En montrant l’œuvre peint de Katharina Grosse, le Musée Frieder Burda de Baden Baden poursuit sa série d’expositions monographiques consacrée à des artistes de renom international. Comptant parmi les artistes majeures de sa génération depuis de nombreuses années, Katharina Grosse occupe ainsi dans ce cadre une place de premier plan. Dans sa peinture, elle se libère de la surface sous toutes ces formes, rompt avec elle et la dépasse pour en faire sa raison de peindre. Elle intègre donc par principe même toutes les surfaces de la pièce – les murs, le plafond, le sol – tout comme les corps et les objets se trouvant dans cet espace.
Est-elle influencé par son patronyme « Grosse »
traduit = grande ? Sa production artistique se traduit par des oeuvres de dimentions
impressionnantes, aux couleurs variées, superposées, dégradées avec de belles coulures.
On imagine l’artiste dans son atelier armée d’un pistolet et sanglée dans une tenue protectrice, procédant à la manière de Pollock (dripping) mais à la verticale, vers le mur.
Dans l’exposition du Musée Frieder Burda, Katharina Grosse se concentre sur les panneaux peints ; s’il s’agit d’une une forme de support plutôt classique, elle a toutefois bien souvent recours à des dimensions et des formats d’une ampleur jusqu’ici inédite. C’est le traitement pictural par lequel elle a ouvert la voie à de nouveaux tableaux qui est décisif. Par le biais de structures articulées telles des lignes et hachures parallèles, tout comme de couleurs appliquées au pistolet, ses surfaces peintes semblent évoluer de diverses manières : parfois plus concrètes et denses, parfois floues et indéfinissables. De tels tableaux provoquent chez le spectateur une sorte de saisissement, dont le contrecoup se ressent pratiquement physiquement. Katharina Grosse quitte souvent les limites du rationnellement descriptible au profit de l’effet direct produit par le dégradé des couleurs, par les formes qui apparaissent en se soustrayant à la description, et par les espaces insoupçonnés que fait alors naître sa peinture. Ainsi, la monumentale installation « Sans titre (Ellipse) » datant de 2009 crée un lieu autonome dont la forme sphérique et ovale, et tout simplement les dimensions, assurent à l’œuvre sa présence particulière. Haute de plus de sept mètres et large de dix, elle s’affirme en tant qu’espace autonome face à l’architecture même du musée.
La mise en perspective de sa peinture avec l’architecture de Richard Meier souligne le contraste entre rationalité et utopie. Les limites de la pièce, en l’occurrence du « White Cube », sont abolies au profit d’un dialogue avec les formes colorées qui se met en place non seulement dans chacun des tableaux mais plus encore entre les différents tableaux eux-mêmes. Cette exposition est en effet comme un arc tendu entre les tableaux des débuts de la carrière de Katharina Grosse dans les années 90 et ceux réalisés aujourd’hui, et l’architecture privilégiant les espaces ouverts met au jour de fascinantes correspondances visuelles.
Le catalogue qui accompagne l’exposition vise à éclairer cette tension narrative et permet de rassembler pour la première fois plus de cent reproductions en couleur des tableaux de Katharina Grosse. Complété par des essais de Katrin Dillkofer et Helmut Friedel, il est publié par la maison d’édition de la librairie Walther König
Partager la publication "Katharina Grosse au Musée Frieder Burda"
Jusqu’25 septembre 2016
Le Musée Tinguely de Bâle montre la première rétrospective de l’artiste britannique Michael Landy. Cette exposition rassemble les oeuvres de 1990 à aujourd’hui et couvre ainsi tout le travail qu’il a réalisé à ce jour. Michael Landy (né en 1963) a étudié au Goldsmith College et appartient à la génération des fameux « Young British Artist » qui, dans les années 1990, ont marqué l’évolution de l’art en Grande-Bretagne par leurs procédés « coup de poing », utilisant des déchets et mettant la vie en scène à l’état brut, le tout dans un esprit à la fois contestataire et entrepreneurial. Landy est internationalement reconnu pour sa pratique multiple, qui traite de capitalisme, de créativité et de destruction.
Dès le début de sa carrière, avec son installation Market (1990), Landy réussit à concevoir une forme signifiant un phénomène aussi abstrait que le monde de la consommation. En présentant les stands vides d’un marché, un grand hall rempli d’étals superposés recouverts de gazon artificiel, où manque du reste l’essentiel – à savoir la marchandise elle-même –, il arrive justement à placer celle-ci au centre de l’attention. Market constitue l’épine dorsale de l’exposition au Musée Tinguely. L’exposition Tinguely à la Tate en 1982 avait profondément marqué Landy, alors jeune étudiant pour qui Jean Tinguely restera une figure artistique phare.
En 2006, Michael Landy s’intéresse plus particulièrement à son Homage to New York (1960), lors duquel Tinguely, dans les jardins du MoMA, avait construit une machine vouée ensuite à s’auto-détruire devant un public convié pour l’occasion. Landy réalise ainsi des dessins, aux dimensions souvent monumentales, d’après des photographies de l’action. À l’aide de liquide correcteur, de colle, de décolorant et d’encre de Chine, Landy fait de ces photos des images presque stylisées, tout en noir et blanc. Parallèlement, l’envie le prend de reconstituer l’Homage to New York de Tinguely, qui sera alors intitulé H.2.N.Y., et de réexécuter l’action comme un « reenactment ».
