RE-SET : assimilation et transformation
dans la musique et dans les arts visuels depuis 1900
jusq’au 13.5.2018
Une collaboration entre la Fondation Paul Sacher
et le Musée Tinguely
L’exposition interdisciplinaire au Musée Tinguely
est consacrée au sujet éclectique de la réinterprétation
artistique dans la musique au XXe siècle et dans
l’art contemporain.
Jusqu’ au 13 mai 2018 sont présentés
des manuscrits de musique et des œuvres d’art qui
reprennent, paraphrasent, transforment ou même
démantèlent le contenu, la structure ou la conception
d’œuvres existantes.
Le contenu et l’espace de l’exposition sont divisés en deux
parties. L’accent est mis sur la partie musicale, divisée
en quatre sections au deuxième étage :
les arrangements par les compositeurs et compositrices tiers,
les arrangements par les compositeurs et compositrices
de leurs propres œuvres, les emprunts à la musique folklorique
et les adaptations populaires.
Cette exposition unique présente environ 180 manuscrits
de musique, des correspondances, des enregistrements
sonores, des instruments et des documents d’images et
de film appartenant à la Fondation Paul Sacher,
l’un des centres de recherche les plus renommés dans le domaine
de la musique du XXe et XXIe siècle.
Les œuvres exposées ont été créées par des compositeurs et
interprètes célèbres tels qu‘Igor Stravinsky, Anton Webern,
Edgard Varèse, Pierre Boulez, Luciano Berio,
Sofia Gubaidulina, György Ligeti, Wolfgang Rihm,
Heinz Holliger et Steve Reich.
Des études de cas illustrent les diverses catégories de références
artistiques présentes dans leur travail de façon visuellement
intéressante. Celles-ci impliquent des figures emblématiques
de l’histoire de la musique – de Bach aux Beatles, de Debussy à
Disney. La diversité des objets exposés ainsi que les documents
audiovisuels mis à disposition sur une tablette donnent lieu
à une image vivante des arrangements artistiques dans
la musique depuis 1900.
La partie de l’exposition consacrée à l’histoire de l’art
attire notre attention sur le concept emblématique du
readymade de Marcel Duchamp. Cette idée a connu un succès
sans précédent des années 1960 jusqu’ à nos jours.
Elle pose la question de savoir comment ce concept a été intégré
comme stratégie artistique et dans quelle mesure il sert de
catalyseur à de nouvelles œuvres d’art.
En plus des œuvres de John Baldessari, Marcel Duchamp,
Hans Haacke, Sherrie Levine et Jean Tinguely, sont présentées
les postures actuelles de Saâdane Afif, Pierre Bismuth et
l’artiste galloise Bethan Huws.
Heidy Zimmermann, Simon Obert (pour la musique)
et Annja Müller-Alsbach (pour les arts visuels) ont assuré
le commissariat de cette exposition qui a été réalisée en
collaboration intime avec Fondation Paul Sacher.
MUSIQUE
Étrangement inconnu – les compositeurs & compositrices
en dialogue avec leurs pairs
Dans le domaine de la musique, comme dans l’art en général,
l’étude des grands maîtres de la discipline fait depuis des
siècles partie de la formation à la composition.
Il s’agit d’apprendre des « anciens » afin de faire différemment,
ou mieux. Au XXe siècle encore, les compositeurs et
compositrices consultent des ouvrages de leurs prédécesseurs
dans le but de les étudier ou de les retravailler. Cela leur permet
d’apprendre à connaître les acteurs incontournables de
l’histoire de la musique, quel que soit leur degré de notoriété.
L’on doit à Mauricio Kagel cette phrase marquante :
« Les musiciens ne croient peut-être pas tous en Dieu,
mais tous croient en Bach ».
Avec « RE-SET »,
Anton Webern, Stravinsky, György Kurtág, Sofia Gubaidulina
ainsi que Kagel lui-même présentent des hommages, mais
également des réactions critiques au monument qu’est Bach.
Lorsqu’ils recherchent de nouveaux univers sonores, certains
compositeurs remontent parfois jusqu’au Moyen Age :
Harrison Birtwistle, Salvatore Sciarrino et Heinz Holliger
trouvent de l’inspiration dans le travail de
Guillaume de Machaut.
