Elles font l’abstraction

Hélène Frankenthaler, Cool Summer 1962

L’exposition « Elles font l’abstraction » présentée au Centre Pompidou  jusqu’au 23 août 2021, propose une relecture inédite de l’histoire de l’abstraction depuis ses origines jusqu’aux années 1980, articulant les apports spécifiques de près de cent dix « artistes femmes ».

 


La commissaire générale Christine Macel et la commissaire associée pour la photographie, Karolina Lewandowska, revisitent cette histoire, tout en mettant en évidence le processus d’invisibilisation qui a marqué le travail des
« artistes femmes », à travers un parcours chronologique mêlant arts plastiques, danse, photographie, film et arts décoratifs. Les artistes y sont présentées, selon les termes choisis pour le titre, comme actrices et cocréatrices à part entière du modernisme et de ses suites.

Cette histoire au féminin remet en cause la limitation de l’étude de l’abstraction à la seule peinture, une des raisons pour lesquelles nombre de femmes en ont été écartées, une certaine approche moderniste rejetant la dimension spiritualiste, ornementale et performative de l’abstraction.

La perspective se veut également globale, incluant les modernités d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Asie, sans oublier les artistes africaines-américaines qui n’ont eu de visibilité qu’à partir du début des années 1970, pour raconter une histoire à plusieurs voix et dépasser le canon occidental. Des espaces plus documentaires sont dévolus dans la scénographie à des expositions fondatrices, des actrices majeures de l’abstraction, des figures de la critique, notamment au sein des luttes féministes des années 1970 puis de leur relecture postmoderne.

Les questionnements

« Elles font l’abstraction » soulève par ailleurs de multiples questionnements.

Le premier concerne les termes mêmes du sujet : l’abstraction, ce langage à partir de formes plastiques qui s’épanouit au début du 20e siècle, embrasse en fait de multiples définitions.
Un autre porte sur les causes de l’invisibilisation spécifique des femmes dans les histoires de l’abstraction perdurant encore aujourd’hui. Peut-on continuer
à isoler des « artistes femmes » dans une histoire séparée, alors qu’on la souhaiterait plurivoque et non genrée ?
Il s’agit enfin de révéler les apports spécifiques des artistes présentées. Chacune à leur façon, ces artistes particulières, originales et uniques, sont partie prenante de cette histoire.

Le parcours

Ce sont 42 salles un peu labyrinthiques qui vont du Symbolisme, en passant par
Les Russes de l’avant-garde, les Expressionnismes abstraits, la Sculpture, le néo-concrétisme brésilien, au Abstractions cosmologiques. Un magnifique parcours qui demande attention et concentration.
Un podcast que vous pouvez télécharger et écouter sur votre smartphone,
enregistré par la commissaire Christine Macel  vous guide à travers l’exposition

Quelques jalons du parcours

Georgiana Houghton

Après des études artistiques, Georgiana Houghton se tourne vers le spiritualisme alors

en vogue en Angleterre. À partir de 1861, à l’aide d’une planchette à laquelle elle suspend des crayons puis à main libre, elle réalise des dessins abstraits inspirés par des guides spirituels, relevant du « symbolisme sacré ». En 1871, elle présente 155 dessins dans une galerie qu’elle loue à Londres. Malgré l’échec financier, quelques critiques lui sont favorables. Elle écrit que « ses œuvres ne pouvaient être critiquées selon des canons connus et acceptés de l’art ». Elle ne sera redécouverte internationalement qu’en 2015. Houghton se définissait comme artiste mais n’a pas conceptualisé son abstraction. Celle-ci relève encore d’un désir de « représentation » du transcendant. Il n’en demeure pas moins qu’en abandonnant le figuratif, elle a été la plus radicale de ces artistes spirites et elle se situe aux origines de l’abstraction à venir.

Hilma af Klint

Formée à l’Académie royale des beaux-arts de Stockholm où les femmes pouvaient étudier depuis 1864 − fait exceptionnel en Europe −, puis initiée au spiritisme, Hilma af Klint peint ses premières œuvres abstraites dès 1906, avec la série Primordial Chaos. Entre 1906 et 1915, elle réalise son œuvre centrale, les 193 Peintures pour le Temple. Influencée par la théosophie puis l’anthroposophie de Rudolf Steiner, elle reçoit des « commandes » d’êtres supérieurs rencontrés dès la fin des années 1890. Les découvertes de la théorie de l’évolution en biologie ainsi que de l’atome et de la théorie de la relativité en physique renforcent sa conviction que l’esprit domine la matière et que la conscience peut changer l’être. L’abstraction est pour elle la manifestation naturelle de l’esprit vivant qui relie tous les êtres. Cependant, ces œuvres sont plus a-mimétiques (elles n’imitent pas le réel) qu’abstraites, au sens de « formes pures » détachées de toute volonté de représentation. En 1932, af Klint soustrait volontairement son œuvre au regard, exigeant qu’elle ne soit dévoilée que vingt ans après sa mort. Elle n’aura donc pas de reconnaissance avant les années 1980. Mais l’ampleur et l’originalité de sa recherche en font une précurseure longtemps méconnue de l’abstraction symboliste de la fin du 19e siècle.

Sonia Delaunay-Terk

Sonia Delaunay-Terk étudie en Allemagne avant de s’installer à Paris en 1906. Elle y épouse Robert Delaunay en 1909 devant lequel elle s’est trop souvent effacée pour mieux entretenir son souvenir. Son abstraction colorée, exaltée par la loi des « contrastes simultanés », s’étend des beaux-arts aux arts appliqués, en une union originale entre art et vie quotidienne.
Par ses assemblages de morceaux de tissus ou de papiers colorés, elle réalise dès 1911 des œuvres abstraites. En 1913, La Prose du Transsibérien inaugure ses recherches sur les correspondances entre la couleur, le son, le mouvement et le rythme. Exilée en Espagne pendant la première guerre mondiale, elle ouvre à Madrid une maison de décoration et de mode, Casa Sonia, puis conçoit des costumes et ouvre sa propre maison de couture en 1925 à son retour à Paris. Évoluant dans un milieu essentiellement masculin, elle refusera toujours d’être perçue comme une « femme artiste ». Elle devra cependant attendre 1967 pour être enfin reconnue pour elle-même.

