Dvorak ou l’apogée du concerto pour violoncelle

Dans la saison proposée par l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, nous avons pu entendre ces dernières années de brillants interprètes du violoncelle tels qu’Anne Gastinel, Jean-Guihen Queyras, Sonia Wieder-Atherton, Henri Demarquette, Wenn Sinn Yang ou Wolgang Emmanuel Schmitt.
xavier-phlilips.1239930500.jpgFormé par Maurice Gendron et Philippe Muller, Xavier Philips participa au concours Rostropovitch et tissa des liens avec ce grand maître avec qui il travailla de nombreuses années. Ce week-end, il interprétait magnifiquement ce concerto avec l’Orchestre Symphonique de Mulhouse qui était dirigé pour l’occasion par Stefan Blunier.
Parmi les différents concertos pour violoncelle, le concerto de Dvorak est sans aucun doute le plus populaire pour le public. La période romantique —le XIXe siècle— va être particulièrement profitable au violoncelle avec des œuvres écrites par Johannes Brahms, Robert Schumann, Édouard Lalo, Camille Saint-Saëns, Antonín Dvořák, Jacques Offenbach (1819-1880) (qui jouait magnifiquement bien du violoncelle quand il ne composait pas d’opérettes).
Dans ce contexte, Dvorak (1841-1904) apparaît comme un compositeur romantique par excellence. Ses origines font de lui le successeur d’un autre compositeur tchèque, Smetana et ses influences musicales ont été déterminées par des rencontres avec Brahms et  Liszt. 
Fils d’aubergiste, il se prend de passion pour la musique dès son plus jeune âge en jouant du violon avec son instituteur du village; en 1857, l’un de ses oncles l’inscrit dans la classe d’orgue du conservatoire de Prague.
Tour à tour altiste à l’opéra de Prague puis organiste, il progresse dans son apprentissage de la composition et se fait connaître du public praguois en produisant sa cantate patriotique : Hymnus. Cette oeuvre tente d’animer un mouvement de renaissance nationale où la musique concourt au redressement patriotique.
D’abord professeur de composition au conservatoire de Prague, Dvorak connaît une renommée croissante et internationale, particulièrement en Angleterre où il effectue une dizaine de voyages entre 1884 et 1896 et aux Etat-Unis où on le nomme directeur du conservatoire de New York entre 1892 et 1895.
Son expérience de musicien d’orchestre lui permet de découvrir un vaste répertoire classique et contemporain. Il joue sous la baguette de Bedrich Smetana, Richard Wagner, Mily Balakirev.
Célèbre dans tout le monde musical, il est nommé de 1892 à 1895 directeur du Conservatoire national de New York. Il y tient une classe de composition. Sa première œuvre composée aux États-Unis, est la 9e symphonie dite « Du nouveau Monde ». Son succès est foudroyant et ne s’est jamais démenti depuis sa première audition.
Son séjour en Amérique du Nord voit naître d’autres compositions très populaires comme le 12e Quatuor et le merveilleux Concerto pour violoncelle, qui sera terminé en sol européen.
La fin de sa vie est surtout consacrée à la composition d’opéras dont le plus célèbre reste Rusalka, créé en 1901. Pendant cette période, il dirige également le Conservatoire de Prague.
