Sommaire d'août 2010

04 août 2010 : Jean Michel Basquiat à la Fondation Beyeler
09 août 2010 : Nicolas de Staël
11 août 2010 : Gabriel Orozco
19 août 2010 : Edward Hopper, une certaine image de l’Amérique
29 août 2010 : Juilletiste ou aoûtien ?
31 août 2010 : Wally rentre à la maison 

Wally rentre à la maison

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Par principe je ne parle que des expositions que j’ai vues. Une exception pourtant, parce que les histoires de restitutions de tableaux, m’ont toujours passionnées. Je me pose souvent la question, lorsque je lis sur les cartels « collection privée » qui se cache derrière ce terme ?
Aussi je poste ici l’article de :
Joëlle Stolz paru dans le Monde 

Douze années durant, ses yeux bleus, sa frange d’un blond fauve et son étrange collerette de Pierrot triste sont restés sous clef dans un entrepôt de Long Island, près de New York, pendant que les tribunaux américains débattaient de son cas, l’une des plus célèbres demandes de restitution d’oeuvres d’art spoliées par les nazis.
 La loi autrichienne devrait favoriser de nouvelles restitutions

Lundi 23 août, le Portrait de Wally Neuzil devait être triomphalement accroché dans le Musée Leopold de Vienne, à côté de l’Autoportrait avec le fruit de lanterne vénitienne du peintre expressionniste Egon Schiele (1890-1918), dont elle fut le modèle et l’amante. Les deux tableaux, qui offrent des similitudes frappantes par leur petit format presque identique, les visages inversés comme dans un miroir, et l’utilisation stylisée d’un vêtement noir sur fond blanc datent de 1912 : elle avait dix-huit ans, lui vingt-deux.« Wally rentre à la maison ! », s’est écriée sur un ton euphorique Elisabeth Leopold, veuve du collectionneur autrichien Rudolf Leopold, dont le musée, surtout connu pour ses huiles et dessins de Schiele, attire quelque 300 000 visiteurs par an. Présenté comme une « libération », ce retour très attendu a été mis en scène pour les médias. A l’arrivée du transport en provenance des Etats-Unis à l’aéroport de Vienne, vendredi 20 août, Mme Leopold a fait ouvrir la précieuse caisse devant des agents de sécurité armés, et vérifier par un expert l’authenticité du tableau. « Maintenant, nous allons verser l’argent », a annoncé le directeur du musée, Peter Weinhäupl – « comme s’il s’agissait d’une rançon », relève le quotidien Der Standard.Telle est bien la manière dont une partie de l’opinion autrichienne perçoit l’histoire du Portrait de Wally. Elle est révélatrice de l’évolution des goûts du public, qui a rejeté Egon Schiele avant de le porter au pinacle, mais aussi du refus obstiné, pendant longtemps, d’admettre l’ampleur du préjudice causé par le nazisme à la communauté juive d’Autriche – 65 500 morts, plus de 120 000 émigrés dépouillés de leurs biens -, vite soupçonnée d’avidité quand elle demande réparation.Après avoir dépensé 5 millions de dollars (près de 4 millions d’euros) en frais d’avocats et de procédure, le Musée Leopold s’est résolu en juillet, quelques jours avant une audience décisive du tribunal américain, à payer 19 millions de dollars (14,8 millions d’euros), dans le cadre d’un arrangement extrajudiciaire, aux héritiers de la galeriste Lea Bondi-Jarai, contrainte de fuir l’Autriche en 1939.Jusqu’à sa mort, le 29 juin 2010, à l’âge de 85 ans, Rudolf Leopold a toujours nié que ce tableau, qu’il avait acquis en 1954 auprès du Musée national du Belvédère, à Vienne, ait été volé en 1938 à la propriétaire de la galerie viennoise Würthle. Et pas par un obscur fonctionnaire nazi, mais par le marchand salzbourgeois Friedrich Welz, l’un des principaux acteurs du trafic d’oeuvres d’art sous le IIIe Reich, notamment en France. « C’est une légende, affirmait encore Leopold en 2008, que Welz l’a pris chez elle (Lea Bondi) : elle le lui a vendu. »Emigrée à Londres, Lea Bondi-Jarai avait demandé à Leopold, un jeune ophtalmologue passionné par l’oeuvre alors méconnue de Schiele, de l’aider à récupérer le portrait. Il a préféré mener la transaction pour son propre compte. Ce n’était pas sa faute, pensait-il, si les autorités autrichiennes avaient restitué par erreur Wally, après la guerre, à une autre famille juive gravement spoliée, les Rieger, qui l’a cédé en 1950 au Belvédère. Dans la villa de Leopold, à Grinzing, un beau quartier de Vienne, les « fiancés » de 1912 sont alors réunis.En réalité, leur couple n’a pas tenu longtemps. Née pauvre, Walburga Neuzil était devenue à 15 ans l’un des modèles du peintre Gustav Klimt. Celui-ci l’aurait envoyée ensuite à Schiele, payant même les premières séances de pose, parce qu’il s’inquiétait du faible de son ami pour les fillettes à peine pubères. Wally s’occupe du ménage, tient la comptabilité, soutient son homme lorsque celui-ci est condamné à vingt-quatre jours de prison, en 1913, pour obscénité et abus sexuels sur une mineure. Mais quand l’enfant terrible de la Sécession viennoise préfère épouser une fille de bonne famille, elle rompt, même s’il lui offre, dans une lettre incroyable de goujaterie, de la retrouver « chaque été pour un voyage de détente ».En quatre ans, il a tracé d’elle de nombreux nus, mais n’a montré qu’une seule fois vraiment son visage, dans le Portrait. Elle s’engage comme infirmière dans la Croix-Rouge et meurt en 1917 de la scarlatine, en Dalmatie. Lui, succombe, fin 1918, à l’épidémie de grippe espagnole, trois jours après son épouse enceinte. Leurs morts précoces enveloppent d’une aura tragique le double portrait que Leopold, qui se flattait d’avoir acheté des dessins érotiques de Schiele pour à peine 150 schillings (environ 12 euros), a placé au coeur de sa collection.Il était tellement sûr de son bon droit que lorsque le Musée d’art moderne de New York, le MoMa, a voulu montrer « ses » quelque cinquante-cinq Schiele, en 1997, il a accepté sans crainte que Wally soit du voyage. Quelques semaines plus tard, en décembre 1997, le New York Times publie un article percutant sur le « passé difficile » d’une partie de ces oeuvres. Puis, en janvier 1998, coup de théâtre : dès la clôture de l’exposition, le procureur de New York fait saisir deux tableaux, Portrait de Wally et Ville morte III, à la demande de la famille Bondi, mais contre l’avis du MoMa. L’affaire met en émoi les musées du monde entier, car l’on redoute un effet dissuasif pour les prêts.La justice américaine rend l’année suivante Ville morte, mais Washington intervient pour que Wally reste sur le territoire américain, en attendant la décision des magistrats. En Autriche, le scandale a des conséquences législatives : en décembre 1998, plus de soixante ans après l’Anschluss, le parlement adopte une loi qui contraint les musées nationaux à restituer les oeuvres spoliées. Cependant, elle ne concerne pas les fondations privées. Or la Fondation Leopold, propriétaire du musée, appartient à cette catégorie, même si l’Etat autrichien a payé en 1994 l’équivalent de 160 millions d’euros pour acquérir une collection de qualité inégale (on y voit aussi des meubles ou des bibelots de second choix).L’opposition critique cette législation accommodante, qualifiée de « Lex Leopold ». L’ancien médecin, qui s’est fait nommer président à vie de sa fondation et a obtenu pour son musée l’un des emplacements les plus convoités de Vienne, tout près du Ring, peut compter sur de solides appuis dans les rangs conservateurs et sur le tabloïd Kronen Zeitung. Son propriétaire, Hans Dichand, était lui aussi un passionné de la « modernité viennoise » (entre autres chefs-d’oeuvre, il possédait la Danaë de Klimt, et avait également racheté l’ancienne galerie de Lea Bondi).Le hasard a voulu que les deux octogénaires, emblématiques des réticences de l’Autriche à affronter son passé, aient disparu en juin. Le décès de Leopold a précipité un dénouement auquel les héritiers de Lea Bondi a
uraient consenti il y a des années si le musée l’avait proposé, explique au Monde Erika Jakubovits, qui s’occupe de la question des restitutions au consistoire israélite de Vienne, l’IKG. « De son vivant, dit-elle, il n’aurait jamais renoncé. Mais (Leopold et les siens) savaient qu’ils allaient perdre le procès : ils ont voulu éviter un verdict clair, et présentent l’accord financier comme une victoire afin que cela serve de modèle pour d’autres oeuvres dont la provenance est questionnée. »
Mi-juillet, une commission nommée en 2009 par la ministre de la culture, Claudia Schmied, pour examiner la collection Leopold a rendu un premier avis : elle recommande la restitution d’une toile majeure de Schiele, Maisons au bord de la mer, et de trois tableaux d’un autre peintre. Le fils du docteur Leopold, Diether, a alors offert de vendre aux enchères les Maisons, estimées à plus de 20 millions d’euros, afin de « partager » ensuite la somme entre les héritiers et la fondation, car celle-ci doit financer le rachat de Wally. Une idée que le consistoire israélite trouve « de mauvais goût ». Joëlle Stolz

