Anselm Kiefer au Louvre

Lunettes Rouges avec les « blogueurs réunis » sous mon objectif attentif

Anselm Kiefer a installé une peinture originale dans un escalier du Louvre. C’est la première fois, depuis Georges Braque en 1953, qu’un artiste contemporain crée une œuvre pérenne spécialement pour le musée. Toute l’œuvre, si contemporaine d’Anselm Kiefer dit la présence de l’Orient proche, des racines du monde judéo-chrétien, des mythes égyptiens et sumériens. C’est sur ce terrain que le Louvre a engagé cet automne le dialogue avec le peintre.
Découvrir Athanor, Hortus Conclusus et Danaé exige de se perdre au préalable dans les salles du département des Antiquités orientales entre Egypte, Mésopotamie et Iran. Puis, en haut de l’escalier nord, l’ensemble composé d’une toile et de deux sculptures se dévoile enfin, isolé de toutes autres œuvres. Le choc n’en est que plus saisissant, à la mesure du talent de Kiefer. anselm-kiefer-athanor.1241872661.jpg

Athanor, la toile rappelle « J’ai vu le pays du brouillard, j’ai mangé le coeur du brouillard » dédiée à Ingebord Bachmann, vu à Monumenta, même corps allongé, immobile, mais au crâne nu, livide, la tête plus basse que le corps, comme dans une position de méditation ou d’abandon total, le corps flottant, se détachant sur la terre ocre rouge, une ligne verticale jaillit du centre du corps rejoint une immense nébuleuse grise et blanche tel un vortex, à l’image des toiles de constellations; au centre une pluie d’or, un soleil, puis une ligne horizontale, une inscription juste en-dessous, divise la toile, au-dessus la nébuleuse blanche se partage, permettant d’imaginer une sorte de croix. Autoportrait de l’artiste ? Evocation de la mort ? Thème récurrent chez Kiefer qui nous renvoie à une réflexion sur nous-mêmes.

A gauche, dans une niche, Danaé, empilement de livres de plomb au dessus desquels se dresse une immense tige de tournesol, ensemble monochrome gris clair parsemé de pépites de tournesol tombées sur les livres. On songe évidemment à la pluie d’or du tableau, mais aussi à la magnifique bibliothèque de plomb et de verre de Chute d’étoiles. La fascination d’Anselm Kiefer pour les livres est profondément ancrée dans sa pratique artistique. De son propre aveu, s’il n’avait été peintre, il aurait été écrivain. La littérature est pour lui un territoire inépuisable pour la création de ses oeuvres plastiques.anselm-kiefer-danae.1241872850.jpg

A droite, Hortus Conclusus est un bouquet de douze tournesols dont les fleurs desséchées sont tournées vers le bas. Certaines ont la tige brisée. Elles ont poussé sur un sol de glaise, magmaesque, presque un tas de boue. Sa fascination pour la nature, l’architecture naturelle des plantes suscite une admiration presque enfantine chez l’artiste. Ses oeuvres proposent de reprendre contact avec la nature, les éléments naturels : l’argile, l’eau, le bois, les feuilles, mais aussi la cendre etc… Chacune de ces sculptures semble répondre à la toile placée au centre. L’impression morbide est très forte.anselm-kiefer-hortus-conclusius.1241872953.jpg
Le mythe, la subjectivité, la passion… grâce à l’apport de l’art conceptuel, mais avec des moyens essentiellement picturaux, Kiefer tente de déconstruire et de mettre à plat un sujet délicat et ambigu : le concept de germanité, profondément enraciné dans l’idéologie allemande et mis à mal après la Seconde Guerre mondiale, pour dégager une nouvelle identité, débarrassée d’une connotation excessivement idéaliste et inhumaine, purifiée de ses tabous et de ses refoulements, déculpabilisée. De plain-pied dans l’histoire mais se situant dans le présent, l’œuvre de Kiefer, est la pluspart du temps de dimensions monumentales.
    Dérangeante et complexe, l’œuvre de Kiefer, en ne privilégiant pas la forme par rapport au contenu, en s’interrogeant au contraire sur le rôle de l’art dans la société, et de la responsabilité de l’artiste, sans en nier l’aspect esthétique, a réhabilité une peinture « porteuse de sens ».