Sa musique est colorée et rythmée, inspirée à la fois par l’héritage savant européen et par l’influence du folklore national tchèque mais aussi américain (negro spirituals ou chansons populaires). Dvořák est l’un des rares exemples de compositeur romantique ayant abordé avec succès tous les genres, à la seule exception du ballet. Bien que sa musique ait eu du mal à s’imposer en France, Dvořák était considéré de son vivant comme un personnage de stature internationale.
Le Concerto pour violoncelle n° 2 en si mineur est une oeuvre toute imprégnée de la nostalgie de l’exil puisqu’il à été composé par Dvorak dans sa période américaine et profondément inscrit dans ses racines nationales. Très intériorisé, lyrique, le phrasé du violoncelle atteint son point culminant dans l’adagio. Richesse mélodique, beauté de la matière sonore, engagement spirituel de l’interprète, cette oeuvre représente en elle-même la quintessence du romantisme.
L’œuvre se situe chronologiquement entre la neuvième et dernière symphonie et ses Poèmes symphoniques. Il eut l’idée de la partition après avoir écouté le concerto pour violoncelle n° 2 de Victor Herbert, compositeur américain d’origine irlandaise, chef d’orchestre, violoncelliste et qui est connu essentiellement pour ses opérettes.
La création eut lieu le 19 mars 1896 à Londres accompagné par l’orchestre de la société philharmonique sous la direction du compositeur.
L’impérieuse entrée du violoncelle en mode majeur dans le premier mouvement ouvre de nouveaux horizons. Le développement nous invite à un étonnant voyage intérieur : le violoncelle se fait tour à tour fougueux, passionné, révolté. L’orchestre devient féerie quand le soliste entonne son second thème, un chant d’amour d’un lyrisme exacerbé.
Le second mouvement est introduit par le choral des bois. Lorsque le violoncelle apparaît, c’est pour nous chanter une mélodie aussi émouvante que celle du largo du Nouveau Monde.
Le troisième mouvement  présente un finale très rythmé dans l’esprit des danses slaves. Une marche énergique, inquiétante, inéluctable, monte crescendo et s’empare de tout l’orchestre.
Le violoncelle apparaît au sommet et reprend ce thème étourdissant. Le dernier passage méditatif, avant la furia conclusive, a été ajouté quand Dvořák a appris la mort de sa belle-sœur et amour de jeunesse.
On y vit aussi un ultime hommage à son ami Tchaïkovski récemment disparu. Il ne faut cependant pas oublier que ce procédé d’introduire une méditation dans la coda est très prisé de Dvořák.
La perfection de l’œuvre n’a pas manqué de surprendre Johannes Brahms : « Pourquoi diable ne m’a-t-on pas dit que l’on pouvait écrire un concerto pour violoncelle comme celui-ci ? Si seulement je m’en étais douté, j’en aurais écrit un depuis longtemps. »
La musique de sa Bohême natale fait partie intégrante de son âme et de son génie. S’il a été sensible aux influences venues de l’ouest, voire du Nouveau monde lors de son long séjour à New York, son inspiration est toujours restée profondément ancrée dans les rythmes, les harmonies, les coloris parmi lesquels il s’est formé au milieu du 19è siècle et qui donnent à toute sa musique son poids de nostalgie et son irrésistible enthousiasme. 
Belle traversée musicale que ce voyage dans le nouveau monde et aux confins de l’Europe centrale…
Hélène Mouty

