode permet de combiner toutes les observations concernant l’état de l’œuvre, de les mettre en relation et de mieux les visualiser. C’est ainsi que des traces de colle, qui ne sont parfaitement visibles que sous rayons UV, peuvent être également mises en évidence sur le cliché réalisé en lumière plongeante. Les informations sur les différentes œuvres ont été enregistrées sur des fiches techniques ou documents récapitulatifs conçus à cette fin.
Analyse des matériaux utilisés
L’analyse des matériaux utilisés par Matisse représente un autre volet essentiel de cette recherche. Ses résultats doivent permettre de répondre dans le détail aux questions sur les particularités du vieillissement et sur la genèse de l’œuvre. On a déjà procédé à l’analyse de premiers échantillons de colle et de pigments.
Dépouillement de la littérature
Le dépouillement et l’exploitation des publications et des documents d’archives ainsi que du volumineux matériel iconographique historique font également partie intégrante de ce projet. Les sources iconographiques se trouvent dans des catalogues d’expositions et des archives, mais également dans la presse populaire de l’époque. Les illustrations montrant Matisse au travail ou représentant ses œuvres telles qu’elles étaient dans son atelier, avant leur montage, présentent un intérêt tout particulier.
Les échanges avec les Archives Matisse de Paris ont été essentiels et se sont intensifiés en 2010. Ces archives contiennent une large fraction des écrits laissés par l’artiste ainsi que de nombreux documents photographiques et écrits qui n’ont pas encore été exploités.
Réseau international
Les échanges avec des spécialistes d’autres collections nationales et internationales qui abritent également des papiers découpés ont été d’une très grande importance au cours de cette première année de travail. Les œuvres choisies pour ces comparaisons ont été sélectionnées pour leurs similitudes de dimensions et de structure, pour la présence d’un fond recouvert de peinture blanche et pour leur date de création contemporaine de celle d’Acanthes.
matisse-la-grenouille_l.1297905891.jpgEn plus du Kunstmuseum de Bâle, du Museum Ludwig de Cologne et du Museum Berggruen de Berlin, nous sommes allés visiter d’autres collections majeures, comme le Musée Matisse de Nice, le Musée National d’Art Moderne de Paris, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, la Tate Modern de Londres, ainsi qu’aux États-Unis, le Museum of Modern Art et le Metropolitan Museum of Art de New York sans oublier la Menil Collection de Houston.
Les restaurateurs Stephan Lohrengel et Markus Gross ont observé à titre de comparaison plus de 30 œuvres originales. Cette activité a permis de nouer des contacts interdisciplinaires diversifiés et intenses, qui nous ont donné accès à de nombreuses informations et indications inédites. La visite de la chapelle de Vence, conçue par Matisse, et de ses domici-les de Nice, a permis une étude approfondie du contexte de la réalisation des différentes œuvres et de leurs interdépendances.
Premiers résultats
La genèse d’Acanthes peut se décomposer en différentes étapes. Il est désormais possible de définir avec davantage de précision les tâches qui ont eu pour cadre l’atelier de Matisse à Nice et celles qui ont été effectuées à l’occasion du montage de l’œuvre achevée à Paris, selon les indications de l’artiste. Ces principales étapes sont la peinture des papiers à la gouache, le découpage des formes, leur disposition sur le mur de l’atelier puis le montage de l’œuvre sur toile.
C’est à cette méthode de travail que l’on doit la structure complexe de l’œuvre, en plusieurs couches. Cette structure se compose d’un châssis, de tissus, de différents papiers, de gouaches et de colle. Dans le cas des papiers découpés de la Collection Beyeler, elle peut présenter entre sept couches (Algue blanche sur fond rouge et vert) et dix-huit (Nu bleu, la grenouille).
Les trous laissés par les punaises qui ont servi à fixer les papiers découpés au mur de l’atelier livrent des informations tout à fait passionnantes. Leur nombre et leur position ont montré que dans Acanthes, la plupart des modifications de composition entreprises par Matisse ont touché la zone inférieure droite des formes bleues. En revanche, on observe très peu de trous sur la partie supérieure gauche.
La comparaison avec d’autres œuvres a révélé que Matisse a recouru à différents modes de fixation de ses papiers gouachés, sur le mur et entre eux. Il a utilisé des clous et des punai-ses, mais également des épingles dont les traces sont visibles sur les œuvres. Dans le cas d’Algue blanche sur fond rouge et vert, ces épingles et ces clous apparaissent distinctement sur les clichés historiques de l’atelier de Matisse.
L’analyse des colles appliquées entre les différentes couches des quatre papiers découpés de la Collection Beyeler a livré des résultats inattendus. Contrairement à ce qu’on peut lire dans les publications, Matisse n’a pas toujours utilisé les mêmes colles. Des recherches plus approfondies sont donc prévues sur ce point.
L’analyse a également porté sur les papiers que Matisse a peints mais n’a pas utilisés, papiers que les Archives Matisse nous ont généreusement confiés. Matisse conservait en effet toutes les chutes de papier de ses découpages dans des tiroirs, à l’abri de la lumière. Cela nous livre de précieuses informations sur les éventuelles altérations de la couleur, tout en nous permettant de reconstituer les feuillets découpés par l’artiste.matisse-nu-bleu-i-1952-foto-peter-schibli_m.1297905970.jpg
La comparaison avec des clichés historiques et avec les œuvres d’autres collections ont permis de préciser quelques éléments du problème du fond blanc. Il est apparu clairement que dans certaines œuvres, le fond avait été ajouté, ou échangé, lors du montage à Paris. Dans Acanthes en revanche, le papier qui se trouvait sur le mur de l’atelier et porte les esquisses au fusain a servi de fond et n’a pas été échangé. Il a, de plus, été enduit de plusieurs couches de couleur blanche, les lignes de fusain étant pour certaines légèrement recouvertes, pour d’autres laissées en réserve.
Perspectives
Ces multiples informations continueront à être exploitées au cours de la deuxième année d’existence du projet. Des questions en suspens, comme celles du moment du montage des  œuvres sur toile, feront l’objet d’études plus approfondies. L’équipe responsable du projet espère également obtenir de précieuses indications sur la méthode de travail de Matisse en interrogeant des témoins de l’époque.
Tout le processus de création, depuis la peinture des papiers jusqu’au montage sur la toile, sera reconstitué par modélisation.
Dans le cadre du volet conservation de ce projet, une attention toute particulière est prêtée à l’état des œuvres utilisées à titre de comparaison, état qui est souvent très disparate. Cela tient à l’histoire particulière de chaque œuvre, à sa forme de présentation et aux restaurations entreprises. Les expériences faites par les collections concernées sont également prises en compte.
Une autre question majeure est celle de la sensibilité des différents matériaux à la lumière. L’impression que donnaient les couleurs ainsi que l’équilibre des formes colorées entre elles et avec le fond blanc revêtaient une grande importance pour Matisse.
Un programme de conservation et de restauration est défini et mis en œuvre à partir de ces résultats. Aux endroits où cela s’impose, on entreprend avec toutes les précautions requises des mesures de restauration étayées par les connaissances éthiques et scientifiques les plus récentes.
La réalisation du projet de restauration Fondation Beyeler – Nationale Suisse Conservation Project 2009–2012 : Henri Matisse « Acanthes » couvre les années 2009 à 2012.
Ce projet a été placé sous la responsabilité des restaurateurs Markus Gross et  Stephan Lohrengel et du conservateur Ulf Küster. Ils sont à votre disposition pour des interviews ou pour des informations plus approfondies.
D’autres informations et des documents de presse sont disponibles auprès de :
Catherine Schott, Tél. + 41 (0)61 645 97 21, Fax + 41 (0)61 645 97 39,
presse@fondationbeyeler.ch, www.fondationbeyeler.ch,
Fondation Beyeler, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Sophia Schor, Tél. +41 (0)61 275 23 86, Fax +41 ((0)61 275 22 21, sophia.schor@nationalesuisse.ch,
www.nationalesuisse.ch, Nationale Suisse, Generaldirektion, Steinengraben 41, CH-4003 Bâle
images courtoisie de la Fondation Beyeler

Salons de lecture à la Kunsthalle de Mulhouse

img_1279.1298395974.jpgUne oeuvre écrite, un texte qui fait oeuvre ?
L’écriture comme forme ou comme objet ? Études, reportages, histoires, recherches graphiques, livres, sont autant de genres qui convoquent
l’écrit et constituent tout un pan de l’art contemporain.

