Rouge à Lèvres sur une toile = Syndrome de Stendhal ?

 
Ce syndrome est appelé ainsi à la suite de l’écrivain français Stendhal qui a vécu une expérience similaire lors de son voyage en Italie, à l’étape de Florence, en 1817. Il écrit alors :

Sam Rindy

« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »
Stendhal n’a rien fait pour s’en prémunir puisque s’asseyant sur un banc de la place, il lut un poème pour se remettre, et vit que ses visions empiraient à la lecture de cette somme de culture ambiante dans les lieux : il fut épris et malade à la fois de tant de profusion.
Ce syndrome ne fut pas décrit comme un syndrome spécifique avant 1979. La psychiatre italienne Graziella Magherini, officiant à l’hôpital central de la ville, a observé et décrit plus de 100 cas similaires parmi les touristes de Florence, le berceau de la Renaissance. Sa description figure dans un livre éponyme qui classe les cas de manière statistique selon leur provenance et leur sociologie. En résumé :
* les touristes provenant d’Amérique du Nord et d’Asie n’en sont pas touchés, il ne s’agit pas de leur culture;
* les touristes nationaux italiens en sont également immunisés; ils baignent dans cette atmosphère depuis leur enfance;
* parmi les autres, sont plus touchées les personnes vivant seules et ayant eu une éducation classique ou religieuse, indifféremment au sexe.
Les phrases précédentes sont réductrices et devraient s’interpréter selon l’acception « individus ayant reçu une éducation de la civilisation de Y » plutôt que « individus provenant de Y ».
Le facteur déclenchant de la crise est le plus souvent lors de la visite de l’un des 50 musées de la ville, où le visiteur est subitement saisi par le sens profond que l’artiste a donné à son œuvre, qui transcende les images et le sujet de la peinture; les réactions des victimes subjuguées sont très variables; des tentatives de destruction du tableau ou d’hystérie ont été observées. Les gardiens de musée sont au courant de cette particularité locale et surveillent les comportements atypiques de leurs hôtes, surveillance sans excès toutefois.
On trouve aussi la dénomination de « Syndrome de Florence » (« Syndrome de Stendhal » étant la dénomination officielle) Nos participants au voyage de Florence sont ainsi prévenus ….
Peut-on associer le comportement de Sam Rindy au syndrome de Stendhal ?
Rouge à lèvres sur une toile: procès à Avignon
Sam Rindy, la femme qui a déposé un baiser rouge sur une toile blanche de Cy Twombly
4.500 euros d’amende ont été requis contre la jeune femme qui avait taché une toile de Cy Twombly avec du rouge à lèvres
Rindy Sam est poursuivie pour « dégradation d’oeuvre d’art ». Elle devait comparaître le 16 août en audience de reconnaissance de culpabilité mais elle a refusé de plaider coupable pour ce chef.
La jeune femme avait embrassé fin juillet à Avignon une toile toute blanche du peintre US, qui fait partie d’un triptyque évalué à deux millions d’euros.
Estimant que le geste de Rindy Sam s’apparente à « une sorte de cannibalisme ou de parasitisme », le représentant du parquet a également demandé au tribunal correctionnel d’Avignon, comme peine complémentaire, qu’elle soit condamnée à un stage de citoyenneté.
Le tableau est la propriété d’Yvon Lambert, fondateur de la collection Lambert. Elle était présentée à l’occasion d’une exposition intitulée « Blooming », consacrée à Cy Twombly et organisée par la Collection Lambert du 10 juillet au 30 septembre.
La toile initialement d’une blancheur immaculée, fait partie d’un triptyque lu-même inclus dans un polyptique de onze éléments, « Les trois dialogues de Platon« , datant de 1977.
Le directeur de la Collection Lambert et commissaire de l’exposition, Eric Mézil, avait dénoncé un « viol » de l’oeuvre d’art. Selon lui, « Le rouge à lèvres contient des matières grasses, des produits chimiques et le rouge est la couleur la plus violente: ce rouge est indélébile ».