Tristan et Isolde précédé de "Magicologie"

 filtre-wagner.1233507572.jpg Soirée de grâce aux Dominicains de Haute Alsace ce samedi. À la manière d’une mise en voix pour un chanteur, d’une mise en doigts pour un instrumentiste ou encore d’une mise en bouche pour un fin gourmet, en tendant l’oreille aux confidences musicales d’un «magicologue» avertis, nos  sens ont été  aiguisés pour nous ouvrir au concert et accéder à ses vertus les plus mystérieuses grâce aux clés reçues. Une transition entre notre quotidien et notre imaginaire, juste avant le concert. Inlassable Wanderer des deux rives du Rhin, musicologue, pédagogue et historien de l’art, Mathias Schillmöller a été formé à Freiburg et à Paris.
 Magicologue de naissance, il a exploré et pénétré pendant plusieurs années le monde des sortilèges musicaux de Maurice Ravel, thème principal de sa thèse de doctorat.  Avide de correspondances entre les arts et les cultures et hanté par le désir de transmettre les magies de la musique, il enseigne au Lycée Franco-Allemand et à la Hochschule für Musik de Freiburg. Avec un léger accent allemand, ce qui rajoutait au charme de son propos, vêtu avec élégance, il était plein de verve, ironique, ayant vécu assez longtemps en France, il nous révéla qu’il n’aimait pas du tout Wagner, il insistait sur sa lourdeur, détaillait les passages du livret en jouant lui-même au piano, puis les interprétant en version jazz et mimant les dialogues Tristan et Isolde, version Rap.
 Il a poursuivi sa conférence comme récitant pendant la représentation, en citant Cocteau, Baudelaire, avec une érudition et une diction formidables. Cela était un peu surréaliste et me ramenait dans un film  de Claude Chabrol, les Cousins,  où Jean Claude Brialy, déclamait du Heinrich Heine au son de la musique de Wagner et à la lueur d’un flambeau (de mémoire). 
Mathias Schillmöller  a fini pas succomber à Wagner en écoutant et en étudiant Tristan et Isolde, il a insisté sur le filtre d’amour, pour nous le faire presque goûter, afin de parvenir à l’extase, c’était jovial, mais aussi très prenant avec la musique, j’ai versé une petite larme à la mort d’Isolde.
Au buffet étaient vendu des cocktails animés par du gaz carbonique ? couleur du filtre d’amour de l’affiche
duo.1233507760.jpg.Les Airs d’Isolde étaient interprétés par Marion Amman, Isolde gracile soprano à la voix wagnérienne surprenante, accompagnée par Richard Decker, Tristan, magnifique ténor, tous les 2 interprètes magnifiques et comédiens. C’était une version expurgée de l’opéra de Wagner, ne comportant que les Airs d’Isolde, de l’acte 1 ou des duos, le prélude de l’acte 1, et le duo de la scène 5 de l’acte 1.
Une vidéo de Marc Finiels accompagnant la représentation, à l’image de ce que j’avais vu à Bastille, avec la vidéo de Bill Viola. nef-des-dominicains-de-haute-alsace.1233507678.jpg
Lorsque l’on pénétrait dans le cloître le bruit des vagues vous accompagnait jusqu’à la salle de spectacle, qui est la nef de l’église.
L’orchestre symphonique de Mulhouse – OSM – dirigé par Daniel Klajner a été chaleureusement applaudi, tout comme les solistes.  

Rencontre avec François-Bernard Mâche


Hélène Mouty a rencontré le compositeur François-Bernard Mâche
Rencontre avec François-Bernard Mâche samedi 10 janvier 2009 à la médiathèque de Sélestat (67) à propos de sa dernière création qui s’appelle Perseus et qui à été interprétée dimanche 11 janvier par l’ensemble de musique de chambre La Follia et l’ensemble Accroche Note.   Tout au long de cette rencontre, nous avons eu le privilège de faire sa connaissance à travers son parcours de compositeur et par le biais de ses œuvres. Il y a beaucoup à dire sur ce compositeur, son parcours et ses œuvres.   Voici un résumé de cette rencontre et quelques éléments nous permettant de découvrir et de comprendre sa musique.   Issu d’une famille de musiciens depuis trois générations où l’on jouait du violon, il a mené parallèlement deux carrières: universitaire et musicale. En tant que musicien, il a été pianiste et en tant qu’universitaire, il est diplômé (en autre) d’archéologie grecque et d’agrégation en lettres classiques. Il a même obtenu un prix de philosophie de la musique. Suite à l’obtention de son doctorat d’état de musicologie, il a dirigé pendant une dizaine d’années le département musique à l’université de Strasbourg où il à créé le centre Primus en 1985 qui à été la première formation en France de recherche en informatique musicale.Tonmeister.   Dates importantes  

   
1985 Création du centre PRIMUS (Polyèdre de recherche en informatique musicale) par F.-B. Mâche et Othon Schneider
   
1988 Ouverture de la première formation française d’ingénieur du son à capacité musicale (Tonmeister) soutenue par des partenaires locaux, puis par l’association PRIMUS créée à cette fin.  En 1994, il à été recruté comme directeur de recherches à l’École pratique des Hautes Etudes en Sciences sociales.

