Corpus Baselitz – Musée Unterlinden

Jusqu’au 29 octobre 2018 au
Musée Unterlinden, Colmar

À l’occasion du 80e anniversaire de l’artiste allemand
Georg Baselitz, le Musée Unterlinden lui consacre une
importante exposition.

« Je peins toujours sur le sol, parce que je pense que
le monde est mieux organisé sur le sol. J’utilise de très
grandes toiles, et si je veux être au centre, je dois marcher
dessus. (…)
Au début, je marchais sur des planches de bois,
afin de ne laisser aucune empreinte sur les toiles.
Puis j’ai enlevé les planches pour que vous voyiez
les traces de pas. »

G. Baselitz, 1995
Après la rétrospective de l’artiste présentée à la
Fondation Beyeler,
parallèlement avec le Kunstmuseum de Bâle,
Travaux sur papier,
c’est un musée français qui présente cet artiste.
Il fait partie du quatuor contemporain, avec Gerhad Richter
Sigmar Polke, et Anselm Kiefer

des artistes allemands, les plus prisés de sa génération.
Pour nous alsaciens, qui habitons dans le « triangle d’or » des
3 régions (Grand Est, Allemagne, Suisse) ces artistes
ne sont plus des inconnus, tant ils sont présentés dans ces pays.
Intitulée Corpus Baselitz, cette exposition présente un ensemble
inédit de 70 oeuvres – peintures, dessins, sculptures –
réalisées entre 2014 et 2018
, dans lesquelles l’artiste interroge
son propre corps et, à travers lui, sa place dans l’histoire de l’art.
Depuis 1969 et ses premiers tableaux aux motifs renversés,
Baselitz multiplie de façon plus ou moins régulière – dans la
tradition du nu et de l’autoportrait – la représentation de son propre
corps accompagné ou non de celui de son épouse Elke.
L’hiver 2014-2015, l’artiste entame un travail sombre et introspectif
dans des autoportraits nus où il se confronte à la réalité de son âge,

Il convoque ses anciens tableaux et ses maîtres
(Baldung Grien, Bacon, Duchamp, Dubuffet, Dix, Picasso, Titien…)
dans une apparente descente aux enfers.
Le corps usé, mutilé et impuissant s’expose, sans concession
ni pathos, dans des espaces abstraits : la violence du
traitement du sujet sur fond d’obscurité et de néant est contrebalancé
par le mouvement, la répétition du motif, la générosité de la
matière, la vigueur du geste et une nouvelle technique de peinture
qui transfigure les corps rendus luminescents et vibrants
« L’artiste n’a de responsabilités envers personne.
Son rôle social est d’être asocial. Sa seule responsabilité
réside dans sa position face au travail qu’il accomplit »
G. Baselitz

L’obsession du sujet de son corps mis à nu, décliné à l’aube
de ses 80 ans et la transmutation de cette vision noire en une
représentation vigoureuse et généreuse offerte au public, témoignent
de la permanence de l’énergie vitale et créatrice de l’artiste.
Le thème, la forme (empruntée parfois aux polyptyques médiévaux),
la monumentalité, la matière et la couleur dans les oeuvres de
l’artiste allemand résonnent comme un écho contemporain aux
panneaux de Grünewald dans le Retable d’Issenheim,
chef-d’oeuvre du Musée Unterlinden. (1512 et 1516)
Réflexion existentielle, véritable mise à nu, l’oeuvre récent
de Baselitz est à la fois un recommencement, une renaissance
et un retour aux origines.

La présentation des oeuvres monumentales de Baselitz est
magnifiée par le nouveau cadre architectural du
Musée Unterlinden réalisé par Herzog & de Meuron, ceux-là
mêmes qui édifièrent il y a dix ans sa maison et son atelier sur
les bords du lac Ammersee en Haute-Bavière.
Les volumes des espaces et la taille des cimaises, très semblables
à ceux de l’atelier bavarois qui a vu naître ses oeuvres récentes, ont
contribué à la présentation de ses sculptures et de ses formats
monumentaux dans un environnement parfaitement adapté.
Frédérique Goerig-Hergott, commissaire de l’exposition

