EVA & ADELE

EVA est retournée vers le futur aujourd’hui.
Elle a quitté ce monde et est entrée dans la scène éternelle.
Sa croyance dans le pouvoir de l’art était infinie.
AVENIR

Eva

Eva est née biologiquement homme. En 2011, elle a officiellement changé son état civil en femme après qu’un tribunal a accédé à sa demande. Elle a expliqué que même si son corps était masculin, son âme ne l’était pas.
En avril 1991, avec le mariage de Metropolis, le projet artistique permanent  EVA & ADELE a officiellement débuté ; la biographie précédente des deux artistes a été complètement effacée. Elles affirment elles-mêmes avoir atterri à Berlin en 1991 avec une machine à remonter le temps venue du futur.

Excentriques tout un art

Nous les attendions à toutes les grandes manifestations d’art avec impatience.
Que ce soit à Art Basel, à la dOCUMENTA, au MAM Musée d’art Moderne de la ville de Paris, ou les autres grands foires dans le monde, (qui pour nous étaient inaccessible), les jumelles les fréquentaient assidument.
Eva et Adele sont un couple d’artistes allemandes vivant à Berlin. Elles sont surtout connues pour leurs performances, mais sont également présentes dans des expositions avec des œuvres matérielles (photographie, vidéo et peinture) depuis 1997.
Eva et Adele prétendent avoir débarqué d’une machine à remonter le temps à Berlin après la chute du mur en 1989,  autoproclamées 

« jumelles hermaphrodites du futur »

Une folle excentricité dans l’art

Les inimitables performeuses et sculptrices allemandes Eva et Adele, se disent,
« jumelles hermaphrodites du futur » ce qui implique aussi, – de se mettre en marge et de renoncer à une forme de reconnaissance sociale – s’impose comme une posture idéale pour questionner les normes admises… et leur absurdité.

Eva et Adele font leur première apparition artistique en 1989. Elles apparaissent dans des costumes de femmes excentriques, souvent roses, des talons hauts, des sacs à main, avec des têtes rasées et des visages très maquillés.
L’extérieur stylisé illustre leur revendication en tant qu’œuvre d’art vivante, de la vie comme art et l’art comme la vie [Selon qui ?].


                           Rencontrées à la dOCUMTA de Kassel en 2014

Bien que leur apparence ait une connotation féminine, elles prônent une identité de genre qui n’est pas définie par la société, mais qui est librement choisie. Un de leurs slogans est Over the Boundaries of Gender, à travers les frontières de genre. Pour læ chercheur•e Rose K. Bideaux, l’ultra‑féminité d’Eva et Adele doit s’appréhender en dehors de l’hétérosexualité :
« d’abord parce qu’elles sont lesbiennes, mais aussi parce qu’elles ne répondent pas aux attendus de causalité sexe‑genre ».

Le duo affirme que depuis leur rencontre, elles ont juré de ne jamais passer une nuit à part, ni de recevoir d’invités dans leur maison, sans être complètement fous. Bien que se considérant au delà des frontières binaire du genre, elles forment un couple et choisirent de se marier en tant que deux femmes, pour entrer dans les cadres légaux binaire du genre imposés par la loi.

Eva a obtenu un changement de son identité de genre au tribunal, appuyé par de nombreux rapports psychiatriques et psychologiques, le juge accède à sa demande. Le certificat de naissance d’Eva est réédité pour correspondre au genre féminin.

Elles apparaissent dans les expositions comme n’importe quel autre visiteur et communiquent avec les autres visiteurs. Ci-dessous à Art Basel avec moi.

Elles sont également devenues des invitées régulières de défilés de mode pour leur assimilation au style Camp. Leur apparence artificielle ne permet de tirer aucune conclusion non plus, et leur slogan sert de référence est :
Coming out of Future.

Les photographies qui en résultent leur sont envoyées et elles les transforment. Elles forment la série CUM. Eva et Adele traitent de la même manière les photographies qu’elles trouvent d’elles -mêmes dans les médias. Ce complexe d’œuvres s’appelle Mediaplastic. Dans leurs vidéos, elles abordent le comportement de personnes conventionnelles qui leur sont confrontées.

Ici la rencontre à Art Basel 2022 (Mon art Basel)

La démarche artistique d’Eva et Adele est à rapprocher de celle de Genesis P-Orridge qui a cherché à ressembler à sa femme Lady Jaye, et inversement, en passant par le port des mêmes tenues, de la même coiffure ou du même maquillage. Le couple d’artistes américain·e·s est cependant allé plus loin qu’Eva et Adele en procédant à des transformations chirurgicales, telles que la pose d’implants mammaires ou des modifications de la structure du visage.

Au MAM, elles avaient développé Futuring  : YOU ARE MY BIGGEST INSPIRATION

FUTURING est un mot inventé par Eva et Adele. Elles présentent pour la première fois ce mot inventé dans un timbre imprimé en 1991 à l’occasion de leur performance Hochzeit Metropolis au Martin-Gropius-Bau, Berlin. Depuis, le mot inventé futuring joue un rôle clé dans l’œuvre. Le mot est ensuite publié dans presque tous les médias artistiques, lors d’expositions et dans leurs programmes d’accompagnement.

En tant que biographie, elles ne donnent que les mensurations de leur corps, comme les mesures d’une œuvre d’art :


Eva Adele Le 21 mai 2025, Eva & Adele annoncèrent la mort d’Eva.

RIP chère Eva, mes condoléances émues chère Adèle.

Condoléances

Un LIVRE DE CONDOLENCES pour EVA est disponible à la Nationalgalerie der Gegenwart HAMBURGER BAHNHOF.
L’enterrement aura lieu le mercredi 2 juillet 2025 à 12h00 à la chapelle du cimetière de Dorotheenstädter.
Je suis profondément touché par les nombreuses personnes merveilleuses qui ont exprimé leurs condoléances. MERCI💓

   Certaines photos proviennent d’internet

Suzanne Lacy: By Your Own Hand

Performance, Plaza Belmonte bullring, Quito, Ecuador
Commissaire : Dr Sandra Beate Reimann
au Musée Tinguely jusqu'au - 7 septembre 2025

Du 9 avril au 7 septembre 2025, le Musée Tinguely de Bâle présente dans une exposition personnelle l’installation vidéo De tu pufio y letra (By Your Own Hand; 2014-2015/2019) de la célèbre artiste américaine Suzanne Lacy.
Il s’agit là de l’une de ses œuvres centrales abordant les violences liées au genre. Le travail de Lacy, pionnière dans l’art de la perfor­mance féministe et activiste depuis les années 1970, combine art et engagement social. Ses œuvres relèvent de la Social Practice, elles sont souvent réalisées en collaboration avec les communautés locales et portent sur les injustices sociales : violence domestique, discrimi­nation liée à l’âge et migration.

Avec l’exposition Suzanne
Lacy: By Your Own Hand, le Mu­sée Tinguely rend hommage à une œuvre hautement pertinente due à l’une des artistes féministes majeures de notre époque et instaure en même temps un espace de réflexion, de dialogue et de responsabilité sociale.

Une installation vidéo : une  confrontation qui bouscule

On voit dans l‘installation vidéo De tu puno y letra (By Your Own Hand; 2014-2015/2019) des personnes de genre masculin qui apparaissent les unes après les autres en lisant factuelle­ ment des extraits de lettres. Ces témoignages choquants de violences brutales, sexualisées et domestiques, qui vont de l’agression sexuelle au viol collectif et au féminicide, laissent un profond sentiment de malaise. Le film a été tourné dans les arènes de Quito, un espace con­noté masculin, marqué traditionnellement par la violence et la domination. L’agencement cir­culaire des projections place le public de l’exposition lui-même au centre de l’arène pour le confronter directement aux paroles et aux regards des acteurs. La représentation grandeur na­ture rend palpable le défi physique et émotionnel de l’intervention.