photos presse Le Monde

Juilletiste ou aoûtien ?

pict0161.1283082846.jpgVos amis, vos voisins, vous posent tous la même question : « partez-vous en vacances  et où ? »
Et bien non, non, non, pas de vacances pour moi pendant cette période.
D’une part je préfère laisser la place et du coup la plage à ceux qui travaillent. Je suis en vacances toute l’année, pourquoi irai-je me colleter avec les marmots et les chiens qui vous envoient du sable à peine vous vous êtes enduits de crème à bronzer.
Puis la raison majeure, je ne vois vraiment pas pourquoi j’irai vous disputer le couloir de gauche sur l’autoroute, pendant 500 bornes.
C’est déjà assez triste pendant le reste de l’année, de devoir s’entasser dans les avions des compagnies low-cost, perdre des heures dans les aéroports, se faire fouiller par la sécurité et la douane.
Vous me direz, pourquoi ne pas prendre le train ? C’est fait, le TGV, le TER, le Corail, le Regional allemand n’ont plus de secret pour moi.
Pour le TGV il s’agit d’être circonspect, personnellement je prends toujours un solo, même si je ne suis pas seule, c’est plus confortable.
L’autre jour, j’ai vu une malheureuse jeune femme, qui avait une place dans un carré avec un couple, muni d’un poupin dans un couffin, d’un chat en cage et d’un énorme pique-nique. Aussi la jeune femme a assisté au changement de couches, aux gouzigouzi, puis à la dînette, ensuite à la sortie du chat et à son repas, puis aux mamours du couple. Nous nous sommes regardés, en priant le ciel, que cette charmante famille, n’entame pas sur le champ la conception du petit frère du bambin du couffin, car enthousiasmés et réconfortés par le bordeaux, la joie du voyage aussi, les ébats devenaient de plus en plus chauds.
Dans le regional allemand, il faut tout simplement tenir compte du calendrier des matches des diverses ligues allemandes. Leurs supporters se déplacent tôt le matin et tard le soir, avec une provision non négligeable de cannettes de bière. Certains transportent carrément des cageots, car là, pas de demi-mesure, on trinque de bonne heure et on évacue aussi très souvent. Moralité, dans ces zones-là, il vaut mieux prendre ses précautions et ne pas espérer utiliser les sanitaires, toujours occupés, sauf s’il y a une urgence.egypte-2005-mem2-112-medium.1283083118.JPG
En Suisse, c’est simple, dès qu’un piéton sur son trottoir, émet l’idée éventuelle de vouloir rejoindre l’autre côté de la route, vous devez anticiper et lui céder le passage sous peine d’amende. Sur la route, les paysages sont bucoliques et verdoyants, mais il y a de moins en moins de possibilité de les admirer, car au pays des helvètes il fleurit régulièrement des tunnels, aux 100 km/heure obligatoires. Le suisse au volant est courtois quand il est chez lui, ce n’est pas lui qui vous pousserait dans le dos, en faisant des appels de phare comme un français lambda, mais sorti de son pays, il est invincible, inattaquable, la route lui appartient
Il profite pour appuyer sur le champignon ou donner libre cours à la boîte automatique.
Les belges, les allemands et les hollandais, enfin ceux qui ne se sont pas encore convertis au camping car, tirent des caravanes, transportent des vélos, des motos, et des bateaux,  pict0104.1283082903.jpg
 