Mot de la commissaire
Présenter des oeuvres de Georg Baselitz au Musée Unterlinden
en regard du Retable d’Issenheim était déjà une évidence en 1993.
Cette année-là, l’exposition « Variations autour de la Crucifixion –
Regards contemporains sur Grünewald
» croisait les oeuvres
de Bacon, Fontana, De Kooning, Picasso, Rothko, Saura et Sutherland
avec celles des héritiers allemands du maître d’Issenheim, Barlach,
Beckmann, Dix, Grosz, Nolde et les contemporains Baselitz, Kaminski,
Knaupp, Lüpertz, Nitsch, Rainer et Schönebeck, autour de la plus
célèbre Crucifixion de l’histoire de l’art occidental.
Consacrer une exposition à Baselitz, après celle qui fut dédiée en
2016 à Otto Dix, s’inscrit dans cette même réflexion du musée
sur la réception du Retable d’Issenheim (vers 1512-1516) par l’art
allemand des 20e et 21e siècles.

Par ailleurs, dans le contexte du quatre-vingtième anniversaire
de Baselitz et des rétrospectives qui lui sont consacrées en Allemagne,
en Suisse et aux États-Unis, le Musée Unterlinden, en France,
se devait de rendre un hommage appuyé à l’une des plus grandes
figures de l’art allemand qui s’inscrit dans la filiation de Grünewald,
icône de la peinture germanique dont le musée détient le chef-d’oeuvre.
Georg Baselitz appartient à la tradition allemande anti-académique
apparue au 19e siècle à l’initiative des romantiques
Caspar David Friedrich et Philipp Otto Runge et caractérisée par le
non-respect des règles et des idéaux esthétiques. Le renversement
de ses motifs en 1969, par sa réaction à l’ordre traditionnel,
participe de sa démarche visant à saper les conventions tout en nous
contraignant à modifier notre perception par la proposition de
nouveaux points de vue.
Le travail de Baselitz se réfère à l’histoire de l’art, à son époque,
à sa culture et à ses racines, faisant écho à la pensée nietzschéenne
selon laquelle
« La vérité est laide : nous avons l’art afin que
la vérité
ne nous tue pas ».
Il s’inscrit en effet dans la lignée des peintres de la dissonance,
dont Grünewald et Dix sont les représentants incontournables
dans l’histoire de l’art allemand.
Refusant toute séduction, tout divertissement, tout pathos,
il fait de la dysharmonie le principe de son oeuvre, qui à terme
nous bouscule, nous irrite autant qu’il nous envoûte.
Le choix du Musée Unterlinden s’est volontairement porté sur
le travail le plus récent de Baselitz, véritable mise à nu introspective
et prolifique (une centaine de tableaux sur le sujet du nu entre 2015 et
2017), qui, s’il s’inscrit dans la continuité de son parcours, est un
recommencement, une renaissance et un retour aux origines,
illustrant le propos de Gaëtan Picon :
« Les derniers tableaux sont quelquefois ceux où
le peintre
commence à parler. Ils annulent (pour lui,
sinon pour nous) c
e qui précède. Ils inaugurent le
temps. Ils sont les tableaux d’une naissance. »
]…..

Le choix du titre, « Corpus Baselitz », est bien évidemment
lié au sujet traité dans cette exposition, celui du corps de l’artiste
lui-même.
Il fait tout autant référence à l’ensemble de sa production, enraciné
dans son histoire et la terre de ses origines, qu’à l’idée eucharistique
du don de soi. ….[
 Le couple
Pour Baselitz, la question du motif est toujours restreinte à
l’intimité, en relation directe avec sa vie et son passé. S’agissant
de portraits, son épouse est un sujet récurrent depuis les premiers
renversements de 1969 qui lui permettaient, à travers ce genre
traditionnel, de neutraliser toute expression conventionnelle
Nus descendant l’escalier
À partir de février 2016 se succéderont, selon le même principe
technique d’autocitation
(Fingermalerei–Akt et Fingermalerei–Weiblicher Akt, 1972)
et de références artistiques, les représentations nues et en pied de Elke.
Leur traitement lumineux et flouté ainsi que le mouvement de
descente suggéré par les titres renvoient au célèbre tableau
photoréaliste de 1966 de
Gerhard Richter représentant sa femme,
Ema dans l’escalier, lui-même inspiré du
Nu descendant l’escalier n°2 (1912) de Duchamp,
qui se réfère entre autres aux chronophotographies
de Muybridge, Nu descendant un escalier (1887)…
Les références sont multiples.
Programmation autour de l’exposition
Visites guidées
Conférences

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.