Sophie Taeuber-Arp

Artiste majeure de l’abstraction, Sophie Taeuber, fille d’une féministe avant l’heure ouverte aux arts, fréquente l’école de dessin du musée pour l’industrie et l’artisanat de Saint Gall en Suisse avant de recevoir une formation de textile et travail du bois à Munich. Elle développe son propre vocabulaire formel abstrait à partir de formes géométriques, sans passer par un processus d’abstraction. Elle décloisonne également les arts, mettant sur le même plan arts plastiques et arts appliqués. En 1915, lorsqu’en pleine guerre, Taeuber fait la connaissance de Jean Arp, elle a déjà une vaste culture, à la fois théorique et concrète. Ses essais de broderies et tissages impressionnent et influencent Arp. Son œuvre traverse ensuite toutes les époques et les médiums, de la danse dadaïste en 1916 et des têtes en bois tourné à partir de 1918, à ses réalisations à L’Aubette en 1928, en passant par ses contributions aux groupes phares de l’abstraction à partir des années 1930, jusqu’à son décès brutal en 1943.
Son abstraction épurée demeure imprégnée de mouvement et de rythme, caractéristiques de sa pratique de danseuse au milieu des années 1910. Eclipsé en partie par celle de son mari qui se réclamait pourtant de son influence, son œuvre rencontre une reconnaissance posthume amorcée par la Documenta 1 de 1955, où elle est l’une des rares femmes exposées.

« Eccentric Abstraction »

                 Louise Bourgeois, Eva Hesse, Lynda Benglis, Rose Marie Castoro.

 

En 1966, la critique d’art Lucy Lippard organise l’exposition « Eccentric Abstraction » à la Fischbach Gallery de New York. Elle y rassemble des artistes privilégiant des matériaux peu conventionnels, comme la fibre de verre ou le latex, dont les sculptures informes sont imprégnées d’un fort sentiment corporel. Leur abstraction à l’aspect organique répond de façon subversive et parfois humoristique à la modularité rigide de la forme minimale.
Des sculptures de Louise Bourgeois, Eva Hesse ou Alice Adams y sont présentées. L’œuvre sculpturale de Rosemarie Castoro, légèrement postérieure, relève d’une même déconstruction du formalisme géométrique de l’art minimal.
                                                        Apy Art centre collective
                                   la loi des femmes est vivante sur nos terres 2018

Informations pratiques

Le Centre Pompidou 75191 Paris cedex 04
Métro : Hôtel de Ville, Rambuteau RER Châtelet-Les-Halles

Horaires
Exposition ouverte tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi

Kara Walker

Jusqu’au 26.09.2021, au Kunstmuseum Basel | Neubau
Commissaire : Anita Haldemann

A Black Hole Is Everything a Star Longs to Be

À travers la première grande exposition suisse consacrée à l’artiste noire américaine Kara Walker (*1969), le Kunstmuseum Basel présente plus de
600 travaux sur papier provenant de ses archives personnelles jamais exposés auparavant. Ces oeuvres de ces 28 dernières années figurent aux côtés de dessins inédits abordant des sujets contemporains, à l’instar de l’héritage de Barack Obama.
Kara Walker  explore, détourne et dénonce les représentations du racisme et de l’Etranger, des plus insidieuses au plus innommables.
C’est une incroyable interpellation lorsque l’on pénètre dans les salles du musée, qui vous saisit, on est partagé entre l’horreur, la curiosité devant l’imagination créative, mais aussi le rire, car elle manie l’humour avec bonheur. L’ensemble est présenté comme une grande installation que l’artiste veut « désordonnée » mais qui montre sans filtre la pensée et le processus de son travail.

                                            The Right Side, 2018

Sujet d’actualité

Kara Walker compte parmi les artistes de premier plan aux États-Unis. À l’aide de techniques artistiques traditionnelles, elle crée des oeuvres provocatrices d’un raffinement extraordinaire abordant l’histoire, les relations raciales, les rôles de genre, la sexualité et la violence. Walker ne propose pas de se réconcilier avec le passé, mais incite plutôt le spectateur à remettre en question les récits établis et les mythes tenaces. Découpages subtiles, dessins et aquarelles souvent réunis en grandes installations murales garnissent les cimaises du – 1 du Kunsmuseum. Sans aucun ménagement, elle analyse des conflits profondément enracinés et des injustices sociales persistantes. Au regard du mouvement Black Lives Matter qui a également retenu l’attention à la lumière des derniers événements, l’oeuvre de Kara Walker s’inscrit plus que jamais dans l’actualité.

La traite, l'esclavage, le racisme : impossible, pense-t-on, d'en faire des thèmes pour des oeuvres d'art, à moins que celles-ci soient de dénonciation ou de commémoration, les seules tonalités acceptables. Ce sont des sujets trop graves et douloureux pour qu'une autre manière soit seulement possible.

Kara Walker montre qu'il n'en est rien. Que le rire léger ou gras, la facétie poétique ou scabreuse, l'allégorie absurde ou fantastique sont autant de modes acceptables s'ils sont employés avec justesse ; et qu'ils sont aujourd'hui bien plus troublants que la réprobation grandiloquente, devenue la plus banale figure de style du "politically correct", en France autant qu'ailleurs. Philippe Dagen, Le Monde

Sa pratique

Au milieu des années 1990, l’artiste a acquis une renommée grâce à ses silhouettes de papier découpé se déployant sur les murs. À l’hiver 2019/2020, son imposante sculpture Fons Americanus présentée à la Tate Modern de Londres a fait les gros titres. Le dessin sur papier reste cependant au fondement de la pratique artistique de Kara Walker. Pour l’exposition bâloise, l’artiste ouvre pour la première fois ses archives bien gardées et offre un aperçu sans précédent de sa pratique. De petites esquisses, des études, des collages et de grands formats élaborés avec minutie apparaissent aux côtés de notes de journal, de pensées dactylographiées sur des fiches et de dessins de rêves. L’intimité de chaque page individuelle contraste avec l’étonnante diversité des oeuvres : en s’approchant et s’éloignant, le spectateur devient le témoin oculaire de la genèse de l’art de Walker, en observant la manière dont elle transcrit sa pensée sur le papier, invente, adapte et transforme figures et récits.Ses silhouettes découpées dans du papier noir, inspiré d’un Sud mythique d’avant la guerre de Sécession, ne sont pas sans évoquer un autre artiste de la dénonciation du traitement infligé à la population des immigrés, William Kentridge . (présenté en 2019, au Kunstmuseum Basel | Gegenwart)