La décision délibérée de confier à des personnages de genre masculin la lecture de témoi­gnages de victimes de violences à caractère sexiste souligne le rôle du patriarcat comme fon­dement structurel de cette violence. Dans le même temps, le hiatus entre les voix masculines et les expériences féminines constitue un élément primordial qui stimule la pensée et permet une réflexion sur le genre, le pouvoir, la crédibilité. La projection se termine par un message essentiel qui rehausse la perspective du niveau individuel au niveau sociétal :

« It’s necessary not to be afraid, I told myself, necessary to write in order to heal, share the pain with others. »

L’art comme pratique sociale

L’installation vidéo reprend une performance participative et dialogique que l’artiste a réalisée en 2015. Lacy avait été invitée alors à concevoir une performance qui attirerait l’attention et la reconnaissance du public sur les lettres collectées dans le cadre de la campagne Cartas de Mu­jeres (2011-2012), projet lancé par la Ville de Quito, le Centro de Arte Contemporaneo de Quito, UN Women et l’organisme allemand Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit (GIZ) en Équateur pour lutter contre les violences faites aux femmes. La performance s’est déroulée à Quito sous forme d’événement en cinq actes, avec la participation d’environ 600 personnes de genre masculin, le 25 novembre 2015, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette intervention avait été précédée d’ateliers avec des hommes de tout âge sur la violence liée au genre et la construction sociale de la masculinité.

Pionnière de l’art féministe

Les œuvres participatives de Suzanne Lacy montrent le pouvoir transformateur de l’art et son potentiel à susciter des débats de société. Comme l’une des principales voix du mouvement artistique féministe des années 1970, l’artiste a développé avec la Social Practice un nouveau modèle combinant art et action sociale. Très tôt déjà, dès le début des années 1970, le travail de Lacy a abordé le thème des violences sexualisées. En 1972, elle a monté la performance Ablu­tions (avec Judy Chicago, Sandra Orgelet Aviva Rahmani), l’une des premières œuvres d’art sur le thème du viol du point de vue des personnes de genre féminin.

À souligner aussi, Three Weeks in May de 1977, une performance de trois semaines centrée sur les viols à Los Angeles (avec Leslie Labowitz et Ariadne: A Social Art Network). Avec ces premières œuvres, Lacy et ses collègues étaient des pionnières non seulement artistiques mais aussi sociales, car elles abordaient publiquement les violences liées au genre dans une perspective résolument fémi­nine. Leurs travaux donnaient enfin voix aux femmes concernées et identifiaient les causes sociales et patriarcales de cette violence.

Le contexte de la présentation au Musée Tinguely

L’exposition au Musée Tinguely souligne toute l’actualité et la pertinence de ce sujet. La proxi­mité spatiale entre l’installation vidéo et l’œuvre Mengele-Totentanz (1986) de Jean Tinguely pose là un accent particulier. Avec cette construction cinétique et austère, faite d’éléments carbonisés et d’ossements d’animaux, Tinguely (1925-1991) aborde les notions de violence et de mort d’un point de vue historique et personnel. Alors que la tradition médiévale tardive
vé­hiculait la fugacité de toute vie humaine et l’égalité des individus dans la mort – du roi au mendiant-, il est clair aujourd’hui que les êtres humains sont très différemment concernés, en fonction de leur genre social, mais aussi de leurs ressources ou de leur appartenance eth­nique. Les violences domestiques et sexualisées sont quotidiennes et largement répandues.

Niki de Saint Phalle (1930-2002), seconde épouse de Tinguely et donatrice de la collection du Musée, a également été touchée. Dans son livre Mon secret (1994), elle fait état des agressions par son père dont elle-même a été victime à l’âge de 11 ans. Ses œuvres dénoncent les struc­tures patriarcales et donnent à voir le rôle de la violence et des abus de pouvoir.

Rendre visible un problème global – Programme d’accompagnement

Les féministes latino-américain-es restent pionnier-ères dans la lutte contre les violences liées au genre et les féminicides. En revanche, il a fallu attendre ces dernières années pour que la politique et la société, en Europe et en Suisse, se penchent davantage sur ce sujet. À travers des interventions, des tables rondes et un projet d’écriture participatif, le programme d’ac­compagnement s’intéresse à la situation locale et invite au dialogue.
Pour ce faire, le Musée Tinguely coopère entre autres avec la Opferhilfe beider Basel (Service d’aide aux victimes des deux Bâle), la Literaturhaus Basel et le collectif Q.U.I.C.H.E. Dans le cadre de l’exposition, le Musée Tinguely présente aussi la performance de Tyra Wigg, The hand, the rock, your shoul­ der, and my mouth (2022), au cœur de laquelle ressortent le toucher comme expression de violence et le toucher comme soin et pratique thérapeutique. Par le maniement d’une grosse pierre, par l’approche attentive et curative du corps et son trauma, c’est un véritable contre­ poids qui prend forme.

Biographie

Suzanne Lacy (née en 1945) est pionnière dans l’art de la performance féministe et activiste mais aussi du New Genre Public Art et de la Social Practice. Son travail porte entre autres sur les violences sexualisées, les discriminations liées à l’âge, la pauvreté, l’incarcération et l’immi­gration. Opérer un rapprochement entre les gens et créer en collaboration avec des groupes locaux sont constitutifs de son travail. Celui-ci englobe des performances chorégraphiées et dialogiques, des recherches sociologiques, la tenue d’ateliers, l’organisation communautaire, la cartographie et le mapping, la photographie, la production et l’installation vidéo ainsi que des interventions dans les médias.
L’art de Lacy s’enracine dans les premières performances californiennes d’Allan Kaprow et la pratique artistique féministe de Judy Chicago. De grandes rétrospectives de l’œuvre de Lacy se sont tenues au San Francisco Museum of Modern Art, au Yerba Buena Center for the Arts, San Francisco (Suzanne Lacy: We Are Here, 2019) et au Queens Museum (Suzanne Lacy: The Medium is Not the Only Message, 2022). L’artiste a réa­lisé de vastes interventions artistiques sociales et politiques à Londres, Brooklyn, Medellin, Los Angeles, Madrid et dernièrement à Manchester. En 2025, elle participera avec plusieurs œuvres à la Sharjah Biennial 16. Lacy est professeure à la Roski School of Art and Design de la University of Southern California et artiste en résidence au 18th Street Arts Center à Santa Mo­nica, Californie.

Informations pratiques

Musée Tinguely 
1 Paul Sacher-Anlage 1 l 4002 Bâle

Accès
Gare centrale de Bâle CFF / Gare SNCF :
tram no. 1 ou 2 jusqu‘au « Wettsteinplatz », puis bus no. 31 ou 38 jusqu’à
« Tinguely Museum ». 

Heures d’ouverture: mardi- dimanche 11h-18h, jeudi 11h-21h

Site Internet : www.tinguely.ch

Réseaux sociaux : @museumtinguely 1  #museumtinguely 1 
#byyourownhand @suzanne.lacy

Crédit photo: Suzanne Lacy, De tu puna y letra (By Your Own Hand) (2014-15/2019). Six-channel HD video installation, with sound, 30 min. Partial installation view at Queens Museum, New York. Courtesy the artist; photo: Hai Zhang, courtesy Queens Museum.

«Déjà Vu» Exposition d’échange artistique sino-français (Macao)

« Notre existence actuelle, au fur et à mesure qu’elle se déroule dans le temps, se double ainsi d’une existence virtuelle, d’une image en miroir. Tout moment de notre vie offre donc deux aspects : il est actuel et virtuel, perception d’un côté et souvenir de l’autre. Il se scinde en même temps qu’il se pose. »

 Henri Bergson, « Le Souvenir du Présent et la Fausse Reconnaissance »

Par ces mots, le philosophe français Henri Bergson offre une perspective fondamentale sur la nature de la mémoire et la sensation insaisissable du « déjà vu », ou ce qu’il nommait la « fausse reconnaissance ». Il postule que la mémoire ne se forme pas « après » la perception mais se produit
« simultanément » à elle. Lorsque nous percevons le monde – l’aspect « actuel » – notre conscience crée simultanément une image miroir « virtuelle » de cette perception, un « souvenir du présent ». En temps normal, notre « attention à la vie », orientée vers l’action et l’avenir, refoule cette image-souvenir virtuelle dans l’inconscient, telle une ombre invisible. Le « déjà vu », selon Bergson, survient aux instants où cette attention motrice vacille momentanément. Dans cette brève pause ou ce détachement, le « souvenir du présent » normalement caché fait surface à la conscience aux côtés de la perception en cours. Nous expérimentons ainsi le moment présent « et » son reflet immédiat au même instant. Cet étrange dédoublement crée le sentiment intense et paradoxal de revivre un instant – nous pouvons « reconnaître » le présent qui se déploie non pas parce que nous l’avons véritablement vécu auparavant, mais parce que nous accédons à la fois à la perception et à sa mémoire intrinsèque, générée simultanément.