salons-de-lectures.1298394026.jpg

clic

L’intention de cette exposition ne réside pas dans l’exhaustivité de leur énumération mais vise plutôt à réfléchir à leurs diversités de formes et à ce qui les caractérise. Toutes suscitent les mêmes constantes : une nécessaire relation physique à l’oeuvre (toucher, autant que faire se peut, les oeuvres), un état de concentration accentué (lire) et une invitation à prendre son temps (le temps
de lire). Cette exposition attend le lecteur, la pause lui est offerte, les conditions de bien-être lui sont propices.
Quand bien même il n’entre pas pour tout lire, il peut s’il le souhaite y passer l’après-midi. Il peut s’intéresser à des approches diverses, picorer des écrits et cela dans des conditions voulues idéales : il est invité à s’asseoir, à se sentir bien puis à se plonger dans une lecture.
Le temps de l’exposition les V8 designers ont transformé la Kunsthalle en un appartement de six salons et un bar, lieu où les performances et
les rencontres donneront vie à l’écriture.
Simg_2986.1298394610.jpg‘agit-il d’une démarche pensée et qui ne peut trouver sa justesse que sous la forme de l’écriture, ou bien est-ce plutôt un travail en chemin inverse, où l’écrit est le moyen naturel d’exprimer ce qu’il y a à dire, où le concept est la forme écrite (ainsi des calligrammes d’un Apollinaire, qui de poésies sont réappropriés par le champ plastique…). Les réponses sont aussi nombreuses que les formes, les sujets abordés ou les procédés envisagés.
Quelle peut être par exemple la place du livre-objet ? Comment appréhender ces oeuvres qui reprennent les caractéristiques
physiques du livre mais qui sont conçues par les artistes comme des objets sculpturaux ? Les contempler, c’est en négliger le sens.
Études, reportages, histoires, recherches graphiques, livres, autant de genres qui constituent tout un pan de l’art contemporain et qui suscitent une approche particulière et singulière.
Le documentaire comme travail d’enquête est une autre approche que les artistes associés à des projets d’ordre sociétal (par le biais d’une commande) ou menant une enquête à titre indépendant (économique ou politique) abordent par l’écrit. Ces oeuvres, fouillées et souvent à caractère informatif, sont données à lire à travers des reportages, des journaux ou des fiches détaillées.
L’intention de cette exposition n’est pas d’être exhaustive dans les formes que l’écrit peut revêtir en tant qu’oeuvre, mais vise plutôt à réfléchir à une diversité de formes qui toutes suscitent les mêmes constantes : une nécessaire relation physique à l’oeuvre (toucher, autant que faire se peut, les oeuvres), un état de concentration accentué (lire) et une invitation à prendre son temps (le temps de lire). Appréhender une oeuvre écrite exige une certaine disposition d’esprit de la part du spectateur / lecteur et cette dimension est centrale dans les salons de lecture. « Si l’on exige d’un éditeur de littérature ou d’un écrivain qu’ils aient du talent, on doit aussi en exiger du lecteur. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, ce voyage qu’est la lecture passe très souvent par des terrains difficiles qui exigent une aptitude à s’émouvoir intelligemment, le désir de comprendre autrui et d’approcher un langage différent de celui de nos tyrannies quotidiennes » écrit Enrique Vila-Matas dans
Dublinesca. Cette exposition attend le lecteur, la pause lui est offerte, les conditions de bien-être lui sont propices. Quand
bien même il n’entre pas pour tout lire, il peut s’il le souhaite y passer l’après-midi. Il peut s’intéresser à des approches diverses, picorer des  écrits et cela dans des conditions voulues idéales : il est invité à s’asseoir, à se sentir bien puis à se plonger dans une lecture.
Salons de lecture est construite autour d’une répartition par genre. Loin d’être absolue, cette catégorisation est plutôt un moyen de constater selon quels schémas l’écrit peut être exploité. Nullement exclusive cette répartition avoue son caractère subjectif et revendique des frontières poreuses.
Commissaire d’exposition : Sandrine Wymann

img_3010.1298394722.jpg

les artistes :
Edouard Boyer, Bureau d’études, Philippe Cazal, Anne-James Chaton, Daniel Gustav Cramer,
Marcelline Delbecq, Martine Derain, Krassimira Drenska, documentation céline duval,
Ilse Ermen, Jean-Baptiste Farkas, Jochen Gerner, Hoio, Martin Le Chevallier,
Jan Mancuska, Claire Morel, Plonk et Replonk, Julien Prévieux, Ricardo Rendon,
Pedro Reyes, Yann Sérandour, Taroop et Glabel, Saliou Traoré, V8

jusqu’au 3 avril 2011



Les rendez-vous


Kunstapéro jeudi  03.03 J 18:00
Visiter l’exposition puis en discuter autour d’un verre, en partenariat avec l’association
Mulhouse Art Contemporain et la Fédération Culturelle des Vins de France.
5 euros/personne Inscription au 03 69 77 66 47
Kunstdéjeuner vendredi  11.03 J 12:15 entrée libre
Conversation autour d’une oeuvre suivie d’un déjeuner, repas tiré du sac, en partenariat avec l’Université Populaire.
Inscription au 03 69 77 66 47
Dialogues N°3 dimanche 06.03 15:00 J 17:00
Regards croisés entre le Musée des Beaux-Arts et la Kunsthalle
Entrée libre, renseignements au 03 69 77 66 47 + 03 69 77 78 10
RDV au Musée des Beaux-arts
Kunstprojection jeudi 10.03 J 18:30 entrée libre
En partenariat avec l’espace Multimédia Gantner de Bourogne, sélection de films expérimentaux, d’oeuvres d’art numérique issus de la collection de l’espace Multimédia Gantner en écho  à l’exposition.
Performance Mardi 15.03 à 20:00 entrée libre Locus Métropole,
performance de John Giorno , Jürgen O.Olbrich
et Michel Collet en partenariat avec Cold Mountain
WEEK-END DE L’ART CONTEMPORAIN SAMEDI 19.03+ DIMANCHE 20.03
Visite guidée apéritive : dimanche 20 mars à 11:00 Entrée libre
Performance Dimanche 20.03 J 14:30
Entrée libre
M comme Mouvement, extrait de l’Abécédaire de Fabrice Lambert
projet du réseau Trans Rhein Art  Samedi 19.03 + dimanc he 20.03
14:00 J 17:00
Ateliers artistiques « Parents/Enfants » autour de l’exposition Salons de lecture
Départ toutes les heures En partenariat avec les Ateliers Pédagogiques d’Arts Plastiques Entrée libre, inscription obligatoire au 03 69 77 77 38
Circuits gratuits en bus sur différents lieux d’art contemporain en Alsace Départ de Mulhouse et Strasbourg à 9:00
Dimanche 20.03 Renseignements et inscription :
Julie.morgen@culture-alsace.org
PERFORMANCES
le journaliste – transfer
Anne-James Chaton voix ¦ electroniques
Andy Moor guitare ¦ electroniques
Label : Unsounds ¦ Al Dante


PERFORMANCES
MAILLE-MASALA
L’EPICE DE LA « MISSION KAKI »
UNE INTERVE NTION OLFACTIVE
img_3016.1298397704.jpg
BAR SUISSE
A l’occasion des Salons de lecture, la Kunsthalle ouvrira temporairement un bar dans l’espace d’exposition. Lieu de performances, de rencontres, de détente, d’activation de certaines oeuvres et de discussion, il permettra au public de se retrouver autour d’un verre ou d’un café et de partager le fruit de ses lectures. A chaque événement le bar sera tenu et animé par l’équipe de la Table de la Fonderie qui proposera boissons et restauration.
Menu complet servi le soir du vernissage. Petite restauration pour les autres rendez-vous. La Table de la Fonderie à Mulhouse, un restaurant
où bien manger rime avec solidarité. 21 rue du Manège 68100 Mulhouse Tél : 03 89 46 22 74
contact@table-fonderie.fr
texte Kunsthalle
photos et vidéo de l’auteur