Yesterdayness in America Today, 2020

Les portraits

À la différence de ses élégants panoramas de silhouettes, ses dessins semblent contenir davantage de spontanéité et d’émotion. Souvent réalisés au pinceau, ils possèdent une dynamique fluide et ouverte. Walker questionne sa propre identité – en tant qu’artiste, noire, femme et mère – tant sur le plan personnel que dans le contexte socio-politique d’événements actuels. Pour l’exposition, elle a ainsi réalisé quatre portraits saisissants de la présidence et de l’héritage de Barack Obama. Kara Walker le montre comme un Saint Antoine martyrisé,
le saint patron des choses perdues, ou en tant que chef tribal africain. En fait elle n’idéalise pas le premier président noir des États-Unis, elle le fantasme, en le présentant comme Othello, le maure, tenant sur ses genoux la tête de Iago : Obama tient dans ses mains la tête blonde sectionnée de son successeur…
Un pastel énigmatique intitulé Allégorie des années Obama montre l’ancien président dans le ciel, brillant et divin, alors que des nuages ​​sombres se rapprochent. Une silhouette pleure en bas, comme si elle assistait à la disparition de l’espoir incarner.
En traquant toutes les incarnations du racisme, elle dessille nos yeux et nos conformismes sur les représentations des Noirs et de l’Etranger.

Également visible, un travail en 38 parties intitulé
The Gross Clinician Presents: Pater Gravidam qui aborde des questions relatives à l’inspiration et à la créativité, ainsi qu’aux traditions du dessin pour lesquelles le Kupferstichkabinett (cabinet des arts graphiques) possède de nombreux exemples.

The Gross Clinician Presents: Pater Gravidam

Eléments biographiques

Née en 1969 à Stockton, en Californie, Kara Walker s’installe à Atlanta, en Georgie, avec sa famille à l’âge de treize ans. Elle étudie au Atlanta College of Art (Bachelor of Fine Arts en 1991) puis à la prestigieuse Rhode Island School of Design (Master of Fine Arts en 1994).
Kara Walker a reçu de nombreuses distinctions pour son oeuvre, dont le John D. and Catherine T. MacArthur Foundation Achievement Award en 1997 et le Eileen Harris Norton Fellowship en 2008. Elle est membre de l’American Academy of Arts and Letters (élue en 2012) et de la American Philosophical Society (élue en 2018). En 2019, elle est nommée Honorary Royal Academician par la Royal Academy of Arts de Londres.
Ses oeuvres sont représentées au sein de musées et de collections publiques de renom aux États-Unis et en Europe, à l’instar du Kupferstichkabinett du Kunstmuseum Basel, du Solomon R. Guggenheim Museum à New York, du Museum of Modern Art à New York, du Metropolitan Museum of Art à New York, de la Tate Gallery à Londres, du Museo Nazionale delle Arti del XXI secolo (MAXXI) à Rome et de la Sammlung der Deutschen Bank à Francfort-sur-le-Main.
L’artiste vit et travaille à New York.

Le catalogue

Dans le cadre de l’exposition, un catalogue abondamment illustré avec des contributions de l’artiste, d’Anita Haldeman, Aria Dean et Maurice Berger a paru chez JPR Editions (ISBN 978-3-03764-558-1).

Horaires

MA 10H00–18H00
ME 10H00–20H00
JE–DI 10H00–18H00

Entrée libre dans la collection et les expositions temporaires:
mar, mer, jeu et ven de 17h, ainsi que le 1er dimanche du mois.
En règle générale, l’entrée libre n’est pas valable pour les grandes expositions temporaires. 

Attention le tram 2 ne s’arrête pas devant le musée, il faut descendre à l’arrêt Bankverein

Sommaire du mois d’avril 2021

Fondation Beyeler, terrasse de la Villa Berower

Calendrier du déconfinement du 29 avril 2021

Et la Covid est toujours là !!!

24 avril 2021 : Life – OLAFUR ELIASSON à la Fondation Beyeler
23 avril 2021 : « Faces » d’Anne-Sophie Tschiegg
20 avril 2021 : LENZ AU MUSÉE
17 avril 2021 : Anne-Catherine Goetz
11 avril 2021 : Donner son sang au musée !
9 avril 2021 : Peintres femmes, 1780-1830. Naissance d’un combat
7 avril 2021 : La Fondation Beyeler et Nordstern Basel présentent Dixon x Transmoderna
4 avril 2021 : Joyeuses Pâques
1 avril 2021 : Philippe GELUCK, Le Chat à Matignon

Sommaire du mois de décembre 2020

Rodin, le Baiser 1889-98, bronze, collection de la Fondation Pierre Gianadda
®photo Michèle Strauss

Je dédie cette annus horribilis 2020, à ma petite nièce Virginie Ingold,
qui est allée rejoindre son père Dominique Ingold et son cousin Pierre Bayon, parmi les anges.

« Tu es une femme en or, d’une gentillesse incroyable, malgré tout… Souriante, drôle et serviable…La vie est injuste, et comme à son habitude, elle fait toujours partir les meilleurs en premier… 🙏❤
Fait bon voyage « belle brune » »
je laisse la parole ci-dessus à l’un de ses amis, Jojo Caro Mylan Wittmer, (extrait)


 

26 décembre 2020 :  Un monde infini : Artistes chamanes, autour d’une collection de l’Himalaya
23 décembre 2020 :  Noël 2020
21 décembre 2020  :  Katja Aufleger. GONE
14 décembre 2020  :  Rodin / Arp à la Fondation Beyeler
10 décembre 2020  :  Cadeaux de Noël
08 décembre 2020 :   Jean Pierre Parlange à l’appartement
07 décembre 2020  :  Putain de Covid
05 décembre 2020  :  Rembrandt, la Pièce aux cent florins

Un monde infini : Artistes chamanes, autour d’une collection de l’Himalaya

Katharina Leutert, YEPA 2019, Ecorce d’Eucalyptus et Gouache

A la Fondation Fernet Branca jusqu’au 10 JANVIER 2021

BAE BIEN-U – GASTON DAMAG – DAMIEN DEROUBAIX – IWAJLA KLINKE – KATHARINA LEUTERT – MYRIAM MIHINDOU – SABA NIKNAM – MAREN RUBEN – SYLVIE VILLAUME

