Adel Abdessemed en regard de Matthias Grünewald – François Pinault prêteur

Entre « Crucifixion et Décor »

Adel Abdessemed Décor ©

Le Retable d’Issenheim est l’une des œuvres dont la fortune critique et artistique est sans doute la plus considérable dans le monde occidental depuis la fin du XIXe s. En 1993, le musée Unterlinden avait consacré une exposition à l’influence de la crucifixion de Grünewald dans l’art du XXe s. 20 ans après, force est de constater que les artistes poursuivent leur relecture de ce chef d’œuvre. Signalée par Jean Jacques Aillagon à Frédérique Hergott de la disponibilité d’une œuvre de l’artiste Adel Abdessemed directement inspirée du Christ en croix du Retable d’Issenheim, appartenant à la collection de François Pinault, le choc qu’elle éprouva, lui fit paraître évident qu’elle devait être exposée en regard du Retable. La vision des détails et de l’ensemble appelé Décor, au-delà d’une simple interprétation , extrayait l’essence du modèle d’origine. « arracher » le motif pour se l’approprier, créer une œuvre nouvelle.


A partir de la représentation du Christ en croix du Retable d’Issenheim, Adel Abdessemed pose la question sans réponse de la souffrance humaine. A la chair pénétrée par les épines chez Grünewald, il substitue un corps constitué de fils de fer barbelé acéré et tranchant, instrument et symbole contemporain de la violence et de la souffrance. L’artiste figure le crucifié comme une immense blessure, concentrant en un seul corps à la fois la torture et la cruauté.
Reproduite 4 fois, l’icône transformée en modèle d’anatomie décharné devient un sujet et la violence est annihilée par les effets esthétiques de la matière brute de l’ensemble savamment tressé. Reproduit 4 fois, ce corps constitue un décor au sens où il est l’arrière-plan devant lequel nous vivons. Au Christ lourd de Grünewald faisant ployer la poutre horizontale de sa croix A. Abdessemed oppose un corps décharné et en suspension. Au corps unique en putréfaction peint, il substitue « des corps » en 4 exemplaires parfaitement alignés, annihilant les effets dramatiques du premier dans une organisation stable et ornementale que trahit le titre de l’œuvre . En se référant à une icône religieuse et à un chef d’œuvre de l’histoire de l’art, en se saisissant du monde contemporain qui lui fournit la matière de son travail. A. Abdessemed  réalise par un savant montage d’éléments paradoxaux, une œuvre portée par une puissance esthétique, comme une réponse éclatante aux violences du monde contemporain.

Adel Abdessemed Décor détail

Après une première exposition à la galerie David Zwirner  (Chelsea) à New York, l’ensemble Décor ne pouvait être présenté pour la première fois en Europe, qu’à à un seul endroit, ici, à Colmar, au musée Unterlinden, dans une confrontation directe et sans artifices avec la figure du Christ de Grünewald. A l’heure où le musée célèbre le 500 e anniversaire du Retable d’Issenheim, ce rendez-vous ne devait être manqué. Adel Abdemessed avait confié à Frédérique Hergott que pour lui exposer Décor en regard du Retable était un rêve.
Texte Frédérique Goerig-Hergott

Adel Abdemessed  (Interview Adel Abdessemed) quitta l’Algérie en pleine guerre civile en 1994, il arriva en France âgé d’un peu plus de 20 ans. Il suivit des études à Lyon sous la férule de Giovanni Careri, Depuis il a tracé son chemin d’artiste, sans jamais se départir d’une volonté de prise en main de la réalité pesante du politique, mais sans omettre l’histoire de l’art. Ses œuvres émettent un engagement criant et une distance métaphysique.
(vu à la Dogana en 2011)

Un catalogue en vente au musée, aux Editions Xavier Barral, a été édité sur l’oeuvre « Décor » comprenant des textes de François Pinault, Jean Jacques Aillagon, Frédérique Goerig-Hergott, Eric de Chassey, Giovanni Careri « Baptisée Décor, l’oeuvre d’Abdessemed, récemment exposée à New York et achetée 2 millions d’euros par François Pinault, est prêtée par le collectionneur au Musée Unterlinden de Colmar jusqu’au 16 septembre, pour le 500e anniversaire du fameux retable d’Issenheim. Opération pilotée par Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture, qui a repris du service auprès du mécène : « J’ai appelé la conservation du musée, ça s’est fait très rapidement, j’adore monter des coups comme ça », s’amuse celui qui a expliqué, dans Libération,  » extrait du Monde du 27 avril article de Florence Evin