Quand la passion rend fou
Rindy Sam, peintre cambodgienne, venue spécialement de Martigues, où elle réside, pour assister à l’exposition n’avait pas pu résister à l’attrait de l’oeuvre. Tombée en arrêt devant la toile et après avoir demandé à son fiancé de la photographier bras grands ouvert devant cette dernière, elle s’est mise, dans un éclat de bonheur, à l’embrasser.
Une véritable étreinte pour cette dame qui assure avoir vécu un acte d’amour d’une grande pureté:
« J’ai déposé un baiser. Une empreinte rouge est restée sur la toile. Je me suis reculée et j’ai trouvé que le tableau était encore plus beau… », a-t-elle confié. « J’assume mon acte. Il est beau; cette toile blanche m’a inspirée. On me dit que c’est interdit de faire des choses pareilles, mais c’était totalement spontané ».
a déclaré Rindy Sam, qui conteste avoir commis une dégradation d’oeuvre d’art.
au 13 h de France 2 du 9 octobre sous la rubrique

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

Une réflexion sur « Rouge à Lèvres sur une toile = Syndrome de Stendhal ? »

  1. Commentaires
    1. Le 09 octobre 2007 à 14h, par elisabeth
    Rainer Maria Rilke eut littéralement le souffle coupé par Florence, il éprouva lui aussi des étourdissements et, dans son affolement, il « crut sombrer sous les coups d’une vague guidée par une puissance inconnue « .
    IL en fut de même pour Anselm Feuerbach, en 1856. A la galerie des Offices et au Palais Pitti, il se retrouva submergé par les larmes et invoqua les cieux à son secours : « Puisse Dieu guider mes pas et m’accorder la force de tout supporter comme un homme. »
    2. Le 09 octobre 2007 à 22h, par Louvre-passion
    Pour ma part je reste assez dubitatif devant le geste de Sam Rindy ainsi que sur la réaction des avocats de de Cy Twombly. Tout cela me semble assez théâtral et presque « coup de pub ».
    3. Le 09 octobre 2007 à 22h, par elisabeth
    Et pourtant d’après tes dires, la passion tu connais.
    J’ai vu la jeune femme dans une émission de télé, elle me semblait assez à l’ouest …., malgré ses origines asiatiques…..
    4. Le 11 octobre 2007 à 00h, par elisabeth
    Si j’ai bien saisi, l’avocate du propriétaire du tryptique parle d’une toile de « Manet » et non de « Monet », cela me sidère toujours de voir le peu de culture générale de ceux que l’on devrait considérer comme l’élite.
    5. Le 17 octobre 2007 à 12h, par salteigne
    Cy Twombly est un petit escroc …La toile « victime » du bisou n’etait nulement un monochrome blanc mais une toile en lin apretée… une toile vierge « prète à peindre » en fait…. Si il sufit d’aller acheter une toile vierge, ne rien peindre dessus et dire que c’est de l’art (ou du cochon !) JE DIS NON je requiert donc 20ans de prison ferme et 2 000 000€ d’amande pour Cy Twombly
    6. Le 17 octobre 2007 à 13h, par elisabeth
    Vous l’avez vu de près, pour en parler avec tant d’assurance, vos écrits n’engagent que vous, merci pour votre intervention, la contradiction est nécessaire, cela permet d’engager le débat. Il faudrait indiquer votre email , car le principe de l’association est de ne pas avoir affaire à des anonymes
    7. Le 18 octobre 2007 à 09h, par Jean de la Nuit
    Moi je l’ai vue la toile, et effectivement elle n’est pas peinte. C’est une toile que Twombly n’a peut êter jamais vue, puisqu’elle fut installée par le personnel du musée, elle venait directement du magasin. Lambert réclame deux millions d’euros pour cette oeuvre. On voit bien le problème, c’est celui de la marchandisation de l’art. Lambert se faisait passer pour un provocateur, mais en définitive, les masques sont tombés. Seul l’argent motive sa démarche, et la puissance de l’art est complètement niée.
    8. Le 18 octobre 2007 à 22h, par elisabeth
    Le tribunal correctionnel d’Avignon rendra son jugement le 16 novembre, wait and see !