Traiter un sujet dans la durée, avec minutie et persévérance, est une constante dans l’oeuvre de Michael Landy. Après les dessins pour H.2.N.Y. (2006), l’artiste redessine des portraits d’amis, d’inconnus, de parents ; puis il crée une Credit Card DestroyingMachine (2010) et, chemin faisant, revient au grand sujet du consumérisme, également au coeur de Art Bin (2010). Les visiteurs sont invités non seulement à déchiqueter des cartes de crédit, mais également des oeuvres d’art devenues inutiles.
En 2001 a lieu son action pionnière Break Down.Michael Landy procède à la destruction de tous ses biens. Tout son patrimoine, sa Saab 900, ses vêtements, son passeport, ses oeuvres d’art, livres, radio-réveil, extrait d’acte de naissance – dans une ancienne succursale de C&A de la Oxford Street à Londres, tout est répertorié par une
équipe de 12 personnes qui, méticuleusement, inventorie, identifie et liste l’ensemble, pour ensuite le détruire et le recycler. Landy a spécialement monté un tapis roulant, par lequel le processus de la production est inversé. Deux semaines plus tard, il ne possède plus rien – et redémarre à zéro. L’exposition montre sur des murs entiers l’inventaire des objets, à la manière d’un mémorial.
De nombreuses oeuvres exposées sont à l’image de la société dans laquelle elles ont vu le jour. Elles sont étroitement liées à l’esthétique et à la conjoncture sociopolitique qui ont marqué la vue de l’artiste en Grande-Bretagne. Ainsi Scrapheap Services (1996), réalisation pour laquelle Landy a inventé une société de nettoyage imaginaire avec des milliers de figurines astiquant la Chisenhale Gallery, à Londres. L’artiste a passé deux ans à découper des petites silhouettes dans des détritus. Des mannequins de vitrines en uniforme rouge les balaient comme des feuilles mortes. Cette installation peut être conçue comme une critique de la productivité dans notre société, dans laquelle la valeur de l’humain est réduite à sa force de travail. Landy recourt constamment au crayon pour restituer le monde qui l’entoure. C’est ce qu’il fait avec Nourishment, une série de 31 gravures de formes végétales, toutes considérées comme des plantes pionnières, capables de pousser dans les fentes de murs et sur l’asphalte. Par sa merveilleuse délicatesse, cette série exprime la concentration suprême sur l’objet de la recherche.
Les dessins et photographies de Welcome to my world (2004) abordent de façon très personnelle, et oppressante, le grave accident de travail dont a été victime à la fin des années 1970 le père de l’artiste et mineur John Landy. C’est ce que l’on retrouve aussi dans l’oeuvre Semi-Detached (2004), où, pour une présentation dans les Duveen Galleries de la Tate Gallery, il a reconstruit à l’identique la maison de ses parents et filmé leur intérieur. « Saint Stéphane est mort par lapidation et ceci est basé sur une peinture de Carlo Crivelli à la National Gallery de Londres. Et j’aime bien l’idée que des gens viennent admirer des oeuvres qu’ils ne s’attendent pas à détruire et j’aime bien surprendre les gens sur ce qui peut se passer dans une galerie d’art »
Michael LandyMichael Landy, Saint Francis Lucky Dip, 2013 (vorne), Scrapheap Services, 1995 (mitte rechts), Breaking News, 2015–2016 (en arrière plan) « Michael Landy. Out of Order » veut inciter à réfléchir sur l’impact qu’a le consumérisme sur nos vies et notre société. Les thèmes dont sont empreintes ses recherches artistiques se découvrent dans le « paysage » ouvert de l’exposition comme un vaste réseau aux références multiples. Musée Tinguely
– Informations pratiques
Horaires : Mardi-dimanche : 11h–18h (fermé le lundi) Horaires particuliers: pendant la foire ART Basel Lundi–dimanche, 13–19 juin : 9h–19h
À l’occasion du dernier jour de l’exposition, le dimanche, 25 septembre, le Musée Tinguely fêtera ses vingt ans avec un « Out of Order Day » – un événement hors programme au musée même et dans le parc Solitude.
Partager la publication "Michael Landy. Out of Order"
Cette exposition est conçue autour de l’instant d’équilibre instable, un état précaire en même temps que prometteur, toujours fugace. Alexander Calder (depuis le début du XXe siècle) et Peter Fischli et David Weiss (depuis la fin du même siècle) avaient trouvé des formulations exemplaires de cet instant.
Radicalement différentes à première vue, elles apparaissent ensuite comme les deux faces d’une même médaille, le fruit de perspectives différentes sur le même thème, nées à des périodes différentes.
Cette exposition noue un dialogue ouvert et amplement déployé dans l’espace entre une sélection d’ensembles d’oeuvres de Calder et plusieurs travaux de Peter Fischli et David Weiss. Les points forts qui en dessinent le fil conducteur retracent des moments historiques déterminants de la création de Calder. Partant du travail sur le Cirque Calder des années 1920, ils font place au passage à l’abstraction et à l’invention du mobile au début des années 1930 pour aboutir au jeu souverain et grandiose avec les possibilités formelles ainsi découvertes. En contrepoint, les oeuvres de Peter Fischli et David Weiss prêtent un ton tout à fait original à cette exposition.