Organisation

Organisée par l’Art For All Society (AFA), co-organisée par l’Association pour la Promotion des Arts Multimédias Innovants de Macao, et soutenue par le Fonds de Développement Culturel de Macao, « Déjà Vu » — première partie du cycle
d’expositions 
« Miroir · Boucle · Génération » : De l’Art Vidéo à l’Intelligence Artificielle, et exposition d’échange artistique sino-français — 
est inaugurée le 14 mai 2025 au Parisian Macao.
Elle est honorée de faire partie du festival « Le French May ». Les mots-clés de l’exposition, « Miroir », « Boucle » et « Génération », font non seulement allusion aux méthodes artistiques employées – tels les cycles temporels et la manipulation expérimentale de l’image chez Robert Cahen, les paysages virtuels générés par IA d’Alice Kok, et l’exploration par Catherine Cheong des strates visuelles et spéculaires dans la gravure et la vidéo – mais résonnent aussi profondément avec la philosophie bergsonienne fondamentale du dédoublement simultané de la perception et de la mémoire, et de la réflexion mutuelle de l’actuel et du virtuel. Le cadre du French May souligne l’importance de l’exposition en tant que dialogue culturel sino-français, tandis que The Parisian Macao, en tant que sponsor du lieu, offre un cadre unique et fascinant pour cette exploration artistique du temps, de la mémoire et de la perception.

Les artistes

Cette exposition « Déjà Vu » présente un dialogue entre trois artistes : Robert Cahen, Alice Kok et Catherine Cheong. À travers leurs médiums et sensibilités distincts, ils explorent cet état dédoublé de l’expérience et l’espace de résonance entre l’actuel et le virtuel, la perception et son écho immédiat. Leurs œuvres nous invitent à contempler la texture du temps, les mécanismes de la mémoire et l’étrange familiarité qui surgit lorsque la réalité semble se regarder elle-même.

Masterclass d’art vidéo

Instructeur : Robert Cahen
Assistante Instructrice : Alice Kok
Date : 18.05.2025 10h00 – 18h00

Lieu : Le Parisian Macao
Shoppes at Parisian, Level 3, Estrada do Istmo, Lote 3, Cotai Strip, Macao SAR, RP Chine

Développement

Robert Cahen

Robert Cahen, pionnier de l’art vidéo français, sculpte magistralement la trame subtile du temps et de la perception analysée par Bergson. 

Son œuvre immerge le spectateur directement dans l’interstice entre la perception « actuelle » et sa réverbération « virtuelle ». Prenons « Traverses » (2002), où des silhouettes humaines émergent lentement du brouillard, « Lentes apparitions d’Êtres, traversant l’espace, là où le temps est mis à l’épreuve » ; ces formes éthérées incarnent les images virtuelles insaisissables habituellement submergées sous la conscience. Par des techniques emblématiques comme le ralenti, la boucle et la superposition d’images, Cahen manipule délibérément « la durée ». Dans « Tombe » (1997-2005), des objets et des mots évocateurs comme « temps », « passage », « lentement », détachés de leurs fonctions, chutent sans fin dans une profondeur inconnue – une visualisation directe du passage du temps charriant des fragments de vie, de mémoire et d’absence. Que ce soit en étirant l’instant par l’application d’un mouvement bref et intensifié à des scènes statiques dans les « Cartes Postales Vidéo » (1984-1986), ou en dissolvant les contours des formes humaines dans le flux onirique d’« Entrevoir » (2014-2024), Cahen rend palpable le
« dédoublement » habituellement imperceptible. Il suspend l’« élan » vers l’avant de la conscience, permettant à l’image-souvenir virtuelle de presque rattraper la perception actuelle. Ceci induit une « qualité onirique » semblable à celle que Bergson associait à la « fausse reconnaissance », évoquant la familiarité singulière du déjà vu – comme si le moment présent se regardait lui-même. Cahen n’illustre pas simplement le dédoublement temporel de Bergson ; il construit des expériences immersives où nous pouvons ressentir de manière tangible la résonance et la tension entre le présent en devenir et son reflet immédiat et fantomatique.
Son site ici

Alice Kok

Alice Kok explore les royaumes liminaux du déjà vu, tissant les fils complexes de la perception entre le subconscient, la mémoire, la technologie et les frontières nébuleuses de la réalité et de la représentation. Ses œuvres sondent souvent le seuil où le « virtuel » – qu’il s’agisse de mémoire, de rêve ou d’interprétation numérique – rencontre le monde perçu « actuel ». Dans sa série « Artificial Subconscious » (Subconscient Artificiel, 2024) et son extension dynamique « Artificial Emotions » (Émotions Artificielles, 2025), l’artiste agit comme une invocatrice, murmurant des instructions –
« fragments de rêve », « humeurs, symboles et perceptions sensorielles » – à l’intelligence artificielle, faisant émerger des images puis les animant. Ce processus non seulement donne une forme visible aux murmures subtils du subconscient, mais initie également un dialogue troublant entre intuition et calcul algorithmique, faisant écho à la notion bergsonienne de l’image-souvenir naissant aux côtés de la perception présente, traduisant la « fluidité des états de rêve » et les « murmures du flux de conscience » en paysages visuels.
« Through the Looking-Glass » (L’autre côté du miroir, 2020) conduit les spectateurs dans un labyrinthe de miroirs, écoutant des souvenirs anonymes de traces de rêves, confrontant des vérités réfléchies et cachées. La technique d’« occultation » en mosaïque pointe vers les distorsions et filtrages inhérents à l’expérience au sein du subconscient (rêves) et de son rappel, tout comme la nature insaisissable, parfois fragmentée, de la mémoire virtuelle dans l’instant du déjà vu. L’installation onirique, semblable à un mirage, « Form is Emptiness » (La Forme est Vide, 2013), condensant des illusions visibles mais intangibles, et les images méditatives superposées dans « Emptiness is Form » (Le Vide est Forme, 2018), brouillant le soi et l’autre, incitent les spectateurs à contempler la tension subtile entre l’« actuel » tangible et le « virtuel » perceptible mais intouchable. Elles interrogent la nature de la réalité lorsque la perception elle-même semble dédoublée, une expérience faisant écho à la désorientation du déjà vu. La pratique artistique de Kok, à travers divers médias, met en scène des rencontres avec ce moment de dédoublement, observant comment la conscience, la mémoire et même l’intelligence artificielle participent à façonner la réalité à travers des cycles infinis de réflexion et de superposition.

Catherine Cheong

Les œuvres diverses de Catherine Cheong abordent les thèmes du temps, de la perception, de la mémoire et de la réflexion sociétale. Dans 
« En travers » (2024), elle rend un hommage clair à Robert Cahen, ralentissant « aussi lentement que possible » des séquences vidéo d’un paysage qui défile, une intervention douce mais ferme dans « la durée ». En étirant l’instant fugace du voyage, elle perturbe la vitesse habituelle de la perception, permettant potentiellement au spectateur, comme dans l’œuvre de Cahen, de ressentir la résonance discrète entre la vue « actuelle » qui se déploie et sa trace « virtuelle » persistante, ouvrant un espace serein où le temps lui-même est « mis à l’épreuve ».