    9. Le 23 octobre 2007 à 19h, par figuration libre
    beaucoup de bruits pour rien…
    10. Le 23 octobre 2007 à 20h, par elisabeth
    c’est du William Shakespeare à 1 s près non ?
    11. Le 27 octobre 2007 à 20h, par Jean de la Nuit
    J’ai gagné mon pari.Je viens d’apprendre que la toile de Cy Twombly ne serait pas restaurée. J’étais certain que la toile ne serait pas restaurée. Car la toile non peinte a maintenant beaucoup plus de valeur avec le baiser de Rindy Sam. Une valeur non pas financière (pas seulement!) , mais artistique? Cette toile n’était rien en dehors du contexte dans laquelle elle se trouvait. C’était une toile non peinte directement amenée du magasin à la Collection. Le baiser rouge de Rindy lui a donné une valeur propre. Finalement les gens de la collection Lambert ne sont pas si bêtes que cela. A eux maintenant de modifier leur discours à l’égard de Rindy, en validant ce geste. Ainsi la blessure que connait l’art contemporain se renfermera. Aujourd’hui l’opinion générale est que les artistes autour de Lambert ne sont plus des artistes, mais des financiers qui ont oublié toutes formes de générosité. En validant ce geste, l’art contemporain sortira grandi. Ce serait de la part de la collection Lambert et d’Yvon Lambert un acte grandiose. Encore un effort camarade Lambert, c’est l’histoire de l’art qui le demande: transgression, réaction, intégration…
    Nous sommes dans l’art contemporain. L’art contemporain comme son nom ne l’indique pas, ne se définit pas par une période historique. L’art contemporain a pour projet l’abandon des beaux arts, comme chose et comme idée. L’art contemporain c’est l’abandon de la définition de l’art comme maitrise d’un savoir faire. A partir de là on a l’apparition de l’artiste qui ne se définit comme possédant un métier. L’artiste ne se définit plus par la maitrise d’un métier, d’un savoir faire. Dès lors se pose la question de savoir qui est artiste, et qu’est ce qu’une œuvre d’art puisque le critère du savoir-faire n’est plus valide ? Lorsque Bertrand Lavier fait monter par un socleur un parpaing sur socle est-ce une œuvre d’art ? Peut-on considérer qu’une épave d’Alpha Roméo vendue par Bertrand Lavier et achetée par le FRAC de Strasbourg soit une œuvre d’art ? Sur tout lorsque Lavier déclare que ces œuvres n’ont pas besoin de discours et qu’elles parlent d’elles-mêmes… Dès lors pour bien comprendre, il faut savoir que deux courants théoriques s’affrontent sur cette question. Pour les uns, dans la lignée de théoriciens comme Danto et Dickie , un objet est considéré comme œuvre d’art si l’institution, le monde marchand de l’art, les « professionnels de l’art » reconnaissent que cet objet est une œuvre d’art et cet individu est un artiste. C’est la théorie institutionnelle de l’art. Mézil et les gens qui gravitent autour d’Yvon Lambert défendent cette conception. Un objet est de l’art s’il est situé dans le contexte de l’art, si on l’interprète d’un point de vue sociologique. Pour Dickie l’artiste est impliqué dans l’institutionnalisation de l’art. Dans cette perspective l’art ne doit assumer aucune position philosophique. Danto, évoque quant à lui l’art contemporain en parlant des arts de la perturbation, (qu’il a appelé ainsi parce que ça rimait avec masturbation). Pour Danto les musées font œuvre de civilisation en exposant par exemple les objets de Bertrand Lavier. Il s’agit de confiner le désordre. A cette première conception s’oppose l’idée que l’art est d’abord l’expression de la vie et qu’elle embrasse une activité philosophique. Dans cette perspective on trouve des textes tout à fait passionnants d’ Allan Kaprow. (Par exemple L’art et la vie confondue 1994). Allan Kaprow est l’inventeur du happening en 1955. Pour Kaprow un happening est un évènement n’a lieu qu’une fois, et qui n’est pas reproductible. C’est tout à fait le cas du Baiser Rouge de Rindy. Par exemple les baiser à 5 frs d’Orlan, relèvent du guignol. Les artistes contemporains sont plein de doute. Ils se demandent quel art devrait