L’exposition « Un monde infini : Artistes chamanes, autour d’une collection de l’Himalaya » est la rencontre d’une collection d’objets chamaniques de l’Himalaya et d’artistes contemporains qui développent une recherche d’unité et de communion avec la nature, ou de témoignages des rites de passage.
L’exposition est donc un double voyage, celui de l’art contemporain et de découvrir le travail d’artistes dans toute leur dimension, mais aussi un voyage dans le monde chamanique. Celui des symboles, des représentations, d’une vision du monde spirituelle où le quotidien doit être protégé pour faire en sorte que la vie physique, matérielle et sociale se passe du mieux possible. Une quête de la paix collective qui se transcende dans la communion d’un tout avec les esprits et la nature.
Ce jeu de protection du monde nous impose un regard ouvert d’anthropologue sur ces formes et ces expressions liées aux rites. Ce même regard est porté sur notre monde par des artistes afin de dégager des émotions, nous faire partager des interrogations communes.
Pierre-Jean Sugier, directeur de la Fondation Fernet-Branca

Je m’étais réjouis de suivre la visite guidée et la conférence proposées par la fondation, car j’ignorai tout sur le chamanisme. La Covid en a décidé autrement, aussi je vous parlerai de ma visite en solitaire. Le musée pourra t’il proroger l’exposition ?

Les objets de la collection chamanique de Pierre Zinck, parcourent l’exposition et sont en résonance avec les oeuvres exposées. Il en va de même pour les sculptures de Katharina Leutert. Le collectionneur nous raconte sa passion dans une vidéo située au RDC de la fondation.

Le parcours de l’exposition

Dès la première salle, l’intrigue démarre à la vue des statues protectrices et des photos mystérieuses de Bae Bien-U qui surgissent dans le white cube.

Bae Bien-U

Né en 1950 en Corée du Sud, Bae Bien-U est photographe depuis maintenant une quarantaine d’années. De renommée Internationale, il est présent dans les grandes collections Privées comme Publiques.
Bae Bien-U a réalisé plusieurs séries emblématiques sur les arbres sacrés, l’Océan et les Orums (collines volcaniques d’une île coréenne). La nature est omniprésente dans ses photographies.


De plus, la culture et les traditions coréennes ont une réelle importance dans le travail artistique de Bae Bien-U. Notamment dans la série Sonamu, où le pin y figure, arbre dominant dans la culture coréenne. Il est symbole de longévité et de par cet arbre, l’artiste en fait l’âme même du peuple coréen. Pour lui, chacun de ces arbres sont des êtres à part entière, associant harmonie et prospérité.
En contemplant les grandes photographies de Bae Bien-U, de formats panoramiques, l’artiste réussit à nous faire entrer dans les mystérieux sous-bois et paysages environnés par la brume, au caractère sacré. Il reconstruit la nature, le temps y semble suspendu, le silence s’y installe. Sans trace humaine, le spectateur entre en connexion et en harmonie avec la nature.

Sylvie Villaume

Née en 1963 à Saint-Dié des Vosges, Sylvie Villaume est une artiste pluridisciplinaire qui travaille parallèlement ou successivement dessins, couzages (oeuvres élaborées essentiellement en couture), objets et sculptures d’assemblage, ainsi que la vidéo.


Ses assemblages de « mondes » et de matériaux supposent un regard distancié, d’où naissent des formes hybrides qui suggèrent plus qu’elles n’imposent.
Elle crée des objets scéniques, spectacles transdisciplinaires ; elle y fabrique plus particulièrement les vidéos et les costumes, et s’occupe également de la mise en scène. Ses objets scéniques traduisent eux aussi cet intérêt pour l’assemblage (de vidéo, danse, costumes-objets, musique, texte) et la liberté qui en découle.


Elle écrit des textes de fiction, des récits et des échos d’expériences plastiques, parfois des chansons.
Elle a publié plusieurs ouvrages (dessins et/ou textes) aux éditions Les Lieux-Dits, l’Harmattan et l’université de Strasbourg.

Maren Ruben

D’origine allemande, Maren Ruben vit et travaille à Strasbourg depuis 1998. Sa pratique depuis vingt ans est axée sur la peinture, le dessin ainsi que l’installation. Déjà vue à l’exposition  KunstKosmos Durbach
Ses oeuvres sont l’expression d’un examen approfondi de la théorie, de la philosophie et de l’histoire de l’art et cherchent leur propre position au sein de l’art contemporain.
L’oeuvre de Maren Ruben incarne une forme de représentation abstraite de la peau protectrice, une texture organique sur laquelle se condensent les traces.
Dans les zones situées entre la membrane protectrice et les limites d’un territoire, Maren Ruben explore dans ses oeuvres l’extérieur et l’intérieur du vivant. La forme et la matière, qui semblent s’émanciper, cherchent constamment à s’étendre.

Myriam Mihindou

Myriam Mihindou est née à Libreville, Gabon en 1964. Aujourd’hui, elle vit et travaille à Paris. Myriam Mihindou pratique la photographie, le dessin, la performance, la vidéo et l’installation. Mais c’est la pratique de la sculpture qui habite l’artiste, et ce depuis maintenant plus de trente ans. Elle se définie comme étant « sculpteur de l’âme ».

En effet, le corps occupe une place importante dans son travail. En forgeant les mots, elle retrace ceux qui blessent comme ceux qui guérissent. C’est ainsi qu’elle donne parole à ses oeuvres.

Saba Niknam

Saba Niknam est née en 1988 à Téhéran, aujourd’hui elle vit et travaille à Strasbourg.
« J’ai toujours éprouvé une grande passion pour la magie et la mythologie, j’aime raconter des histoires et de fait, j’admire les conteurs ; je pense que les histoires ont la capacité à sauver les âmes humaines. Malheureusement, je ne suis pas douée pour l’écriture alors je crée des images et des objets pour partager mes histoires avec les autres.

J’utilise toujours l’art comme matériau de guérison des âmes. “Montre tes blessures”, disait Joseph Beuys.
Je ne sais pas si je suis une chamane ou non, je laisse le public décider, mais je suis une conteuse à travers les images. »
nous confie Saba Niknam.
Dans cette exposition, Saba Niknam nous conte sa rencontre avec Erlik Han, le Dieu de sous la terre et de la mort dans les mythologies mongole et turque.
Un bijou s’est glissé sur support que l’oeil attentif ne peut rater,
vision de Tarvaa

Iwajla Klinke

Iwajla Klinke est photographe allemande.
Iwajla Klinke réalise de nombreux voyages, à la quête d’anciennes coutumes, de traditions. Avec son appareil photo réflexe numérique à objectif unique, et un simple drap noir, elle part à la rencontre du folklore et des différentes cultures.
Iwajla Klinke photographie des cérémonies, des moments sacrés, solennel, dans la vie quotidienne. Sont photographiés principalement des enfants et de jeunes adultes, vêtus de costumes traditionnels ou parfois des créations manufacturées, qui préservent un semblant de rituel ancien. Plongés dans un fond noir, la lumière naturelle du jour émane les modèles, faisant ressortir les multiples couleurs et détails de leurs vêtements. A travers ses photographies, Iwajla Klinke interroge le sacré.