La route des vacances je vous la cède volontiers et je me contente des chemins de traverse.
Vous vous en souvenez, les mois d’été je les passe sur mon vélo. Le reste de l’année, je cours le monde, force musées et quelques gadins, grâce à des voyages, parfois gagnés à des concours.
(voir les chroniques précédentes)
Sur ce je vous souhaite une belle rentrée.
 photos JR Itti

Edward Hopper, une certaine image de l’Amérique

« C’est très difficile de formuler comment cela me vient, mais c’est un long processus d’immobilité de l’esprit et de surgissement de l’émotion » ,  c’est ainsi que s’exprime Edward Hopper dans un enregistrement américain.

edward-hopper-captain-uptons-house-1927.1282257339.jpg Né à Nyack à quelques km de New York en 1882 et mort en 1967,  il a signé une œuvre déroutante  et hors école. C’est un des peintres qui a le mieux saisi le non dit et le presque rien. Ces tableaux figuratifs mettent en scène des personnages perdus dans leur solitude et plongés dans leurs réflexions et pensées. Peintre de la mélancolie et des solitudes urbaines, des cadrages insolites, des fenêtres donnant vue sur des pièces, des arbres immenses augmentant l’insolite des paysages par leur proximité immédiate des maisons, sans accès, excluant d’emblée le spectateur, une prédilection pour les éclairages violents, naturels ou électriques. Ses tableaux et ses compositions sont immédiatement reconnaissables,  c’est l’Amérique statique et géométrique, peuplée d’êtres sans attaches. C’est une représentation universelle de l’homme, face à lui-même et à sa destinée, rien de tragique, juste un constat, la solitude, peu importe les époques et les lieux. Cela n’est pas sans évoquer certaines toiles de de Chirico, mais aussi de Magritte ou de Munch. Son univers est banal, désert, comme arrêté dans le temps, les personnages ne regardent personne et semblent absorbés par un hors champ indéfini. Que ce soient la femme du Soleil du matin, Intérieur d’été, ou encore celle de la Loi du Désir, le Nu Couché, (nu moins sublime que Nicolas de Staël,…. plus ambigu…) assise au bord du lit, couchée, edward-hopper_summer_interior1.1282257425.jpgtournant le dos à l’homme assis sur le bord du lit, l’ouvreuse du Cinéma à New York, dans les bureaux la nuit, dans un train nous ramenant vers « Juste le temps de Robert Cahen », regardant par la fenêtre, dans un motel, elles sont toutes impersonnelles, empruntes d’indifférence au monde, dans le silence. On n’imagine aucune musique accompagnant, ses personnages ou ses paysages, urbains, balnéaires, campagnards, ses stations d’essence
 La seule qui regarde vers le spectateur, Matinée en Caroline du Sud, est la femme noire, dans une tenue très habillée, soulignant les formes du corps de façon très prononcée, une robe rouge presque transparente, des chaussures noires, devant elle une plate forme de pierre, une végétation jaune et bleue, puis au loin, l’horizon bleu foncé, sous un ciel bleu, donnant l’impression d’être dans une île (de la tentation ?). Elle semble provoquer par sa posture d’attente dans l’embrasure de la porte.
Ne dit-on pas que l’artiste peint un auto-portrait lorsqu’il créé une œuvre ? Hopper installe une distanciation entre lui et le regardeur.
Ses compositions prennent pour sujet l’Amérique, celle des petites villes balnéaires à l’architecture figée de fin du 19e siècle. Le nouveau monde d’Hopper est emprunt d’une certaine mélancolie, aussi ses toiles ont-elles véhiculé pour nous, une image noire, celle en particulier des films des années 30.