exister. C’est précisément au nom de ce doute que Kaprow critique la théorie institutionnelle. Définir l’art par le contexte encadré nous rassure, sur le fait que ce qui est à l’intérieur est de l’art. A l’opposé Kossuth a pu dire que le happening est l’un des arts les plus responsables de notre temps, car il pose la question de la finalité de l’art. C’est en ce sens que le Baiser Rouge de Rindy est une œuvre grandiose car elle pose par les nombreux débats suscités la question de la finalité de l’art de notre temps. Ainsi pour kaprow, ce que l’art a perdu en beauté, en dimension sensible, il doit le gagner en pensée. C’est par là que l’art prend en charge le questionnement philosophique. Seulement Kaprow met en garde il faut échapper à ce qu’il appelle la réification, la transformation en chose de cette instant de vie, par exemple le Baiser Rouge de Rindy. Ca veut dire qu’il ne faut pas transformer la liberté de l’artiste en métier. Sinon on sombre dans le spectacle on n’est plus dans la vie, comme avec les baiser d’Orlan. Il faut comprendre le happening comme une expérience existentielle. L’art de bien vivre. C’est du même mouvement que l’art perd sa nature d’activité en devenant intelligence morale. Dès lors il semble maintenant que cette deuxième conception tend à s’imposer.
    D’où un certain glissement . Dans cette affaire Yvon Lambert à tout à perdre à ne pas reconnaître la dimension artistique du geste de Rindy. Ce geste est unique. Ce geste n’est pas reproductible. Ce geste s’inscrit dans une conception défendue par Kaprow dont le centre Pompidou a rendu a un hommage soutenu en 1994. Sur un plan financier la toile ne valait rien par elle-même. Aujourd’hui, compte tenu de la publicité faite autour d’elle , et les débats qu’elle suscita, la toile présente un intérêt artistique incontestable. A Yvon Lambert d’inaugurer maintenant un geste grandiose : annoncer qu’il ne restaura pas la toile, qu’une pauvre artiste au RMI a embrassée pour avoir cru au pouvoir de l’art. Certes cela ridiculisera Eric Mézil, mais l’histoire se souviendra du geste inouï du marchand d’art qui authentifia la valeur artistique d’une œuvre en lui conférant une prospérité hors du commun. Si du reste, Yvon Lambert décidait d’exposer la toile de Cy embrassé par Rindy, il est fort à parier que du monde entier on viendrait contempler cette oeuvre expression incroyable du pouvoir de l’art.
    12. Le 27 octobre 2007 à 21h, par elisabeth
    J’ai peine à croire que cette toile n’était pas peinte, était-elle signée par Cy Twombly ? Ou alors est-ce une redite de la fontaine de Duchamp et le pipi de Pierre Pinoncelli ? Un baiser a tout de même plus de classe, quoique, si l’on prend la fontaine dans son usage courant et Pinoncelli pour un artiste, si on suit votre raisonnement, c’est le l’art de la perturbation, donc une performance et le baiser de Rindy Sam un happening, alors pourquoi condamner l’un et absoudre l’autre ? Wait and see.
    13. Le 28 octobre 2007 à 08h, par Jean de la Nuit
    Dans cette affaire certains ont joué leur rôle et d’autres pas.
    Ont joué leur rôle:
    1. La jeune artiste croyant au pouvoir de l’art et emportée par la flamme.
    2. Le directeur de la collection Eric Mézil dont le travail est de protéger les oeuvres et d’animer un lieu. De ce point de vue il a très bien tenu son rôle.
    3. Le marchand Yvon Lambert dont le travail est de gagner de l’argent, donc il réclame au procès deux millions d’euros, ce qui est en soi tout à fait concevable puisqu’il est marchand.
    Mais d’autres n’ont pas joué leur rôle.
    1. La restauratrice Barbara Blanc qui d’abord se présente comme une experte indépendante, ce qu’elle n’est pas puisqu’elle travaille exclusivement pour la maison Lambert, et qui estime la restauration de la toile à 33000 euros…, quand une estimation de restaurateurs spécialisés dans l’art contemporain issus de l’école d’Avignon table sur un montant de 1500 euros. Barbara Blanc a tenu un rôle qu’elle n’avait pas à tenir, du coup sa réputation en prend un coup.