Quand Eve retrouve Adam

img_3480.1298249893.JPGRéunir deux pendants séparés

au musée des Beaux Arts de Strasbourg, Palais des Rohan
Tous deux membres du FRAME, les musées d’Hartford et de Strasbourg possèdent chacun un élément d’une paire de pendants, c’est-à-dire conçus pour être vus ensemble. Si Ève est conservée à Strasbourg depuis 1936, c’est récemment qu’Hartford s’est enrichi d’Adam. Après une réunion à Hartford dans le cadre de l’exposition Reunited Masterpieces (14 février au 30 mai 2010), c’est au tour de Strasbourg de présenter ces chefs-d’œuvre du maniérisme nordique.
Goltzius a représenté Ève juste avant qu’elle ne mange le fruit interdit présent dans sa main droite. Cette œuvre formait sans doute une paire avec une représentation d’Adam. Un panneau sur ce sujet, de mêmes dimensions et montrant également au verso les deux lettres « NN » incisées, apparu le 28 mai 2003 dans une vente aux enchères à Lorient, a été acquis par le Wadsworth Atheneum de Hartford à la fin de l’année 2004. Didier Rykner est le premier à avoir publié ensemble les deux tableaux en 2005 et d’en avoir suggéré une interprétation. Adam et Ève représentés en buste, occupent toute la surface du tableau. Ce cadrage insolite trahit un artiste qui s’est tout particulièrement distingué en tant que graveur et illustrateur. L’Adam de Hartford porte contre son cœur une branche d’aubépine (ou une rose des champs ?). Ses épines et fruits rouges font allusion à la passion du Christ qui est interprété comme le nouvel Adam. L’aubépine, symbole de la Rédemption est confronté à la pomme, symbole du pêché originel. Quelques branches de l’arbre de la connaissance relient les deux pendants à la partie supérieure.img_3483.1298283954.JPG
Goltzius se forma à la gravure auprès de Dirck Volc­kertsz. Coornhert (1522-1590), célèbre artiste et hu­maniste. Il acquit, dès son installation à Haarlem en 1577, une grande réputation en tant que virtuose du dessin et de la gravure. C’est seulement vers 1600 qu’il commença à peindre des sujets religieux et mythologiques dans un style puissant et monumental, inspiré par la sculpture antique et préfigurant le classicisme de la peinture hollandaise. Goltzius semble aussi s’être inspiré de l’art de la cour de Prague et notamment de Bartholomeus Spranger, en simplifiant toutefois les poses compliquées de ce dernier et en adoucissant ses couleurs acidulées. Goltzius a abordé la figure humaine comme les artistes de la Renaissance, envers lesquels il manifestait une grande admiration. Il fut plus tard également sensible au style clair et vigoureux de Rubens, établi à Anvers après son retour d’Italie en 1608. Dans un premier temps, Goltzius travaille d’après nature, dessinant des nus très audacieux ou encore des paysages réalistes, puis il idéalise et simplifie ses personnages, bien que leurs visages et leurs expressions trahissent toujours cette fidélité au réel.
Goltzius traita à plusieurs reprises le sujet d’Adam et Ève. S’inspirant de la célèbre gravure d’Albrecht Dürer, il réalisa un grand tableau sur ce thème monogrammé et daté de 1608 (aujourd’hui au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg). img_3484.1298284176.JPGCette œuvre offre dans le traitement des visages d’Adam et Ève des similitudes frappantes avec les tableaux de Hartford et de Strasbourg. Citons également un Adam et Ève, signé et daté de 1616, et acquis par la National Gallery de Washington en 1996.
Notice issue de : David Mandrella in Collection du musée des Beaux-Arts. Peinture flamande et hollandaise XVe-XVIIe siècle, Strasbourg, 2009, n°136 (page 204).

Les gravures de Goltzius

Bien avant de se consacrer à la peinture, Hendrick Goltzius s’était spécialisé dans les arts graphiques et tout particulièrement la gravure. Le Cabinet des Estampes et des Dessins de Strasbourg conserve un bel ensemble de ses réalisations, représentatif des différents cycles exécutés par l’artiste au cours de sa carrière, aux Pays-Bas ou durant son séjour en Italie. Cet ensemble est présenté en regard aux deux peintures exceptionnellement réunies à Strasbourg.
Caractéristique de son travail à Haarlem, il faut tout d’abord signaler l’ensemble complet des quatre disgraciés, dits les « culbuteurs », figurant de manière audacieuse quatre personnages précipités dans le vide pour avoir osé défier les dieux (Tantale, Icare, Phaéton et Ixion). Cette série fut réalisée autour de 1588 d’après des peintures de son collaborateur Cornelis van Haarlem (1562-1638). Le traitement hypertrophié des corps nus des malheureux constitue un des traits distinctifs du Maniérisme européen. La profondeur du modelé imprimé aux corps par Goltzius est un véritable tour de force, et cette série participera à l’établissement de la fortune critique de l’artiste.
L’année suivante, et dans une veine toujours aussi dynamique, il réalise un massif et impressionnant Hercule img_3485.1298250120.JPGdans son combat contre le fleuve Achéloos. Sous les traits d’un taureau, celui-ci est terrassé par le demi-dieu, et la corne qu’il perd dans sa lutte deviendra selon certaines sources la fameuse corne d’abondance.
Le Cabinet des Estampes et des Dessins compte également deux belles gravures polychromes sur bois ou camaïeux, réalisées entre 1588 et 1590 : Pluton, debout devant son royaume, et Démogorgon, être symbolique créateur du ciel et de la terre, personnifié comme un vieil homme.
 Le voyage en Italie à partir de l’automne 1590 est l’occasion pour Goltzius de se confronter aux chefs-d’œuvre de l’Antiquité. La représentation de la sculpture canonique de l’Apollon du Belvédère img_3487.1298250591.JPGtémoigne ainsi du respect de l’artiste pour l’art de la Rome antique. Deux œuvres illustrent par ailleurs l’importance que le Néerlandais accordait aux artistes de la Renaissance italienne. Goltzius représente ainsi Saint Jérôme en 1596, d’après un tableau du vénitien Jacopo Palma le Vieux (v. 1480-1528).
Enfin, une belle épreuve gravée de La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste est visible dans les collections strasbourgeoises. Cette gravure imitant son contemporain italien Federico Barocci (1533-1612) appartient au cycle dit des « Chefs-d’œuvre », entrepris au retour d’Italie. Ces œuvres pastichent la manière de graveurs tels que Dürer ou Lucas de Leyde avec une telle virtuosité qu’ils ont été pris pour des originaux, et constituent selon tous les spécialistes la quintessence de l’art de Goltzius.

Contrepoint : Adam et Ève au Cabinet des Estampes et des Dessins

Le Cabinet des Estampes et des Dessins, en parallèle à la présentation des deux pendants au Musée des Beaux-Arts, propose dans ses locaux, 5 place du Château, une sélection d’environ vingt œuvres traitant d’Adam et d’Ève selon trois axes, notamment la naissance d’Ève, la tentation et l’expulsion du Paradis (Genèse, chapitres 2 et 3).
Dans les diverses représentations de la naissance d’Ève, la première femme formée à partir d’une côte d’Adam reflète par sa taille la place que lui accorde l’artiste au sein du couple : miniaturisée chez Hans Brosamer (1506 ? – vers 1554), à égalité chez Cranach le Jeune (1515 – 1586) et Étienne Delaune (ca. 1518 – 1583), ou imposante chez Jost Amman (1539 – 1591). Dieu le père, en revanche, est signifié d’autant plus proche de la femme que celle-ci, petite et fragile, appelle la protection du Créateur, tandis que l’homme est plongé dans un profond sommeil, mettant ainsi en évidence la tendre complicité existant entre Dieu et sa créature.
De la magistrale interprétation du couple Adam et Ève que donne Albrecht Dürer en 1504, la collection d’art graphique conserve une belle copie datée de 1566 et due à Johann Wiericx, actif dans la deuxième moitié du XVIe siècle.
Les figures d’Adam et Ève de Dürer, d’autorité, s’imposent comme un homme et une femme dans l’expression la plus parfaite de la beauté humaine. La nudité élégamment assumée, la maîtrise des proportions qui renvoient à l’art classique, d’abord révélé au maître par les gravures d’Andrea Mantegna (ca. 1431 – 1506) et d’Antonio Pollaiuolo (1431/1433 – 1498), puis lors du premier voyage en Italie (automne 1494 –printemps 1495), offrent l’éblouissant résultat de la quête du Nurembergeois à recréer les formes plastiques idéales de l’homme et de la femme. Dürer, contrairement à ses prédécesseurs ou contemporains tels Hans Baldung Grien (1484/85 – 1545), Lucas Cranach… illustre moins « la Chute de l’Homme », dans le registre traditionnel du péché originel, de la tentation charnelle, que deux êtres de liberté qui au seuil de la transgression de l’interdit, se sentent irréversiblement immortels et loin d’une éventuelle altération physique.
Cette proposition époustouflante instaure immédiatement un « avant » et un « après » Dürer. De manière inattendue, deux autres œuvres du maître, La Chute de l’Homme et L’Expulsion du Paradis, issues de la Petite Passion sur bois, suite de trente-sept xylographies que Dürer réalise entre 1509 et 1510, mettent à nouveau l’accent sur la faute originelle ; la complicité charnelle, toutefois, y est assumée par un couple uni, enlacé, et non plus séparé par l’arbre de la Connaissance.
Dans la présente sélection, la gravure de Sebald Beham (1500 – 1550), Adam et Eve chassés du Paradis (1543), révélant une liberté d’interprétation très moderne, est seule susceptible d’offrir un contrepoint à l’impact puissant que dégage le burin de 1504 de Dürer.