    Considéré comme l’un des rares représentants du courant dit naturaliste, il sait  mettre en lumière les rapports de structure entre les lois de l’univers et les formes sonores, des plus élémentaires aux plus complexes. Tout ce qui existe dans l’univers et ce qui se présente à nous sous une forme sonore recèle un certain  nombre d’archétypes fondamentaux que l’on peut retrouver dans toutes les compositions musicales. Comme d’autres compositeurs tels que Debussy (qui l’influencera très fortement tout comme Varèse), Messiaen, dont il à été l’élève, ou Xenakis, dont il à été très proche, il étudie les chants d’oiseaux , s’intéresse aux langues anciennes, décode les cris d’animaux et les bruits du monde environnant et, au-delà des sons il à utilisé la nature et l’a transformé à sa manière pour la révéler comme étant musicale.
Ainsi, Les bruits, les sonorités du monde végétal ou animal se retrouvent dans Rituel d’oubli (1969) pour instruments et bande magnétique.    
 A la question de savoir quelle est l’essence même de la musique, F.B. Mâche termine sa réponse par une évidence qui à la fois déconcerte; la musique reste un mystère pour le cerveau. Cette part de mystère et le sens du sacré est omniprésent dans ces œuvres car bien souvent, le titre comporte une signification qu’il s’agit de décrypter.  
 Ainsi, Korwar qui à été écrit en 1972 est un mot qui s’apparente aux peuples de la Nouvelle-Guinée pour qui le crâne, réservoir de force spirituelle fait l’objet d’une conservation attentive dans une sorte de meuble de bois. C’est donc à la fois une sculpture mais c’est aussi un objet éminemment naturel et brut. Peut-être faut-il y voir un lien avec son passé d’archéologue et cet intérêt pour les cultures extraeuropéennes, africaines et asiatiques. La composition sur bande magnétique est entièrement faite de sons naturels, y compris des sons parlés en langue d’Afrique du sud, ayant emprunté au Hottentot une série de phonèmes claquants produisant une riche percussion vocale.  
Ses oeuvres se rapprochent également de ce que l’on appelle l’esthétique de l’hybride où sont utilisées des moyens informatiques, mélangeant des sons de synthèse et des instrument traditionnels, créant des illusions auditives et des anamorphoses de timbres. D’autres sons incluent des cris d’animaux comme les  baleines, porcs, crevettes, ainsi que les bruits de la mer, du vent et de la pluie.   Ce genre d’œuvres constitue un tiers de son catalogue.
Ainsi, nous pouvons apprécier la diversité des timbres, dans Kassandra en 1977 pour 14 instruments à vent, deux pianos et, percussion et bande magnétique. Quand on appréhende ses œuvres, on utilise à juste titre l’appellation de zoomusicologue. 
   Son imaginaire fait également de F.B.Mâche un compositeur qui sait insuffler et dévoiler le sens du sacré et du rite à travers la mythologie grecque, les références à des terres lointaines, l’utilisation de langues très anciennes connues seulement par les archéologues.
Plus qu’un compositeur, il fait l’éloge de l’antique à travers les civilisations, en rassemblant ses connaissances littéraires, archéologiques et musicales et en créant ainsi un parcours de compositeur atypique.   Ainsi, les trois chants sacrés; Muwatalli, Rasna et Maponos, sont écrits pour voix de femme solo avec un léger accompagnement d’un petit instrument à percussion.  Ce dispositif ainsi que le style vocal adopté dans ces pièces fait nettement référence à quelque rituel immémorial et place ainsi cette composition dans la sphère de la musique ethnique ou traditionnelle.
 Par exemple, dans Muwatalli (qui fut l’adversaire du Pharaon Ramsès II), il s’agit d’un texte en hittite, la plus ancienne langue d’origine indo-européenne.  
Dans Rasna, c’est la langue étrusque qui est utilisée et Rasna est le nom par lequel les étrusques se nommaient eux-mêmes. Le texte était conservé sur les bandelettes d’une momie. On suppose qu’il s’agit de textes religieux.  