Dans cette association inattendue, les éléments de bricolage, d’observation et d’expérimentation prennent un poids tout à fait particulier, l’interaction entre pesanteur et apesanteur devenant ainsi perceptible sous un angle nouveau comme un processus incroyablement vivant. Légèreté et poids, exploration des limites du jeu, de l’échec et du hasard comme pratique artistique, oscillation sur la ligne ténue entre humour et poésie, le funambule devenant le prototype d’une réalité existentielle – de
nombreux points de contact permettent aux oeuvres d’Alexander Calderet à celles de Fischli/Weiss d’affirmer leur efficacité à la fois ensemble, et indépendamment.
L’ensemble de cette présentation ne ménage qu’une rencontre directe entre les travaux de Fischli/Weiss et ceux de Calder ; celle-ci ouvre l’exposition et son récit. Calder (1898-1976) est le maître de l’équilibre instable dans l’art moderne. Avec l’invention révolutionnaire du « mobile »,
il a rendu visible l’équilibre constamment changeant entre pesanteur et apesanteur. Toute son oeuvre est consacrée à cette recherche. Elle fascine par la concomitance entre un équilibre factice qui fait systématiquement l’objet d’une nouvelle quête et est généralement atteint, et
sa visualisation sous des formes diverses.
À partir de 1979, Peter Fischli (né en 1952) et David Weiss (1946-2012) ont, dans leur création commune, donné au thème de l’équilibre précaire une forme iconique très différente. Avec la même ardeur inlassable et voluptueuse, ils ont élaboré – dans des films et des sculptures, par le langage, la photographie et la peinture – un irrésistible jeu sur l’équilibre, la clarté et la vue d’ensemble, dans lequel les impondérables et les pierres d’achoppement l’emportent toutefois souvent sur l’élégance et
l’assurance des grands gestes de l’art moderne – incarnés par le mobile.
Cette exposition, dont le commissaire est Theodora Vischer, Senior Curator à la Fondation Beyeler, est conçue en étroite collaboration avec la Calder Foundation de New York et l’artiste Peter Fischli. Citations d’Alexander Calder
Que Ça bouge–à propos des sculptures mobiles Les différents objets de l’univers peuvent être constants, quelquefois, mais leurs relations réciproques varient toujours. Il y a des milieux qui paraissent rester fixes tandis que de petits évènements se produisent à grande vitesse à travers eux. Ils le paraissent seulement parce qu’on ne s’aperçoit que de la mobilité des petits évènements.
Nous remarquons le déplacement des automobiles et des êtres dans la rue, mais nous ne remarquons pas que la terre tourne. Nous croyons que les automobiles vont à une grande vitesse sur un sol fixe ; pourtant la vitesse de rotation de la surface du globe, à l’équateur, est 40000 km par 24 heures. Comme l’art vraiment sérieux doit être d’accord avec les grandes lois et non pas seulement avec les apparences, dans mes sculptures mobiles j’essaie de mettre en mouvement tous les éléments.
Il s’agit d’harmoniser ces déplacements, atteignant ainsi une possibilité neuve de beauté. Alexander Calder, “Que ça bouge–à propos des sculptures mobiles,” 1932. Manuscrit, archives de la Calder Foundation
Fischli/Weiss: Jardin, 1997/2016
Un jardin temporaire comme projet artistique, à « 70% jardin paysan, 30% jardin ouvrier ». Pour leur deuxième contribution à Skulptur Projekte Münster, une grande exposition organisée tous les dix ans dans un espace public de Münster, Peter Fischli et David Weiss ont conçu en 1997 un travail artistique que de nombreux spectateurs n’ont pas su reconnaître comme tel, en raison même de la description
citée ci-dessus. Ce jardin est formé de plusieurs plates-bandes et d’un compost. Il contient également un abri avec des sièges et une cabane à outils. Comme dans un jardin paysan ordinaire, on y a planté des fruits et des légumes, des herbes aromatiques et des fleurs de la région. La disposition et les plantations se sont faites dans le respect des principes écologiques, sans négliger pour autant des considérations esthétiques. On observe ainsi dans ce jardin un fragile équilibre entre la séduction et la production, entre l’utile et l’agréable, la croissance dirigée et le laisser-faire, l’ordre et le désordre,
l’artificiel et le naturel.
Le jardin paysan est généralement un lieu privé, dans lequel on peut ici pénétrer et dont on peut profiter. Ce microcosme temporaire ne révèle cependant pas immédiatement son rapport à l’art.
À l’occasion de l’exposition Alexander Calder & Fischli/Weiss, ce jardin a été reconstitué en 2016 moyennant certaines adaptations sur un terrain voisin, pour la durée d’un été. Les travaux ont commencé en février 2016 et ont duré jusqu’à la fin mai 2016, début de l’exposition.
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h.
Pendant la durée de l’Art Basel 2016, la Fondation Beyeler a inscrit à son programme plusieurs expositions d’art moderne et contemporain, ainsi que deux Artist Talks.
On peut ainsi voir l’exposition temporaire actuelle
«Alexander Calder & Fischli/Weiss», la première présentation du prêt de longue durée de l’Anthax Collection Marx,
le travail photographique en plusieurs parties de l’artiste américaine Roni Horn intitulé The Selected Gifts
ainsi que des œuvres de Christopher Wool provenant de la Daros Collection.
L’inauguration des « 24 Stops » de l’artiste Tobias Rehberger aura lieu le dimanche 12 juin 2016.