Gaston Damag

Né en 1964 à Banaue, aux Philippines, dans une famille de longue lignée de chamanes, Gaston Damag arrive en France en 1984 (et restera dix-huit ans sans retourner aux Philippines). Gaston Damag a longtemps pratiqué la sculpture et l’installation avant de se consacrer à la peinture.


« Quand je peins ici dans mon atelier, dans mon jardin de l’île Saint-Denis, les chants accompagnent les rituels de mon pays remontent en moi. Alors je chante, je fredonne à chaque fois que je peins. »
Marquées par les couleurs et la force gestuelle, les peintures de Gaston Damag convoquent la chair et la mémoire, la matière et l’esprit. Ainsi, la création de ses peintures révèle un certain rituel.

Damien Deroubaix

Né en 1972 à Lille, Damien Deroubaix vit et travaille aujourd’hui à Meisenthal. Il a exposé dans les meilleures institutions européennes et a fait de nombreuses expositions individuelles notamment en Suisse et en Allemagne. En 2009, Damien Deroubaix a été nominé au Prix Marcel Duchamp. Aujourd’hui, ses oeuvres font partie des plus grandes collection nationales.
Damien Deroubaix a été l’hôte du MAMCS (musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg) au mois d’avril 2019. 
Circulant d’un medium à l’autre avec aisance et virtuosité technique, les thématiques de l’alchimie,  du chamanisme, du glissement vers le surnaturel, de la perméabilité des frontières entre le réel et l’onirique, sont les fils rouges de ce vaste déploiement entre clarté et obscurité.


Damien Deroubaix a une pratique artistique transdisciplinaire : il pratique la peinture à l’huile, l’aquarelle, la gravure, la tapisserie, la sculpture et encore l’installation. Sa peinture relève de l’expressionnisme et témoigne de thèmes apocalyptiques, où se projettent des images de l’histoire, de l’actualité, et s’entremêlent à la foi mythologie et folklore.

Katharina Leutert

Née en Suisse, Katharina Leutert commence sa formation à la fin des années 1970, aux Beaux-Arts de Lucerne. Après un passage remarqué dans le milieu parisien de la mode, notamment chez Emanuel Ungaro, elle s’oriente vers la sculpture. Reconnue depuis une vingtaine d’années en France et à l’étranger, l’artiste expose régulièrement en Europe. Ses oeuvres figurent dans de nombreuses collections privées, à Atlanta, Berlin, Brasilia, Dallas, Édimbourg, Londres, Montréal, New York, Paris, Salzbourg, Toronto et Zurich.

Je me sens proche, en fait, des artistes dont je dirais qu’ils sont « modestes », ceux qui n’hésitent pas à travailler dans un certain état d’abandon. Il y a dans ma langue un mot pour ça, « ohnmacht », qui ne se traduit pas, mais qui pourrait se rapprocher de l’expression « tomber dans les pommes », qui me fait elle-même penser au verbe « se perdre ». Une forme d’aveu, en somme, face à l’impossibilité de comprendre le mystère de ce monde dans lequel nous vivons.

Information pratiques

Fondation Fernet-Branca
2, rue du Ballon 68300 Saint-Louis
fondationfernet-branca.org Instagram @fernetbranca Facebook @fernetbranca68
Horaires d’ouverture 
du mercredi au dimanche de 13h à 18h
Accès :
Aéroport Bâle/Mulhouse (à 5 minutes)
SNCF
Autoroute A35
La Ville de Bâle est à 5 minutes de Saint-Louis.
Arrêt de bus « Carrefour Central / Croisée des Lys » (à 3 minutes du musée) – direction Bâle station « Schifflände »
Tarifs : Entrée : 8€ Tarif réduit : 6€ Gratuit : moins de 18 ans, enseignants, journalistes, handicapés
Museums-Pass-Musées

Jean Pierre Parlange à l’appartement

Valérie Cardi directrice du mensuel culturel de la région rhénane
hebdoscope, a ajouté une nouvelle corde à son arc.
Elle accueille désormais des expositions d’artistes dans « l’appartement »
11 rue Descartes à Mulhouse, ainsi qu’à Freiburg au « Die  Nr 9 »,
chez Edle Aussicht, Waltershofener Strasse 9
C’est ainsi que l’on a pu voir en Allemagne, de septembre à novembre 2020 l’exposition de Pascal Henri Poirot, après qu’elle l’eut présenté à ST’ART en 2019.

 


Jean Pierre Parlange

Accrochés aux cimaises de ce bel espace, qui domine la place du marché, les dessins de Jean Pierre Parlange, (son site) semblent une évidence dans ce nouveau lieu.
Jean Pierre Parlange navigue entre maîtrise absolue et vagabondage fantasmé. Ses dessins rappellent de manière frappante, un autre maître du dessin érotique Egon Schiele. Illustrateur pendant vingt ans, il a goutté aux joies de l’édition, de la publicité ou du packaging. Il utilise aussi bien la peinture numérique que traditionnelle, mais tout ceci est devenu un passe temps quand en 2001, nommé rédacteur en chef de la revue Dessins & Peintures, il lâche le pinceau pour la plume.

Sa devise ?

« La perfection n’existe pas, alors autant ne pas s’en préoccuper ».

Entretien

Comment êtes-vous venus à l’art ?
C’est une rencontre avec une chorégraphe qui m’a fait prendre conscience,
il y a longtemps, que je pouvais mettre mon savoir faire au service de l’art et pas seulement au service de mes clients pour gagner ma vie.

Depuis quand dessinez-vous ?
Enfant, je ne faisais que dessiner, ensuite, j’ai toujours obtenu de bonnes notes concernant le dessin, plus tard, tout au long de ma vie d’illustrateur, j’ai continué à ne faire que ça.

Vos parents, la famille ?

Mes parents furent totalement opposés à mes projets de vie d’artiste, mais j’étais encore plus têtu qu’eux.