Pionnier dans l’art de mettre en musique une langue ou des paroles, il écrit dès 1964 une oeuvre à partir d’une analyse de sonogrammes. Cette oeuvre s’appelle Le son d’une voix. C’est aussi une approche de la musique spectrale.

Pour information, un sonogramme est une représentation d’un signal sonore, calculée en général avec le temps en abscisse et la fréquence en ordonnée.   De par  son intérêt pour l’esthétique classique, il a consacré des figures de la mythologie. Par exemple, Danaé, Andromède, Cassandre, Styx, Phenix, autant de personnages que l’on retrouve d’abord dans les titres de ses œuvres. Il à publié à cet égard un livre qui s’intitule Musique, mythe, nature.  

Son univers musical est un véritable laboratoire d’expériences musicales, informatiques,

L'opéra au cinéma

 

Une nouveauté, nous est offerte depuis quelques mois par le groupe Kinépolis, la retransmission depuis le Metropolitain Opera de New York , par satellite et en direct, d’un opéra donné en matinée, qui avec le décalage horaire correspond pour nous avec bonheur, à la soirée du samedi.

 Le dernier opéra « Thaïs » de Jules Massenet nous était présentée, par Placido Domingo, grâce à cet ingénieux système, depuis le confortable fauteuil du Kinépolis, nous avons accès aux coulisses du Met, aux interviews des artistes, comme si nous étions des VIP, tout ceci, en mangeant selon les goûts : des bonbons, des chocolats glacés, du pop corn (beurk pour le bruit)

L’année dernière, c’est une opérette

« La fille du régiment » de Gaetano Donizetti, avec la pétillante et délicieuse Natalie Dessay qui a clôturé la saison.

Le premier opéra de cette saison, que j’ai vu, Salomé de Richard Strauss, avec Karita Mattila a fait  hurler les « mâles »

En effet le grand écran ne nous a rien épargné du jeu de la soprano. Du rôle de Salomé, elle a la voix merveilleuse, la souplesse, mais n’en a plus l’âge. Au lieu de la pucelle de 20 ans, on voit une dame mure, avec tous les ravages de la ménopause, traits relâchés, au visage terrible en gros plan, faisant un streep tease de cabaret, en guise de danse des sept voiles, Alors qu’en 2003 à Bastille, elle était merveilleuse dans ce rôle.

J’avoue que, pour le Docteur Atomic, j’ai fait l’impasse à cause de la longueur du spectacle.

La Damnation de Faust nous a révélé un Méphistophélès  fascinant en la basse John Relyea.

Que dire de Thaïs avec la resplendissante et splendide Renée Fleming ? Elle est parfaite, l’histoire connue et convenue, la méditation interprétée de main de maître par un violoniste dont j’ai oublié le nom. Le finale, la mort de Thaïs en extase, rappelle la scène dans la chapelleCornaro, à Santa Maria de la Vittoria à Rome, l’extase de Ste Thérèse, chef d’œuvre du Bernin.

Ce samedi, nou verrons le couple déjà mythique Angela Georghiu et Roberto Alagna, dans « La Rondine » de Giacomo Pucini. Une histoire d’amour sur fond d’empire, une courtisane et la suite incontournable, rappelant la Traviatta.la-rondine.1231342151.jpg

Un bonheur ne venant jamais seul, cet opéra sera également retransmis sur Arte à la même heure c’est à dire 19 h.

C’est une formule qui plait au grand public, les salles refusent du monde. Cela permet aussi d’attirer un nouveau public qui ne connait pas l’opéra, de s’en approcher et de s’y intéresser. Sa composition est d’âge assez élevé malgré tout, c’est fort dommage, car les images sont splendides, le son impécable. Il suffit juste d’éviter les pages publicitaires qui précèdent la projection, où le son est dévastateur, ou encore d’utiliser la méthode des bouchons d’oreilles qui a fait ses preuves.