Eclairage contemporain : Incarnation, Bill Viola


Bill Viola est né en 1951 à New-York. En 1974, il part pour Florence où il devient technicien dans un grand studio européen de vidéo contemporaine : Art/Tapes/22, situé à deux pas de l’Academia. Ce séjour lui permet de découvrir les œuvres de la Renaissance et de constater la puissance de ces productions passées qui, selon ses propres mots, « imprègnent le corps et l’esprit ». Cette expérience de l’éblouissement sensible invite peu à peu Bill Viola à explorer le médium vidéo dans son lien avec les autres expressions plastiques et notamment la peinture. Si dans ses productions des années 90, il interprète souvent des tableaux précis – en 1995 The Greeting prenait appui sur la Visitation (1528) de Pontormo -, peu à peu, l’artiste approfondit de façon plus subtile les liens entre la peinture et la vidéo, et invite le spectateur à une revisitation des codes symboliques et esthétiques ayant traversé l’histoire de l’art.
Ainsi, dans Incarnation (2008), présentée en regard du diptyque d’Adam et Eve du peintre flamand Hendrick Goltzius, Bill Viola met en scène un homme et une femme aux contours indéfinis, progressivement submergés par une chute d’eau d’où ils émergent lentement à mesure que le flou grisé qui les caractérisait jusqu’alors, laisse place à leur silhouette contrastée et colorée. Bien que la vidéo de Bill Viola n’ait pas été expressément réalisée pour être confrontée aux panneaux de Goltzius, le dialogue qui se crée entre ces œuvres est riche de sens et le thème latent de l’incarnation peut s’interpréter à différents niveaux.
Tout d’abord, au niveau de l’iconographie. Si dans la religion chrétienne, le dogme de l’incarnation recouvre stricto sensu le mystère de Dieu fait homme en Jésus-Christ, la Chute d’Adam et Eve aboutit aussi à une forme d’incarnation : chassés du Paradis, ils perdent leurs corps céleste et sont alors enveloppés par Dieu dans des « vêtements de peau ». Bill Viola porte quant à lui progressivement au visible la figure humaine qui témoigne de sa présence passante dans une transfiguration des spectres gris en des êtres de chair et de sang, clairement définis.
En outre, cette vidéo implique une incarnation esthétique particulière dans le processus de revisitation de la peinture. Elle pose alors les fondements d’une réflexion sur les modalités de ré-incarnation d’une image dans une autre, et  permet de créer des images qui auront elles-mêmes sans doute une pérennité et un ascendant sur d’autres créations.
Par ailleurs, la question de l’incarnation touche de façon plus globale celle du rapport au corps et au sensible – question qui ne cesse d’irriguer le travail de Bill Viola dans les liens tissés notamment entre contemplation et émotion. Pour l’artiste, « C’est dans le sensible que réside le mode ultime de connaissance : aujourd’hui, il est nécessaire de réveiller le corps avant l’esprit.» Cette vidéo en travaillant la figuration de façon originale cherche à dépasser le côté illustratif et narratif et tend par là-même à produire, ce que Deleuze nomme la figure c’est-à-dire : « la forme sensible rapportée à la sensation étant donné que c’est le même corps qui la donne et qui la reçoit.» L’amplification sonore de la chute d’eau et le déroulé temporel cyclique d’Incarnation contribuent à immerger le spectateur dans une expérience multi-sensorielle.  Chez Bill Viola, qui fait dans ses œuvres le lien poétique entre le physique et le métaphysique, l’humanité et la spiritualité, l’expérience esthétique inclut le spectateur dont il s’agit de déployer les sens, afin qu’il s’engage le plus possible dans l’œuvre présentée.
C’est ainsi que l’on aborde l’ultime stade de l’incarnation telle qu’elle se donne à lire dans le travail de Bill Viola et qui rejoint l’expérience décrite par l’historien de l’art Aby Warburg sous le nom de Nachfühlung. Warburg, en s’intéressant, au début du XXe siècle, aux représentations des nymphes dans l’art, a découvert que cette forme si particulière d’image ne sollicitait pas seulement son regard mais la totalité de son être. Cette implication directe, empathique du corps du spectateur dans le mode d’expression propre de l’œuvre, est le Nachfühlung, l’incorporation.
La relation sublime entre le sensible et le spirituel dans l’œuvre de Bill Viola renouvelle ainsi notre approche de l’histoire de l’art et de son héritage.

photos de l’auteur
texte musée des Beaux Arts

Anselm Kiefer dans la collection Würth

anselm-kiefer-dein-goldenes-hair-margarete-1981.1297957517.jpgExtraits du texte de Danièle Cohn, professeur d’esthétique à l’Université de Paris/ Panthéon Sorbonne, et philosophe,  auteur du catalogue : l’Art comme le soleil, qui nous a présenté la nouvelle exposition :

« Pour qui regarde une première fois une oeuvre d’Anselm Kiefer ou découvre une oeuvre nouvelle, le choc est toujours là, l’incompréhension au premier abord également. Lourde de symboles, exigeant un glossaire, contenant souvent quelques mots écrits à la main, combinant les techniques et engrangeant les qualités de médiums divers sans pour autant les fusionner, ou même les « monter » pour leur donner une continuité sémantique et matérielle, une oeuvre de Kiefer s’installe dans notre perception et comme un monument, et comme une trace mnésique individuelle, un souvenir d’un quotidien dans sa banalité. La peinture de Kiefer est cultivée, savante même. Elle est imprégnée de littérature et d’histoire de l’art, de musique et d’histoire de l’architecture, de philosophie et de science, de théologie et d’alchimie. »
Elle affectionne particulièrement  une œuvre d’Anselm Kiefer, (ci-dessus) qui est toute en opposition avec ses grands formats : Dein goldnes Haar, Margarete 1981, thème qu’il a décliné sous d’autres formats.

Je lui laisse la parole :
Paille collée, comme des nids, ceux dans lesquels on installe précautionneusement les œufs de Pâques – ou l’enfant Jésus dans la crèche, – aux carreaux d’une fenêtre. Croisée de la fenêtre, noir et blanc de la photographie, faire part de deuil aussi bien que croix tout autant, mais alors quelle croix, catholique, orthodoxe, protestante, croix de bois sur les tombes ? Papier noir, comme brûlé, noir de cendre, reste de la crémation, cadre noirci pour la clarté jaune de la paille. Textures mêlées du papier, de la pellicule, de la gouache et du relief, que font ces fétus de paille assemblés, tenus dans l’encadrement sombre .img_2849.1297960876.JPG
Pour qui regarde une œuvre de Kiefer une première fois ou découvre une œuvre nouvelle, le choc est toujours là, l’incompréhension au premier abord. Lourde de symboles, exigeant un glossaire, contenant souvent quelques mots écrits à la main, combinant les techniques et engrangeant les qualités de mediums divers sans pour autant les fusionner, ou même les « monter » pour leur donner une continuité sémantique et matérielle, une œuvre de Kiefer s’installe dans notre perception et comme un monument, et comme une trace mnésique individuelle, un souvenir d’un quotidien dans sa banalité. La peinture de Kiefer est cultivée, savante même. Elle est imprégnée de littérature et d’histoire de l’art, de la musique, d’histoire de l’architecture, de philosophie et de science, de théologie et d’alchimie.
anselm-kiefer-le-dormeur-du-val.1297960340.jpg
L’exposition Anselm Kiefer dans la Collection Würth présente le fonds particulièrement riche des oeuvres de l’artiste allemand, depuis ses oeuvres de jeunesse jusqu’à aujourd’hui. Les choix d’acquisitions du collectionneur et fondateur du Groupe Würth, Reinhold Würth, se sont en effet portés ces dernières années sur différents ensembles majeurs du travail de Anselm Kiefer.
Organisée autour des thèmes du paysage héroïque, de la poésie et des cosmogonies, l’exposition se veut comme un parcours dans une géographie imaginaire, l’esquisse d’une cartographie des pensées historiques, poétiques ou encore philosophiques chères à l’artiste. Elle présente ainsi des oeuvres de jeunesse marquées par ses interrogations sur la difficulté d’être un artiste allemand dans les années 1960-1970, vingt-cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Anselm Kiefer appartient à cette génération de plasticiens qui évolue autour de la figuration et du retour au sujet (Richter, Baselitz, Immendorf, Lüpertz). Ces artistes se plongent dans les thèmes littéraires, philosophiques ou artistiques de la culture allemande souvent récupérés par le régime nazi. Cette mémoire qu’ils souhaitent se réapproprier est aussi une arme pour questionner la conscience collective longtemps silencieuse après la défaite de 1945. Les figures héroïques, les corps mutilés, les vastes paysages sont autant de symboles de cette nouvelle iconographie.
Anselm Kiefer, né en mars 1945, fait le choix à la fin de ses études d’expérimenter physiquement le nazisme lors d’un voyage « d’occupation » à travers la France, l’Italie et la Suisse, à l’été 1969. L’artiste se met en scène dans une série d’autoportraits photographiques dans lesquels il effectue le salut nazi. Cet ensemble de photographies aboutira à la réalisation de livres d’artiste, puis en 1970 à une série de huit tableaux intitulés Symboles héroïques. Il déclarera par la suite : « Il fallait que je fasse un petit bout de chemin pour comprendre la folie ».
L’exposition révèle aussi un ensemble d’oeuvres monumentales réalisées au cours des vingt dernières années, où l’on retrouve les matériaux de prédilection de l’artiste : plâtre, plomb, paille, plantes séchées, terre, bois ou encore la photographie.
Le processus d’empilement et de transformation sur la couche picturale, d’objets, de matières et d’écriture qui caractérise le travail de création de Anselm Kiefer, crée une oeuvre polysémique que le visiteur peut aborder librement, en ayant connaissance ou non des références érudites de l’artiste. Les vastes constellations d’étoiles, désignées par des numéros puisés dans les annuaires astronomiques ou dans la nomenclature de la Nasa, invitent en effet tout autant à la contemplation d’un passé ou d’un futur imaginaire, à la découverte des palais célestes de la Kabbale, qu’aux récits de la mythologie antique qui donnèrent leur nom à des systèmes stellaires.
Le dialogue ininterrompu avec la poésie, en particulier celle de Ingeborg Bachmann et de Paul Celan, est pour Anselm Kiefer une source de stimulation intellectuelle et émotionnelle inépuisable, qui, le plongeant dans l’horreur de la Shoah, lui donne en même temps les moyens de survivre.
Peintre allemand, Anselm Kiefer est né en 1945 à Donaueschingen dans le Bade-Wurtemberg. Il étudie d’abord le droit, les langues et les littératures romanes, avant de s’orienter vers l’art en fréquentant les Ecoles des beaux-arts de Fribourg-en-Brisgau et de Karlsruhe. Après avoir travaillé à Buchen dans le Bade-Wurtemberg, il s’installe en France et travaille depuis 1993 à Barjac dans le Gard et depuis 2007 à Paris.
L’oeuvre d’Anselm Kiefer démarre sur une interrogation capitale : comment, après l’Holocauste, être un artiste qui s’inscrit dans la tradition allemande ? Ce travail existentiel de mémoire s’est élargi d’une quête spirituelle nourrie de grands mythes et de mystique kabbalistique. Pétri de culture, il mêle peinture, photographie, livres et sculptures. Fasciné par le judaïsme, Anselm Kiefer a, tout au long de son oeuvre, exploré le thème de la Kabbale avec la même insistance que celui de la Germanité.