L’essentiel provient du Whitney Museum de New York, qui détient plus de 2 500 tableaux d’Edward Hopper, légués par sa veuve Jo, ancienne élève du maître, qui lui servit de modèle presque unique. Cet artiste, passé de l’illustration à la gravure, puis aux tableaux, précédés par des études que cette exposition met en regard. Il y en a un peu trop à mon goût … j’ai fini par les zapper.
On peut ainsi voir la progression et la méthode de travail de Hopper, où tout est étudié au cordeau , ou rien n’est dessiné par hasard.
Pendant plus de soixante ans, Edward Hopper a dessiné. Pendant ses études, il vient à Paris. Flâneur attentif, il déambule le long de la Seine, indifférent aux querelles artistiques de l’époque et aux avant-gardes (fauvisme, cubisme), absorbé par la lumière de la capitale qu’il ne retrouvera pas dans son pays natal. Son séjour parisien a donné de remarquables huiles où il peint, le Pont des Arts; le Pont Royal, le Louvre pendant un orage, le Quai des Grands Augustins, visibles à l’Hermitage.  Il en rapportera le jeu de lumière sur les corps, les maisons, les paysages, parfois un simple rayon de lumière à travers une fenêtre, une vision épurée.
De retour dans le Nouveau Monde, il gagnera d’abord sa vie comme illustrateur, chagriné qu’on lui demande de croquer la vie frénétique des métropoles agitées alors qu’il ne rêve que d’architecture, de lignes géométriques, du dialogue de la lumière avec les façades, de la rêverie qui naît des belles demeures victoriennes et de l’atmosphère qui se dégage d’une fenêtre ouverte où se détache la scène. Ses toiles reprennent les mêmes motifs, retravaillés : l’intérieur des chambres d’hôtel, des théâtres, des cinémas, les devantures des magasins vides, les pompes à essence sur des routes désertes, les ponts de New York, les granges à la campagne, les cabanons à Cape Cod, baignés d’une clarté délicate et chaude qui, pourtant, traduit la froideur des vies. 
L’exposition de l’Hermitage montre aussi les autoportraits sombres, les envoûtantes eaux-fortes nocturnes, les études pour les toiles majeures. Et la déambulation qu’impose la disposition de cette villa s’accorde bien au regard stylisé que portait l’artiste sur la solitude de l’homme moderne. un projection au dernier étage complète la visite.
Dans ce mélange de « voyeurisme et de discrétion », comme le notera un critique, il peint des couples désunis, des femmes délaissées comme l’ouvreuse du théâtre, en retrait, élégante, élancée dans son uniforme noir, talons hauts, chevelure blonde dont l’éclat perce l’obscurité. Il saisit la subtilité des corps dans l’espace, figés face à un horizon invisible que vient éclairer la lueur du soleil, dans la découpe des croisées.
 
A la Fondation de  l’Hermitage de Lausanne jusqu’au 17 octobre 2010.
photos scannées

Gabriel Orozco

gabriel-orozco-my-hands-are-my-heart.1281297091.jpgC’était le dernier jour de cette exposition au Kunstmuseum de Bâle, mais vous pourrez la voir à partir du 15 septembre au
Musée national d’art moderne de Paris.
Cette grande exposition propose une vue d’ensemble de l’oeuvre de l’artiste mexicain né en 1962 : des installations, sculptures, photographies, peintures et dessins qui ont tous vu le jour entre le début des années 1990 et aujourd’hui. Gabriel Orozco, qui est considéré comme l’un des artistes majeurs de notre temps, partage sa vie entre New York, Paris et Mexico-City. Caractéristique de sa génération, cette manière d’être sans cesse en déplacement, ce principe de mouvement perpétuel, se répercute de la façon la plus diverse dans son oeuvre, en parcourant un spectre qui va d’une trace de respiration que la photographie a su saisir, sur le vernis d’un piano, jusqu’à la Citroën DS reprofilée, découpée dans le sens de la longueur et réassemblée en véhicule monoplace. C’est la « DS » la voiture mythique du générale de Gaule qui acquiert ici le statut de sculpture autonome la « Déesse ».gabriel-orozco_la_ds_frontal.1281297050.jpg
Pour Four Bicycles « There is Always One Direction » l’artiste s’est procuré quatre vélos hollandais dont il a assemblé les cadres.
Les traces physiques à la surface du « Yiedling Stone » proposent des accès fondamentalement différents. La boule compacte en plastiline dont le poids correspond approximativement à celui de l’artiste, a été roulée dans la rue à l’occasion d’une performance publique. Sa surface s’est ainsi chargée des impuretés, des détritus et de la poussière. Ainsi se révèle la prédilection de GO pour la révélation du potentiel d’expressivité artistique de matériaux en apparence insignifiants et dénués de valeur.
De même que son installation  « Lintels » en salle 8, où l’on retrouve les résidus organiques, des dépôt du sèche linges, suspendus sur des fils à linges, telle une gigantesque lessive de déchets, (pourquoi ai-je mis depuis des années les miens, bêtement à la poubelle, alors que moi aussi je suis frappée par l’inanité, le côté éphémère des choses et l’illusoire vanité de la possession d’œuvres d’art)

Son regard se porte sur des situations fortuites qu’il répercute dans un contexte d’interrelations plus vastes. La subtilité de la trace de sa propre respiration sur la laque noire d’un piano à queue, photographiée, ou la drôlerie des boites de pâté pour chats, trônant sur des pastèques ventrues et rebondies dans un super marché.
gabriel-orozco-composition.1281297199.jpgLa photographie de la sculpture en terre cuite  dévoile le processus de la genèse de l’objet par l’empreinte de ses mains pressées, sur la masse molle, pour lui imprimer l’aspect souhaité, qui lui donne son titre « My hand is my heart » est mon coup de coeur !

Dans la salle 3 « Elevator » une cabine d’ascenseur démontée, inerte, dont l’intérieur immaculé, réduit à taille d’homme, donne envie d’y pénétrer et de s’y isoler.
 » Dial Tone« ,  GO a détaché les pages d’un annuaire de la ville de Monterrey et en a éliminé les noms par découpage, seules demeurent ainsi les séquences de numéros. Tels les rouleaux de la Thora, ils sont collés sur un rouleau de papier Japon de 25 mètres de long et présentés sous verre, les habitants demeurant anonymes.
Comme dans Elevator et la DS, l’intervention n’occulte pas la fonction originelle de l’objet, mais elle crée de nouveaux rapports de nature artistique.