    2.Les artistes comme Bertand Lavier et Barcelo qui ont soutenu la position de la maison Lambert. Erreur impardonnable de leur part. Eux qui ont construit leur carrière sur la scène de la provocation ont montré leur véritable visage, des inquisiteurs, des personnages sans aucune fibre artistique, et le néant de leur production apparaitra bientôt comme une évidence aux yeux de tous.
    Enfin dans cette affaire on a effectivement oublié une chose: que la toile était non peinte et non signée. Autrement dit on a oublié la singularité de l’objet en question. Or l’art n’est-il pas d’ouvrir sur la singularité de chaque chose?
    14. Le 28 octobre 2007 à 17h, par holbein
    Salut Elisabeth,
    Pour ce commentaire sur Cy Twombly, je pense (honnêtement) que cette action (si c’en est une) est une sorte d’épiphénomène sans grande portée. On est dans le spectacle, la « vide-information », très en super-super-superficie de l’acte artistique.
    Pour faire paraître le post de ce jour sur l’exposition Giacometti qui se tient actuellement au centre Georges Pompidou à Paris :
    espace-holbein.over-blog….
    j’ai lu et relu pas mal de trucs, j’ai réécouté des émissions d’entretien avec lui, etc. et le personnage-artiste jusqu’à la fibre qu’il était me dit tout autre chose que les petites actions soit d’une protagoniste un peu allumée et en mal de reconnaissance, soit d’actions en justice d’un galeriste (même si c’est un très grand galeriste, sûrement le plus important en France à l’heure actuelle).
    Est-ce une nouveauté (ou plutôt un secret de Polichinelle) qu’un galeriste souhaite gagner de l’argent ? Un galeriste n’a jamais fait vœu de pauvreté et d’ailleurs ceci ne lui enlève aucune qualité dans l’exercice de sa profession. Yvon Lambert est un galeriste et (je le répète), sûrement le meilleur galeriste à l’heure actuelle.
    L’art ne doit pas être réduit à une «maîtrise d’un savoir-faire» : il y a des tonnes de musées (pas nécessairement « contemporains » d’ailleurs, ce serait même le contraire), pleins de gens qui possèdent un «savoir-faire» et ça n’en fait pas, pour autant, de grands artistes, voire d’artistes tout court.
    C’est en partie pour cette raison que je ne participe pas à ce débat.
    Le commentaire N° 11 enclenche tout, à vitesse vertigineuse, joue de la répétition, me semble organiser une sorte de confusion et ne fait pas vraiment avancer la réflexion il me semble, non ?
    15. Le 28 octobre 2007 à 18h, par Jean de la Nuit
    Ne pas participer à ce débat c’est refuser l’espace rationnelle de la discussion. Remarquons au passage que c’est une attitude similaire à celle par exemple de certains dévots un peu fanatique: c’est un peu la négation de l’autre, dans la radicalité de son altérité …
    Historiquement le geste de Rindy marque une rupture. Je rappelle que cette jeune artiste n’a jamais voulu rechercher une quelconque reconnaissance médiatique. C’est le commissariat d’Avignon qui a prévenu la presse, et qui a d’ailleurs retardé la sortie de sa garde à vue pour être certain que les journalistes soient bien à la sortie pour l’accueillir.
    D’ailleurs cette affaire dépasse le cadre de sa petite personne. Le commentaire 11 donne un certain nombre de références qu’il est facile de vérifier. « L’art et la vie confondus » est un ouvrage qu’on peut facilement trouver. D’autre part ci-dessous voici un article paru dans le journal Le Monde qui dès le 28 juillet 2007 avait très bien compris les enjeux fondamentaux de cette affaire. Je ne partage pas entièrement les vues exposées dans cet article, en particulier le geste de réconciliation entre les peuples me semble quand même un peu énorme. Mais le reste de l’argumentation me semble assez convainquant.
    Le Monde 28 juillet 2007, p. 16
    Faut-il condamner un baiser sur une toile ?