D’autres s’inspirent de Carlo Gesualdo, présumé meurtrier
de son épouse ; « RE-SET » montre comment Igor Stravinsky,
Peter Eötvos, Sciarrino et Klaus Huber développent les pièces
vocales à l’harmonie audacieuse de Gesualdo.
Grâce aux instrumentations des miniatures pour piano
d’Arnold Schönberg, la façon dont les compositeurs novices
et expérimentés jouent avec les timbres peut être observé.
Enfin, l’orchestration par Claude Debussy des
Gymnopédies d’Erik Satie est un exemple magnifique de
service rendu entre amis compositeurs.
Igor Stravinsky est l’un des compositeurs les plus représentatifs
du concept de work in progress, comme en témoigne son
Oiseau de Feu, 1910 : à partir du ballet composé initialement,
il a créé plusieurs suites de concert, puis en a extrait et retravaillé
certaines parties pour en faire des pièces virtuoses pour violon.
En 1929, il a lui-même enregistré une version pour piano
de cette pièce afin qu’elle puisse être reproduite sur des rouleaux
de papier et utilisée pour des pianos mécaniques.
Le work in progress repose en fin de compte sur un principe
créatif résolument moderne: certaines idées peuvent pour
ainsi dire hanter les compositeurs, elles « mijotent » avant d’être
concrétisées de manières variées dans toute une série d’œuvres.
Cela se manifeste notamment chez Pierre Boulez, György Ligeti
ou Wolfgang Rihm.
Modernité ancienne – Emprunts à la musique folklorique
Depuis des siècles, la musique folklorique est une source
d’inspiration pour les compositeurs. Au XXe siècle, cependant,
l’approche ethnologique et les capacités d’enregistrement
du phonographe ont donné à la musique traditionnelle un
poids nouveau. Les compositeurs découvrent la musique folklorique
comme un matériau authentique, pour ne pas dire nouveau,
pour des compositions modernes.
Béla Bartók est parmi les premiers à collectionner les mélodies
folkloriques en Europe du Sud-Est. Il le fait avec une minutie scientifique,
mais aussi pour en tirer la base de ses propres compositions.
Sándor Veress, qui a immigré en Suisse en 1949 suit ces traces en
menant des enquêtes de terrain intensives et en arrangeant de
nombreuses chansons folkloriques.
Luciano Berio esquisse un voyage musical autour du monde
avec ses Folk Songs, et Steve Reich étudie l’art du tambour
africain au Ghana, une expérience à partir de laquelle émerge
sa pièce culte Drumming. Alb-Chehr de Heinz Holliger
reprend une légende valaisanne avec une
« musique fantasmagorique alpine » pour les Spillit
(ménestrels) du Haut-Valais. Cette musique folklorique
fictive se mêle à des sons expérimentaux et se dissocie
ainsi de façon ironique de la musique folklorique suisse banalisée.
Élitisme sous-jacent – Popularisation et anoblissement
Les compositeurs du XXe e siècle ne se sont pas inspirés
du jazz et de la musique populaire aussi souvent qu’ils
l’ont fait avec des morceaux de l’histoire de la musique
ou du folklore. L’une des principales raisons de cette
réticence réside peut-être dans ces principes structurels
contradictoires : Alors que la musique dite classique
du XXe siècle renonce en grande partie à la tonalité et
aux rythmes réguliers, ceux-ci représentent les pierres
angulaires des musiques populaires ; et tandis que dans
l’avant-garde musicale, surtout après 1945, prévaut une
esthétique de discontinuité linéaire de la mélodie,
la musique populaire s’accroche à ces caractéristiques
de base que sont la mélodie et l’accompagnement.
Néanmoins, il y eut de fréquentes adaptations de
la musique populaire, qui ont souvent donné lieu
à des exemples aussi remarquables que surprenants.
Notamment lorsque Dmitri Chostakovitch orchestre
le tube Tea for Two, lorsque Conlon Nancarrow utilise
des motifs de boogie-woogie ou lorsque Louis Andriessen
et Luciano Berio créent des parodies de chansons
des Beatles.
Sans oublier, dans ce contexte, l’usage de la musique à des
fins médiatiques, notamment pour le cinéma.