L’Artist Talk entre Douglas Gordon et Hans Ulrich Obrist ainsi qu’un Panel sur l’art et l’architecture avec l’artiste américain Mark Bradford en collaboration avec l’Albright-Knox Art Gallery de Buffalo complètent ce programme. Une autre bonne nouvelle : La Fondation Beyeler est passée de la 10e à la 7e place du classement du Social Media-Ranking des musées de langue allemande – grâce au développement constant au cours de ces dernières années de ses activités de réseaux sociaux par les canaux les plus divers et à la participation active de la communauté des amateurs d’art
Partager la publication "Alexander Calder & Fischli/Weiss"
Mulhouse Art Contemporain, dont le président est Dominique Bannwarth,
ouvre le bal d’ OFF16, avec CYRIELLE TASSIN. Cette exposition est présentée parallèlement à la Biennale de la Photographie de Mulhouse.
Présentée au marché: « OBSOLESCENCE », qui vient d’obsolète, figure de ces villes absurdes. Un agencement de blocs neutres rythme l’image de l’urbanisme d’hier ou de demain. De cette toundra, une ville émerge, entre fiction futuriste et agencement inexploitable réellement. Comme une solution envisagée de nos villes futures, entre pessimisme et volonté de trouver un concept de ville nouvelles, ces concepts tendent vers l’absurdité.
L’obsolescence, une ville établie qui perd déjà tout son sens. Dans une idée formellement réalisable qui s’épuise aussitôt. « CONSOMMABLE URBAIN », 24 cartes postales: sculptées à la surface des aliments, de fines incisions et perforations font émerger un paysage urbain insolite, d’un autre temps et d’une autre échelle.
Ces îlots poussent ou subsistent dans un vide qui les préserve.
Sur une surface presque habitable, son échelle et son lieu nous interrogent pour laisser place au doute d’une réalité.
Face à cette fragilité – une construction fraîche, son flétrissement et son oxydation la menant à sa disparition, l’instant de la photographie préserve ce micro lieu aujourd’hui éteint et soupçonne le nôtre. CYRIELLE TASSIN est une artiste qui vit et travaille à Celles-sur-Ource, près de Troyes, en France. Diplômée des Arts appliqués, en design à Chaumont, elle a poursuivi sa recherche artistique à l’École Supérieure d’art de Lorraine de Metz Métropole (DNAP et DNSEP), tout en effectuant une année d’études à l’École Supérieure d’Art de Disseny à Castellon de la plana (Espagne). Son travail qui mêle photographie, dessin, gravure, vidéo, peinture et installation en grand volume, révèle les questionnements sociétaux actuels, entre fiction et solution, à travers l’absurde. TOUT S’EN VA Interview de Cyrielle Tassin par Florence Andoka NOVO – Mai 2016 page 20 édition spéciale Biennale de la photographie Comment l’installation, Obsolescence, s’inscrit-elle dans l’espace du marché couvert? Obsolescence est une pièce qui joue sur la notion d’échelle. Je pars d’éléments à échelle réduite que je multiplie, comme une construction qui deviendrait envahissante. Les photographies en grand format de ces villes miniatures forment un parcours dans les allées du grand marché. Au fil des images, dans le temps de la photographie, la ville est construite puis détruite. Je présente également au cours de l’exposition, la pièce Consommable Urbain, sous forme d’édition de cartes postales. Il s’agit de villes sculptées à la surface des aliments. Elles sont figées par la photographie avant leur dégradation. Qu’est-ce que l’obsolescence d’une ville ? Quel est le rôle de la photographie par rapport à la disparition de la forme réalisée ? A travers le temps, la ville devient obsolète, de part nos évolutions sociales et technologiques. J’aime apporter des solutions absurdes. Les villes nouvelles que j’invente sont potentiellement réalisables, mais dès lors que nous les construisons, elles deviennent inutilisables. Leur fonction s’épuise et produit une image qui est un reflet dystopique des villes réelles. A l’ESAL, à Metz, j’ai pu me perfectionner en photographie argentique et numérique, afin de gérer l’image de la conception à l’impression, néanmoins, je reste attachée au fait de ne pas saisir une image mais de la construire en créant un espace propre à l’objet réalisé. J’envisage également la photographie comme un archivage. Vos photographies entrent-elles en résonance avec la thématique officielle de la Biennale, « l’autre et le même » ? La sérialité est omniprésente dans mon travail. Je crée des villes qui sont visuellement similaires et uniques à la fois. La série renvoie également à ma propre exigence de tester toutes les possibilités jusqu’à l’épuisement des formes. Vidéo sur France 3 Marché du Canal Couvert
26 quai de la Cloche, Mulhouse ENTRÉE LIBRE
Les Mardis, jeudis et samedis
de 07H00 à 17H00
Partager la publication "Mulhouse Art Contemporain – OFF16"
jusqu’au 26 JUIN 2016 Autoportraits, de Rembrandt au selfie est la première exposition réalisée dans le cadre du partenariat entre le musée des Beaux-Arts de Lyon, la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe et les National Galleries of Scotland à Édimbourg.