Comment définiriez-vous votre peinture ?

Je ne me considère pas comme un peintre, je suis un dessinateur qui emploie de la couleur. Je ne dessine pratiquement que d’après modèle vivant. Deux choses m’intéressent, l’élégance et le caractère du modèle, qui détermine souvent le caractère de mon dessin.
Il s’agit d’un exercice difficile et exigeant que d’aller toujours à l’essentiel, d’éliminer le caractère décoratif et commercial d’une œuvre. Je travaille d’abord pour moi, je ne cherche pas à plaire ou à séduire.

 

Faites-vous des dessins/essais préparatoires ?
Je passe mon temps à dessiner, donc j’ai des milliers d’esquisses en stock, il est finalement très rare que j’aboutisse un dessin avec les notions de couleurs et de composition.

Quand travaillez-vous?
Essentiellement quand j’ai envie, ou lorsque qu’une exposition ou une commande approche et que je dois produire.

A quel endroit, maison, atelier ?
Je travaille beaucoup l’image numérique que je considère comme l’art du XXIe siècle, et dans ce cas je deviens nomade, il me suffit d’un ordinateur et d’une tablette graphique pour travailler où je veux. Ce que je préfère reste tout de même le travail d’après modèle vivant, que je pratique seul, avec des modèles qui sont devenus mes amis, ou en groupe chez des amis peintres. Il m’arrive aussi à la belle saison de sortir dessiner les passants dans la rue.

Un rite pour vous mettre au travail ?
La présence d’un modèle ou bien la solitude de l’atelier. Je ne peins pas de belle images, j’essaie simplement de rendre compte de la relation qui s’établit entre le modèle et moi. C’est quelque chose de très humain, d’intense. J’ai beaucoup de respect pour toutes les personnes qui, ont un jour posé pour moi.

Votre technique ?
Tous les outils simples d’emploi, la mine de plomb, l’aquarelle et surtout l’encre de Chine. J’adore ce médium pour son côté sans concession, noir sur blanc, sans possibilité de correction qui demande une réflexion rapide, presque instinctive. Je sais peindre avec l’huile, mais le côté mise en œuvre compliquée et tout le cérémonial qui va avec ne font que diluer mon propos.

L’ambiance, musique, silence, intérieur, extérieur ?
Ce qui me plaît, c’est l’ambiance d’une séance de pose, le silence et le son de la mine de crayon qui trace sur le papier. J’aime aussi parfois les discussions naturelles, à propos de tout et de rien qui viennent détendre l’atmosphère, parfois les éclats de rire, ou bien un sourire complice du modèle, tout ceci est très naturel et très humain.

Vos maîtres ?
Tous les bons dessinateurs m’impressionnent. Je ne parle pas bien sûr de gens qui reproduisent des photographies à la perfection, ceux là m’indiffèrent.
Je parle de dessins expressifs, quand on sait que le dessinateur n’a pas triché, quand il vous montre son trait comme d’autres écrivent des poèmes sensibles.

Si je remonte à mes débuts, j’ai adoré les peintres préraphaélites, plus tard, la sécession viennoise m’a beaucoup marquée. Des artistes comme Gustav Klimt, Egon Schiele ou Koloman Moser sont toujours à mes côtés lorsque je dessine… Mais je m’arrête là, la liste serait beaucoup trop longue.

Qu’est  devenu votre travail pendant le confinement ?
J’ai continué à travailler sur commande, comme si de rien n’était, j’ai aussi continué à dessiner d’après modèle.

Que cherchez-vous à exprimer dans votre travail, qui ne serait pas possible avec des mots ?
Bonne question qui me touche ! Je considère que le dessin est l’ancêtre de la lettre, les enfants dessinent avant de savoir écrire, les grottes de Lascaux sont couvertes de figures animalières, et les égyptiens avec les hiéroglyphes mélangeaient le dessin et l’écriture. Le dessin est une forme sauvage d’écriture, quelque chose de plus essentiel, mais en même temps de moins universel. Au fond, ce qui est important, c’est l’expression et l’élégance, et aussi que le spectateur-lecteur saisisse le sens du trait, qu’il touche du doigt un peu de l’âme du dessinateur.

Quand avez-vous décidé d’exposer votre travail ?
Jeune, j’ai exposé mes illustrations et mes peintures un peu partout, mais en même temps comme j’étais tout de même pas mal édité, je ne ressentais pas ce besoin pressant que d’autres éprouvent à présenter leur travail. Aujourd’hui, je ne cherche pas, même si je suis toujours partant, surtout avec une amie comme Valérie Cardi.

Comment définiriez-vous votre travail ?
Traits, expressivité, toujours aller à l’essentiel, plaisir de dessiner, challenge de la ressemblance, de la rapidité d’exécution, composer, cadrer, respect des règles de la perspective, ne pas trop tomber dans la description détaillée, travail sans filets !

Peignez-vous des autoportraits ?
Oui, j’en ai fait quelques uns, il s’agit d’un exercice d’introspection intéressant, mais en même temps, il s’agit d’un exercice un peu nombriliste, à pratiquer avec retenu, en tout cas pas trop souvent.

Les artistes doivent-ils être le reflet des sentiments, de la vision de leur époque ?
Je pense que la nature humaine n’a jamais changée depuis la nuit des temps. Les modes elles changent à chaque génération, à chaque époque. Ce qui m’intéresse, c’est la nature humaine avec toutes ses facettes, grandeur, bassesse, beauté, laideur, etc…

Quelle est votre plus belle rencontre en art ?
Je crois qu’Hergé a déterminé ma vocation. Tout est simple et expressif chez lui, les personnages, les décors, les véhicules…

Une définition de l’art
Provoquer des émotions à l’aide de l’outil qu’est le savoir-faire.