    Loin d’être un acte de vandalisme, le geste de l’artiste Rindy Sam est un acte d’amour qui parachève la toile ainsi touchée.
    « L’artiste cambodgienne Rindy Sam a commis, le 19 juillet, à la Galerie Lambert d’Avignon, sur une toile de l’artiste américain Cy Twombly, un geste inouï. Subjuguée en entrant dans la salle où se trouvait un triptyque consacré au Phèdre de Platon autour du Symposium (le Banquet), elle s’est approchée d’une toile immaculée, s’est exposée en écartant les bras. Puis, confie-t-elle, à La Provence : « J’ai déposé un baiser. Une empreinte rouge est restée sur la toile. Je me suis reculée et j’ai trouvé que le tableau était encore plus beau… Vous savez, dans cette salle vouée aux dieux grecs, c’était comme si j’étais bercée, poussée par les dieux… Cette tache rouge sur l’écume blanche est le témoignage de cet instant ; du pouvoir de l’art. » Rindy affirme avoir ainsi vécu un acte d’amour d’une grande pureté qu’elle a traduit par ce geste artistique. La galerie a immédiatement porté plainte pour… vandalisme sur cette toile blanche estimée à… 2 millions d’euros. L’artiste a passé la nuit en garde à vue, dans le froid et la saleté d’un cachot, et sera convoquée devant les tribunaux dans les semaines à venir.
    Acte troublant à plus d’un titre, tant il interroge la frontière qui sépare le monde des hommes du monde des dieux ou, si l’on veut parler en termes kantiens, ce qui relève du déterminable de ce qui n’en relève pas.
    Le Larousse dit du vandalisme qu’il s’agit d' »un état d’esprit qui consiste à détruire ou mutiler les belles choses et en particulier les oeuvres d’art ». Or rien dans les déclarations de l’artiste ne laisse entrevoir le projet de détériorer, bien au contraire. Il y a dans le geste de Rindy la gratuité d’un acte pris dans toute sa pureté : ni préméditation ni mise en scène médiatique, le seul témoignage demeurant les bandes de vidéosurveillance, dont il conviendra de déterminer par la suite leur statut : pièces à conviction ou oeuvres d’art ?
    D’autre part, si l’on reste dans le monde des hommes, dans quel monde une trace de rouge à lèvres sur une toile blanche mérite-t-elle une comparution devant les tribunaux ? S’agit-il d’une maladresse, soit ! Alors un coup de lait démaquillant réparera la bévue. Mais la toile est estimée à 2 millions d’euros, soixante ans de salaire d’un professeur d’université. Il y a ici un rapport dissymétrique qu’il convient d’interroger et peut-être de corriger.
    D’un côté, la légitimité affichée par la galerie et l’institution en général qu’une toile blanche puisse prétendre non seulement à accéder au statut d’oeuvre d’art mais aussi à une valeur marchande importante. De l’autre, la non-légitimité à traduire par un acte artistique (un baiser sur une toile) une puissante émotion. Assimiler un bisou, un acte d’une infinie tendresse, à du vandalisme peut constituer un dangereux précédent où l’on verrait l’art marchand officialiser sa haine de l’amour. A ce stade, il semble que le destin du geste artistique de Rindy soit lié à celui du geste artistique de Twombly (la toile blanche). La légitimité de l’un justifiant la légitimité de l’autre.
    En effet, si le geste artistique de Twombly (la toile blanche) est légitime, le geste de Rindy est également légitime. Et si le geste de Rindy n’est pas légitime, alors la toile de Twombly perd également sa légitimité. Mais Twombly est un grand artiste, capable par ses oeuvres de produire de puissantes émotions. Et c’est parce que Twombly est un grand artiste que le geste artistique de Rindy est légitime. Mais pour comprendre pourquoi Twombly est un grand artiste, il faut quitter le monde des hommes et nous immerger dans le monde des dieux, autrement dit abandonner le monde de la détermination conceptuelle pour entrer dans celui de l’indétermination et de la finalité sans fin.