anselm-kiefer-symbole-heroique.1297960447.jpg
Ses oeuvres font partie des collections des plus grands musées du monde. En octobre 2007, trois de ses oeuvres (Athanor, une peinture de 11 mètres de haut, Danaë et Hortus conclusus, deux sculptures) entrent dans les collections du Louvre. Il a inauguré le programme Monumenta du Grand Palais à Paris en 2007, avec un travail qui rend hommage notamment aux poètes Paul Celan et Ingeborg Bachmann, mais aussi à Céline.
En 2009, à l’occasion des célébrations des vingt ans de l’Opéra Bastille, l’institution commande à Kiefer la conception d’un spectacle musical avec récitant, intitulé Am Anfang dont il réalise le concept, la mise en scène, les décors et les costumes sur des textes bibliques de l’Ancien Testament.
L’artiste a reçu le prestigieux Praemium Imperial Prize à Tokyo en 1999 et a été élu lauréat du Prix de la Paix des Libraires et Éditeurs allemands pour l’année 2008.
Anselm Kiefer a été nommé titulaire de la chaire de Création artistique au Collège de France pour l’année académique 2010/2011.
photos de l’auteur
Exposition jusqu’au 25 septembre 2011  avec diverses manifestations à consulter sur le site du musée

des visites guidées gratuites sont organisées certains dimanches

Segantini le sans papier

ave-maria-transbordo.1297819390.jpg« L’art c’est l’amour enveloppé de beauté »
A la Fondation Beyeler, nous pouvons admirer les toiles et dessins de Giovanni Segantini (1858 –1899) né à Arco, au bord du lac de Garde, rattaché à l’Autriche à l’époque,  il vécut d’abord à Milan, après le décès de sa mère, chez sa demi-sœur Irène.
Au décès du père Agostino Segatini, cette dernière demande l’annulation de la nationalité autrichienne de Giovanni, sans demander toutefois sa naturalisation italienne. Il restera un sans papier toute sa vie. Il passe un temps dans un établissement d’éducation surveillée de Marchiondi. Puis il regagne Milan où il travaille comme peintre de décoration, tout en prenant des cours du soir, pour réaliser son rêve : être peintre. Appelé Segante par tous il ajouté le n à son patronyme et s’appelle désormais Segantini.
Très vite un critique et marchand d’art Grubicy s’intéresse à lui et sera son principal agent toute sa vie. Il peint un portrait de Léopolidina Grubicy, à la collerette blanche, portrait charmant de grande  bourgeoise qui assied immédiatement sa réputation. segantini-portrait-leopoldina-grubicy.1297819495.jpg
Il fait la connaissance de Luigia Bugatti, dit Bice. Il s’installe avec elle à Pusiano dans la Brianza.
Des problèmes financiers, mais surtout le charme bucolique des montagnes de Savognin, incitent le couple à s’installer en 1886 en Suisse, dans les Grisons. Il élabore  des motifs à partir de la vie villageoise et alpine de grandes toiles qui représentent les habitants, des paysans de montagne, vaquant à leurs activités, comme dans « Vacche aggiogate » qui lui a valu une médaille d’or à l’exposition universelle de Paris. La haute montagne couverte de neige, mais encore éloignée, ferme l’horizon, par son dos la vache est parfaitement intégrée dans l’horizon. Avec les montagnes les sources sont un des motifs favoris de Segantini : elles jaillissent des Aples comme « une sève vitale » symbolique.
Segantini finit par s’établir avec sa famille dans le village de Maloja, dans l’Engadine, et passe les hivers rigoureux dans le Bergell. Il peint ses immenses tableaux en plein air, à des altitudes de plus en  plus élevées. Le légendaire Triptyque des Alpes, que préparent des études de grand format, constitue un sommet de son art. Cette ascension croissante fait accéder Segantini à un domaine où les montagnes lui font l’effet d’un paradis terrestre. Ses derniers mots ont été « voglio vedere le mie montagne » ( je veux voir mes montagnes ).
Giovanni Segantini  s’est fait connaître par ses tableaux de montagne et ses représentations de la vie, si proche de la nature, des paysans au milieu de leurs bêtes. Il a découvert dans le divisionnisme une forme d’expression artistique moderne qui lui permettait de rendre le rayonnement particulier des Alpes dans une lumière et des coloris nouveaux.
img_1239.1297820245.jpgSon oeuvre inspire la nostalgie d’une expérience de la nature intacte. Cette exposition célèbre en lui un précurseur de la peinture moderne,
La famille ayant négligé de le déclarer à l’état civil, vivant en Italie, cela l’empêcha de voyager pour défaut de passeport, l’exonéra de s’acquitter des impôts sur le revenu, n’ayant pas d’identité reconnue.  La nationalité suisse lui a été accordée après à titre posthume.
Papier crayon, papier carton. Son médium justement, c’est le papier, avec le crayon, la craie, le crayon conté, la mine de plomb, de charbon, la craie blanche, noire, de couleurs, le pastel, puis l’huile.
La première salle montre ce que l’on pourrait appeler Segantini avant Segantini, soit des tableaux peints à Milan, au début de sa carrière, avant qu’il ne commence à travailler dans une manière divisionniste, non par points de couleurs pures mais par traits fins juxtaposés. On y voit déjà plusieurs chefs-d’œuvre, comme Effet de lune, fortement inspiré par Millet mais dans une tonalité bien distincte, ou encore cette Oie blanche, qui renvoie à une toile de Soutine, memento mori, une  peinture pleine de liberté et d’élan ou à la Pie de Monet pour le quasi monochrome.img_1232.1297819960.jpg
Une toile intrigante « La première messe » on y voit un prêtre debout sur un escalier baroque, semblant méditer, éloge de la dévotion ? Son oreille est curieusement aussi torturée que la moulure de la rampe.
L’exposition regroupe environ soixante-dix toiles et de magnifiques dessins datant de toutes les périodes de la création de cet artiste. Son parcours artistique s’ouvre sur des scènes de la vie urbaine et se poursuit par des paysages de lacs de la Brianza, au nord de l’Italie, parmi lesquels la célèbre toile « Ave Maria a trasbordo. »  peinte ou dessiné au crayon, avec une voile, ou dans un format différent, rectangle sur papier à la craie. Un famille silencieuse, assoupie même, traverse le lago di Pusiano, seuls les moutons s’inclinent vers l’eau, tout le reste répand une paix divine, l’harmonie avec la nature. La barque semble symboliser le parcours de la vie, entre naissance et mort, eau et ciel, tandis que le cercle de couleur
ave-maria-au-crayon.1297819678.jpgconcentrique qui s’élargit autour du soleil prête à l’action une sublimité cosmique. Le tableau impressionne autant par son audace formelle : la frontalité, la simplicité chromatique, l’éclat lumineux du soleil couchant, le reflet du principal motif dans l ‘eau. La même virtuosité somptueuse se retrouve dans les dessins au crayon.
Le célèbre Triptyque des Alpes représente sans conteste le sommet de la création de Segantini. Comme en témoignent ses titres programmatiques « La Vie – La Nature – La Mort », il prend pour thème l’intégration harmonieuse des hommes et des bêtes dans le cycle de la nature. On verra dans cette exposition de spectaculaires versions dessinées de ce triptyque. Vers la fin de sa vie, Segantini connaît également une notoriété internationale grâce à ses oeuvres symbolistes, dont La Vanità (La Vanité, 1897).
Ses autoportraits, à vingt jeune homme plein d’assurance, puis l’autoportrait délirant que la présence du sabre transforme en fantasmagorie, reflet des années difficiles ? Puis celui de 1893, l’artiste apaisé, sentimental. Puis celui de 1895, , avec un regard perçant, lecteur de Nietzsche il se considère comme l’annonciateur de vérités éternelles, d’où la poussière d’or qui orne son portrait. segantini-auportrait.1297819797.jpg
Puis le dernier de 1898/99, pressentiment d’adieu, de mort , il est célèbre et lance le projet d’un panorama de l’Engadine pour l’exposition universelle de Paris, qui échoue. Il en reste le Tryptique  des Alpes, représentation de la divinité de la nature et du cycle de la vie.
On ne peut manquer le retour de la forêt, tableau inoubliable, emblématique, où il s’approche de la monochromie coloriste. Il représente un paysage enneigé, que traverse une femme qui tire son traîneau, chargé de bois mort. Symbole de la solitude ou même allégorie de la mort, le bois mort apparaît constamment au premier plan dans les toiles de Segantini, dont l’univers pictural est déterminé par le thème du cycle des saisons et de l’existence. C’est la couverture du catalogue de l’exposition.
Ne pas oublier l’Ore mesta, en 2 taille, puis au crayon.
Dans « mes modèles » Baba incarnait avant tout pour l’artiste un idealtype de toutes les figures féminines, bergères et jeunes paysannes.
img_1242.1297820038.jpgLes deux mères, Segantini n’a pu terminer sa toile, il est mort d’une péritonite, c’est Alberto Giacometti son ami, qui y ajouta la bergère et son enfant sur le dos, ainsi que le mouton et son agneau.
Mezzogiorno Alpi 1891
Une image de Paradis, qui rassemble les éléments essentiels de l’art Segantini. Le soleil embrase la lisière des arbres, une brise légère souffle, D’une main Baba, la gouvernante de l’artiste retient le chapeau, les yeux tournés vers l’avenir, le firmament. Les moutons broutent en nous tournant le dos, tout ce concentre sur le regard, tout pénétré de divisionnisme, l’artiste décompose la matière en lumière et en couleur et atteint ainsi une force lumineuse proprement surnaturelle, c’est la toile de l’affiche, qui au premier coup d’œil semble naïve de simplicité.
Les vastes salles baignées de lumière du bâtiment conçu par Renzo Piano, avec leurssegantini-mezzogiorno.1297820501.jpg échappées sur le paysage réel, mettent particulièrement bien en valeur la vénération de Segantini pour la nature, qui coïncide à maints égards avec la quête actuelle d’espaces naturels intacts.
Photos de l’auteur et courtoisie de la Fondation Beyler
jusqu’au 25 avril 2011