En contraste frappant, « Vue en secondes » (2024) adopte un rythme rapide, faisant défiler soixante images instantanément, une par seconde. Une telle vélocité non seulement remet en question la perception stable ou la consolidation potentielle d’un soi-disant « souvenir du présent », mais sonde aussi subtilement : dans cette « ère du Big Data », inondée d’informations, la mémoire peut-elle encore s’ancrer efficacement ? Ce dédoublement bergsonien – la convergence du moment présent de la perception et de son écho virtuel – a-t-il été submergé par la surcharge informationnelle et la vitesse effrénée de la vie moderne, rendant improbable l’émergence de cet écho bref et fragile du « déjà vu » ?

Des œuvres comme « Three thousand hairs » (Trois mille cheveux, 2016-2019) plongent dans la durée vécue et la mémoire incarnée, reliant le présent physique (chute de cheveux, grisonnement) aux stress passés et au « cycle sans fin » des soucis, démontrant de manière vivante comment le passé imprègne et sculpte de manière persistante la réalité présente.

Tandis que des pièces comme « Grand Prix » (2009) se concentrent sur l’intensité de la perception fixée sur la vitesse, et d’autres comme « Mark » (Marque, 2019-2023) abordent l’empreinte du savoir historique, le parcours artistique de Cheong, particulièrement à travers sa manipulation nuancée de la vitesse temporelle et son questionnement persistant des seuils perceptifs, sonde en profondeur l’interaction fascinante et complexe entre le présent immédiat, le poids de la mémoire et la familiarité insaisissable au cœur du phénomène du déjà vu.

Conclusion

Ensemble, Cahen, Kok et Cheong offrent des perspectives distinctes mais complémentaires sur le « dédoublement » du moment présent. « Déjà Vu » invite les spectateurs à entrer dans leur conversation, encourageant une conscience plus profonde de la relation complexe entre perception, mémoire et temps, et de ces moments fugaces et étranges où, comme le suggérait Bergson, nous entrevoyons le présent se réfléchissant lui-même.

Le vernissage

L’exposition trio d’échange d’art chinois-français « Sens of Vision » a ouvert avec succès ! L’exposition est située au 3ème étage du Centre commercial parisien. Ouvert tous les jours de 12:00-19:00 jusqu’au 28 juin. Bienvenue !

clic : att.GBz_c43ebJaRH_PLTqyvu7xoShMlQuFMB3PCekTedBk

« Déjà Vu » Une exposition d’échange d’art sino-français est officiellement ouverte ! L’exposition se déroule au Shoppes at Parisian, ouverte tous les jours de 12h-19h, jusqu’au 28 juin. Bienvenue pour la visite !

Sommaire du mois d’avril 2025

Les Deux Ombres,
Didier  Paquignon, Lisbonne 2024

25 avril 2025 : Ali Cherri « Corps et âmes »
23 avril 2025 : Georg Baselitz, «Corps et âmes»
18 avril 2025 : «CORPS ET ÂMES»
13 avril 2025 : David Hockney, 25
12 avril 2025 : Artemisia, Héroïne de l’art
9 avril  2025  : Paul Béranger au temple Saint-Étienne « Silence »
7 avril  2025 :  Manfred Willmann Beau monde, où es-tu ?
1  avril  2025 : Verso histoire d’envers

Verso histoire d’envers

HxB: 113.5 x 88 cm (Mitteltafel)
HxB: 112 x 40 cm (Flügel); Öl auf Holz; Inv. 1233

Au Kunstmuseum Basel | Neubau jusqu'au 4.1.2026
Commissaire : Bodo Brinkmann
Histoires de Backsides

Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait se cacher derrière un tableau ? L’exposition Verso présente les dos d’œuvres d’art du XIVe au XVIIIe siècle, dévoilant des vues cachées habituellement réservées aux seuls conservateurs et restaurateurs.

 

L’exposition met en lumière l’histoire des œuvres d’art avant qu’elles ne trouvent leur place au musée. Il révèle dans quels autres contextes et fonctions ils ont été utilisés. On peut y voir par exemple des autels ailés qui étaient ouverts et fermés selon le calendrier de l’église, des armoiries d’anciens propriétaires ou des supports de tableaux dont les dos ont été réutilisés. On y trouve également une enseigne publicitaire double face d’Ambrosius et de Hans Holbein le Jeune ainsi que des œuvres spécialement conçues pour être tournées et retournées. « Verso » offre de nouvelles perspectives sur des œuvres d’artistes célèbres tels que Hans Baldung dit Grien, Lucas Cranach et Konrad Witz ainsi que d’autres qui méritent un second regard.

Maître de Sierentz, Le Combat du Dragon de St. Georg (à l’intérieur) ;
La Déploration du Christ sous la Croix (extérieur), aile droite d’un retable, vers 1445-1450, Kunstmuseum Basel, acquis avec les fonds de la Fondation Felix Sarasin, photo : Martin P. Bühler

Prologue

L’exposition Verso au Kunstmuseum Basel rend visible ce que cache l’envers de tableaux exécutés entre le 14e et le 18e siècle. Des cadres conçus spécialement pour cette présentation permettent d’observer, de manière inédite, le recto et le verso de 36 œuvres d’art de la collection du musée. Verso dévoile au public ce qui est habituellement réservé au regard du personnel scientifique du musée révélant les contextes et les fonctions d’usage de ces peintures.

L’exposition permet ainsi d’aborder sous un angle nouveau des œuvres d’art bien connues.
Jalonné d’une multitude d’observations, le parcours se déploie en huit chapitres répartis dans les salles d’exposition du niveau inférieur du Kunstmuseum Basel | Neubau. La plupart des œuvres du musée peintes recto-verso étant à l’origine des volets de retables catholiques, deux exemples du 16e siècle intégralement conservés permettent d’abord d’expliquer la raison d’être de ce mobilier liturgique utilisé durant les offices religieux.

Autels et portraits

L’exposition se penche ensuite sur l’un des thèmes majeurs du tableau d’autel : les saints de l’Église catholique et les différentes manières de les représenter. Elle montre également certains artifices remarquables employés lors de la conception de volets d’autel. Ainsi, un volet émanant de l’atelier de l’artiste Konrad Witz présentant une caisse peinte sur sa face externe indique qu’une telle structure se trouvait de fait derrière le volet en position fermée.


Un volet d’autel destiné à accueillir des reliefs, aujourd’hui perdus, illustre le rapport entre peinture et sculpture au sein du retable. Par la suite, différents types de peinture décorative sont présentés allant d’un revers orné d’arabesques, en passant par d’autres créant l’illusion de plaques en pierre au moyen de marbrures, jusqu’à des revers décorés de motifs formés à partir de lettres.

Il était également fréquent de peindre les deux côtés d’un portrait. Dans ce cas, le verso se prêtait généralement à la pose d’armoiries qui permettaient d’identifier la personne représentée. Une autre section de l’exposition est ainsi consacrée à l’art héraldique (la science du blason) aujourd’hui délaissé.
Pour les exemples cités jusqu’ici, les peintures sur les faces avant et arrière des œuvres furent exécutées en même temps. Cependant, il n’est pas rare d’observer qu’un revers a été peint ultérieurement ou qu’une autre peinture s’est substituée à celle d’origine.

HxB: je 39.7 x 31.9 cm (rechte Tafel H 39.5 cm); Öl auf Lindenholz; Inv. 312

Parmi les quatre exemples provenant des fonds de la collection, le double portrait en deux parties du maire de Bâle, Jacob Meyer zum Hasen, et de son épouse constitue le cas le plus spectaculaire et instructif. Dans cette composition de Hans Holbein le Jeune qu’il a lui-même datée de 1516, la perspective du tableau n’est visible que si les deux panneaux sont disposés côte à côte – par exemple à l’intérieur d’un cadre unique et rigide doté d’une baguette centrale.

Quatre ans plus tard, Jacob Meyer a toutefois fait
poser ses armoiries sur l’envers du tableau par un autre peintre et les a même fait dater à part. À cette époque, les deux panneaux devaient être joints de manière articulée : en position repliée, la face présentant les armes aurait indiqué ce qui se cachait derrière, telle la couverture d’un livre munie d’un titre.