Orozco montre une prédilection pour la force d’expression de l’éphémère, il pointe son regard sur des situations et des matériaux insignifiants, dont il s’empare avec subtilité, légèreté et souplesse, en les combinant et en les manipulant pour les inscrire dans un contexte plus large. Toute sa démarche porte l’empreinte d’un nomadisme, d’une ouverture et d’une disponibilité constantes à l’instant, qui se cristallise en une image.

gabriel-orozcoworking-tables.1281297151.jpgAinsi ses «  Working Tables  » 1991–2006, de la collection du Kunstmuseum Basel, réunissent-elles une multitude d’objets trouvés et petites sculptures exécutées à Mexico-City. Entre – vue de l’atelier et image du monde, elles déclinent toute une variété de métamorphoses organiques et témoignent de l’indéfectible dynamisme de l’artiste. Cela renvoie aux Fischli et David Weiss vus au Schaulager .
Ici ce ne sont pas des pots de peintures ou des outils, mais des objets trouvés, l’intérieur d’un ballon de football, des balles en peau d’oranges, des boites de carton, les os d’une baleine, un carré de tôle rouillé sur lequel il a collé un autoportrait jeune de Rembrandt. Vision du monde et déclinaison de travaux d’atelier et de recherche. Cette salle 4 occupe le centre de l’exposition.

Les « Spumes » suspendus au plafond, tel des objets volants, témoignent des recherches incessantes de l’artiste. La mousse de polyuréthane expansée, injectée sous forme de liquide leur donne un aspect insolite d’os ou d’un objet totalement délavé par les intempéries.gabriel-orzco-lintels.1281297670.jpg

Des formes circulaires «  Samurai’s tree »  en salle 7 font penser à des tableaux de Kandinsky, par le côté géométrique, mais aussi par la couleur intense, tantôt fond vert, noir, or, avec des cercles couleurs or, jaunes rouges et bleus.

Puis l’ »Under Elephant foot », énorme sculpture intrigante.

Artiste à la création multiple, touche à tout avec bonheur.

san de catalogues et photo Iphone la dernière

Nicolas de Staël

img_0320.1281305646.jpgLa Peinture  de Nicolas de Staël vous arrive de plein fouet, même dans le « bunker » de Gianadda à Martigny. Les photos sont interdites, mais aussi la prise de notes, par contre si vous contestez, on vous suggère de prendre des photos du 1er étage et vous pouvez garder vos notes. Je ne me suis pas fait prier, « Les musiciens », un quintette, forment l’affiche de l’exposition dont Jean Louis Prat est le commissaire, celui-ci fait partie du CA de la Fondation Gianadda (il est aussi celui de la Sammlung Frieder Burda à Baden Baden) depuis qu’il a quitté la fondation Maeght, il parcourt la planète. Les toiles présentées ici, proviennent, pour les footballeurs de la Fondation Gianadda, mais pour l’ensemble des toiles de prêteurs institutionnels publics, ou encore de nombreux collectionneurs privés, grâce au carnet d’adresses du commissaire.
– Collections Wildenstein, Philipps Washington, US, Espagne, France Pompidou, Moma, Galerie Jeanne Bucher, musée d’ Antibes, Grande Brtagne, Norvège, Suisse. (Berne et Neuchatel, Zurich).
La couleur est partout jaune, rouge vert, bleu, rose, marron, noir, éclatante, couleurs du sud.
Les œuvres éclatantes de couleurs de l’abstrait au figuratif, racontent le parcours exemplaire de Nicolas de Staël pendant les 10 dernières années de sa vie.img_0306.1281305566.jpg
NdS est entouré d’une aura de légende dès 1950, passage du ½ siècle, entre peinture du sujet et celle de l’idée, figuratif ou abstrait. Entre 1945 et 1955 sa trajectoire est menée tambour battant. Sa voie picturale sans cesse renouvelée, a une progression fulgurante, il abandonne la figuration pour aller vers l’abstrait, il impose une nouvelle trajectoire à sa réflexion. Dans un travail acharné il côtoie en permanence le doute.
« Pour moi l’instinct est de perfection inconsciente et mes tableaux vivent d’imperfection consciente, j’ai confiance en moi parce que je n’ai confiance en personne d’autre et que je ne puis en tous cas pas savoir moi-même, ce qu’un tableau est ou n’est pas et fabriquer de nouvelles constantes, avant de peindre il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience » NdS                                                                                         clic
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De la danse impose une palette au registre plus restreint, mais d’une force rare. Des formes s’organisent dans un tressage dense dont l’éclatement central regroupe à la manière d’un bouquet noué et dénoué, des couleurs dont le choix des nuances est peu usité dans la peinture de cette époque. Dans cette composition, les plans avant eux arrières sombres ou lumineux alliés à des gris clairs et cendrés, entrelacés de verts et de bleus, déterminent des mouvements, sorte de danse abstraite. L’ampleur de cette peinture indique que NdS cherche une autre voie à la peinture, une autre posture, à l’art de son temps, malgré l’abstraction de l’après-guerre (André Chastel)
Il  utilise des moyens novateurs, une énergie peu courante, les élans de sa brosse et l’acuité du couteau se conjuguent afin de donner un pouvoir exaltant à la matière conquise, par des tons raffinés, complémentaires ou opposés (brise-lames) Eau de Vie, jour de fête jouent les plans rapprochés et larges d’une palette dont les couleurs enchâssées dans les forment, trament singulièrement et fortement ses compositions, le peintre traque la vérité, le style frontal est vif et ne s’accorde pas de repentir, tout est livré avec hâte mais avec précision et concision.img_0315.1281305608.jpg
Les mouvements sont somptueux et les subtiles superpositions des couleurs livrent les sous-couches, en harmonie chromatique, l’éclat des sous-couches est entièrement en éveil, les noirs profonds, montrent ses études et son amour de Franz Hals et de Rembrandt, qui l’accompagnent. Dans ses espaces inhabités,(Agrigente) troublants, ses terres immenses entre ciel et horizon, il frôle les limites indéfinissables du visible et de l’invisible.
Il s’empare de la lune comme il peint le soleil, rien n’est jamais calculé, mais rien n’est laissé au hasard, comme s’il avait une connivence insoupçonnée avec les couleurs,
que ce soit dans ses marines, la musique, le sportles natures mortes, ses nusson nu bleu couché sublime, ses paysages. img_0326.1281305500.jpg
une nouvelle sculpture sonore d’Etienne Krähenbuhl a fait son apparition dans le parc
photos de l’auteur grâce à la courtoise du gardien, pardon pour le nu bleu