La Harpe romantique

Par Hélène musicologue
 La harpe romantique
marielle-nodrmann.1227463008.jpgLe concert de ce week-end à la Filature de Mulhouse a permis d’entendre un concerto pour harpe, instrument qui a joué un rôle essentiel dans l’univers musical, mais aussi littéraire, mythologique et poétique et ce, depuis fort longtemps et dans les civilisations diverses (l’Egypte, Les pays bouddhistes et l’Europe).C’est vers 1800 que le célèbre facteur de pianos, Sébastien Érard, originaire de Strasbourg invente la harpe à pédales doubles et le fameux mouvement à fourchettes qui va permettre à la harpe diatonique, appelée aussi harpe de concert ou harpe d’orchestre, de rivaliser à nouveau avec les autres instruments chromatiques. Mais au 19è siècle, le style romantique requérant plus de ressources mélodiques et harmoniques le compositeur et facteur d’instruments Ignace Pleyel fonde en 1807 une entreprise de facture et son gendre Gustave Lyon en 1894 fit breveter une harpe chromatique sans pédales. Deux rangées de cordes correspondent aux touches blanches et noires du piano et se croisent au milieu. Cette harpe eut un certain succès en France et en Suisse et faillit supplanter la harpe à pédales. Des compositeurs comme Debussy commencèrent à écrire pour la harpe chromatique mais ce type de harpe ne se répandit pas. Elle disparut vers les années 30.
La harpe chromatique
Inventée en 1894 par Gustave Lyon, directeur de la firme Pleyel, pour concurrencer la harpe diatonique à pédales, elle permet l’exécution de tous les traits chromatiques avec une grande vitesse, mais contrairement à la harpe diatonique, elle ne permet pas les glissandi dans tous les modes et tonalités.Pour montrer les possibilités de l’instrument, la firme Pleyel commanda en 1904 une œuvre à Claude Debussy qui composa les Danses sacrée et profane pour harpe chromatique et orchestre à cordes. En riposte et afin de promouvoir les possibilités de la harpe diatonique, la firme Érard passa commande en 1905 d’une œuvre à Maurice Ravel qui composa l’Introduction et Allegro pour harpe avec accompagnement d’un quatuor à cordes, d’une flûte et d’une clarinette. Le compositeur Elias Parish-Alvars (1803-1848) est un célèbre harpiste et compositeur anglais. Son père, organiste lui apprit la musique puis, il apprit la harpe d’abord à Londres avec François Dizi et ensuite avec Nicholas Bochsa à Paris où une classe de harpe avait été crée au conservatoire en 1825. Il fut sans doute le plus grand virtuose de son temps et on le compara souvent à Paganini ou à Franz Liszt, à qui l’avait d’ailleurs comparé Hector Berlioz qui avait eu l’occasion de l’entendre à Vienne. Figure essentielle de l’histoire de la harpe, ses compositions sont ignorées aujourd’hui vraisemblablement en raison de leurs extrêmes difficultés techniques. En 1847, Parish Alvars est nommé Virtuose de la Chambre Impériale à Vienne, mais atteint de tuberculose, il devait y mourir deux ans plus tard. Son œuvre compte une centaine d’opus, dont: -quatre concertos pour harpe et orchestre, -un concerto pour deux harpes et orchestre -un recueil de pièces pour harpe seule intitulé « Voyage d’un artiste en Orient ». Ce recueil est basé à partir d’oeuvres populaires. Contemporain de l’essor de la harpe à double mouvement, il en révolutionna la technique en favorisant dans son jeu les sons étouffés, les gammes en tierce ou en sixte glissées, et les sons harmoniques. De ce fait, les parties solistes de ses œuvres produisent un effet extraordinaire sur le public, mais exigent d’être servies par un interprète de grande rigueur technique. D’autres compositeurs ont contribué à développer le répertoire pour harpe. Parmi eux, il y a Nicolas Bochsa né en France en 1789 et mort en Australie en 1856. Il a été un