L’adaptation du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky
ou des Atmosphères de György Ligeti à la bande sonore
de films a par exemple donné lieu à une diffusion et
une popularisation que leur version originale n’aurait
sans doute pas connue.
ARTS VISUELS
L’histoire de l’art est, de par sa nature même, un système complexe
de citations et de réitérations de motifs existants, ainsi que
leur remodelage créatif et leur remise en scène. En fait, l’art
a toujours été reproductible, mais jamais il n’avait été aussi
simple qu’aujourd’hui de reproduire et de retravailler
des incunables de l’histoire de l’art, sans parler de l’environnement
visuel quotidien. Le prologue de l’exposition « RE-SET » se
concentre sur la question de savoir comment l’idée emblématique
du readymade de Marcel Duchamp sert de catalyseur à de nouvelles
œuvres. Le concept du readymade en tant qu’objet de tous les jours
préexistant, préfabriqué, déclaré « sculpture toute faite » par le geste
de sa seule sélection, n’avait été formulé par Duchamp au début
des années 1910 uniquement comme idée conceptuelle existante.
Ce concept a marqué la fin de tous les paramètres traditionnels
de la création artistique valables jusqu’alors : la conception individuelle,
le savoir-faire artisanal, l’unicité et par conséquent l’idée du
chef-d’œuvre, la distinction entre l’original et la copie –
tous ces termes ont été radicalement remis en question.
Dans les années 1960, ces paramètres avaient un caractère
hautement explosif sur le chemin vers l’œuvre ouverte.
De nombreux artistes ont déclaré le principe du readymade
comme catalyseur de leur travail. Ce principe a été réinterprété
à plusieurs reprises, est devenu indépendant et a finalement
été assimilé au terme objet trouvé. La liste des artistes qui s’y réfèrent
jusqu’à nos jours est longue.
La présentation montre une sélection ciblée.
Au début de l’exposition se trouve la Boîte-en-valise de
Marcel Duchamp, un musée portatif en format miniature
contenant son œuvre. Cet ouvrage a été reproduit en sept
séries entre 1941 et 1968. Par un geste simple et ironique,
Pierre Bismuth modifie un code existant dans le Gucci
Traveler’s Folding Item, 2012, bouleversant ainsi notre
perception et notre appréciation esthétique de l’art.
John Baldessari traite de la différence entre la répétition
et le répété dans Repository, 2002. Saâdane Afif utilise l’inclusion
réciproque de différentes sources d’inspiration et de médias comme
catalyseur pour ses projets souvent interdisciplinaires, qui se
caractérisent par de longs processus de conception.
Son travail Fountain–1917 (A collection), 2018, sera présenté
pour la première fois dans son intégralité à Bâle. En plus de l’importante
installation Forest, 2008/2009, de l’artiste galloise Bethan Huws,
un certain nombre de ses œuvres récentes témoignent de l’intense
débat intellectuel avec Marcel Duchamp.
Marcel Duchamp & Jean Tinguely
Tinguely avait pu rencontrer personnellement en 1959 celui
qui était pour lui sa première référence artistique, à l’occasion
de son exposition des Méta-Matics à la galerie parisienne
d’Iris Clert. Ill devait le rencontrer de nouveau an 1960 à New York.
Duchamp qui, des décennies auparavant, avait lui aussi intégré
la mécanique, le jeu et le hasard dans son art, fascinait Tinguely.
La connaissance de son œuvre ainsi que la relation d’amitié
qui s’était nouée se sont révélées très importantes pour le
développement artistique de Tinguely.
Concerts pendant l’exposition au Musée Tinguely:
21 mars 2018, 19h | Uri Caine, Solo on Piano
18 avril 2018, 19h | XASAX Saxophone Quartet, Original & Re-Set
29 avril 2018, 16h30 | Moritz Eggert, Hämmerklavier et al.
Billets de concert:
inclus dans le prix d’entrée du musée, sans réservation préalable
Publications
RE-SET. Rückgriffe und Fortschreibung in der Musik seit 1900
Cette exposition s’accompagne d’une riche publication,
« RE-SET. Rückgriffe und Fortschreibungen in der
Musik seit 1900 » publiée par Simon Obert et Heidy Zimmermann,
Partager la publication "RE-SET : assimilation et transformation dans la musique et dans les arts visuels depuis 1900"