Inscriptions et cas inhabituels

Concevoir artistiquement le revers d’un tableau ne signifie pas nécessairement le peindre : une inscription peut également modifier la valeur d’une œuvre. Le portrait d’un maître hollandais inconnu dont l’envers présente une inscription ajoutée ultérieurement en constitue un exemple. Le sujet représenté,

HxB: 88.9 x 68.4 cm; Öl auf Eichenholz; Inv. 561

prétendument un noble dénommé Johann von Bruck, a fui les Pays-Bas et s’est installé à Bâle en 1544, en raison de persécutions liées à sa foi. Ce n’est que deux ans après sa mort, en 1556, qu’on découvrit sa véritable identité : il s’agissait de l’hérétique David Joris, anabaptiste et meneur de groupe, longtemps recherché dans le Saint-Empire romain germanique, en vain. Après les révélations posthumes sur la double vie de von Bruck/Joris, le Conseil de la Ville de Bâle fait confisquer son portrait en 1559 et le transforme en un mémorial au travers de l’inscription. Celle-ci contient même le rapport du procès posthume pour
hérésie au cours duquel le cadavre de Joris fut exhumé et jeté sur un bûcher.
L’exposition s’achève sur trois cas particuliers où les artistes explorent le rapport entre les faces avant et arrière d’une œuvre :

• Au début du 18e siècle, le peintre de nature morte Pieter Snyers se sert de la
matrice d’une gravure sur cuivre comme support. Âgée de cent ans, la plaque est abîmée, ainsi il n’est plus possible d’en tirer des impressions. Toutefois, la
surface lisse de son envers se prête merveilleusement à la délicate peinture de
Snyers.
• En 1516, les frères Ambrosius et Hans Holbein le Jeune réalisent une fausse
enseigne de boutique dont l’apparence suggère qu’elle devait être accrochée
devant la demeure d’un maître d’apprentissage. En réalité, il s’agit autant d’une farce bourgeoise intellectuelle que d’un cadeau d’adieu pour leur ami et
enseignant Oswald Geisshüsler, dit Myconius.

HxB: 55.3 x 65.5 cm; Mischtechnik auf Fichtenholz; Inv. 311
55.3 x 65.5 cm; Mischtechnik auf Fichtenholz; Inv. 310

• Enfin, en 1517, Niklaus Manuel Deutsch crée un trompe-l’œil : son fin tableau a l’apparence d’un dessin en clair-obscur sur papier coloré caractéristique de cette époque. À la manière d’un·e dessinateur·rice utilisant souvent les deux côtés de la feuille, le peintre a également muni la face arrière d’une représentation encore plus spectaculaire que celle de la face avant.

L’exposition Verso. Histoires d’envers réunit des œuvres de Hans Baldung dit Grien, Hans Block l’Ancien, Jacob Cornelisz. van Oostsanen, Lucas Cranach l’Ancien, Hans Fries, Hans Holbein le Jeune, Ambrosius Holbein, Wolfgang Katzheimer l’Ancien, Niklaus Manuel dit Deutsch, Hans Pleydenwurff, Jan Polack, Pieter Snyers, Tobias Stimmer, Konrad Witz et d’autres artistes de la collection du Kunstmuseum Basel.

Informations pratiques

HAUPTBAU & NEUBAU

Lu fermé
Ma 10h00–18h00
Me 10h00–20h00
Je–Di 10h00–18h00

Horaires d’ouverture particuliers

Accès
SBB gare
Tram n°2 en direction « Eglisee/Badischer Bahnhof » jusqu’à l’arrêt « Kunstmuseum »

Sommaire du mois de mars 2025

L’art est dans la rue

30 mars 2025 : Apocalypse
28 mars 2025 : Medardo Rosso
20 mars 2025 : Tous Léger !
9 mars 2025    : Arno Brignon Marine Lanier PLY
8 mars 2025    : Trente-et-une femmes
6 mars 2025    : Une histoire dessinée de la danse
1 mars 2025     : Soirée rencontre au cinéma Bel Air Robert Cahen & Jean Paul Fargier

Medardo Rosso

L’invention de la sculpture moderne

Au Kunstmuseum Basel | Neubau, jusqu'au 10.8.2025
Commissaires :
Heike Eipeldauer (mumok) et Elena Filipovic (Kunstmuseum Basel Scénographie : Meyer-Grohbruegge
 « Nous ne sommes rien d’autre que la conséquence
des choses qui nous entourent. »
— Medardo Rosso
Medardo Rosso, enfant juif2

Sculpteur, photographe et maître de la mise en scène, concurrent d’Auguste Rodin et modèle pour de nombreux·ses artistes, Medardo Rosso (1858 à Turin, Italie–1928 à Milan, Italie) a révolutionné la sculpture vers 1900. Malgré son influence considérable, l’artiste italo-français n’est guère connu aujourd’hui.

L’exposition Medardo Rosso.
L’invention de la sculpture moderne entend y remédier. Cette rétrospective d’envergure au Kunstmuseum Basel offre une rare occasion de découvrir la production de Rosso à travers quelque 50 œuvres plastiques et près de 250 photographies et dessins. Elle propose d’en apprendre davantage sur son œuvre pionnière qu’il réalisa à Milan et à Paris au tournant du siècle, mais aussi sur la portée contemporaine de son art, et offre en même temps la base pour redécouvrir l’histoire de la sculpture moderne.

Fruit d’une coopération avec le mumok (Museum moderner Kunst Stiftung Ludwig Wien), l’exposition, dont le commissariat est assuré conjointement par Heike Eipeldauer et Elena Filipovic, permet de comprendre les recherches radicales et transmédiales menées par Rosso sur la forme (ou l’absence de forme), la matière et la technique.
L’impact colossal de sa production artistique, toujours perceptible aujourd’hui, se manifeste dans le dialogue avec des œuvres d’art de plus de 60 artistes des cent dernières années, parmi lesquel·les Lynda Benglis, Constantin Brâncuși, Edgar Degas, David Hammons, Eva Hesse, Meret Oppenheim, Auguste Rodin et Alina Szapocznikow.

Medardo Rosso et son œuvre

En 1918, après avoir visité l’atelier de l’artiste, Guillaume Apollinaire écrit dans la revue parisienne L’Europe Nouvelle :
« Medardo Rosso est sans aucun doute le plus grand sculpteur vivant ».
À travers ces mots, l’influent critique d’art et poète rend un hommage
singulier à l’œuvre de Rosso. Né en 1858 à Turin, Medardo Rosso s’établit à Paris à partir de 1889. Il restera trente ans dans la métropole artistique française et ne retournera dans son pays natal, l’Italie, que les dernières années de sa vie. Hormis une année d’étude à l’Accademia di Brera (Académie des beaux-arts) à Milan où il s’inscrit à des cours de dessin à la Scuola di Anatomia (École d’anatomie), Rosso est un artiste autodidacte. Il est, en outre, l’auteur de nombreux écrits véhéments et au langage bien à lui dans le champ de la théorie de l’art.

À Paris, il tisse des liens avec les impressionnistes et fait également la connaissance d’Auguste Rodin (1840–1917), artiste déjà reconnu, avec lequel il travaille désormais à une redéfinition radicale du genre de la sculpture. Pour dépasser les conceptions traditionnelles de la représentation, la production et la perception, Rosso est convaincu de la nécessité de « redonner vie » en profondeur à la sculpture :
« Il n’y a ni peinture, ni sculpture, il n’y a qu’une chose qui vit. »

Les dimensions humaines de la sculpture de Rosso, la mise en scène fragmentée créant une intimité, ainsi que l’aspect imprécis de ses figures se heurtent aux exigences d’une sculpture monumentale héroïque pensée pour l’éternité telle qu’elle était courante autrefois, et, par conséquent, à des longues traditions sculpturales. Une préoccupation semblable obsède également Rosso sur le plan du motif et de la matière : il se consacre davantage aux gens du quotidien qu’aux glorieux récits épiques et crée des œuvres qui tentent de saisir l’essence éphémère d’un moment. 