génie musical précoce devenu harpiste de premier plan, compositeur prolifique (pour la harpe, mais également de sept opéras-comiques). Réputé pour sa spécialité de la contrefaçon dans l’art, il exerçait aussi en tant que professeur, chef d’orchestre, éditeur, directeur de théâtre, imprésario, commercial, grand voyageur. Il passa presque toute sa vie hors de France, tant en Europe qu’en Amérique. Il fut très célèbre au XIXe siècle, à la fois parce que compositeur prolifique et harpiste de tout premier plan – il fut harpiste de Napoléon et de Louis XVIII –, mais aussi à cause de ses extravagances et de ses graves démêlés avec les justices française et anglaise, qui défrayèrent la chronique. Oublié injustement de l’Histoire – les dictionnaires musicaux l’omettent ou ne lui consacrent que quelques lignes — les harpistes le connaissent tous, au moins de nom, puisque ses œuvres sont encore jouées lors de concours de harpe et ses études pour harpe toujours interprétées. D’autres compositeurs à l’époque romantique contribuèrent au développement du répertoire pour harpe. Il y a le compositeur allemand Carl Reinecke, le violoniste, chef d’orchestre et compositeur Louis Spohr entre autres. La harpe connut ses lettres de noblesse avec le facteur Erard et elle devint l’instrument des amateurs dans les salons à Paris au 18 è siècle. La période romantique consacra l’instrument grâce à Parish-Alvars qui n’est pas beaucoup joué aujourd’hui en raison de la difficulté de ces oeuvres.
 C’est Marielle Nordmann, harpiste talentueuse la plus connue au monde, qui a interprété ce concerto en do mineur écrit en 1847. Cette œuvre remise à jour depuis peu est considérée comme une création européenne. Marielle Nordmann est originaire de Montpellier et a grandi dans une famille de musiciens puisqu’elle apprend la harpe avec sa grand-mère à l’âge de 6ans. Son parcours est jalonné de récompenses où après le conservatoire supérieur de Paris, elle devient l’élève d’une autre grande harpiste française d’origine russe : Lily Laskine (1893-1988).Lily Laskine entre à 16 ans à l’Opéra en tant qu’harpiste ; elle est alors la première femme admise dans l’orchestre. En 1934, elle devient harpiste soliste de l’Orchestre national de France à sa création. Sa carrière connaîtra un nouvel élan dans les années 1950. Ses disques feront le tour du monde et c’est en compagnie de son ami Jean-Pierre Rampal qu’elle enregistrera le fameux Concerto pour flûte et harpe de Mozart avec l’orchestre de Jean-François Paillard. Elle enregistre des musiques de films et des disques avec des chanteurs de variété comme Charles Aznavour et elle joue aussi pour la Comédie-Française pendant plus de 30 ans.Soliste, internationalement admirée, elle a joué avec les plus grands musiciens dans le répertoire de musique de chambre et les orchestres du monde entier sous la baguette de très grands chefs.Parallèlement à cette brillante carrière de soliste internationale, Marielle Nordmann crée depuis plusieurs années des spectacles musicaux où elle aime croiser les arts tels que le mime, la danse et la comédie. Elle y joue également le rôle de récitante : “La Musique et l’enfant”,La harpe vous connaissez ?”, “La Harpe Apprivoisée” conte musical avec masques et claquettes, “Tempéraments de feu” (2005). Son activité musicale couvre aussi bien les oeuvres originales que les transcriptions ainsi que les créations d’oeuvres contemporaines.La richesse de sa personnalité et sa générosité font d’elle une grande dame de son époque. Le concerto d’Elias Parih-Alvars a été interprété avec une exceptionnelle musicalité et une technique doublé d’une qualité de son purement incroyables. Son jeu magnifique à dévoilé une virtuosité hors norme dans le bis qui était une œuvre d’inspiration russe.