    Twombly est le représentant d’un art en train de se faire, pas encore momifié, pas encore muséifié : l’art en mouvement, l’art comme expression de la vie. Imprégnée par l’impressionnisme abstrait, l’oeuvre de Twombly traduit la vitalité intérieure de l’artiste. La toile blanche prend son sens dans un ensemble qui traduit cette quête de l’intériorité. Peu après son geste, Rindy a évoqué comment les oeuvres de Twombly « redonnaient de la consistance ontologique à son être ». Derrière cette phrase énigmatique, il convient de saisir ce que fut le parcours artistique de Rindy afin de comprendre pourquoi ce geste d’amour parachève la toile de Twombly.
    Rindy est venue en France après que les Américains eurent entraîné le Cambodge dans la guerre dans les années 1960. Sa vie a été celle d’une réfugiée au destin tourmenté. Pendant que Twombly travaillait son univers, l’univers de Rindy était réduit en cendres, sa famille décimée dans les rizières de Battambang. Les peuples commettent parfois de grandes bêtises, doit-on pour autant s’éterniser à les haïr ?
    Le baiser rouge sur la toile d’un artiste américain ne symbolise pas seulement l’acte incroyable d’un geste de réconciliation. Par-delà les souffrances subies, l’art est d’abord amour, voilà ce que Rindy semble nous dire par ce geste. Et, parce que l’art est amour, alors le baiser rouge possède une consistance ontologique.
    Ces précisions apportées, il appartient désormais aux responsables de la Galerie Lambert de prendre leurs responsabilités. Ou l’on reconnaît qu’il s’est passé réellement un événement extraordinaire dans la salle consacrée à Platon, une sorte de fusion entre deux univers, qu’exprime le baiser rouge sur la toile blanche, témoignage de la puissance évocatrice de Twombly et de sa réception par Rindy. Et, en ce sens, le geste de Rindy parachève la démarche de l’artiste américain. Ou alors, en dépit de l’évidence de ce qui s’est passé, la Galerie persiste à assigner au baiser rouge le statut d’une souillure, et, dans ce cas, un doute souillera désormais l’authenticité de l’oeuvre de Twombly…
    La toile immaculée représentait la pureté socratique. Rindy incarne dans sa chair et dans son sang la signification profonde de cette pureté. S’il vous plaît, M. Twombly, ne souillez pas votre toile, n’enlevez pas le baiser rouge de Rindy ! »
    16. Le 31 octobre 2007 à 08h, par Jean de la Nuit
    D’autre part, on a reproché à Rindy Sam d’avoir un conseiller artistique, en avançant l’idée qu’un véritable artiste n’aurait pas besoin d’un conseiller artistique, et qu’on a jamais vu un artiste avec un conseiller artistique. Cet argument ne me semble pas valide, surtout si on se réfère à une situation historique.
    En effet, le terme conseiller artistique n’est pas scandaleux en soi. Par exemple peut-on considérer que Jackson Pollock ne soit pas un vrai artiste? Or, Pollock était directement sous l’influence de Greenberg. Greenberg théorisait, ce que Pollock traduisait par son geste artistique. Greenberg était le conseiller artistique de Pollock, mais Greenberg a appelé cela autrement. Il s’est posé en critique. Dans l’ère du postmodernisme « le conseiller artistique » est un personnage promu à un grand avenir. Il est celui qui va donner de la consistance conceptuelle à la démarche des artistes. L’artiste est un être intuitif, il n’est pas obligé de s’expliquer sur sa démarche, et il est encore moins tenu à théoriser.
    L’art contemporain se meurt, car c’est devenu soit un culte pour dévots, soi une affaire commerciale. Cette situation est incohérente. C’est pour cela qu’il faut replonger l’art contemporain non plus dans le monde de la croyance, mais à la fois dans celui de l’émotion, du sens et de la perspective intellectuelle. Or, il me semble, que c’est précisément ce travail que doit effectuer « le conseiller artistique ». Son job est de faire le lien entre le monde intérieur de l’artiste et le monde extérieur, à la fois des intellectuels, des savants, des philosophes, des historiens de l’art et aussi du public.