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Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

10 réflexions sur « Adel Abdessemed en regard de Matthias Grünewald – François Pinault prêteur »

  1. œuvres magnifique puissante internationalela cerise sur le gateau mais inimaginableles exposer a jerusalem serais un message puissant niveau internationale et puissant pour la region ou au saint sepulcre vos œuvres sont puissantesvos œuvres sonts t elles a vendre merci

  2. Tout d’abord, cette « artiste » tricote certains signes, de l’actualité ou non, on s’en fout. Et il tricote par de vrai. Dans ce cas, il fait tricoter de l’acier inox « qui fait mal » ( la connerie du fil barbelé de Guantamano..), et il le tricote comme tricotaient les mamies d’antan.
    Est ce qu’on sait encore bien dessiner ?! Quelle jolie leçon d’un savoir faire faire.
    Bon, et alors ? Bon produit , belle matière, et qu’elle soit surtout « étrange » , et qui en plus nous fasse peur!..(mamma mia!…Ca renvoie à la violence concentré dans le corps . Bravo!. Le crucifix, corps martyrisé, et corps répété, pour oublier et faire décor…mamma mia !.
    Cette ennuyeuse attitude esthétique installée dans, ce qui devrait être « l’art contemporain », gonfle non seulement les poches des machines du marchandage actuel, avec ce qu’il porte de gout scolaire-bébete. Mais ça nous gonfles les boules aussi. Celles de l’intellect et celles d’en bas. Bref, c’ est gonflant.
    Cette attitude qui revient, et revient..de l’artiste exotique qui fait les cours de religions et de politique extérieure. Le sauvage un peu délinquant, adapté-bienadopté, et qui prophétise et sermonne. Le ministre pimenté au feu au cul, faux-cul, des affaires étrangers. Mammma mia!
    Que l’ Académisme occidental veut montrer son plaisir à se mêler bien aussi avec un Académisme exotique, ça on l’a bien compris! Les moufleries des amours bourgeois on les connait par coeur !
    Et l’accompagnement un peu co-con de « l’instituteur » qui vante publiquement sa petite excitation: « ..j’adore monter des coups comme ça.. » On dirait une pub indigeste des surfaces Leclerc!..Quel mauvais esthétisme de plateaux télé!
    Ces camelotes contemporaines , construites avec des lames d’acier inoxydable qui peuvent « blesser », et embues d’ une signification socio-politique à la va vite ..un peu cucul-la- pralinette, dérivent vite dans le gout mouflé et du « décor » momifié de la plus pourrie culture bourgeoise. C’est de la simple combine entre gros vendeurs de marchandise la plus désuète (les nouveaux parvenus-Médicis) et la bélatrerie-balatrérie des institutions putains, qui nous embourbent culturellement et publiquement ( soit, avec les moyens de tous!) avec leurs discours bêtement scolaires et péripatétiques qui trahissent une étrange disposition à l’orgie avec le critère marchand du « choix des choses emblématiques « .
    Ce n est même pas de la critique, à ce banal rapprochement scolastique avec l’histoire, que je fais. C’est que c’est stupidement con de penser et montrer que l’art se fait comme ça, et qu’il aie besoin de ça .
    Et que les lieux « culturellement publiques » puissent se permettre ces rapprochement festifs, c’est alors là, de la honte pour manque d’imagination! Et de la pouffiasserie ostentatoire de l’esprit institutionnel et publique complaisant avec le paillettes du « beau, vu par le marchand » !
    Il se peut que on ne parle même pas d’Art,en tout cas.
    Et comme dans tous les moments des époques d’embourbements académiques, on n’attend et on n’arrête pas d’envisager qu’une chose: que l’Art se fasse ailleurs! Qu’ il fasse autres choses !
    Anacronist.