Cette exposition a été présentée successivement à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe (où je l’ai manquée) du 31 octobre 2015 au 31 janvier 2016, puis au musée des Beaux-Arts de Lyon (où j’ai couru) du 25 mars au 26 juin 2016, et enfin à la Scottish National Portrait Gallery à Édimbourg du 16 juillet au 16 octobre 2016. Elle bénéficie d’un soutien exceptionnel de l’Union européenne, dans le cadre du programme Creative Europe coordonné par l’Agence exécutive pour l’Éducation, l’Audiovisuel et la Culture de la Commission européenne. Autoportrait de Rembrandt avec Saskia
L’exposition rassemble plus de cent-trente oeuvres – peintures, dessins, estampes, photographies, ainsi que sculptures et vidéos – appartenant aux riches collections des trois institutions, complétées par quelques prêts provenant de collectionneurs privés lyonnais et, pour la partie contemporaine, du Zentrum für Kunst und Medien de Karlsruhe, ainsi que du Musée d’art contemporain de Lyon. Son propos, dont le cadre chronologique s’étend de la Renaissance au XXIe siècle, est d’interroger la pratique de l’autoportrait par les artistes en tentant de dresser une typologie et en mettant en lumière les questionnements portés par ce genre spécifique. Elle vaut réellement que l’on s’y attarde.
Foujita et EL Kirchner Autoportrait
Il s’agit de s’intéresser en particulier aux formes les plus diverses prises par celui-ci, jusqu’aux autoportraits mis en scène, utilisés dans d’autres types de compositions ou simplement allusifs. Un accent particulier est mis sur les productions des scènes artistiques allemandes, écossaises et lyonnaises. Albrecht Dürer, la Vierge du Rosaire
Près de l’arbre le personnage tient à la main un document signé Dürer
qui a ainsi introduit son autoportrait dans un tableau religieux.
L’exposition s’articule en sept sections thématiques, interrogeant les grandes typologies de l’autoportrait et leurs évolutions au fil du temps : le regard de l’artiste, l’artiste en homme du monde, l’artiste au travail, l’artiste et ses proches, l’artiste mis en scène, l’artiste dans son temps et le corps de l’artiste. Certains artistes mettent leur reflet dans une carafe en étain, dans des natures mortes, d’autres dans un double autoportrait, reflété dans un miroir, d’autres encore déguisés en musicien, (Watteau) s’intègrent dans des portraits de groupe, de famille, de couple.
Rembrandt dans la lapidation de St Etienne a introduit son portrait, seul personnage qui regarde le spectateur détail l’autoportrait sous le bras droit levé de St Etienne
Une vidéo de Marina Abramovic, un portrait de Jan Favre, l’inévitable Cindy Sherman,
Robert Mappelthorpe, pour voir les selfies d’Ai WeiWei il faut consulter une tablette….
C’est une exposition qui montre bien que l’on invente jamais rien, et que les anciens, savaient très bien se « selfier », l’époque contemporaine ne fait qu’utiliser les nouveaux moyens techniques, sans l’inventivité des anciens. Friedrich Mosbrugger, les Camarades (1828-1829)
Actuellement on ne peut plus voir un monument, une sculpture, une toile, un tableau, sans que des perches à selfies, des appareil photo ou des téléphones, vous gâchent le plaisir de la contemplation et la vue. Surtout les téléphones ou Ipad, que leurs utilisateurs, manipulent longuement pour prendre la « meilleure » photo, regardent le résultat, puis éventuellement recommencent leur photo, tout en oubliant de regarder l’oeuvre en live.
Il faut encore compter avec les modèles photographiés devant, qui s’ingénient à prendre
les poses les plus ridicules et demandent de ce fait, une infinie patience de notre part, si nous désirons un cliché sans parasites !
Répondant à ma suggestion de bien regarder l’oeuvre en détail, un visiteur m’a répondu
qu’il ne manquera pas de le faire, sur son téléphone, Ipad ou ordinateur !
L’exposition est accompagnée de la publication d’un catalogue scientifique édité en français, en anglais et en allemand.
Une installation est présente en conclusion du parcours pour inviter les visiteurs à réaliser leur propre autoportrait, tandis qu’une composition crée un gigantesque portrait aléatoire formé par la combinaison de toutes ces images. Le public est invité à poursuivre cette expérience en ligne et sur les réseaux sociaux.
Partager la publication "Autoportraits, de Rembrandt au selfie"
A la Fondation Fernet-Branca jusqu’au9 octobre 2016
La Fondation peut accueillir des expositions à géométrie variable. Après le septuor dePrendre le temps
Le trio de Métamorphoses les muses de Didier Paquignon Claire Morgan taxidermiste
Le duo Günter Umberg et Bernard Frize Pierre‐Jean Sugier, Directeur de la Fondation Fernet‐Branca présente
3 artistes, qui ont chacun leur spécificité et leur singularité. Ils nous emmènent
dans un voyage généreux fait d’émotions, de découvertes, de sensations, d’insolite. « Paradis des sculpteurs, mais aussi des photographes et des peintres, lieu inspirant, exceptionnel, un espace spacieux et lumineux, où les individualités des artistes tendent vers l’universel de l’art » Stefan Balkenhol Pierre Jean Sugier, Marie Bovo, Philippe Cognée, Stephan Balkenhol, Marie Bovo
La majorité de son travail se fait entre chien et loup, soit de la nuit vers le matin,
soit l’inverse, à la tombée du jour, juqu’à la nuit, en suivant les saisons.
Elle évoque son rapport à la lumière (crépuscule et aube) et à l’intime dans sa série photographique « Cour intérieure »réalisée à Marseille (Quai de la Joliette), série réalisée sur une période de 2 ans. Ces immeubles haussmanniens, très profonds, laissés à l’abandon, malgré tout habités, où le ciel le ciel est enserré, sont reliés par un réseau très dense de fils où sont suspendus les vêtements des habitants. Selon les heures sont devine, l’occupation du moment des habitants.