  

Commentaires

1. Le 25 mars 2008 à , par anonyme

C’est comme si on y était, bravo pour la vidéo et le texte. Je viens vous lire souvent.

2. Le 25 mars 2008 à , par Louvre-passion

Eh bien voilà, un petit souvenir de cette mémorable visite des blogueurs au Louvre où nous avons fait la visite à plusieurs. Ici « lunette rouges » le spécialiste de l’art contemporain.

3. Le 26 mars 2008 à , par TW

moi je n’aime pas kiffer, il parle toujours de la mort, c’est toujours la meme chose.

4. Le 26 mars 2008 à , par elisabeth

Tout un chacun a sa propre sensibilité, si vous ne l’aimez pas, c’est la preuve qu’il a réussi à vous toucher, et de ce fait, votre rejet se comprend aisément.

5. Le 30 mars 2008 à , par Sieglind la dragonne

Désolée du retard, vu avant hier mais dans le « feu de l’action » (enfin l’essai de rattrapage au compte-goutte chez les blogueurs, pour être franche) totalement oublié de commenter cet article. J’aime sa toile, pour les deux sculptures, j’ai plus de mal, mais ma méconnaissance de l’art dit contemporain (l’art tout court pour être aussi réaliste) me fait avoir du mal à piger la démarche, ça viendra, j’ai espoir d’être récupérable et je persiste
Bonne journée

6. Le 30 mars 2008 à , par elisabeth

Pour l’art contemporain, il faut les clés pour bien le comprendre, à partir de là, tout s’éclaircit ; c’est tout à fait sympathique de dire que l’on ne comprend rien, plutôt que de faire croire que tout est acquis.
Perso, j’en apprends tous les jours, je suis des cours d’histoire de l’art et je visite des expositions, je lis, je visite les ateliers afin d’avoir le contact avec les artistes qui parfois expliquent le sens de leur démarche, mais parfois, ils ne disent rien et nous demandent de sentir de par nous-mêmes.

7. Le 10 avril 2008 à , par aden

faut des clefs & comprendre ou alors faut montrer sa révérence modeste, et persisiter et avoir l’espoir que ça vienne… visiter les ateliers.. dire bonjour à la dame ou au monsieur..se dire que ne pas aimer et un chié début..montrer une mine contrite & récupérable..

8. Le 10 avril 2008 à , par elisabeth

Si l’on est intéressé, cela va de soi de visiter expo, atelier, suivre des cours, lire des ouvrages spécialisés, voir des documentaires, dire bonjour à la dame ou au monsieur, qui a l’amabilité de nous recevoir, me semble élémentaire.
Mais tout ceci n’est affaire que de curiosité et de goût, point d’obligation dans ce domaine.

9. Le 11 avril 2008 à , par Richard Lejeune

Parce que j’ai déjà eu l’occasion de « rencontrer » votre nom sur le site de Louvre-passion, parce que je viens de jeter un coup d’oeil sur votre site propre essentiellement consacré – à première vue, à tout le moins – à l’art contemporain, je me permets (très immodestement) de vous envoyer le dernier article de mon blog pensant qu’il vous intéressera peut-être.

egyptomusee.over-blog.com…

Cordialement
Richard

10. Le 10 mai 2008 à , par PHIL TWINSART

kiefer est un génie certes assez opprésant mais son style est puissant!
son travail de matière complète ses recherches sur l histoire est un devoir de mémoire!
n oublions pas que si nous continuons ainsi nous courons tous à notre perte;et l art de ce génie nous adresse un signal d alarme!

11. Le 10 mai 2008 à , par Elisabeth

Pour Richard Lejeune
votre site est a recommander à tous ceux qui veulent en savoir plus sur l’Egyptologie, sans s’ennuyer et jargonner.

Pour Phil Twinsart
C’est évident que Kiefer culpabilise et tente de nous avertir de ne pas reproduire l’insoutenable, l’ignominie

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

2 réflexions sur « Anselm Kiefer au Louvre »

Les commentaires sont fermés.