Jean Michel Basquiat à la Fondation Beyeler

Ce qui frappe d’emblée dans l’exposition consacrée à Jean Michel Basquiat à la Fondation Beyeler, (jusqu’au 5 septembre 2010), ce sont tous ces visages aux yeux exorbités, sorte de memento mori, préfiguration de la mort prématurée de ce génie, qui accéda à la célébrité à l’orée de ses 20 ans.
Jean Michel Basquiat (1960-1988) a été une des personnalités les plus scintillantes de la sphère artistique. Ce qui est impressionnant ce sont la force des slogans poétiques et la somptuosité des couleurs.
JMB connaissait les musées de New York, mais on sait qu’il avait une nette prédilection pour celui qu’il appelait simplement « le Brooklyn ». A l’âge de 6 ans il était membre junior du musée, grâce à ses parents qui ont très tôt encouragé son goût pour l’art. Né et ayant grandi à Brooklyn, c’est devant la vaste collection du musée de son quartier qu’il a sans doute éprouvé ses premières émotions artistiques et qui que cela aida à sa formation. Il a fait ses débuts dans l’underground new-yorkais comme graffeur, musicien et acteur, avant de se lancer dans la peinture. Ses créations originales, expressives ont rapidement suscité l’admiration. Encouragé par Andy Warhol, il s’est hissé au rang de vedette sur la scène internationale. Il a été le plus jeune participant de Documenta et exposé à Art  Basel, à la Biennale de Venise et dans des galeries prestigieuses. Premier artiste caraïbien il a réussi à s’imposer , travaillant aux côtés de Keith Haring et bien d’autres stars, en l’espace de huit ans. Son œuvre composée de peintures  aux couleurs éclatantes et somptueuses, de dessins, s’arrêta brutalement avec sa disparition tragique à l’âge de 27 ans.
Ses toiles sortes de bandes dessinées, faites de collages, de textes poétiques, de silhouettes squelettiques, d’objets quotidiens, mêlent culture pop et histoire de l’art, mais aussi dénonciation de la société de consommation et de l’injustice sociale.
Il agissait comme un oracle, qui distillait sa perception du monde extérieur jusqu’à en tirer la quintessence avant de la projeter à nouveau par le biais de ses créations. La prise de conscience se manifesta tout d’abord dans la rue quand sous le nom de SAMO, il transformait ses propres observations en messages cryptés qu’il inscrivait sur les édifices de son environnement urbain. Un seul mot, une courte phrase ou une simple image faisaient référence à une personne, à un événement ou à une observation,  où il exprimait avec raffinement sa perception externe.
En décembre 1982, Basquiat alla passer deux mois à Los Angeles avec les graffeurs Rammellzee et Toxic. Il y réalisa notamment Hollywood Africans, un portrait de lui-même et de ses deux compagnons de lutte. Dans l’inscription « SELFPORTRAIT AS A HEEL » ajoutée à côté de son visage, il utilise le terme « heel » (littéralement, « salaud »), tout aussi insultant à première vue que « nigger ». Mais dans les paroles de hip-hop et en « Black English », « heel », au même titre que « nigger » ou « sambo » — est utilisé dans un sens positif pour désigner les Afro-Américains.
Ici, l’approche conceptuelle, thématique, de Basquiat est très éloignée de celle du néo-expressionnisme, dont elle contredit même la programmatique. La description de son ami Fab 5 Freddy, pionnier du graffiti de rue et acteur principal de la scène hip-hop new-yorkaise, est tout à fait intéressante dans ce contexte : « Quand on lit tout haut les toiles, la répétition, le rythme, on peut entendre Jean-Michel penser. » En effet, Basquiat suivait toujours le principe d’un sampling délibéré d’objets, de motifs et de mots issus de son environnement immédiat, chargeant ainsi ses tableaux, au-delà de la peinture pure, de contenus et de références précises.
Dans les toiles sur les boxeurs, il exprime son admiration pour Cassius Clay, mais aussi pour
• Cassius Clay, 1982
Untitled (Sugar Ray Robinson), 1982
Jack Johnson, 1982
Pour Cassius Clay, comme pour d’autres représentations de célèbres boxeurs afro-américains — Untitled (Sugar Ray Robinson) ou Jack Johnson par exemple —, Basquiat a fixé la toile sur une palette industrielle. Après avoir commencé par peindre la toile, il l’a tendue sur la face supérieure de la palette, en la laissant très largement déborder de façon à ce qu’elle retombe sur les côtés de la structure en bois et la recouvre en formant des plis irréguliers. Par analogie symbolique avec les célèbres boxeurs, la toile semblait littéralement indomptée et laissait partiellement apparaître la palette faite de lattes de bois mal dégrossi, qui avait servi à l’origine à empiler des marchandises ou des paquets à des fins de stockage ou de transport.
Basquiat transformait ainsi ses toiles en objets tridimensionnels par l’utilisation d’une palette industrielle, Basquiat ne s’élevait pas seulement contre le principe de présentation statique cher aux musées, mais aussi contre la fonctionnalité initialement industrielle du support de l’image, transformant une unité de charge aux normes en un objet mural artistique.
Les « Grillo »
Grillo occupe une position clé dans la création de Basquiat.
Cette oeuvre se caractérise par le contraste et la superposition de signes et pictogrammes issus de la tradition africaine, entièrement conçus dans le sens d’une continuité culturelle de
l’Afrique en Amérique et donc d’une identité afro-américaine propre, avec ceux de la civilisation occidentale, que Basquiat cite en se référant notamment au livre de Henry Dreyfuss, Symbol Sourcebook
Riding with Death, 1988
Bien qu’il ne s’agisse pas de sa dernière oeuvre, la toile Riding with Death ne pouvait que devenir emblématique de la mort de Basquiat et nourrir son mythe. Le fond doré renvoie à
l’utilisation des couleurs or, argent et cuivre que Basquiat employait depuis Cadillac Moon (1981). Ayant, pour ainsi dire, sa mort prochaine sous les yeux, il a emprunté son motif à un
ouvrage de reproductions de Leonard de Vinci, et l’a remanié pour donner naissance à cette représentation qui a pris valeur d’icône.
Portrait of the Artist as a Young Derelict, 1982
C’est dans l’assemblage intitulé Portrait of the Artist as a Young Derelict que Basquiat se réfère le plus clairement à l’oeuvre de Robert Rauschenberg, et plus particulièrement à
ses Combines d’aspect sculptural et aux Combine-Paintings, en même temps qu’à son intérêt pour les surfaces tactiles et sensorielles. Dans ses conglomérats, Rauschenberg s’était
consacré aux objets usuels et aux déchets à travers la présence d’objets quotidiens. Basquiat, quant à lui, assemblait des portes et des planches, articulées à l’aide de charnières.
En laissant en place les restes de cadenas et de targettes, il conservait une trace de la fonction initiale des objets. Il ne touchait pas non plus aux graffitis de toilettes présents
avant son intervention, témoins de l’utilisation quotidienne des objets. Comme chez Rauschenberg, ces derniers ne sont plus transférés dans un champ pictural bidimensionnel qui les soumettrait à un ordre différent ; ils sont directement repris dans l’image et conservent ainsi leur forme, leur identité et leur nature tridimensionnelle.
photos internet et scan