Dans la série « Alger », dans un principe identique, elle développe cette représentation subtile en nous dévoilant ce que l’artiste veut nous dire de son propre monde intérieur sur l’extérieur, sur l’expérience de la ville, les émotions que celle‐ci ou le paysage peut lui évoquer. Elle exclut toute anecdote, tout effet esthétique, pour se concentrer sur l’essentiel. C’est la construction d’une variation sur un même sujet. La série récente « En route » développe, dans le cadrage d’une porte d’un train polonais, des paysages tous différents avec un horizon situé toujours à une même hauteur. Ici c’est l’intérieur qui s’ouvre vers l’extérieur, vers son horizon… un même intérieur pour une variation de paysages.
La série « les grisailles », comme pour la série « cours intérieures », Marie Bovo renverse le regard pour nous donner des signes du temps. Ici, peu importe les lieux. Rares sont les indices qui apporteraient une localisation précise. Ce qui compte se sont les marques du temps et de la vie, un plafond qui s’écaille : « Grisailles montre des espaces dégradés de leur projet social initial, et qui pour cela échappent à l’architecture. » (Marie Bovo, Sitio, Editions Kamel Mennour, entretiens Régis Durand, page 10).
Ce contraste intérieur / extérieur apporte une poétique d’une grande rigueur plastique.
de même que cette photographie d’un camp de roms, qui dorment aux marges de la ville.
Nous retrouvons cette même rigueur dans le travail vidéo que développe Marie Bovo. Ainsi deux vidéos seront présentées à la Fondation. Une création tournée à Marseille : « La Voie Lactée » (2016) laisse découvrir une ville par le biais d’une coulée laiteuse…la ville à ras le sol. La seconde vidéo est « Prédateur, la Danse de l’Ours (2008 – 2014) » qui nous parle autant de l’animal enfermé dans un espace réduit que de ce que parfois l’humain est capable de créer d’inhumain. Marie Bovo est née en 1967 à Alicante en Espagne. Elle vit et travaille à Marseille, elle est représentée par la galerie Kamel Mennour à Paris et OSL contemporary, Oslo
Philippe Cognée et Stephan Balkenhol, revendiquent depuis les années 80 leur travail sur la figuration. Leur travail s’impose en se positionnant à distance des contraintes mises en place par les artistes des mouvements minimal et conceptuel. Ils entretiennent tous deux un rapport au réel, au quotidien, au paysage, ou plus simplement à l’humanité dans son ensemble en lui donnant une distance et imposant un angle de vue qui rend l’image intemporelle. Philippe Cognée, (vidéo) s’attache depuis plus de 30 ans à interroger le rôle de la peinture.
Son oeuvre est construite à partir d’images photographiques. Celles-ci sont devenues numériques. Toutes ces images sont omniprésentes, presque banales. Pour les transcender, il adopte une technique particulière à l’encaustique. Cette volonté de tendre vers l’abstraction par une peinture sur cire, chauffée et écrasée, fait de la technique même le sujet de la peinture traitant d’un objet : ce qui est montré. Car c’est bien de peinture dont il s’agit avant tout, et c’est elle qui donne à voir son sujet et la façon dont il est perçu.
Ses toiles floues à la cire, chauffée puis écrasée, posent la question de l’épuisement de l’image et de la condition humaine dans son rapport à l’environnement urbain. L’artiste s’inspire de photos ou de vidéos d’autoroutes, de bâtiments, de vues aériennes …
Il présente les maisons de face comme des portraits. Chaque fois qu’il peint une maison, cela le fait penser à Vermeer, il tente de faire scintiller les briques, avec des effets de soleil, comme lui. Il part d’images de Google qui lui servent de support, en leur faisant « subir » le même procédé, tels des objets du quotidien, des souvenirs de vacances, des foules, des supermarchés. Traités en série, les thèmes ordinaires et familiers, Philippe Cognée jette sur la toile, aussi ces banalités sont magnifiées par le flou des tracés et des formes devenus la signature du peintre. Sa technique de la cire fondue nourrie une esthétique de la destruction et du chaos. La solitude, l’anonymat, l’abandon émergent de cette référence à la ruine.
Philippe Cognée, a arraché les pages de catalogues d’Art Basel, où il a puisé 1100 oeuvres d’artistes, il a peint les images à l’huile, à plat, comme des îcones, puis les a posées sur une plaque de métal . L’ensemble montré sur les cimaises de Fernet Branca, forme un immense drugstore. Il nous propose de revisiter l’histoire de l’art, de réviser nos connaissances et d’interroger notre mémoire, de partir à la découverte, en arpentant les murs de son « Super Marché ». Mais n’est-ce pas aussi un clin d’oeil au tournis qu’occasionne Art Basel, par la profusion des oeuvres présentées ?
Mais aussi analogie avec une oeuvre présentée dans l’exposition, qui montre l’inhumanité,
de la consommation de masse, que ce soit en denrées ou en art à laquelle le monde est soumis.
Né en 1957, Philippe Cognée vit et travaille à Nantes. Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes, il a reçu le Prix de Rome en 1982 et a été Lauréat de la Villa Médicis en 1990. En 2004, il a été nominé pour le Prix Marcel Duchamp. Il enseigne à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris depuis 2005.
Il est représenté par la Galerie Daniel Templon, Paris – Bruxelles.
et la Galerie Pauli de Lausanne. Stephan Balkenhol
C’est résolument un sculpteur d’images.
Né en 1957 à Fritzlar en Allemagne, Stephan Balkenhol vit et travaille à Karlsruhe et Meisenthal en Lorraine.