  3. Paru dans Libération juin 2012
    Interview Arts . Adel Abdessemed revisite le thème de la crucifixion à l’occasion des 500 ans du retable peint par Matthias Grünewald, joyau du musée Unterlinden de Colmar.
    Par VINCENT NOCE Envoyé spécial à Colmar (Haut-Rhin)
    Quatre Christ en barbelés sont accrochés sur le grand mur grisâtre de la chapelle du couvent Unterlinden, à Colmar (Haut-Rhin), qui abrite l’une des plus belles collections du gothique rhénan en Europe. Plus grande que nature, cette création d’Adel Abdessemed est placée en vis-à-vis d’une œuvre absolue, le cycle peint il y a cinq cents ans par Matthias Grünewald pour le retable du monastère d’Issenheim. Chaque visiteur peut apprécier combien ces avatars modernes, placés tout près du sol, sont déchirants. Dans tous les sens du terme, puisque cet artiste kabyle de 40 ans les a constitués tout entiers de barbelés tordus. Pas le vieux fil de fer des campagnes propres à la rouille, mais ces bandes galvanisées, brillantes et féroces, coupantes comme des rasoirs, telles qu’elles ont été déployées autour de Guantánamo.
    La comparaison n’est pas forcée, puisque ce créateur avait déjà utilisé ce matériau dans de précédentes œuvres en faisant allusion au camp américain.
    Ce rapprochement impressionnant entre deux œuvres aussi fortes, c’est François Pinault qui l’a voulu. Le collectionneur a eu le coup de foudre pour ce polyptyque quand il a été dévoilé durant quelques mois, l’an dernier, dans la galerie new-yorkaise du batteur de jazz réformé David Zwirner, qui l’aurait cédé pour 2 millions d’euros. L’artiste l’a baptisé Décor, titre qui laisse volontiers perplexe, Abdessemed parlant de malheur, d’espoir et de plaisir dans la religion. Avec lui, le corps devient épine. Il a repris à l’identique la silhouette du Christ de Grünewald, image particulièrement crue, les chairs du supplicié à vif, couvert de plaies, qui a tant ému les artistes depuis la Renaissance. Deux différences : d’une bouche tordue sort un cri silencieux, alors que le supplicié de Grünewald s’éteint. Abdessemed a aussi aligné quatre crucifiés, alors que l’iconographie chrétienne figure le Christ entouré des deux larrons. Il en a d’abord réalisé trois, avant de songer à poursuivre par un autre. Celui qui ne se donne pas à reconnaître. Rencontre avec le plasticien.
    Votre Christ ressemble beaucoup à celui de Grünewald, mais vous avez gommé le sang…
    Vous ne trouverez pas une goutte de sang dans mon œuvre, jamais, je n’aime pas voir le sang, le sang me répugne. Grünewald explore le malheur et la perte, certainement. Mais, en même temps, il a réalisé cette œuvre comme un talisman, pour les malades soignés par les moines. Il y a de la souffrance dans le christianisme, bien sûr, mais il y a également de la sublimation, on y parle toujours de salut, du sauveur.
    Vous avez ajouté un quatrième crucifié…
    Oui, absolument. Je parle en artiste, pas en individu croyant. Les trois sont la Trinité ou les trois religions monothéistes, le quatrième, c’est Décor. Les quatre ensemble n’expriment aucun scandale, aucune contradiction. La beauté à l’état pur, c’est toujours moral. Le retable s’adresse à toute l’humanité. L’humanité du Christ est exaltée par une force intérieure. Le crucifié, lui, n’est pas l’étranger, il est une image connue. On pourrait même dire : le crucifix, c’est Coca-Cola. Mais dans mon œuvre, ce n’est pas l’image qui domine, c’est le cri. C’est lui qui m’intéresse. Le Christ connaît sa douleur, mais le cri exprime celle qu’on ne connaît pas : Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? A quelle fin ?
    S’attaquer à l’un des chefs-d’œuvre les plus admirés de l’histoire de l’art, n’est-ce pas un peu gonflé ?
    Oser l’aborder de front comme cela, c’est d’une prétention infinie. La prétention de l’artiste est infinie. Aussi infinie qu’abominable. Comme le vase abominable de Philip K. Dick. J’avais découvert le retable en décembre 1995, l’Alsace sous la neige et dans le brouillard, j’étais venu en stop, il faisait froid, j’étais mouillé, j’avais peur de ne pas trouver de transport pour le retour le soir, ce fut un choc de le voir. Cette chapelle aussi, ce n’est pas comme au Louvre, c’est un autre espace. J’ai pensé la figure du Christ comme une figure de résistance.
    Vous-même avez fait allusion au premier tour de la présidentielle, dans une terre favorable au FN…
    20% pour le Front national ! Les gens ne s’inquiètent pas, on continue de boire et de manger. Stefan Zweig décrivait cette vie quotidienne qui se poursuivait : dans les années 30, on lit son journal, on se promène… Les gens ne se rendent pas compte, ils attendent que le pire arrive. Récemment, dans une partie du monde plus heureuse que la nôtre, quelqu’un a utilisé la devise : «Don’t be happy, be worried.» Derrida dit que l’avenir est aux fantômes.