Elisabeth Bourdon – Partir de loin …

Jusqu’au 27 Mars 2011, avec l’exposition  « Partir de loin… », le Musée des Beaux-Arts de Mulhouse invite à découvrir l’œuvre d’
Elisabeth
Bourdon, son site
artiste-peintre mulhousienne. Entre constructions chromatiques et vibrations colorées, le parcours de l’exposition donne à voir en filigrane un travail où l’expérience dispute les apparences.
 Pour son exposition personnelle présentée au Musée des Beaux-Arts, Elisabeth Bourdon propose un florilège de toiles peintes, de formats carrés variés, composées de couleurs nuancées et de formes élémentaires.  Si l’utilisation du carré apparaît comme « l’unité d’un alphabet » pictural, les tableaux d’Elisabeth Bourdon ne veulent pas seulement être compris comme les assemblages d’une seule figure géométrique. En utilisant l’unicité d’une forme, l’artiste entend précisément emmener le regardeur de ses toiles de l’autre côté du sensible. Le carré, s’il fait référence dans l’œuvre d’Elisabeth Bourdon, vaut parce qu’il est associé à d’autres : juxtaposé, superposé et même cloisonné, loin d’exister pour lui-même, il est apposé, appliqué, par aplat précisément, afin de provoquer un « frémissement » visuel. Si l’artiste ne crée pas de séries, ses toiles cependant communiquent et se répondent, se tiennent la main parfois, créent des transitions toujours : vers un monde de possibles que l’artiste sonde elle–même avec une opiniâtreté remarquable. Elisabeth Bourdon interroge à cet égard les sens du spectateur. Son sens du regard tout d’abord, son acuité à dépasser les apparences et à percer le filtre d’un espace visuel à prime abord encombré. Elisabeth Bourdon incite le regard à aller au-delà de ce qu’il voit, et d’accéder à une « sphère claire » à l’aide d’interstices ménagés ici et là, timides ou plus présents. Car plus loin, il y a la couleur et ses infinis espaces : source de réjouissance et moyen efficace par lequel l’artiste interroge la sensorialité des accords qu’elle compose. L’exposition « Partir de loin… » ressemble à une invitation au départ. Il s’agit avant tout pour Elisabeth Bourdon de partir conquérir l’espace d’une toile, en deux temps. Partir de rien d’abord, de la surface d’une toile. Puis partir pour aller loin : recouvrir, et laisser néanmoins apparaître des respirations. Celles sans doute d’un souffle haletant mu par l’expérience de la peinture. Proche et présente, lointaine et distante tant le chemin à parcourir recquiert le sens et le goût du voyage, l’œuvre d’Elisabeth Bourdon, à l’image de la surface du tableau, épiderme de sensations variées, transporte les regards vers des émotions lointaines. 

Faire œuvre « d’expériences » : lignes, trames et points

L’évolution plastique et l’approche artistique d’Elisabeth Bourdon témoignent d’un profond goût pour l’expérience. Celle de la couleur et de son univers incommensurable. Celle de la forme et de ses métamorphoses. Entre l’un et l’autre, il y a le trait d’union de la touche, ce moment où la peinture est posée sur la toile et où l’expérience s’amorce : touche étroite à bords ovales, touche large à bords rectangulaires, ou touche quasi impressionniste où le point dialogue avec la persistance rétinienne. Entre toutes ses combinaisons qui annoncent la recherche d’une forme idéale, il existe essentiellement l’envie d’atteindre la mesure d’un répertoire formel et coloré. 
Raisonner par la couleur : mouvement et dynamisme

Dans l’œuvre d’Elisabeth Bourdon, le regard, le corps et l’esprit du regardeur sont simultanément emportés. Une force omnisciente les anime, sans aucun doute celle de la couleur et le mouvement qu’elle entraîne avec elle. Qu’il s’agisse d’une spirale visuelle, d’un frémissement ou d’une ébullition pour le regard, la couleur est ici employée de sorte que l’image fasse sensation. A cet égard, l’artiste déploie tout le bagage du professeur d’arts plastiques qu’elle est : la cohabitation des couleurs primaires, secondaires et complémentaires, l’attraction mutuelle et leur répulsion réciproque. S’organise ainsi un environnement où les unes laissent la place aux autres pour que se dessine enfin un « for intérieur » : cohabitation de règles et de surprises.
 L’interstice, cet intermédiaire : une question de rapport


 Les œuvres présentées dans l’exposition « Partir de loin… », lorsqu’elles sont rassemblées peuvent se lire comme une recherche de dialogue. Pour ce faire, Elisabeth Bourdon ménage dans ses toiles des espaces de transition. Petites « pépites » colorées ou simples espaces vides signifiés par un fond neutre, ces « communications » apparaissent tantôt comme des espaces cloisonnés, tantôt comme des respirations. Ruptures visuelles dans des gammes chromatiques harmonieuses, elles permettent de nouveaux rebondissements dans cette quête du voyage auquel convie Elisabeth Bourdon. 
S’affranchir du carré ?