Depuis 1992, il est professeur de sculpture à la Staatliche Akademie der Bildenden Künste à Karlsruhe. Au-delà des expositions en institutions, l’artiste s’est fait connaître par des remarquables ensembles sculpturaux, à mentionner le monument en hommage à Jean Moulin à Metz ainsi que le monument en hommage à Richard Wagner à Leipzig. Après des études à l’Académie des Beaux-Arts de Hambourg, Stephan Balkenhol développe, dès le début des années 80, un ensemble de sculptures figuratives en rupture avec le courant minimaliste en vogue à l’époque. Par ses créations, il cherche très rapidement à prendre également ses distances avec le style brut de ses illustres compatriotes Georg Baselitz etJörg Immendorff. D’une grande simplicité de forme, les œuvres de Stephan Balkenhol sont pourtant riches de nombreux détails. Figures et socles sont taillés à partir d’un seul bloc de bois, à l’aide d’un ciseau et d’un maillet, de scies électriques et de burins. Ils ne font qu’un. Ils ne sont ni polis, ni poncés, traversés par des fissures devenant balafres et se couvrent de craquelures provoquant autour d’eux comme une sorte de vibration. Leur immobilisme frappe également. Pourtant ses créations ne sont pas totalement privées de vie. L’artiste utilise en effet des bois issus d’arbres fraîchement abattus, dont le peuplier et le sapin Douglas fir, permettant à ses œuvres, une fois terminées, de connaître un processus de vieillissement progressif. Le bois a la possibilité en quelques sortes de s’exprimer en changeant subtilement d’apparence. Stephan Balkenhol semble également jouer avec les échelles de ses statues, tantôt massives, tantôt minuscules. Leur sens s’en trouve métamorphosé. Le modèle masculin grandeur nature est ainsi tour à tour petit, fragile et vulnérable ou gigantesque et presque monstrueux, ou encore allongé tel l’ hermaphrodite endormi du Louvre. Sa ballerine, se dresse fièrement sur son socle, habillée par coquillage plissé. Contrairement aux peaux laissées dans leur couleur naturelle, les vêtements, cheveux, bouches et yeux sont peints. Trois ou quatre couleurs, pas plus, appliquées avec minutie malgré toutes les bosses et tous les creux du bois. Elles ne semblent pas être choisies pour leur pouvoir symbolique mais simplement pour habiller les personnages, leur donner une identité, les ancrer dans la réalité. Ses œuvres sont peintes à l’exception des chairs, suivant ainsi la technique traditionnelle développée au Moyen-Âge de la sculpture en bois polychrome.
Les panneaux auréolent tantôt un petit homme, ou encore servent de « toile de fond » à un duo énigmatique (fraternel, amical, combattant ?). Panneaux regardeurs ou bouches bienveillantes ? Stephan Balkenhol est-il peintre ou sculpteur, la question se pose lorsque l’on regarde la Victoire de Samothrace ou encore ce couple ou trio ? Il visite l’histoire de l’art avec son amphore géante aux dessins érotiques. Il s’approprie le mot de Duchamp en le modifiant quelque peu « c’est le regardeur qui termine l’oeuvre » Stephan Balkenhol travaille entre autres avec les galeries Akinci (Amsterdam), Deweer (Otegem), Mai 36 (Zurich), Nosbaum Reding (Luxembourg) et Thaddaeus Ropac (Paris – Salzbourg).
Ce qui lie les 3 artistes, c’est la dépersonnalisation, la solitude, l’indifférence, la déshumanisation du monde que l’on ressent après avoir parcouru les salles, tout en étant admiratif du travail de chacun Fondation Fernet-Branca
2, rue du Ballon
68300 Saint-Louis/Alsace
T +33 3 89 69 10 77
Partager la publication "Marie Bovo, Philippe Cognée, Stephan Balkenhol à la Fondation Fernet Branca"
Un ensemble de 13 œuvres de l’Anthax Collection Marx est arrivé à la Fondation Beyeler et y restera plusieurs années dans le cadre d’un prêt de longue durée.
RENDEZ-VOUS AUTOUR DE L’EXPOSITION
« Club Sandwich » jeudi 12 mai de 12h30 à 13h40
visite guidée le temps de la pause déjeuner avec pique-nique tiré du sac
gratuit sur inscription : T 03 89 36 28 34 ou heloise.erhard@lafilature.org
+ rencontres, rendez-vous dans le cadre de la Biennale de la Photographie de Mulhouse www.biennale-photo-mulhouse.com
Partager la publication "ALISA RESNIK « ONE ANOTHER »"
Gérard Fromanger, Le désir est partout en Chine à Hu Xian 1974
« Je pense que ce qui est le plus intéressant dans la vie, ce n’est pas l’impossible mais le possible, c’est l’amour des êtres, de l’énergie des choses… ça oui c’est moi. Comment est-ce que en peinture je peux parler de ça ? Comment est-ce que je peux dire ça ? »
Peut-être le tableau le plus célèbre de Fromanger, fait à partir d’une photo prise lors d’un voyage d’intellectuels et d’artistes français dans la Chine maoïste en 1974. Tout semble se passer comme si le regard des paysans-peintres chinois cherchait à croiser celui du spectateur pour mieux signaler leurs couleurs.