  4. Merci pour votre passage et votre commentaire,
    AA ne dit pas lui-même dans mon interview que le fil de fer vient de Guentanamo, il a du l’acheter chez le même fournisseur.
    Moi-même je suis restée sur ma faim en voyant les Christ, en dehors du fait que c’est quasi identique à la facture du Christ du Retable, c’est une production froide, voulue par l’artiste, pour souligner la cruauté, la violence, qu’il exprime dans toutes ses oeuvres.
    La peinture sublime de Matthias Grünewald n’est comparable à rien d’autre.

  5. La « puissance esthétique » de ces œuvres n’a rien d’évident – tout au plus du bon artisanat – elles ne supportent absolument pas la confrontation avec le Christ de Grünewald.
    Quant au rapprochement entre la détention de terroristes à Guantanamo (les sculptures sont en fil barbelé de Guantanamo) et la crucifixion, elle est pour le moins douteuse.

  6. Une journée particulière. Un jeudi 26 avril semé de rendez-vous manqués : piste d’atterrissage fermée à Colmar, avion détourné à Strasbourg, navette indisponible… Comme s’il était interdit d’assister au dialogue entre le Christ en croix, chef-d’oeuvre de Grünewald, peint en 1512, les membres raidis par la torture, le cri presque audible sur ses lèvres entrouvertes, et sa réplique de même taille, d’une même force, signée Adel Abdessemed, quatre figures du Christ en fil de fer barbelé du camp de Guantanamo, lames brillantes et polies comme des pièces d’orfèvrerie.
    L’artiste français, né en Algérie en 1971, a voulu, lui aussi, exprimer « le cri de ce jeune homme sacrifié comme l’agneau. Un cri à venir. Pour moi, l’avenir est fantôme, comme chez Derrida. Je ne sais pas de quoi il sera fait. Ce n’est pas le passé qui nous domine, mais les images du passé ».
    Cette « conversation » Grünewald-Abdessemed est-elle une coïncidence, en pleine campagne présidentielle, précisément en Alsace, où le Front national a remporté, au premier tour, 22 % des suffrages ?
    François Pinault, qui organisait le déplacement à Colmar, répond tout net : « Dans le contexte actuel, c’est important, les choses sont rarement une coïncidence. C’est une façon de me révolter contre les gens qui ne savent pas pour qui ils votent. Qu’ils viennent ici devant les Christ ». Le milliardaire tire ses salves en direction du président sortant dont il moque la dernière formule : « Présomption de légitime défense, c’est comme au Far West, il faut dégainer le premier ! Il perd les pédales. Les gens proches de lui pensent qu’il pourrait encore gagner. Il est cuit ! C’est comme dans le bunker de 1945. »
    Baptisée Décor, l’oeuvre d’Abdessemed, récemment exposée à New York et achetée 2 millions d’euros par François Pinault, est prêtée par le collectionneur au Musée Unterlinden de Colmar jusqu’au 16 septembre, pour le 500e anniversaire du fameux retable d’Issenheim. Opération pilotée par Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture, qui a repris du service auprès du mécène : « J’ai appelé la conservation du musée, ça s’est fait très rapidement, j’adore monter des coups comme ça », s’amuse celui qui a expliqué, dans Libération, le 8 mars, pourquoi il votait Hollande.
    « BOULE D’ANGOISSE »
    Adel Abdessemed a rencontré le Christ de Grünewald en 1995, un an après avoir quitté l’Algérie. Transi de froid, arrivé en auto-stop depuis Lyon, un jour de neige et de brouillard, il raconte, encore troublé : « J’étais comme un invisible, complètement désespéré, je suis resté très longtemps, il m’a rechargé. Le cri, c’est l’essentiel de mon travail. Je viens du sud, le soleil a brûlé mes mots. »
    L’œil humide devant ces Christ, François Pinault ne se cache pas : « Quand j’ai vu cette oeuvre pour la première fois, je suis resté sans voix. C’est un chef-d’oeuvre du XXIe siècle. Ce qui m’a frappé, c’est la souffrance qu’Abdessemed porte en lui, cette boule d’énergie, d’angoisse permanente. Sa volonté d’avancer. Il supporte la confrontation avec Grünewald, il se soutient tout seul. La souffrance d’un homme, des hommes d’aujourd’hui », voilà le message que le collectionneur veut faire entendre dans la campagne.
    Florence Evin
    Le Monde du 28 avril 2012