Sommaire de juillet 2010

04 juillet 2010 : Matthew Barney
11 juillet 2010 : Jeux et concours suite
14 juillet 2010 : 14 juillet2010
15 juillet 2010 : Romances sans paroles
21 juillet 2010 : Mon tour de France à moi
23 juillet 2010 : Le jardin des délices
27 juillet 2010 : Richard Deacon -The Missing Part
29 juillet 2010 : Mon ange gardien

Mon ange gardien Tom (Tom)

 Les anges n’ont pas de sexe ? En tous les cas le mien a une voix de femme, il a même un prénom, il s’appelle Juliette. D’emblée pour sympathiser avec lui, je l’ai anobli.
Je l’ai surnommé Juliette von GPS. Je ne m’étendrai pas sur ses origines issues des dernières technologies.
Ma vie avec elle est toute une aventure. Grâce à elle je connais les noms des rues, des lieux familiers que l’on traverse par habitude sans y prêter attention.
Elle me ressemble un peu, tantôt directive, hésitante, capricieuse. Figurez-vous qu’elle veut absolument me faire « traverser » les ronds points, elle n’a pas idée de ce que cela peut représenter, soit je reste coincée dans les plantations et fleurs qui abondent  dans la France entière, soit je casse carrément ma voiture ou au minimum je raye le bas de caisse ou je crève un pneu. Mais non chère Juliette un rond point cela se contourne. C’est le moment qu’elle choisit pour être facétieuse, elle dit tantôt, 1e sortie, 2e sortie, là ne vous fiez pas à elle, elle est brouillée avec le calcul mental élémentaire, assurez-vous plutôt de la direction que vous souhaitez prendre. Elle est farceuse, parfois alors que je suis arrêtée dans un parking, elle dit de façon tout à fait péremptoire « vitesse excessive »
Une autre fois, elle m’a fait tourner avec insistance dans un parking qui ressemblait à une entrée de bretelle de contournement. Comme j’étais engagée je ne pouvais plus reculer et je me retrouve dans un parking de Bâle, où pour ressortir il me faut de la monnaie suisse, un dimanche, alors que je n’ai que des billets. Aussi je suis obligée de sortir et d’aller faire de la monnaie dans un café, pour pouvoir continuer ma route.
Juliette a ses humeurs, une vraie femme, lorsque je la laisse trop longtemps dans la boîte à gants, elle boude et refuse de se remettre en route, ou encore, juste pour blaguer, elle perd le réseau lorsque j’aborde une ville inconnue et que je comptais sur elle pour me piloter. La semaine dernière à Fribourg, en Allemagne, elle m’a carrément abandonnée, puis tout d’un coup par un excès de zèle ou de remords, elle s’est mise en alarme constante, à croire que cette charmante ville est infestée de radars fixes. Aussi j’ai du me passer d’elle.
J’aime bien la contrarier, car moi aussi je suis blagueuse, et prendre un itinéraire différent de celui qu’elle m’impose, aussi elle rouspète « faites demi-tour », moi je me dis « cause toujours » et là elle insiste, puis je la sens perplexe, je crois qu’elle tourne les pages de son Atlas, car pendant un moment elle reste silencieuse, jusqu’à ce qu’elle ait compris le sens de ma manœuvre et tente de m’amener au lieu que j’avais défini. Car malgré tous ses caprices, elle a la bonté de me conduire toujours à bon port.
Lorsque je lui fait un bain de jouvence, qui consiste à la brancher sur mon ordinateur, pour effectuer les diverses mises à jour recommandées et payantes, rien n’est trop beau pour Madame  von GPS, elle sème des données précieuses dans les limbes, soit je ne retrouve plus mes favoris, soit elle a égaré mon répertoire téléphonique, car c’est son côté pratique, je peux téléphoner et recevoir des appels par l’intermédiaire de Juliette, sans quitter des mains mon volant.  Lorsque je passe les frontières avec elle je lui fais réciter un laïus qui fait rire mes passagers comme des bossus. Elle a un avantage non négligeable, elle fait taire tous les conseilleurs et navigateurs bénévoles. Vous pouvez converser avec elle, elle est de bonne compagnie, lorsqu’elle est en Alsace elle pousse l’amabilité jusqu’à prendre l’accent du coin, en Suisse elle s’adapte, en Allemagne de même. Elle surveille mes dépassements de vitesse, m’avertit lorsqu’il y a des radars, des problèmes de trafic. C’est quand je suis en mode piéton, qu’elle lambine et tarde à me piloter et me fait tourner en bourrique. Elle est presque devenue une amie en tous les cas une familière.