Dès le 15 décembre ( sous réserves) vous pouvez contacter Valérie Cardi pour une visite de l‘appartement et à Freiburg les peintures de Bernard Latuner
 – 06 86 66 73 41
adresse mail valeriecardi68@gmail.com

Merci à Jean Pierre Parlange d’avoir accepté le principe des questions/réponses
confinement oblige

 

Sommaire du mois de septembre 2020

Robes du soir, présentées dans l’exposition Man Ray et la mode au musée du Luxembourg
Jeanne Lanvin et Jean Charles Worth (1925)

20 septembre 2020 : Le Monument, Le Labeur Et L’hippocampe
15 septembre 2020 :  Delphine Gutron
12 septembre 2020 :  Taro Izumi. ex
08 septembre 2020 : Pour tout le sel de la terre
06 septembre 2020 : Susanna Fritscher, Frémissements
04 septembre 2020 : Richard Chapoy -ARTCHIMIE-

Le monument, le labeur et l’hippocampe

Jusqu’au 15 novembre 2020 à la Kunsthalle de Mulhouse
Commissaire : Sandrine Wymann
les artistes : Véronique Arnold (FR), Hélène Bleys (FR), Irina Botea Bucan (RO) et Jon Dean (UK), Tanja Boukal (AT), Igor Grubic (HR), Zhanna Kadyrova (UA)

Tanja Boukal

 C’est la mémoire industrielle, qui est évoquée à la Kunsthalle, celle qui laisse les traces du travail, de l’humain, dans nos paysages et dans nos vies. Elle est conçue à partir de l’exemple mulhousien. L’histoire récente de la ville sert de modèle mais pas d’unique point de repère.
Ce qu’elle livre de son passé, la façon dont elle s’en accommode vaut pour d’autres villes, d’autres régions. Elle est représentative d’une histoire industrielle faite de constructions, de travailleurs et d’une certaine idée du progrès qui a traversé son siècle mais pas forcément tenu ses promesses.

L’hippocampe, « animal exotique », est un organe du cerveau, de petite taille, qui ressemble grandement à un cheval de mer. Situé dans le lobe temporal, il est le siège d’une mémoire à long terme, autrement dit de la mémoire de l’individu depuis le moment où il est capable de se souvenir. Cet organe joue un rôle central dans le stockage des connaissances dites explicites, celles que l’on peut formuler par le langage. Il est aussi le siège de ce qu’on appelle la mémoire épisodique, celle qui nous permet d’enregistrer des informations factuelles et contextuelles, celle qui nous sert aussi à voyager mentalement dans le temps et l’espace. Une sorte de disque dur personnel, qui archive nos souvenirs.

Hélène Bleys

L’image commandée à l’artiste Hélène Bleys (en en-tête) qui  illustre le carton de l’exposition, est une sorte d’hippocampe posée sur un enchevêtrement de fils entremêlés et ombrés, des fils qui nous ramènent naturellement à Mulhouse à l’industrie textile. Cette industrie qui a façonné la cité, planté ses usines-monuments dans le paysage, organisé la vie de ses habitants laborieux. Le labeur renvoie à la dimension humaine du sujet.
L’image est au coeur de la pratique d’Hélène Bleys. Par le dessin, qu’elle exerce abondamment, elle dialogue avec des sujets ou des motifs qu’elle met en lumière ou perd dans de vastes compositions.
Autour du dessin, viennent graviter d’autres pratiques telles que la céramique, qui prolongent ses investigations picturales. Membre du collectif Ergastule

elle administre leurs ateliers depuis 2015.
En 2017, elle a été accueillie en résidence à La Kunsthalle Mulhouse.

« La main et les gestes sont au coeur de ma pratique, ils incarnent une humanité préservée face la mécanisation généralisée et à l’efficacité imposée actuellement.
Mes mains résistent à l’air du temps, aux modes et elles essaient de
relever le défi de réaliser des oeuvres difficiles à situer, ni anciennes,
ni vraiment nouvelles. Tout se répète comme dans un motif ! »

Véronique Arnold

Le lien qui unit les femmes au textile n’est pas seulement celui de la fabrication mais aussi d’une sensibilité, d’un quotidien, d’une apparence. Les femmes tissent, s’habillent et entretiennent le textile. à Mulhouse, il a pu les faire vivre, elles le chérissent mais il ne les a pas épargnées. Véronique Arnold a rencontré ces femmes pour les écouter parler d’elles. Entre confidences et rapports factuels, elles racontent leur féminité et leurs parcours en laissant entrevoir des choix personnels, des situations subies et surtout des organisations industrielles qui ont façonné leurs vies.

« Dans le cadre temporel de ce projet avec La Kunsthalle, j’ai eu la chance de recueillir la parole de vingt-trois femmes ayant travaillé ou travaillant dans des entreprises textiles. J’ai écouté ce qu’elles disaient et j’ai posé des questions. Mon écoute est tributaire, bien-sûr, de la somme de mes expériences, fantasmes, illusions, connaissances, analyses, etc. C’est un outil on ne peut plus subjectif. Le témoignage
de ces femmes est une parole absolument subjective elle aussi… »

Igor Grubic

L’histoire ne se résume pas à des faits et des monuments, elle est faite d’humanités et d’intimités. Dans son film « How Steel was Tempered », Igor Grubic


visite les ruines d’une usine à travers la relation d’un père et de son fils. L’un est la mémoire du lieu, l’autre en fait son terrain de jeu.
Dans ce même espace ils se côtoient, se perdent puis se retrouvent autour d’une esthétique de désolation et de gestes perdus. Au terme de leurs vagabondages, ils trouvent un rythme commun, une pulsation partagée qui témoigne une transmission de la mémoire et de la valeur du lieu.

Irina Botea Bucan et Jon Dean

À travers une recherche et une étude sur les Maisons de la Culture en Roumanie, Irina Botea Bucan et Jon Dean retracent une histoire du travail et des travailleurs dans l’industrie par le biais de leurs loisirs. Emanant de programmes politiques, ces institutions ont toujours servi à exercer un contrôle sur la population.

Elles ont par ailleurs fait l’objet de programmes
architecturaux qui les ont visiblement installées dans les paysages
urbains roumains. Aujourd’hui, elles sont toujours debout et sont des espaces dans lesquels il est tentant de faire émerger une nouvelle relation entre les hommes et la culture, basée sur une nouvelle organisation du travail, de la société, des pouvoirs politiques et économiques.

Tanja Boukal

L’entreprise DMC, fleuron textile mulhousien, est le témoin
majeur d’une époque industrielle. Elle est le reflet d’un temps
social et économique, elle abrite la mémoire de savoir-faire mais
aussi de traditions. En s’immergeant dans les archives de l’usine,
Tanja Boukal a revisité les lieux, les machines et les hommes qui
avec le temps avaient pris place sur le fil de l’oubli.

série European Spring (Printemps européen), déclinaison du mot
« peur » dans 25 langues européennes,

Par son travail d’artiste, elle les a réveillés, leur a réattribué une présence et à
l’occasion d’ateliers et de rencontres a partagé autant que possible son investigation avec qui souhaitait apporter ses souvenirs ou ses connaissances. L’époque récente a été témoin du passage de la main à la machine et le « dit » progrès industriel a incarné cette transition majeure.
En rapprochant le talent des uns et les capacités des autres, Tanja Boukal propose un terrain si ce n’est de réconciliation, au moins d’acceptation d’un déplacement des compétences.