Le processus créatif de Rosso

Outre le bronze, Rosso recourt pour ses figures à des matières plus modestes et
périssables comme la cire et le plâtre, jusqu’ici utilisées en sculpture pour des étapes préliminaires ou généralement comme outils. En raison de leur souplesse et de leur malléabilité, elles donnent une impression de fugacité – raison pour laquelle ses sculptures furent également célébrées comme une version sculpturale de l’impressionnisme. Il s’agit toutefois d’une appellation qui ne décrit qu’un aspect de l’œuvre pionnière de Rosso, difficile à catégoriser à bien des égards. Au fil du temps, l’artiste se concentre sur un répertoire restreint de motifs qu’il utilise de manière répétée avec différents supports et matières et qu’il décline en variations pour obtenir de multiples effets.

À partir de 1900, Rosso intègre systématiquement la photographie dans son processus créatif. Il photographie ses figures et expose ses prises de vue aux côtés de ses sculptures ainsi que de travaux de ses contemporain·es et de copies d’œuvres d’art d’autres époques sous forme d’ensembles. Par cette mise en scène, l’espace entourant les œuvres devient partie intégrante de l’effet sculptural global. Toutefois, les figures de Rosso ne sont pas uniquement destinées à des expositions, mais aussi – du fait de leurs dimensions intimes – à l’espace privé d’intérieurs bourgeois. Elles sont intrinsèquement
liées avec ceux qui les observent et avec « ce tapis, ce fauteuil » comme Rosso l’a lui-même décrit :

                                            Louise Bourgeois
« Nous ne sommes rien que les conséquences des choses qui nous entourent. Même lorsque nous nous déplaçons, nous sommes toujours liés à d’autres choses. »
Rosso accordait de l’importance à établir une relation, une « conversation » avec son environnement. Il le formula ainsi : saisir le moment particulier où le motif surgit et produit une émotion. À l’époque actuelle où le rapport entre l’individu et la société, entre l’humain et la technique est plus que jamais à l’ordre du jour, l’œuvre de Rosso apparaît comme « étonnamment vivante » selon les mots de l’artiste Phyllida Barlow (1944–2023), qui avouait sa fascination pour le sculpteur et son œuvre.

L’exposition à Bâle

Vingt ans après la première et dernière rétrospective en Suisse, la vaste exposition Medardo Rosso. L’invention de la sculpture moderne met en évidence l’approche expérimentale et trans-médiale de Medardo Rosso. Sa réalisation repose essentiellement sur les travaux de recherche et de préparation menés durant plusieurs années par Heike Eipeldauer (mumok), complétés par le concours d’Elena Filipovic à Bâle. L’exposition
réunit près de 50 sculptures en bronze, plâtre et cire de l’artiste, parmi lesquelles des pièces emblématiques, ainsi que des centaines de photographies et de dessins. Ces dernières décennies, nombre de ces œuvres n’étaient guère visibles hors d’Italie.

                Portrait d’Henri Rouart
(1890) est exposé ici aux côtés du Torse (1878–1879) d’Auguste Rodin et des Cinq
baigneuses (1885 ou 1887) de Paul Cezanne                           

Selon le principe de mise en regard, comme le pratiquait également Rosso, l’exposition présente son œuvre en « conversation » avec plus de 60 photographies, peintures, sculptures et vidéos anciennes et contemporaines. Il en résulte des dialogues transgénérationnels d’artistes de l’époque de Rosso jusqu’à aujourd’hui, parmi lesquel·les Francis Bacon, Phyllida Barlow, Louise Bourgeois, Isa Genzken, Alberto Giacometti, Robert Gober, David Hammons, Hans Josephsohn, Yayoi Kusama, Marisa Merz, Bruce Nauman, Senga Nengudi, Richard Serra, Georges Seurat, Paul Thek, Rosemarie Trockel, Hannah Villiger, Andy Warhol, Francesca Woodman et d’autres (voir liste ci-jointe).

Comparativement à l’exposition viennoise, l’édition bâloise présente, en
outre, des œuvres d’Umberto Boccioni, Miriam Cahn, Mary Cassatt, Marcel Duchamp, Peter Fischli / David Weiss, Felix Gonzalez-Torres, Sidsel Meineche Hansen, Henry Moore, Meret Oppenheim, Simone Fattal, Giuseppe Penone, Odilon Redon, Pamela Rosenkranz, Kaari Upson, Andra Ursuţa et Danh Vō.
L’exposition commence dès la cour intérieure du Hauptbau où Les Bourgeois de Calais de Rodin (1884–1889) est mis en regard avec un travail de Pamela Rosenkranz. Le parcours mène du Hauptbau au Neubau par la liaison souterraine où est installé un ample travail de Kaari Upson. C’est ici, au rez-de-chaussée, que commence l’exposition avec une présentation monographique d’œuvres de Rosso.

L’exposition se poursuit au deuxième étage à travers les mises en regard avec des œuvres d’autres artistes. Ces dialogues s’échelonnent le long d’axes thématiques à l’instar de « Répétition et variation », « Processus et performance », « Toucher, enlacer, modeler », « Mise en scène », « Informe », « Anti-monumentalité » et « Apparaître et disparaître ».


Les œuvres présentées proviennent des fonds des collections du Kunstmuseum Basel et du mumok de Vienne, ainsi que de collections internationales comme l’Albertina Museum, Vienne, la Galleria d’Arte Moderna di Milano, Milan, le Kröller-Müller Museum, Otterlo, le Kunst Museum Winterthur, le Kunsthaus Zürich, le S.M.A.K., Gand, le Städel Museum, Francfort-sur-le-Main, le Stedelijk Museum, Amsterdam, ou des artistes euxmêmes.
L’exposition a vu le jour en collaboration avec le Medardo Rosso Estate. La
scénographie est réalisée par Johanna Meyer-Grohbrügge et son équipe.

Catalogue

L’exposition s’accompagne de la parution d’une publication consacrée à Medardo Rosso, la plus complète à ce jour. Elle réunit des essais de Jo Applin, Heike Eipeldauer, Georges Didi-Huberman, Megan R. Luke, Nina Schallenberg, Francesco Stocchi et Matthew S. Witkovsky.
Ed. par Heike Eipeldauer aux éditions Buchhandlung Walther und Franz König, Cologne,
496 pages, 450 fig., ISBN 978-3-7533-0612-4
En allemand ou en anglais

Informations pratiques


Brochure
Kunstmuseum Basel

St. Alban-Graben 8
Case postale, CH-4010 Basel
T +41 61 206 62 62
kunstmuseumbasel.ch

Horaire d’ouverture
Lu fermé
Ma 10h00–18h00
Me 10h00–20h00
Je–Di 10h00–18h00

Accès
depuis la gare SBB tram n° 2 arrêt Kunstmseum

Sommaire du mois de février 2025

                                           Le collège des Bernardins

26 février 2025 : Se faire plaisir
21 février 2025  : art karlsruhe
18 février 2025  : SOIREE ROBERT CAHEN
16 février 2025  : La Clef des songes
11 février 2025   : Suzanne Valadon
9  février 2025   : Épiphanies par Augustin Frison-Roche
7  février 2025   : Le Boléro de Ravel
6 février  2025   : Revoir Cimabue
3 février  2025   : Marina Abramović en Suisse

art karlsruhe

Pour sa 22e édition, art karlsruhe, foire d’art moderne classique et contemporain, invite le monde international de l’art dans la ville du 20 au 23 février. Quelque 180 exposants retracent 120 ans d’histoire de l’art dans les quatre halls de la foire de Karlsruhe – de l’art moderne classique à l’art contemporain en passant par l’art concret et le pop art. Depuis toujours au cœur de la marque de la foire, la sculpture joue à nouveau un rôle central en 2025.

« L’année dernière, nous avons réussi, grâce à de nouvelles idées et de nouveaux formats, à emprunter de nouvelles voies conceptuelles et à convaincre ainsi durablement»,
déclare Kristian Jarmuschek, président du comité consultatif d’art karlsruhe.