Richard Deacon – the Missing Part


La rétrospective de l’artiste britannique, Richard Deacon, né en 1949, au Pays de Galles,  au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg – le MAMCS– jusqu’au 19 septembre 2010, montre quelques 120 œuvres en 2 dimensions. Issu de 3 écoles d’art prestigieuses, le  Royal College of Art, Summerset College  of Art et Saint Martin Scool, qui dispensent un enseignement non traditionnel, mais très conceptuel, qui permet d’aller dans de nombreuses directions, aussi RD montre aussi bien des dessins, des photos, des collages, des sculptures provenant de ses années d’étudiant ainsi que des œuvres plus récentes . Il a exposé en  1992 à Villeneuve d’Asq c’est là-bas que c’est fait la rencontre avec la directrice actuelle du MAMCS, qui officiait dans cette ville et qui lui a donné l’idée de la rétrospective presque 20 ans après.
Il ne désire pas faire une exposition épitaphe, même s’il a déjà (à peine) 61 ans, mais une mise en regard de ses œuvres. C’est ainsi qu’il a demandé que soit ouverte la grande salle d’exposition de 800 m2, qui en général est découpée en espaces d’exposition, nous apprend la conférencière, ce qui me semble logique, car je verrais mal ces œuvres assez gigantesques écrasées dans des pièces exiguës.cimg0069.1280178559.JPG
Il a travaillé pendant 3 ans à l’élaboration de cette exposition et  imaginé le parcours. Il est venu plusieurs fois, pour en assurer la bonne installation, avec son fidèle assistant. Ses sculptures, sont arrivées en pièces détachées, et montées selon une scénographie très précise.
« Je ne sculpte pas, je ne modèle pas, je fabrique » est une  des citation de cet artiste qui se considère comme étant dans l’action, dans le « faire » dans le rapport à la matière, à l’objet, qui accepte le néologisme  de  « fabricateur », il se veut dans le plaisir pour trouver la bonne forme pour la matière.cimg0075.1280178358.JPG
Au musée on est accueilli par 2 oeuvres de RD, à l’entrée il y a une grande bâche qui est une œuvre qui s’appelle – is is not a story- ce n’est pas une histoire, et pourtant c’est tout de même une sorte d’histoire qu’il propose sous la forme d’un voyage à travers ses œuvres. La 2e œuvre s’appelle « Quick », que la ville de Strasbourg a acquise. Une sculpture monumentale spécialement créée pour la grande nef du Musée d’Art moderne et contemporain.  C’est un titre qu’il a donné parce que pour lui son oeuvre implique une idée de  vitesse,  de dynamique, de mouvement, quand on la regarde, nos yeux ont vite envie de course, par ces lignes, en fait il s’agit d’une  seule ligne, dédoublée, quadruplée, cette dynamique est structurée par des raccords qui vont rythmer l’ensemble.
Techniquement il s’agit de chêne étuvé, un bois complètement saturé d’eau par la vapeur, sorti de l’étuve, tordu,  fixé dans sa torsion, maintenu dans sa torsion pendant le séchage, qui épouse ses formes torsadées, ses courbes, ses contre-courbes, ses entrelacs. Les marques qui sont sur le bois sont les traces de tanin, de sève qui sortent pendant l’étuvage.
Ses formes qui sont utilisées pour différents matériaux relèvent souvent du vocabulaire biomorfique, cimg0064.1280178271.JPG« Kiss and tell »,  en 2 parties, une bouche – une oreille, une partie ouverte, une partie fermée, l’une en bois, l’autre en contreplaqué. Ce qui caractérise le travail de Deacon c’est le plaisir de découvrir des matériaux différents, pour créer des formes, une nouvelle énigme à résoudre.
« Le sens de l’objet que je construis est de laisser de l’espace vide » RD
Il aime ces jeux signifiants, les lignes fluides, les formes luxuriantes, efflorescentes, tout en laissant apparaître les opérations techniques, dont elles sont le résultat.
Il fait aussi des oeuvres que l’on pourrait qualifier de bas relief, mais il joue aussi du trompe l’œil, il crée des céramiques, de la terre cuite, ses sculptures gardent la couleur des matériaux.
Elles sont de dimensions moindre que les sculptures. L’idée du dessin dans l’espace, ce dessin va s’échapper de la feuille de papier vers l’espace. Les titres il les trouve parfois avant, de créer l’œuvre, ils naissent de la lecture d’un poème.
La figure de Lacoon, dans le cheval de Troyes ; l’image du vide et du plein.
Il donne à voir la matière aussi bien que l’absence de matière.
The Missing Part, c’est aussi l’absence d’une pièce, une allusion à ce qu’on peut découvrir, aux interprétations possibles, et par ricochet ce qui n’y est pas, parce qu’il est ailleurs en gestation. Le sens de l’objet construit est de laisser l’espace vide porter l’ensemble, comme les trous portent  le gruyère. …(RD)
photos de l’auteur