    Dans ce sens là, je ne vois pas en quoi le terme « conseiller artistique » serait choquant. Au contraire, il montre une profonde humilité de la part de l’artiste, qui reconnait ne pas maîtriser le discours le plus adéquat pour ouvrir sa démarche au public. Par exemple lorsque Bertrand Lavier, dit que ses œuvres parlent d’elles-mêmes, ou qu’il prend la parole pour ne prononcer que des banalités, on se dit que si son intelligence était nourrie par un conseiller artistique, cela lui serait particulièrement profitable. L’imposture, à ce qu’il me semble, c’est quand des artistes ne possèdent pas les outils du discours conceptuel, et qu’ils s’aventurent sur ce terrain-là au nom de l’autorité que leur confère leur réputation. Très peu d’artiste on su théoriser sur leur pratique : Klee, Kandinsky, Kaprow. Après on a beaucoup de bavardage inutile.
    Dans cette histoire étrange, il n’est pas étonnant que des ajustements conceptuels s’opèrent, et le terme « conseiller artistique » semble en faire partie.
    17. Le 06 novembre 2007 à 09h, par larmedepluie
    Ci-dessous le lien vers une destination très très étrange. Les commentaires sont à lire du bas vers le haut, lisez attentivement vous serez très troublés…
    http://www.laprovence.com/articl...
    18. Le 06 novembre 2007 à 19h, par elisabeth
    J’ai l’impression que Jean de la nuit nourrit le débat à lui tout seul, sous divers pseudos. Recherche de Célébrité ? Pulic relation de la galerie Lambert, grand ami de Sam Rindy ? Polémiste, opportuniste en tous cas.
    19. Le 07 novembre 2007 à 22h, par Jean de la Nuit
    Bonjour Elisabeth,
    Jean de la nuit n’existe pas sur un plan social, dès lors, comment une créature virtuelle pourrait être à la recherche d’une quelconque célébrité, puisqu’il suffirait d’une panne d’électricité pour qu’elle cesse d’apparaitre. En revanche, derrière ce personnage, et dans la mouvance du Baiser Rouge de Rindy, il y a une volonté d’interroger nos catégories. Par exemple sur le site de la Provence un débat très étrange autour d’Yvon Lambert. Des paroles qu’Yvon Lambert a réellement prononcées sont scrupuleusement rapportées par un pseudonyme qui porte le nom d’Yvon Lambert. Or, le vrai Yvon Lambert dort, il est quatre heure de la nuit. Cette situation pose le problème de notre identité… A qui appartiennent ces paroles, à l’avatar Yvon Lambert, créature de Jean de la Nuit, ou à Yvon Lambert. Et l’usage même du nom « Yvon Lambert » à qui appartient-il? Tout cela sous la photo d’Yvon Lambert. Ionesco aurait sans doute adoré…
    D’autant que d’un autre côté, sous le pseudo de Jean de la Nuit, il y a parfois une personne, parfois deux, parfois six. Et en même temps Jean de la Nuit prend à son tour différents pseudo, différentes identités. Votre remarque est pertinente car vous vous demandez à la fois si Jean de la Nuit est du côté de Lambert ou de Rindy Sam, il semble qu’aucune réponse ne puise être apportée. Car sous Jean de la Nuit, Jean de la Nuit est du côté de Rindy Sam, sous Jean du Matin il est du côté de Lambert. Nous sommes dans une aventure artistique. En même temps, les personnes derrière cette histoire ne devront jamais apparaitre. Apparaitre en tant que personne reviendrait à détruire d’un coup et à jamais toute l’étrangeté autour du personnage de Jean de la Nuit. L’art doit resté dans la gratuité de l’acte. Donc pas de reconnaissance, pas de compliments, il faut maintenir l’étrangeté d’une démarche qui viole le fameux principe de non-contradiction, socle sur lequel s’est bâtit toute la rationalité occidentale. Nous sommes dans le nouveau monde, peuplé d’ombres de lumière et d’avatars électroniques…
    20. Le 07 novembre 2007 à 22h, par Jean de la Nuit
    Dernier point, Jean de la Nuit possède des espions dévoués et scrupuleux au sein même de la Collection et de la galerie Lambert, et dans l’environnement immédiat de Rindy Sam…
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