Au nom de Gérard Fromanger est attachée une série de motifs, de figures et d’événements qui tissent une histoire artistique, culturelle et sociale d’un demi-siècle : l’amitié de Jacques Prévert,Mai 68, des silhouettes rouges, des passants dans la ville, le jeu des couleurs, un film-tract culte réalisé avec Jean-Luc Godard, des textes de Gilles Deleuze, Michel Foucault et Félix Guattari, la figuration narrative, peinture et politique.
Si une pareille liste suffit à recomposer le décor, à recréer l’atmosphère dans lesquels l’œuvre deFromanger gagne une large reconnaissance dans les années 1970, elle ne saurait toutefois définir le projet qui, par-delà les mutations fréquentes que l’œuvre a connues, affirme sa permanence : une peinture à la fois ouverte sur le monde et pleinement consciente d’elle-même. De 1964 à 2015, au travers d’une cinquantaine d’œuvres, dont certaines méconnues, l’exposition s’attache à rendre sensibles les différentes expressions de ce projet.
Le peintre appartient à une génération d’artistes français, que l’on pourrait qualifier de pop, et qu’un critique d’alors, Gérald Gassiot-Talabot, baptisa en 1965 comme celle de la « figuration narrative ». Il s’oppose au pop américain par son militantisme politique et social. Mai 1968 lui doit ses images les plus célèbres, produites à l’Ecole des beaux-arts de Paris en grève sous le nom du collectif L’atelier populaire. En retour à mai 1968 des amitiés et des appuis prestigieux, parmi le monde intellectuel , tels que les textes de Michel Foucault et Gilles Deleuze vont vers Gérard Fromanger. Il entre à l’âge de 24 ans, dans la prestigieuse galerie Maeght avec Adami, grâce à son ami Jacques Prévert — l’amitié est pour Gérard Fromanger une composante essentielle de sa vie. La générosité est aussi l’une de ses qualités. Grand affichiste, puis la mode passe. Le marché et les institutions le délaissent. Dans les années 1980, une longue traversée du désert commence. Elle dure plus de vingt ans. Le marché bouge. Les cotes remontent. Des fondations privées, Leclerc (les hypermarchés) expose Monory puis Fromanger à Landerneau.
Beaubourg, enfin, lui ouvre le quatrième étage. La figuration narrative n’est pas un mouvement majeur, ni même innovant, de l’histoire de l’art. La plupart des artistes possèdent surtout un talent graphique. Ils décalquent les photographies, combinent les images et, pour beaucoup, les colorient en aplats. C’est parfois très percutant, comme la série de tableaux sur mai 1968 de Gérard Fromanger, où le peintre se montre grand affichiste. Sa toile monumentale De toutes les couleurs,peinture d’histoire (1991-1992) est sans doute son oeuvre la plus aboutie. Au-delà de ses qualités graphiques et de la complexité de sa composition, elle précise l’ambition secrète de Fromanger : être, à la manière des fresquistes du Moyen Age, un peintre pour le peuple, simplement. Centrée sur les années 1960-70 et thématique, l’exposition d’une cinquantaine de pièces, montée par Michel Gauthier, commence par une évocation de l’importance de la couleur rouge dans l’œuvre de Gérard Fromanger. L’occasion de retrouver des tableaux peu vus comme ces acryliques sur bois découpé, qui posent avec humour la question de la matérialité de la peinture. « Devenu le signe chaud d’une résistance de la vie contre la logique marchande qui s’empare de l’espace urbain », le rouge devient politique en mai 68. Fromanger colore en rouge les silhouettes des manifestants qu’il met en exergue dans ses affiches sérigraphiées réalisées au sein de l’Atelier populaire de l’École des Beaux-Arts. Au milieu des années 1970, la série « Questions » s’attaque au rapport de l’art aux médias. Ainsi d’Existe, ce tableau où l’on voit des journalistes interroger un maelström incompréhensible de couleurs pures. Le côté séduisant de cette masse colorée fait oublier la dureté du sujet. Fromanger poursuit cette critique de la société de la communication avec l’immense toile De toutes les couleurs (1991), figurant la circulation accélérée des images et des informations. Autoportrait de Gérard Fromanger, cette toile montre l’artiste projetant sur la toile un cliché de mutins sur le toit d’une prison. Suivant l’exemple d’un Michel Foucault ou d’un Jean-Paul Sartre, Fromanger choisit de s’engager dans des combats de société, ici la situation catastrophique de l’univers carcéral dans les années 1970. La Grande Table sur France Culture : podcast Gérard Fromanger : la passion picturale et le souci du monde
« La difficulté de tout artiste, c’est commencer à être soi-même »
Pendant toute sa carrière, Fromanger a peint ses amis et rencontres tels que Jacques Prévert, Michel Foucault, Pontus Hulten, Alain Jouffroy ou Jean-Luc Godard. D’un fouillis de lignes libres, naissent ces portraits dessinés où l’on reconnaît les traits de ces intellectuels et écrivains. En peinture, ceux-ci sont pris dans des réseaux de traits colorés.
L’une des œuvres les plus radicales de cette rétrospective est Noir, nature morte évoquant le travail de Joseph Kosuth, qui fit en 1968 une œuvre d’art du simple mot art. Gérard Fromanger dresse ici une liste de noms d’artistes en une histoire de la peinture sans couleurs et sans images. détail Noir, nature morte (1994-95), « Gérard Fromanger » Gérard Fromanger dans l’émission de Laure Adler sur France culture Hors Champs
le rouge et le noir dans le Prince de Hombourg 1965
Corps à corps bleu, Paris Sienne (2003/2006) (série Sens dessus sens dessous)