« Grâce aux nouvelles impulsions que nous avons pu donner, art karlsruhe s’établit plus que jamais comme l’un des salons les plus importants d’Allemagne – tout aussi pertinent pour les galeristes que pour les visiteurs».

La foire en chiffres

Total des exposants:
 187 galeries de 16 pays

Nations:
Autriche, Belgique, Suisse, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Pologne, Corée du Sud, Suède, Turquie, Taïwan, États-Unis, Allemagne

C’est sur une superficie de 35.000 qm que la foire accueille :
53 galeries de 15 pays

Émetteurs étrangers: 53 galeries de 15 pays
Nouvel exposant: 33
Galeries de Karlsruhe: 8
one:artist shows: 64
scupture:squares: 18
scupture:spots: 30
Stands d’information: (Mile des musées) 36
Galeries françaises : 8

Points forts de la halle

Hall 1: Art moderne classique et contemporain
Hall 2: Art après 1945 et art contemporain
Hall 3: Partenaires culturels et mécènes, musées
Hall 4: Discover et art contemporain

Expositions temporaires
  • Exposition spéciale sur la collection privée «Tamina Amadyar Aperçu de la collection Christoph Une exposition spéciale organisée par un commissaire en dialogue avec la collection de la SSC», sous la direction de Stefanie Patruno, directrice de la Stadtische Galerie Karlsruhe, position unique de la collection privée de l’éditeur de Francfort Christoph Keller en dialogue avec des œuvres de la Stadtische Galerie, hall 3I S01

    .  academy:square
    Exposition spéciale organisée par des diplômés de la Staatliche Akademie der Künste Karlsruhe, de la Staatliche Hochschule für Gestaltung Karlsruhe et de la Staatliche Akademie der Bildenden Künste Stuttgart, organisée par Eike Buhr, rédactrice en chef du magazine
    MONOPOL pour l’art et la vie (soutenue par la LBBW), Hall 3I Y14

    • paper:square et start:block

    Le paper:square est consacré aux positions artistiques qui se penchent sur les travaux avec et par le papier, hall 3. 000000000000000Il est complété par le start:block, qui présente des travaux qui, du point de vue des galeries, sont particulièrement appropriés pour commencer sa propre activité de collection, hall 3I Y15


Autres points forts

Jardin de sculptures – sponsorisé par le groupe Vollack
Outre les 18 places de sculptures intégrées dans les halls, le jardin de sculptures –  -voit à nouveau le jour en 2025 dans l’atrium de la Foire de Karlsruhe. Celui-ci est exclusivement consacré aux sculptures extérieures et complète le parcours dans la cour intérieure du parc des expositions. On y voit aussi des sculptures dans  des galeries exposantes.

re:discover et re:frame relèvent les défis du marché de l’art
Si art karlsruhe a connu un écho aussi fort et positif l’année dernière, c’est en grande partie grâce à de nouveaux formats qui abordent les défis et les questions actuels du secteur de l’art.
re:discover, lancé pour la première fois en 2024 et axé sur les artistes encore en vie qui ne sont pas reconnus à leur juste valeur malgré leur qualité artistique élevée et leur travail artistique continu, en est un exemple.
Au total, 15 galeries sont représentées cette année par une position re:discover à art karlsruhe.

re:discover est complété par re:frame, qui sera édité pour la première fois en 2025 et qui vise à montrer le meilleur traitement possible des œuvres d’art d’artistes déjà décédés et à présenter ainsi des exemples impressionnants de bonnes pratiques. Ainsi, la galerie Eric Mouchet de Paris s’engage depuis des années pour l’héritage d’Ella Bergmann-Michel et de son mari Robert Michel, tandis que la galerie SIGHT d’Offenbach représente l’héritage de l’artiste Johannes Geccelli, dont les œuvres font partie des positions centrales de la peinture allemande sur champs de couleurs. L’héritage de l’artiste finlandais Pertti Kekarainen est pris en charge par la galerie Drees de Hanovre.

L’entrée dans la collection d’art : Les formats offrent un accès à bas seuil
Pour les amateurs d’art qui souhaitent se lancer dans la constitution de leur propre collection d’art, art karlsruhe propose des approches globales et concrètes.
Le paper:square dans le hall 3 est consacré aux positions artistiques qui se penchent sur les travaux avec et par le papier. « Si l’on interroge les collectionneurs établis, une œuvre sur papier est souvent le premier achat par lequel ils ont commencé leur propre collection d’art», explique Olga BlaB.

«Afin de permettre un accès à la fois facile et fondé à la collection personnelle, nous avons complété le paper:square par le start:block, qui verra le jour pour la première fois cette année. Pour cela, nous avons explicitement demandé à nos galeries d’apporter des œuvres qu’elles considèrent comme appropriées pour effectuer leur premier achat d’art, et nous avons obtenu une sélection impressionnante dans laquelle on trouvera certainement son bonheur».

Toujours dans le hall 3, une présentation curatée de diplômés prometteurs des trois écoles d’art du Bade-Wurtemberg – la Staatliche Akademie der Bildenden Künste Stuttgart, la Staatliche Kunstakademie Karlsruhe et la Hochschule für Gestaltung Karlsruhe – voit le jour dans l‘academy:square.
Sous la direction d’Elke Buhr, rédactrice en chef du magazine MONOPOL pour l’art et la vie, les jeunes talents sont rendus visibles et peuvent être découverts par les exposants et les collectionneurs.

Un programme-cadre passionnant

Les One-Artist-Shows – des artistes et leurs travaux sélectionnés par les galeries- permettent d’avoir un aperçu approfondi de la création artistique de chacun. Chaque One-Artist-Show de la foire est automatiquement nominé pour le prix art karlsruhe, qui est remis solennellement le jeudi 20 février 2025 à14h30 dans le cadre de l’art: opening par Britta Wirtz, directrice de la foire de Karlsruhe, Arne Braun, secrétaire d’État au ministère de la science, de la recherche et de l’art du Bade-Wurtemberg, Dr. Frank Mentrup, maire de la ville de Karlsruhe, Stefanie Patruno ainsi qu’Olga BlaB et Kristian Jarmuschek. D’autres remises de prix organisées dans le cadre d’art karlsruhe récompensent également l’engagement de certains artistes et galeries.

Les prix

Le prix Loth de la sculpture est attribué cette année à la sculptrice et céramiste suédoise Eva Hild et à la galerie Martina Kaiser

Le prix Hans Platschek pour l’art et l’écriture a été décerné à la peintre et photographe germano-suisse Ingeborg Lüscher dans le cadre d’art karlsruhe, ainsi que le prix art karlsruhe à l’artiste japonaise Etsu Egami et à la galerie KORNFELD.

Quelques artistes et galeries

La profusion d’oeuvres, ainsi que leurs qualités demanderait à être vues plusieurs jours

Galerie Radial Strasbourg
La gravure et la peinture du Colmarien  Michel Cornu se partagent le dessin et la couleur,  avec la complicité de Frédéric Croizer de Radial Art Contemporain de Strasbourg.

Galerie Eric Muchet

C’est la bande dessinée qui est à l’honneur par un artiste, Ulrich Baehr nostalgique de la Russie.

Dans la même galerie, Kubra Khademi, franco-afghane,  livre un témoignage graphique et littéraire, unique sur l’invincibilité de l’art, une ode aux femmes, à la vie, à la liberté. Un jour de l’hiver 1989, à Mashhad, en Iran, dans une famille pauvre de réfugiés partis d’Afghanistan pour fuir l’armée soviétique, les moudjahidines et les persécutions que les Sunnites afghans infligent aux Chiites hazaras, une petite fille naît mains grandes ouvertes, signe de bienfaits pour la maisonnée.
Elle est la sixième dans une fratrie de dix. Le mollah refuse de lui choisir
un prénom et de l’inscrire dans le Coran familial. À quoi bon ? C’est une fille.
Finalement appelée Kubra, ce qui veut dire « grande« , l’enfant montre très tôt
un don pour le dessin. Un don comme une armure, qui la protège et la fortifie
contre les épreuves d’une existence sous la double férule du fanatisme religieux
et patriarcal. Armée de ses crayons, de ses pinceaux et d’une volonté sans faille,
Kubra entreprend une incroyable odyssée d’artiste.
C’est mon coup de coeur de la foire

Rendez-vous est donné du 5 au 8 février 2026

La Clef des songes

Chefs-d’oeuvre surréalistes de la Collection Hersaint

Joan Miró
Femme, 1934
Pastel sur papier velours, 106,5 x 70,5 cm
Collection Hersaint
© 2025 Successió Miró / ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich
A La Fondation Beyeler  du  16 février jusqu'au – 4 mai 2025
Commissariat de
Raphaël Bouvier, Senior Curator de la Fondation Beyeler.