Chez Elisabeth Bourdon, la forme n’est pas une fin en soi. Elle représente davantage le cadre, l’espace d’un dialogue, entre elle-même et les « paysages » de ses souvenirs gardés ainsi en mémoire. L’emploi du carré s’apparente de ce fait à une reconstitution. Forme simple, l’artiste lui impose cependant des métamorphoses : la régularité n’est pas de mise, ni dans sa disposition sur la toile, traitée empiriquement, ni dans son traitement formel. Moyen et non pas objectif, il n’est pas source d’une « composition ». L’artiste ne cherche pas à produire un caractère sériel, répétitif, mais bien à utiliser une unité propre à créer un processus de cohabitation dans ses toiles. Chaque carré coloré participe de l’équilibre d’un maillage encore plus vaste : mise en abîme peut-être, mais surtout évocation d’un ensemble transcendant.
texte de Mickael Roy


photos 1  2  6 de l’auteur
autres photos –  dossier de presse ville de Mulhouse

Le trésor des Médicis au musée Maillol

jardins-de-bobili-et-vue-du-palais-pitti-par-giusto-utens.1297291177.jpg« Que les Médicis dorment en paix dans leurs tombeaux de marbre et porphyre, ils ont fait plus pour la gloire du monde que n’avaient jamais fait avant eux et que ne feront jamais depuis, ni princes, ni rois, ni empereurs. « 

 C’est sur cette citation élogieuse d’Alexandre Dumas que débute l’exposition consacrée à l’illustre famille florentine et à leurs richissimes collections d’art au musée Maillol
Princes et mécènes, les Médicis n’ont pas seulement marqué l’histoire de leur cité florissante, ils ont aussi présidé à la destinée de l’Italie et de l’Europe, puisque de leur lignée sont issus deux papes (Léon X et Clément VII)portrait-de-tommaso-inghirami-raphael.1297290773.jpg et deux reines de France (Catherine et Marie de Médicis), dont l’influence a largement contribué au prestige du royaume.
Le parcours commence de manière spectaculaire dans la grande salle du rez de
chaussée! avec l’évocation d’un palais de la Renaissance. Un rappel subtil des fastes de
l’époque avec un tracé géométrique au sol créant un jeu de perspectives, un grand miroir
au fond de la pièce pour décupler l’espace, des arches grises pour évoquer l’architecture du
XVème siècle. Au centre de la pièce, les trésors (bijoux, sculptures, objets précieux…) sont
exposés sous des cloches en verre, comme des reliques, sur une grande table de salle à
manger. Diverses ambiances de couleur caractérisent cette magistrale entrée en matière,
vitrines tapissées de satin rouge, voile doré…
J’ai été émue par le Berceau d’un Orfèvre hollandais (Amsterdam)orfevre-hollandais-berceau.1297290607.jpg
Vers 1695, en
Filigranes d’or, émaux, diamants, perles et soie, 4,9 x 5,5 cm
Inscriptions sur le revers, à côté des deux bascules : « AVGVROR EVENIET »
Florence, Palazzo Pitti, Museo degli Argenti, inv. Gemme 1921, n. 2566
Ultime survivante de la lignée, la soeur de Jean-Gaston, Anne-Marie
Louise, princesse Palatine – dont le bijou en forme de berceau offert par son mari à la nouvelle de sa maternité tant attendue, ne suffira pas à lui donner un héritier vivant – cède toutes les collections Médicis à la ville de Florence, pour qu’elles restent « à la disposition de toutes les nations ». Un testament d’or et de feu, fantastique spectacle d’oeuvres et de chefs-d’oeuvre qui racontent la beauté du monde, un monde réorganisé pour l’esprit et les sens de la famille Médicis.
marrie-de-medicis-franz-pourbus.1297291272.jpgLa salle des deux reines ensuite, Marie et Catherine de Médicis! : moquette rouge et satin
blanc, tissu noir qui évoque la vie de deuil de Catherine de Médicis.
La salle des jardins aux murs habillés d’un treillis rappelle là aussi la vision avant-gardiste
des Médicis dans ce domaine avec la création des jardins de Boboli. Ici, des tableaux de
l’époque sont présentés avec deux sublimes tables en marqueterie de pierre.
La salle de musique décorée de tableaux et dévoilant une rareté, un violoncelle d’Amati (dont
Stradivarius fut l’élève)!; ici le décor est plus joyeux, usant de rubans de satin, comme les
rubans d’une fête…musique-nicolo-amati.1297291400.jpg
Suivent ensuite la salle des pierres dures, la salle des sciences avec son ambiance
cosmique, noire et bleu nuit, la salle des princes exposant des sculptures, des reliquaires,
des ex voto… dont l’écorché en bronze.
La scénographie est remarquable.
L’exposition du Musée Maillol se termine le 13 février 2011
on ne peut que relire Dominique Fernandez et son dictionnaire amoureux de l’Italie et aller à la chasse du trésor dispersé.

Beatriz Milhazes à la Fondation Beyeler

spring-love-2010_home.1296741291.jpgLa Brésilienne Beatriz Milhazes est l’une des artistes les plus en vue de la scène artistique internationale actuelle. Elle puise les thèmes fondamentaux de son œuvre dans la richesse de la nature tropicale ainsi que dans l’histoire et la culture de sa patrie, donnant naissance à des compositions très vivantes, remplies d’arabesques, d’ornements floraux et abstraits, de formes géométriques et de motifs rythmiques, qui révèlent une somptuosité chromatique lumineuse.
Pour la première fois une exposition est dédiée à Beatriz Milhazes en Suisse. Elle a été exposée à la Fondation Cartier pour la France. La Fondation Beyeler présente dans son souterrain une exposition qui rassemble quatre nouvelles peintures monumentales de l’artiste, une sélection de ses collages les plus impressionnants et un mobile. Les toiles spécialement réalisées pour cette exposition, auxquelles Beatriz Milhazes travaille depuis deux ans, déclinent le thème des quatre saisons. La technique picturale tout à fait singulière de Milhazes s’inspire de la décalcomanie. L’artiste recouvre de peinture des films plastiques transparents. Elle applique les couleurs sur la toile en retirant le film. Les films constamment réutilisés conservent ainsi des traces qui peuvent réapparaître dans la même œuvre ou dans des compositions ultérieures. Tel un palimpseste, chaque peinture témoigne de l’écoulement du temps.portrait-milhazes.1296939632.jpg
Avec les quatre saisons, c’est la première fois que Milhazes décide du sujet d’une œuvre avant de se mettre à peindre. Le plus souvent en effet, elle choisit le titre une fois son travail achevé, à partir d’une liste de mots et de phrases notés au préalable, sans qu’il existe obligatoirement de lien objectif entre le titre et l’œuvre. Il n’est pas rare non plus qu’elle emprunte les titres de ses collages aux matériaux utilisés, par exemple du papier d’emballage de sucreries. Leur papier multicolore ou monochrome, à motifs, brillant ou fluorescent est également employé pour réaliser des collages.collage.1296744534.jpg
mobile.1296744468.jpgEn 2007, Beatriz Milhazes a réalisé un décor pour la troupe de danse de sa sœur Marcia (Marcia Milhazes Dance Company). Un des mobiles qui ont servi dans ce spectacle a été repris et développé par l’école de samba Imperatriz Leopoldinense de Rio de Janeiro pour l’exposition de la Fondation Beyeler. Les matériaux se composent d’éléments décoratifs très simples, comme on en utilise pour confectionner les chars des défilés de carnaval.
Si la peinture constitue l’élément majeur du travail création artistique de Milhazes, elle recourt également à d’autres techniques telles que le collage ou la gravure. Parallèlement à la production de livres d’artiste, elle s’intéresse également à la création de textiles, de façades, de décors de scène et même d’espaces intérieurs comme celui de la Tate Modern de Londres. A l’Art Basel Miami Beach de 2010, la Fondation Beyeler a présenté un spectaculaire travail de revêtement de sol: toute la surface du stand était recouverte de carreaux de céramique conçus par Milhazes, qui expérimentait ainsi une nouvelle technique.img_1262.1296742225.jpg
Le travail de revêtement de sol de carreaux de céramique conçus par Milhazes est désormais une œuvre pérenne, visible au sous-sol de la Fondation Beyler. Je ne peux manquer de trouver un lien de parenté entre Cette artiste brésilienne et l’asiatique Murakami, exposé récemment au Château de Versailles, dans l’opulence multicolore des fleurs, quoique l’idée créatrice ne porte pas la même signification.
La commissaire de cette exposition est Michiko Kono, conservatrice adjointe à la Fondation Beyeler.
Jusqu’au 25.4. 2011
Photos 1 et 2  courtoisie de la Fondation Beyeler.
les autres de l’auteur

Ernest Pignon Ernest – Mystique du carmel

 Ernest Pignon-Ernest (né à Nice en 1942) travaillant la ville comme un matériau plastique et symbolique, Ernest Pignon-Ernest crée des œuvres éphémères par nature dont les traces nous sont offertes, dans les musées et dans les galeries, également dans les livres et les films : dessins préparatoires faits à l’atelier, photographies des rues métamorphosées par ses interventions.
les œuvres d’Ernest Pignon-Ernest sont souvent tragiques, liées à l’horreur des temps et à la condition des hommes à toute époque… Les images de Prométhée et de son aigle, les figures du Christ souffrant et de sa mère douloureuse, les ombres des morts d’Hiroshima hantent bon nombre de ses dessins.
En même temps, la joie de vivre, la sensualité ont leur place dans ce travail. D’abord s’y manifestent le plaisir du dessin et le bonheur de peindre la nudité des corps, même s’il s’agit souvent de corps douloureux. D’autre part, certains événements créés par l’artiste sont des événements heureux.
Ses œuvres les plus riches, les plus complexes, les plus émouvantes, Ernest Pignon-Ernest les a réalisées à Naples, au cours de quatre séjours (en 1988, en 1990, en 1993 et en 1995).
À Naples, il pense les rapports entre la mort et la vie, entre la mort dont on plaisante et celle qui fait pleurer, entre les pompes de la mort et sa misère, entre la mort que l’on donne aux autres et celle qui vous frappe, entre la mort et les dieux souterrains, entre les rites païens et les rites chrétiens. Il cite des tableaux de Caravage et reprend les gestes peints par les peintres napolitains du xviie siècle ; il les reprend avec une heureuse liberté, avec une infidélité volontaire, afin de rendre plus lisibles et plus bouleversants les corps placés en hauteur dans une rue étroite, ou d’autres corps situés dans un soupirail, tout près de dalles en lave noire.