  7. Des Christ en barbelés face au célèbre retable d’Issenheim à Colmar
    La Crucifixion du célèbre retable d’Issenheim n’a pas fini de faire des émules. A l’occasion de ses 500 ans, quatre surprenants Christ, tressés avec du fil barbelé par l’artiste Adel Abdessemed, sont exposés à Colmar face au chef d’oeuvre de la Renaissance germanique qui les a inspirés.
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    Des visiteuses regardent les quatre Christ de l’artiste Adel Abdessemed, à côté du retable d’Issenheim, le 24 avril 2012 au musée Unterlinden de Colmar.
    AFP
    Intitulée « Décor », l’oeuvre est présentée pour la première fois en Europe au musée Unterlinden dont le retable est le joyau, mis en valeur dans une chapelle de cet ancien couvent du XIIIe siècle.
    Les Christ métalliques – à taille humaine – de l’artiste de 41 ans, né en Algérie et vivant à Paris, y sont accrochés à un mur blanc comme en suspension, alignés sans leur croix. Ils sont placés en regard du polyptyque de près de 6 mètres de hauteur réalisé entre 1512 et 1516 par l’Allemand Matthias Grünewald, avec le sculpteur Nicolas de Haguenau.
    Cette exposition, qui ouvre au public vendredi jusqu’au 16 septembre, est un hommage à la Crucifixion qui domine les panneaux du retable, dont Abdessemed s’est inspiré pour sa création.
    « Adel avait découvert le retable lors d’un voyage d’études à Colmar il y a une dizaine d’années. Il avait été très impressionné par le corps lacéré du Christ, ses plaies en putréfaction », explique à l’AFP Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice au musée Unterlinden et commissaire de l’exposition.
    « Décor » exhale une violence à la mesure de celle que l’on peut ressentir devant la peinture de Grünewald, où le corps supplicié du Christ apparaît couvert de mutilations.
    « L’essence même de la cruauté »
    Les corps des quatre Christ d’Abdessemed sont tressés avec du fil de fer barbelé, ponctué de doubles lames tranchantes comme des rasoirs.
    « Ce matériau, le même que celui utilisé dans le camp de Guantanamo ou par la défense militaire des frontières, est l’essence même de la cruauté et de l’oppression », analyse Mme Goerig-Hergott.
    Paradoxalement, la violence du résultat est comme contredite par l’esthétisme de l’ensemble. Jusque dans son nom, « Décor », qui revendique la dimension ornementale de l’oeuvre.
    Véritable icône du martyr dans l’histoire de l’art, la puissance expressive de la Crucifixion du retable d’Issenheim a déjà inspiré de nombreux artistes du XXe siècle, comme l’Allemand Otto Dix, Picasso ou encore Francis Bacon.
    « Décor », acquis récemment par François Pinault, a déjà été exposé dans une galerie new-yorkaise au début de l’année et doit prendre en octobre la direction du Centre Pompidou à Paris, pour une exposition consacrée à Adel Abdessemed.
    Certaines oeuvres de l’artiste ont déjà rencontré un écho au-delà des cercles d’amateurs d’art. Ce fut le cas notamment de sa série controversée de vidéos montrant l’abattage violent d’animaux. Et plus récemment, de sa sculpture représentant le fameux coup de tête asséné par Zinedine Zidane en finale de la Coupe du monde de football, en 2006.

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