L'Ange du Foyer avec Raphaël Bouvier curator, Evangéline Hersaint photo Domminique Bannwarth

Après la labyrinthique exposition parisienne sur le surréalisme, la Fondation Beyeler fait découvrir en première mondiale, une sélection représentative de chefs d’oeuvre surréalistes de la Collection Hersaint. L’exposition présente une cinquantaine d’oeuvres clés d’artistes tels que Salvador Dalí, Max Ernst, René Magritte, Joan Miró, Pablo Picasso, Man Ray,
Dorothea Tanning, Toyen, mais aussi Balthus, Jean Dubuffet, Wifredo Lam et bien d’autres.

Dorothea Tanning
Valse bleue, 1954
Huile sur toile, 130 x 97 cm
Collection Hersaint
© 2025 ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich

Elle s’attache à divers thèmes majeurs du surréalisme comme la nuit, le rêve, l’inconscient, la métamorphose ou la forêt, en tant que lieu d’énigmes. Les peintures de la Collection Hersaint dialogueront avec certaines pièces maîtresses de la Fondation Beyeler.

La Collection Hersaint

« La Clef des songes » : ce titre d’une toile cardinale de René Magritte appartenant à la Collection Hersaint incarne l’orientation fondamentalement surréaliste et tresse les divers liens qu’elle noue avec l’univers mystérieux, à la fois familier et inquiétant, des (mauvais) rêves et de l’inconscient. La collection a été fondée par Claude Hersaint (1904, São Paulo – 1993, Crans-Montana), l’un des premiers et des plus importants collectionneurs du surréalisme. Après avoir grandi au Brésil, Claude Hersaint s’installe à Paris, où il acquiert à l’âge de dix-sept ans sa première oeuvre de Max Ernst. En naîtra une passion pour l’art qui l’animera toute sa vie et le conduira à réunir l’une des collections de peinture surréaliste les plus remarquables au monde. La Collection Hersaint rassemble aujourd’hui quelque 150 pièces, elle conserve notamment un ensemble d’oeuvres de Max Ernst parmi les plus considérables entre des mains privées.
Claude Hersaint a entretenu pendant sa vie entière des liens d’amitié avec un grand nombre d’artistes. Son enthousiasme et son engagement en faveur de l’art ont été repris par son épouse Françoise Hersaint et
leur fille Evangéline Hersaint.

Les chefs-d’oeuvre de la Collection

Parmi les nombreux chefs-d’oeuvre de la Collection, il faut mentionner L’Ange du foyer (Le Triomphe du surréalisme) que Max Ernst a peint en 1937 et qui est devenu l’icône par excellence du surréalisme.


L’énigmatique et insondable Le Jeu lugubre (1929) incarne la quintessence de l’art de Salvador Dalí, que hantent les tabous érotiques et psychologiques. Quant au Passage du Commerce-Saint-André (1952–1954), ce chef-d’oeuvre monumental de Balthus est en prêt à long terme à la Fondation Beyeler depuis
plusieurs années. L’exposition fera voir en outre, de Dorothea Tanning et de Toyen – deux importantes artistes féminines du surréalisme –, un ensemble d’oeuvres caractéristiques qui n’ont pratiquement jamais été montrées jusqu’ici au public.

Salvador Dalí, Le Jeu lugubre, 1929
Huile et collage sur carton, 44,4 x 30,3 cm
Collection Hersaint
© 2025 Fundació Gala-Salvador Dalí /
ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich

Une longue amitié

Une longue amitié a lié Claude, Françoise et Evangéline Hersaint aux époux Ernst et Hildy Beyeler.
Affichant à la fois des similitudes et des différences, la Collection Beyeler et la Collection Hersaint se complètent idéalement. Ainsi le dialogue avec la Collection Hersaint met-il en évidence les rapports que la Collection Beyeler entretient avec l’art surréaliste, de même que les mille échos féconds que se renvoient les deux ensembles en révèlent les infinies potentialités. C’est dans cet esprit que la présente exposition fait donc entrer les chefs-d’oeuvre de la Collection Hersaint en conversation avec certains joyaux de notre musée, qu’ils soient signés Louise Bourgeois, Jean Dubuffet, Max Ernst, Alberto Giacometti, Joan Miró, Pablo Picasso ou Henri Rousseau

                                              Max Ernst, Evangeline, 1941

Claude Hersaint

Claude Hersaint est né en 1904 à São Paulo, au Brésil, où sa famille originaire d’Alsace-Lorraine avait émigré au milieu du 19e siècle. Il grandit dans le milieu traditionnel de la haute bourgeoisie intellectuelle et s’installe dès son adolescence à Paris, où il suit les cours de « Sciences Po » et étudie le droit. Claude Hersaint fait ensuite profession de banquier, un métier qu’il exercera toute sa vie. À Paris, il noue des liens d’étroite amitié avec des artistes surréalistes comme Max Ernst, Victor Brauner, Óscar Domínguez, mais
aussi Balthus et Jean Dubuffet. Il fréquente également des écrivains, des intellectuels et des collectionneurs de renom tels que Jacques Lacan, Georges Bataille, Jean Paulhan et Marie-Laure de Noailles. En 1938, il épouse sa première femme, Hélène Anavi, une fascinante personnalité mondaine de
son temps. En raison de la Seconde Guerre mondiale et des persécutions nazies, Claude Hersaint et Hélène Anavi quittent précipitamment Paris au début de 1941, et se réfugient d’abord à Rio de Janeiro avant d’émigrer à New York, où ils se lient d’amitié avec Robert Oppenheimer, Claude Lévi-Strauss, Leo Castelli, Pierre Matisse, Man Ray, Dorothea Tanning et de nombreux autres artistes qui ont pris comme eux le chemin de l’exil.

Max Ernst
Oedipus Rex, 1922
Huile sur toile, 93 x 102 cm
Collection Hersaint
© 2025 ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich

Après la guerre, Claude Hersaint revient à Paris, où il fait la connaissance de sa seconde épouse, Françoise Moutier. À partir de 1948, Claude puis Françoise Hersaint vivent à Paris et Montreux, avant de s’installer définitivement à Crans-Montana, dans le Valais. Après la mort de son mari en 1993, Françoise
s’est engagée avec détermination pour que la Collection Hersaint ne soit pas dispersée. C’est leur fille Evangéline Hersaint qui est aujourd’hui à sa tête et qui la rend pour la première fois accessible au grand public à travers la présente exposition.

Le catalogue

Édité par Raphaël Bouvier pour la Fondation Beyeler, un catalogue richement illustré de 152 pages paraît en allemand et en français aux Éditions Hatje Cantz à Berlin, dans une réalisation graphique d’Uwe Koch et Silke Fahnert. Il contient un texte d’introduction et un grand entretien avec Evangéline Hersaint.

L’exposition « La Clef des songes. Chefs-d’oeuvre surréalistes de la Collection Hersaint » a vu le jour grâce au généreux soutien d’Evangéline et Laetitia Hersaint-Lair.

Informations pratiques

Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG,
Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen/Bâle, Suisse

Horaires d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00,
le mercredi jusqu’à 20h00

Accès (conseillé)
Depuis la gare SBB prendre le tram n° 2 jusqu’à Messeplatz
puis le tram n° 6 arrêt Fondation Beyeler