À Naples, il montre des ensevelissements et des résurrections. Il rêve aux Enfers décrits par Virgile. Il se souvient du voisinage de Pompéi et d’Herculanum, cités ensevelies et protégées par leur disparition provisoire. Ses œuvres tendent à manifester la proximité de la catastrophe et du miracle, de la mort et de l’érotique, à rappeler les cultes païens de fécondité et leur continuité masquée à l’intérieur du christianisme… À Naples, il a collé près de mille dessins et sérigraphies.
« Ça fait, dit-il, que j’ai caressé, que je connais les murs de Naples, leur texture, jusqu’au bout des doigts. »
Pour terminer cette approche des œuvres d’Ernest Pignon-Ernest, on soulignera deux de leurs caractères. Tout d’abord, ce sont des œuvres sans couleurs, des dessins en noir et blanc. Elles échappent ainsi à la fois à la tentation du trompe-l’œil et à celle du pathétique. Le sang n’y est pas rouge.
D’autre part, il n’y a pas de cadre autour des œuvres. Celles-ci ne se limitent pas à l’image : parmi les éléments qui constituent chaque œuvre, il y a le mur où elle se place, le sol au pied de ce mur, les habitants et les passants, les souvenirs et les fictions qui hantent la ville. En même temps, l’image creuse les murs, travaille et transforme l’espace urbain. Cette transformation est, la plupart du temps, acceptée par les habitants eux-mêmes, souvent aimée par eux.  Le noir et blanc, le refus du cadre, l’homme habite poétiquement ses œuvres.

Jusqu’au Lundi 28 Février 2011

Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis
22 bis rue Gabriel Péri
93200 SAINT-DENIS

EPE a fait du corps l’objet de ses recherches plastiques. En dialogue depuis presque 20 ans avec les grandes figures mystiques que sont Marie-Madeleine, Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila,

Marie de l’Incarnation, Madame Guyon, il a conçu une installation novatrice pour dire la matérialité et la sensualité de ces corps de femmes ayant aspiré à la désincarnation. Cet artiste pour qui le papier n’a jamais été un support anodin, a choisi que ses oeuvres fassent corps avec leur réceptacle, à savoir l’architecture qui les reçoit, et contribue à leur donner sens.
Mystique du carmel

A partir des dessins, des scans et des tirages numériques pigmentaires ont été réalisés, puis marouflés sur des panneaux en aluminium mis en forme de feuilles, pour donner un ensemble exceptionnel de ces corps de femmes dont l’image se reflète dans un plan d’eau. C’est la dimension spirituelle du corps qui est au coeur de cette exposition. Le travail d’Ernest Pignon-Ernest, déjà présent dans les salles du musée consacrées à la guerre de 1870 et la Commune de Paris, rejoint ici non seulement la mystique du carmel et les figures célèbres de Marie Madeleine

et de Madame Louise, mais aussi celles des Surréalistes et du poète Paul Eluard qui avait pris pour titre d’un de ses recueils Mourir de ne pas mourir des vers de Thérèse d’Avila.
Cela m’a d’autant plus touché, c’est que j’avais entraîné mes amis à Rome, pour voir les chefs d’œuvre du Bernin, Ludovicina Albertoni a San Francesco da Ripa dans le Trastevere,

mais aussi l’extase de Sainte Thérèse d’Avila, à la chapelle Cornaro, Sainte-Marie de la Victoire, Rome, 1645, entourée des membres de sa famille de part et d’autre
Surprenant a aussi été la vision d’une sculpture de La Madeleine de Donatello au Bargello de Florence, qui est loin du dessin d’Ernest Pignon Ernest.

Il faut terminer la visite par la chapelle  où la vision est quasi mystique, les panneaux dans la pénombre s’illuminent l’un après l’autre, surgissent de la pénombre, pour former un ensemble empreint de grâce, de ferveur, de sensualité extatique.

Photos de photos …… de l’auteur

Marie Madeleine

C’est d’abord une impressionnante statue en bois, de Madeleine pénitente, dépeinte comme une vieille femme édentée couverte de longs cheveux, dont les mains tremblantes s’efforcent de s’unir pour la prière, c’est incontestablement une des œuvres les plus poignantes de Donatello, sculptée vers 1454 (Comme dirait Marie-jo, c’est puissant ….), pour le Baptistère, de Florence, présence attestée une première fois vers la fin du XVe siècle. Après les dommages causés par l’inondation de l’Arno de 1966, une restauration s’impose. Il apparut qu’elle était dorée à l’origine. On peut la voir au musée du Duomo.
Si l’on lit Daniel Arasse, Madeleine est une figure « composite », le fruit d’une condensation, accessoirement une fausse blonde ( voir la toison de Madeleine !) Pour DA, sa chevelure est un attribut féminin. Ses cheveux sont son image de femme, la manifestation de son corps femelle, tellement exubérante qu’ils nous empêchent de rien voir. C’est à cause d’eux que Madeleine existe, pour eux, grâce à eux, rien d’autre. Sans ses cheveux Madeleine n’existerait pas. A son avis elle n’a jamais existé.
Je fais court, reportez-vous à la page 97 du livre de
DA, « on n’y voit rien » vous ne le regretterez pas…
Frère Jacques a tout inventé : elle voit Jésus, elle a honte de son passé, se repent, pleure, renonce à ses plaisirs en lui lavant les pieds, les essuie avec sa longue chevelure, les parfume et n’arrête plus de pleurer… en fait elle est Marie, la sœur de Marthe qui passe son temps à la cuisine, et de Lazare que Jésus ressuscite ; Luc parle d’une autre Madeleine, la vraie selon DA. Jésus l’avait ramassée à Magdala, sur le lac de Tibériade, juste une hystérique que Jésus a exorcisé de ses 7 démons, pas moins… Une putain de la ville, à Naïn, quand Jésus déjeunait chez Simon vient lui laver les pieds, les parfumer et les baiser.
Ceci donne lieu à une belle histoire, un cocktail de Marie la sœur de Marthe, Marie la putain, à cause du lavement des pieds, et de Madeleine, l’hystérique aux 7 démons, une parabole, Marie-Madeleine, avec Jean, favorite de Jésus.
Il lui apparaît après la résurrection, sous la forme d’un jardinier, lorsqu’elle reconnaît Jésus il prononce le « Noli me tangere » (ne me touche pas) non je n’ajouterai pas comme DA,  » des fois qu’avec ses larmes, son parfum et ses cheveux, elle lui aurait trop bien lavé les pieds et lui aurait cicatrisé les stigmates !… »
Quand ils ont inventé Madeleine, (DA) ils ont construit un triangle sémiotique dans lequel les femmes trouvent leur destin. Entre Marie, la pure, la vierge, un dogme, Eve la pécheresse et Madeleine la prostitué repentie, il permet aux filles d’Eve de devenir des filles de Marie, puisque repenties. C’est la sainte des femmes par excellence. Da continue, les femmes sont toutes des filles d’Eve, bien comme leur mère, tentatrices, séductrices, menteuses, bavardes, il en passe et non des moindres, que pouvaient-elles faire les femmes ? D’Eve à Marie, pas de passage, pas de transformation possible. Il n’y a rien à faire, Eve et Marie sont contraires. La preuve, quand Gabriel s’adresse à Marie, il lui dit « Ave » vous croyez que c’est le hasard ? Ave c’est le contraire de Eva, dès le premier mot on a tout compris, Marie renverse Eve, elle annule la malédiction. Mais que peuvent faire les filles d’Eve ? Rien. Rien jusqu’à ce qu’on invente Madeleine, parce qu’avec elle c’est le passage de l’une à l’autre, ou plutôt de l’une vers l’autre, parce qu’aucune femme ne pourra jamais être Marie, alors qu’elles peuvent devenir Madeleine …. Sa chevelure exhibe sa pénitence actuelle et son impudeur passée. En fait la seule qui a une grande chevelure c’est Madeleine l’Egyptienne, qui expie ses turpitudes dans le désert, vieille, hagarde, amaigrie, édentée.
Commentaires
1. Le 17 décembre 2*** à 09h, par une enfant de Marie
instructif en effet, bonne lecture …..
2. Le 17 décembre 2*** à 13h, par lobita
DA dit vrai, il n’y a aucune trace dans les Evangiles de la Madeleine qui a inspiré cette sculpture en bois. La sculpture n’est pas moins magnifique, bouleversante et courageuse. Et j’ajoute fr.youtube.com/watch?v=EC…
P.S. je n’ignore pas le message et la question que tu m’as envoyé; je prends un peu de temps pour répondre, car la fille d’Eve que je suis est prise dans la tempête de ses émotions…