Zhanna Kadyrova

Sur les sites d’usines abandonnées, Zhanna Kadyrova vient déshabiller les murs de leurs carrelages pour les façonner en de petites jupes ou robes. Les vêtements ainsi assemblés évoquent que, sur les lieux mêmes de leur provenance, du textile était fabriqué. De l’Ukraine à la France l’histoire des fabriques, de textile par exemple, n’est pas très différente et celle de ses
travailleurs non plus.

D’immenses bâtisses grouillant de main d’oeuvre et d’activités sont devenues des espaces vides et dégradés.
Faut-il les réinventer ou leur rendre hommage ? La question du devenir de ces espaces est posée à travers le geste de Zhanna Kadyrova.


Pratique

Journal de l’exposition

 La Kunsthalle, centre d’art contemporain,
16 rue de la Fonderie à Mulhouse

Agenda

Ouvert du mercredi au vendredi de 12 h à 18 h,
du samedi au mardi de 14 h à 18 h.
Fermé les jours fériés.

Visites guidées
les 20 et 27 septembre et 25 octobre à 16 h et sur rendez-vous (tél.03.69.77.66.47.)

 

Sommaire du mois de juillet 2020

Chez ta mère, la guinguette de Motoco
photo Antonio Piccarreta Talis

25 juillet 2020 : The Incredible World of Photography Collection Ruth et Peter Herzog
23 juillet 2020 : Friedrich Dürrenmatt. La satire dessinée
12 juillet 2020 : POP-UP artistes
03 juillet 2020 : BPM-Biennale de la Photographie de Mulhouse

Friedrich Dürrenmatt. La satire dessinée

Les noces de Cana

Jusqu’au 31 octobre 2020
Au Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration,
à Strasbourg

« Par rapport à mes œuvres littéraires, mes dessins ne sont pas un travail annexe, mais des champs de bataille, faits de traits et de couleurs »
écrivait en 1978 l’auteur suisse Friedrich Dürrenmatt (1921-1990).

Pourtant, même si ses pièces de théâtre comme Les Fous de Dieu
(1947), La Visite de la Vieille Dame (1955) et Les Physiciens (1962) ont été traduites en plus d’une quarantaine de langues, son œuvre graphique reste aujourd’hui largement méconnue. C’est pourquoi le Musée Tomi Ungerer-Centre international de l’Illustration propose de faire découvrir pour la première fois en France près de 100 dessins originaux de l’auteur, grâce aux prêts généreusement consentis par le Centre Dürrenmatt Neuchâtel et les collections privées suisses Liechti et Bloch.

Mythologie et bible

Inspirés par Goya et et Bosch l’univers dessiné de Friedrich Dürrenmatt et peuplé entre autres de figures issues de la bible et de la mythologie.
Il aime représenter des scènes terrifiantes comme celles de l’Apocalypse et des figures monstrueuses comme le Minotaure. Dans son répertoire iconographique une place est réservée aux Anges, ces intermédiaires entre le divin et l’humain, qu’il traite de manière humoristique et même satirique.

Tomi Ungerer, Babylone

Tomi Ungerer et Friedrich Dürrenmatt partageaient le même regard critique sur la société de leur époque. L’auteur suisse écrivit même une préface pour Babylon, un recueil de dessins satiriques de Tomi Ungerer publié en 1979 chez leur éditeur commun, Diogenes Verlag à Zurich.  Il qualifie ceux-ci de hyéroglyphes de la terreur. Tomi Ungerer illustre dans un style graphique qui évoque les lithographies de Daumier, les grands maux de notre société moderne, de la déshumanisation et de la surconsommation.

Satire sociale et politique

Il s’est montré un juge féroce de notre temps dans ses œuvres graphiques et littéraires. Tracés au stylo à bille ou à l’encre ses dessins sont mordants et spontanés. Il a illustré des sujets très divers allant des critiques littéraires à l’église, la dictature, la bombe atomique. Sa critique politique atteint un sommet dans Die Heimat im Plakat. Ein Buch für Schweizer Kinder (la patrie dans l’affiche, un livre pour les enfants suisses) où il se livre à une attaque violente de son propre pays.

Le Monde, un théâtre

L’œuvre graphique et picturale de FD « dessinateur dramaturgique » est intimement liée à son œuvre littéraire. S’il illustre rarement ses propres créations, en revanche, il donne à ses dessins une dimension tragique. Le collage qu’il expérimente en parallèle sur le plan littéraire avec le montage

(Portrait d’une planète) est l’une des techniques qui y contribue.
Ce n’est qu’à la fin des années soixante qu’il l’utilise avec des documents découpés associés à la gouache.

Les livres pour enfants

Mais cet ogre était aussi capable de tendresse comme en témoigne le livre, haut en couleurs et plein de fantaisie, qu’il avait dessiné dans les années 1950 pour ses trois enfants.

Un livre pour les enfants suisse est un recueil de dessins satiriques réalisés par FD, suite à l’épidémie de typhus qui a contaminé en 1963 la célèbre station de
Zermatt et que les autorités ont voulu dissimuler. L’artiste a choisi d’intituler le dessin qui montre un cadavre pendu par un cor de chasse qui est suspendu à un crochet de boucher, « Auf Hor steht Todesstrafe », littéralement « sur le cor est inscrit peine de mort » Il se livre à un jeu de mot à partir de « Horn » qui signifie cor de chasse. Le mot apparait aussi dans le nom de la montagne qui domine Zermatt, « Matterhorn » (le Cervin) et qui pourrait être déformé en « Marterhorn » (pic de la torture). Dürrenmatt joue ainsi sur les anti-thèses (santé-maladie, paradis-enfer) qui reflètent toute l’ambiguité de la situation de l’époque

Commissariat : Thérèse Willer, conservatrice en chef du Musée Tomi Ungerer
et avec le conseil scientifique de Peter André Bloch, professeur émérite à l’Université de Haute-Alsace

 INFORMATIONS PRATIQUES
Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’Illustration
2, avenue de la Marseillaise, Strasbourg
Ouvert tous les jours de 10h à 18h – sauf le mardi
Tél. +33 (0)3 68 98 50 00